M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les quatre amendements restant en discussion commune avec le sien. Il me semble que l'amendement n° 131 est complet : en le rédigeant, la commission a voulu répondre à un certain nombre de conditions.
Pour ma part, je ne souhaite pas que l’on défende tel ou tel organisme. Si nous nous engageons dans cette voie, nous ne ferons jamais rien ! La commission tient vraiment à regrouper tout ce qui peut l’être dans le domaine de la protection des droits fondamentaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La révision de notre Constitution vise à mieux contrôler l’exécutif et à renforcer le Parlement. Elle tend aussi à accorder des droits nouveaux aux citoyens. La création du Défenseur des droits des citoyens en constitue un élément important. Elle est d’ailleurs attendue par beaucoup de monde et depuis longtemps.
M. Robert Bret. C’est qui, beaucoup de monde ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La création du Défenseur des droits des citoyens s’ajoute à l’exception d’inconstitutionnalité, à l’ouverture de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature à tout justiciable, au droit de pétition devant le Conseil économique, social et environnemental et au référendum d’initiative parlementaire et populaire.
Les droits des citoyens sont bien évidemment protégés par le juge, mais, face à certaines difficultés, notamment dans les relations avec les administrations, engager une procédure juridictionnelle est bien souvent trop lourd au regard de la réalité du problème et peut faire peur. Il faut prévoir la possibilité d’une intervention plus souple, qui prenne en considération l’équité.
C’est dans cette perspective que le Médiateur de la République a été créé. C’est pour cela aussi que nous voulons inscrire le Défenseur des droits des citoyens dans la Constitution. En lui donnant un ancrage constitutionnel, nous renforcerons son autorité morale. Dans la plupart des autres pays d’Europe qui connaissent une institution comparable, son existence est prévue par la Constitution. C’est donc là une réelle avancée.
Cet ancrage ira de pair avec une saisine simplifiée et des pouvoirs renforcés par rapport à ceux du Médiateur de la République.
En premier lieu, le droit de chaque personne lésée de saisir directement le Défenseur des droits des citoyens sera reconnu, et même inscrit dans la Constitution. Au contraire, le Médiateur de la République ne peut être saisi directement par le citoyen et son existence n’est pas inscrite par la Constitution.
En second lieu, le Défenseur des droits des citoyens disposera de pouvoirs renforcés. Aujourd’hui, le Médiateur de la République dispose essentiellement de pouvoirs de proposition et de recommandation. Il faut aller plus loin. La liste exacte de ses pouvoirs sera fixée par un projet de loi organique, qui sera soumis à votre assemblée le moment venu.
D’ores et déjà, nous envisageons de lui conférer les pouvoirs suivants : procéder à des vérifications sur pièces et sur place, proposer une transaction entre la personne lésée et l’administration, saisir la juridiction compétente avec l’accord de la personne concernée, engager des poursuites disciplinaires à l’encontre d’un agent, si l’administration ne le fait pas.
Le Défenseur des droits des citoyens a donc vocation à se substituer au Médiateur de la République, avec une autorité morale et des pouvoirs renforcés.
Ce texte vise en outre à ouvrir la voie à une simplification de l’ensemble de nos dispositifs concernant les autorités administratives indépendantes chargées de défendre les droits de nos concitoyens.
Je prendrai un seul exemple. La Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui a été créée par une loi du 6 juin 2000, accomplit un travail remarquable. Elle peut être saisie par toute personne victime ou témoin de faits contraires aux règles de déontologie commis par des personnes chargées d’une activité de sécurité : il s’agit essentiellement de la police, de la gendarmerie, de l’administration pénitentiaire, des services de sécurité des transports publics. Cette autorité est cependant peu connue, puisque, sur cent quarante-quatre saisines en 2007, toutes émanaient de parlementaires ou d’autres autorités administratives indépendantes. Pas un seul particulier ne l’avait saisie directement.
Je crois qu’il serait plus simple de confier cette compétence au Défenseur des droits des citoyens.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faudra passer par la voie parlementaire !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour l’exercer, il pourrait être assisté d’un collège composé de personnalités ayant des compétences particulières dans le domaine de la sécurité.
Dans l’esprit du Gouvernement, la création du Défenseur des droits des citoyens est le prélude à une réflexion plus générale sur l’ensemble des autorités administratives indépendantes chargées de protéger les droits des citoyens.
M. Robert Bret. Ce sont des effets d’annonce !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Certains nous reprochent de ne pas donner de schéma préétabli. Si nous nous étions présentés avec un tel schéma, cela nous aurait également été reproché. Le Gouvernement a donc fait le choix d’une rédaction qui permette des évolutions ultérieures. Il sera d’ailleurs plus facile de fusionner le Défenseur des droits des citoyens avec d’autres autorités administratives indépendantes, lorsqu’il sera bien ancré dans notre paysage institutionnel.
En tout cas, le projet du Gouvernement permet deux évolutions.
Tout d’abord, il rend possible une évolution quant au champ de compétence du Défenseur des droits des citoyens : un projet de loi organique pourra le définir.
Ensuite, il permet une évolution du mode de fonctionnement du Défenseur des droits des citoyens : un projet de loi organique déterminera les conditions dans lesquelles il pourra être assisté pour l’exercice de certaines de ses attributions. Cela signifie que le Défenseur des droits des citoyens pourra non seulement avoir des délégués, mais aussi être assisté par un ou des collèges, selon les compétences à réunir. Là aussi, le Gouvernement est favorable à la clarification proposée par la commission des lois.
Sur la question des regroupements à opérer, le Gouvernement souhaite un dialogue ouvert et constructif avec le Parlement. Nous l’avons déjà montré à propos du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. À l’époque, nous pensions créer uniquement un contrôleur des prisons, comme au Royaume-Uni.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite aller beaucoup plus loin, en créant un contrôleur général de tous les lieux de privation de liberté. Nous verrons, à la fin de son mandat, s’il faut fusionner les deux institutions ou s’il est plus utile de conserver une existence autonome au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
On peut également penser au Défenseur des enfants. Lorsqu’il a été créé, en reprenant la proposition unanime d’une commission parlementaire, la question s’est posée de savoir s’il fallait mettre en place une institution distincte du Médiateur de la République. Il a été décidé que oui, afin que le Défenseur des enfants puisse être saisi directement, ce qui n’est pas le cas du Médiateur de la République. Cette distinction n’aura plus lieu d’être après l’adoption de ce projet de loi constitutionnelle. Nous pourrons y réfléchir ultérieurement.
Le Gouvernement vous propose d’avoir un débat approfondi sur toutes ces questions lors de la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits des citoyens. C’est pourquoi il émet un avis défavorable sur les amendements nos 491, 65, 37 rectifié et 290 rectifié, mais est favorable à l'amendement n° 131.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 491.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai écouté avec soin, comme toujours, M. le rapporteur, dont je comprends la position. Il souhaite aller vers le regroupement d’un grand nombre d’autorités administratives indépendantes sous l’égide du Défenseur des droits des citoyens.
Madame le garde des sceaux, votre position apparaît moins claire, puisque nous ne pouvons pas déduire de votre discours si vous entendez faire du Défenseur des droits des citoyens un simple substitut du Médiateur de la République ou si vous comptez lui confier, de surcroît, les attributions de telle ou telle autre autorité. Nous nous interrogeons sur ce point.
La Constitution étant une norme, il me semble qu’il est de la mission du Parlement d’essayer d’obtenir des réponses précises et explicites : madame le garde des sceaux, que voulez-vous faire ?
J’ai entendu que vous vouliez ouvrir la voie – voilà qui est très bien, déjà Mao Tsé-toung employait cette expression ! (Sourires.) –, que vous souhaitiez créer un prélude à la réflexion – pour ma part, je trouve que la réflexion est excellente et que le prélude à la réflexion l’est également ! (Nouveaux sourires.) –, que vous nous invitiez à réfléchir.
La réflexion est très bonne pour la santé, surtout à cette heure ; il faut louer l’esprit de réflexion ! Pour autant, nous restons finalement dans le flou et dans la confusion.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. J’estime que nous sommes véritablement dans notre rôle lorsque nous vous demandons, madame le garde des sceaux, ce que veut faire le Gouvernement.
L'amendement n° 491 témoigne d’une position claire de notre groupe : nous voulons constitutionnaliser le Médiateur de la République.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quel intérêt ? Cela ne change rien !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Si, il pourra être saisi directement !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, que l’on nous dise à quels changements on procède, s’il s’agit de changer quelque chose !
À la suite de Mme Boumediene-Thiery, qui a interpellé le Gouvernement sur cette question, je voudrais obtenir des précisions sur la Commission nationale de déontologie de la sécurité, dont le rôle est important et dont je pensais d’ailleurs qu’elle ne pouvait être saisie que par un parlementaire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l’autorisation de l’orateur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Inscrire l’existence du Médiateur de la République dans la Constitution ne présente tout de même qu’un intérêt secondaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Michel Mercier s’exclame.) Nous aurions même pu autoriser sa saisine directe sans révision de la Constitution, si les députés ne s’y étaient pas opposés…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bêtement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … d’une manière incompréhensible !
C’était l’intention du comité Balladur et celle du Gouvernement, mais, dans sa rédaction initiale, le texte nous paraissait imprécis et ne permettait pas de procéder à toutes les ouvertures.
Pour la commission des lois, il importe d’entreprendre une réorganisation de l’architecture de tous les organismes, mais c’est la loi organique qui déterminera lesquels sont concernés. Il est impossible de l’annoncer aujourd'hui, cela relève de la loi organique !
À dire le vrai, monsieur Sueur, il m’arrive quelquefois de ne pas comprendre votre mode de raisonnement ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je fais ce que je peux ! (Rires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Une réforme des institutions est en cours, qui tend notamment à créer un Défenseur des droits des citoyens. Les modalités précises de son action seront fixées dans la loi organique, mais reconnaissez tout de même que la commission des lois a accompli un effort de rédaction pour définir le périmètre dans lequel il pourrait intervenir !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai bien compris : M. le rapporteur veut tout regrouper…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! C’est la loi qui le fera ! Pour ma part, je n’en sais rien encore !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est du moins ce que j’avais cru comprendre, monsieur le rapporteur !
En revanche, je ne sais pas ce que veut faire le Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur. S’il veut que le Défenseur des droits des citoyens englobe la CNDS, la CADA, la HALDE, la CNIL, le Médiateur de la République, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Défenseur des enfants, qu’il ait la bonté de nous le dire ! Si tel est l’objectif du Gouvernement, cela éclairera le Parlement de le connaître !
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous pensez que le Défenseur des droits des citoyens doit être au-dessus des autres instances, qui lui seraient alors subordonnées tout en gardant un semblant d’indépendance,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. … il faut le dire !
Si vous pensez que certaines de ces institutions, telles que la CNDS ou le Défenseur des enfants, doivent être incluses dans le champ de compétence du futur Défenseur des droits des citoyens, et non pas d’autres, par exemple la CNIL ou la CADA, je souhaite savoir en vertu de quels critères cette distinction est opérée.
Plusieurs choix s’offrent à nous, plusieurs options sont possibles : le moins que l’on puisse demander au Gouvernement, c’est de nous dire ce qu’il entend faire.
M. Charles Revet. Il l’a dit !
M. Jean-Pierre Sueur. Eh bien nous n’avons pas compris !
M. Thierry Repentin. Elle n’a pas répondu !
M. Josselin de Rohan. Cela fait plus de cinq minutes, monsieur le président !
M. le président. Seul M. Sueur a la parole !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi, pour notre part, nous nous en tenons à l'amendement n° 491, qui a le mérite d’être explicite. Nous estimons avoir démontré que toute autre position relève d’une conception floue, incompatible avec les exigences juridiques qu’est en droit d’avoir le constituant.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En résumé, nous croyons comprendre que des organismes relativement identifiés seront remplacés par un organisme non identifié, une sorte d’ONI ! (Sourires.) C’est assez regrettable, car nous sommes en train de réviser la Constitution, et nous ne pouvons nous contenter de conceptions floues.
En revanche, nous comprenons très bien la motivation d’un amendement – peut-être sera-t-il retiré – dont l’objet est de prévoir que le Défenseur des droits des citoyens soit chargé d’arbitrer entre l’exercice du droit de grève et la continuité des services publics. Suivez mon regard !
Pour ma part, je crois qu’il faut rester très prudent pour l’instant.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai bien noté que la commission et le Gouvernement étaient hostiles à l’ensemble des amendements, à l’exception bien sûr de l’amendement n° 131. Il se trouve pourtant que l'amendement n° 37 rectifié n’est pas du tout de la même nature que les autres.
Je voudrais comprendre les raisons qui empêchent le Gouvernement et la commission de préciser que le Défenseur des droits des citoyens sera soumis à un contrôle budgétaire et financier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne sait même pas s’il aura un budget !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On s’acharne à vouloir faire figurer dans la Constitution des dispositions qui relèveront de la loi organique ou de la loi ordinaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut déjà qu’il y ait un budget !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À partir du moment où un budget est prévu, un contrôle budgétaire s’exerce. Cela sera prévu dans la loi organique, point n’est besoin de le spécifier dans la Constitution.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 65, 37 rectifié et 290 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 31, modifié.
(L'article 31 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 31
M. le président. L'amendement n° 237, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l'article 72 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La politique de décentralisation doit maintenir l'égalité et la solidarité des citoyens sur tout le territoire national. Elle doit permettre de renforcer la démocratie et être intégralement compensée financièrement. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la Constitution les grands principes qui, selon nous, doivent guider la politique de décentralisation, à savoir le maintien de l’égalité des citoyens et de la solidarité sur tout le territoire, le renforcement de la démocratisation et la compensation financière intégrale des compétences transférées.
Ce n’est pas du tout ce qui est mis en œuvre depuis la réforme constitutionnelle de 2002 relative à la décentralisation et l’entrée en vigueur des lois transférant les compétences.
Cela était prévisible, compte tenu du projet libéral que vous vouliez absolument appliquer. Vous avez refusé d’entendre les voix des élus, des fonctionnaires, des citoyens qui ont su déceler les effets pervers de cette fausse décentralisation.
La réalité, c’est le désengagement de l’État, qui transfère ses compétences vers des collectivités territoriales de plus en plus étranglées, c’est le démantèlement de ses responsabilités associé à un recul de l’égalité des citoyens et des mécanismes de solidarité, c’est la mise en concurrence des territoires, ce sont des décisions prises de manière antidémocratique, sans et contre les citoyens et les élus concernés.
De nombreux élus, notamment des maires, y compris parmi la majorité, d’ailleurs, s’émeuvent de voir la situation financière actuelle des collectivités locales s’aggraver d’année en année. Ces dernières ont de plus en plus de mal à répondre aux aspirations de leurs habitants, plus particulièrement si elles comptent des populations en difficulté. Ce n’est certes pas notre conception d’une véritable décentralisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à inscrire à nouveau dans la Constitution des principes qui y figurent déjà. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous avons déjà abordé ce sujet au début de la discussion du projet de loi constitutionnelle. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les mots : « législatives ou » sont supprimés.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous souhaitons retirer aux collectivités territoriales la possibilité de déroger aux dispositions législatives qui régissent l’exercice de leurs compétences.
Nous nous étions déjà opposés à l’introduction de cette disposition lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République.
Nous sommes favorables à l’attribution aux collectivités territoriales d’une marge de manœuvre en matière d’adaptation de certains textes et d’expérimentation en matière réglementaire, mais nous ne voulons pas d’une République « en morceaux » ni d’une variabilité des dispositions législatives dans l’espace. Nous ne voulons pas voir s’installer des spécificités locales dans des domaines essentiels.
En effet, nous sommes favorables au maintien de la responsabilité de l’État, garant de la cohésion nationale et de l’égalité sur tout le territoire.
L’une des raisons de notre opposition à la politique que vous conduisez en matière sociale ou éducative est précisément qu’elle aboutit à faire régresser ce rôle essentiel de l’État.
Nous pourrions envisager des expérimentations en matière législative dans le seul cas où cela permettrait une plus large association de la population à l’élaboration et à la mise en œuvre de la loi.
Ce projet de loi constitutionnelle en est à mille lieues, puisqu’il ignore précisément toute participation des citoyens à l’élaboration de la loi. Dans le cas contraire, il serait indispensable d’encadrer de façon beaucoup plus stricte toute dérogation à la loi générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mme Mathon-Poinat vient de nous expliquer son opposition à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Celle-ci a été adoptée par le Congrès. La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur un tel amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous aviez aussi voté le référendum pour l’élargissement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 377 rectifié, présenté par MM. Legendre, Gouteyron, Marini, Romani, Bourdin, Duvernois, Fournier, Gaillard et Cointat, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le Titre XIV de la Constitution, il est inséré un article 87 ainsi rédigé :
« Art. ... - La République participe à la construction d'un espace de solidarité ayant le français en partage, au service de la diversité culturelle et linguistique, de la paix, de la démocratie et du développement. »
II. L'intitulé du Titre XIV de la Constitution est ainsi rédigé :
« De la francophonie et des accords d'association ».
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Cet amendement a pour objet de faire figurer enfin la francophonie dans la Constitution. Le moment et le lieu nous semblent appropriés.
Prendre une telle mesure est une nécessité, afin de bien montrer à nos partenaires que la France se considère comme engagée dans cette construction.
Un article 87, précédemment abrogé, étant, en quelque sorte, disponible, nous pouvons insérer dans la Constitution un titre XIV relatif à la francophonie et aux accords d’association.
Par ailleurs, l’amendement n° 377 rectifié a également pour objet de définir la francophonie, c’est-à-dire le partage d’une langue, le français, et de valeurs, à savoir la diversité culturelle et linguistique, promue par la convention de l’UNESCO que la France a largement contribué à faire adopter, la paix, la démocratie et le développement. Ces valeurs sont contenues dans la déclaration de Bamako, au cœur de la francophonie, qui garantit que la francophonie est le rassemblement d’États uniquement démocratiques.
Je souhaite que cette demande, déposée à plusieurs reprises lors de précédentes révisions constitutionnelles, puisse enfin être satisfaite.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Jacques Legendre. Ce soir, j’ai une pensée pour Maurice Schumann, qui en a été longtemps l’ardent défenseur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’affirmation, à cet endroit de la Constitution, de la participation de notre pays à l’espace francophone, assortie d’objectifs de paix et de diversité culturelle et linguistique, nous paraît judicieuse. Certains l’ont considérée comme nécessairement complémentaire de la reconnaissance des langues régionales, mais ne revenons pas sur ce sujet.
En tout état de cause, adopter cette disposition marquerait l’attachement de notre pays à la langue française, qui est non seulement la langue de la République, mais aussi un lien précieux avec nombre de pays amis. La commission a donc émis un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage tout à fait votre souci de valoriser la place de la francophonie dans le monde, la francophonie étant un axe important de notre politique étrangère, au même titre que notre participation à la construction européenne.
Toutefois, notre attachement à la francophonie, tout comme au projet européen, pourrait figurer, selon le Gouvernement, dans le Préambule. Le comité présidé par Simone Veil réfléchit à l’opportunité d’une telle modification, pour donner un ancrage constitutionnel aux grandes orientations de notre politique étrangère.
Par conséquent, je vous propose d’attendre les conclusions de ce comité. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l'article 31.