M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L’amendement n° 208, auquel le Gouvernement est défavorable, vise à supprimer la commission mixte paritaire, mais en conservant le dernier mot à l’Assemblée nationale – je remarque qu’il y a tout de même là une relative défiance à l’égard du bicamérisme ! La commission mixte paritaire, loin d’être un organe contraire au pluralisme et à la transparence, est bien plus un organe de conciliation destiné à rapprocher les points de vue.
De la même manière, vous proposez de supprimer l’urgence, désormais qualifiée de « procédure accélérée ». Le Gouvernement fait sur ce point une avancée substantielle, puisqu’il ouvre la possibilité aux conférences des présidents des deux assemblées de s’y opposer conjointement.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 208.
S’agissant des amendements identiques nos 119, 282 rectifié et 402, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
En effet, nous comprenons, même si elle ne nous semble pas fondée, la crainte que la rédaction proposée dans le projet de loi n’aboutisse pas à l’objectif recherché ou, au contraire, ouvre excessivement le droit d’amendement.
La précision selon laquelle tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien même indirect, avec le texte en examen, consolide largement, tout en la sécurisant, la pratique actuelle.
En effet, autant, en deuxième lecture, les amendements doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, autant, en première lecture, une certaine liberté doit être laissée dans l’exercice du droit d’amendement.
Avec cette affirmation, c’est une façon différente, et même un peu plus ouverte, de dire ce que juge le Conseil constitutionnel, qui sanctionne les amendements dépourvus de tout lien avec le texte en discussion. C’est aussi un signal que le constituant lui adresse afin de consacrer une plus grande ouverture dans le droit d’amendement en première lecture.
S’agissant de l’amendement n° 475, le Gouvernement est défavorable.
Il est proposé dans cet amendement de mettre fin à la jurisprudence dite de « l’entonnoir », qui permet d’organiser le débat correctement.
Sur l’amendement n° 62, le Gouvernement émet également un avis défavorable. En effet, il est proposé de préciser que la recevabilité des amendements, en plus de s’apprécier sous réserve des articles 40 et 41 de la Constitution, doit s’apprécier également sous réserve de l’article 34, compte tenu de la définition spécifique des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Je ne crois pas, pour ma part, que cet élément doit être mis sur le même plan. En effet, les articles 40 et 41 prévoient les irrecevabilités pouvant être opposées aux amendements, alors que l’article 34 définit le champ de la loi, notamment celui, plus spécifique, des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 359, même si je l’estime à peu près satisfait par l’avis de sagesse émis sur les amendements identiques nos 119, 282 rectifié et 402.
Il est également défavorable à l’amendement n° 476.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 120, qui tend à remplacer le terme « urgence » par les termes « procédure accélérée ».
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 209, car il a fait le choix d’encadrer le recours à la procédure accélérée, anciennement appelée « déclaration d’urgence », en donnant un droit de veto aux conférences des présidents des deux assemblées en cas d’opposition conjointe.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 210, quasiment identique au précédent.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 121. Il s’agit de la faculté, pour les présidents des deux assemblées agissant conjointement, de convoquer la commission mixte paritaire afin d’examiner une proposition de loi.
S’agissant de l’amendement n° 326, qui concerne l’encadrement du recours à la procédure d’urgence, le Gouvernement, dans le même esprit que précédemment, émet un avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 330 rectifié, qui prévoit une limitation en matière de convocation d’une commission mixte paritaire. En effet, lorsque le texte a été rejeté par une motion de procédure en séance publique, il convient de convoquer une commission mixte paritaire.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 478, car il est attaché à pouvoir faire valoir son point de vue sur un texte élaboré en commission mixte paritaire, qui, par définition, statue hors sa présence.
Enfin, il est défavorable à l’amendement n° 477, tant il est vrai que l’urgence correspond le plus souvent à des circonstances qui n’avaient pu être anticipées ; il est donc difficile de la quantifier à l’avance.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 119, 282 rectifié et 402.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 475, 62 et 359 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement no 476.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 121.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement no 478.
M. Jean-Pierre Sueur. Sur la question des amendements du Gouvernement après CMP, je voulais citer un cas précis, celui de la séance du Sénat du 30 juillet 2004.
Il s’agissait du projet de loi relatif à la politique de santé publique. La commission mixte paritaire avait décidé que les annonceurs verseraient en faveur de la politique de santé publique une contribution s’élevant à 5 % du prix de chaque publicité télévisée pour les produits sucrés, notamment.
J’ai sous les yeux le compte rendu intégral de cette séance.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Donc, les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat sont convenus de faire payer 5 % du montant des publicités ; on peut en penser ce que l’on veut, mais l’accord était total.
Le ministre de la santé était assis à la place que vous occupez, monsieur le secrétaire d’État. Et voilà que, le 30 juillet au soir, alors que le débat touche à sa fin, il présente un amendement du Gouvernement : le taux de la contribution sera non plus de 5 %, mais – à la grande satisfaction, naturellement, d’un certain nombre d’entités concernées par ce sujet – de 1,5 % ! (M. Michel Charasse s’exclame.)
À ce moment-là, le président de séance dit : « Le vote est réservé. » Pourquoi le vote est-il réservé ? Parce qu’on applique la procédure du vote bloqué !
M. Michel Charasse. Et voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Lorsque le projet de loi a été mis aux voix, les sénateurs de la majorité, dont la plupart étaient hostiles à l’amendement du Gouvernement, se sont trouvés contraints de le voter parce que la seule façon pour eux de le refuser était de s’opposer à l’ensemble du texte.
J’affirme, mes chers collègues, qu’il est contraire au fonctionnement démocratique d’assemblées comme les nôtres que de telles choses puissent se produire. Il ne s’agissait pas du tout de corriger une erreur matérielle, monsieur le secrétaire d’État. Il ne s’agissait pas de la contrepartie au fait que le Gouvernement n’est pas présent aux réunions de la commission mixte paritaire – après tout, c’est le Parlement qui fait la loi ! Il s’agissait d’un acte politique lourd imposé unilatéralement à la fin de la discussion sans que nous ayons pu en débattre et sans que la majorité du Sénat ait pu s’y opposer.
Il serait à mon avis salutaire d’empêcher que cela soit possible : lorsque les travaux d’une commission mixte paritaire débouchent sur l’élaboration d’un texte commun, celui-ci doit être soumis tel quel à l’approbation des deux assemblées, lesquelles gardent d’ailleurs la faculté de ne pas l’approuver.
M. Bernard Frimat. C’était convaincant !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. L’intervention de mon collègue Jean-Pierre Sueur nous appelle à une réflexion : il y a effectivement deux poids et deux mesures dans le droit d’amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Évidemment !
M. Thierry Repentin. Le Gouvernement peut, après exégèse du texte, appui des services centraux, etc., déposer jusqu’au dernier moment des amendements pour que la loi soit telle qu’il la souhaite, tandis que l’intervention des parlementaires est limitée à la première lecture puisqu’ils ne peuvent pas apporter d’éléments nouveaux en deuxième lecture.
Sur la possibilité d’amender un texte en deuxième lecture, M. le président de la commission des lois et M. le secrétaire d’État nous ont opposé tout à l’heure la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, dite « théorie de l’entonnoir ». Or cette « jurisprudence constante » n’est constante que depuis deux ans !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle était déjà appliquée avant, spontanément !
M. Thierry Repentin. Certains parlementaires ne participent effectivement à la séance publique que lorsque viennent en discussion des textes concernant le quotidien de nos concitoyens. Cela ne vaut d’ailleurs pas forcément pour la commission des lois, qui est plutôt la gardienne des grands textes de législation.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur au moins trois textes : la loi relative au développement des territoires ruraux,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Thierry Repentin. … la loi de programmation pour la cohésion sociale, la loi portant engagement national pour le logement. Je peux vous assurer que, dans ces trois cas, la seconde lecture nous a donné à tous, sénateurs de la majorité comme de l’opposition d’ailleurs, l’occasion d’apporter des améliorations. En particulier, nous avions déposé en première lecture des amendements qui portaient sur des sujets dont le lien avec l’objet même du texte n’était qu’indirect et que le Gouvernement n’avait pas pris en compte. Le ministre nous avait demandé de lui accorder le temps laissé par navette pour y travailler et de retirer ces amendements pour les présenter de nouveau lors de la seconde lecture, durant laquelle a pu avoir lieu une véritable réflexion collective.
Vous ne pourrez pas faire accroire aux parlementaires « de base », à ceux qui n’oublient pas qu’ils viennent « parlementer », si vous me permettez l’expression, que la modification de la Constitution que vous préconisez aujourd’hui permettra un élargissement de leurs travaux au quotidien.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si !
M. Thierry Repentin. Le fait que nous ne soyons pas autorisés à amender les textes en seconde lecture ne gênera pas ceux qui s’expriment à la télévision sur des grands sujets tels que, par exemple, la Turquie, les langues régionales ou le droit de vote des personnes étrangères sur le territoire national pour les élections municipales. Mais pour nous qui ne sommes pas toujours, contrairement aux membres du Conseil constitutionnel, de grands penseurs, de grands rédacteurs, pour nous qui sommes des acteurs des territoires, cette disposition marque un recul qui, pour moi, sera important lorsqu’on me demandera, dans quelques semaines, d’aller à Versailles pour dire « oui » ou « non ».
M. le président. Mon cher collègue, le dispositif que vous venez de critiquer à l’instant a disparu du fait de l’adoption de l’amendement de la commission des lois.
M. Thierry Repentin. L’amendement no 475 est effectivement tombé tout à l’heure.
M. le président. Par conséquent, votre plaidoirie est inutile maintenant !
M. Thierry Repentin. Cela n’enlève rien au fond de mon argumentation !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Repentin, personne ne remet en cause la possibilité d’amender un texte en deuxième lecture ! Pour moi, la théorie de l’entonnoir ne devrait interdire de déposer en deuxième lecture que des amendements identiques à ceux qui ont été rejetés en première lecture et ne devrait nullement empêcher le débat sur des propositions nouvelles.
J’assiste moi aussi à des débats très concrets : la commission des lois, contrairement à ce que vous pensez, ne se limite pas aux grands textes, et certains sujets – je pense en particulier aux délais de prescription – sont on ne peut plus concrets !
La règle de l’entonnoir évite de répéter en deuxième lecture les débats qui ont déjà eu lieu en première lecture. Elle n’interdit absolument pas de déposer des amendements ! Les cas que vous avez cités prouvent bien, d’ailleurs, que la deuxième lecture peut être l’occasion de discuter d’éléments nouveaux, ne serait-ce que parce que les travaux de l’autre assemblée peuvent, et c’est tout à fait naturel, apporter des idées nouvelles.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement no 478, même s’il est en repli par rapport à notre proposition, est tout à fait justifié : puisque l’on veut revaloriser le Parlement, il est tout à fait opportun de préciser qu’aucun amendement, y compris du Gouvernement, n’est recevable sur un texte élaboré par la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je voudrais tenter une conciliation entre le président de la commission des lois et notre collègue Thierry Repentin.
C’est un fait, la jurisprudence de l’entonnoir ne doit pas devenir une sorte d’« urgence de poche », si je puis m’exprimer ainsi, nous empêchant de délibérer en deuxième lecture.
Ce n’est qu’en seconde lecture que nous avions introduit dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, dont j’étais le rapporteur, l’incrimination de la personne filmant dans le cadre du happy slapping, d’une part, et l’élargissement de la compétence des associations départementales des maires pour qu’elles puissent se porter partie civile en faveur de leurs adhérents, d’autre part. De manière assez inexplicable, alors que les deux dispositions étaient totalement nouvelles, le Conseil constitutionnel a « retoqué » au nom de la jurisprudence de l’entonnoir celle qui touchait les associations de maires, mais a accepté celle qui concernait le happy slapping.
J’ajoute donc au débat le charme du caractère aléatoire de cette jurisprudence, qui, si celui-ci devait par trop se développer, deviendrait effectivement ce que j’ai appelé une « urgence de poche ». (Applaudissements sur certaines travées de, de l’UC-UDF et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Mise au point au sujet d’un vote
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, alors que notre collègue Pierre-Yves Collombat avait expressément souhaité ne pas prendre part au vote sur l’article 33, son bulletin de vote a été glissé par mégarde dans l’urne, avec les autres bulletins du groupe socialiste. Je souhaite donc qu’il soit bien noté que Pierre-Yves Collombat n’a pas pris part à ce vote.
M. le président. Acte vous est donné acte de cette mise au point, mon cher collègue.
Article 20
Le deuxième alinéa de l’article 46 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu’à l’expiration des délais fixés au troisième alinéa de l’article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été déclarée dans les conditions prévues à l’article 45, le projet ou la proposition peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement no 212, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Supprimer la seconde phrase du second alinéa de cet article.
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le troisième alinéa de l’article 46 de la Constitution est supprimé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 20 du projet de loi modifie l’actuel article 46 de la Constitution, qui prévoit une procédure particulière pour les lois organiques.
L’amendement no 212 tend à la suppression de la procédure accélérée – c’est la nouvelle dénomination de la déclaration d’urgence – ainsi que de la pratique de la CMP en matière de loi organique.
Nous avons déjà évoqué les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à la procédure accélérée et à la pratique de la CMP. Nous y sommes d’autant plus opposés lorsqu’il s’agit de lois organiques : en raison de leur importance, ces lois exigent un examen approfondi en séance publique et la plus grande transparence, que ne garantissent ni la procédure accélérée ni la CMP.
Par ailleurs, ces pratiques donnent un poids très important à l’exécutif par rapport au Parlement, puisque c’est le Premier ministre qui provoque la réunion de la commission mixte paritaire après une ou deux lectures, voire plus, par chacune des deux assemblées, et c’est le Gouvernement qui déclare la procédure accélérée.
Vous n’avez de cesse de dire que la réforme constitutionnelle va donner des pouvoirs supplémentaires au Parlement alors qu’il s’agit ici de faire l’inverse. Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 122 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa de cet article :
Toutefois, s'il répond à une situation urgente, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 122 rectifié et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 212.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise, en cohérence avec les amendements nos 115 et 116 de la commission des lois, d’une part, à appliquer aux lois organiques pour lesquelles une procédure accélérée a été décidée les mêmes délais que pour les lois ordinaires et, d’autre part, à prévoir un délai minimal de quinze jours entre le dépôt et l’examen devant la première assemblée saisie, lorsque le projet de loi ou la proposition de loi organique répondent à une situation d’urgence.
En effet, comme le prévoit aujourd’hui la Constitution, il faut toujours un délai minimum entre le dépôt et l’examen d’un texte organique, compte tenu de l’importance des matières traitées.
Il est donc logique que l’urgence, qui aurait pour effet de lever tout délai pour les lois simples, n’ait pour conséquence, s’agissant des lois organiques, que de réduire les délais normaux sans les supprimer.
J’en viens à l’amendement n° 212. Il peut être utile de recourir à la procédure accélérée pour un texte organique. L’essentiel est que nous puissions disposer des délais nécessaires pour l’examiner. La commission demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 212 et un avis favorable sur l’amendement n° 122 rectifié.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 213 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 479 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'avant-dernier alinéa de l'article 46 de la Constitution est supprimé.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 213.
Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons profiter de la présente révision constitutionnelle pour demander la suppression du droit de veto dont dispose le Sénat en matière de lois organiques le concernant, en vertu du quatrième alinéa de l’article 46 de la Constitution.
Cet alinéa précise en effet que « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ».
Ce faisant, cette disposition confère à la Haute Assemblée un droit de veto alors même que la seconde chambre possède une légitimité démocratique inférieure à celle de l’Assemblée nationale en raison du mode de désignation des sénateurs qui se fait au suffrage indirect.
Dans ces conditions, rien ne justifie que le Sénat ait les mêmes pouvoirs que l’Assemblée nationale, encore moins qu’il ait des pouvoirs supérieurs, et ce d’autant plus que le droit de veto du Sénat s’applique non seulement aux lois organiques le concernant mais aussi en matière de révision constitutionnelle – c’est l’article 89 de la Constitution à propos duquel nous avons déposé un amendement visant à supprimer le droit de veto du Sénat – et en matière de délibérations concernant certains textes législatifs.
J’ajoute que l’interprétation large qui est faite des termes « lois organiques relatives au Sénat » conduit à considérer non seulement celles qui lui sont réservées exclusivement, mais également, au-delà, celles qui s’appliquent aux deux chambres. C’est à notre avis inacceptable.
Nous considérons, pour notre part, que, dans les matières concernées par le droit de veto du Sénat, le dernier mot doit revenir aux députés, qui sont élus par le peuple au suffrage universel direct et peuvent donc légitimement le représenter.
En tout état de cause, en attendant la nécessaire réforme du mode de désignation des sénateurs, les amendements que nous proposons en vue de supprimer de la Constitution le droit de veto de la seconde chambre aideront, à mon avis, à mieux définir le rôle de celle-ci.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 479.
M. Bernard Frimat. Cet amendement, qui est identique à l’amendement n° 213, vise à supprimer le droit de veto du Sénat sur les lois organiques qui le concernent.
Mais l’interprétation qui a été faite des termes « lois organiques relatives au Sénat » a abouti à considérer comme telles toutes celles qui s’appliquaient aux deux assemblées, et ce veto est devenu un veto concernant les parlementaires.
Par exemple, sur le cumul des mandats, c’est parce que le Sénat disposait de ce droit de veto qu’il est encore possible aujourd’hui à un parlementaire de cumuler trois mandats si l’un d’entre eux est celui de conseiller municipal d’une ville de moins de 3 500 habitants.
M. Josselin de Rohan. Il y en a qui ne sont pas loin de vous !
M. Bernard Frimat. Ce n’est pas le problème, monsieur de Rohan ! Vous avez toujours été contre toute loi limitant le cumul, et ces lois se sont toujours faites contre vous.
Je vous rappelle aujourd’hui une situation que vous aviez trouvée normale à l’époque puisque vous aviez voté contre. Vous n’étiez pas choqué que quelqu’un puisse être député européen, président du conseil régional, président du conseil général, maire et sénateur. À l’époque, cela ne vous semblait pas étrange.
Vous avez toujours été contre la limitation du cumul des mandats. Vous êtes effectivement cohérent avec votre position, puisque vous utilisez le veto du Sénat sur les lois organiques pour bloquer toute évolution de ce type.
Ce veto est de plus en plus insupportable d’un point de vue démocratique en raison du décalage entre la réalité des collectivités territoriales telle qu’elle ressort du suffrage universel et le manque de représentativité de notre assemblée.
Voilà pourquoi nous proposons de le supprimer, mais je crains que nous n’ayons encore à recommencer si mon intervention n’a pas été assez convaincante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis tout à fait défavorable sur ces deux amendements.
Il ne doit pas y avoir un droit de veto sur les dispositions concernant l’autre assemblée. Les députés ont le dernier mot pour les lois organiques concernant l’Assemblée nationale que je sache, et c’est un dispositif tout à fait normal dans un système de bicamérisme. Personne ne se demande pourquoi les députés ont le droit de faire ce qu’ils veulent en matière de loi organique. Nous avons nous aussi le droit de protéger le bicamérisme et d’avoir un droit de veto sur les lois organiques concernant le Sénat. (Très bien ! sur les travées de l’UMP. –M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements identiques.
L’obligation de voter dans les mêmes termes les lois organiques relatives au Sénat correspond à la nécessité de respecter l’indépendance de chacune des assemblées.
Le Sénat ne peut en aucun cas imposer ses vues à l’Assemblée nationale en ce qui concerne les règles qui lui sont applicables ni d’ailleurs dans un autre domaine. Il est normal que l’Assemblée nationale n’ait pas plus le dernier mot quand sont en cause les dispositions qui intéressent le Sénat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 213 et 479.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)