M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense, mais, si j’ai bien compris, c’est M. le secrétaire d'État aux anciens combattants qui me répondra.
M. Josselin de Rohan. M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants !
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'État, si l’on croit les informations distillées au compte-gouttes, des dizaines d’implantations militaires sont appelées à disparaître.
Mis à part d’officieux communiqués de presse, nous ne connaissons pas les noms des unités ou établissements militaires concernés, et cette incertitude augmente l’angoisse des populations, qui craignent d’être les victimes des mesures annoncées.
Les services du ministère de la défense ont reçu les élus concernés. Ont-ils été entendus ? Seront-ils partie prenante aux consultations à venir ? Ou s’agit-il simplement de les informer du malheur qui les guette ?
Je peux témoigner ici, même si ce n’est pas un cas unique, de l’angoisse éprouvée dans la vallée de l’Ubaye à l’annonce d’une éventuelle et incompréhensible menace de fermeture du Centre d’instruction et d’entraînement au combat en montagne de Barcelonnette, petite commune de 2 700 habitants. Ce serait là une véritable catastrophe qu’aucune compensation financière ne parviendrait à corriger.
Il faut rationaliser, il faut restructurer, nous dit-on. Mais il ne s’agit pas de biffer simplement, d’un trait de plume, une caserne par-ci, une base aérienne par-là.
M. Paul Raoult. Cambrai !
M. Claude Domeizel. Il s’agit de prendre en compte les hommes et les femmes qui y vivent, qui y travaillent et qui, à leur tour, font vivre et travailler tout un pays, ses structures scolaires, ses associations culturelles et sportives, ses commerces et bien d’autres activités encore !
On ne peut pas, comme ça, soustraire ou déplacer des êtres sans se soucier des conséquences sociales et économiques.
M. le Président de la République a déclaré : « La défense n’a pas vocation à faire de l’aménagement du territoire. » Quelle affirmation surprenante, pour ne pas dire déplacée, car l’État a l’obligation d’aménager le territoire, pas de déserter !
M. Josselin de Rohan. Cela n’a rien à voir !
M. Claude Domeizel. Après des abandons de services publics, après les mésaventures de la carte judiciaire, il ne faudrait pas en plus ajouter aujourd’hui les injustices de la carte militaire !
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande non seulement de vous porter garant du respect du principe d’équité et de transparence afin que tous les sites soient traités de la même façon, mais aussi de nous faire connaître, en cas de disparition d’implantations militaires, les mesures de revitalisation, le plan d’accompagnement social et économique pour les territoires les plus touchés ainsi que les budgets afférents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je suis très heureux, en tant que secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, de vous répondre à la place d’Hervé Morin, lequel participe actuellement à l'Assemblée nationale au débat sur le Livre blanc, débat qui est également prévu ce soir au Sénat. Le Livre blanc sur la défense que le Président de la République a présenté le 17 juin dernier est une nécessité en termes de crédibilité de notre défense. Le monde a changé,...
M. David Assouline. Eh oui, le monde a changé ! S’il n’y avait que le monde qui avait changé !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. ...les menaces aussi, qui, aujourd'hui, sont d’ordre terroriste. Nous sommes désormais confrontés à des enjeux majeurs, notamment énergétiques. Certaines régions du monde constituent de véritables poudrières. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Par conséquent, il est important que nous nous adaptions, avec nos partenaires européens, nos autres alliés. C’est l’ensemble de ces données qu’a pris en compte le Livre blanc, pour une armée qui, je le rappelle, a réussi sa professionnalisation. Toutes ces nouvelles mesures se font à budget constant.
M. David Assouline. On sait tout cela !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En d’autres termes, tous les efforts et toutes les économies liés à la réduction du format des armées qui seront réalisés année après année...
M. Paul Raoult. Cela concerne 1 600 personnes à la base aérienne de Cambrai !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. ...seront affectés à la modernisation de nos équipements, dont certains ont bien besoin, et à l’amélioration de la condition militaire.
M. Claude Domeizel. Répondez à la question !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. La restructuration des armées, c’est d’abord l’adaptation des armées.
M. Charles Gautier. Dans le mépris !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. La question de l’aménagement du territoire, qui nous tient beaucoup à cœur, est la conséquence des décisions que nous prendrons.
Vous l’avez-vous-même reconnu, monsieur le sénateur, une véritable concertation a eu lieu dans tous les départements concernés avec les élus et les parlementaires, et l’écoute a été réelle. (M. Paul Raoult s’exclame.)
Les arbitrages ne sont pas encore rendus. Lorsqu’ils le seront, l’ensemble des restructurations seront annoncées.
M. Paul Raoult. Restrictions économiques plus restrictions budgétaires !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Pour ce qui est du site de Barcelonnette, comme des autres d’ailleurs, tous les arguments avancés seront pris en compte. Dans certains cas, le maintien sera décidé, dans d’autres, la suppression ou le déplacement sera ordonné.
En tout état de cause, en matière d’aménagement du territoire, des mesures projet par projet seront prises sous l’autorité du Premier ministre, au niveau tant du budget du ministère de la défense que du budget du secrétariat d'État chargé de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Pierre Bel. C’est dur !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. J’ai moi aussi vécu dans ma région et dans ma ville des restructurations. Des réponses seront apportées et il y aura des soutiens.
La question de l’aménagement du territoire ne conditionne pas la réforme et la modernisation de nos armées. Pour autant, il en sera tenu compte dans la décision, car elle est un élément essentiel de la politique du Gouvernement, afin que les territoires puissent continuer à se développer harmonieusement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. Paul Raoult. Cela fera des chômeurs de plus dans le Nord !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ma question s'adressait à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
M. Robert Bret. Il n’est pas là !
M. David Assouline. Tous les autres s’en vont, d’ailleurs !
M. Alain Vasselle. J’aurais pu également la poser à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, puisqu’elle porte sur le traitement des déchets, et, à ce titre, touche à la fois à l’environnement et à la santé publique.
M. Alain Vasselle. Je souhaite aborder le problème, récurrent, des incinérateurs.
Mes chers collègues, je me dois de préciser que cette question doit être replacée dans le contexte de la réflexion que conduit le Gouvernement depuis le Grenelle de l’environnement.
Le Gouvernement s’est fixé trois objectifs ambitieux.
Premièrement, il entend développer la prévention et responsabiliser les producteurs, c'est-à-dire les industriels. J’aimerais bien, d’ailleurs, qu’il pense également à impliquer la grande distribution pour ce qui concerne le traitement des emballages.
Deuxièmement, et c’est là un objectif ambitieux, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a décidé d’améliorer sensiblement le pourcentage de résultats en matière de tri sélectif.
Troisièmement, le Gouvernement compte s’attaquer au problème du traitement des déchets ultimes. Peu de solutions s’offrent à lui. Seules deux possibilités sont autorisées réglementairement sur le territoire national : le centre d’enfouissement technique ou l’incinération.
Le Gouvernement souhaite bien sûr privilégier la valorisation de ces déchets. Le meilleur moyen consiste à les incinérer, non pas uniquement en produisant de l’électricité, mais en favorisant la cogénération.
Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, des articles de presse relativement récents, notamment l’un d’entre eux qui est intitulé « Nouvelle alerte médicale sur les incinérateurs » (L’orateur brandit une photocopie de l’article), entretiennent une certaine psychose auprès de nos concitoyens. La Coordination nationale médicale santé et environnement, qui regroupe trois mille médecins, a dénoncé le cocktail polluant des fumées qui sortent de nos incinérateurs. Certes, le rejet des dioxines est maîtrisé en France, puisque les émissions, évaluées à un kilogramme en 1990, sont tombées à huit grammes. Il s’agit donc de résultats sensibles, mais qui ne réussissent pas à rassurer nos concitoyens. Cette coordination évoque le rejet de chrome, de mercure et d’autres métaux lourds, et réclame un moratoire sur les incinérateurs, en vertu tant du Grenelle de l’environnement que du principe de précaution que nous avons voté et introduit dans la Constitution.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement entend-il accéder à la demande de ces médecins et décider un moratoire sur les incinérateurs ? Des études scientifiques comparatives ont-elles été menées, qui permettraient de rassurer nos citoyens quant aux risques qu’ils prennent en respirant les fumées rejetées par les incinérateurs ? Existe-t-il, oui ou on, un risque de santé publique ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Paul Raoult. C’est une bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Jean-Louis Borloo, qui est en déplacement dans le cadre de la préparation de la présidence française de l’Union européenne.
Vous avez raison : Roselyne Bachelot-Narquin aurait très bien pu vous répondre, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, quand elle était ministre de l’écologie et du développement durable, elle a ordonné la fermeture d’un grand nombre d’incinérateurs qui n’étaient pas aux normes ; cela ne s’est pas fait sans difficultés et elle s’est battue courageusement. Ensuite, en tant que ministre de la santé, elle est très attentive à ce dossier.
M. Ladislas Poniatowski. Et pour une troisième raison : parce qu’elle est bonne ! (Sourires.)
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Vous l’avez rappelé, monsieur Vasselle, priorité doit être donnée à la prévention, au tri et au recyclage, le meilleur déchet étant évidemment celui que, par nature, on ne produit pas.
Les conclusions du Grenelle de l’environnement ont permis de fixer un objectif de réduction de cinq kilos de déchets par an et par habitant pendant les prochaines années, ainsi qu’un taux de recyclage de 35 % en 2012, puis de 45 % en 2015.
Cette responsabilité incombe aux collectivités et les préfets doivent mettre en œuvre un plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés.
Pour ce qui est des incinérateurs, sur lesquels porte très précisément votre question, monsieur Vasselle, le Grenelle de l’environnement n’a pas retenu de moratoire. En effet, aujourd'hui, les incinérateurs qui restent sur notre territoire réalisent un haut niveau de performance d’épuration pour traiter les déchets, comme d’autres outils de traitement des déchets.
L’arrêté du 20 septembre 2002 a établi les règles de conception, d’exploitation, de surveillance des rejets atmosphériques et aqueux.
La France, plus que tout autre pays européen, a fixé des exigences très lourdes pour les incinérateurs, qui sont plus strictes encore que dans d’autres secteurs d’activité. Une directive européenne relative aux déchets a placé l’incinération avec récupération d’énergie devant les décharges, y compris lorsqu’elles sont contrôlées – désormais, elles sont toutes contrôlées –, dans la hiérarchie des traitements des déchets.
Nous poursuivons cette politique dans le cadre des plans d’élimination, tout en accordant une très grande attention aux problèmes de santé publique que vous avez eu raison de rappeler devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Une question, mais pas de réponse !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Chili
M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer, au nom du Sénat de la République française, la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Sénat du Chili, conduite par son président M. Adolfo Zaldivar. Elle est accompagnée par notre collègue Bernard Angels, qui fut récemment vice-président de notre assemblée.
Je formule des vœux pour que cette visite, qui s’inscrit dans le cadre d’un périple européen, contribue à renforcer les liens, efficacement entretenus par le groupe interparlementaire d’amitié France-Amérique du Sud présidé par notre collègue Roland du Luart, qui unissent nos deux assemblées et nos deux pays.
Ces liens interparlementaires enrichissent une relation bilatérale dense et diversifiée, marquée par une importante coopération, notamment sur la scène internationale, en faveur du maintien de la paix, et par des échanges économiques en développement, et qu’il convient de renforcer encore davantage.
Au nom du Sénat tout entier, je leur adresse mes souhaits de très cordiale bienvenue. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d’urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire (Urgence déclarée).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 3.
Article 3
Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-2. - I. - Afin de prévenir les conflits, le dépôt d'un préavis de grève par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques, ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'État et ces organisations syndicales.
« II. - Les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation préalable sont fixées par un décret en Conseil d'État qui détermine notamment :
« 1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l'autorité administrative des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis de grève conformément à l'article L. 2512-2 du code du travail ;
« 2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l'autorité administrative est tenue de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;
« 3° La durée dont l'autorité administrative et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours francs à compter de cette notification ;
« 4° Les informations qui doivent être transmises par l'autorité administrative aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;
« 5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l'autorité administrative se déroule ;
« 6° Les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations qui doivent y figurer ;
« 7° Les conditions dans lesquelles les enseignants du premier degré sont informés des motifs du conflit, de la position de l'autorité administrative, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.
« III. - Lorsqu'un préavis concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques a été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 2512-2 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu'à l'issue du délai du préavis en cours et avant que la procédure prévue aux I et II n'ait été mise en œuvre. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 41 est présenté par M. Lagauche, Mme Blandin, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 3, dont nous demandons la suppression, est, en réalité, un véritable cavalier législatif. En effet, le titre et l’exposé des motifs de ce projet de loi visent à créer un service d’accueil. Or cet article met en place une réglementation du droit de grève. Cela n’a rien à voir. D’autant que, comme nous venons de le voir, ce service d’accueil est bien plus large qu’une simple réponse à de rares journées de grève.
Aussi, cet article n’a pas sa place dans ce projet de loi.
De surcroît, son contenu soulève des difficultés. Du point de vue rédactionnel, il reprend quasiment les termes de l’article 2 de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs instaurant un service minimum. Or les dispositions que nous étudions aujourd'hui concernent un service d’accueil, et non un service minimum d’éducation.
Comment justifier alors qu’une même procédure puisse répondre à des objectifs différents ? Sans doute est-ce parce que, en réalité, l’objectif est le même. Réduire le droit de grève, telle est bien finalement votre volonté.
En effet, vous dites que le processus mis en place par cet article est destiné à favoriser les négociations. Mais telle est déjà, normalement, la raison d’être du préavis. Alors pourquoi instaurer l’obligation de déposer une sorte de nouveau préavis, avant le préavis actuel ?
En fait, ce mécanisme d’alerte ne vise qu’à restreindre le droit de grève, en interdisant tout dépôt de préavis de grève si, quinze jours avant, une alerte n’a pas été déclenchée, et à contraindre les enseignants à se désigner publiquement grévistes, ouvrant ainsi la voie à toutes les pressions possibles.
De plus, avec cet article, vous introduisez un mécanisme que vous allez étendre progressivement. Aujourd’hui, seuls les enseignants des écoles maternelles et élémentaires seront contraints de s’y soumettre. Demain, ce seront tous les enseignants, puis tous les fonctionnaires et, finalement, – pourquoi pas ? – tous les salariés.
C’est un mécanisme pervers, dangereux pour les libertés publiques et individuelles, que nous rejetons. (M. Jean-François Voguet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Serge Lagauche. L’article que nous examinons n’a absolument rien à faire dans le code de l’éducation, à l’article consacré à l’accueil des élèves des écoles maternelles et primaires de l’enseignement public. Il traite des conditions d’exercice du droit de grève des enseignants du premier degré.
Les dispositions de cet article durcissent considérablement les conditions d’exercice du droit de grève des enseignants. Elles s’inspirent fortement du dispositif retenu par la loi n°2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Cependant, l’organisation du service minimum dans les transports répond à des réalités très différentes de celles de l’enseignement public. Tout d’abord, l’organisation des transports est très structurée et centralisée, alors que celle de l’enseignement primaire est décentralisée et fait face à des situations locales très différentes. Ensuite, et surtout, le service minimum dans les transports consiste à offrir le même type de prestation – le transport – que celle qui est offerte dans le cadre du service public.
Ainsi, dans l’enseignement public primaire, contrairement au service minimum mis en œuvre dans les transports, la continuité du service public ne sera aucunement assurée car à un service public d’enseignement sera substitué un service de garderie : « l’accueil ».
Le dispositif instaure ainsi un système dit « d’alerte », préalable au dépôt d’un préavis de grève opposable aux organisations syndicales représentatives désireuses de déposer un tel préavis.
Ce dispositif d’alerte porte potentiellement à environ quinze jours, au minimum, le délai entre la prise de décision d’une éventuelle grève par une organisation syndicale et le déclenchement de celle-ci : trois jours pour la réunion, par l’autorité administrative, des syndicats, huit jours pour la négociation, auxquels s’ajoutent cinq jours de préavis, conformément au droit commun s’appliquant à la grève dans les services publics – l’article L. 2512-2 du code du travail. Les conditions d’exercice de la grève sont donc considérablement compliquées par ce dispositif très contraignant.
Comment, à l’avenir, un mouvement de grève justifié par l’agression d’un enseignant pourra-t-il être organisé ? Ce cas de déclenchement d’une grève répond à des faits dont le caractère imprévisible est peu compatible avec un délai de plus de deux semaines...
Vous comprendrez donc que nous demandions la suppression de cet article, qui n’a pas sa place dans le code de l’éducation et qui complique considérablement l’exercice de l’un des droits fondamentaux des enseignants.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-2 du code de l'éducation :
I. - Afin de prévenir les conflits, un préavis de grève concernant les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques ne peut être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives qu'à l'issue d'une négociation préalable entre l'État et ces mêmes organisations.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 22 et 41.
M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. L’amendement n° 4, qui est d’ordre rédactionnel, a pour objet d’apporter des précisions utiles à la bonne compréhension de l’article 3.
J’en viens aux amendements identiques nos 22 et 41. Comme vous l’aurez compris, la commission est très intéressée par la procédure de prévention des conflits. Avant le déclenchement des grèves, il est très important qu’une procédure permette de mettre en relation l’employeur, c’est-à-dire le ministère, et les syndicats, afin de discuter des points de litige. Ce matin, je comparais la situation de notre pays avec celle de l’Allemagne. Nous aurions tous à gagner à ce que les syndicats sachent qu’ils auront un interlocuteur attentif à leurs propos et soient amenés à dialoguer avec le ministère avant tout mouvement social. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Le Gouvernement est favorable à l’amendement rédactionnel présenté par M. le rapporteur.
Quant aux amendements nos 22 et 41, qui renvoient à la négociation préalable, je trouve étonnant que l’on veuille durcir les conditions du dialogue, dès lors que, en réalité, il s’agit de mettre en place un dispositif de négociation de nature à éviter un conflit ou, en tout cas, à ne pas recourir systématiquement au droit de grève. C’est également dans l’intérêt des communes que l’on puisse limiter, si un accord est trouvé, le nombre et l’ampleur des interruptions de service.
Il me paraît étrange que, au nom du dialogue social, on veuille supprimer un dispositif qui favorise la négociation et évite l’affrontement. D’ailleurs, les syndicats eux-mêmes ont considéré cette avancée comme importante ; c’est une disposition du projet de loi qu’ils ont approuvée.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 41.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
M. Serge Lagauche. Ce matin, nous n’avions pas bien compris que les organisations syndicales avaient donné leur accord en ce qui concerne le processus de négociation. Nous prenons acte de vos propos, monsieur le ministre. De ce fait, nous sommes favorables à l’amendement de la commission. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Très bien !