M. Didier Boulaud. Grossiers !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les propositions de résolutions seront soit votées, soit rejetées par les assemblées. Il est donc inutile que le gouvernement, par un moyen que nous ignorons, décide de leur recevabilité.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Tout a été dit ! Je me demande malgré tout comment on peut vouloir inscrire dans une Constitution une disposition qui, à la fois, affirme le droit de résolution – ce qui est très bien – et soumet ce droit à la censure du gouvernement, puisqu’il est écrit que c’est « le gouvernement [qui] estime » si sa responsabilité peut être mise en cause.
Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Si le gouvernement veut s’exprimer, il fera entendre sa voix au moment où l’Assemblée ou le Sénat délibérera. Mais comment peut-il lui-même déclarer irrecevable une proposition de résolution en fonction d’une estimation que l’on ne peut que qualifier de subjective ? Je ne vois vraiment pas comment on peut mettre en œuvre une telle disposition ?
La décision sera à la complète discrétion du gouvernement. Vous créez un droit de résolution. Vous affirmez que c’est un grand progrès, mais vous ajoutez aussitôt : « Excusez-nous, sa mise en œuvre est à la discrétion du gouvernement. » L’axiome « donner et retenir ne vaut » trouve ici tout son sens.
C’est pourquoi, ne serait-ce que pour la plus simple raison constitutionnelle, je vous demande, mes chers collègues, de ne pas accepter cet ajout dans la Constitution.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 110.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 140 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 291 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 146 |
Pour l’adoption | 121 |
Contre | 170 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 52.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
L’article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.
« Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.
« Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, sur l’article.
M. Didier Boulaud. Cet article revêt pour nous une importance toute particulière, puisqu’il traite de la guerre, de la paix, de la défense et de la politique étrangère de notre pays.
Nous souhaitons l’amender pour qu’il apporte un changement réellement significatif dans un domaine où la Ve République présente, reconnaissons-le, de sérieuses déficiences. C’est donc bien volontiers que nous remettons l’ouvrage sur le métier ! Nos amendements tendent à compléter et à améliorer la rédaction de l’article 13 du projet de loi ; ils entendent également souligner toute l’attention que le Parlement devrait porter aux opérations militaires, lesquelles engagent souvent des centaines de soldats français dans des conflits lointains.
Cet article devrait pouvoir constituer, pour le Parlement, une réelle avancée démocratique, de nature à permettre à la France de se comparer avantageusement aux autres grandes démocraties. Mais, pour en arriver là, il faudrait que nos amendements soient adoptés ! À défaut, nous resterons des nains politiques face à la toute puissance de l’exécutif.
Voilà pourquoi nous présentons plusieurs amendements qui, tous, poursuivent la même finalité, à savoir accroître le rôle du Parlement dans les domaines de la défense et des affaires étrangères et, ainsi, contribuer à la mise à mort du néfaste « domaine réservé », véritable tabou institué par la pratique institutionnelle de la Ve République.
Nos amendements cherchent également à créer un système équilibré, prudent, certes soucieux des prérogatives légitimes de l’exécutif, mais aussi capable de garantir la protection et la sécurité des hommes et des femmes qui participent aux opérations militaires extérieures.
Pour résumer, nous proposons un dispositif responsable et efficace.
D’abord, en demandant un vote du Parlement sur les interventions militaires, nous lui permettons d’assumer et d’exercer, en toute responsabilité, un véritable rôle de contrôle.
Ensuite, en soumettant toute prolongation d’une intervention militaire à une autorisation parlementaire, qui devra être renouvelée tous les six mois, nous garantissons l’efficacité de ce contrôle, celui-ci ne pouvant se réduire à un chèque en blanc donné une fois pour toutes.
Enfin, en demandant au Gouvernement d’informer le Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire, nous apportons une contribution effective à la nécessaire rénovation de notre politique étrangère.
Telle est, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, la philosophie générale de notre démarche. Nous souhaitons sortir du virtuel pour donner au Parlement les moyens de contrôler véritablement l’action de l’exécutif ; c’est la preuve de notre bonne volonté.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L’article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 35 - Toute intervention des forces armées à l’extérieure du territoire de la République est autorisée par le Parlement, y compris hors session. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Avec cet amendement, nous souhaitons donner au Parlement un réel pouvoir sur les conditions d’intervention de nos forces armées à l’étranger.
Aux termes de l’article 35 de la Constitution de la Ve République, nos assemblées n’ont à se prononcer qu’en cas de déclaration de guerre. Or l’idée de déclarer officiellement la guerre dans des conflits d’une complexité sans commune mesure avec ceux d’hier n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui.
Cette disposition obsolète conduit donc à une situation dans laquelle la décision finale d’envoi de nos troupes reste du seul ressort du Président de la République, en sa qualité de chef des armées.
Cette pratique, qui tient d’ailleurs plus, comme Didier Boulaud vient de le rappeler, de la coutume que de la Constitution proprement dite, veut que les affaires étrangères et la défense constituent le domaine réservé du Président de la République. Elle ne correspond plus aux réalités et aux exigences de notre époque. Aussi souhaitons-nous que le Parlement soit amené à se prononcer par un débat, suivi d’un vote, sur l’opportunité d’une intervention à l’étranger et qu’il autorise le Gouvernement à la mener.
Pourquoi attendre quatre mois après le début d’une intervention pour solliciter l’autorisation du Parlement ? C’est au nom de la France et avec l’adhésion des représentants du peuple que la décision d’engager nos troupes doit être prise. Certes, il faut s’entendre sur la définition du terme « intervention » et préciser les critères permettant d’identifier celles qui doivent donner lieu à autorisation du Parlement.
Ces critères devraient, notamment, être quantitatifs, c’est-à-dire fonction de l’importance de l’opération, et prendre également en compte les répercussions politiques de l’intervention, tant intérieures qu’extérieures.
Il ne s’agit pas de faire en sorte que le Parlement se prononce sur tous les types d’interventions. Il faut exclure celles qui ont un caractère d’extrême urgence, par exemple celles qui visent à protéger nos ressortissants, celles qui nécessitent confidentialité et rapidité pour être efficaces, ou bien encore celles qui se déroulent à l’étranger, dans le cadre d’exercices communs avec d’autres pays. Il faut exclure également les interventions d’urgence décidées en application de l’article 51 de la Charte des Nations unies pour réagir à l’invasion d’un pays.
En revanche, lorsqu’il s’agit de l’envoi de militaires en corps constitués à des fins opérationnelles, ce qui peut comprendre des missions de combat, dans des situations politiques souvent complexes, et dans le cadre d’un mandat international, nous pensons que les élus du peuple doivent prendre leurs responsabilités.
Le projet de loi prévoit de demander l’autorisation du Parlement au bout de quatre mois. Mais n’est-il pas préférable de l’associer, en amont, à la décision initiale plutôt que de le mettre ainsi devant le fait accompli ?
Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, une nouvelle rédaction de l’article 35 de la Constitution.
M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :
Cette information donne lieu à un débat suivi d’un vote dans les conditions fixées par le règlement des assemblées, dans les deux semaines suivant le début de l’intervention.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Nous sommes l’un des rares pays européens dans lequel le Parlement n’est ni informé ni consulté lorsque nos armées sont amenées à intervenir à l’extérieur de nos frontières. Ce sont pourtant des décisions d’une grande importance, puisqu’elles sont menées au nom de la France et qu’elles engagent souvent la vie des hommes et des femmes qui servent dans nos forces armées.
Or ce type de décision est pris en cercle restreint et, in fine, par un seul homme, le Président de la République. À une époque où l’information circule vite, la représentation nationale ne peut plus être tenue à l’écart de décisions aussi graves.
Ces opérations, qui se sont multipliées ces dernières années, outre qu’elles sont dangereuses – il nous faut déplorer plusieurs dizaines de morts et plusieurs centaines de blessés –, sont de plus en plus longues et de plus en plus coûteuses. Dans ces conditions, il semble tout à fait logique, et même démocratique, de proposer un contrôle du Parlement sur l’emploi de nos forces armées à l’étranger.
En modifiant le rapport entre le Parlement et l’exécutif sur ce sujet essentiel, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale contient déjà de timides avancées dans le sens que nous souhaitons. Mais si vous avez vraiment la volonté, mes chers collègues, de renforcer les pouvoirs du Parlement, alors vous avez une excellente occasion de le prouver maintenant !
Ainsi, l’article 13 du projet de loi prévoit une information du Parlement sur les conditions et les objectifs des opérations extérieures, dans les trois jours qui suivent le début de celles-ci : c’est bien la moindre des choses ! Il prévoit également un débat, qui s’avère certes nécessaire pour que le pays, par la voie de ses représentants, puisse connaître les tenants et les aboutissants de chaque situation. Néanmoins, le Parlement ne saurait se satisfaire d’une simple information. Il faut également prévoir dans la Constitution l’autorisation par vote du Parlement ; ce serait tout simplement une marque de respect à l’égard du peuple français.
Les interventions de nos troupes à l’étranger, pour être légitimes, ne peuvent se réaliser qu’avec le soutien de la Nation. Comment peut-on imaginer que de telles opérations soient menées contre l’avis de l’opinion publique ou des forces politiques du pays ? À l’inverse, si les enjeux de l’opération sont clairement exposés, en toute transparence, pourquoi douter de l’adhésion du pays ?
Pour ces raisons, nous proposons, à travers cet amendement, que le Parlement puisse voter sur l’opportunité d’une opération extérieure quinze jours après le début de l’intervention. Ce délai de quinze jours nous paraît raisonnable en ce qu’il permet au Parlement d’intervenir avant que le déploiement de nos troupes ne devienne difficilement réversible.
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :
Cette information donne lieu à un débat qui peut être suivi d'un vote.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. L’introduction dans la Constitution d’une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les interventions des forces armées à l’étranger constitue, certes, une nouveauté.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous le reconnaissez, quand même !
M. Didier Boulaud. Ce ne serait cependant qu’une avancée toute relative si nous étions cantonnés au rôle de spectateurs recevant une simple information.
M. Robert Bret. Une avancée bien timide, en effet !
M. Didier Boulaud. Naturellement, il ne s’agit pas d’empiéter sur les prérogatives de l’exécutif…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah bon !
M. Didier Boulaud. … et nous n’entendons pas que puissent être mises en cause l’efficacité des interventions de nos forces armées ou la sécurité de nos militaires. À cet égard, le dispositif que nous proposons – une information donnant lieu à un débat, éventuellement suivi d’un vote – nous semble équilibré, rationnel et prudent.
Sur certains points, la pratique parlementaire future viendra fournir un mode d’emploi qui fait aujourd’hui défaut : ce sera notamment le cas pour les différents types d’interventions extérieures, les modes mêmes d’information du Parlement, la date de début de l’intervention, etc.
Sur ces sujets importants, nous pouvons accepter que l’article 13 du projet de loi laisse subsister des marges d’interprétation. Toutefois, il y a des principes sur lesquels nous ne voulons pas transiger. Que serait en effet un Parlement qui ne voterait même pas sur une question aussi essentielle que l’envoi de troupes à l’étranger ? Lorsqu’il s’agit d’envoyer sur une terre étrangère, à des fins opérationnelles, des militaires en corps constitués, il nous paraît indispensable que les Parlementaires puissent prendre leurs responsabilités en se prononçant par un vote. Du reste, un tel vote constituerait pour le Gouvernement un soutien indispensable.
Mes chers collègues, vous n’êtes pas sans savoir qu’un contingent français supplémentaire est en partance pour l’Afghanistan, où, hier encore, des militaires américains ont été tués. Le danger est donc réel ! Nous espérons tous, bien sûr, que nous n’aurons pas à déplorer de telles pertes dans les temps qui viennent. Il reste que, si le Parlement, lorsqu’il en a débattu, avait eu à se prononcer sur cette question de l’envoi de militaires en Afghanistan, le Gouvernement pourrait au moins se prévaloir du soutien du peuple exprimé par la voix de ses représentants. Aujourd’hui, il est trop tard, mais nous savons que les 550 militaires français qui se rendent en ce moment en Afghanistan vont se trouver confrontés, dans les semaines à venir, à des situations extrêmement périlleuses. Il est, par conséquent, fort regrettable que les représentants du peuple n’aient pas eu à se prononcer sur ce choix.
Ne nous trompons pas de débat : les parlementaires sauront faire preuve de responsabilité, tout comme le Gouvernement ; mais il nous faut un système équilibré, qui prenne en compte la nécessaire efficacité des opérations militaires et la non moins nécessaire protection des hommes et des femmes qui en sont les acteurs. Lorsque le pays est engagé dans une opération militaire – surtout si, comme je viens de l’expliquer, elle est complexe, dangereuse, difficile –, le Gouvernement a intérêt à pouvoir s’appuyer sur la confiance et le soutien de la représentation nationale. Sinon, il sera seul à assumer cette responsabilité. Pour notre part, mes chers collègues, nous sommes prêts à l’y aider ; j’espère qu’il en est de même pour vous.
Nous sommes sur le point de réaliser, avec l’article 13, une avancée démocratique majeure. Nous n’avons cependant pas inventé grand-chose puisque plusieurs grandes démocraties européennes ont déjà mis en place de tels dispositifs institutionnels. Toutefois, si nous voulons que le Parlement puisse à la fois être informé et contrôler la mise en œuvre des opérations, il nous faut adopter cet amendement, faute de quoi l’équilibre serait rompu.
M. le président. L'amendement no 112, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa de cet article :
Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, la poursuite des opérations est soumise au vote des assemblées tous les six mois.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Cet amendement s’inscrit dans la logique générale de nos propositions et la conforte.
Ces dernières années, les opérations extérieures se sont multipliées, et il y a fort à parier que cela continuera ; elles sont aussi plus complexes, plus longues et de plus en plus coûteuses. Leur contrôle continu par le Parlement est donc plus que jamais indispensable, surtout pour éviter l’enlisement de nos troupes et la dérive de nos finances publiques, dont il a beaucoup été question ce matin.
Le coût des interventions extérieures est élevé. En 2009, il est envisagé d’y consacrer 1 milliard d’euros ; ce sera probablement davantage ! Ces dépenses ont été évaluées à 880 millions d’euros pour l’année 2008, dont, malheureusement, seulement 475 millions avaient été programmés dans la loi de finances.
Nous souhaitons donc pouvoir exprimer la même attention à l’égard des interventions qui se prolongent et s’installent dans la durée, contraignant nos forces armées à des efforts importants en matière de relève et la nation, à des efforts budgétaires croissants. Il y va de la crédibilité et donc de l’efficacité de notre engagement. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce ne sont pas 700 militaires, mais seulement 550 qui partent pour l’Afghanistan : le problème de la relève se pose déjà !
Les parlementaires peuvent exercer un droit de contrôle sur les opérations sur place. Ainsi, notre commission des affaires étrangères et de la défense, dont je salue l’initiative, développe des missions en ce sens en se rendant sur les théâtres d’opération à raison de deux parlementaires sur chaque théâtre, ce qui est très bien.
C’est très bien, mais nous pensons qu’il n’en est que plus nécessaire de donner au Parlement, quand les interventions se prolongent, la capacité de voter pour renouveler, le cas échéant, son autorisation concernant ce type d’interventions extérieures. Il ne serait pas logique de donner une autorisation une fois pour toutes… Ce n’est pas la guerre de Cent Ans ! Certaines opérations extérieures ont tendance à durer des années, et même à s’enliser. Le Parlement doit-il, alors, rester les bras ballants ?
Nous demandons simplement que le vote du Parlement soit ensuite réitéré, car il ne serait pas normal qu’il ne puisse plus en délibérer : nous considérons qu’on ne peut pas donner au Gouvernement une autorisation valable pour… l’éternité !
M. le président. L'amendement no 57, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
L'autorisation de cette prolongation est renouvelée de quatre mois en quatre mois.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement a pour double objet d’éviter les dangers d’enlisement d’une opération extérieure que vient d’évoquer Didier Boulaud et de combler un vide juridique.
On voit bien que, lorsqu’une opération dure trop longtemps et que les raisons qui l’ont motivée ont évolué – je pense précisément à la Bosnie, à l’Afghanistan ou encore à la Côte d’Ivoire –, il convient de s’interroger sur l’opportunité de la présence de nos troupes dans le pays où elles opèrent. Quelle est la meilleure façon de le faire pour les opérations qui, comme c’est actuellement le cas pour certaines, se poursuivent depuis trois, quatre ou cinq ans, sinon d’en saisir le Parlement ?
Il nous est proposé, dans le projet, d’autoriser la prolongation d’une intervention à l’étranger si celle-ci excède quatre mois, ce délai correspondant grosso modo à la durée moyenne de séjour des unités envoyées à l’étranger, le problème de la relève se posant ensuite. Mais que se passera-t-il quatre mois après que les assemblées auront voté l’autorisation, si l’opération se poursuit ? Si rien n’est prévu, comment seront-elles informées de l’évolution de la situation ? Surtout, pourquoi n’auraient-elles pas à se prononcer de nouveau sur le maintien ou le retrait de nos troupes ?
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, le renouvellement régulier, par un vote tous les quatre mois, de l’autorisation de prolonger une intervention militaire à l’étranger.
M. le président. L'amendement no 56, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette prolongation est autorisée en vertu d'une loi.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Le Gouvernement devrait désormais soumettre à l’autorisation du Parlement la prolongation d’une intervention de nos troupes à l’étranger lorsque la durée de celle-ci excède quatre mois. Il faut le reconnaître, c’est là une avancée démocratique qui, assurément, permettra à la fois un meilleur contrôle du Parlement sur l’engagement de nos forces et une forme d’association de la représentation nationale à ce type de décision.
Toutefois, les modalités de cette décision ne sont pas vraiment précisées.
Irritée par une formulation maladroite de nos collègues députés et soucieuse d’harmoniser cette procédure avec celle qui est prévue à l’article 53 de la Constitution pour la ratification des accords internationaux, la Haute Assemblée avait décidé, en première lecture, que l’autorisation serait donnée en vertu d’une loi. Il semble que, en effet, s’agissant de décisions de cette importance – qui, je le rappelle, engagent le Gouvernement et ont des conséquences sur la vie des personnels, la sécurité de nos compatriotes et le poids de notre pays dans le monde –, la procédure législative, même si elle est un peu lourde, marque le niveau de solennité nécessaire.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose, au travers de cet amendement, de rétablir la procédure législative pour autoriser la prolongation d’une intervention de nos troupes à l’étranger.
M. le président. L'amendement no 11, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. – Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À l'expiration d'un délai de six mois après la première autorisation de prolongation de l'intervention, le Gouvernement soumet toute nouvelle prolongation à l'autorisation du Parlement, dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. Cette autorisation devra intervenir, pour toute prolongation ultérieure, tous les six mois dans les mêmes conditions.
II. – Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :
du délai de quatre mois
par les mots :
des délais mentionnés aux alinéas précédents
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne également la prolongation des interventions.
Si nous décidons, à travers cette réforme, de mieux contrôler l’envoi des forces françaises à l’étranger, il faut alors les contrôler du début à la fin.
Le contrôle doit commencer en amont et porter notamment sur la légalité de l’intervention. Or, si j’ai bien compris les propos de M. Charasse lors de la première lecture, l’absence de ratification peut amener à s’interroger sur cette légalité. C’est donc un véritable problème, et il devrait être traité très tôt dans le processus d’autorisation.
Par ailleurs, dans sa rédaction actuelle, l’article 13 conduirait purement et simplement, une fois la prolongation de l’intervention votée, à accorder un blanc-seing au Gouvernement au bout de quatre mois de présence.
Notre rôle n’est pas seulement de contrôler l’envoi des troupes ; il est également de contrôler leur évolution et leur maintien. Malheureusement, l’article13 est muet sur cette question : une fois les forces envoyées et la prolongation accordée, le Parlement fermera les yeux sur l’avenir de nos contingents ainsi que sur l’issue de l’intervention.
Pourtant, s’agissant des interventions à l’étranger, le véritable risque tient non pas à l’envoi des troupes, mais à l’enlisement éventuel dans des opérations militaires aussi inutiles que coûteuses en termes financiers et humains. L’expérience américaine en Irak mais aussi celle des troupes françaises en Afghanistan nous le prouvent aujourd’hui ; et elles risquent de nous le prouver encore longtemps !
Le contrôle sera donc non seulement un contrôle d’opportunité, mais aussi un contrôle d’efficacité. Il permettra au Gouvernement de justifier devant la représentation nationale l’utilité stratégique et politique de l’intervention.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de mettre en place un contrôle régulier du maintien des troupes françaises à l’étranger. Puisque le projet de loi vise à octroyer davantage de pouvoirs au Parlement, notamment un pouvoir de contrôle, je vous suggère de donner corps à cette volonté en adoptant cet amendement.
Par ailleurs, notre proposition permettrait également à nos concitoyens de mieux comprendre l’intervention des troupes françaises à l’étranger ; car le peuple se pose parfois des questions sur l’opportunité et l’efficacité de certaines opérations militaires.
M. le président. L'amendement no 113, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
« Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il est réuni en session extraordinaire. »
La parole est à M. Didier Boulaud.