M. Jean-Paul Alduy. Au contraire ! Ils changent tout !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
7
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
8
Contrats de partenariat
Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux contrats de partenariat (nos 425, 432).
Je rappelle que la discussion générale a été close et que deux motions de procédure ont été repoussées.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Je rappelle également qu’aux termes de l’article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
CHAPITRE IER
Dispositions modifiant l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, il est ajouté un article ainsi rédigé :
« Art. - Le contrat de partenariat est un contrat dérogatoire au droit commun de la commande publique et à la domanialité publique. La généralisation de telles dérogations ne saurait priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez notre attachement au strict respect des procédures. Nous l’avons encore manifesté cette nuit, même si c’était dans une certaine confusion. Nous tenons à ce que les choses se passent au mieux.
C’est pourquoi nous vous proposons d’inscrire d’emblée dans le projet de loi, avant même son article 1er, la règle qui a été à juste titre fixée par le Conseil constitutionnel.
Je profite de cette occasion pour rappeler à M. le rapporteur, qui semblait s’en étonner, que les décisions du Conseil constitutionnel « s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Je n’en suis pas responsable, ce sont les termes de la Constitution de la Ve République.
D’ailleurs, j’observe que, dans le débat sur le projet de révision constitutionnelle dont le Parlement est actuellement saisi, personne ne songe à remettre ce principe en cause. Au contraire, il est même proposé d’étendre le droit de saisine du Conseil constitutionnel à l’ensemble des citoyens.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est sans doute la raison pour laquelle vous allez pouvoir voter cette réforme !
M. Jean-Pierre Sueur. Par conséquent, il me semblerait très avantageux d’inscrire dans le projet de loi la règle fixée par le Conseil constitutionnel, c'est-à-dire le caractère dérogatoire du contrat de partenariat, qui n’est pas une procédure banale.
Si ce principe était clairement posé d’emblée, nous n’aurions pas besoin de le répéter et nous pourrions retirer un certain nombre de nos autres amendements. Mais je vois que M. le président de la commission des lois est tout à coup plus intéressé par notre proposition ! (Sourires.)
C’est pourquoi je vous propose d’adopter cet amendement n° 5, qui est inspiré par une décision du Conseil constitutionnel dont nul n’est parvenu à contester le bien-fondé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est surprise de cette nouvelle pratique qui consiste à transcrire les décisions du Conseil constitutionnel dans la loi. Selon nous, cela ne s’impose nullement.
Comme l’a souligné à juste titre M. Jean-Pierre Sueur, et je le rejoins totalement sur ce point, les décisions du Conseil constitutionnel « s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Je ne vois donc pas l’utilité de les répéter à l’infini.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Le Gouvernement souscrit à l’argumentation de M. le rapporteur et émet un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, je me réjouis du soutien qui vient d’être apporté par M. Jean-Pierre Sueur au projet de révision constitutionnelle, et donc à la disposition relative à la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens. Voilà qui devrait amener Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste à voter en faveur de cette réforme ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est ainsi modifiée :
1° L'article 1er est ainsi rédigé :
« Art. 1er. - I. - Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet le financement, la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public.
« Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.
« II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser.
« Il peut se voir céder, avec l'accord du cocontractant concerné, tout ou partie des contrats passés par la personne publique pouvant concourir à l'exécution de sa mission.
« La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Elle est liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant.
« Le contrat de partenariat peut prévoir un mandat de la personne publique au cocontractant pour encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager final de prestations revenant à cette dernière.
« III. - Lorsque la réalisation d'un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs personnes publiques, ces dernières peuvent désigner par convention celle d'entre elles qui réalisera l'évaluation préalable, conduira la procédure de passation, signera le contrat et, éventuellement, en suivra l'exécution. Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. »
2° Dans le dernier alinéa de l'article 8, les mots : « ouvrages ou équipements » sont remplacés par les mots : « ouvrages, équipements ou biens immatériels » ;
3° Dans les c, e, et k de l'article 11, les mots : « ouvrages et équipements » sont remplacés par les mots : « ouvrages, équipements ou biens immatériels » ;
4° Dans les a et c et dans le dernier alinéa de l'article 12, le mot : « ouvrages » est remplacé par les mots : « ouvrages, équipements ou biens immatériels ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 28, présenté par Mme Mathon-Poinat, M. Billout, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est abrogée.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement a pour objet de remettre en question le principe même des contrats de partenariat.
En effet, même si nous vous avons bien écoutés, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous ne voyons toujours pas les avantages de ce nouvel outil de la commande publique. En revanche, nous en voyons clairement les effets pervers.
Selon le Gouvernement, les contrats de partenariat constituent une solution d’avenir pour répondre aux exigences de développement local et national. Il conviendrait donc de mettre en œuvre ce type de contrat de manière plus fréquente et massive. Selon nous, ces partenariats public-privé reflètent surtout la volonté du Gouvernement de s’affranchir de la réglementation sur les marchés publics, du code des marchés publics et de la loi sur la maîtrise d’ouvrage de 1985.
Les exigences du service public que sont l’égalité d’accès et de traitement, la continuité et l’adaptabilité, ne sont pas compatibles avec l’exigence de rentabilité du privé. L’expérience le montre : plus on s’éloigne du secteur public pour aller vers une gestion privée, plus les risques sont grands que les exigences de service public soient mal respectées. Les préoccupations sont strictement commerciales, les coûts financiers élevés pour la collectivité et les usagers, ces derniers devenant de simples clients, et ne pourront accéder au service que ceux qui en ont les moyens.
L’exemple de la gestion de l’eau est une parfaite illustration de ce que je viens d’énoncer, même s’il ne s’agit pas d’un PPP. Toutes les études démontrent que la différence de prix de l’eau varie d’environ 20 % selon que la gestion est privée ou assurée en régie.
D’autres exemples démontrent que la gestion privée n’est pas obligatoirement pertinente : le transport ferroviaire avant sa nationalisation, Eurotunnel et, plus récemment, le Centre des archives diplomatiques du ministère des affaires étrangères et européennes, qui a fait l’objet d’un partenariat public-privé.
Le rapport 2008 de la Cour des comptes est très critique sur ce type de contrat, invitant « à une réflexion approfondie sur l’intérêt réel de ces formules innovantes qui n’offrent d’avantages qu’à court terme et s’avèrent onéreuses à moyen et long terme ». Et les membres de la Cour des comptes ne sont pas, me semble-t-il, de dangereux idéologues !
Les contrats de partenariat ne constituent donc pas une formule intéressante financièrement pour l’État et les collectivités territoriales. Ils n’ont d’intérêt qu’en termes de désengagement de l’État et de délocalisation de la dette publique.
Le partenaire privé se voit confier l’investissement et tout ou partie de l’exploitation. Que deviendront, à terme, les missions de service public et les personnels ? Ces derniers seront-ils intégrés au groupe privé ou tout simplement remerciés ?
De plus, le prix à payer par la collectivité publique est considérable : celle-ci doit, en contrepartie de l’absence de financement initial, payer au partenaire privé un loyer durant les dizaines d’années que dure le contrat de partenariat.
L’argument selon lequel un contrat de partenariat serait moins onéreux qu’une autre formule de contrat, marché ou délégation de service public, est parfaitement hypocrite : l’engagement financier de la collectivité pèsera sur plusieurs générations de contribuables. Le fait qu’il ne soit pas inscrit dans les comptes publics ne l’empêche pas de constituer une dette.
Le lien est évident avec la politique menée par le Gouvernement depuis 2002, et de façon encore plus intensive depuis 2007. Vous êtes tenus par des contraintes budgétaires européennes qui, avec votre politique fiscale de cadeaux aux contribuables les plus aisés, ne peuvent pas être respectées.
Alors, que faire ? Sur quel plan agir pour rééquilibrer les comptes publics ? La réponse est évidente : les équipements publics ! Ceux-ci méritent, il est vrai, des efforts réels et importants d’aménagement : les prisons, les universités, les hôpitaux sont, pour certains, dans un état critique. Au total, ils représentent un marché juteux pour les grands groupes privés du BTP.
L’astuce du partenariat public-privé réside donc dans ce montage qui consiste apparemment à dégager l’État d’investissements onéreux et à gommer ceux-ci de la dette publique. En ces temps de déficit record, les PPP sont les bienvenus ! Cela vous permettra dans le même temps de privatiser insidieusement des services publics et de supprimer des postes de fonctionnaires, et cela tout en augmentant les profits des grandes entreprises du BTP.
Ces raisons nous conduisent à rejeter les contrats de partenariat tant l’idéologie qui les anime est éloignée de la conception même de service public. C’est pourquoi nous demandons également l’abrogation de l’ordonnance de 2004.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'opération en projet concerne la construction, la réhabilitation, la réutilisation, la rénovation ou la maintenance d'un bâtiment, la personne publique ne peut recourir au contrat de partenariat que si le montant de l'opération est supérieur à 50 millions d'euros hors taxes.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise à établir un plancher à partir duquel le contrat de partenariat devient licite.
L’objectif est double.
Certes, un montant de travaux n’est pas une mesure exacte de la complexité d’un projet, mais, eu égard au caractère dérogatoire de cette procédure, nous souhaitons qu’elle ne puisse s’appliquer que dans les cas où la complexité et l’importance du projet le justifient. C’est la première motivation.
Le second objectif n’est pas accessoire ; il s’agit de permettre un meilleur accès, et pas seulement en tant que sous-traitants, des petites entreprises et des artisans.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le contrat de partenariat concerne la construction, la réhabilitation, la réutilisation ou la transformation d'un ou plusieurs bâtiments, la procédure de mise en concurrence visant à l'attribution du contrat ne peut s'effectuer que sur la base d'un projet résultant d'un concours d'architecture organisé préalablement par la personne publique à l'origine du contrat de partenariat.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous abordons à présent la question très importante de l’architecture.
La loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre, dite loi MOP, fixe des règles précises. Nous devons absolument veiller, dans notre pays, à la création architecturale et à la compétition bénéfique entre les architectes.
Lorsque l’on préside un jury d’architecture, il est extrêmement intéressant de faire travailler les architectes, d’étudier les projets qu’ils présentent et de choisir celui qui paraît le meilleur. C’est une prérogative de l’autorité publique, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités locales.
Or le présent projet de loi porte un coup très dur à l’architecture. Bien sûr, les majors peuvent toujours mettre en concurrence qui elles veulent. Cependant, pour les projets de dimension importante que sont les réalisations en partenariat public-privé, nous pensons qu’il est nécessaire de mettre en concurrence les architectes, d’organiser des concours d’architecture, de manière à soutenir la création architecturale.
La nuit dernière, nous n’avons pas réussi à faire adopter un sous-amendement visant à prendre en compte dans les SCOT la cohérence architecturale, urbanistique et paysagère des entrées de ville et autres zones commerciales périurbaines, qui sont extrêmement dégradées : c’est le véritable sinistre architectural des quatre dernières décennies ! Chacun sait que l’on a laissé faire n’importe quoi…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y avait pas de partenariat public-privé, à l’époque !
M. Jean-Pierre Sueur. Quelques heures plus tard, on nous refuse l’instauration d’une vraie compétition entre les architectes.
Ce matin, j’ai reçu Mme la présidente de l’ordre des architectes de Bretagne. Elle m’a remis une pétition (M. Jean-Pierre Sueur brandit deux épais volumes) signée par 1 500 architectes des quatre départements de Bretagne. Les architectes de cette région ont en effet exprimé leur hostilité à ce système, après avoir organisé une assemblée générale sur ce thème. J’ai félicité la présidente de l’ordre pour cette initiative sympathique, tout en lui conseillant de s’adresser plutôt au groupe UMP, mais elle m’a répondu qu’il était très difficile d’obtenir un rendez-vous (Protestations sur les travées de l’UMP), même si elle n’imagine pas un instant que les sénateurs et les députés bretons de l’UMP puissent ne pas les soutenir.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est du lobbying de base !
M. Jean-Pierre Sueur. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, il faut vraiment faire quelque chose pour l’architecture. Il existe certes des marchés globaux, mais le système des METP a donné lieu, on le sait, à certaines dérives.
Et il n’est pas sain qu’un même choix détermine, de manière systématique, l’architecte et les entreprises qui vont être chargées de la construction. Ce sont deux domaines différents. Il est beaucoup plus raisonnable de commencer par faire le choix de la conception, puis de décider qui va réaliser au mieux les travaux.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le II du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat par un alinéa ainsi rédigé :
« La gestion d'un service public ne peut être déléguée au titulaire d'un contrat de partenariat.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Dans le paragraphe que nous proposons de compléter, il est prévu que la personne publique donne mandat au cocontractant d’encaisser, en son nom et pour son compte, les sommes représentatives du paiement par l’usager de prestations qu’elle doit recouvrer.
Si rien ne dit que le cocontractant exécutera ce service avec son propre personnel, rien ne l’interdit non plus clairement. La rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique, l’INSEP, sur la base d’un contrat qui s’apparente à un partenariat, donne à réfléchir. Cette question ne peut rester sans réponse, car, à travers elle, se pose celle de la gestion du service public.
Les contrats de partenariat ne sont pas des concessions, puisque a priori il n’y a pas de transfert du risque d’exploitation. Aussi, il faut absolument se garder de tout glissement qui tendrait, dans le cadre d’un contrat de partenariat, au transfert de missions de gestion de service public sans transfert du risque d’exploitation.
La possibilité pour le prestataire de gérer le service public à la place de la personne publique est exclue jusqu’à présent. Le premier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance dispose que le partenaire peut se voir confier la gestion « d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service public », ainsi que, à titre facultatif, « d’autres prestations des services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée ».
En 2006, en réponse à une question écrite de notre collègue Bernard Piras, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de l’époque confirmait cette analyse. Il indiquait en substance qu’il ressort de l’article 1er de l’ordonnance sur les contrats de partenariat « que l’objet du contrat ne porte pas sur l’exercice d’une mission de service public en tant que telle : ces dispositions ne font référence qu’à la réalisation d’ouvrages ou d’équipements ; lorsqu’elles évoquent l’exercice d’une mission de service public, c’est pour préciser que la personne publique en est chargée. ».
Mais il reconnaissait aussi que, dans de nombreuses situations, il est délicat de distinguer au quotidien ce qui relève de l’exploitation d’un service public et ce qui relève de l’exploitation d’un ouvrage ou d’un équipement.
Le cas de l’INSEP, que j’ai déjà cité, établissement prestigieux pourvoyeur de médailles, est un exemple d’une forme de contrat de partenariat très préoccupante où le service public est gravement remis en cause. Des dizaines de fonctionnaires ont vu leurs missions externalisées, et les missions logistiques ont été cédées au privé. Les autres missions dites fondamentales sont également exposées à une forme de détournement dangereux, car le nouvel INSEP est appelé, aux termes même du contrat, à devenir un grand centre de communication.
Si tout le monde s’accorde sur le fait que la gestion d’un service public ne peut être déléguée au titulaire d’un contrat de partenariat, rien ne devrait s’opposer à ce que ce soit explicitement écrit dans l’ordonnance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. L’amendement n° 28 vise tout simplement à supprimer les contrats de partenariat. Il a le mérite de la clarté, mais nous y sommes bien entendu défavorables.
En ce qui concerne le seuil que tend à instaurer l’amendement n° 8, nous pensons qu’il n’y a pas lieu de limiter les possibilités de recours aux contrats de partenariat, notamment pour les collectivités locales et pour les PME qui peuvent travailler avec elles. L’exemple maintes fois cité de l’éclairage public en témoigne.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
S'agissant de l’amendement n° 6, je rappellerai que le texte permet à la collectivité territoriale ou à l’État d’organiser un concours d’architecture s’ils estiment que c’est de l’intérêt de la réalisation à venir. De toute façon, la construction d’un bâtiment implique obligatoirement le recours à la profession d’architecte. Par conséquent, dans tous les cas, un architecte est désigné. Le fait de laisser ce choix à la personne publique est tout à fait opportun.
La commission émet donc un avis défavorable.
Enfin, il ne me paraît pas utile de repréciser que le contrat de partenariat n’a pas pour effet de faire gérer un service public par le partenaire privé, car tout le monde s’accorde sur ce point, qui a d’ailleurs été confirmé par le Conseil constitutionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Sur les amendements nos 28, 8, 6, l’avis du Gouvernement est exactement le même que celui de la commission.
Sur l’amendement n° 7, je réitère ce que j’ai déjà dit en première lecture : le contrat de partenariat défini à l’article 1er de l’ordonnance de 2004 n’est pas une délégation de service public. S’il est exact que le cocontractant du partenariat public-privé participe au service public, il ne le gère pas, et ce n’est pas non plus le cas dans cet article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour explication de vote sur l’amendement n° 8.
M. Jean-Paul Alduy. J’approuve totalement la position de notre rapporteur et je vais donner un exemple qui va la conforter encore.
À Perpignan, nous devions faire construire un théâtre, le théâtre de l’Archipel. Nous avons donc lancé un concours d’architecture et Jean Nouvel a été retenu. Que je sache, Jean Nouvel est plutôt connu pour être un défenseur de l’architecture...
M. Pierre-Yves Collombat. De son architecture !
M. Jean-Paul Alduy.... et pour porter l’architecture française à son plus haut niveau. Il a d’ailleurs remporté le prix Pritzker de cette année.
Nous avons, ensuite, lancé une procédure de partenariat public-privé. Jean Nouvel est allé jusqu’à réaliser les dossiers d’exécution, les « exé 1 », pour éviter que son projet d’architecture ne soit compromis d’une manière ou d’une autre.
Le contrat de maîtrise d’œuvre a ensuite été transmis au lauréat du concours de partenariat public-privé. Nous voyons bien, avec cet exemple – il n’est pas unique et il faudrait le porter à la connaissance des responsables de l’Ordre des architectes –, que l’on peut trouver un très bon compromis entre l’exception française, c’est-à-dire les concours d’architecture, et l’efficacité anglo-saxonne.
Comme M. Sueur le sait, j’ai assumé, dans une autre vie, les fonctions de président de la Mission interministérielle de la qualité des constructions publiques, la MIQCP, l’instance qui a créé la loi MOP et qui en fut en quelque sorte la « vestale ».
Il s’agit, d’un côté, de conserver l’exception française et, de l’autre, de rester attentif aux procédures en vigueur dans les autres pays européens où, du reste, nos architectes excellent – je pense, notamment, à Jean Nouvel et Christian de Portzamparc –, y compris lorsque ces procédures s’apparentent au partenariat public-privé que nous cherchons à développer en France.
Ce compromis entre l’exception française et l’efficacité anglo-saxonne me semble très positif.
Quant à la sécurité de ces contrats de partenariat public-privé pour les collectivités locales, elle est formidable et j’estime qu’on ne l’a pas suffisamment mise en exergue.
Les projets architecturaux complexes et innovants comportent en effet des risques.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sont les collectivités qui les prennent !
M. Jean-Paul Alduy. Ces risques, ce sont effectivement les collectivités qui les prennent.
Or, précisément, avec les partenariats public-privé, on est assuré non seulement de la transparence des coûts, qu’il s’agisse des coûts induits ou de gestion – la totalité du coût étant déclarée, mise en avant –, mais aussi d’un loyer fixe et définitif. Et si la toiture fuit, c’est le propriétaire de l’immeuble, c’est-à-dire le lauréat du contrat de partenariat public-privé, qui la réparera...
Cette procédure garantit donc une totale sécurité au maître d’ouvrage, qui peut concentrer son efficacité sur sa mission de service public.
Le PPP permet aux collectivités de se consacrer à leurs missions propres, et ce en toute sécurité sur les plans financier et technique, notamment lorsqu’il s’agit de construire des ouvrages complexes, et laisse toute sa place à l’architecture et au concours d’architecture. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)