M. Bernard Frimat. Cet amendement reprend très directement le problème que nous a posé M. le rapporteur sur l’ordre du jour, puisque nous nous trouvons, paraît-il, devant une grande innovation.
Aujourd’hui, la situation est presque idyllique dans la mesure où nous n’avons que des marges d’optimisation. S’agissant des droits du Parlement, il serait difficile de reculer par rapport à la situation actuelle, car ceux-ci sont réduits à leur plus simple expression sur une séance d’initiative parlementaire dont nous avons pu mesurer toutes les limites au Sénat depuis longtemps.
Dans cette séance dite « d’initiative parlementaire », les groupes d’opposition n’avaient même pas le pouvoir de choisir eux-mêmes les textes qui étaient mis en discussion. Nous avons conquis de haute lutte cette grande liberté en vertu de laquelle ces groupes, dont le nôtre, ont l’occasion quatre fois par an de déposer un texte et de le défendre, au moins pendant la discussion générale, car, d’une façon générale, ce stade n’est jamais dépassé.
L’article 22 prévoit que deux semaines seront réservées à l’examen des textes dont le Gouvernement aura demandé l’inscription à l’ordre du jour, qu’une semaine sera consacrée au contrôle de l’action du Gouvernement et qu’une semaine sera dédiée au Parlement.
M. le rapporteur a formulé un certain nombre de remarques qui sont exactes, car, à peine envisage-t-il de concéder une partie de la maîtrise de l’ordre du jour au Parlement que le Gouvernement s’invente toute une série de dérogations qui lui permettront de miter le temps qui est censé être celui du Parlement : les empiètements du Gouvernement auront toujours lieu sur les quinze jours réservés au Parlement.
La proposition de M. le rapporteur me gêne dans le sens où la semaine de contrôle disparaît en tant que telle. Même si cette pratique n’est pas la plus courante, le fait de consacrer une semaine au contrôle était un acquis qui me semblait important.
En réalité, avec les empiètements du Gouvernement, le Parlement ne disposera plus que d’une semaine, puisque la seconde servira au contrôle. Nous souhaitons – il s’agit, là encore, d’un bon test pour mesurer la réelle volonté de permettre à l’ensemble des groupes parlementaires de conquérir des droits – que cette ultime semaine soit répartie entre les groupes à la proportionnelle, et qu’elle n’appartienne pas exclusivement à la majorité, avec une journée concédée à l’opposition.
Les deux semaines réservées au Gouvernement peuvent se transformer en trois semaines. Dans ce cas, la majorité ne disposera plus que d’une semaine, dont un jour sera accordé à l’opposition.
Face à ce bouleversement et à ce risque très important que prend le Gouvernement, il doit nous indiquer les droits nouveaux qu’il entend véritablement accorder au Parlement. En réalité, nous sommes confrontés à une fausse maîtrise de l’ordre du jour. Cette réforme a tellement peu de chances d’être votée que nous disposons d’une totale liberté de parole !
Par notre amendement, nous souhaitons que la semaine qui n’est pas réservée à l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour par le Gouvernement ou au contrôle de son action soit répartie à la proportionnelle entre les groupes parlementaires. Il faut leur reconnaître des droits.
M. le président. L'amendement n° 222 rectifié bis, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, remplacer les mots :
ne disposent pas de la majorité au sein de cette dernière
par les mots :
n’ont pas déclaré participer de la majorité de l’assemblée intéressée.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous tenons, par cet amendement, à modifier la rédaction proposée par l’Assemblée nationale pour évoquer les groupes parlementaires pouvant accéder à la journée d’initiative parlementaire.
Le texte proposé – peut-être s’agit-il d’une erreur – évoquait tout groupe ne disposant pas de la majorité à lui seul, qu’il soutienne ou non le Gouvernement.
Nous précisons, comme le fait également M. le rapporteur, que sont concernés les groupes n’ayant pas affirmé appartenir à la majorité de l’assemblée concernée.
M. le président. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Gélard et Portelli et Mme Henneron, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par la Conférence des Présidents à l'initiative des groupes parlementaires qui soutiennent la majorité.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Je le retire. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission n’a pas eu connaissance du sous-amendement n° 517, mais il ne lui semble pas conforme aux équilibres souhaités dans l’amendement n° 123 rectifié. Elle émet donc un avis défavorable.
Sur le sous-amendement n° 297 rectifié, la rectification à laquelle la commission a procédé pour modifier la rédaction de l’alinéa de son amendement n° 123 concernant l’initiative des groupes d’opposition ou de la minorité devrait être en mesure de satisfaire les auteurs de ce sous-amendement. La commission sollicite donc le retrait de ce sous-amendement.
M. Pierre Fauchon. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 297 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En ce qui concerne le sous-amendement n° 515, la commission souhaite que, dans son ordre du jour réservé, le Gouvernement puisse déterminer l’ordre d’examen des textes. Elle émet donc un avis défavorable.
Les débats souhaités par le Gouvernement doivent pouvoir s’imputer sur l’ordre du jour qui lui est réservé. C’est pourquoi la commission est également défavorable au sous-amendement n° 516.
Sur le sous-amendement n° 507, votre commission a souscrit aux arguments développés par M. Cointat. J’avais évoqué cette question depuis longtemps. Si l’initiative parlementaire s’arrête à une assemblée, c’est comme si nous ne faisions rien. Il faut trouver un moyen pour que la deuxième assemblée examine les propositions de loi votées par l’autre chambre. Autrement, l’initiative parlementaire ne perdurera pas, sauf si le Gouvernement le souhaite, ce qui n’est pas suffisant. Par conséquent, la commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
S'agissant de l’amendement n° 218, l’organisation de la conférence des présidents ne relève pas du niveau constitutionnel. Conformément au principe de l’autonomie des assemblées, c’est aux règlements du Sénat et de l’Assemblée nationale de fixer les règles dans ce domaine. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 412 ayant le même objet que le sous-amendement n° 515, la commission y est défavorable pour les mêmes raisons.
L’amendement n° 219, semblable au sous-amendement n° 516, a également reçu un avis défavorable de la commission.
Quant à l’amendement n° 221, il est contraire aux équilibres souhaités par la commission des lois dans son amendement n° 123 rectifié. La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 220, bien que pour des raisons différentes de celles qui sont exposées par l’objet de cet amendement, la commission des lois a supprimé la disposition de l’article 48 de la Constitution concernant la semaine réservée au contrôle. Cet amendement est donc satisfait.
L’amendement n° 482 est satisfait par la rédaction proposée par l’amendement n° 123 rectifié pour l’article 48 de la Constitution.
Au sujet de l’amendement n° 481, je comprends les arguments de M. Frimat et des membres du groupe socialiste. Mais vaut-il mieux une semaine de contrôle incertaine ou une semaine garantie d’initiative et de contrôle ?
M. Bernard Frimat. Les deux !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est toute la question ! Je propose le choix d’une semaine garantie.
Cet amendement aurait pour effet, dans le cadre du texte voté par l’Assemblée nationale, de répartir l’ordre du jour réservé au Parlement selon l’importance numérique des groupes. Quelle place pourrait alors être consacrée aux initiatives des commissions qui, souvent, transcendent les clivages partisans ?
Je pourrais vous citer l’exemple de la proposition de loi relative à la législation funéraire, dont on attend toujours l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ! Il ne s’agit pourtant pas d’un sujet mineur, contrairement à ce que d’aucuns peuvent penser. Je pourrais également citer l’exemple d’une réforme qui a abouti, madame la garde des sceaux, telle la loi portant réforme de la prescription en matière civile. Il existe heureusement des sujets qui transcendent les purs clivages politiques.
En tout état de cause, le système proposé par cet amendement ne s’intègre pas dans le dispositif retenu par la commission, une semaine sur trois.
Enfin, la reconnaissance d’une journée de séance mensuelle réservée aux initiatives des groupes de la minorité marque un progrès certain par rapport au dispositif actuel, à savoir une journée par mois réservée à l’ensemble des groupes.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Quant à l’amendement n° 222 rectifié bis, il est contraire à la position de la commission des lois, exprimée à l’amendement n° 123 rectifié. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le rapporteur, dans l’amendement n° 123 rectifié de la commission, vous proposez une réécriture de l’article 22 du projet de loi constitutionnelle. Comme vous, nous pensons que le partage de l’ordre du jour parlementaire est une grande innovation par rapport à la pratique actuelle.
Au mécanisme proposé, qui porte sur des séquences de quatre semaines, vous estimez qu’il est préférable de substituer un système prévoyant, à l’échelle de la session ordinaire en son entier, deux semaines sur trois pour le Gouvernement, le reste étant à la disposition du Parlement.
Votre proposition paraît intéressante, en particulier parce que la rédaction qui en découle gagne en simplicité. Toutefois, elle peut susciter des interrogations, notamment compte tenu de l’examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, qui constituent l’essentiel de l’ordre du jour de l’automne. Pendant cette période, l’ordre du jour réservé par priorité au Gouvernement serait bien supérieur à deux semaines sur trois. En conséquence, au printemps, une partie importante de l’ordre du jour serait réservée au Parlement, le Gouvernement ayant déjà utilisé son crédit d’ordre du jour.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce serait le printemps du Parlement ! (Sourires.)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement ne serait donc plus forcément en mesure, pendant cette période, d’inscrire à l’ordre du jour les textes qu’il jugerait indispensable d’examiner rapidement.
En outre, programmer neuf mois à l’avance des séquences d’ordre du jour parlementaires et gouvernementales risque d’être compliqué, voire impossible. Comment serions-nous en mesure de prévoir aujourd’hui quelle partie du mois de juin 2009 devra être consacrée à l’ordre du jour parlementaire et quelle autre partie à l’ordre du jour gouvernemental ?
Monsieur le président de la commission, dans l’absolu, vous avez raison, il serait préférable de programmer ainsi largement à l’avance le travail parlementaire. Je crains que, dans la pratique, ce ne soit plus difficile.
Enfin, votre amendement ne prévoit pas que le Gouvernement puisse reconnaître une priorité aux projets de loi dont la navette n’a pu progresser correctement. Cette disposition me paraît pourtant utile dans certains cas.
Pour toutes ces raisons pratiques, difficilement mesurables, j’en conviens, il me paraît préférable d’en rester à la rédaction initiale, quitte à lui apporter des améliorations d’ici à la fin de la navette parlementaire.
J’observe cependant que vous avez introduit à l’amendement n° 123 rectifié une mention relative aux journées d’initiatives parlementaires réservées aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires. Le Gouvernement est favorable à cette mention, que nous retrouverons à l’article 24 consacré aux droits des groupes.
Néanmoins, pour les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 123 rectifié.
Le sous-amendement n° 517 tend à réserver trois jours de séance par mois à l’ordre du jour de l’opposition, ce qui triplerait le nombre de ce type de séance, alors que le projet de loi prévoit déjà une forte augmentation des droits de l’opposition. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur le sous-amendement n° 515, ainsi que sur le sous-amendement n° 516 prévoyant la suppression de la mention des débats dans l’ordre du jour du Gouvernement.
S'agissant du sous-amendement n° 507, monsieur Cointat, votre souci est tout à fait partagé par le Gouvernement. Vous souhaitez que les textes adoptés par une assemblée, quel que soit le stade du processus, soient discutés par l’autre assemblée dans les six mois de leur transmission pour éviter qu’ils ne tombent dans l’oubli. Toutefois, il n’est pas certain que l’inscription d’un tel délai dans la Constitution permette d’aboutir au résultat que vous souhaitez puisque ce délai n’est assorti d’aucune sanction.
Dans ces conditions, il me paraît plus sage de s’en tenir au projet de loi, qui prévoit que ces textes, dès qu’ils datent de plus de six semaines, peuvent être inscrits à l’ordre du jour par priorité à la demande du Gouvernement. Il lui appartiendra d’être diligent à cet égard. Nous le sommes aujourd’hui : je vous rappelle ainsi que les propositions de loi relatives aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel, à la sécurité des manèges, aux personnels enseignants de médecine générale, ou à l’organisation des transports scolaires en Île-de-France, toutes d’origine sénatoriale, ont été transmises à l’Assemblée nationale, puis adoptées.
C’est pourquoi le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer ce sous-amendement ; à défaut, il émet un avis défavorable.
Par l’amendement n°218, vous proposez de préciser dans la Constitution que l’ensemble des groupes parlementaires sont équitablement représentés au sein de la conférence des présidents et que les travaux de celle-ci sont rendus publics. L’intérêt de rendre publiques les séances de la conférence des présidents me semble très limité, voire contreproductif. En tout état de cause, tous les groupes sont représentés au sein de la conférence puisque les présidents de groupe y siègent. Le Gouvernement est en conséquence défavorable à cet amendement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Les amendements nos 412, 219 et 221 identiques respectivement aux sous-amendements nos 515, 516 et 517, ainsi que l’amendement n° 220 ont reçu un avis défavorable du Gouvernement.
En ce qui concerne l’amendement n° 482, comme à l’article 16 du projet de loi, vous souhaitez supprimer la disposition qui prévoit l’inscription à l’ordre du jour prioritaire des projets relatifs aux états de crise, au motif que cette notion n’est pas définie.
Je vous rassure, cette définition est aisée, et les excellents rapports parlementaires qui ont été produits sur le projet de révision constitutionnelle, notamment celui du président Jean-Jacques Hyest, n’ont eu aucune difficulté à formuler cette définition : il s’agit des projets de textes relatifs à l’état d’urgence et à l’état de siège. La définition de la notion étant claire, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 481, ainsi que sur l’amendement n° 222 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 507.
M. Christian Cointat. Il m’aurait été agréable de suivre votre souhait, madame la garde des sceaux. Je comprends très bien votre approche, mais il faut également que vous compreniez la nôtre.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que les délais méritent d’être examinés, et la navette parlementaire devrait pouvoir y remédier. Quoi qu’il en soit, cette question touche véritablement au rôle du Parlement et à une compétence déjà reconnue par la Constitution, mais qui n’est pas appliquée.
Voilà pourquoi nous devons envoyer un signe fort à nos collègues de l’Assemblée nationale. Il est de l’intérêt des deux chambres du Parlement de se mettre d’accord sur ce point. C’est la raison pour laquelle je ne retirerai pas mon sous-amendement, et j’invite mes collègues à se prononcer sur ce qui les concerne.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je souhaite apporter tout mon appui au sous-amendement n° 507 de mon collègue Christian Cointat.
Je prendrai l’exemple, évoqué par M. Hyest, de la proposition de loi relative à la législation funéraire présentée par M. Jean-Sueur et dont je suis le rapporteur. Ce texte a été adopté, sous votre présidence, monsieur du Luart, à l’unanimité au mois de juin 2006. Depuis, il est tombé très largement dans les oubliettes. Il a fallu que le président de la commission des lois se fâche pour que la commission des lois de l’Assemblée nationale accepte de s’en préoccuper. Un rapporteur a été nommé, un rapport a été rendu – qui est d’ailleurs tout à fait fidèle au rapport de la commission des lois du Sénat – et depuis, plus rien !
Ce texte est pourtant d’actualité. Depuis, la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment sur la mort périnatale, crée un véritable vide juridique, au point que les personnels des mairies ne savent pas aujourd’hui s’ils doivent déclarer les enfants nés sans vie.
La situation est telle que l’on en vient à se demander à quoi sert le droit d’initiative législative du Parlement et s’il ne convient pas purement et simplement de constater que les parlementaires ne disposent plus d’initiative législative !
En outre, on nous répond qu’aucune sanction n’est prévue, mais bien des dispositions de la Constitution ne sont assorties d’aucune sanction. Une révision constitutionnelle sur le fondement de l’article 11 ou la mise en œuvre de l’article16 alors que les conditions ne sont pas remplies ne font pas non plus l’objet de sanctions !
Pour ma part, je pense que le simple fait de l’inscrire dans la Constitution suffirait amplement à rendre aux parlementaires le droit d’initiative qui est le leur ! (M. Christian Cointat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon explication de vote sera largement convergente avec celle de M. Jean-René Lecerf.
Le droit de proposer des textes législatifs appartient concurremment au Parlement et au Gouvernement, en vertu des fondements de la Constitution. Or il est bien souvent difficile de faire inscrire une proposition de loi à l’ordre du jour ; c’est comme si on nous faisait une sorte de faveur.
M. Bernard Frimat. L’aumône !
M. Jean-Pierre Sueur. Quand de surcroît la proposition de loi évoquée par M. Lecerf est adoptée à l’unanimité, elle ne connaît pas de suite puisqu’elle n’est pas inscrite à l’ordre du jour de l’autre assemblée !
C’est pourquoi je considère que la proposition de M. Cointat est très salutaire pour l’initiative parlementaire, dans la mesure où elle instaure un droit de suite. Dès lors qu’un texte serait adopté par une assemblée, on aurait la certitude qu’il soit examiné par l’autre, et donc que le processus parlementaire suive son cours.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 123 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement doit être examiné de près, comme toujours. Si on le compare au texte tel qu’il nous vient de l’Assemblée nationale, on constate quelques différences. Ainsi, à l’alinéa 2, il est écrit qu’« un jour de séance par mois est réservé par chaque assemblée aux initiatives des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celles des groupes minoritaires ».
Comme l’a souligné tout à l’heure M. Frimat, on garde finalement un jour pour l’opposition. C’est peu, même si c’est deux fois plus de temps par rapport à la triste, médiocre et misérable réalité d’aujourd’hui.
M. Michel Sergent. C’est une aumône !
M. Jean-Pierre Sueur. Une fois de plus, nous ne sommes plus du tout à la hauteur des ambitions affichées.
Il en allait de même hier soir, il n’y a pas eu de réelle volonté de mettre fin au véritable fléau que représente pour le Parlement la quasi-généralisation du recours à la déclaration d’urgence. Pour s’y opposer, il faut l’accord conjoint des conférences des présidents des deux assemblées. Or, vous le savez bien, cela n’arrivera pas ou de manière rarissime. Le Gouvernement continuera donc comme avant à recourir à cette facilité.
De la même manière, les propositions parlementaires n’occuperont pas la place que l’on peut souhaiter, car l’amendement de la commission des lois du Sénat, contrairement à la position du Gouvernement et à celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale, ne réserve plus une semaine aux initiatives parlementaires.
Notre position est très claire : nous souhaitons qu’une semaine, c’est-à-dire trois ou quatre jours de séances, soit réservée à l’initiative parlementaire et que ce temps soit réparti entre les groupes de chaque assemblée en fonction de leur importance. C’est une solution équitable et de bon sens que nul ne peut contester. En effet, pourquoi restreindre le temps de l’opposition à un misérable jour ?
La rédaction de l’amendement de la commission des lois n’ajoute donc rien au triste statut de l’opposition, certes légèrement moins triste qu’aujourd’hui, et supprime la semaine d’initiative parlementaire qui figure dans le texte du Gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Le reste du dispositif vise à consacrer deux semaines à l’initiative du Gouvernement et une séance par semaine au moins aux questions d’actualité au Gouvernement, ce qui est déjà le cas aujourd’hui. Nous sommes d’accord pour que les questions d’actualité au Gouvernement puissent également avoir lieu pendant les sessions extraordinaires. Cependant, nous regrettons que la semaine réservée au contrôle et à l’évaluation, ce qui était une bonne mesure dans le projet du Gouvernement, disparaisse.
Monsieur le rapporteur, votre amendement est minimaliste.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oh !
M. Jean-Pierre Sueur. Je sais que cette remarque ne vous plaît pas, mais je vous livre quand même ma pensée. Vous trouvez sans doute votre amendement plus réaliste, mais il change peu de chose.
Madame la garde des sceaux, c’est cela qui ne nous convient pas. En dépit de discours parfois emphatiques …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et enflammés !
M. Jean-Pierre Sueur. … sur l’importance de cette révision constitutionnelle et institutionnelle, on voit presque à chaque article que la réalité est nettement en deçà. C’est pourquoi nous ne pouvons malheureusement pas souscrire à l’amendement n° 123 rectifié.
M. Patrice Gélard. C’est dommage !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je m’exprimerai sur l’amendement n° 123 rectifié de M. Hyest et sur plusieurs autres amendements pour ne pas avoir à intervenir à nouveau.
Premièrement, en ce qui concerne l’amendement n° 123 rectifié, l’analyse est assez compliquée – la commission des lois a essayé de trouver une autre rédaction, on ne peut pas le lui reprocher –, parce que l’article 22 mélange des semaines et des jours. Je voudrais d’abord savoir si une semaine cela peut être sept jours de séance.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Pardonnez-moi, madame, mais une semaine, cela peut être sept jours. Si vous limitez trop les marges de manœuvre du Gouvernement, il peut être amené à nous faire siéger le lundi, le samedi et le dimanche. Pour moi, une semaine, ce sont sept jours ; et il n’y a aucune autre définition dans la Constitution de la semaine parlementaire, comme d’ailleurs dans le dictionnaire.
Je pose donc la question au président-rapporteur de la commission des lois, parce que c’est important. Je compte profiter du temps de la navette pour faire mon propre calcul à partir de cette donnée si l’amendement de M. Hyest venait à être adopté.
Deuxièmement, lorsque le nombre de semaines maximum prévu à l’article 28 de la Constitution est dépassé, que se passe-t-il ? Seul, en fait, le Premier ministre peut demander la tenue de séances supplémentaires, car la majorité le suit généralement Il va donc demander pour lui. Le fera-t-il pour le Parlement ? Encore faut-il que cela ne le gêne pas ?
D’après l’article 28, les séances supplémentaires sont demandées par le Premier ministre ou la majorité de chaque assemblée. En fait, c’est lui qui décide. Il va demander des semaines pour lui, mais je ne le vois pas demander des semaines pour le Parlement pour se faire embêter à longueur de semaines par des propositions de loi ici et là.
Donc, je pose la question : est-il obligé de satisfaire la demande du Parlement pour des questions qui intéressent les assemblées ? À mon avis, non !
Troisièmement, aux questions posées sur l’état de crise, il n’y a évidemment pas de définition juridique précise.
M. Bernard Frimat. Si !
M. Michel Charasse. Non, il n’y a pas de définition dans la Constitution en tout cas. C’est une notion qui couvre des périodes exceptionnelles comme l’urgence, qui doit beaucoup à la pratique et qui au départ n’était pas définie, ou les circonstances exceptionnelles, qui sont nées dans la jurisprudence.
L’état de crise, c’est celui qui nécessite et justifie des mesures exceptionnelles. Mais c’est un peu court comme définition, car il faut prévoir qu’il pourrait y avoir de graves difficultés si l’on ne réagissait pas très vite pour aujourd’hui ou demain. Cela peut être la crise immédiate ou prévenir une crise qui arrive.
Donc, je souhaite, pour répondre à la question de M. Frimat et d’autres intervenants, qui n’est pas vaine, que nous profitions de la navette pour affiner cette notion, étant entendu que la crise est par nature toujours brutale, imprévisible et donc indéfinissable à l’avance.
Enfin, il peut y avoir un certain partage du temps et des initiatives. L’opposition a évidemment des droits, mais elle ne peut pas exiger un partage quasiment à cinquante-cinquante. Elle a perdu les élections, elle doit laisser gouverner ceux qui les ont gagnées …