sommaire
Présidence de M. Bernard Accoyer
1. Réunion du Parlement en Congrès
2. Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
M. François Fillon, Premier ministre.
MM. Bernard Frimat, Jean-Michel Baylet, Henri de Raincourt, Mme Marie-George Buffet, MM. Arnaud Montebourg, François Sauvadet, Michel Mercier, Guy Fischer, Jean-François Copé.
Adoption du projet de loi constitutionnelle.
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Accoyer
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures trente.)
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Réunion du Parlement en Congrès
M. le président. Le Parlement est réuni en Congrès, conformément au décret du Président de la République publié au Journal officiel du 18 juillet 2008.
Le bureau du Congrès a constaté que le règlement adopté par le Congrès du 20 décembre 1963 et modifié le 28 juin 1999 est applicable à la présente réunion.
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Projet de loi constitutionnelle de Modernisation des institutions de la ve république
M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Avant de donner la parole à M. le Premier ministre, j’indique que les délégations de vote pour le scrutin cesseront d’être enregistrées dans trente minutes, soit à seize heures.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, monsieur le président du Sénat, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mesdames et messieurs les parlementaires, je m'adresse à vous avec la conviction intime et déjà ancienne que nos institutions doivent être rénovées. Certes, l'organisation des pouvoirs ne dicte pas les pratiques politiques et les textes ne commandent pas les vertus humaines. Mais ils les inspirent et les guident.
Je crois à la nécessité d'un État agissant et respecté, tel qu'il est garanti par la Ve République. Mais cet objectif n'est pas, n'est plus, à mes yeux, dissociable d'un Parlement fort et influent, parce que l'équilibre des pouvoirs, qui aujourd'hui nous fait défaut, est à la source de l'efficacité politique et de la responsabilité démocratique.
Vous savez mieux que personne comment le temps a altéré l'exercice de vos droits. Vous savez comment l'élection du chef de l'État au suffrage universel, depuis 1962, puis l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral des législatives ont érodé les traits originels du parlementarisme rationalisé.
Évidemment, nous pouvions nous arranger de cette érosion. Rien n'obligeait le pouvoir exécutif, dans la position commode qui est la sienne, à proposer une révision dont les avancées bénéficieront d'abord au Parlement et aux citoyens. Pour tout dire, le Président de la République aurait pu se satisfaire d'une règle qui a profité à tous ses prédécesseurs. Mais voilà, nous avions pris l'engagement de rénover nos institutions et, aujourd'hui, nous tenons parole.
Pourquoi avons-nous choisi d'agir ? Parce qu'il existe un lien étroit entre la modernisation de la France et la rénovation des institutions. Parce que cette rénovation des pouvoirs aura une incidence positive sur la vie de nos concitoyens et sur leur façon de faire valoir leurs droits et d'exercer leur citoyenneté.
À cet égard, je ne souscris pas au jugement de ceux qui prétendent que la question institutionnelle relève d'un tropisme politique auquel les Français seraient étrangers. Étrangers, le sont-ils au regard de la qualité de la loi ? Le seront-ils vis-à-vis de leur possibilité de saisir le juge constitutionnel ? Le seront-ils vis-à-vis du référendum d'initiative populaire ou du défenseur des droits ?
Entre l'organisation de nos institutions et la vie de la nation, il existe un lien étroit. Pour insuffler dans notre pays une culture de la responsabilité, il faut, au sommet, responsabiliser les pouvoirs eux-mêmes ! Pour dégager des consensus autour des grands défis de notre temps, il faut pouvoir les bâtir ici ! Pour reformer et optimiser les politiques publiques, il faut renforcer les prérogatives de ceux qui sont précisément chargés de les voter et de les contrôler ! Pour revivifier la République, pour orchestrer sa pluralité et réaffirmer sa laïcité, il faut rehausser la voix de la représentation nationale !
Mesdames et messieurs les parlementaires, si vous n'incarnez pas la souveraineté nationale, qui l'incarnera à votre place ? Si vous n'équilibrez pas et n'éclairez pas le pouvoir exécutif, qui le fera ? Les sondages, la rue, les experts ?
La faiblesse du Parlement fait la force des slogans et des démagogues. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Est-il normal, est-il sain, que le cœur de notre démocratie ne batte pas davantage ici ? Je ne le crois pas.
Voilà pourquoi le Président de la République et le Gouvernement vous proposent de réviser nos institutions.
Évidemment, réunir les trois cinquièmes du Congrès est un défi, et la majorité ne dispose pas des moyens de le relever à elle seule.
M. Jean-Pierre Brard. Non !
M. le Premier ministre. La prudence aurait sans doute milité en faveur de l'esquive. Les voix n'ont d'ailleurs pas manqué pour conseiller au Président de la République comme à moi-même de temporiser, voire de renoncer. Mais ce défi, je le relève avec vous, dans l'espoir de voir le sens du mouvement et de l'intérêt général prendre le pas sur la frilosité et les logiques d'appareil.
Notre Constitution n'est ni de droite, ni de gauche, elle est notre loi fondamentale (Applaudissements sur de nombreux bancs), celle qui régit, par-delà les partis et les alternances, le fonctionnement de notre démocratie.
Aujourd'hui, vous êtes invités à décider pour la République et, pour cela, j'en appelle à un esprit de responsabilité et de cohésion nationale. Responsabilité parce que chaque voix comptera. Responsabilité, parce que votre vote dessinera le visage de notre démocratie pour plusieurs décennies, et ce visage n'est pas dissociable de celui de la France. Responsabilité, parce que si notre Constitution a connu vingt-quatre adaptations, les révisions importantes sont des procédures rares.
Il y eut celle de 1962 qui instaura l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Il y eut, en 1974, la saisine du Conseil constitutionnel par les députés et les sénateurs. Il y eut l'établissement du quinquennat en 2000. S'y ajoute – si vous en décidez ainsi ! – cette réforme qui est l'une des plus amples depuis 1958.
Certes, les projets et les tentatives pour moderniser nos institutions n’ont pas manqué, mais ils se brisèrent sur le mur des habitudes et des divisions. En 1973, Georges Pompidou échoua à instaurer le quinquennat, qui nous aurait pourtant permis d'éviter le cycle délétère des cohabitations à répétition. Vingt ans plus tard, François Mitterrand, après avoir sollicité l'avis du doyen Vedel, ne put aller au bout de sa tardive démarche.
Au regard de ces précédents, j'invite ceux qui hésitent à ne pas gâcher cette occasion et j'invite ceux qui sont hostiles à ce projet, au nom d'un hypothétique autre projet, à ne pas sous-estimer le rendez-vous d'aujourd'hui et à ne pas surestimer celui qu'il projette pour demain. Ne lâchez pas la proie pour l'ombre ! En quatorze années de pouvoir, l'auteur du Coup d'État permanent ne crut finalement ni opportun ni possible de passer aux actes. L'un de mes prédécesseurs, Lionel Jospin, a parfaitement résumé l'équation en constatant : « On a plus tendance à vouloir réformer les institutions quand les autres les font vivre que lorsqu'on est soi-même au pouvoir. »
À l’évidence, il est plus commode de disserter sur nos institutions que d'agir. Il est plus facile de promettre que d'accomplir. Aujourd'hui, nous voulons démentir cette impuissance. Notre rendez-vous est donc exceptionnel et nul ne doit en relativiser les conséquences.
Ceux qui voteront pour cette réforme le feront pour l'histoire. Ceux qui s'y opposeront le feront aussi pour l'histoire. Et l'histoire, qui va toujours à l'essentiel, ne retiendra qu'une chose : soit ce 21 juillet marquera un renforcement des pouvoirs du Parlement et des citoyens, soit cette date consacrera le statu quo et cela pour longtemps ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Soit le renouveau, soit le statu quo : voilà l'alternative et tout le reste n'est que littérature.
Le choix du statu quo n'est pas indigne. Il ne l'est pas s'il est clairement assumé. Il ne l'est pas si l'on estime de bonne foi que notre Constitution ne mérite aucune retouche.
Mais le statu quo est coupable dès lors qu'il s'appuie sur des supposées prétentions réformistes. On ne peut pas regretter le déséquilibre institutionnel actuel et voter « non » à une réforme qui tend à le corriger.
M. Guy Teissier. Très bien !
M. le Premier ministre. On ne peut pas, d'un côté, dénoncer la prétendue « hyperprésidence » et, de l'autre côté, repousser cette réforme qui tempère les pouvoirs de l'exécutif en renforçant ceux du législatif ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.) On ne peut pas, tout à la fois, rejeter cette réforme au prétexte qu'elle ne va pas assez loin et faire mine de regretter le sur-place. En la matière, la surenchère n'est rien d'autre que le paravent de l'immobilisme !
Pour être adoptée, cette réforme a besoin de réunir une majorité d'hommes et de femmes qui, l'espace d'un instant, se rassemblent autour d'un projet dont le succès pourra être revendiqué par chacun et dont la réalisation sera l'œuvre de tous, dans le seul intérêt de la nation.
Sommes-nous capables de nous libérer des logiques de l'affrontement pour aller ensemble de l'avant ? Sommes-nous capables de ce sursaut commun ou sommes-nous condamnés à rejouer la sempiternelle guerre de tranchées ?
Par le passé, nous avons déjà fait la démonstration de notre capacité à avancer d'un même pas. Ce fut le cas, en 2007, pour l'inscription dans la Constitution de l’interdiction de la peine de mort. Pour le mandat d'arrêt européen, en 2003. Pour le quinquennat, en 2000. Pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour la Cour pénale internationale, en 1999. Pour la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et la création de la Cour de justice de la République, en juillet 1993.
A contrario, d'autres exemples invitent à ne pas se tromper de combat. En 1958 et 1962, plusieurs partis appelèrent au rejet de la Ve République, puis à l'une de ses clés de voûte, c'est-à-dire l'élection du Président au suffrage universel. En 1974, la gauche d'alors se levait comme un seul homme pour combattre la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs. Cette clause, qui constitue désormais l'une des garanties les plus fortes de notre démocratie, qui, parmi vous, la regrette ? Et en 1995, le parti socialiste s'opposait à la loi constitutionnelle du 4 août qui prévoyait, notamment, l'élargissement du champ du référendum aux questions économiques et sociales. Qui aujourd'hui s'y opposerait ?
C'est ainsi : les divisions d'un jour font souvent les consensus du lendemain. Alors, mesdames et messieurs les parlementaires, tentons, ici même, d'avoir raison maintenant et ensemble !
Depuis le discours prononcé à Épinal par le Président de la République, le 12 juillet 2007, nous nous efforçons de bâtir autour de la question institutionnelle un consensus,
L'ancien Premier ministre, Édouard Balladur, auquel je tiens à rendre hommage, a tenu dans cette démarche un rôle décisif. Son comité était composé d'experts et de personnalités aux sensibilités variées, adverses même. Nous nous sommes largement inspirés de ses recommandations.
À la demande du Président de la République, j'ai reçu tous les responsables politiques. Tous m'ont dit leur souci de voir le rôle du Parlement revalorisé. Tout au long des débats, le Gouvernement, par la voix de Rachida Dati et de Roger Karoutchi, s'est, par ailleurs, montré ouvert à la discussion et aux amendements.
M. Jean-Pierre Brard. Comme une huître !
M. le Premier ministre. Ce sont 271 amendements qui ont été adoptés, près d'une cinquantaine émanant de l'opposition, dont celui sur le référendum d'initiative populaire, celui sur les commissions d'enquête et celui sur la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne en cas de non-respect du principe de subsidiarité.
La cohérence voudrait que cet esprit constructif se manifeste jusqu'au bout, car on ne peut pas, d'une main, enrichir le contenu d'un texte et, de l'autre, voter contre sa mise en œuvre.
Jusqu'à ces derniers jours, le Président de la République lui-même s'est montré à l'écoute des craintes éventuelles et ouvert à des évolutions. C'est notamment le cas sur le temps de parole du Président de la République.
Sur ce sujet, j'invite l'opposition à la réflexion. Le chef de l'État n'est pas un responsable politique tout à fait comme les autres. Au cours des septennats de François Mitterrand, nul d'entre nous n'a jamais dénoncé ce statut singulier qui s'attache à la fonction présidentielle. Le CSA, qui est saisi de cette question du temps de parole, formulera ses propositions. Et Nicolas Sarkozy a pris l'engagement que des garanties seraient apportées pour que l'opposition puisse répondre chaque fois qu'il s'exprimera sur des sujets qui relèvent de la politique française.
Le sens du compromis n'a cessé de guider notre démarche. Nous en avons collectivement fait preuve au cours de nos débats, ce dont je veux remercier la majorité, et vos deux rapporteurs, Jean-Luc Warsmann et Jean-Jacques Hyest.
Ce fut notamment le cas pour la rédaction de l'article 88-5 qui prévoyait un référendum automatique pour les nouvelles adhésions à l'Union européenne, au-delà d'un certain seuil de population. Pour les uns, cette clause était vexatoire vis-à-vis de certains grands États qui aspirent à rejoindre l'Union, la Turquie au premier chef. Pour d'autres, elle était une remise en cause du pouvoir d'appréciation du Président de la République, qui doit pouvoir choisir entre la voie du Congrès et celle du référendum. Pour d'autres encore, le référendum automatique n'était pas négociable.
Nous avons trouvé ensemble un accord qui respecte les convictions de chacun. Pour tout élargissement, la voie du référendum restera la règle, sauf exception dont vous serez les seuls initiateurs. L'Assemblée nationale et le Sénat pourront ainsi proposer au Président, chacune à la majorité des trois cinquièmes, de ratifier un traité d'élargissement par un vote au Congrès.
Sur d'autres sujets, le compromis était, à l'évidence, aujourd'hui impossible : c'est le cas sur les modes de scrutin ou sur le vote des étrangers.
Chercher et vouloir le compromis : la tâche, j'en conviens, n'est pas simple. Sur la question institutionnelle, chacun d'entre nous à ses opinions, ses préférences, ses priorités. Mais voilà, il n'y a qu'une Constitution et celle-ci ne peut être la somme de toutes nos exigences. Personne ne peut nous reprocher de ne pas avoir cherché à rassembler ! Et nul ne peut suspecter la réalité et la densité du compromis que nous avons bâti !
Et ce compromis, mesdames et messieurs, il repose sur un choix clair : celui de nous inscrire dans la Ve République.
Le Directoire, le Consulat, l’Empire, la Restauration... Depuis 1789, quinze régimes se sont succédé dans une démonstration presque permanente de fébrilité politique. La Ve République a rompu avec cette détestable tradition française. Elle a confirmé la prescience du général de Gaulle, qui faisait de notre stabilité politique le cadre du développement économique et social de notre pays. Il s’agit là d’un héritage inestimable. Dans ce XXIe siècle qui s’annonce difficile, traversé par des défis considérables, la France a besoin d’être dirigée et non ballottée au gré des humeurs du jour.
La logique de la stabilité et de l’efficacité est excellente. Elle est actuelle. Nous ne renonçons à aucun des principes qui la conditionnent.
Ce projet ne modifie pas les articles 5, 20 et 21 de notre Constitution. Il respecte la définition d’un domaine de la loi, la possibilité d’avoir recours au vote bloqué, la maîtrise de la procédure pour les lois de finances, l’encadrement strict de la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement et, naturellement, le droit de dissolution en cas de grave blocage. Pour tout dire, le pouvoir exécutif conserve le pouvoir d’agir !
Nous restons dans la Ve République, mais nous la rénovons. Et cette rénovation renforce sa pérennité plus qu’elle ne la menace. Car la menace – si menace il devait y avoir –, elle est dans le déséquilibre actuel des pouvoirs et le déficit démocratique qu’il induit, elle n’est pas dans ce projet.
Mesdames et messieurs les parlementaires, nous sommes nombreux ici à afficher pour le général de Gaulle une admiration et une estime immenses.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très juste !
M. le Premier ministre. Ces sentiments nous portent à la fidélité mais aussi au mouvement. Au mouvement parce que la Constitution de 1958 n’est pas un texte intouchable. Le Général lui-même y apporta des retouches à trois reprises. Quant à son initiative de 1969, elle n’aurait eu d’autre conséquence que de mettre un terme au bicaméralisme. Ceci pour dire que la question institutionnelle ne fut et n’a jamais été figée !
Du reste, à quel texte songent ceux qui suggèrent de sanctuariser notre Constitution ? À celui de 1958, à celui de 1962, à celui de 2000 ? Un texte a été promulgué il y a un demi-siècle. Mais, en réalité, nous le savons bien, nous en pratiquons un autre aujourd’hui.
Je l’ai indiqué, la force de la légitimité politique du Président, issue du suffrage universel, et l’« effet de souffle » induit par l’inversion du calendrier électoral, ont privé le Parlement d’une partie des pouvoirs dont il était doté et, ce faisant, ont asséché l’une des sources de notre démocratie. C’est cette lacune que nous vous proposons de corriger.
Les quarante-sept articles modifiés ou créés par ce projet de révision constitutionnelle vont tous dans le même sens : plus de pouvoirs au Parlement et plus de droits pour les citoyens. Je défie quiconque de trouver dans un seul de ces articles un recul pour les libertés ! Tous convergent pour élargir les champs de notre démocratie et mieux équilibrer les pouvoirs.
Après plusieurs semaines de débat, l’heure du choix approche, et chacun, en conscience, va devoir répondre à des questions simples.
Souhaitez-vous la maîtrise de la moitié de l’ordre du jour de vos assemblées ? Voulez-vous augmenter le nombre de vos commissions permanentes ? (« Oui ! » sur quelques bancs.)
Jugez-vous utile d’autoriser la prolongation des interventions militaires au-delà de quatre mois ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs.)
Voulez-vous débattre en séance publique sur la base du texte issu de vos commissions ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs.)
M. Jean-Pierre Brard. Amen !
M. le Premier ministre. Estimez-vous raisonnable d’encadrer l’usage du 49-3 ? (« Oui ! »)
M. Jean-Pierre Brard. Amen !
M. le Premier ministre. Voulez-vous être associés au pouvoir de nomination de l’exécutif ? (« Oui ! »)
Souhaitez-vous disposer de la possibilité d’adopter des résolutions ? (« Oui ! »)
M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont pas les vêpres, monsieur le Premier ministre !
M. le Premier ministre. Voulez-vous activement contribuer à la qualité de la loi à travers les études d’impact, des délais minima d’examen et l’encadrement de la procédure d’urgence ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs. – « Non ! » sur quelques bancs.)
Voulez-vous affirmer vos fonctions de contrôle et d’évaluation des politiques publiques ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs. – Quelques applaudissements. – Quelques exclamations.)
Voulez-vous élargir les droits de l’opposition en lui ouvrant une part de l’ordre du jour et en vous saisissant des propositions concrètes du président Accoyer ? (« Oui ! » et applaudissements sur de nombreux bancs. – « Olé ! » sur de nombreux autres bancs.)
M. Benoist Apparu. On hésite ! (Sourires.)
M. le Premier ministre. J’arrête ici la liste des dispositions nouvelles qui donneront au Parlement un véritable poids démocratique. Mais, mesdames et messieurs les parlementaires, la réforme ne s’arrête pas aux portes du Parlement ! Nos concitoyens, eux aussi, sont invités à se saisir de nouveaux droits.
Êtes-vous favorables à la faculté qui sera donnée aux Français de saisir le juge constitutionnel, comme cela existe dans toutes les démocraties modernes ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs.)
Voulez-vous le référendum d’initiative populaire ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs.)
Êtes-vous pour l’institution d’un défenseur des droits ? (« Oui ! »)
Souhaitez-vous permettre aux justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature ? (« Oui ! »)
Voulez-vous renforcer le droit à la parité dans le champ professionnel et social ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs. – Exclamations sur plusieurs autres bancs.)
Certains parmi vous n’estiment-ils pas qu’il est juste d’offrir à nos langues régionales une plus large reconnaissance ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs.)
Voulez-vous affirmer les principes de liberté et d’indépendance des médias ? (Rires puis huées sur de nombreux bancs. – Applaudissements sur de nombreux autres bancs.) Voulez-vous conforter celui du pluralisme ? (Mêmes mouvements.)
Voilà, mesdames et messieurs les parlementaires, les questions qu’il vous faut trancher. Personne ne peut nier qu’il y a, derrière chacune d’entre elles, des avancées considérables pour notre démocratie.
M. Jean-Pierre Brard. C’est une parodie de Premier ministre !
M. le Premier ministre. L’opposition fait mine de ne pas voir ces avancées, et va même jusqu’à jurer que cette réforme est destinée à amplifier les pouvoirs du Président de la République. (« Oui ! » sur de nombreux bancs.) Cela n’est pas sérieux et, d’ailleurs, mesdames et messieurs les parlementaires de l’opposition, les Français ne s’y trompent pas ! (Exclamations sur plusieurs bancs.)
Le combat politique n’exige pas de tronquer les faits. On ne peut accuser le Président de la République de vouloir le contraire de ce qu’il propose ! (« Si ! » sur quelques bancs.) Il vous propose, par ce projet, de limiter à deux le nombre de ses mandats.
M. Jean-Pierre Brard. Ici, un seul suffit !
M. le Premier ministre. De limiter ses prérogatives en matière de nomination. Il suggère des garanties nouvelles en cas de mise en œuvre de l’article 16. Une limitation du droit de grâce. Il propose de ne plus présider le Conseil supérieur de la magistrature.
Quant au droit de message devant le Parlement,…
M. Jean-Pierre Brard. Le discours du trône !
M. le Premier ministre. …qui peut sérieusement l’assimiler à je ne sais quel « coup de force » ?
M. Jean-Pierre Brard. C’est le 18-Brumaire !
M. le Premier ministre. Ce droit de message est encadré, ainsi que vous l’avez voulu par vos amendements. Il interviendra dans le cadre de moments solennels et sera réservé au Parlement réuni en Congrès. Il se substituera à une règle de 1873, dont le caractère désuet n’échappe à personne.
M. Jean-Pierre Brard. C’est Napoléon !
M. le Premier ministre. Il contribuera à hausser le prestige du Parlement plutôt que celui des plateaux de télévision. (Applaudissements sur de nombreux bancs. – Rires et exclamations sur de nombreux autres bancs.) Laurent Fabius s’était d’ailleurs montré favorable à cette procédure dès lors qu’elle était ordonnée, ce qui est le cas ici.
Le 22 mai dernier, dans une tribune libre et courageuse (« Ah ! sur quelques bancs), dix-sept députés socialistes écrivaient : « Rien dans cette réforme ne donne des pouvoirs nouveaux au Président de la République, si ce n’est la possibilité toute symbolique de se rendre devant le Congrès. » Voilà la réalité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Alors, peut-on, pour une fois, pour une journée, échapper à la thèse du « coup d’État permanent » ? Peut-on espérer que les enjeux de ce Congrès ne soient pas occultés par ceux d’un autre congrès ? (Applaudissements sur de nombreux bancs. – « Le congrès du MEDEF ? » sur quelques bancs.) Peut-on, tout simplement, être cohérent et constructif ?
En 1981, François Mitterrand proposait de limiter le nombre de mandats présidentiels. En 1988, François Mitterrand proposait le référendum d’initiative populaire. En novembre 1992, il marquait son intention de limiter l’application de l’article 49-3, d’élargir le nombre des commissions permanentes, de permettre aux citoyens de saisir le Conseil constitutionnel. En 1996, le parti socialiste suggérait la création d’un défenseur des droits. En 1997, enfin, Lionel Jospin proposait d’instaurer un statut pour l’opposition.
La cohérence porte à être constructif, et l’intransigeance porte à l’impuissance. Ceux qui prétendent que ce texte n’est pas parfait en tous points se réfugient, en réalité, sur des sommets qui les condamnent à l’inaction. Quant à ceux qui affirment qu’il ne va pas assez loin, ils n’avaient qu’à agir lorsqu’ils en avaient l’opportunité ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)
Mesdames et messieurs les parlementaires, cette réforme sera à la source d’une profonde mutation politique. Vous aurez plus de droits ; mais qui dit plus de droits dit aussi plus de devoirs. Si le fonctionnement de l’exécutif devra changer pour être davantage à votre écoute, votre fonctionnement s’en trouvera, lui aussi, modifié.
Dans le partage de l’ordre du jour, dans l’élaboration et l’évaluation de la loi, dans la gestion de l’État, dans les nominations, dans la mise en œuvre de la politique étrangère et de défense, le Gouvernement devra vous rendre davantage de comptes, et vous devrez, a fortiori, en rendre davantage à nos concitoyens. Le regard qu’ils porteront sur vous sera sans doute plus exigeant. Celui que vous porterez sur le Gouvernement le sera aussi, et c’est ainsi que la responsabilité, l’efficacité et la confiance seront confortées. Ainsi, par là même, c’est la République qui se grandira.
Mesdames et messieurs les parlementaires, ce projet est entre vos mains. Chacun, en conscience, va se prononcer. À ceux de mes amis qui craignent les évolutions proposées, je demande : « Êtes-vous sûrs que la situation actuelle soit tellement favorable au fonctionnement de notre démocratie qu’il n’y faille rien changer ? » Et à ceux qui, à gauche, rêvent d’une autre réforme, je demande : « Êtes-vous sûrs de vouloir refuser un progrès au nom d’un autre projet, pour l’heure improbable ? »
Tous les votes seront respectables. Cependant, ceux qui diront « non » aux droits nouveaux accordés au Parlement et aux citoyens devront s’en expliquer devant les Français. Ceux qui le feront au nom du statu quo devront expliquer pourquoi ils ont si peu confiance en l’élargissement de notre démocratie. Et ceux qui le feront au nom du changement devront expliquer pourquoi ils n’ont pas saisi l’opportunité de tendre vers leur idéal. Les yeux dans les yeux, ils devront expliquer aux Français les raisons pour lesquelles ils leur ont refusé des droits nouveaux. (Exclamations sur plusieurs bancs.)
Mme Martine Billard. Facile !
M. le Premier ministre. Mesdames et messieurs les parlementaires, les assemblées qui furent saisies d’une révision constitutionnelle aussi large et aussi profonde sont rares. Vous faites partie de celles-là. Votre choix dessinera le visage de notre démocratie. Il enrichira les contours de notre loi fondamentale, elle qui protège nos libertés, arbitre nos différences et rassemble la nation.
La France a la force de croire que ce qui la concerne, concerne tous les peuples. Et au cœur de cette vocation universelle, il y a notre démocratie et notre République. Eh bien, vous allez décider pour la démocratie et vous allez décider pour la République ! (De très nombreux parlementaires se lèvent et applaudissent longuement M. le Premier ministre.)
Explications de vote
M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits pour les explications de vote au nom des groupes de chacune des assemblées.
Je rappelle que chaque orateur dispose de dix minutes.
Le premier orateur inscrit, dont le nom a été tiré au sort, est M. Bernard Frimat, pour le groupe socialiste du Sénat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, il faut attacher à un article de presse la même valeur juridique qu’à un article de la Constitution. C’est à cette étonnante affirmation que l’on nous demande de croire, monsieur le Premier ministre, depuis la parution, dans le journal Le Monde, des propos du Président de la République. Le Président a parlé : inclinez-vous devant ces nouvelles tables de la loi élyséenne ! Réjouissez-vous de ces promesses ultimes faites en réponse à un appel dérisoire et pathétique !
Quelle inconvenance a donc été la nôtre de présenter, au même moment, au vote du Sénat, des amendements correspondant à certaines des déclarations présidentielles ! Nous n’avions rien compris. Il fallait adopter sans en changer une virgule le projet de révision voté par l’Assemblée nationale mais, dans le même temps, nous féliciter de lire des engagements différents gravés dans un marbre un peu tendre : le papier journal.
Les sénateurs UMP refusaient un amendement reprenant la proposition du comité Balladur favorable à une évolution du collège électoral sénatorial, et nous étions invités à nous satisfaire de la très modeste proposition de loi du sénateur de Raincourt, texte dont on nous annonçait, après dix ans de sommeil, la possible exhumation. De qui se moque-t-on ? Du Parlement, sans aucun doute ! C’est une curieuse manière de revaloriser les travaux parlementaires que d’attendre l’achèvement du débat pour promettre ce que, par ailleurs, l’on refuse d’inscrire dans la Constitution.
Laissons donc de côté ce qui n’est qu’une opération de communication montée selon le procédé bien connu du teasing – d’abord l’expression du désir, ensuite la réponse tant attendue, enfin le remerciement enthousiaste – pour en venir aux nombreuses raisons, monsieur le Premier ministre, qui conduisent les sénateurs socialistes à voter contre votre projet de révision constitutionnelle.
Nous sommes opposés à tout renforcement des pouvoirs du Président de la République.
M. Jérôme Bignon. Des pouvoirs du Parlement, oui !
M. Bernard Frimat. Ils sont suffisamment étendus, d’autant plus que, dans sa pratique, le Président n’hésite jamais à s’en arroger de nouveaux que ni la Constitution ni la loi ne lui accordent.
Le droit de s’adresser au Congrès participe de l’« omniprésidence ». Il réduit à un simple exercice formel la déclaration de politique générale du Premier ministre. J’ai l’intime conviction que cette prise de parole devant un Congrès muet est la raison essentielle pour laquelle cette révision a été engagée. Dans le lieu le plus illustre de la monarchie, nous verrons peut-être, selon les termes de Robert Badinter, « la monocratie triomphante en majesté à Versailles ». (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Le retour automatique des ministres dans leur assemblée d’origine accentue la responsabilité directe des ministres devant le Président. Il pourra ainsi les nommer et les congédier à sa guise, sans craindre une sanction électorale. L’application immédiate de cette mesure aux ministres en exercice peut certes les rassurer par rapport au remaniement annoncé, mais l’octroi de ce privilège rétroactif n’en reste pas moins choquant par le sort qu’il réserve aux parlementaires qui les ont suppléés, lesquels passeraient ainsi du statut de parlementaires de plein exercice à celui d’intérimaires.
L’encadrement du pouvoir de nomination du Président est souvent présenté comme une avancée significative. Il est pourtant plus virtuel que réel. En effet, donner au Parlement le droit de s’opposer à une nomination à la majorité des trois cinquièmes, c’est fixer le seuil d’approbation aux deux cinquièmes. Quel exploit pour le Président qui dispose de la majorité de recueillir l’assentiment de 40 % des parlementaires ! Nous sommes donc en présence d’un droit formel, d’un leurre. Ce faux-semblant ne contribue pas à favoriser une démocratie respectueuse du pluralisme d’opinion.
La modernisation des institutions implique, pour le moins, que soit respecté le principe le plus élémentaire de la démocratie : l’expression du suffrage universel détermine la majorité d’une assemblée parlementaire. Ce n’est pas le cas du Sénat. Le comité Balladur avait reconnu la nécessité de supprimer le verrou constitutionnel qui interdit toute évolution du collège électoral sénatorial. Le Gouvernement, dans son projet initial, affirmait sa volonté de surmonter ce blocage. Il admettait qu’une prise en compte de la population était indispensable. Toutes ces bonnes intentions gouvernementales se sont envolées. Toute référence à la population a disparu. Le Gouvernement a cédé aux injonctions des sénateurs UMP. Ceux-ci conserveront leur mode d’élection si confortable et leur pouvoir de bloquer toute révision qui tenterait de mettre fin à cette anomalie.
Peu importe que les citoyens accordent par le suffrage direct une large majorité aux formations politiques de gauche dans toutes les catégories de collectivités territoriales : le Sénat, qui est censé en assurer la représentation, doit rester inexorablement à droite ! Il faut beaucoup d’aveuglement pour reconnaître dans ce paysage institutionnel l’image d’une démocratie irréprochable.
Revaloriser le Parlement, monsieur le Premier Ministre, ne consiste pas à augmenter, comme vous le proposez, les pouvoirs de la majorité, mais à garantir par la Constitution les droits de l’opposition, le pluralisme de la représentation et le droit d’amendement.
Les droits de l’opposition ne sont pas inscrits dans la Constitution, mais renvoyés, ou plutôt relégués au règlement de chaque assemblée. Ils dépendront donc exclusivement du bon plaisir de la majorité, qui seule décidera des concessions qu’elle daignera octroyer.
Même la journée mensuelle réservée, dans le projet initial, à l’opposition n’a pas survécu dans son intégralité. C’était sans doute trop pour vous. Ce temps sera partagé avec les groupes minoritaires. La réalité du nouveau pouvoir de fixer l’ordre du jour, un des fleurons de votre révision, se déclinerait donc ainsi : tout pour le Gouvernement et l’UMP, sauf un jour, à partager entre tous les autres groupes politiques. Quelle curieuse façon de respecter le pluralisme !
Le pluralisme, parlons-en. Vous acceptez avec difficulté d’en faire figurer le principe dans votre texte, mais vous vous opposez à sa réalisation. Or le seul moyen de garantir la représentation du pluralisme, c’est d’inscrire dans la Constitution l’obligation d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale. Vous avez rejeté tous les amendements qui le proposaient, quels qu’en soient leurs auteurs, refusant ainsi de conjuguer nécessité d’une majorité et respect de la diversité politique. La revalorisation du Parlement exige pourtant l’amélioration de sa représentativité.
Le droit d’amendement, aujourd’hui garanti par la Constitution, fait l’objet d’une très grave mise en cause puisque les conditions de son exercice seront fixées par le règlement des assemblées. Quelles garanties pour l’opposition ? Aucune. Rien, dans votre projet, n’assure à un parlementaire qu’il conservera le droit d’amendement en séance publique. Quel paradoxe de prétendre revaloriser le Parlement et de faire dépendre l’exercice d’un droit qui devrait être intangible, là encore, du bon plaisir de la majorité de chaque assemblée !
Quelle qu’en soit l’issue, monsieur le Premier ministre, ce Congrès sera celui des occasions gâchées.
Occasion gâchée que d’avoir, une nouvelle fois, refusé d’accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers installés dans notre pays depuis plusieurs années. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Occasion gâchée que d’avoir refusé de garantir, dans les médias, l’expression pluraliste et équitable des différentes opinions politiques face à la présence lancinante du Président.
Occasion gâchée, enfin, que d’avoir refusé le dialogue constructif avec toute l’opposition, pour privilégier un monologue interne à l’UMP et la quête inlassable, par tous les moyens dont le pouvoir dispose, des voix qui vous sont nécessaires.
Débauchage, découpage et marchandage n’étaient pas la bonne stratégie pour recueillir l’adhésion, du moins la nôtre.
Vous avez délibérément recherché la victoire d’un camp sur ceux que le Président a récemment qualifiés d’ennemis.
Là où nous attendions des progrès pour la démocratie, vous nous proposez le renforcement de la monocratie.
En conséquence, les sénateurs socialistes rejetteront votre révision. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, en 1958, ils n’étaient pas nombreux, les dirigeants de la gauche non communiste qui s’opposaient à l’adoption de la Constitution de la Ve République. Ils s’appelaient Pierre Mendès-France, Jean Baylet – eh oui ! –, Maurice Bourgès-Maunoury, ou encore François Mitterrand.
Ils refusaient, de façon courageuse et isolée, la nouvelle loi fondamentale car ils la regardaient, non seulement comme une ratification du 13-Mai, mais comme sa consolidation, par le déséquilibre patent des pouvoirs au profit de l’exécutif.
M. Jean-Pierre Brard. Cela reste vrai !
M. Jean-Michel Baylet. François Mitterrand allait même jusqu’à condamner « le coup d’État permanent » opéré par la Constitution de 1958 et par sa pratique.
M. Jean-Pierre Brard. Quelle lucidité !
M. Jean-Michel Baylet. Les principales réformes constitutionnelles intervenues depuis 1958, celle de 1962 sur l’élection du Président de la République au suffrage universel, celle de 2000 sur le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, ont encore renforcé ce déséquilibre et ont produit ses conséquences les plus visibles, à savoir la permanence du fait majoritaire et l’effacement progressif du Premier ministre.
Pour leur part, les radicaux n’ont pas changé de position. (Murmures sur divers bancs.) Nos aînés étaient hostiles à la Constitution de 1958 et nous y restons opposés.
Nous avons milité, depuis, pour l’avènement d’une VIe République, dont la Constitution garantirait la stricte séparation des pouvoirs, de même que l’épanouissement des libertés individuelles, dans le respect des principes de justice, de solidarité et de laïcité.
Pour ce faire, les députés et les sénateurs radicaux de gauche ont même déposé, lors de la précédente législature, une proposition de loi constitutionnelle visant à l’instauration de cette « République moderne » au Parlement libéré et aux citoyens replacés au cœur de l’action publique.
Nous avions déduit les conséquences logiques de la situation actuelle, qu’on pourrait résumer ainsi : tous les inconvénients de la présidentialisation sans les avantages du régime présidentiel. Nous proposions donc la suppression de la fonction de Premier ministre et l’abolition symétrique du droit de censure et du droit de dissolution.
En conséquence, les radicaux n’ont pas dissimulé leur déception lors de la présentation du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République : nous sommes encore loin de la réforme en profondeur que nous appelons de nos vœux.
Ils n’ont toutefois pas caché non plus leur intérêt pour ce texte (Rires et exclamations et sur plusieurs bancs) : dans ses dispositions essentielles, il propose des améliorations que nous réclamions – et vous aussi, d’ailleurs – depuis bien longtemps.
M. Christian Bataille. Tartuffe !
M. Jean-Michel Baylet. Tout en défendant leurs propres amendements – de même que le RDSE au nom duquel je m’exprime aujourd’hui –, les radicaux de gauche ont participé, de manière loyale, constructive et pragmatique aux travaux des deux assemblées sur cette réforme. Et ils ont exprimé cet intérêt lors de chacun des votes, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, en précisant que leur abstention était une position ouverte et attentive.
Nous voici aujourd’hui à l’heure du bilan de ce travail. Et, je le dis sans plus d’ambages, les radicaux de gauche, dans leur grande majorité – ainsi que les autres membres du RDSE –, vont approuver la réforme qui nous est proposée. (Applaudissements sur de nombreux bancs. – « Quel courage ! » et exclamations sur de nombreux autres bancs.)
Et puisque la polémique s’est installée, sans trop de spontanéité, d’ailleurs, autour de notre position, je veux dire ici, dans la solennité du Congrès, en pesant chacun de mes mots, mais avec la plus grande fermeté, que nul n’est autorisé, si ce n’est nos électeurs, à juger le choix des radicaux, un choix dicté par nos convictions, un choix libre, opéré en conscience et à mille lieues des spéculations que certains ont cru pouvoir nous prêter. (Applaudissements sur de nombreux bancs. – Exclamations sur de nombreux autres bancs.)
Je n’ai donc pas, mes chers collègues, à justifier la position prise par les radicaux. Je veux cependant l’expliquer, en fonction des valeurs constitutives du radicalisme.
D’abord, nous sommes républicains. Et nous regardons comme un progrès tout ce qui rééquilibre les institutions au profit des citoyens et de leurs représentants. Il en va ainsi du respect du pluralisme politique, du droit d’initiative législative des citoyens, du droit de réponse de l’opposition au Président de la République, des nombreuses améliorations du travail parlementaire, qu’il s’agisse de la procédure législative ou des pouvoirs de contrôle et d’investigation des deux assemblées.
Bien loin de nous satisfaire totalement, ces différentes avancées contribuent indiscutablement à une plus large respiration de notre démocratie.
M. Christian Bataille. Quel souffle !
M. Jean-Michel Baylet. Ensuite, les radicaux ont la raison pour méthode. Et il nous semble que la raison ne trouve pas son compte si l’on voit des formations politiques voter contre des réformes qu’elles ont toujours demandées (Applaudissements sur quelques bancs) ou si l’on voit, tout à l’heure, un Parlement refuser l’extension de ses prérogatives.
J’entends les motifs qui sont avancés pour des choix aussi paradoxaux et je connais ceux qui ne sont pas exprimés : on a voulu transformer une réflexion nationale en une action partisane. Quoi qu’il en soit des motifs des uns et des autres, je dis, en résumé, qu’on peut avoir de bonnes raisons et n’avoir pas raison.
Les radicaux ont aussi une vision pragmatique de l’action politique.
M. Jean-Jacques Candelier. Oui ! Des cadeaux à Nanard !
M. Jean-Michel Baylet. Ils savent que le mieux est souvent l’ennemi du bien, et que l’on ne peut rêver d’idéal et d’absolu sans composer avec la réalité. Je l’ai déjà dit, nous regrettons – oui, nous regrettons – que la réforme ne soit pas allée plus loin, en particulier vers une concrétisation effective du pluralisme politique dans les modes de scrutin et dans la redéfinition du corps électoral du Sénat. Mais si nous allions, au nom de ces regrets, refuser ce que nous approuvons par ailleurs, nous aurions tous perdu sur les deux tableaux.
Enfin et surtout, mes chers collègues, les radicaux de gauche sont laïques. La laïcité n’est pas, comme ses adversaires voudraient la caricaturer, une pensée de combat anti-religieux. C’est bien plus et c’est bien mieux. La laïcité, c’est l’exigence d’un rempart de neutralité qui garantit la liberté des choix de conscience, la liberté d’entreprendre ou la liberté d’opinion.
M. Christian Bataille. Tartuffe !
M. Jean-Michel Baylet. Voilà pourquoi notre République laïque affirme le rôle fondamental des partis politiques tout en proscrivant les mandats de vote impératifs. La discipline de vote qu’on souhaiterait, à droite comme à gauche, imposer dans ce débat n’est pas l’interdiction de penser. Et nous pensons que, sur un sujet aussi capital que les institutions, nous devons dépasser les clivages partisans traditionnels et nous laisser guider par la seule préoccupation du bien public. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Pour autant, nous n’estimons pas que ces clivages soient désuets ou inutiles. Les radicaux de gauche sont dans l’opposition et ils s’y tiennent fermement. (Exclamations sur quelques bancs.) Vous avez pu, monsieur le Premier ministre, comme plusieurs membres du Gouvernement, éprouver cette fermeté dans le débat depuis plus d’un an : les radicaux de gauche s’opposent sans réserve à votre politique, et notamment à ses effets sociaux. Ils ne seront pas moins déterminés demain qu’hier, soyez en assuré.
Mais pour aujourd’hui, nous avons à nous prononcer sur un sujet qui dépasse l’opposition habituelle entre la droite et la gauche. Voulons-nous, oui ou non, faire un pas significatif dans le sens de la modernisation et de la démocratisation de notre Constitution ? Pour les radicaux de gauche, pour le RDSE, la réponse est oui, clairement oui ! (Applaudissements sur de nombreux bancs. – Huées sur de nombreux autres bancs.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour le groupe Union pour un mouvement populaire du Sénat.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, cette journée est donc l’aboutissement des réflexions menées par nos deux assemblées au service d’un objectif clair : offrir à nos concitoyens une modernisation de notre démocratie.
Le Président de la République avait dessiné, en janvier 2007, les contours d’une réforme courageuse, reconnaissant la nécessité d’adapter et de rééquilibrer nos institutions. Sous son impulsion, un travail considérable, éclairé par le comité présidé par Édouard Balladur, a été entrepris pour porter ce projet novateur et équilibré.
La France d’aujourd’hui n’est plus celle de 1958 : les Français veulent être davantage associés à la vie démocratique, la décentralisation s’est imposée, l’Europe a pris une place déterminante dans notre vie, le monde a changé. Notre société a connu de profondes mutations.
Parallèlement, la mise en place du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont bouleversé notre équilibre institutionnel. L’accélération du rythme de la vie politique, le renforcement du rôle du chef de l’État et la réalité de notre société nous imposent de traduire ces évolutions dans le fonctionnement de nos institutions et d’inventer un nouvel équilibre des pouvoirs.
Aujourd’hui est un rendez-vous historique : jamais, depuis 1958, le constituant ne s’était attelé à une tâche aussi exigeante et ambitieuse, parce qu’elle est globale.
C’est également une chance pour notre démocratie, car cette révision constitutionnelle repose sur trois piliers essentiels : encadrer les pouvoirs présidentiels ; renforcer ceux du Parlement ; créer des droits nouveaux pour nos concitoyens.
Dans une démocratie responsable, le Président doit pouvoir expliquer sa politique devant les représentants du peuple réunis en Congrès.
Dans une démocratie transparente, le Parlement doit pouvoir, formellement, donner son avis sur certaines décisions prises par le pouvoir exécutif. Il doit avoir les moyens de contrôler l’action du Gouvernement et de participer à la programmation de ses propres travaux.
Dans une démocratie moderne, les citoyens doivent disposer d’outils efficaces leur permettant de s’impliquer dans la vie démocratique et de faire reconnaître leurs droits.
Notre groupe n’aurait pas accepté une réforme qui aurait mis à mal la force et l’adaptabilité de notre loi fondamentale. Vous connaissez notre attachement aux institutions de la Ve République, que nous avons toujours soutenues. Depuis leur origine, elles ont fait la preuve de leur efficacité, mais aussi de leur souplesse, avec des majorités et des configurations politiques différentes.
Notre volonté est bien de préserver les principes de ce socle institutionnel, contre les attaques de ceux qui seraient tentés, peut-être, un jour, de le dénaturer. C’est donc parce que nous croyons réellement dans la force de nos institutions que nous voulons les adapter.
Ce projet de réforme est fort de cette double exigence : il préserve la nature profonde de nos institutions tout en les inscrivant dans une démarche moderne d’efficacité et de transparence.
Les travaux parlementaires, placés sous le signe de l’écoute et du respect de l’expression de chacun, ont permis de bâtir un édifice harmonieux, équilibré et novateur. Je veux remercier nos deux présidents rapporteurs, Jean-Luc Warsmann et Jean-Jacques Hyest, pour leur talent, leur travail et leur volonté de rechercher les convergences nécessaires.
Je veux également dire notre sincère reconnaissance au Premier ministre et au Gouvernement pour avoir écouté et compris nos préoccupations et nos priorités.
Je tiens à saluer la qualité de notre dialogue avec l'Assemblée nationale, qui n’a ressemblé en rien à la caricature que l’on en a faite parfois. Les arguments ont été échangés, admis, compris, et la légitimité de la contribution de chacun respectée.
La plupart des dispositions de ce projet sont le fruit de cet état d'esprit entre les deux chambres. C'est la preuve que le bicamérisme est utile à la démocratie.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Je pense par exemple à la référence aux langues régionales, auxquelles beaucoup, ici, sont attachés (Applaudissements sur quelques bancs) et qui ont trouvé leur juste place dans la loi fondamentale.
D'autres points étaient, pour la majorité sénatoriale, primordiaux. Ainsi, le texte qui nous est présenté sur les modalités de ratification des adhésions à l'Union européenne répond à la volonté de laisser la parole au peuple sans stigmatiser personne. Par ailleurs, les sénateurs, représentants constitutionnels des collectivités territoriales, tenaient à réaffirmer le lien privilégié qui doit exister entre les élus locaux et le corps électoral sénatorial. (Applaudissements sur quelques bancs.) La proposition de loi que, avec d’autres, j’avais déposée en 1999 n’était pas aussi modeste que Bernard Frimat a bien voulu le dire tout à l’heure. C’est nous qui avons réduit le mandat à six ans. C’est nous qui avons fixé la proportionnelle à compter de quatre sénateurs. (Applaudissements sur quelques bancs.) C’est nous qui avons abaissé l’âge d’éligibilité.
Néanmoins, l'écoute et le souci du dialogue avec nos collègues de l’opposition ont également primé. Nous avons notamment répondu à leur souhait que la Constitution fasse référence – c’est écrit – à la liberté, au pluralisme et à l'indépendance des médias. Nous avons également retenu leur proposition de consacrer les commissions d'enquête dans notre loi fondamentale.
Mes chers collègues, chacun doit mesurer, en conscience, ce qui est en jeu aujourd'hui. Dès octobre prochain, et peut-être pour longtemps, il sera difficile à une majorité de réunir les trois cinquièmes des membres du Parlement pour adopter une réforme aussi ambitieuse. Voilà le défi qui nous est posé. Pour le relever, nous avons voulu faire nôtres des propositions qui figuraient également dans d'autres programmes électoraux. Si ce texte contient quarante-cinq mesures, la moitié d'entre elles proviennent de la gauche.
Ce projet favorise une démocratie plus à l’écoute de ceux que nous avons l'honneur de représenter. Exception d'inconstitutionnalité, référendum d'initiative populaire, défenseur des droits : comment les Français pourraient-ils comprendre que certains parmi nous refusent de telles avancées ?
Ce texte propose un renforcement des pouvoirs du Parlement – c'est ce que nous appelons tous de nos vœux – : partage de l'ordre du jour, discussion en séance publique du texte des commissions, droits de l'opposition. Je ne puis croire que l'opposition se prive de ce renforcement sans précédent du rôle du Parlement. Au nom de quoi refuserait-elle ce qu’elle réclamait hier et depuis si longtemps ?
Mes chers collègues, j'en appelle à l'esprit de responsabilité de chacun. Seule l'ambition de servir l'intérêt général doit nous animer. Nous sommes ici à Versailles. Ne nous trompons pas de Congrès ! (Applaudissements sur quelques bancs.)
Nous avons aujourd'hui entre nos mains un outil qui redonnera de l'oxygène à la démocratie. Démontrons notre capacité à nous rassembler autour de cet intérêt qui nous dépasse ; en votant ce texte, nous moderniserons et rajeunirons la démocratie française. (Applaudissements sur de nombreux bancs. – Protestations sur d’autres bancs.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de l’Assemblée nationale.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, oui, il faut de nouvelles institutions à notre République. Il nous faut, monsieur le Premier ministre, une nouvelle Constitution, non pas pour dépoussiérer la Ve République ou même rejouer les vieux conflits entre partisans d'un régime présidentiel et partisans d'un régime parlementaire. Il faut une nouvelle Constitution pour rendre à la politique ses lettres de noblesse, son pouvoir sur le cours des choses ; tout simplement la maîtrise partagée entre toutes les citoyennes et tous les citoyens des choix politiques qui fondent leur vie.
Il faut une nouvelle Constitution pour créer les conditions d'une démocratie réelle et globale. La mondialisation, pour être bénéfique au peuple, appelle à dépasser l'exercice centralisé de tous les pouvoirs comme leur éclatement. Il nous faut de nouvelles institutions pour réinventer la politique dans le monde tel qu’il est aujourd'hui.
On le voit chaque jour avec la montée en puissance des questions de l'alimentation, de l'énergie, du climat. On le voit avec l'ouverture possible des frontières de la connaissance et des savoirs à tous les hommes et toutes les femmes de la planète. On le voit avec l'exigence d’une nouvelle citoyenneté. C’est toute l’humanité qui est désormais confrontée au défi d'une démocratie nouvelle, d’une démocratie enfin capable d’affronter les grands défis de notre époque.
Cette réforme institutionnelle que j'appelle de mes vœux, je sais qu’elle ne se fera pas en un jour. C'est un chantier difficile. Votre texte en contiendrait-il quelques prémices ? Non, mille fois non !
Pour une grande partie de ses dispositions, ce projet de loi constitutionnelle se contente de maigres redistributions de pouvoirs entre le Parlement, le Gouvernement et le chef de l'État.
Ainsi, l’article 16 est déjà tombé en désuétude. Cela ne coûte donc rien de l'amender, même à la marge. Le Gouvernement perdra une partie de la maîtrise de l'ordre du jour du Parlement, certes. Mais il la retrouvera vite, tant la relation de dépendance des majorités parlementaires envers le président assure son soutien plein et entier. Quant aux ouvertures faites dans la presse par le Président de la République à l’opposition, je constate simplement qu'elles relèvent quasi systématiquement de la loi ou du règlement de nos assemblées. Et en nous dictant ainsi le futur règlement de celles-ci, le Président nous donne un signe assez paradoxal de sa soi-disant volonté de couper le cordon entre l'Élysée et les représentants du peuple.
On pourrait considérer utile le toilettage proposé par certaines des dispositions du texte soumis à notre vote. Encore faudrait-il qu'il s'accompagne d'une volonté réelle de transformer le système de pouvoir de la Ve République. Et c'est là évidemment que le bât blesse. Aucun des fondements de la soumission du Parlement au chef de l'État n'est remis en cause. Comment s'en étonner quand une des motivations premières de cette réforme constitutionnelle est justement l'agrément du Président, et notamment sa volonté de s’exprimer du haut de la dernière tribune qui lui est encore interdite : celle du Congrès ?
En effet, ce qui fait événement dans ce projet de loi, ce ne sont pas les quelques articles que l'on nous demande de réécrire, ce sont tous ces articles, et les plus importants, qui sortiront inchangés de la réforme. C'est donc la réaffirmation du caractère intouchable de la toute-puissance présidentielle.
C'est cette conception de la légitimité du pouvoir présidentiel qui ne pourrait souffrir aucune contestation, quels que soient l'évolution des idées de l'opinion ou les changements de la situation politique. C’est enfin la confirmation de la volonté de polariser la vie parlementaire autour de la fonction présidentielle.
Avec ce texte, notre vie politique sera encore plus structurée qu'elle ne l'est aujourd'hui entre les soutiens du Président et son opposition, quelle que soit la diversité de celle-ci. Cela va enrégimenter encore davantage notre débat public dans un système complètement aseptisé et bipartite.
Avec les nouvelles mesures de restriction du droit d'amendement et du temps de débat en séance publique, vous semblez rechercher une vie politique scénarisée, où tout pourrait se régler d'avance, loin du contrôle d’un peuple spectateur, selon les instructions d’un metteur en scène doté – je n’y reviens pas – de pouvoirs considérables.
De timides avancées étaient possibles. Je pense au référendum d'initiative populaire, que vous n’avez eu de cesse de limiter. Je pense à la réforme des modes de scrutin de chacune de nos assemblées. Tout cela a été sacrifié sur l'autel du conservatisme. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs.) Et, à l'image de cette résistance à la moindre audace, il y a cet ultime et, disons-le, misérable symbole de renoncement, cette consécration constitutionnelle de l’objectif d' « équilibre des comptes des administrations publiques ». Il y a dans cette victoire de la courte vue comptable comme une certaine défaite de la politique.
M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
Mme Marie-George Buffet. Chers collègues, vous êtes, comme moi, régulièrement sur le terrain. Honnêtement, au regard de cette réalité-là, imaginez-vous la moindre seconde que le vote de ce projet de réforme constitutionnelle puisse positivement aider à recréer ne serait-ce qu'un peu la confiance perdue entre notre peuple et ceux qui le dirigent ?
M. Benoist Apparu. Oui !
Mme Marie-George Buffet. Non, évidemment !
Cette confiance en la capacité de la politique à changer leur vie, nos concitoyens et nos concitoyennes ne pourront la retrouver avec des institutions empreintes d'une profonde méfiance à l'égard du peuple et de ses interventions.
C'est vrai de l'Europe, qui ne peut plus imposer de décisions dans l'opacité qui est la sienne aujourd'hui.
Vous prétendez relever les pouvoirs du Parlement sans même évoquer que 80 % des lois ne sont que les modalités d'application de directives avalisées à Bruxelles directement par le gouvernement français, en violation manifeste avec le principe selon lequel, en démocratie, le Parlement vote la loi et le Gouvernement l'exécute. Ainsi, il est temps de reconnaître au Parlement la compétence de participer réellement à la construction des choix de l’Union européenne. Ce serait un minimum indispensable avant la remise à plat nécessaire de l'ensemble du fonctionnement de l'Union européenne et des relations entre l'Europe et les États membres. Je dis indispensable au vu du peu de cas fait du vote du peuple irlandais, bel exemple de démocratie où l'on veut faire revoter le peuple tant qu'il ne vote pas dans le sens souhaité par ses soi-disant élites. (Applaudissements sur quelques bancs.)
Mais ce sentiment de ne pas peser sur les grandes orientations politiques de l'Europe est tout aussi vif pour ce qui concerne la France. Et il appelle un même volontarisme de notre part, la même recherche de réponses visant à mieux partager les pouvoirs et donc à mieux associer les citoyens et les citoyennes à leur exercice.
Aussi, il est impératif que nos concitoyens, ou indirectement les idées qui sont les leurs, aient un véritable accès à tous ces lieux de pouvoir. Voilà pourquoi nous demandons la proportionnelle à toutes les élections, la création d'un véritable statut de l’élu, une plus grande rotation des mandats.
Voilà pourquoi nous demandons l'élargissement du droit de suffrage à toutes les intelligences, à toutes celles et ceux vivant dans notre pays et donc aussi aux résidents étrangers. (« Très bien ! » sur quelques bancs.)
Voilà pourquoi nous demandons qu’on reconnaisse toutes les innovations ayant cours en matière de démocratie participative, en reconnaissant un véritable référendum d'initiative populaire.
Voilà pourquoi, encore, à l'heure où seuls les salariés sont intéressés au développement de leur entreprise, leurs actionnaires ne pensant qu'à leurs dividendes, nous demandons de reconnaître aux salariés une véritable citoyenneté dans leur entreprise.
Voilà pourquoi nous demandons enfin de promouvoir un pluralisme réel dans les médias, à mille lieues de la télévision aux ordres que vous êtes en train de construire. (Protestations sur quelques bancs.)
Je n’ai pas eu le temps de développer toutes les propositions « pour une République solidaire et démocratique ». Nous les avons défendues, ces dernières semaines, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Je les ai moi-même portées au Président de la République et exposées devant la commission présidée par M. Balladur. Je vous les ai remises, monsieur le Premier ministre. Vous avez fait le choix de les repousser d'un revers de main. (Protestations sur quelques bancs.)
Je ne m'en étonne pas, votre volonté de concentrer les pouvoirs à l'extrême étant radicalement inconciliable avec notre souhait de les partager. Aussi, monsieur le Premier ministre, les députés de la Gauche démocrate et républicaine rejetteront avec la plus grande fermeté votre projet de réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de l’Assemblée nationale.
M. Arnaud Montebourg. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Congrès, pendant cette réforme, les députés socialistes ont défendu avec la même constance et fidélité l’ambition de leur vision pour la démocratie française. Ils ont dessiné, par leurs contrepropositions, en héritiers dignes et raisonnables de Jean Jaurès, l’esprit et la lettre de la VIe République qu’ils seront certainement, si l’histoire les y appelle, amenés à établir avec les Français. C’est au nom de cette ambition exigeante, sans jamais varier d’un pouce, que nous avons affirmé notre disponibilité pour un compromis, même imparfait, dans lequel nous aurions pu nous retrouver et que nous aurions voulu voir s’accomplir pour la République et pour la France.
Nous avons pris le soin, à chaque instant, de tendre la main, en donnant ses chances à cette réforme qui aurait pu être celle de tous. Nous avons multiplié les occasions publiques de dialogue. Nous avons présenté avec la même patience et le même goût de construire, au-delà des graves désaccords qui nous opposent, monsieur le Premier ministre, sur d’autres terrains, nos justes et raisonnables revendications.
Les réformateurs passionnés et les amoureux de la démocratie ont été, dans nos rangs, malheureusement dédaignés, et leurs propositions le plus souvent rejetées.
Si nous avons défendu avec force l’exigence de la séparation des pouvoirs, c’est parce que nous déplorons chaque jour un peu davantage les pratiques actuelles du pouvoir, du régime, de confusion et de concentration des pouvoirs.
Malheureusement, cette réforme entérine et institutionnalise dangereusement une forme nouvelle de monocratie, tous les pouvoirs dérivant d’un seul. Car la première victime de cette réforme, monsieur le Premier ministre, c’est vous et votre gouvernement. De nombreuses dispositions accroissent l’emprise du pouvoir présidentiel (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs), lui-même incontrôlable, au détriment de celui, contrôlable, du Gouvernement.
Vous avez déjà ainsi perdu le pouvoir de prononcer seul le discours de politique générale, qui sera désormais celui du Président s’adressant à ce Congrès.
M. Jean-Pierre Brard. Le discours du trône !
M. Arnaud Montebourg. À cet amoindrissement s’ajoute encore la perte d’autorité supplémentaire sur vos ministres, qui deviennent désormais révocables entre les mains capricieuses du Prince, créant une instabilité ministérielle, d’origine cette fois présidentielle, du fait de la facilité condamnable pour un ministre de retrouver son fauteuil au Parlement, sans repasser devant les électeurs.
Vous verrez, monsieur le Premier ministre, que, bientôt, vos ministres auront perdu la substance réelle de leur pouvoir. Ils seront de fait remplacés, comme c’est déjà un peu le cas aujourd’hui, par les collaborateurs directs du Président de la République, lesquels ne répondent jamais de rien devant personne, inaccessibles désormais à toute autorité, sauf celle du Président, en tout cas échappant à notre contrôle parlementaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
C’est donc l’accroissement de l’irresponsabilité politique, l’éloignement des possibilités de contrôle sur l’exécutif et, au total, l’augmentation du danger pour les Français, pour notre pays, de l’hyperconcentration des pouvoirs présidentiels qui est implicitement programmé dans cette réforme. C’est l’avènement non dit mais malheureusement engagé d’une monocratie à la française.
Car la deuxième victime de cette réforme, c’est nous, l’opposition, ou plutôt les oppositions (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs), c’est-à-dire les contre-pouvoirs, tous ceux qui, un jour ou l’autre, sous une forme ou sous une autre, ne seront pas d’accord avec les choix, les décisions, les pratiques de cette monocratie et de celui qui tente de l’affermir aujourd’hui. Et il y en a dans tous les camps, mes chers collègues : à gauche comme à droite ! Ceux-là sont les sacrifiés de cette réforme.
Ce qui nous est présenté, monsieur le Premier ministre, comme un accroissement des pouvoirs du Parlement est en réalité une augmentation des pouvoirs du parti du président, de la majorité parlementaire (Applaudissements sur de nombreux bancs) : c’est-à-dire tout le contraire d’un contrepouvoir ! En vérité, c’est un accélérateur de la puissance du pouvoir !
Mme Marylise Lebranchu. Très juste !
M. Benoist Apparu. Non, c’est faux !
M. Arnaud Montebourg. Le pays, lorsqu’il prend une décision, a autant besoin d’une majorité que d’une opposition.
Pourtant, cette réforme programme, je vous le dis tout net, la restriction du droit d’amender les textes de loi, droit imprescriptible et sacré pour le législateur. Elle refuse d’instaurer dans le texte constitutionnel des droits nouveaux de contrôle de l’opposition sur l’exécutif. Pire, elle renvoie de façon aussi spectaculaire qu’inacceptable à dix-neuf lois organiques, ordinaires, ou au règlement des assemblées : on a systématiquement refusé de nous éclairer sur ces lois sur lesquelles nous n’avons d’ailleurs pas la moindre influence, puisque c’est la majorité, dans sa bonté ou sa souveraineté, qui décidera de nos droits : soit de les réduire, soit de les anéantir. Pourtant, c’est le président du groupe de l’UMP lui-même qui avait, comme nous, demandé à les connaître « à la virgule près ». Ni lui ni nous n’en connaissons ni les virgules, ni d’ailleurs le texte figurant entre ces virgules ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. Jean Glavany. Absolument !
M. Arnaud Montebourg. Il eût été si simple, monsieur le Premier ministre, de dire à quelle sauce on veut manger l’opposition ! Le Parlement que vous prétendez renforcer, c’est la majorité – et vous l’avez déjà – mais c’est aussi l’opposition : donnez-lui des droits ! (« Elle en a déjà ! » sur plusieurs bancs.)
Pour prémunir la France et les Français de ces dangers préoccupants, nous avons, avec une patience exemplaire, demandé des garanties sérieuses, charpentées et concrètes quant aux droits de l’opposition. Nos amendements ont été lamentablement et invariablement repoussés. Nous avons demandé des garanties précises pour l’indépendance de la justice et la protection des magistrats à l’encontre du risque d’intrusion des intérêts partisans de l’exécutif ; là aussi, nos amendements ont été rejetés. Nous avons demandé des garanties de pluralisme et de représentativité à l’intérieur d’un Sénat non démocratique, comme à l’intérieur de tout le système politique (Protestations sur plusieurs bancs.- Applaudissements sur plusieurs autres bancs.) Nous avons été éconduits et nos propositions ont été rejetées.
Nous avons demandé – point essentiel – la fin de la monopolisation du temps de parole médiatique par le pouvoir. Non seulement notre proposition a été rejetée, mais le Président de la République a annoncé que le pouvoir prendrait le contrôle direct de la télévision publique, assumant sans scrupule la restauration de l’ORTF (Exclamations sur plusieurs bancs) et ouvrant la voie à une forme nouvelle et perverse d’absolutisme médiatique. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Alors, on invoque le courrier du président de l’Assemblée nationale – dont je salue les efforts – que nous avons reçu in extremis, à la clôture des débats, prenant des engagements sur les droits du Parlement et de l’opposition. Mais, pourquoi alors, avoir, à quatre reprises, rejeté des amendements garantissant nos droits pour nous promettre ensuite par voie d’un courrier du président de l’Assemblée, puis d’un entretien du Président de la République paru dans la presse, publié après la clôture des débats parlementaires, la mise en œuvre ultérieure de ce qu’on nous a refusé pendant des mois avec obstination ? Pourquoi promettre pour plus tard, dans une lettre sans aucune valeur, ce qu’on pouvait accepter avant, par voie d’amendements,…
M. Jean Glavany. C’est ce qu’on appelle le respect des droits du Parlement !
M. Arnaud Montebourg. …et qu’on pouvait, ensemble, inscrire dans le marbre de la loi constitutionnelle, dans un compromis de vaste et de solide ampleur ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Comme pour le cumul !
M. Arnaud Montebourg. C’est là toute la différence entre les mots et les actes. Car les mots du pouvoir sont aussi doux et enjôleurs que ses actes sont parfois brutaux.
Beaucoup de nos compatriotes ont mesuré au baromètre de la confiance ce que valent les engagements du Président de la République, surtout lorsqu’ils sont verbaux.
M. Jean-Pierre Brard. Rien du tout !
M. Arnaud Montebourg. Pourquoi voudriez-vous que nous nous y laissions prendre à notre tour ? Les Français se sont laissé entreprendre par les promesses du candidat Sarkozy. La gauche ne peut pas se laisser circonvenir par les promesses du candidat devenu Président.
En vérité, incapable de construire sérieusement la confiance à laquelle la gauche était disposée à se laisser convaincre (Murmures sur plusieurs bancs), incapable de bâtir le consensus, préférant jouer à la loterie une réforme aussi importante, le pouvoir en est venu à user d’expédients déshonorants contre les députés de sa propre majorité. Une élue de la majorité s’est exprimée hier publiquement pour réprouver les méthodes employées, tantôt en la menaçant de la faire battre, tantôt en lui proposant une mission parlementaire rémunérée.
M. Jean-François Copé. C’est inacceptable de dire cela !
M. Arnaud Montebourg. Un autre élu de la majorité a déclaré hier : « Je suis choqué par des méthodes qui relèvent de la menace, du chantage et de la tentative d’achat. »
M. Benoist Apparu. Tout le monde sait qu’il n’y a jamais aucune pression au parti socialiste !
M. Arnaud Montebourg. Faire passer une réforme à coups de règle sur les doigts, n’est-ce pas la preuve de son caractère contestable ? (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
En vérité, le pouvoir s’est replié sur ses forteresses conservatrices. Là où le pays demandait, monsieur le Premier ministre, de grandes avancées démocratiques, vous vous êtes enfermé avec les plus antiréformateurs pour faire cette réforme, la faisant rétrécir au lavage de chaque lecture, la réduisant à quelques avancées, certes positives – que vous avez énumérées sous les rires du Congrès – mais perdues au milieu d’un programme d’accroissement général de la concentration des pouvoirs.
Cette réforme est, à mes yeux, une scandaleuse et triste occasion manquée devant l’histoire de notre pays. (« Faux ! » sur plusieurs bancs.) Elle aurait pu être la démonstration que les partis politiques qui s’affrontent sur de nombreux terrains sont capables, comme des adultes, de se concilier pour redéfinir les règles du jeu dans l’intérêt des citoyens et de la République.
Cette réforme aurait pu s’inspirer, dans son dénouement, de ce qu’il advint lorsque Simone Veil, ministre de la santé, défendit courageusement la réforme légalisant l’avortement en 1974. La droite ne voulait pas la voter. La gauche sauva la réforme.
M. Jean-Pierre Balligand. Eh oui ! C’est cela le sens de l’histoire !
M. Arnaud Montebourg. C’est ce que nous étions prêts à faire (Exclamations sur plusieurs bancs) si cette réforme avait contenu les quelques projets démocratiques que nous avions mis sur la table avec constance et fidélité.
Finalement, les refus obstinés, provocants, parfois infantiles, de nous donner sérieusement satisfaction et de prendre en considération de façon approfondie nos demandes auront assuré la conjugaison de tous les conservatismes au détriment de la République et des Français.
Les Français ont soif de démocratie. Elle est l’outil dont ils ont besoin pour exprimer leurs graves problèmes et peser sur les solutions. Pour leur donner toute leur place, il faudra ouvrir les portes et les fenêtres de la République en construisant un nouveau système politique, plus représentatif des Français, plus délibératif, plus participatif, mieux équilibré, moins dangereux, et, au total, plus constructif pour l’avenir de la France.
Ce nouveau système politique, c’est celui que nous désirons ardemment. Nous le nommons VIe République. Nul doute, quel que soit le résultat de ce soir, que les Français finiront par l’imposer. C’est donc avec les regrets d’une occasion tristement manquée, et armés de ces meilleurs espoirs, que, malheureusement, monsieur le Premier ministre, nous voterons contre votre projet. (Applaudissements sur de nombreux bancs. – Huées sur quelques bancs.)
M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale.
M. François Sauvadet. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le rendez-vous que nous avons aujourd'hui, à Versailles, n’est pas un jeu de rôles ; c’est un rendez-vous important pour l’avenir de la démocratie française. Les débats ont été passionnés parce qu'ils touchent le cœur même de nos institutions.
Au Nouveau Centre, nous nous sommes engagés pleinement car nous attendions depuis longtemps une telle occasion de repenser nos institutions.
La modernisation de nos institutions aurait dû, sans nul doute, être conduite dès 2000 en même temps que la réforme du quinquennat, car l'inversion du calendrier électoral, présidentiel puis législatif a complètement changé l'équilibre et la nature de nos institutions,
Mais aujourd'hui, la question qui nous est directement posée, c'est de savoir si, oui ou non, nous allons saisir les opportunités d'évolution, de rééquilibrage au profit du Parlement, offertes par ce texte, ou si, au contraire, nous allons en rester au statu quo, au seul motif que nous ne serions pas allés assez loin.
Je vous le dis comme je le pense, monsieur le Premier ministre : le mieux ne doit pas devenir l'ennemi du bien : il n'y aura pas demain de plan B pour la réforme institutionnelle ! (Applaudissements sur quelques bancs.)
M. François Rochebloine. Très juste !
M. François Sauvadet. Je ne comprends pas la logique de ceux qui, jour après jour, critiquent l'hyperprésidentialisation du régime et se refusent aujourd'hui à voter un rééquilibrage de nos institutions en faveur du Parlement.
La question de la présidentialisation du régime s'est posée au moment du quinquennat en 2000. Elle a fait du Président l'acteur et le meneur de jeu. Les Français veulent un Président qui agit, qui assume, mais un Président dont les pouvoirs sont encadrés et contrôlés par un Parlement qui, lui aussi, doit être en capacité d'agir et d'assumer ses fonctions. Tous les candidats aux élections présidentielles ont évoqué cette nécessité parce qu’il s’agit avant tout d’un enjeu démocratique. Force est de constater, aujourd'hui, que Nicolas Sarkozy est le premier Président de la République à proposer un tel rééquilibrage. Combien de Présidents, ayant successivement critiqué les dérives présidentialistes du régime, ont fini par endosser le costume institutionnel et embrasser le rôle du monarque républicain ?
M. Jean-Pierre Brard. Du monarque tout court !
M. François Sauvadet. Et je le redis à nos collègues socialistes : je ne comprends pas leur attitude. Ils devront s'expliquer devant les Français sur ce refus, avec tous ceux qui auraient la tentation de voter « non ».
M. Jean Mallot. Ne vous inquiétez pas pour nous !
M. François Sauvadet. Car si nous n'adoptons pas ce projet de loi, nous resterons avec un Parlement corseté. Je tiens à saluer, comme le Premier ministre, le travail du comité présidé par Édouard Balladur, auquel ont participé des personnalités de toutes sensibilités.
M. François Rochebloine. En effet !
M. François Sauvadet. Dans ses recommandations, ce comité a rappelé l’impérieuse nécessité démocratique d'adapter nos institutions. Il a pointé leurs dysfonctionnements et les errements provoqués par les révisions constitutionnelles successives, adoptées sans que l'équilibre global de nos institutions ait pu être repensé. Nous en avons connu neuf en quinze ans ! Le projet de loi de révision constitutionnelle qui nous est soumis aujourd'hui est le premier depuis cinquante ans à nous proposer une vision globale. C'est conscient de cet enjeu que le groupe Nouveau Centre est entré avec beaucoup de conviction dans ce débat,…
M. Jean-Pierre Brard. Conviction ! Qu’est-ce que ça veut dire au Nouveau Centre ?
M. François Sauvadet. … avec l'ensemble des parlementaires, au premier rang desquels Jean-Christophe Lagarde, que je tiens personnellement à saluer pour son engagement.
Nous avons apporté à ce débat ce que nous pensons être juste et utile au pays. Nous nous sommes battus, au Nouveau Centre, avec nos amis du groupe Union centriste du Sénat, contre l'instauration d'un bipartisme réducteur. Reconnaître le pluralisme dans la Constitution, la diversité politique comme étant une chance pour la vie démocratique, c'est donner de la vitalité à nos institutions et c'est aussi une conception moderne de notre démocratie.
Ce sera le cas avec l’article 2, cher Michel Mercier, qui prévoit que la loi garantit l’expression pluraliste des opinions. La bataille du pluralisme, nous l’avons également menée pour que les droits des groupes minoritaires soient reconnus, et pas seulement les droits de l'opposition. Des droits reconnus à tous les groupes politiques qui participent à la vie démocratique, c'est cela aussi le respect du pluralisme. Nous souhaitons que chaque courant de pensée soit reconnu comme tel et puisse se retrouver au Parlement. La reconnaissance du pluralisme est pour nous, vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, un point essentiel, parce que c’est permettre aux Français de choisir.
Le groupe Nouveau Centre a aussi mené la bataille de la responsabilité en matière financière, pour que soit inscrit dans la loi fondamentale l'objectif d'équilibre budgétaire. C'est, pour nous, une exigence morale vis-à-vis des générations futures.
Pour la première fois dans la Constitution est affirmée la nécessité de concilier deux exigences : la pluri-annualité budgétaire et l'objectif d'équilibre des comptes publics.
Nous aurions aimé aller plus loin, mais c'est un premier pas qui ouvre la possibilité au juge constitutionnel d'apprécier les futures lois de finances.
Nous avons également mené bataille au Nouveau Centre pour accorder davantage de droits aux citoyens : le référendum d'initiative populaire, proposé par notre collègue Jean-Christophe Lagarde, ou l'exception d'inconstitutionnalité qui vient corriger un retard démocratique – les citoyens se verront davantage impliqués et protégés – en sont l’illustration.
Ce texte est aussi celui du respect des engagements pris à l'égard de nos compatriotes pour ce qui concerne la question de l'élargissement de l'Union européenne. Ainsi, le peuple aura son mot à dire dans la définition des frontières de l'Union.
L'impartialité de l'État est un combat que nous menons depuis de nombreuses années. Créer les conditions pour que les nominations du Président de la République soient encadrées et soumises à l’avis du Parlement et des commissions, voilà une avancée réelle, comme, du reste, le fait que le Conseil supérieur de la magistrature ne soit plus présidé par le chef de l'État.
J’évoquerai encore le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement et l’évaluation de nos politiques publiques. Une semaine sur quatre sera désormais réservée au contrôle de l’action du Gouvernement dans l’ordre du jour des assemblées. Ces avancées importantes contribuent à assurer une démocratie plus vivante. Qui peut le nier ?
En outre, le recours au fameux article 49-3 sera encadré et des possibilités nouvelles seront données en matière de contrôle des interventions militaires.
Monsieur le Premier ministre, fidèles aux idées institutionnelles que le Centre a toujours portées, les députés du Nouveau Centre voteront ce projet de loi car il contient de véritables avancées en matière d’impartialité de l’État, de pluralisme politique, de démocratie et de renforcement du rôle du Parlement. Bien sûr, je l’ai dit, nous aurions souhaité aller plus loin, mais rejeter ce projet aujourd’hui reviendrait à s’en tenir au statu quo. Ce serait condamner la Ve République à rester dans les errements institutionnels qu’on lui connaît et continuer sur la voie d’une démocratie déséquilibrée.
Chacun d’entre nous va être placé devant sa responsabilité. Pour nous, ce ne sera pas le Président de la République qui sortira vainqueur ou perdant du vote de cette réforme. Le seul perdant ou le seul vainqueur à l’issue de ce Congrès sera la démocratie française et la conception que nous devons en partager ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour le groupe Union Centriste-UDF du Sénat.
M. Michel Mercier. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe des sénateurs centristes a tenté tout au long des débats de faire vivre les idées du Centre en matière constitutionnelle.
M. Jean-Pierre Brard. Ah bon ! Il en a ?
M. Michel Mercier. Autant que votre groupe, monsieur Brard, et en général on se tait quand les autres ont la parole.
M. le président. Monsieur Mercier, veuillez poursuivre.
M. Michel Mercier. Mes idées sont des idées simples.
M. Jean-Pierre Brard. 0n l’avait remarqué ! (Rires.)
M. Michel Mercier. Il s’agit de chercher à instaurer le gouvernement de la liberté par un certain agencement des institutions. C’est cette idée que nous avons essayé de défendre à travers les amendements que nous avons soutenus au cours des débats devant le Sénat.
Le Gouvernement doit pouvoir gouverner, cela est évident. Mais nous savons que certaines règles issues du parlementarisme rationalisé ont conduit à un parlementarisme bridé. Nos institutions ne fonctionnent pas comme il le faudrait car nos citoyens n’y ont pas toute leur place.
C’est pourquoi nous défendons une idée toute simple, celle du pluralisme. Je vais m’expliquer sur le sens que nous lui donnons.
L’ambition affichée par le comité Balladur était d’aboutir à une Ve République plus démocratique – c’est d’ailleurs le titre de son rapport – en accordant de nouveaux pouvoirs au Parlement et de nouveaux droits aux citoyens.
Je dois dire que l’inscription dans la Constitution de l’exception d’inconstitutionnalité constitue pour certains de mes collègues et moi-même un acquis fondamental. J’y tiens personnellement car je considère qu’il manquait dans notre système juridique une possibilité pour les citoyens de s’appuyer sur la règle fondamentale. Nous sommes le seul pays où l’on ne peut pas aller devant le juge et se réclamer d’une exception d’inconstitutionnalité. Désormais, le Conseil constitutionnel pourra se prononcer sur des textes dont il n’a pas été saisi – soit qu’on n’ait pas pensé à le faire, soit qu’il y ait eu accord pour de ne pas le faire –, après renvoi d’une exception par le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Le citoyen retrouve ainsi ses droits.
S’agissant du Parlement, je retiens particulièrement la possibilité de discuter du texte directement issu des travaux de la commission. Mais les nouveaux pouvoirs accordés au Parlement ne valent que s’il y a un véritable rééquilibrage des pouvoirs. Y est-on parvenu ? C’est une question fondamentale.
D’un certain point de vue, des limitations ont été apportées aux pouvoirs du Président, notamment en matière de nomination, pour aboutir à une sorte d’exécutif tempéré. Le Parlement a des droits nouveaux comme le droit de résolution – nous aurions aimé qu’il soit plus clairement défini mais c’est un premier pas. En outre, les ordonnances devront être ratifiées de façon expresse.
Mais là n’est pas l’essentiel. Un Parlement fort est un Parlement plus représentatif, comme cela a été très clairement indiqué dans l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle. Au terme de longues discussions, nous avons fait adopter un amendement qui prévoit que la loi garantit l’expression du pluralisme.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Michel Mercier. C’est une vraie question et je voudrais affirmer ici que cela ne signifie pas que nous demandons – nous ne l’avons jamais fait et nous ne le ferons jamais – un scrutin proportionnel intégral, qui est le scrutin des causes perdues. Nous l’avons bien vu la dernière fois que notre pays y a eu recours. Nous demandons un scrutin mixte, qui permette au fait majoritaire de s’exprimer et qui corrige les effets du scrutin majoritaire par une dose de proportionnelle. C’est la condition même pour avoir un Parlement qui soit suffisamment représentatif et fort pour que les pouvoirs de l’exécutif et ceux du législatif s’équilibrent.
Nous estimons que ce texte comporte des garanties. Elles demandent à être affinées et je suis sensible au fait qu’un grand nombre des membres de notre groupe acceptent d’apporter leur concours à cette réforme fondamentale de notre Constitution. Nous considérons qu’une fois la révision constitutionnelle votée, elle n’appartient plus à ceux qui en ont décidé mais à ceux qui la font vivre, aux Françaises et aux Français : parlementaires et citoyens auront des occasions de rendre leur République plus démocratique.
Certains membres de notre groupe, davantage sensibles au contexte qu’au texte lui-même, ont décidé de ne pas voter en faveur de ce projet de loi constitutionnelle. Nous avons respecté leur choix, car c’est aussi notre philosophie. Pour notre part, nous souhaitons que ce texte, en devenant une partie de notre Constitution, permette une République plus démocratique. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour le groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat.
M. Guy Fischer. Mesdames, messieurs les parlementaires, si vous votez cette révision constitutionnelle, vous vous retrouverez ici même, dès le premier jour de la session, pour écouter le discours du Président de la République vous indiquant, sous le feu des caméras, votre feuille de route.
La venue du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès est hautement symbolique de la dérive de nos institutions depuis l’instauration de la Ve République, et plus particulièrement depuis l’instauration de l’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962. Sous prétexte de mettre un terme à l’instabilité politique de la IVe République, notre République en est venue à avoir un pouvoir exécutif à la tête hypertrophiée. Or, bien loin d’apporter un remède à cette hypertrophie présidentielle, ce projet de loi l’aggrave. Il est d’ailleurs intéressant de constater que vous minimisez cette nouveauté, qui constitue pourtant la raison majeure de la réforme aux dires mêmes de M. Pasqua. C’est bien simple, vous n’en parlez plus.
L’article 8 du projet de loi qui organise l’intervention présidentielle devant le Congrès du Parlement est d’application immédiate. Point de loi organique, point de modification du règlement à prévoir comme pour la plupart des autres dispositions du projet. La raison d’être du texte, son moteur, s’impose à nous.
Pourtant, l’introduction dans notre Constitution de ce discours digne de celui d’un monarque, assénant la parole présidentielle aux parlementaires, sans que ceux-ci puissent s’adresser ensuite directement à lui ni même exprimer leur opinion par un vote, modifie profondément l’équilibre des pouvoirs.
Le Président devient une sorte de Premier ministre, mais sans avoir à en endosser la responsabilité politique. Il est à la fois le chef de la majorité et du parti de la majorité. Son droit de dissolution n’est pas remis en cause, pas plus que l’attribution des pleins pouvoirs en vertu de l’article 16 de la Constitution.
Ce présidentialisme à la française consacre un exécutif à une tête, doté d’une majorité présidentielle captive, ainsi qu’une confusion des pouvoirs comme il n’en existe dans aucune démocratie. De fait, c’est la disparition de la fonction d’arbitrage que conférait, en tout cas juridiquement, la Constitution de 1958 au Président de la République.
Depuis des mois, vous agitez un leurre. Cette réforme constituerait, selon vous, un renforcement des pouvoirs du Parlement que les parlementaires, toutes opinions confondues, seraient bien ingrats de refuser ! Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a même qualifié les dispositions concernées de « révolutionnaires ». Vous avez du mal à convaincre, malgré des sondages manipulés de dernière minute et une désinformation systématique sur le contenu du texte. (Exclamations sur divers bancs.)
L’ordre du jour ? En guise de partage, deux semaines par mois pour le Gouvernement, une pour le Parlement, et un jour pour l’opposition. Est-ce cela le statut de l’opposition ?
Pour l’organisation du travail en commission, est-ce le Parlement européen qui vous inspire ? La bureaucratie et le lobbying qui le caractérisent n’en font pourtant pas un modèle. Mais l’objectif est clair : réduire le débat en séance publique et remettre en cause un droit élémentaire des parlementaires, celui d’amender. Le droit d’amendement y est corseté comme jamais ! Les deux principales conséquences de ce projet que nous nous apprêtons à valider ou à refuser organisent donc la mise à mort du droit d’amendement et la réduction de la séance publique.
Le projet instaure un véritable 49-3 aux mains de la majorité présidentielle.
Le droit de résolution ? Il n’ajoute aucun pouvoir au Parlement – on voit ce qu’il en est en matière européenne –, pas plus que les débats thématiques, dont on peut d’ailleurs se demander s’ils ne sont pas un moyen de contourner la responsabilité du Gouvernement.
L’intervention du Parlement dans les nominations présidentielles ? Les trois cinquièmes exigés pour les refuser la rendent inopérante.
En réalité, le projet ne touche en rien au déséquilibre structurel des pouvoirs inscrits dans la Constitution de 1958. Il l’aggrave.
En revanche, votre réforme tourne le dos aux exigences démocratiques en ignorant les évolutions désormais largement soutenues par la population : instauration du scrutin proportionnel ; limitation du cumul des mandats ; vote des immigrés aux élections locales ; initiative citoyenne. D’évolution démocratique au Sénat, il n’est pas question. Celui-ci restera aux mains de la droite.
Pourtant, le respect du pluralisme et donc la représentativité du Parlement sont constitutifs d’une démocratie « irréprochable » que le candidat Nicolas Sarkozy se plaisait à évoquer. En fait, dans ce texte, on ne trouve aucune garantie du pluralisme, mais bien au contraire un renforcement systématique du fait majoritaire.
Les tractations de dernière minute pour faire voter le texte coûte que coûte, l’intervention du Président de la République par voie de presse, faisant mine d’octroyer ce que sa majorité refuse, en disent long sur vos conceptions d’une démocratie irréprochable.
Le mépris est en harmonie avec la tromperie de ce projet de loi et met en lumière sa vraie nature : 1’hyper-présidentialisme.
Ces méthodes sont choquantes. Et elles le sont d’autant plus que les citoyens ont été écartés des débats. Comment pouvez-vous justifier que vous entendez réformer les institutions de façon très importante – la plus importante depuis 1958 dites-vous –, sans que le peuple soit consulté ?
Le groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat est convaincu que le régime parlementaire n’est peut-être pas parfait, mais qu’il est le plus démocratique.
Nous sommes convaincus aussi qu’une réforme de la Constitution doit tendre avant tout à donner plus de pouvoirs aux citoyens et à leurs représentants, dans le respect du pluralisme des opinions.
Nous avions voté contre votre révision en première et deuxième lectures. Nous votons solennellement contre aujourd’hui.
Rejeter cette révision, ce sera rendre un grand service à notre pays, à la République. Nous vous y appelons solennellement. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. La parole est à Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire de l’Assemblée nationale.
M. Jean-François Copé. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous y sommes : le moment décisif est arrivé !
M. Jean-Pierre Brard. Vous voilà soulagé !
M. Jean-François Copé. Et puisque je parle le dernier, puisque vous avez tout entendu sur ce projet de réforme, j’ai envie d’aller à l’essentiel...
M. Jean-Pierre Brard. Modestement !
M. Jean-François Copé. ...et de vous livrer ma part de vérité (« Ah ! » sur plusieurs bancs), non pas simplement en tant que président d’un groupe de la majorité, mais aussi comme parlementaire parmi 906 parlementaires.
Aujourd’hui, je ne veux pas m’adresser à des membres de groupes politiques, à une majorité ou à une opposition, mais à des hommes et à des femmes qui ont entre leurs mains le pouvoir, aujourd’hui et aujourd’hui seulement, de moderniser notre règle commune, dans des proportions inédites.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les constituants que nous sommes sont installés dans ces travées par ordre alphabétique plutôt que par appartenance partisane. C’est bien pour signifier que le sujet qui nous concerne, pour une fois, n’est pas une question de droite, de centre ou de gauche. Ce n’est pas une question de calcul partisan. Aujourd’hui, nous venons tous à Versailles pour honorer le même rendez-vous, un rendez-vous de vérité devant les Français.
J’ai relu ces derniers jours les plates-formes de nos différents partis politiques. Sur le temps de travail, sur l’immigration, sur la fiscalité, il y a bien des différences. Mais sur la question institutionnelle, que de points communs !
Bien sûr, nous n’avons pas toujours la même conception de ce que doit être le meilleur régime pour notre pays, même si nous sommes, les uns et les autres, majoritairement attachés à notre Ve République. Mais, paradoxalement, dans nos différences, nous avons des convergences très fortes, notamment sur deux points majeurs.
Nous plaidons tous pour un meilleur équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif et pour une transformation profonde du travail parlementaire, qui est aujourd’hui totalement obsolète.
Voilà pourquoi nous sommes si nombreux – et je parle sous le contrôle de Jean-Luc Warsmann – à avoir demandé le partage de l’ordre du jour entre le Gouvernement et l’Assemblée, si nombreux à nous être battus pour que le texte examiné en séance publique soit la version amendée par la commission et non plus celle du Gouvernement, si nombreux à avoir plaidé en faveur de l’exception d’inconstitutionnalité, si nombreux à avoir réclamé un meilleur encadrement du pouvoir de nomination du Président. Et voilà qu’un projet de loi prend en compte tous ces aspects.
Regardons ce projet comme il est. Regardons-le sincèrement, en mettant de côté les lunettes déformantes du microcosme politique qui nous anime à longueur d’année. Regardons-le en repoussant les œillères partisanes. Regardons-le comme nous avons regardé la LOLF en 2001, cette constitution budgétaire proposée par la gauche et que la droite a votée majoritairement en ayant en tête une seule chose : l’intérêt supérieur de notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Le projet de loi qui nous est proposé aujourd’hui correspond à toute une série d’engagements que nous avons pris, à droite comme à gauche, lors des dernières élections présidentielle et législatives.
Une fois n’est pas coutume, commençons par la gauche.
Depuis un an, lorsqu’on évoque les institutions de notre pays, un mot revient sans cesse à gauche, prononcé dans tous les colloques, entendu dans les émissions de radio, de télévision, et lu sur Internet, celui d’hyper-présidentialisation.
Que les choses soient claires : je ne crois pas un instant que la volonté du Président de la République de s’engager avec force sur tous les chantiers majeurs pour notre pays pose un problème. Bien au contraire, les Français le demandent.
Ce qui pose problème lorsqu’on parle d’hyper-présidentialisation, ce n’est pas le Président de la République, c’est le Parlement, la position mineure du Parlement, en particulier depuis l’instauration du quinquennat conjuguée avec l’inversion du calendrier électoral. Nous étions majoritairement favorables à ces deux éléments. Seulement, nous n’avons pas fini le travail, nous nous sommes arrêtés en cours de route, nous n’avons pas tiré toutes les conclusions de ce changement. Voilà ce qui risque, à terme, de rendre notre démocratie bancale et déséquilibrée.
Garant de nos institutions, le Président de la République a proposé d’y remédier à travers cette réforme. Il pourrait se contenter de la situation actuelle. Après tout, elle lui profite plutôt ! Pourtant, il a lancé ce chantier de rééquilibrage.
Nous avons tous travaillé d’arrache-pied pour aboutir à un texte qui, bien sûr, n’est pas parfait – d’ailleurs, comment pourrait-il l’être ? – mais qui, dans les faits, réunit les conditions pour un consensus républicain.
Les préoccupations de la majorité et de l’opposition, quoi qu’on en dise, ont été largement prises en compte, et cela fait honneur à notre démocratie.
Pour l’UMP comme pour les centristes, nous avons particulièrement insisté sur la nécessité d’un renforcement du contrôle et de l’évaluation du Gouvernement par le Parlement. Nous avons rappelé l’importance de rester fidèles à nos engagements sur la question du référendum pour les adhésions à l’Union européenne.
Pour le parti socialiste, il ne faut pas avoir la mémoire courte : plus de vingt de vos propositions figurent dans le projet de loi. Au-delà du nombre, je veux souligner que ces amendements sont substantiels.
C’est le cas pour l’institution d’un référendum d’initiative populaire issu d’un amendement d’Arnaud Montebourg et des députés du groupe socialiste. D’ailleurs, je veux rendre hommage à Arnaud Montebourg pour son joli discours. Il faut être très talentueux pour aller aussi loin dans la caricature et faire ainsi oublier qu’on rêverait dans un monde idéal quand on appartient à une nouvelle génération ambitieuse de voter une si belle réforme ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Le Président de la République vient encore de vous donner de nouvelles garanties en matière de temps de parole dans les médias, de refonte de la carte électorale, de droit d’amendement. Malgré cela, à gauche, on cherche encore et encore des raisons de dire non.
D’abord, on nous dit que c’est trop tard. Mes chers collègues, qu’est-ce qui est trop tard ? Le vote ? Il aura lieu dans quinze minutes. Nous avions les uns et les autres tout le loisir de nous poser les questions essentielles.
Ensuite, on nous dit que cette réforme n’intéresse pas les Français. Mais regardons les choses lucidement. Ce n’est pas cette réforme qui n’intéresse pas les Français, mais le Parlement. Et pour cause : ils connaissent bien la politique, ils connaissent bien le fonctionnement de nos institutions, ils savent que c’est le Président de la République qui détient les vraies clés du changement, ils savent qu’au Parlement, c’est beaucoup trop rarement l’essentiel qui est en jeu. Voilà pourquoi ils finissent par considérer l’Assemblée nationale et le Sénat comme deux théâtres où, depuis cinquante ans, dans les mêmes décors, majorité et opposition jouent la même pièce, en échangeant parfois les rôles quand il y a alternance.
Disons-le clairement : cette pièce commence à ennuyer tout le monde. Elle lasse les acteurs comme les spectateurs, avec une mise en scène qui a sérieusement vieilli. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Les textes changent un peu mais, à la fin de chaque acte, c’est la même histoire : la majorité vote oui et l’opposition vote non. Et les rebondissements sont rares ; seuls quelques coups de théâtre artificiels sont parfois servis par de bons vieux couacs qui permettent pendant quarante-huit heures de se désennuyer. Mais quand les lumières se rallument à la fin, on voit bien que la salle et la scène sont désertées.
Ce n’est donc pas un hasard si les Français, comme le montre le sondage paru hier, que tout le monde à gauche feint d’oublier, approuvent massivement cette réforme constitutionnelle. Ils ne comprendraient pas qu’à gauche on la refuse.
Depuis un an, nous, députés UMP, avons commencé à renouveler le genre, à travers la coproduction législative. C’est déjà une immense avancée qui porte des fruits. Imaginez ce qui se passera, demain, si nous n’avons plus simplement à voter des textes tout ficelés et que nous pouvons y travailler en amont. C’est une avancée considérable. Nous devons aller beaucoup plus loin encore.
Seule cette réforme soumise aujourd’hui à notre vote permettra que les parlementaires de la majorité comme de l’opposition reviennent au cœur du jeu institutionnel.
Certes, c’est plus la majorité que l’opposition qui sera en première ligne, mais chacun sait que l’alternance arrivera un jour. (« Pas au Sénat ! » sur quelques bancs.)
M. Hollande dit que, de toute façon, la réforme va passer sans le vote des socialistes. Eh bien non, il faut que chacun prenne sa part à l’effort de modernisation de nos institutions. Et puis, on ne peut pas, quand on aspire à conduire le pays, se prononcer sur une telle réforme seulement par calcul arithmétique.
J’ai conscience qu’à gauche la situation est délicate pour ceux qui constatent toutes les avancées de la réforme et qui aimeraient peut-être voter oui. Je pense aux dix-sept députés socialistes qui ont eu le courage de l’écrire il y a quelques semaines. La donne politique n’a pas tellement changé. Mais ils ne veulent pas donner l’impression qu’ils offrent une victoire à la majorité, parce que Versailles comme Reims sont deux villes sacrées, et je les respecte pour ce qu’elles sont.
Sincèrement, il faut que chacun comprenne que tout le monde sortira gagnant d’une telle réforme. Regardez la LOLF que j’évoquais à l’instant. Personne n’a jamais pensé que c’était la victoire de la gauche contre la droite. C’est un succès républicain, qui perdure encore aujourd’hui. Et nous sommes fiers, les uns et les autres, de mettre Didier Migaud comme Alain Lambert en haut du podium, pour rendre hommage à ceux qui ont porté une constitution budgétaire qui honore notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Je veux enfin m’adresser à ceux de mes amis parlementaires qui, à droite ou au centre, hésitent à voter oui, ou s’apprêtent à voter non.
Au nom de tout ce qui nous unit, vous et moi, depuis un an, je vous dis les choses en conscience et avec gravité : j’ai besoin de vous. Du bulletin que vous glisserez tout à l’heure dans l’urne dépendra…
M. Jean-Pierre Brard. Votre avenir !
M. Jean-François Copé. …ce que sera le Parlement dans les années et sans doute les décennies à venir, puisque, vous l’avez compris, la gauche se prépare, hélas ! à dire non.
De votre bulletin dépendra notre capacité à prendre toute notre part dans les grandes réformes. L’enjeu est considérable. Il s’agit d’une transformation profonde du mandat de parlementaire.
Depuis des décennies, les réformes sont préparées dans les ministères, décidées dans les ministères, appliquées depuis les ministères. Et les parlementaires se sentent trop souvent peu entendus, voire incompris et marginalisés. Et ils le disent.
Voilà qu’avec la modernisation de nos institutions, ceux qui sont en prise directe avec les Français, ceux qui sont en permanence à leur écoute sur le terrain, vont être associés dès le début à la préparation des réformes.
Aucune loi ne pourra plus être mise à l’ordre du jour et votée sans une véritable coproduction en amont entre le Gouvernement et le Parlement, avec à la clé des études d’impact. Aucune politique publique ne sera plus à l’abri d’un contrôle rigoureux et transparent.
Pour conclure, avant de voter, posons-nous une question, une seule question, la dernière : si le non devait l’emporter, on en resterait au statu quo. En conscience, demandons-nous si nous préférons le statu quo avec ses immenses faiblesses aux avancées indéniables de cette réforme.
J’ai l’intime conviction que cette réforme donnera à chacun de nous les moyens de mieux remplir sa mission au service des Français. Tout dépend maintenant de nous. L’histoire ne repassera pas les plats une seconde fois. Chacune et chacun de nous est placé devant ses responsabilités et devant son destin. C’est maintenant ou jamais ! (De nombreux parlementaires se lèvent et applaudissent.)
M. le président. Nous avons terminé les explications de vote.
Vote par scrutin public
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Le scrutin aura lieu dans les huit bureaux de vote installés dans les salles situées à proximité de l’hémicycle.
Le scrutin va être ouvert durant quarante-cinq minutes. Je prononcerai à dix-huit heures quinze sa clôture, qui sera annoncée par une sonnerie dans chacun des bureaux de vote.
Le scrutin est ouvert.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Le scrutin est clos.
Je rappelle que le Bureau du Congrès a décidé que le résultat du vote serait vérifié par un comptage manuel des bulletins, sous le contrôle des secrétaires du Congrès.
En conséquence, la séance sera reprise, pour la proclamation du résultat, vers dix-huit heures quarante-cinq.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, à nouveau suspendue, est reprise à dix-huit heures trente-trois.)
M. le président. La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin sur le projet de loi constitutionnelle :
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin :
Nombre de votants | 905 |
Nombre de suffrages exprimés | 896 |
Majorité requise pour l’adoption du projet de loi constitutionnelle, soit les trois cinquièmes des suffrages exprimés | 538 |
Pour l’adoption | 539 |
Contre | 357 |
Le Congrès a adopté le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, approuvé à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. (Vifs applaudissements sur de très nombreux bancs. – Protestations sur divers bancs.)
Le texte sera transmis à M. le Président de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
Claude Azéma
DÉCRET DU 17 JUILLET 2008 TENDANT À SOUMETTRE UN PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS
Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre,
Vu l'article 89 de la Constitution,
Décrète :
Article 1er. – Le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, voté en termes identiques par l'Assemblée nationale lors de sa séance du 9 juillet 2008 et par le Sénat lors de sa séance du 16 juillet 2008, dont le texte est annexé au présent décret, est soumis au Parlement convoqué en Congrès le 21 juillet 2008.
Article 2. – L'ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu'il suit :
- Vote sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Article 3. – Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 17 juillet 2008
Nicolas Sarkozy
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
François Fillon
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE DE MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE LA VE RÉPUBLIQUE
Article 1er
I. – L’article 1er de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
II. – Le dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution est supprimé.
Article 2
L’article 4 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le second alinéa, les mots : « au dernier alinéa de l’article 3 » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l’article 1er » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
Article 3
Après le premier alinéa de l’article 6 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
Article 4
L’article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
« Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin. » ;
3° Dans le dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
Article 5
L’article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »
Article 6
L’article 16 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. »
Article 7
L’article 17 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 17. – Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »
Article 8
L’article 18 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote. » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « le Parlement est réuni » sont remplacés par les mots : « les assemblées parlementaires sont réunies ».
Article 9
L’article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 24. – Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques.
« Il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat.
« Les députés à l’Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct.
« Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
« Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat. »
Article 10
L’article 25 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. »
Article 11
L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Dans le troisième alinéa, après les mots : « libertés publiques ; », sont insérés les mots : « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; »
3° Après les mots : « assemblées parlementaires », la fin du huitième alinéa est ainsi rédigée : « , des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; »
4° L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.
« Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. »
Article 12
Après l’article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1. – Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique.
« Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. »
Article 13
L’article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.
« Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.
« Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »
Article 14
Le deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. »
Article 15
L’article 39 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.
« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours.
« Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. »
Article 16
Dans le premier alinéa de l’article 41 de la Constitution, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés les mots : « ou le président de l’assemblée saisie ».
Article 17
L’article 42 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 42. – La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l’assemblée a été saisie.
« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l’autre assemblée.
« La discussion en séance, en première lecture, d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai de quatre semaines à compter de sa transmission.
« L’alinéa précédent ne s’applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l’article 45. Il ne s’applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »
Article 18
L’article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 43. – Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l’une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.
« À la demande du Gouvernement ou de l’assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet. »
Article 19
Le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »
Article 20
L’article 45 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déclaré l’urgence » sont remplacés par les mots : « décidé d’engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s’y soient conjointement opposées » ;
b) Après le mot : « ministre », le mot : « a » est remplacé par les mots : « ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont ».
Article 21
Le deuxième alinéa de l’article 46 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu’à l’expiration des délais fixés au troisième alinéa de l’article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l’article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt. »
Article 22
I. – Le dernier alinéa des articles 47 et 47-1 de la Constitution est supprimé.
II. – Après l’article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article 47-2 ainsi rédigé :
« Art. 47-2. – La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens.
« Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »
Article 23
L’article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 48. – Sans préjudice de l’application des trois derniers alinéas de l’article 28, l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée.
« Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.
« En outre, l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant, des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d’autorisation visées à l’article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l’ordre du jour par priorité.
« Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques.
« Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires.
« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »
Article 24
Le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, le mot : « texte » est remplacé par les mots : « projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » ;
2° Dans la deuxième phrase, le mot : « texte » est remplacé par le mot : « projet » ;
3° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »
Article 25
Après l’article 50 de la Constitution, il est inséré un article 50-1 ainsi rédigé :
« Art. 50-1. – Devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité. »
Article 26
Après l’article 51 de la Constitution, il est inséré deux articles 51-1 et 51-2 ainsi rédigés :
« Art. 51-1. – Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires.
« Art. 51-2. – Pour l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation définies au premier alinéa de l’article 24, des commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information.
« La loi détermine leurs règles d’organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée. »
Article 27
Le premier alinéa de l’article 56 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable à ces nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée. »
Article 28
Dans le premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, après le mot : « promulgation, », sont insérés les mots : « les propositions de loi mentionnées à l’article 11 avant qu’elles ne soient soumises au référendum, ».
Article 29
Après l’article 61 de la Constitution, il est inséré un article 61-1 ainsi rédigé :
« Art. 61-1. – Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
« Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
Article 30
Le premier alinéa de l’article 62 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. »
Article 31
L’article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65. – Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège et une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée.
« La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du siège.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République au titre de l’article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour.
« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.
« La loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
Article 32
L’intitulé du titre XI de la Constitution est ainsi rédigé : « Le Conseil économique, social et environnemental ».
Article 33
L’article 69 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans les premier et deuxième alinéas, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu’il propose d’y donner. »
Article 34
L’article 70 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 70. – Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis. »
Article 35
Dans l’article 71 de la Constitution, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».
Article 36
Dans l’article 71 de la Constitution, après le mot : « social », sont insérés les mots : «, dont le nombre de membres ne peut excéder deux cent trente-trois, ».
Article 37
L’article 72-3 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, après le mot : « Mayotte, », sont insérés les mots : « Saint-Barthélemy, Saint-Martin, » ;
2° Le dernier alinéa est complété par les mots : « et de Clipperton ».
Article 38
L’article 73 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement » ;
2° Dans le troisième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement, » et, après les mots : « de la loi », sont ajoutés les mots : « ou du règlement ».
Article 39
Le premier alinéa de l’article 74-1 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. »
Article 40
Après l’article 75 de la Constitution, il est inséré un article 75-1 ainsi rédigé :
« Art. 75-1. – Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
Article 41
Après le titre XI de la Constitution, il est inséré un titre XI bis ainsi rédigé :
« TITRE XI BIS
« LE DÉFENSEUR DES DROITS
« Art. 71-1. – Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office.
« La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions.
« Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.
« Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. »
Article 42
I. – Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 87 ainsi rédigé :
« Art. 87. – La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage. »
II. – L’intitulé du titre XIV de la Constitution est ainsi rédigé : « De la francophonie et des accords d’association ».
Article 43
L’article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 88-4. – Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne.
« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.
« Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. »
Article 44
L’article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 88-5. – Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.
« Toutefois, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l’adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89. »
Article 45
Dans la première phrase du deuxième alinéa de l’article 89 de la Constitution, après le mot : « être », sont insérés les mots : « examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l’article 42 et ».
Article 46
I. – Les articles 11, 13, le dernier alinéa de l’article 25, les articles 34-1, 39, 44, 56, 61-1, 65, 69, 71-1 et 73 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application.
II. – Les articles 41, 42, 43, 45, 46, 48, 49, 50-1, 51-1 et 51-2 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur le 1er mars 2009.
III. – Les dispositions de l’article 25 de la Constitution relatives au caractère temporaire du remplacement des députés et sénateurs acceptant des fonctions gouvernementales, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent aux députés et sénateurs ayant accepté de telles fonctions antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n’est pas encore expiré.
Article 47
I. – À compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l’article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne » sont remplacés par les mots : « les projets d’actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne » ;
2° Dans l’article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;
3° Les deux derniers alinéas de l’article 88-6 sont ainsi rédigés :
« Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l’Union européenne par le Gouvernement.
« À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit. »
II. – Sont abrogés l’article 4 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution ainsi que les 3° et 4° de l’article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution.
III. – L’article 88-5 de la Constitution, dans sa rédaction résultant tant de l’article 44 de la présente loi constitutionnelle que du 2° du I du présent article, n’est pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.