M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !
M. Éric Woerth, ministre. Le résultat auquel nous sommes parvenus pour l’instant me parait très satisfaisant : une loi de programmation des finances publiques, qui s’inscrit dans un objectif d’équilibre. Il ne suffit pas de trépigner en disant qu’il faut être à l’équilibre, encore faut-il préciser comment on y arrive. C’est, de mon point de vue, la partie la plus difficile !
La panacée n’est pas l’instauration d’une règle totalement fermée. Il s’agit de « faire ». C’est à cela que nous nous attelons, avec l’aide puissante du Sénat ; c’est aussi inscrire dans la Constitution un cadre général pour nos finances publiques.
Ainsi, les objectifs que je vous ai décrits seront bien contenus dans la Constitution au travers de cette loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui permettra de définir une stratégie d’ensemble, dépassant la vision limitée qu’offrent aujourd’hui les débats sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui nous permettra, en outre, de nous mettre en conformité avec nos obligations communautaires, s’agissant de la transmission légitime à la Commission européenne des trajectoires de redressement des finances publiques.
Un autre sujet nous tient à cœur : c’est le sujet des niches fiscales et sociales. (M. le rapporteur général s’exclame.)
Nous ne sommes pas au bout du débat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, on continue à en créer !
M. Éric Woerth, ministre. J’ai la conviction très forte que nous devons poursuivre ce débat ensemble.
Le nombre de niches et leur montant sont devenus un véritable enjeu de finances publiques. Telle la goutte d’eau qui fait déborder le vase, force est de constater à un moment donné qu’il est impossible de continuer ainsi.
C’est pourquoi le Premier ministre a décidé, lors de la dernière Conférence nationale des finances publiques, que ces niches fiscales et sociales seraient limitées dans le temps et soumises à une évaluation systématique.
C’est pourquoi aussi, lors de mes rencontres avec chacun des ministres, mais également lorsque le Premier ministre a arbitré les sujets qui n’avaient pas pu l’être, nous avons discuté non seulement des dépenses budgétaires, mais aussi des dépenses fiscales ou des exonérations de charges sociales.
Il nous faut aller encore plus loin. Sur les dépenses fiscales et des exonérations diverses de charges sociales, j’envisage donc plusieurs actions, et ce dès le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Nous améliorerons la qualité de l’information du Parlement, en récapitulant de façon claire toutes les décisions prises à ce sujet au cours de l’année dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Surtout, nous instaurerons un objectif de dépenses fiscales dans le projet de loi de finances, probablement de manière indicative à ce stade. Ses modalités restent à définir et nous le ferons ensemble. Une fois renforcé, complété et précisé, cet outil peut être très puissant si nous savons le mettre en œuvre.
J’avais à vrai dire de la sympathie pour l’amendement proposé par MM. Arthuis, Marini, About et Vasselle. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est gentil !
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement, qui visait à valider en loi de finances initiale et en loi de financement de la sécurité sociale les niches votées dans des lois ordinaires, avait été adopté par le Sénat.
Je comprends que la commission des lois de l’Assemblée nationale y voie une atteinte à des principes juridiques que je ne saurais contester.
Reste qu’il nous faut lutter ensemble contre la prolifération, excessive à mon goût comme au vôtre, de ces dispositions.
Nous sommes face à une situation inédite pour nos dépenses publiques : la dynamique de charge d’intérêt et celle des pensions accentuent les contraintes qui pèsent sur les autres dépenses, qu’il s’agisse de la masse salariale ou des dépenses d’intervention.
Il est donc plus que jamais indispensable de réaffirmer la maîtrise de la dépense publique et d’améliorer son efficience.
Nous nous en sommes donné pleinement les moyens durant cette année, avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP, avec les discussions qui se sont engagées dans la sphère sociale, avec le budget triennal, avec la maîtrise des niches et avec la loi de programmation des finances publiques.
C’est cette alliance de réformes de structures profondes et de règles de gouvernance efficaces, qui nous permettra de réussir et d’atteindre l’objectif, non pas comptable, mais véritablement politique, de parvenir à l’équilibre de nos finances publiques dès 2012, et ce avec l’aide constante, puissante et sincère du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, ce débat d’orientation budgétaire revêt un relief particulier, peut-être plus que les années précédentes.
Outre sa vertu pédagogique, il nous permet, en nous appuyant sur les résultats du premier exercice budgétaire de la nouvelle législature, d’aborder avec réalisme les prochaines échéances budgétaires.
Elles seront, en effet, particulièrement importantes et, pour tout dire, monsieur le ministre, cruciales.
Outre le fait qu’elles s’inscrivent dans le cadre rénové d’une programmation pluriannuelle de nos finances publiques, le projet de budget pour 2009 sera à l’évidence, comme le rapporteur général nous le précisera bientôt, un « moment de vérité ».
Je ne doute pas que nos collègues, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales, feront de même pour le projet de budget de financement de la sécurité sociale.
L’exercice 2009 est, sans doute, un moment de vérité.
La situation de nos finances publiques se caractérise par une certaine viscosité. La programmation pluriannuelle, heureuse initiative du Gouvernement, monsieur le ministre, apportera peut-être la fluidité espérée.
Le déficit public, toutes administrations publiques confondues, s’élève à 50 milliards d’euros. Cela souligne l’ampleur de la tâche à accomplir pour parvenir, ainsi que le Gouvernement s’y est engagé et comme le Premier ministre l’a récemment rappelé, à l’équilibre des finances publiques en 2012, soit dans quatre ans seulement.
Nous avons bien entendu vos propos volontaristes, monsieur le ministre. Vous avez raison de ne pas sous-estimer les contraintes à surmonter.
Ce retour à l’équilibre suppose d’autant plus de détermination et de volonté politiques que les derniers chiffres concernant la croissance n’incitent guère à l’optimisme. Vous l’avez vous-même rappelé la semaine dernière, monsieur le ministre, en évaluant déjà l’enveloppe des moins-values fiscales à un montant qui pourrait se situer entre 3 milliards et 5 milliards d’euros.
Le ralentissement économique, qui résulte à la fois des effets larvés et délétères de la crise des subprimes, de l’appréciation probablement excessive du prix des matières premières – et en tout premier lieu, du pétrole –, mais aussi du climat de défiance qui « empâte » nos économies développées, nous invite à redoubler d’attention.
Il n’est malheureusement pas à exclure que, sans correction significative, notre déficit public s’accroisse de nouveau et même franchisse, en 2008, la barre des 3 % du PIB. J’ai bien noté que ce n’était pas votre prévision et qu’il n’y avait pas de votre part de fatalisme, ce dont on ne peut que se réjouir.
Une telle perspective n’est pas envisageable au moment où notre pays vient de prendre la présidence de l’Union européenne.
Pour conjurer cela, il est indispensable de comprimer le déficit en réduisant les dépenses tout en ne diminuant pas, inutilement, nos ressources.
De ce point de vue, et avant votre intervention, monsieur le ministre, je ne pouvais cacher mon inquiétude, s’agissant notamment de la prochaine généralisation du revenu de solidarité active, le RSA,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah le RSA !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. …qui, quelle que soit la noblesse des motivations de ses promoteurs – et à titre personnel, je pense que c’est un bon dispositif (M. Nicolas About rit.) –, serait financé par un surcroît de 1 milliard ou 1,5 milliard d’euros de dépenses publiques.
Un instant, j’avais même imaginé que la non-indexation des éléments ouvrant droit à la prime pour l’emploi et, sans doute, le « pincement » de la limite supérieure y ouvrant droit viendraient en déduction.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est ce que nous préconisions !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais il est apparu que cette évaluation avait été faite en tenant compte des éléments de modération de la prime pour l’emploi. En outre, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué qu’aucun arbitrage n’avait été fait. Par conséquent, je veux croire que le financement du RSA se fera par redéploiement. Je vous fais confiance, même si je vous mets en garde !
De même, je ne souhaite pas que les ressources fiscales soient, sans examen préalable, trop rapidement réduites. À défaut de pouvoir mettre fin à toutes ces niches fiscales, toutes ces exemptions, toutes ces exonérations, tous ces abattements, toutes ces défiscalisations dont la justification s’émousse avec le temps et qui sont autant de coups de canif portés à notre pacte fiscal, je plaide pour une limitation de leurs effets.
En l’espèce, il me semble indispensable que l’avantage procuré par ces niches soit plafonné pour chaque foyer fiscal.
Le barème de l’impôt sur le revenu était sans doute excessif et, à certains égards, confiscatoire. Probablement pour en amoindrir les effets, la France a multiplié les niches fiscales, jusqu’à s’en faire une « spécialité ». Maintenant que notre barème est comparable à celui qui est en vigueur dans la plupart des pays similaires à la France, je le répète, nous devons avoir la sagesse de plafonner ces niches pour chaque foyer fiscal.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est donc avec grand intérêt que j’ai entendu les propos courageux et responsables tenus par le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer sur l’extinction programmée du bénéfice de l’indemnité temporaire versée à certains fonctionnaires retraités dans quelques-uns de nos territoires ultramarins.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il aura fallu plaider longtemps !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Depuis bientôt cinq ans, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela prouve qu’il ne faut jamais se décourager !
M. Gérard Longuet. Le génie est une longue patience ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela prouve aussi que nous avions raison !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chacun le sait, ce dispositif n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisons de l’équité républicaine et ne contribue pas au nécessaire développement économique de ces collectivités ultramarines.
M. Gaston Flosse. Je n’en suis pas certain !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aussi, permettez-moi de vous dire que l’évocation d’une prochaine baisse du taux de la TVA dans le secteur de la restauration ne peut, dans l’état actuel de nos finances publiques, me satisfaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mauvaise promesse !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sans même évoquer son impact macroéconomique, qui m’apparaît très incertain et limité, je m’interroge sur le coût de cette mesure, qui devrait être comprise entre 2 milliards et 3 milliards d’euros, soit autant de déficit en plus, et sur sa compatibilité avec les engagements de retour à l’équilibre de nos comptes d’ici à la fin de cette législature.
La viscosité et, pour tout dire, la gravité de la situation de nos finances publiques nous obligent à des remises en ordre salutaires et indispensables, mais aussi à une saine et utile pédagogie de la réforme. Nous ne pouvons faire l’économie de la réforme car, à terme, ce seront les réformes qui feront les économies, comme le rappelle le Président de la République.
De ce point de vue, permettez-moi de saluer à nouveau l’ambition réformatrice incarnée par la révision générale des politiques publiques, dont vous êtes le rapporteur général, monsieur le ministre. Celle-ci vise à accroître l’efficacité du système, à en adapter la gouvernance, à en diminuer les frottements. On ne peut qu’espérer qu’elle rejoigne dans l’ambition réformatrice celle qui, sous l’autorité du général de Gaulle, fut portée, en son temps, par le rapport Rueff-Armand !
Si chacun souhaite que les synergies et, donc, à terme, les gains de productivité soient encore plus significatifs, je tenais à saluer cette démarche, qui est portée au plus haut niveau de l’État et dont vous êtes l’acteur et le moteur, monsieur le ministre. Sachez que notre soutien vous est acquis !
Nous attendons avec impatience les premiers résultats de la revue générale des prélèvements obligatoires, cette petite sœur de la révision générale des politiques publiques. Je souhaite vivement qu’elle nous aide à trouver les moyens de rendre notre pays plus compétitif dans une économie désormais mondialisée, afin que tous ceux qui entreprennent retrouvent des marges de manœuvre et de liberté. J’en attends de l’audace et des propositions innovantes !
Nous ne saurions nous satisfaire de modifications à la marge, d’améliorations d’un système de prélèvements qui date du précédent millénaire et qui n’est plus adapté au nomadisme économique, à la disparition des frontières fiscales ou à l’irruption des nouvelles technologies, qui taillent en pièces nos convictions fiscales les plus fortes.
À cet égard, le temps est venu de nous demander s’il est encore fondé d’affirmer que certains impôts seraient payés par les ménages tandis que d’autres le seraient par les entreprises. Cette convention est commode et politiquement correcte, mais elle nous égare. À la vérité, les impôts et les prélèvements sociaux sont toujours, en définitive, payés par les ménages. Les impôts, taxes et autres cotisations sociales acquittés par les entreprises se retrouvent nécessairement dans le prix des biens et des services offerts aux consommateurs.
Les conséquences étaient sans gravité lorsque l’économie nationale échappait encore à la mondialisation, à la concurrence des territoires plus compétitifs que le nôtre du fait de lois moins exigeantes ou de systèmes fiscaux moins pesants et moins agressifs envers la production et l’emploi.
Les discours anesthésiants et les propos convenus ne suffisent plus à masquer l’ampleur des délocalisations d’activités et d’emplois. Ce matin, l’actualité nous apprend la disparition de plusieurs centaines d’emplois dans le secteur automobile. Faut-il rappeler que la France produisait 3,3 millions de véhicules automobiles en 2001 et qu’elle en a produit 2,2 millions en 2007, soit un tiers de moins ? Malheureusement, je crains que ce mouvement ne se poursuive. Qui peut encore sous-estimer l’ampleur du déficit croissant de notre balance commerciale, qui atteint 40 milliards d’euros en 2007 ? Cela signifie que nous consommons plus que ce que nous produisons.
Nous avons rendez-vous avec la réalité économique. Les impôts de production, notamment les cotisations assises sur le travail, qui financent les branches santé et famille, sont des activateurs de délocalisations d’activités et d’emplois. Il en est de même, dans une mesure significative, de la taxe professionnelle. Il va falloir, monsieur le ministre, rompre avec les tabous et mettre en chantier des réformes qui ne peuvent plus attendre.
Voilà un an, vous vous en souvenez, nous avions déjà débattu de cette question. C’est dire si je suis impatient de connaître les orientations de la revue générale des prélèvements obligatoires. J’ajoute que la dématérialisation des transactions ne fait qu’aviver la problématique fiscale. Le commerce par internet, le e-business, rend la perception des impôts et des taxes aléatoire. Au surplus, les États se livrent à une concurrence fiscale sans merci.
Pour conclure, je veux insister, compte tenu d’un contexte économique international de crise, sur la nécessité absolue de tenir fermement la dépense publique, de poursuivre résolument l’action réformatrice engagée par le Gouvernement et, enfin, de ne pas confondre la lutte contre la vie chère par l’intensification de la concurrence entre les distributeurs avec l’amélioration du pouvoir d’achat qui résulterait d’une plus grande compétitivité du travail, des entreprises et de nos territoires.
Qu’il s’agisse de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales, tous les acteurs publics doivent contribuer à la maîtrise des dépenses et à l’équilibre de nos finances. Mais si l’art de gouverner est en cause, tel est aussi le cas de l’art de légiférer, monsieur le ministre. Nombre de lois sont assorties de nouvelles normes. Par exemple, la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux prévoyait que ces derniers devaient bénéficier de soixante heures de formation. Désormais, il est question de cent vingt heures. Qui en supportera le coût ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le contribuable local !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il semble que nous sommes incapables de légiférer sans poser de nouvelles normes qui, toutes, génèrent des dépenses publiques, sinon pour l’État, à tout le moins pour les collectivités territoriales. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)
Notre démarche est souvent totalement contradictoire, voire schizophrénique.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aurons-nous la sagesse de ne légiférer que d’une main tremblante chaque fois que des dépenses deviennent incontournables pour satisfaire une belle idée ?
La problématique est identique pour la dépense fiscale. Certes, nous tenons la dépense budgétaire, mais nous multiplions les dépenses fiscales et « plombons » les ressources de budgets futurs.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le Grenelle de l’environnement : j’en redoute l’échéance ! Quelles seront ses conséquences en matière de dépenses fiscales ? Je voudrais que Gouvernement et Parlement, nous soyons tous convaincus de la nécessité d’équilibrer nos finances publiques. C’est vital ! Il y a des stratégies, il faut de la méthode, de la discipline.
Monsieur le ministre, dites bien à vos collègues qu’il n’est plus question, par exemple dans le domaine du logement, de réduire systématiquement le taux de TVA à 5,5 % simplement pour faire un coup d’éclat ! Nos finances publiques n’y résisteraient pas ! L’équilibre à l’échéance de 2012, tant de fois proclamé, serait une pure illusion. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons aujourd’hui un nouveau débat, le troisième, sur les orientations des finances publiques, qu’elles soient budgétaires ou sociales, de notre pays pour l’année à venir et, ce qui est nouveau et ce dont je me félicite, pour les trois prochaines années.
Ce débat, qui avait été très éclairant l’année dernière, me paraît crucial aujourd’hui ; il s’agit bien de déterminer, compte tenu de la situation actuelle et des perspectives d’ores et déjà connues pour les années qui viennent, les meilleures orientations possibles pour nos finances publiques.
La conjoncture économique maussade, marquée par un ralentissement de l’activité et une hausse de l’inflation, le poids des déficits et de la dette accumulés, le niveau élevé des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires exigent que nous prenions des décisions à la hauteur de l’enjeu.
Nous ne pouvons plus nous contenter de mesures ponctuelles, car seules des réformes d’ampleur permettront à notre pays de se mettre en condition pour faire face au défi que constitue le vieillissement de la population. Celui-ci est bien réel : en matière de retraite, de santé et de dépendance, il pourrait se traduire par au moins trois points de PIB de dépenses supplémentaires d’ici à 2050.
Dans ces conditions, seul un assainissement véritable de nos finances pourra garantir la pérennité de notre modèle social, modèle auquel nous sommes tous, à juste titre, attachés. Il nous faut donc cesser de reporter les dépenses d’aujourd’hui sur les générations de demain.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela étant, j’ai bien conscience que nous avons déjà, plusieurs fois, ici même et dans d’autres lieux, pris cet engagement formel qu’il nous faut désormais impérativement tenir.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela signifie que nous devons, d’une part, prendre la véritable mesure des évolutions actuelles des finances de la sécurité sociale et, d’autre part, nous donner les moyens de nous attaquer aux causes structurelles des déficits sociaux.
Je vais maintenant vous présenter les principaux éléments du diagnostic établi par la commission des affaires sociales. Notre rapporteur, Alain Vasselle, par ailleurs président de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, vous décrira tout à l’heure les conditions que nous estimons indispensables pour parvenir à un vrai retour à l’équilibre.
Où en est-on aujourd’hui ?
Après les déficits records du régime général, avec plus de 11 milliards d’euros en 2004 et en 2005, et la légère décrue de 2006, avec un déficit ramené à 8,7 milliards d’euros, 2007 a connu un nouveau dérapage des comptes : le déficit du régime général s’établit finalement à 9,5 milliards d’euros, avec un dépassement de plus de 3 milliards d’euros de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, et une progression supérieure à 6 % des prestations de la branche vieillesse.
En 2008, on revient seulement à la situation de 2006, avec un déficit attendu de 8,9 milliards d’euros. Il n’y a donc pas d’amélioration ; on note simplement un maintien du déficit du régime général aux environs de 9 milliards d’euros, et ce pour la troisième année consécutive, ce qui reste bien évidemment préoccupant.
Quelles sont les caractéristiques principales de la situation actuelle ?
Du côté des recettes, tout d’abord, on constate une évolution plutôt positive. Elles continuent en effet de progresser à un rythme élevé – plus de 4 % –, principalement grâce à la poursuite de la croissance soutenue de la masse salariale du secteur privé, ce qui entraîne une hausse des cotisations et de la CSG. Cette bonne tenue des recettes pourrait toutefois ne pas se prolonger au-delà des derniers mois de 2008.
Du côté des dépenses, les évolutions sont très différentes selon les branches.
Le déficit de la branche retraite devrait être supérieur à celui de la branche maladie. Il se creuse très nettement, pour atteindre 5,6 milliards d’euros sous l’effet conjoint de l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom et de la poursuite des départs anticipés pour carrière longue. Ceux-ci s’élèveront à environ 120 000 cette année pour un coût estimé à 2,5 milliards d’euros.
Pour la maladie, les dépenses progressent légèrement moins vite qu’en 2007, grâce aux effets conjugués du plan d’économies de l’été dernier et de la mise en place des franchises au 1er janvier.
Toutefois, et M. le ministre l’a indiqué voilà un instant, un nouveau dépassement de l’ONDAM est prévu, évalué entre 500 millions d’euros et 900 millions d’euros par le comité d’alerte, soit un peu en deçà du seuil de déclenchement de la procédure d’alerte. Dans ces conditions, le déficit de la branche pourrait dépasser l’objectif initial de 4 milliards d’euros.
Pour la famille, l’excédent, assez léger, retrouvé en 2007, après trois années de déficit, est confirmé en 2008.
La branche accidents du travail–maladies professionnelles enregistre elle aussi un excédent pour la deuxième année consécutive.
Deux branches sont donc en excédent et deux autres en déficit, mais ces déficits sont lourds. Cumulés pour ces deux branches sur les deux derniers exercices, ils approchent 20 milliards d’euros. Ce montant donne la mesure du chemin qu’il va falloir parcourir pour revenir à l’équilibre de nos finances sociales, et plus encore pour respecter l’objectif extrêmement ambitieux du Gouvernement d’un retour à l’équilibre du régime général dès 2011. Mais nous sommes prêts à y croire.
À cet égard, monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir transmis un document préparatoire au débat plus complet que celui de l’année dernière et, surtout, plus respectueux de la spécificité des finances sociales.
Vous ne nous donnez pas encore de trajectoire pluriannuelle détaillée pour l’évolution de l’ONDAM, comme le prévoit pourtant la LOLF pour la sécurité sociale, mais vous nous apportez certaines réponses et vous définissez de façon claire les grandes orientations que vous vous fixez.
Nous attendons avec impatience d’en connaître le détail, qui devra figurer dans les prochaines lois de financement et lois de finances, ainsi que dans la première loi de programmation des finances publiques qu’il nous faudra examiner à l’automne prochain.
Nous souhaitons que l’avancée incontestable qu’a représentée la création des lois de financement de la sécurité sociale, confortée par le cadre juridique rénové de la loi organique du 2 août 2005, soit maintenue et renforcée.
C’est pourquoi l’information du Parlement en matière de finances sociales doit être encore améliorée afin que nous disposions d’éléments aussi transparents et précis que ceux qui sont désormais disponibles en matière de loi de finances.
Cela me conduit à vous rappeler certaines demandes, déjà formulées à plusieurs reprises par la commission des affaires sociales.
Il est important que le cadrage pluriannuel figurant à l’annexe B du projet de loi de financement ne se contente pas de fournir une prévision volontariste et peu étayée. Il devra proposer des scénarios d’évolution solidement établis à partir d’hypothèses crédibles et différenciées.
Nous souhaitons aussi que les mesures nouvelles proposées soient chiffrées. Cela signifie en particulier que l’annexe 9, qui explicite l’impact sur les comptes des mesures nouvelles, soit moins succincte.
Afin de favoriser la transparence des comptes et de permettre au Parlement d’exercer pleinement son pouvoir de contrôle, il est indispensable que celui-ci dispose d’un chiffrage plus précis et plus exhaustif des différentes réformes proposées, en recettes comme en dépenses, en particulier de chacun des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme cela existe d’ailleurs pour le projet de loi de finances.
Avant de conclure mon propos, je tiens à évoquer en quelques mots la certification des comptes de la sécurité sociale.
Nouveau pouvoir de la Cour des comptes institué par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, la certification des comptes des organismes de sécurité sociale est un exercice très utile et extrêmement instructif pour nous, parlementaires. Elle nous offre un nouvel éclairage sur la comptabilité et la gestion de ces organismes, ainsi que de nouveaux moyens d’exercer notre contrôle.
Je pense par exemple aux comptes de la branche famille, que la Cour n’a pas été en mesure de certifier …