M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Vive la IVe République !
M. Jean-Pierre Sueur. Non, les résolutions n’auront aucun caractère normatif, ce qui n’était pas le cas sous la IVe République. Nous pensons que le Parlement doit bénéficier souverainement de la libre possibilité de s’exprimer.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Vous revenez à vos anciens errements !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous souhaitons que les résolutions puissent prospérer. J’ai lu avec la plus grande attention ce qui avait été dit à l’Assemblée nationale.
Nous voulons que la loi organique fixe les modalités de mise en œuvre du droit de voter des résolutions afin que les résolutions adoptées à l’Assemblée nationale et au Sénat soient de même nature et que les modalités ne soient pas différentes selon les règlements. Je tiens donc beaucoup à cette disposition.
En outre, nous excluons que les résolutions puissent mettre en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement afin que le caractère de la résolution ne soit pas détourné de son objectif comme sous la IVe République.
Si nous voulons que l’Assemblée nationale revienne sur son avis négatif, il faut prévoir un encadrement réaliste ! C’est d’ailleurs ce qu’elle recherchait. Si nous repartons sur le texte du Gouvernement, nos collègues députés ne disposeront d’aucun argument complémentaire et voteront de la même façon.
L’Assemblée nationale a ensuite imaginé, en contrepartie, d’introduire la possibilité, pour le Gouvernement, de faire une déclaration à caractère thématique. Dès lors, pourquoi modifier la Constitution sur ce point ?
C’est la raison pour laquelle les amendements nos 278 rectifié, 353 et 456 sont satisfaits ou partiellement satisfaits.
Je suis cependant obligé d’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 188, aux termes duquel les résolutions s’imposent au Gouvernement.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Cela s’appelle une injonction !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans ce cas, on pourrait penser que les résolutions sont uniquement destinées au Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’interviendrai sur ce point en explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En revanche, j’étais d’accord avec la première partie de votre amendement, madame Borvo Cohen-Seat, laquelle était satisfaite par les amendements identiques nos 109 et 138.
Dans un premier temps, nous avions pensé reprendre le texte du Gouvernement ; dans un deuxième temps, après de longues réflexions, nous vous proposons une nouvelle rédaction qui a reçu l’avis favorable de la grande majorité des membres de la commission des lois.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. La commission des lois et la commission des affaires étrangères ont proposé de rétablir la possibilité pour le Parlement, initialement inscrite dans le projet de loi constitutionnelle, de voter des résolutions.
Le Gouvernement avait souhaité, en prévoyant le vote de résolutions, combler ce qui avait pu apparaître comme une lacune dans les modes d’expression du Parlement. En effet, la plupart des parlements étrangers connaissent les résolutions. C’est un mode d’expression politique pour marquer un vœu ou une préoccupation. C’est aussi un moyen de décharger nos lois de dispositions qui n’ont pas de portée normative.
Le Gouvernement n’avait pas été insensible aux craintes exprimées à l’Assemblée nationale quant aux abus qui pourraient être faits de cette nouvelle faculté.
C’est pourquoi il avait regardé d’un œil favorable les propositions alternatives de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Ces amendements empruntent une autre voie en revenant en partie au texte du projet de loi, mais avec un encadrement, en prévoyant l’irrecevabilité des propositions de résolution mettant en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement.
En tout état de cause, il appartiendra aux assemblées d’éviter toute dérive qui conduirait à permettre l’examen en séance de résolutions qui auraient pour conséquence de mettre en cause directement ou non la responsabilité du Gouvernement ou de ses membres.
M. Jean-Pierre Sueur. Donnez-nous un exemple, monsieur le secrétaire d’État !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. De telles propositions seront irrecevables et ne devront pas même venir en discussion.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Conseil constitutionnel devra veiller à ce que les règles relatives aux résolutions, qu’elles soient contenues dans la loi organique ou les règlements, respectent très strictement ce cadre constitutionnel.
Ces observations importantes étant faites, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements identiques nos 109 et 138. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les autres amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. L’amendement n° 188, qui a été déposé par le groupe CRC, est exactement à l’opposé de ce que nous voulons faire. Je donnerai un exemple du caractère nocif de cette rédaction si elle était appliquée.
Imaginons qu’un Gouvernement doive participer à une négociation difficile à l’Organisation mondiale du commerce ou au Conseil européen, par exemple, et que l’opinion publique ou certaines professions soient fondamentalement hostiles à toutes les concessions que pourrait faire le Gouvernement. Les résolutions qui auront été votées sous le coup de l’émotion ou de la pression lieront le Gouvernement.
Comment un ministre, dans une négociation internationale, peut-il espérer arriver à un accord s’il n’a pas une certaine marge de négociation ni la possibilité de faire des concessions ?
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Or on peut rédiger des motions de telle manière que le ministre sera d’avance condamné s’il fait des concessions. C’est donc une entrave grave à la liberté d’action du Gouvernement. C’est pour cette raison que certains voudraient que ces motions aient un caractère contraignant.
La commission des affaires étrangères y est fondamentalement opposée, parce que de telles résolutions seraient dangereuses pour l’action gouvernementale. Ce serait un retour à des errements et des pratiques que nous avons justement voulu bannir dans la Constitution de 1958.
Les dispositions qui ont été prises par la commission des lois permettent d’éviter ce genre d’errements, parce que, lorsque de telles motions arriveront devant la commission, elles seront déclarées irrecevables. Le filtre est donc indispensable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Malgré l’heure tardive et l’impatience de certains de mes collègues, je prends la parole, car cette discussion me semble intéressante.
Elle montre que, si les amendements nos 109 et 138 sont adoptés, la mise au point de nos règlements ne sera pas simple.
Au fond, si j’entends bien ce que nous disent les uns et les autres, il s’agit d’un domaine qui est proche de ce que l’on appelle les vœux d’intérêt général qu’on dépose au conseil général. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.)
Il s’agit donc de résolutions dans lesquelles le Parlement, après débat, demandera au gouvernement d’examiner telle ou telle situation, tel ou tel problème, comme cela se fait dans les conseils généraux et régionaux.
Il convient tout de même d’apporter un certain nombre de précisions au moins verbalement. Lorsque ces amendements indiquent que « sont irrecevables les propositions de résolution mettant en cause directement ou indirectement la responsabilité du gouvernement », cela signifie que le gouvernement ne peut pas engager sa responsabilité sur la résolution au titre de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Évidemment !
M. Michel Charasse. Une fois la résolution votée, dans la minute qui suit, rien n’interdit à l’opposition parlementaire, par exemple, de déposer une motion de censure en vertu de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Michel Charasse. Cette possibilité est donc toujours ouverte. Si le Gouvernement en sent la nécessité, il peut lui-même dans la foulée, sans qu’il n’y ait plus de lien direct avec la résolution, mais cela peut découler de la discussion, engager la responsabilité du Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 1, de la Constitution.
Il faudra donc veiller avec précision à ne pas mettre dans les règlements les dispositions que nous ne voulons pas y voir figurer.
En résumé, le Gouvernement n’aura pas le droit de recourir au 49-3 sur le texte, mais il pourra ensuite faire usage du 49-1, tandis que l’opposition parlementaire pourra demander l’application du 49-2 tout de suite après.
Si nous sommes tous bien d’accord sur ces points, les choses me paraissent plus claires.
Mais nous sommes dans le domaine des vœux d’intérêt général que l’on dépose au conseil général, ce qui n’a rien à voir avec les résolutions de la IVe République, dont l’objet était généralement de mettre directement ou indirectement en cause la responsabilité du Gouvernement. Même quand ces dernières étaient adoptées sans majorité constitutionnelle requise – comme M. Frimat le sait bien, une majorité constitutionnelle était nécessaire pour renverser le Gouvernement, sous la IVe République –, ce dernier se considérait, dans de nombreux cas, comme tenu de remettre sa démission au Président de la République, d’où l’instabilité permanente.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un jour, il faudra organiser un débat sur la IVe République ! Cela promet d’être intéressant !
Je veux bien que nous délimitions le champ des résolutions afin d’en exclure les questions qui pourraient soulever des problèmes plus importants que la loi. D’ailleurs, vous avez cité les lois mémorielles, ce qui montre bien le champ que vous envisagez.
Mais je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement ne serait pas obligé de donner suite à une résolution votée par le Parlement. Sinon, quel serait le sens d’une telle résolution ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il fait ce qu’il veut ! Ce n’est pas la question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si telle est votre conception, c’est alors un vœu pieux, et nous nous apprêtons à affirmer que le Parlement a le droit de voter des vœux pieux !
M. Henri de Raincourt. Oui, c’est déjà pas mal !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je cherche à comprendre.
Même si, comme l’a souligné Mme Borvo Cohen-Seat., on peut espérer que le Gouvernement tirera le meilleur parti de la résolution, sans quoi cette dernière ne servirait à rien…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est cela !
M. Jean-Pierre Sueur. …je suis d’accord avec M. de Rohan pour dire qu’elle ne s’impose pas au sens juridique du terme, …
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Michel Charasse. D’autant qu’elle est votée par une seule assemblée !
M. Jean-Pierre Sueur. …c’est-à-dire que le Gouvernement n’est pas obligé d’obtempérer à ce qui figure dans la résolution.
En vertu de la liberté d’expression du Parlement, nous pouvons, dans notre résolution, éventuellement critiquer, directement ou indirectement, telle ou telle disposition et souhaiter la voir réformer.
Je ne comprends pas ce qu’est une résolution mettant en cause la responsabilité du Gouvernement, et j’aimerais donc que l’on me donne un exemple. Il est un peu étrange que personne ne puisse m’en citer ! Il ne s’agit pas d’une motion de censure qui met en cause, elle, la responsabilité du Gouvernement.
Cela signifie-t-il que la résolution ne peut pas critiquer le Gouvernement ? Par exemple, en cas de grave problème du prix de l’essence et du fioul, nous pouvons apporter notre soutien aux élus et aux représentants au Conseil européen, au Président de la République, pour débloquer les mesures qu’il n’a malheureusement pas obtenues. Est-ce là mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ? Je ne comprends pas ce que cela veut dire.
Pouvez-vous me fournir un cas qui ferait l’objet d’une résolution irrecevable, au motif qu’elle mettrait en cause la responsabilité du Gouvernement ? Dans ce cas-là, je parviendrai sans doute à comprendre…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est pourtant parfaitement clair !
Prenons l’exemple du Livre blanc sur la défense et la sécurité intérieure. Imaginons que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre un dispositif qui modifie un certain nombre de structures, ce qui est son droit.
Le lendemain, le Parlement peut voter une résolution demandant que le Gouvernement ne change rien, par exemple, en ce qui concerne l’installation des casernes sur le territoire.
Une telle résolution ne serait pas recevable, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La majorité ne la voterait pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … parce qu’elle remettrait en cause l’action du Gouvernement. (M. Jean-Marie Vanlerenberghe s’exclame.)
En revanche, une résolution recevable serait une résolution indiquant, par exemple, que le Parlement comprend très bien la nécessité de réformer les armées, mais qu’il souhaite qu’un effort d’aménagement du territoire soit fait pour permettre l’adaptation dans des zones difficiles du redéploiement des forces militaires.
M. Jean-Pierre Sueur. Puis-je ajouter un mot, monsieur le président ?
M. le président. Mon cher collègue, il est une heure trente-cinq du matin et vous avez obtenu une réponse à votre question. D’autres intervenants souhaitent s’exprimer.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. La réponse de M. le rapporteur a permis de clarifier les choses, mais elle contredit quelque peu l’interprétation de M. de Rohan, à laquelle je souscrivais.
Sous le régime de la IVe République – et la peur de son retour nous envahit régulièrement, ce qui est compréhensible –, la résolution s’imposait au Gouvernement.
Aujourd’hui, la formulation est différente. La mise en cause de la responsabilité relève d’un champ subjectif tellement vaste qu’aucune résolution ne pourra être abordée au Parlement sans risque d’irrecevabilité, sauf à traiter des petites fleurs et du beau temps !
Le dispositif que nous évoquons se rapproche de celui des vœux débattus au sein de nos assemblées départementales, régionales ou communales,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. David Assouline. … dans la mesure où ils ne s’imposent pas, mais donnent lieu à un débat et à un avis sur une question.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. David Assouline. Néanmoins, les possibilités de déclarer les vœux irrecevables sont très peu nombreuses. En effet, si les vœux ne pouvaient mettre en cause la responsabilité du maire, du président du conseil général, de l’ensemble de l’exécutif, bien peu pourraient être déposés !
La résolution parlementaire offre un plus au Parlement sans porter atteinte à l’exécutif.
Mais selon l’interprétation donnée par M. Karoutchi, les projets de résolution mettant en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement devraient être déclarés irrecevables en amont et ne pourraient donc même pas être discutés dès lors qu’ils conduiraient à émettre des critiques. Dans ces conditions, vous ouvrez un droit que vous vous empressez de refermer !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, …mais très brièvement ! (M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur protestent.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président !
L’exemple donné par M. le rapporteur montre que nous nous enfonçons complètement ! Il y a un principe sacré, celui de la liberté et du droit d’expression du Parlement. Or, s’agissant du Livre blanc sur la défense, si je conviens que le Parlement ne peut évoquer les secrets militaires, je considère, dès lors qu’un droit de résolution existe, que toute parole du Parlement est légitime, et ce sur tous les aspects de ce document, en termes de vœux concernant, notamment, l’aménagement du territoire, l’organisation de la défense, du renseignement, etc. Je ne vois donc pas au nom de quoi on limiterait le pouvoir d’expression du Parlement, sauf à dire qu’il ne peut voter que des résolutions montrant que tout va bien et que le Gouvernement agit dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. La nature des choses, si j’ose dire, rétablira un équilibre.
Sachant qu’il existe toujours une majorité et une minorité au sein des parlements, le contenu des résolutions doit avoir un caractère suffisamment large pour aller au-delà des souhaits de la seule majorité. De ce fait, la résolution sort d’un schéma qui serait un véritable couperet pour le Gouvernement.
Je ne vois donc pas quel type de problème peut se poser puisque, je le répète, la nature des choses reprendra ses droits.
M. David Assouline. Il n’y aura jamais de résolution !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 et 138.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 12 est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 188, 278 rectifié, 353 et 456 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 12
M. le président. L'amendement n° 389 rectifié, présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin, Vendasi et Alfonsi, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Au sein de chaque assemblée, les présidences des commissions permanentes et des délégations parlementaires sont réparties en fonction de la composition des groupes politiques. La présidence d'au moins une commission permanente de l'Assemblée nationale et du Sénat revient à un groupe politique composé de parlementaires ayant déclaré ne pas soutenir le Gouvernement. Dans le respect de ces conditions, les Règlements de chacune des deux assemblées définissent les modalités qui permettront d'organiser la répartition de ces présidences. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 13
M. le président. Je rappelle que l’article 13 a été examiné par priorité le jeudi 19 juin.
Article additionnel après l'article 13
M. le président. L'amendement n° 461, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 36 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 36. - L'état de siège et l'état d'urgence sont décrétés en Conseil des ministres.
« Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement concerne l’article 36 de la Constitution relatif à l’état de siège.
Puisque l’histoire est un peu le lot de cette soirée, je rappellerai que l’état de siège, législation la plus ancienne, date de 1849. Cette disposition est aujourd'hui peu usitée.
Il n’en est pas de même de l’état d’urgence qui a été décrété en 1958, en 1961 en Algérie, en 1984 en Nouvelle Calédonie et, plus récemment, en 2005, dans les banlieues.
Par souci de clarification, et pour apporter des garanties maximales sur le plan des libertés publiques compte tenu de l’extension considérable des pouvoirs de police entraînée par la proclamation de l’état d’urgence, nous aurions intérêt à constitutionnaliser l’état d’urgence et à ne pas nous contenter d’une simple jurisprudence, si noble soit-elle, du Conseil d’État.
Le rapport Vedel, en février 1993, préconisait déjà de constitutionnaliser l’état d’urgence, et le comité Balladur a émis une proposition similaire.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence sont strictement contrôlées par le Conseil d’État. Il n’est donc pas certain que la constitutionnalisation de ce dispositif apporterait des garanties supplémentaires.
Cependant, dans la mesure où cette constitutionnalisation a déjà été envisagée à certains moments, la commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement avait inscrit l’état d’urgence dans l’avant-projet de loi constitutionnelle. Or le Conseil d’État nous a convaincus du caractère inutile d’une telle disposition. Le régime de l’état d’urgence existe depuis 1955 et il est resté applicable après l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958. En 1985, le Conseil constitutionnel a confirmé que l’état d’urgence pouvait être prévu par la loi. Les juridictions opèrent d’ailleurs un contrôle très vigilant sur son application ; ainsi, lorsqu’il a été déclaré à la suite des violences urbaines de 2005, le Conseil d’État a pris soin de vérifier que cela était justifié.
Aussi le Gouvernement estime-t-il qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution et que son régime est correctement défini par la loi. C’est pourquoi il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 461.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. En réalité, ce qui pose problème, c’est que l’état d’urgence et de l’état de siège sont régis par des lois anciennes, voire, pour l’une d’entre elles, très anciennes, et en grande partie obsolètes.
M. Hugues Portelli. Les modalités d’application de ces lois ne soulèvent aucun problème particulier ; celles-ci sont parfaitement encadrées par la jurisprudence. En revanche, il en va différemment de leur contenu. C’est pourquoi il serait utile de procéder à une nouvelle rédaction de ces lois avant de songer à les constitutionnaliser.
M. Henri de Raincourt. Très bien ! Nous allons nous en occuper !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je suis fasciné par le prodigieux esprit d’ouverture du Gouvernement et par sa capacité à dialoguer !
M. Bernard Frimat. Permettez-moi d’exprimer mon point de vue, monsieur le secrétaire d'État ! Il ne s’agit pas d’un a priori ! Cette attitude est infiniment regrettable.
Je ne suis pas en désaccord avec ce que dit Hugues Portelli, mais, pour autant, faut-il s’en remettre exclusivement à l’appréciation « captatrice » du Conseil d’État ? La déclaration de l’état d’urgence ou celle de l’état de siège ne sont pas des actes anodins. Pour cette raison, ils ont l’un et l’autre toute leur place dans la Constitution. Il est paradoxal que l’état de siège y figure, alors même qu’il n’y a jamais été fait recours, cependant que l’état d’urgence n’y est pas inscrit, alors qu’il a déjà été déclaré dans le passé.
Je regrette l’attitude fermée du Gouvernement, qui contraste avec l’ouverture d’esprit dont a fait preuve à deux ou trois reprises la commission des lois. C’est votre choix, monsieur le secrétaire d'État, mais nous jugerons à l’arrivée !
M. Bernard Frimat. Au terme de cette première semaine d’examen du projet de loi constitutionnelle, vous n’aurez accepté aucun de nos amendements. Mais ce n’est pas grave, car vous pourrez vous rattraper en deuxième semaine ! (Rires.)
M. Henri de Raincourt. Voilà !