M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 112 rectifié, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
III bis. - Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que, dans des secteurs n'étant pas parvenus à conclure avant le 31 décembre 2008 un accord interprofessionnel visé au III et déterminés par décret pris après avis du Conseil de la concurrence, le ministre chargé de l'économie autorise le dépassement du délai de paiement prévu au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, sous réserve :
a) Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;
b) Que cette autorisation soit assortie de l'application immédiate au secteur du délai de paiement prévu au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce pour le paiement des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 300 millions d'euros ;
c) Et que cette autorisation prenne fin au 1er janvier 2013.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. J’apprécie le geste de M. le président de la commission spéciale, qui a bien voulu faire passer la date butoir du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2013. Cependant, même ainsi rectifié, l’amendement de la commission contient toujours des dispositions auxquelles je ne suis pas favorable.
Demeure, en premier lieu, le seuil de 300 millions d’euros. Prenons garde aux effets en cascade, aux risques de transfert du poids des créances d’une catégorie d’entreprise vers une autre !
Ma conviction se fonde, au moins en partie, sur l’abondant courrier que j’ai reçu, notamment de la fédération de la plasturgie : elle est définitivement hostile à la fixation dans la loi d’un seuil à un moment où l’on cherche, précisément, à réduire les effets de seuil.
En second lieu, l’amendement permet, je le répète, de se dispenser de la négociation puisqu’il prévoit que le ministre peut autoriser le dépassement des délais de paiement en l’absence d’accord interprofessionnel. Or le texte tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale fait référence à ces accords interprofessionnels aujourd’hui encouragés par M. Yvon Jacob pour permettre aux entreprises de s’accorder sur des délais inférieurs à soixante jours. Il est également prévu de pouvoir déroger, sous réserve d’accord interprofessionnel, au délai légal jusqu’au 1er janvier 2012.
J’y insiste, il y a dans le texte qui vous est soumis une part de négociation contractuelle. Les uns et les autres vous êtes interrogés sur l’opportunité de légiférer. Oui, nous pensons qu’il faut légiférer parce que nous n’arrivons pas, pour l’instant, à obtenir par la négociation cette réduction des délais de paiement. Mais nous voulons, parallèlement à cette législation que nous posons comme acte de réduction des délais de paiement, donner une impulsion à la négociation contractuelle, qui nous semble devoir être la norme dans une économie.
Voilà la raison pour laquelle, malgré le geste, auquel je suis très sensible, de M. le président de la commission spéciale, l’amendement continue de ne pas me convenir. Je n’accepte ni l’effet de seuil ni la possibilité de se passer de la négociation.
Je souhaite donc, monsieur le président Larcher, que vous vous ralliiez à la position du Gouvernement et que le Sénat s’en tienne, sur ce point, à la rédaction qui lui a été transmise.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Ce débat, monsieur le secrétaire d'État, démontre de façon parfaitement claire que nous essayons de converger vers une pratique plus vertueuse des relations interentreprises.
Nous avons une légère différence d’approche. Je ne peux qu’être fidèle aux vœux de la commission spéciale et, en modifiant la date, je pense l’avoir été, en plein accord avec notre rapporteur, Mme Elisabeth Lamure.
Selon nous, les partenaires ont intérêt à négocier et à trouver un accord, et notre texte les y incite plutôt. Elles ne doivent pas spéculer sur un échec, car vous pouvez très bien, monsieur le secrétaire d’État, décider de ne pas autoriser la dérogation : il n’y a pas d’injonction, naturellement, et la dérogation n’a rien d’obligatoire.
Quant à l’effet de seuil, il ne concerne qu’un secteur et, dans ce dernier, ne le dépassent qu’un quart des entreprises, trois sur douze ! Je suis d’ailleurs certain que ce secteur parviendra à un accord.
M. le président. Mme le rapporteur, maintenez-vous l’amendement n° 112 rectifié ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Cet amendement revient en fait à prévoir une dérogation. M. le secrétaire d’État a pris l’engagement de suivre très attentivement les secteurs soumis à dérogation. Je vois, moi, dans cet amendement, un recul par rapport à la rédaction initiale du projet de loi.
Dans la première version de l’amendement, il était même prévu que cette dérogation pourrait durer jusqu’en 2015 ! Cela nous aurait placés en complet déphasage avec nos voisins européens, alors même qu’on évoque le Small Business Act à l’européenne et la nécessité de réduire les délais de paiement à trente jours.
Vous avez évoqué, cher collègue Longuet, les problèmes que peut rencontrer le secteur de l’automobile. Je connais de près un fabricant de camions d’origine suédoise, Scania, et je peux vous dire qu’il pratique des délais de paiement bien plus courts que ceux qui sont d’usage en France, y compris dans son site de production français, qui est aussi le site le plus rentable de tout le groupe.
C’est dire qu’il y a des solutions, même si tout ne peut pas se faire du jour au lendemain.
Permettez-moi d’évoquer aussi l’énorme secteur de la plasturgie, qui représente quelque 3 700 entreprises et 150 000 emplois. Ce n’est pas rien ! Il compte certains des joyaux de notre industrie et fournit notamment l’industrie automobile allemande, en particulier pour les véhicules haut de gamme.
Je me permets de relayer son inquiétude. Les délais de paiement peuvent atteindre cent jours ! Il est grand temps de les diminuer, sinon, pris en tenaille entre la hausse des matières premières et ces délais, ce secteur va être complètement asphyxié !
Voilà pourquoi je suis résolument contre l’amendement n° 112 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. L’intervention de Gérard Larcher m’a ébranlé sans totalement me convaincre. En tout cas, elle me fait regretter la procédure d’urgence tant il est manifeste qu’il faut trouver une solution et que nous ne sommes pas loin d’y arriver.
M. le secrétaire d’État a raison de dire que l’appel au décret rend la négociation inutile. Cependant, ceux qui ne veulent pas négocier se trouvent des deux côtés de la table. Sachant que le recours au ministre est certain, pourquoi diable négocieraient-ils ? Or le Gouvernement va évidemment, dans ses arbitrages, prendre le point de vue du législateur, d’abord parce qu’il le respecte, ensuite parce que c’est lui-même qui a proposé au législateur de réduire les délais. Donc, on n’imagine pas un ministre sollicité de prendre un décret ne pas aller dans le sens de la réduction des délais, sauf dans des cas très particuliers.
J’en viens à la raison pour laquelle une deuxième lecture aurait été utile, sauf à amender le texte en commission mixte paritaire, mais seul le Gouvernement peut le faire.
Les grands donneurs d’ordres ont des équipementiers de rang 1, de rang 2 et de rang 3. Ceux de rang 1, les plus gros, vont s’adresser à ceux de rang 2, qui s’adressent à ceux de rang 3. Or les premiers seront tenus au délai de soixante jours, mais pas les autres ! Autrement dit, le rang 1 sera affaibli.
Dans le rang 1, on trouve les gros. Qu’ils soient français ou étrangers, tous ont des sites en France. Et la difficulté principale que nous rencontrerons concerne les équipementiers ou les industriels mondiaux qui ont choisi la France. Comment comprendraient-ils que, dans ce pays, les délais varient, selon la taille du fournisseur, entre soixante jours, soit le délai dans lequel ils devront payer, et quatre-vingt-dix jours, soit le délai dans lequel ils pourront se faire ? Que feront-ils ? C’est tout simple, plutôt que de rester au milieu, ils iront produire ailleurs !
C’est la raison pour laquelle je vais suivre le Gouvernement, d’abord parce que j’ai été élu pour cela et ensuite parce que c’est ma conviction. Je pense, toutefois, comme Gérard Larcher, que cette obligation de négociation doit apparaître d’une façon ou d’une autre. Ce sera l’un des enjeux de la commission mixte paritaire.
Je compte sur votre sagesse, monsieur le secrétaire d’État, pour nous apaiser.
Dernier rappel, ultime petite malice : je me dois de souligner qu’entre 2012 et 2013, il y a deux élections ! Certes, il est déjà arrivé qu’une même majorité change d’avis. On n’en a pas moins une meilleure garantie si la majorité reste la même. C’est la raison pour laquelle, personnellement, j’aurais maintenu la date du 1er janvier 2012.
Donc, je suis le Gouvernement, tout en lui demandant de s’employer en commission mixte paritaire à garantir la possibilité de négociation.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je suis d’accord avec une bonne partie de ce qu’a dit notre collègue Daniel Raoul. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ce qui se fait dans d’autres pays ne pourrait pas être réalisé en France.
En se limitant aux délais de paiement, on néglige les conditions dans lesquelles un certain nombre d’entreprises obtiennent des facilités de trésorerie auprès de leur banque. Je crois que nous aurions intérêt à regarder d’un peu plus près comment les choses se passent chez nos voisins.
Il faut véritablement s’atteler à l’ensemble des éléments du problème. Ce n’est pas en allongeant la durée des dérogations au délai de paiement prévu par la loi qu’on résoudra le problème.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émin, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émin. Il ressort du débat fort intéressant qui vient de se dérouler que nous n’avons pas encore tout à fait compris que tout l’enjeu de cette partie du projet de loi est justement de parvenir à faire en sorte que les entreprises mènent entre elles des négociations commerciales pures, portant sur la qualité et le prix des produits, sans y mêler les discussions sur les conditions de règlement. Tous les autres pays y sont parvenus !
La question des conditions actuelles de règlement, qui sont imposées dans le cadre d’un véritable rapport de force entre le donneur d’ordre et le sous-traitant, n’est pas sans rappeler celle des fameuses marges arrière, que nous avons tous cherché à faire disparaître progressivement.
Je crois que la position de la commission spéciale et celle du Gouvernement se sont beaucoup rapprochées. J’appartiens moi-même à la commission spéciale. Je suis très attaché aux résultats de ses travaux, fruits de longs débats et d’auditions passionnantes. Je crois honnêtement qu’il est temps qu’elle accepte de se rapprocher de la position du Gouvernement, qui consiste à ne pas dépasser la date du 1er janvier 2012.
Les PME françaises ont du mal à dépasser le cap des 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, qu’atteignent facilement les PME allemandes. Or ce seuil signale précisément le passage de l’état de PME ordinaire – même s’il s’agit déjà d’une grosse PME – à celui de véritable PME industrielle. Cela peut surprendre ici, mais, en Allemagne, c’est une donnée d’évidence !
En fait, atteindre ce seuil est un signe de réussite. Par conséquent, si l’on réussit dans l’industrie mais que, en raison même de cette réussite, on passe pour ainsi dire du mauvais côté de la barrière, c’est bien que l’effet de seuil est très négatif.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Le problème abordé est important et complexe. Nous sentons bien aussi que les points de vue sont en train de se rapprocher, mais que le compte n’y est pas encore tout à fait !
Je voudrais faire une observation d’ordre technique. La commission mixte paritaire a souvent été évoquée au cours du débat. Cela est bel et bon, mais la commission mixte paritaire n’aura pas à se pencher sur cette question si l’amendement de la commission spéciale n’est adopté !
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Exactement !
M. Paul Girod. Je pense, par conséquent, qu’il serait sage de voter l’amendement n° 112 rectifié, ne serait-ce que pour ouvrir à la commission mixte paritaire la possibilité de d’affiner la solution.
Mme Isabelle Debré. En effet !
M. Paul Girod. Nous sommes près d’aboutir et nous le devons, mais ce n’est pas ce soir que nous le pourrons. En ce qui me concerne, je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Il est vrai que nous ne souhaitons pas pérenniser les délais de paiement trop longs. Là-dessus, nous sommes tous d’accord. Nous entendons gérer la période de transition avec réalisme. Il y a certes urgence à le faire, mais cela fait bien longtemps que l’on en parle ! Moi-même, j’ai participé à un certain nombre de négociations sur ce sujet…
Nous pensons, pour notre part, que le principe de réalité conduit inéluctablement au dispositif que nous proposons, et je rappelle que nous avons ramené la date de l’échéance à 2013, celle que nous avions initialement proposée paraissait trop lointaine à M. le secrétaire d'État.
J’ajoute que, comme le faisait fort justement remarquer notre collègue Paul Girod, si nous retirons notre amendement, ou s’il n’est pas adopté, il n’y aura plus matière à négocier en commission mixte paritaire.
M. Paul Girod. Évidemment !
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Je suis prêt à prendre l’engagement – sous réserve que mes collègues de la commission mixte paritaire partagent mon point de vue – de faire en sorte que nous parvenions à un accord.
Au demeurant, nous ne faisons pas de cette affaire une question de principe. Nous souhaitons simplement que le système fonctionne, car nous voulons dynamiser et moderniser l’économie. Ce qu’a dit M. Gérard Longuet sur les sous-traitants est tout à fait exact : il y a là un vrai sujet de préoccupation, car ce sont eux qui, parfois, répercutent les coûts sur les autres.
Bref, le dispositif doit être encore affiné. Voilà pourquoi nous souhaitons voir notre amendement adopté, tout en ayant conscience qu’il ne s’agit pas d’une œuvre achevée !
M. Paul Girod. Très bien !
M. le président. Serait-ce une sorte de symphonie inachevée ? (Sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le VI de cet article :
VI. - Pour les livraisons de marchandises qui font l'objet d'une importation dans le territoire fiscal des départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion, ainsi que des collectivités d'outre-mer de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, le délai prévu au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce est décompté à partir de la date de réception des marchandises.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Il s’agit simplement de dresser la liste des collectivités d’outre-mer auxquelles le V de l’article 6 s’applique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'article.
M. Daniel Raoul. Cet article prévoyait une dérogation. L’amendement n° 112 rectifié, qui vient d’être adopté, en a modifié la date, dorénavant fixée au 1er janvier 2013. Mais ce n’était pas le seul objet de cet amendement, et je voudrais, à cet égard, revenir sur la question du seuil de 300 millions d’euros.
Il n’en a pas beaucoup été question dans la discussion que nous venons d’avoir, alors qu’il s’agit d’une mesure discriminatoire, à laquelle je n’étais pas du tout favorable.
Je n’hésite pas à dire que nous venons de faire un grand pas en arrière, mes chers collègues, par rapport à la rédaction initiale et par rapport à la volonté affichée par le Président de la République en la matière.
Si le texte devait rester en l’état, le recul serait en effet très net par rapport aux engagements pris par le Président de la République, et je vous rappelle que celui-ci est maintenant pour six mois le pilote de l’Europe. Par conséquent, pour ce qui est de la préparation du Small Business Act européen. Pour utiliser une expression que connaissent bien les sportifs, je dirai qu’il risque un claquage des adducteurs ! (Rires.)
Par ailleurs, dans le domaine de l’automobile, les accords conclus n’ont débouché sur rien, car ils n’ont pas été appliqués ! On aura donc beau évoquer toutes les négociations possibles, il fallait bel et bien légiférer, comme cela s’était fait pour le secteur du transport routier, avec des résultats que l’on a pu constater.
En mars dernier, le président de la fédération des industries du béton écrivait au sujet des délais de paiement : « La grande distribution sait que, si elle est payée au comptant par ses clients, elle paye ses fournisseurs le plus tard possible. Pour elle, l’enjeu serait supérieur à 10 milliards d’euros. »
L’industrie automobile invoque, pour sa part, un business model qui l’oblige à faire financer tout son cycle d’exploitation par des tiers.
M. Longuet évoquait tout à l’heure la structure capitalistique de nos entreprises. Or qui profite, en fin de compte, des délais de paiement, si ce n’est le système bancaire ? Celui-ci est pourtant le grand absent dans nos débats, alors que les délais de paiement sont financés à coups de crédits et d’intérêts !
Mme Nathalie Goulet. C’est le « silence des agios » ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. Absolument, madame Goulet ! Le jeu de mot est joli !
Cette pratique « plombe » les comptes d’exploitation des petits fournisseurs vis-à-vis de la grande distribution ou des grands fabricants d’automobiles.
J’affirme donc, aussi étrange que cela puisse vous paraître, que la version initiale du Gouvernement était sans doute la meilleure pour réussir à converger, dans les prochaines années, vers le délai de trente jours que la Commission européenne se prépare à nous imposer. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'article.
Mme Odette Terrade. Bien entendu, le groupe CRC votera contre cet article 6, qui adresse en effet un mauvais signal aux PME fournissant de grands groupes, dans la mesure où il remet en cause la volonté affichée de réduire les délais de paiement.
Pour ma part, je me demande comment nous pourrons, dans ces conditions, fixer à un mois, dans l’un des prochains articles de ce texte, le délai de paiement pour les administrations ! De ce point de vue aussi, le signal donné est très mauvais.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 262 rectifié est présenté par MM. César, Mortemousque, Dufaut, Couderc, Emorine, Barraux, Besse, J. Blanc, de Broissia, Dériot, Doublet, A. Dupont, Gérard, Gerbaud, Grillot, Revol, Pintat, Pinton, de Richemont, Valade et Texier et Mmes Sittler, Hummel et Procaccia.
L'amendement n° 773 est présenté par MM. Courteau, Rainaud, Tropeano, Madrelle, Dussaut, Journet, Sutour, Rouvière et les membres du groupe socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le dernier alinéa (4°) de l'article L. 443-1 du code du commerce, les mots : « soixante-quinze jours après le jour de livraison » sont remplacés par les mots : « quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Mortemousque pour présenter l’amendement n° 262 rectifié.
M. Dominique Mortemousque. Notre collègue Gérard César, premier signataire de cet amendement, ne pouvait malheureusement être présent aujourd'hui en séance pour le présenter.
Je parlerai surtout du secteur viticole, dans lequel l’existence de délais de paiement spécifiques s’explique par des conditions de production imposant des stocks à rotation très lente.
À ce jour, le code de commerce prévoit un délai de paiement de soixante-quinze jours après le jour de livraison. Nous proposons de ramener ce délai à un maximum de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 773.
M. Roland Courteau. Je souhaite d’abord rappeler qu’en 1992 le Sénat avait adopté à l’unanimité un amendement que j’avais présenté et qui visait à faire en sorte que, dans les transactions commerciales concernant notamment le vin, les délais de paiement ne puissent être supérieurs à trente jours après la fin du mois de livraison. Je rappelle qu’à l’époque les durées de paiement allaient de quatre-vingt-dix à cent vingt jours, voire plus. J’avais souligné qu’il n’était pas normal que, du fait de tels délais, les viticulteurs puissent d’une certaine manière servir de banquiers aux négociants.
Cependant, la navette parlementaire avait conduit à une rédaction modifiée, aux termes de laquelle le délai de paiement ne pouvait être supérieur à soixante-quinze jours. Si l’on pouvait, certes, noter une différence par rapport à mon amendement, l’avancée n’en restait pas moins bien réelle par rapport aux délais qui se pratiquaient à l’époque.
C’est dire s’il s’agit pour nous d’un vieux dossier !
Aujourd’hui, mes collègues du groupe socialiste et moi-même souhaiterions une nouvelle avancée dans la réduction des délais de paiement, compte tenu – et j’insiste sur ce point – de la crise que connaît la viticulture. Cette crise perdure ; nos viticulteurs connaissent des difficultés extrêmes.
Ainsi, entre le moment où les producteurs et les négociants signent le contrat de vente, et celui où le négociant retire son vin, puis reçoit la facture, plusieurs mois peuvent s’écouler. Si l’on doit ajouter à cet intervalle de trop longs délais de paiement, on mesure les difficultés que cela peut entraîner pour le producteur.
Bref, une nouvelle réduction des délais s’impose.
Par ailleurs, vous noterez que notre dispositif tient le plus grand compte des spécificités liées plus généralement aux produits à rotation lente.
M. le président. L'amendement n° 774 rectifié, présenté par MM. Courteau, Rainaud, Tropeano, Madrelle, Dussaut, Journet, Sutour, Rouvière et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le dernier alinéa (4°) de l'article L. 443-1 du code de commerce, les mots : « soixante-quinze jours » sont remplacés par les mots : « cinquante jours, à compter de la date d'émission de la facture ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Par cet amendement, nous souhaitons ramener les délais de paiement à cinquante jours à compter de la date d’émission de la facture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. En ce qui concerne les deux amendements identiques, l’avis de la commission spéciale est favorable, puisque le délai légal s’applique, sauf accord interprofessionnel contraire.
En revanche, l’amendement n° 774 rectifié prévoit un délai de paiement de cinquante jours à compter de la date d’émission de la facture, ce qui ne permet pas de faire concorder le délai de paiement dans la viticulture avec celui qui est pratiqué dans les autres secteurs d’activité.
Dans la mesure où des accords interprofessionnels peuvent toujours permettre de déroger au délai de paiement légal appliqué à la filière viticole, autant que celui-ci soit aligné sur le délai légal. L’avis de la commission spéciale sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage cette fois-ci (Ah ! sur les travées de l’UMP), – comme presque toujours d’ailleurs ! – l’avis de la commission spéciale, dont je salue les travaux.
J’émets donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 262 rectifié et 773, et je lève le gage.
M. le président. Il s’agit donc des amendements identiques nos 262 rectifié bis et 773 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. S’agissant de l’amendement n° 774 rectifié, j’émets un avis défavorable, non pas par esprit de système, mais simplement parce que l’on ne voit pas très bien la raison pour laquelle le délai de paiement serait porté à cinquante jours, alors que nous voulons une disposition visant à harmoniser les délais à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires.
M. le président. L’amendement n° 774 rectifié est-il maintenu, monsieur Courteau ?
M. Roland Courteau. Non, monsieur le président, je le retire, par cohérence.
M. le président. L’amendement n° 774 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 262 rectifié bis et 773 rectifié.
M. Gérard Delfau. Au moment où le Sénat unanime, semble-t-il, va prendre la sage décision de réduire un peu plus les délais de paiement concernant les vins et produits viticoles, je veux souligner, après mon collègue Roland Courteau, la difficulté que nous avons eue à attirer l’attention sur la situation des vignerons et à faire entendre le fait qu’ils ne pouvaient être laissés plus longtemps sans défense, dans les mains de certains négociants.
Les progrès sont lents, mais les amendements identiques nos 262 rectifié bis et 773 rectifié, que je voterai bien sûr, constituent une avancée significative. Je m’en réjouis, car la crise que connaît la viticulture française, plus particulièrement en Languedoc-Roussillon, est grave.
Si ces amendements sont adoptés, ce sera un signal positif.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.