M. Gérard César. C’est normal !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cette obligation de gestion prend la forme d’une sorte de « plan de chasse » imposé par le préfet, que nous avons appelé « plan de tir ».
En termes d’indemnisation, cela revient, en fin de compte, à reprendre les dispositions qui existent déjà concernant les opposants de conscience aux associations communales de chasse agréées, les ACCA, mais qui ne s’appliquent, par définition, que lorsque ces dernières existent, c’est-à-dire dans seulement un tiers des communes françaises.
Enfin, le troisième problème spécifique traité, pour la première fois, par le présent texte est celui des commandos anti-chasse, dont l’action ne cesse de se développer depuis 2006, par le recours à des méthodes violentes déjà en vigueur dans les pays anglo-saxons.
Ces actions ne concernent plus seulement la chasse à courre, mais affectent aussi les chasses à tir, avec des risques évidents pour la sécurité des personnes et des animaux. Je pense, en particulier, aux chiens, déjà victimes des agissements des commandos. Pourtant, les auteurs de ces actes semblent bénéficier aujourd’hui d’un certain sentiment d’impunité, ce qui les conduit, par exemple, à passer des petites annonces dans la presse locale pour recruter, selon leurs propres termes, des « saboteurs » d’actions de chasse…
M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a pas d’impunité sous Sarkozy !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si ces pratiques sont inacceptables, notre droit pourrait n’être pas parfaitement adapté à l’appréhension de ces situations dans la mesure où le droit pénal correctionnel ne concerne que les actions les plus graves, lourdement punies après une procédure relativement longue et complexe.
À titre subsidiaire, c’est-à-dire en l’absence de poursuites correctionnelles, il m’a semblé qu’une réponse plus pertinente consisterait à prévoir une peine contraventionnelle de cinquième classe pour « délit d’entrave à la chasse », ce qui aurait notamment le mérite de donner lieu à une procédure plus légère devant le tribunal de police.
J’insiste sur le fait que cet article a été introduit par la commission après avoir reçu un avis favorable des représentants des associations de défense de la nature et des animaux, que j’ai auditionnés.
C’est d’ailleurs le souci d’obtenir le consensus le plus large qui a guidé l’ensemble des travaux de la commission et qui a abouti à l’adoption à l’unanimité des conclusions que je viens de présenter.
Ce souci du consensus m’a notamment conduit à ne pas reprendre dans ce texte un certain nombre de propositions que je souhaitais formuler, s’agissant, par exemple, du cadre juridique des chasses professionnelles, aussi appelées « chasses commerciales ». J’ai en effet considéré que ces sujets nécessitent encore un dialogue entre l’ensemble des acteurs de la préservation de l’équilibre de la faune sauvage, en particulier dans le cadre de la table ronde organisée par le ministère de l’écologie et du développement durable, présidée par mon collègue député Jérôme Bignon, président du groupe d’études « chasse » à l’Assemblée nationale, et à laquelle j’aurai l’honneur de participer.
J’ai en effet la conviction profonde que bien que le temps des grandes polémiques soit aujourd’hui révolu, mais aussi précisément parce que ce temps est révolu, il est de notre responsabilité de faciliter tous les échanges entre l’ensemble des parties prenantes.
De ce point de vue, je voudrais déplorer très solennellement que l’État a vraisemblablement gâché de réelles occasions de dialogue en ne permettant pas la réunion de l’Office national de la faune sauvage et des habitats. En effet, cet observatoire ne s’est pas réuni depuis 2005, alors que, par sa composition tripartite – administrations techniques, chasseurs et associations de protection – et par ses attributions, il est le lieu naturel d’échange sur ces sujets.
En octobre 2008, l’observatoire devra rendre son rapport trisannuel général sur l’état de la faune sauvage. Or, n’ayant pas travaillé, il ne pourra bien sûr pas le faire. Monsieur le secrétaire d’État, faites-vous, s’il vous plaît, l’interprète du monde de la chasse pour éviter que ce triste événement ne se reproduise ! Nous avons tant à gagner au dialogue, et quand je dis « nous », je songe non seulement aux acteurs les plus engagés sur ces questions, mais aussi, très concrètement, à l’équilibre de nos écosystèmes et au développement durable de nos territoires.
C’est en tous cas dans cet esprit, mes chers collègues, que je vous propose d’adopter les conclusions de la commission des affaires économiques sur cette proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, texte qui se veut avant tout modeste et pragmatique et qui sera, je l’espère, efficace. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. Gérard César. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Madame le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, tout d’abord, excuser M. le ministre d’État Jean-Louis Borloo, retenu, à cette même heure, à l’Assemblée nationale par l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
M. Jean-Louis Carrère. Il a intérêt à y rester !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La chasse est non seulement au cœur du territoire français, au cœur des pratiques des hommes et des femmes qui y vivent, mais elle prend aussi toute sa part dans le projet de développement durable pour notre pays. Elle est également inscrite dans le travail que mène notre grand ministère pour faire face aux défis d’un monde changeant, où la culture, l’économie et l’écologie doivent se combiner afin de définir les modalités d’un « vivre ensemble » qui soit respectueux de notre environnement.
Je tiens, à cet instant, à remercier le sénateur Ladislas Poniatowski, président du groupe « chasse et pêche » du Sénat. Son travail constant et de grande qualité doit être souligné, de même que son implication au service du développement de l’activité cynégétique. Cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en première lecture est d’ailleurs un témoignage, parmi d’autres, de son action. Permettez-moi également d’exprimer ma gratitude au président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Émorine, et à l’ensemble des membres de celle-ci pour leur contribution.
La Haute Assemblée n’a pas examiné de dispositions relatives à la chasse depuis plusieurs mois. Il est vrai que le Président de la République a invité à une « pause » dans l’élaboration de lois relatives à la chasse, en soulignant toutefois l’intérêt de procéder, quand elle est nécessaire, à la simplification des textes, qui, sur ce sujet, foisonnent.
Le Gouvernement souhaite s’engager activement dans un travail de fond sur la chasse. Le rythme des réformes, toutes aussi urgentes les unes que les autres, et, pour le ministère, la conduite du Grenelle de l’environnement ont, il est vrai, imposé que ce travail soit mis en attente ces derniers mois. Il est donc grand temps maintenant de s’y atteler !
Dans cette perspective, une concertation avec tous les acteurs de la chasse, associés aux usagers du monde rural, notamment les agriculteurs, les forestiers, les propriétaires fonciers et les associations de protection de la nature, est mise en place afin d’aboutir à la formulation de propositions de fond qui permettront à l’activité cynégétique un développement durable et une assise solide pour l’avenir. La présence à cette table ronde du député Jérôme Bignon, qui la préside, et de M. Ladislas Poniatowski constitue un gage de succès et de qualité.
M. Jean-Louis Carrère. Et de pluralisme !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ce travail, qui doit se dérouler jusqu’à l’été, portera, entre autres sujets, sur la connaissance et le développement de l’économie de la chasse. Les outils d’une valorisation durable des territoires et des activités cynégétiques doivent faire l’objet de propositions pratiques et originales, tant il est vrai que le potentiel est important.
La table ronde devra permettre d’envisager les modalités de production d’une connaissance partagée et reconnue par tous de l’état des populations de gibiers. Des options pour faire fonctionner au mieux l’Observatoire national de la faune sauvage devront être clairement dégagées ; il s’agit là d’une réponse à l’une de vos préoccupations, monsieur le rapporteur.
C’est sur la base de résultats scientifiques reconnus par tous que nous pourrons enfin apaiser les débats douloureux relatifs aux dates de chasse, et proposer les évolutions et les simplifications nécessaires.
Enfin, la table ronde devra déboucher sur des solutions pratiques pour permettre aux chasseurs de travailler activement avec les agriculteurs, les forestiers et les gestionnaires d’espaces naturels, en vue de favoriser le développement d’une chasse responsable sur nos territoires ruraux. L’existence de synergies entre le développement de terroirs cynégétiques, multifonctionnels, et la qualité agricole et environnementale des campagnes n’est plus à démontrer.
Il reste cependant à développer les outils nécessaires, par l’action agro-environnementale, la conclusion de partenariats avec les équipes de développement des fédérations de chasseurs et l’animation du secteur.
Par ailleurs, à la suite des travaux menés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, nous souhaitons consolider une police de la nature, de la chasse et de l’eau, en rapprochant, notamment, les agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et ceux de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques.
Une telle évolution sera tout à fait positive, me semble-t-il : placés sous l’autorité des préfets et des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, ces agents constitueront ainsi une force unifiée. La spécificité de la police environnementale sera réaffirmée, dans le cadre d’une articulation rapprochée avec les autres forces de police, notamment la gendarmerie. L’efficacité des offices en sortira, je l’espère, renforcée.
Cette phase d’élaboration doit aboutir, dès cet été, à une série de propositions concrètes, législatives, programmatiques ou techniques, afin de développer une chasse responsable, dans ses aspects économiques comme du point de vue de l’écologie durable.
C’est ainsi que nous souhaitons construire un programme ambitieux pour le quinquennat en matière cynégétique, sur le fond, mais aussi – soyez-en assurés, mesdames, messieurs les sénateurs – sans tabou.
Le Gouvernement accueille donc la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui comme une contribution importante à ce processus. Il s'agit d’une première étape qui, selon nous, doit rester centrée sur la simplification des textes, sans préjuger des propositions consensuelles qui émergeront de la table ronde.
Vos débats d’aujourd’hui éclaireront sans aucun doute ce travail, et nous sommes naturellement à votre écoute, mesdames, messieurs les sénateurs. Ici, comme hors de cet hémicycle, le Gouvernement sera particulièrement réceptif aux propositions concrètes, ancrées dans les territoires.
Nous souhaitons des mesures qui consolident les équilibres budgétaires et les institutions publiques et privées chargées du secteur cynégétique. Enfin, nous appelons de nos vœux des propositions qui clarifient et simplifient les textes de loi, au bénéfice d’une chasse comprise par tous, responsable, sécurisée, durable et qui contribue à entretenir des liens de proximité entre tous les acteurs concernés, dans l’ensemble de nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ferai deux remarques pour commencer.
Tout d'abord, je connais bien l’attachement de M. Falco à la Haute Assemblée et son intérêt pour les questions d’aménagement du territoire, y compris quand celles-ci concernent des pratiques comme la chasse. Toutefois, je regrette que, s'agissant d’un texte de cette importance, nous ne puissions débattre avec le ministre compétent …
M. Gérard César. M. Falco est compétent !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Et il chasse !
M. Gérard César. C’est une gâchette !
M. Jean-Louis Carrère. Je le sais ! Là n’est pas le problème. Comprenez-moi bien, mes chers collègues : ce n’est pas la personne qui est en cause, loin s’en faut, mais le titre. Un débat sur la chasse au Sénat mérite, me semble-t-il, un traitement qui soit à la hauteur des enjeux posés par la présente proposition de loi, voilà tout !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous vous comprenons.
M. Jean-Louis Carrère. Ma seconde remarque ne s’adresse pas à M. le secrétaire d'État, ni d'ailleurs à M. le rapporteur.
La chasse constitue un sujet sensible. Or, par-delà nos différences politiques, nous avons souvent prouvé, sur ces travées, que nous pouvions nous accorder sur certains points, au terme de discussions longues mais fructueuses. Il serait donc tout à fait dommage de réunir une table ronde qui ne serait pas pluraliste, d’autant que les sénateurs de l’opposition représentent des zones cynégétiques très importantes, par le nombre de chasseurs comme par la puissance des fédérations qui les regroupent.
Bien sûr, je ne suis pas sans savoir qu’il existe une majorité parlementaire. Mais permettez-moi de vous dire qu’il existe aussi une majorité dans les collectivités locales ! Et, à l’évidence, la chasse se pratique au plus près du terrain. Nous avons la chance de pouvoir dégager des convergences fortes sur un tel sujet, ne nous en privons pas !
J’espère que mon appel sera entendu et qu’un groupe pluraliste sera constitué, comme celui que nous avions formé naguère au Sénat, monsieur le rapporteur, et qui s’était rendu en délégation à Bruxelles avec la ministre chargée de ces questions.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Louis Carrère. Je crois, en effet, qu’une telle démarche peut être intéressante.
Mais j’en viens au cœur de mon propos.
Je suis surpris d’avoir à débattre de ce texte aujourd’hui, non que la proposition de loi de notre collègue n’ait pas déjà attiré mon attention à la fin du mois de mars, mais parce que le moment d’en discuter me semble curieusement choisi.
En effet, à l’instar du nucléaire, le thème de la chasse avait été exclu des discussions du Grenelle de l’environnement, avec promesse faite aux chasseurs, aux élus et aux autres associations de lancer un processus de concertation spécifique sur ce sujet dès le début de l’année 2008.
Il semble que ce processus mette du temps à s’amorcer, mais, franchement, était-il nécessaire de le faire précéder à toute force par une loi, fût-elle de simplification, même si ce texte ne nous déplaît pas du tout ?
Je le répète, les travaux annoncés par M. Jean-Louis Borloo devaient avoir pour objectif de délimiter des « terrains de consensus », en ce qui concerne tant l’amélioration du fonctionnement de l’observatoire national, l’état de conservation des espèces que les relations contractuelles entre agriculteurs, forestiers et chasseurs, sans oublier l’économie de la chasse.
Le développement de la filière « gibiers », on l’oublie trop souvent, représente des enjeux économiques colossaux, puisque le chiffre d’affaires annuel de ce secteur s’élève à près de deux milliards d’euros.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Ces travaux collectifs permettront-ils d’établir des relations suffisamment sereines pour que tous, ou du moins le plus grand nombre, finissent enfin par se mettre d’accord sur des propositions consensuelles en matière de dates d’ouverture et de clôture de la chasse ? En effet, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, cette question empoisonne la vie des parlementaires, parce qu’elle empoisonne celle des chasseurs !
Rien n’est moins sûr, malheureusement, si l’on en croit les méthodes utilisées par votre gouvernement quand il s’agit de mettre en œuvre « l’après-Grenelle ». Et si, en plus, la majorité sénatoriale se laisse aller à la tentation de verser un peu d’huile sur le feu ici où là, on n’a pas fini d’attendre ces accords consensuels ! (Sourires.) Ce serait vraiment dommage, car ils ne sont pas hors de portée, nous l’avons déjà prouvé.
Une fois n’étant pas coutume, je me référerai au Président de la République : l’an passé, alors qu’il était encore candidat, il avait affirmé souhaiter « une pause » après les trois textes relatifs au droit de la chasse adoptés en huit ans, tout en reconnaissant qu’une mise en cohérence et une simplification du droit en vigueur étaient peut-être nécessaires.
Revenons donc à cette proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski. Est-elle un simple texte de mise en cohérence et de simplification ? Oui. Est-elle pour autant consensuelle et sans danger pour la suite des événements ? Mes chers collègues, attention !
Sur les vingt-deux articles qui nous sont proposés, une bonne quinzaine simplifient et mettent en cohérence le droit, je vous en donne acte. Toutefois, plusieurs autres modifient la législation existante et certains pourraient même apparaître comme des chiffons rouges pour les associations de protection de la nature, alors même que, je le reconnais, il s'agit surtout de dispositions d’appel visant à trouver des solutions durables à des problèmes qui se posent réellement sur le terrain. Enfin, d’autres articles prévoient d’authentiques solutions pour mieux organiser le monde de la chasse.
Naturellement, j’évoquerai d’abord les articles qui me posent problème. Par exemple, est-ce en diminuant de moitié le prix des permis et des redevances que nous ferons revenir les jeunes vers ce loisir qu’est la chasse ?
M. Gérard César. Oui !
M. Jean-Louis Carrère. On le sait, la chasse se pratique souvent en famille – c’est le cas, notamment, dans la région où j’ai le plaisir de m’adonner à cette pratique. Je trouve donc légitime la crainte de certains de mes collègues et de plusieurs associations quant à l’objectif systématiquement affiché « d’encourager la chasse chez les jeunes ». On ne les incitera pas à chasser comme on leur faciliterait l’accès en boîte de nuit, simplement en diminuant le prix d’entrée : le plus souvent, c’est avec son père ou un parent que l’on va à la chasse, et c’est la famille qui paie le permis nécessaire.
Malgré tout, nous ne souhaitons pas amender ces articles, car nous estimons que la baisse du coût du premier permis peut avoir quelques avantages, sinon pour les jeunes chasseurs, du moins pour les ménages dont ils sont issus.
En revanche, nous proposerons deux amendements à ce texte. Le premier portera sur l’article 12, dont nous estimons qu’il constitue un véritable chiffon rouge et qu’il est particulièrement mal venu. En effet, il reviendrait indirectement sur un droit acquis des propriétaires, qui verraient leur responsabilité financière engagée s’ils refusaient un nouveau « droit de chasser sur leurs terrains » et si l’on considérait que le gibier responsable des dégâts « provient de leurs fonds ».
Pourtant, quand, en 2000, – certains d’entre vous s’en souviennent sans doute, mes chers collègues – la loi relative à la chasse avait prévu une opposition de conscience, permettant à tout propriétaire de refuser la chasse chez lui, c’était non pas pour satisfaire une revendication purement idéologique, mais pour tirer les conséquences d’une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait estimé qu’une partie de la loi Verdeille de 1964 portait atteinte au droit de propriété et à la liberté d’association.
Prenons donc garde à ce que la présente proposition de loi n’expose pas la France à une nouvelle procédure et à une nouvelle condamnation : ce serait là, comme on dit dans ma région de rugby, marquer un essai contre son camp ! Nous proposerons donc de supprimer cet article ou du moins de le rédiger de façon à écarter un tel risque, que, j’en suis sûr, personne ici ne veut courir.
Nous proposerons aussi d’amender l’article 16, car nous pensons qu’il est délicat d’octroyer automatiquement à toutes les fédérations et à la Fédération nationale l’agrément d’association de protection de la nature. En revanche, nous estimons, comme bien d’autres, qu’il faut résoudre les imbroglios juridiques nés des recours intentés contre les décisions des préfets qui ont reconnu cette qualité à certaines fédérations. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement sur ce point, mes chers collègues, tout en restant, là encore, ouverts à toute suggestion qui nous permettrait d’y voir plus clair.
Toutefois, je tenais à saluer la teneur générale de ce texte, et en particulier deux mesures importantes : tout d'abord, la disposition qui vise à organiser la redistribution d’une partie des recettes en faveur des fédérations où habitent les chasseurs, afin de lutter contre le « nomadisme » et d’instituer une certaine péréquation constitue une très bonne idée ; ensuite, l’incrimination de l’entrave à la chasse, à travers l’article 11, me semble tout à fait positive.
En conclusion, je reviendrai sur l’importance de cette proposition de loi.
Celle-ci adresse en premier lieu des signaux positifs aux chasseurs, qui ne sont pas responsables de tous les dégâts de gibier et ne peuvent assumer seuls des responsabilités en partie collectives. La chasse est un loisir reconnu en France, en raison de son intérêt dans la gestion de la faune sauvage et des équilibres de la biodiversité.
Monsieur le rapporteur, s'agissant des dégâts de gros gibier, le camp militaire du Poteau, en Gironde, et je parle sous le contrôle d’un sénateur de ce département, …
M. Gérard César. Merci, monsieur le sénateur des Landes !
M. Jean-Louis Carrère. … nous pose un véritable problème, car il est impossible d’aller y chasser les sangliers. Ceux-ci s’y réfugient et, quand ils en sortent, que ce soit au nord ou au sud, ils ravagent les grandes cultures de maïs et consomment cette céréale à profusion. (M. le rapporteur acquiesce.)
J’avais interrogé Mme la ministre de la défense à l’époque – aujourd'hui ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales –, qui est d’ailleurs élue de la région Aquitaine, sur la façon de résoudre ce problème, par exemple en décidant la clôture complète de la zone et la régulation du cheptel que celle-ci abrite. Nous n’avons pu trouver de solution qui ne soit très onéreuse.
M. Gérard César. La solution est trouvée !
M. Jean-Louis Carrère. Elle l’est en partie grâce à la fédération départementale des chasseurs de la Gironde et à la fédération départementale des chasseurs des Landes ! Mais des dispositions financières et juridiques restent encore à mettre au point. Autrement, nous n’y arriverons pas, car la difficulté est réelle.
Cela étant, monsieur le rapporteur, même si je sais votre sensibilité et le souci que vous avez de ne pas verser dans la provocation, cette proposition de loi est aussi porteuse de signaux négatifs.
Ainsi, son texte a doublé de volume en commission. Certes, cela prouve qu’un véritable débat a eu lieu, mais ces nouveaux articles réduisent sinon la portée du moins la lisibilité des mesures initialement prévues. Cette discussion a tout l’air d’un bras-de-fer entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement.
Pour ma part, je préfère que la majorité sénatoriale joue son rôle et je l’invite à poursuivre dans ce sens. Il n’en reste pas moins que l’examen de ce texte pourrait se dérouler de manière un peu plus consensuelle. Une fois encore, on n’hésite pas à fouler au pied les engagements de concertation et on tente de passer en force sur d’autres mesures.
Ces procédés ne sont pas de bonne méthode et empêcheront, le moment venu, tout accord sur les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, alors que nous y sommes prêts et que, scientifiquement, rien ne s’oppose à une bonne solution en la matière.
Monsieur le secrétaire d'État, à quelques nuances près, ce texte nous intéresse ; ma collègue Odette Herviaux vous le confirmera dans quelques instants. Si le débat sur les amendements est satisfaisant, cette proposition de loi recueillera notre soutien, et même un soutien enthousiaste.
Cependant, je ne saurais conclure sans mettre en garde certains. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous efforçons d’agir en minorité parlementaire responsable. Or, le 4 juin prochain, nous discuterons ici même le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V République. Je souhaite que, à cette occasion, les membres de l’UMP fassent preuve du même état d’esprit que celui dont nous sommes capables de faire montre quand il s’agit de sujets aussi importants que celui de la chasse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Charles Guené. Cela dépend sur quel sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous aurez noté que le rapporteur est en même temps le signataire unique de cette proposition de loi. Étant président du groupe chasse et pêche, il ne lui était pas nécessaire d’agir autrement.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
M. Alain Vasselle. Et qui le lui reprocherait aujourd'hui, alors que chacun connaît ici ses compétences, ses connaissances, son talent, son adresse, voire – et cela ne gâche rien ! – sa diplomatie ?
M. Jean-Louis Carrère. C’est aussi vrai !
M. Alain Vasselle. En tant que vice-président de ce groupe, je n’ai aucun état d’âme à ce propos. Au contraire, je tiens à redire à Ladislas Poniatowski combien je me félicite de l’heureuse initiative qu’il a prise. En effet, le groupe chasse et pêche a maintes fois évoqué ces sujets, que ce soit avec les fédérations de chasseurs ou avec le Gouvernement, quand il avait la chance d’avoir des contacts avec le ministre concerné et ses collaborateurs sur ce sujet. Les plus récents échanges remontent à l’époque où Mme Nelly Olin était ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le secrétaire d'État, je ne désespère pas que ces contacts reprennent, que ce soit avec vous, avec Jean-Louis Borloo ou avec Nathalie Kosciusko-Morizet !
Vous venez d’annoncer la tenue d’une table ronde, qui réunira les pêcheurs, les chasseurs et tous ceux qui s’intéressent à l’activité cynégétique. Je ne peux que me réjouir de cette initiative, même si je ne suis pas loin de rejoindre la position de Jean-Louis Carrère : il aurait été pertinent et utile que l’opposition y soit associée.
M. Alain Vasselle. En effet – notre collègue a raison de le rappeler et le rapporteur le sait très bien –, nous avons toujours réussi à dégager un consensus sur les textes relatifs à la chasse. Je n’ai pas souvenir qu’il en ait jamais été autrement depuis que je suis sénateur, c'est-à-dire depuis 1992.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Cette proposition de loi contient un certain nombre de mesures intéressantes et l’absence d’une co-signature pluraliste ne doit pas nous donner d’état d’âme.
Il serait toutefois judicieux – seul Ladislas Poniatowski pourra en prendre l’initiative – que des rendez-vous réguliers soient pris avec le groupe chasse et pêche afin que ce dernier soit tenu informé de l’état d’avancement de la réflexion de la table ronde et que soit dégagée, autant que faire se peut, une position consensuelle sur un futur texte législatif relatif à la chasse qui serait présenté au Parlement.
Accepter de dépasser nos sensibilités politiques et nos clivages pour parvenir à une position commune ne peut être qu’heureux. Notre collègue Jean-Louis Carrère a raison de le souligner : lorsque l’occasion de le faire se présente à nous, il faut en profiter et ne pas hésiter un seul instant ; trop de sujets nous divisent par ailleurs.
Monsieur le rapporteur, depuis l’examen de votre texte par la commission, une proposition de loi de notre collègue député Maxime Gremetz a été déposée, ...