M. le président. L’article 24 ter a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 134, présenté par MM. Badinter, Frimat et Bel, Mme Bricq, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans la Constitution, les mots : « Conseil constitutionnel » sont remplacés par les mots : « Cour constitutionnelle ».
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Nous retrouvons là une situation qui n’est pas sensiblement différente de celle que nous venons d’évoquer.
Je livre à mes collègues Lecerf et Gélard un cas d’étude, pour leurs étudiants, sur la procédure parlementaire.
Cet amendement porte sur une question qui n’est pas majeure dans les institutions, puisqu’il s’agit simplement de la dénomination à retenir pour le Conseil constitutionnel.
On le sait, il y a une différence absolument radicale entre le Conseil constitutionnel d’origine et celui d’aujourd'hui : l’ouverture de sa saisine aux parlementaires, puis, à présent, aux justiciables, a transformé cette institution en une juridiction constitutionnelle, comme il en existe dans toutes les démocraties, notamment européennes.
Après avoir consulté les présidents successifs du Conseil constitutionnel, notamment les deux précédents, j’ai déposé un amendement visant à modifier la dénomination de cette institution pour que celle-ci corresponde plus à la réalité.
Aujourd'hui, cette institution ne donne pas des conseils, elle rend des décisions juridictionnelles ayant autorité de la chose jugée à l’encontre de toutes les autorités de l’État. Comme la logique le commande, appelons-la donc « Cour constitutionnelle ».
Cet amendement, qui n’est pas d’une grande importance politique, procède simplement du bon sens juridique.
Je n’avais pas compris la raison de l’attachement à une formule dépassée, mais la commission des lois avait émis un avis favorable sur cet amendement, qui a été adopté par le Sénat. J’en ai été ravi, d’autant que les succès sont rares : j’ai compté qu’un de mes amendements en moyenne est adopté par an ! C’est la destruction progressive du pouvoir de convaincre !...
Pour en revenir à mon amendement, j’ai constaté que l'Assemblée nationale est revenue à la dénomination de « Conseil constitutionnel ». Comme tout juriste sérieux, je me suis reporté à ses travaux. Et le résultat est prodigieux ! Les débats qui ont eu lieu sur cet amendement tiennent en quatre lignes !
Deux amendements identiques de suppression ont été déposés, l’un, au nom de la commission, par notre distingué collègue Jean-Luc Warsmann, l’autre par M. Jacques Myard. Aucun d’entre eux n’a étayé son argumentation, se contentant d’indiquer que leur amendement visait à supprimer l’article 24 ter. Le Gouvernement a émis un avis favorable, sans justification. Les amendements identiques ont ensuite été mis aux voix, et l’article a été supprimé, sans mot dire, y compris de l’opposition.
La seule explication, je l’ai trouvée dans le rapport de M. Hyest, et je l’en félicite, lorsqu’il cite le rapport de M. Warsmann. Les députés estiment que la mission juridictionnelle du Conseil constitutionnel « n’est ignorée par personne ».
Je veux bien, mais reconnaissons que c’est une vision singulièrement irénique de la réalité. Si vous demandez à nos concitoyens ce que rend le Conseil – des conseils ou des décisions ? –, je suis sûr qu’ils n’en savent rien !
Par conséquent, je souhaite toujours que l’on reconnaisse à l’institution sa véritable identité de Cour, et cela pour une raison simple : au regard de toutes les juridictions en Europe qui, toutes, sont appelées Cour, il n’est pas bon de nommer « Conseil » une grande institution comme celle-là, qui rend des décisions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le changement de dénomination n’apporterait rien. Une telle disposition a d’ailleurs été débattue lors de la première lecture au Sénat.
MM. Jean-Pierre Sueur et Bernard Frimat. Et votée !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il ne s’agit pas de minimiser le rôle juridictionnel du Conseil constitutionnel. Mais le fait est que ce n’est pas qu’une juridiction. Ce n’est pas non plus une Cour suprême. Il s’agit d’une institution tout à fait originale au sein de notre République.
Dans le cadre de l’équilibre des pouvoirs, le Gouvernement a effectivement souhaité maintenir la dénomination actuelle. Par conséquent, il est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je voudrais simplement faire remarquer à Mme le garde des sceaux qu’elle avait déjà lu en première lecture la même argumentation défavorable et que le Sénat avait adopté cette disposition contre son avis.
Par conséquent, son intervention ne nous a rien apporté.
M. le président. En conséquence, l’article 24 ter demeure supprimé.
Article 25
I. - Non modifié.
II. – Supprimé.
M. le président. L'amendement n° 135, présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du I de cet article :
Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée ont lieu après avis public de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée, statuant à la majorité des trois cinquièmes.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement concerne toujours le Conseil constitutionnel. S’agissant de la nomination de ses membres, nous avions fait remarquer – et je le souligne encore ce soir – à quel point il était essentiel que la décision fasse l’objet d’un consensus. En clair, cela signifie que doit intervenir un vote positif à la majorité des trois cinquièmes et, en pareil cas, nous serons dans l’indiscutable. De telles procédures sont d’ailleurs utilisées dans d’autres grandes démocraties pour la désignation des magistrats qui jugent dans les juridictions constitutionnelles.
Nous avons déjà longuement exposé les raisons pour lesquelles le système adopté, le véto négatif à la majorité des trois cinquièmes, profite purement et simplement à la seule majorité. Ce n’est nullement un appel au consensus ! De plus, en conservant un tel véto, vous mettez à mal ce dont vous vous réclamez tant : l’ouverture.
Il n’y a là qu’une volonté de conserver du côté de la majorité la maîtrise de telles nominations. Par conséquent, je vous demande une nouvelle fois d’adopter l’amendement que nous proposons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’objet de cet amendement revient à transférer le pouvoir de nomination du président aux assemblées qui donneraient les avis.
M. Jean-Pierre Sueur. Un avis !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si l’avis doit être conforme, c’est que l’on transfère le pouvoir de nomination !
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, car la décision de nomination doit être prise par le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale. L’ajout des commissions apporte de la transparence.
Pendant très longtemps, on ne s’est jamais posé la question de l’indépendance et de la qualité des membres du Conseil constitutionnel ! C’était un pouvoir propre du Président de la République.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Comme toujours, la question est de savoir à quoi sert ce que nous faisons, ...
M. Henri de Raincourt. À rien !
M. Jean-Pierre Sueur. ... puisque M. le rapporteur n’a donné aucune argumentation.
M. le président. Allons !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la vérité, monsieur le président ! Pourquoi débattre si aucun argument n’est avancé ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas à fournir d’argumentation. J’ai donné l’avis de la commission, qui est défavorable à cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame le garde des sceaux, il est tout à fait inexact de dire que nous demandons un avis conforme. Si tel était le cas, il y aurait effectivement un transfert du pouvoir de nomination du Président de la République vers le Parlement.
L’amendement présenté par M. Badinter précise seulement que les nominations effectuées par le président de chaque assemblée ont lieu après avis « public » de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. Statuant, en effet, à la majorité des trois cinquièmes.
M. Jean-Pierre Fourcade. On a lu l’amendement !
M. Jean-Pierre Sueur. Mme le garde des sceaux a parlé d’avis conforme ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Pas de dialogues, mes chers collègues.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, puisque M. Fourcade m’a interpellé...
M. le président. Il ne vous a pas interpellé !
M. Jean-Pierre Sueur. ... pour me faire remarquer que l’amendement avait été lu, permettez-moi de lui faire observer que Mme la ministre ne l’a pas lu de la même manière que lui. Il est donc très important qu’on ne nous fasse pas dire ce que nous n’avons pas dit, ni d’ailleurs écrit !
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Sur le précédent amendement, j’étais personnellement convaincu…
M. Jean-Pierre Fourcade. Pas moi !
M. Jean-René Lecerf. … de la pertinence de l’argumentation de M. Badinter. C’est la raison pour laquelle je me suis abstenu, même si cela n’a pas changé grand-chose.
En revanche, sur celui-ci, très honnêtement, je ne vois pas quel juriste ou quelle personnalité politique désigné pour siéger au Conseil constitutionnel, puis essuyant un refus même à la majorité simple de la commission compétente, resterait en place.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Évidemment !
M. Jean-René Lecerf. Par conséquent, il s’agit vraiment d’un faux problème.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir le II de cet article dans la rédaction suivante :
II - Le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution est supprimé.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Nous retrouvons la même situation que celle qui a été précédemment évoquée s’agissant de la dénomination du Conseil. Mais, cette fois, nous abordons la question des membres à vie, les anciens Présidents de la République.
Les raisons historiques qui sont à l’origine de cette singularité française étaient d’assurer aux anciens Présidents de la République un traitement décent. La IVe République ne le faisait pas. Le général de Gaulle s’en est soucié, à juste titre. Mais les situations telles que celle dans laquelle se trouvait le président René Coty ont fort heureusement disparu !
Aujourd’hui, la République s’honore en assurant aux anciens présidents de la République les traitements et les avantages qui conviennent, et l’argument d’origine n’est donc plus valable.
Nous nous trouvons donc devant une singularité qui est vraiment unique s’agissant des juridictions constitutionnelles : la présence à vie d’anciens Présidents de la République.
La conséquence, je l’ai évoquée : compte tenu du rajeunissement des Présidents de la République et, mieux encore, de la prolongation de la vie, le nombre des anciens Présidents de la République membres à vie du Conseil constitutionnel va aller croissant.
Cela n’est pas bon. J’irai même plus loin, cela n’a tout simplement pas de sens. Rien n’empêche un Président de la République qui a fini son mandat et qui a la vocation d’être juge constitutionnel de demander à être nommé au Conseil constitutionnel. Il se trouvera toujours l’un des trois présidents pour le faire ! Il ne serait pas nommé à vie et il serait soumis aux mêmes obligations que les autres membres.
Mais le système créé pour le seul président René Coty ayant perduré, nous sommes dans une situation tout à fait différente. Les anciens Présidents de la République ne se sentent pas liés par les obligations des autres membres ; ils se considèrent au-dessus.
Par exemple, sans vouloir offenser quiconque, ils ne sont pas d’une assiduité exemplaire. Et quand on vient me dire que leur sagesse permet d’éclairer le Conseil, je rappelle que les présidents du Conseil constitutionnel et les rapporteurs prennent bien soin, sur les questions essentielles, de consulter tous ceux qui peuvent les éclairer, éventuellement les anciens Présidents de la République.
Réfléchissez bien ! Il n’est pas bon qu’il y ait, dans la République, quelque forme de mandat à vie que ce soit,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah çà !
M. Robert Badinter. ... et ce pour une raison simple, mais je ne suis pas le seul ici de mon âge : on prend inévitablement une certaine distance avec l’évolution des sensibilités contemporaines. Or, selon moi, quand on doit arrêter des décisions de cet ordre, une telle prise de distance n’est pas bonne et, s’agissant d’une fonction à vie, j’ajoute que les capacités intellectuelles peuvent – mais on ne le réalise pas toujours – ne pas demeurer aussi vivaces qu’au moment de la prise de fonctions.
Par conséquent, le mandat à vie est en soi condamnable, de même que la présence à vie des anciens Présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel. Je ne parle pas de ceux qui y siègent déjà ; il est hors de question de toucher à leur mandat ; cela n’est pas souhaitable.
Enfin, il n’est pas bon non plus qu’au sein d’une grande juridiction comme celle-là, Conseil ou Cour, une proportion de plus en plus importante de femmes ou d’hommes – pour l’instant, ce ne sont que des hommes –, soit perçue de l’extérieur comme étant inévitablement des personnalités politiques.
La politisation d’une grande institution juridictionnelle est mauvaise. Les Britanniques disent, à juste titre, qu’il ne suffit pas que la justice soit rendue ; encore faut-il que l’on pense qu’elle a été rendue ! Or ce n’est pas le soupçon de politisation des membres du Conseil constitutionnel qui incitera à mieux accueillir les décisions de celui-ci.
Tout y contribue ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission des lois et vous-mêmes aviez voté la suppression du deuxième alinéa de l’article 56 de la Constitution. Je regrette que cette mesure ait été rétablie ; je demande donc à la Haute Assemblée de revenir à sa position première.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vais faire un effort ! La commission a émis un avis défavorable, mais nous serons certainement amenés à revenir sur cette question.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Je ne suis pas d’accord avec la version donnée par M. Badinter des raisons pour lesquelles les Présidents de la République ont été nommés conseillers constitutionnels par les constituants de 1958.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour améliorer leur retraite !
M. Josselin de Rohan. Ce n’est nullement pour leur assurer une retraite ! Le Président Vincent Auriol, qui a longtemps été parlementaire, pouvait très bien vivre de sa retraite de parlementaire. Le Président René Coty avait, lui aussi, été parlementaire avant et après la guerre. Le Conseil constitutionnel de la Ve République n’a donc jamais été considéré comme une maison de retraite !
En vérité, on a voulu bénéficier de la sagesse et de l’expérience des anciens Présidents ; Vincent Auriol et René Coty étaient en effet des hommes d’un grand bon sens. Pour des raisons que l’on connaît, le Président Vincent Auriol n’a pas voulu siéger au Conseil constitutionnel. Le Président René Coty y a siégé jusqu’à ce que ses forces l’abandonnent, et personne n’a trouvé qu’il détonnait au sein de cette noble assemblée !
Monsieur Badinter, l’un de vos successeurs à la présidence du Conseil constitutionnel, M. Jean-Louis Debré, qui m’honore de son amitié, m’a dit combien il était heureux de compter deux anciens Présidents de la République. C’est une différence qu’il a avec vous, car vous n’en comptiez aucun. Par conséquent, vous ne parlez pas en connaissance de cause de l’apport que cela représente pour les débats au sein du Conseil constitutionnel !
Le président Jean-Louis Debré explique que l’expérience, la sagesse et la connaissance du monde politique des deux anciens Présidents de la République sont véritablement bienvenues et permettent d’éclairer un certain nombre de débats.
En effet, il ne s’agit pas seulement de se prononcer en tant que juristes. Quelquefois, il faut également tenir compte du contexte politique. Et ces deux anciens Présidents de la République, qui bénéficient d’une réelle expérience, apportent beaucoup à la juridiction chargée d’examiner la conformité d’un certain nombre de textes à notre loi fondamentale.
Par conséquent, monsieur Badinter, je ne peux pas vous laisser dire que la règle selon laquelle les anciens Présidents de la République siègent de droit au Conseil constitutionnel serait une anomalie ou une disposition totalement inutile pour notre République. Vous pouvez être de cet avis, mais permettez que d’autres ne le partagent pas.
Certes, vous pouvez arguer que le poids des ans devrait amener les anciens Présidents de la République à opter pour une autre activité. Mais un tel argument pourrait également valoir pour le Sénat. (Murmures sur plusieurs travées.) On peut effectivement faire autre chose à partir d’un certain âge.
Vous avez également indiqué que la science permettrait à un très grand nombre d’anciens Présidents de la République de siéger au sein de cette juridiction.
Monsieur Badinter, prenons un cas concret. Imaginons un Président de la République élu une première fois à cinquante-deux ans – vous voyez à qui je peux faire allusion (Sourires) –, puis réélu. À l’issue de son second mandat, il serait alors âgé d’une soixante d’années. Convenez-en, il pourrait s’occuper autrement qu’en devenant membre du Conseil constitutionnel !
En l’occurrence, je ne suis pas certain que le Président de la République auquel je pense aille nécessairement siéger au sein de la juridiction constitutionnelle. Et s’il y va, tant mieux ! Il pourra faire bénéficier cette institution de son expérience, comme d’autres l’ont fait avant lui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour ma part, je soutiendrai naturellement cet amendement. En effet, il s’agit d’un sujet qui a fait l’objet d’une réflexion importante.
La question n’est pas de connaître l’avis, nécessairement subjectif, de chaque parlementaire sur les apports respectifs des différents anciens Présidents de la République siégeant ou ayant siégé au sein du Conseil constitutionnel. Le problème est tout autre !
Le point essentiel, c’est que le monde a effectivement changé. D’ailleurs, vous vous plaisez à le rappeler en toutes occasions. Deux anciens Présidents de la République siègent aujourd'hui au Conseil constitutionnel, ce qui aurait été inconcevable à une certaine époque. Peut-être seront-ils un jour trois, voire quatre. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Et pourquoi pas vingt-cinq ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En outre, les anciens Présidents de la République restent plus longtemps au Conseil constitutionnel, ce qui est d’ailleurs positif, puisque c’est la conséquence de l’allongement de la durée de la vie.
Dès lors, on constate une disproportion entre le nombre de membres du Conseil constitutionnel nommés et le nombre de membres de droit à vie, c'est-à-dire les anciens Présidents de la République. Le fait d’avoir un nombre important de membres à vie et même le simple fait d’en avoir plusieurs posent problème.
Le sujet a fait l’objet d’une réflexion, et il nous est apparu utile de supprimer ce qui constitue aujourd'hui peut-être pas une anomalie, mais à tout le moins une survivance de temps plus anciens. Mais, pour des raisons qui nous dépassent certainement, nous ne pourrons sans doute pas procéder à une telle révision. C’est très regrettable !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je souhaite répondre à M. de Rohan.
Mon cher collègue, je vous rappelle que la Haute Assemblée avait voté une telle suppression.
M. Jean-Pierre Fourcade. À quelques voix près !
M. Robert Badinter. En outre, sauf erreur de ma part, le président René Coty est mort avant 1974, c'est-à-dire à une époque où le Conseil constitutionnel n’était pas la même institution qu’aujourd'hui.
En effet, si la révision constitutionnelle – je dirais même la « révolution » – voulue par le président Valéry Giscard d’Estaing en 1974 a transformé la nature du Conseil constitutionnel, cette juridiction faisait auparavant quelque peu figure de « belle au bois dormant ». Si vous vous reportez, comme je l’ai fait, aux travaux du Conseil constitutionnel, vous vous rendez compte que seulement douze ou treize décisions ont été rendues – je mets de côté le contentieux électoral – avant 1974. Compte tenu de son mode de saisine, cette institution n’était alors pas une véritable juridiction.
La réalité est totalement différente aujourd'hui ! On ne peut donc se référer au précédent du Président de la République René Coty.
J’en viens maintenant à la situation actuelle. Monsieur de Rohan, selon vous, M. Jean-Louis Debré, l’actuel président du Conseil constitutionnel, souhaiterait que les anciens Présidents de la République, dans l’avenir – je ne parle pas de ceux qui y siègent actuellement –, demeurent membres de droit à vie de cette institution. Je me permets de vous signaler que je l’ai entendu défendre une position exactement inverse.
M. Josselin de Rohan. Pourtant, c’est ce qu’il a dit !
M. Robert Badinter. Peut-être aurions-nous dû le convoquer devant la commission des lois du Sénat, nous aurions ainsi été fixés. Nous divergeons, parce que chacun de nous a entendu une version différente.
M. Henri de Raincourt. Moi, j’ai entendu la même version que M. de Rohan !
M. Robert Badinter. Pour ma part, j’établis une distinction entre ce qui vaut pour le passé, auquel nul ne saurait toucher, et ce qui vaut pour l’avenir ; je me suis déjà suffisamment exprimé sur le sujet.
Ce n’est faire offense à personne de le souligner, il n’est pas bon que quiconque puisse détenir un mandat à vie dans une juridiction. Croyez-moi, nous aurons l’occasion de le constater dans les décennies à venir.