M. Jean-Marc Pastor. Évitons de modifier de manière irréversible notre environnement.
En matière d’assurance, qu’est devenu le fonds d’indemnisation financé pour toute la filière ?
La brevetabilité ne peut concerner que le triptyque « organisme-gène-fonction » ; sinon, nous ouvrirons la porte à l’appropriation du vivant. Je sais que vous ne le souhaitez pas ; mais pourquoi, dans ces conditions, n’avoir rien prévu dans ce texte pour le protéger, l’encadrer ?
Je ne peux passer sous silence les importations massives, sans contraintes particulières. Une telle situation semble paradoxale eu égard au rapport que vous nous présentez et à la production de PGM sur notre territoire. Que comptez-vous faire ?
Nos amendements portent sur tous les sujets que je viens d’évoquer, dans le respect des conclusions du rapport que nous avions voté ici-même. Nos propositions sont le fruit de ce travail conjoint ; il n’y a rien de nouveau, seulement ce que nous considérons comme une nécessaire prudence.
Je tiens à marquer ici la volonté de mon groupe politique, qui ne freine en rien toute avancée et tout progrès ; mais, dans le même temps, mettons en place une série de dispositifs pour éviter les dérives !
Si les amendements essentiels que nous défendons n’étaient pas votés ou n’étaient pas satisfaits par le projet de loi, nous serions conduits à ne pas voter ce dernier.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, et Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Lesquels ?
M. Jean-Marc Pastor. Nous vous les présenterons le moment venu, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État.
Pour conclure, la surprise est venue non pas du retour du texte de l’Assemblée nationale, mais de la position du groupe majoritaire au Sénat qui, après quelques hésitations, a apparemment décidé d’adopter un texte quasi conforme, sauf sur un article, et non le moindre, celui par qui est arrivé le « tremblement » : l’article 1er !
M. Roland Courteau. C’est curieux… (Sourires.)
M. Jean-Marc Pastor. Nous applaudissons au choix de ne pas toucher à l’amendement, adopté par l’Assemblée nationale, permettant de donner la priorité sur le territoire aux cultures non OGM.
Monsieur le rapporteur, je connais votre intégrité sur le sujet.
M. Jean-Pierre Raffarin. Sur tous les sujets !
M. Jean-Marc Pastor. J’espère que le dépôt de votre amendement ne s’apparente pas à la manipulation d’un gène extérieur en vue de provoquer un retour à l’Assemblée nationale du seul article 1er, et de faciliter la suppression des dispositions introduites par l’amendement n° 252…
M. Roland Courteau. Eh voilà !
M. Thierry Repentin. La ficelle est un peu grosse !
M. Josselin de Rohan. Machiavélique !
M. Dominique Braye. C’est ce que vous feriez si vous étiez à notre place ?
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. …en suscitant une nouvelle lecture. On peut s’interroger.
Compte tenu des remarques des uns et des autres, je n’ose imaginer ce qui apparaîtrait comme une hypocrisie.
Ici, nous sommes entre nous, et nous pouvons nous entretenir discrètement ; je suis convaincu que vous me rassurerez en me répondant tout à l’heure sur le sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Texier. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Yannick Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons la deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Sur ce sujet complexe, nous sommes nombreux, en particulier sur les travées du groupe UMP, à plaider depuis longtemps pour plus de débat, plus de transparence et plus de connaissance.
Telle est, en effet, la logique que nous avons toujours défendue sur les OGM et à laquelle nous entendons nous tenir, au-delà de la polémique et de la confusion qui dépassent parfois ce que devrait être un débat raisonné et raisonnable, qu’il ait lieu dans notre enceinte ou à l’extérieur.
Permettez-moi de prendre le temps de détailler notre position, car c’est elle qui sous-tend le texte tel qu’il nous est soumis aujourd’hui, après une lecture à l’Assemblée nationale, et tel que nous allons le voter.
Notre position consiste en l’affirmation de trois obligations : transposer en droit français les textes européens, respecter les conclusions du Grenelle de l’environnement et appliquer un certain nombre de principes.
Quant à ces obligations, elles se traduisent dans les dispositions législatives que nous soutenons.
Ainsi devons-nous garder à l’esprit le fait qu’il s’agit aujourd’hui de transposer des directives européennes dans notre droit interne. Notre retard de transposition est conséquent. Nous devons donc d’abord mettre notre législation en conformité avec nos engagements européens.
Notre retard de transposition a aussi des conséquences financières qu’il n’est pas inutile de rappeler : nous sommes sous la menace de sanctions de la part de la Commission européenne, sanctions qui s’élèvent à plusieurs dizaines de millions d’euros.
Transposer ces directives est ainsi devenu un impératif, et cette transposition contribue à doter notre pays d’une législation adaptée pour encadrer l’utilisation des OGM.
Le débat au niveau européen n’en est pas pour autant clos ; d’autres pays connaissent les mêmes interrogations que nous, et il n’est pas impensable que nous puissions, ensemble, à l’avenir, améliorer les dispositifs en place.
C’est d’ailleurs pourquoi, au dernier Conseil européen, le gouvernement français a demandé la réévaluation des procédures d’expertise européenne en matière d’autorisation européenne des OGM.
Ensuite, le texte qui nous est soumis décline très exactement ce qui a été arbitré au Grenelle de l’environnement, à savoir un cadre rigoureux et transparent pour les OGM et les biotechnologies, la création d’une haute autorité des biotechnologies et le renforcement de la recherche. Sur ce dernier point, nous saluons l’annonce du Gouvernement de consacrer 45 millions d’euros à la recherche sur les biotechnologies végétales. L’amendement adopté par nos collègues députés visant à préciser les champs de recherche prioritaires dans le cadre des programmes de l’Agence nationale de la recherche est également intéressant.
Enfin, le présent texte affirme des principes fondamentaux, voire constitutionnels, notamment les principes de précaution, de responsabilité, de transparence et d’information. Nos collègues députés ont insisté sur le principe de participation, et ils ont eu raison.
Considérons maintenant la façon dont ces obligations générales se traduisent dans les dispositions législatives qui nous sont proposées et que nous soutenons.
Il est créé une nouvelle instance d’évaluation, le Haut conseil des biotechnologies, qui intègre, pour plus de clarté et d’efficacité, les instances existantes et répond aux exigences d’une décision scientifique et démocratique.
Ce Haut conseil, doté de deux comités, permettra l’exercice de l’analyse scientifique, mais aussi la totale expression de la société civile, conformément à ce que souhaitaient nombre de nos concitoyens.
Sur ce sujet, le groupe UMP partage les suggestions des députés, notamment en ce qui concerne la saisine de ce Haut conseil, le choix de son président, la procédure accélérée d’émission de ses avis à la demande du ministre de la santé et ses modalités de fonctionnement.
L’expérimentation et la mise en culture des OGM sont ainsi strictement encadrées dans la loi : demande d’autorisation préalable, évaluation indépendante des risques, déclaration des cultures, transparence de leur situation, mise en œuvre de bonnes pratiques, c’est-à-dire de mesures techniques permettant la coexistence des différents types de cultures.
S’agissant de l’évaluation des OGM, en particulier, je tiens ici à souligner l’utilité des amendements suggérés par notre collègue député Christian Jacob.
De même, nous confirmons la proposition des députés de soumettre toutes les conditions techniques relatives à la coexistence des cultures, et non plus seulement les règles de distance, à une révision périodique sur la base de travaux scientifiques.
Nos collègues députés ont également souhaité avancer sur la question de la relation entre les productions OGM et les signes de qualité. C’est un débat difficile et technique que nous avons eu ici dès l’examen du premier projet de loi sur les OGM, en 2006, et dont vous vous êtes d’ailleurs largement inspiré, monsieur le ministre d’État. Nous acceptons la solution proposée par les députés, à savoir que l’INAO et les organismes de gestion des appellations puissent proposer des mesures adéquates.
Dans la même perspective de protection, non plus des AOC mais des zones naturelles, les députés ont aussi pris l’initiative de donner la possibilité aux acteurs gestionnaires des parcs la possibilité d’interdire dans leur cahier des charges la culture des OGM.
Enfin, les députés ont légiféré sur l’étiquetage des semences ; c’était effectivement une question en suspens. Le nouvel article 15 y répond.
Ces différentes dispositions garantissent le respect de la liberté du choix de consommer ou de produire avec ou sans OGM, seul moyen de préserver les convictions individuelles. Cette liberté de choix est elle-même garantie par la transparence, assurée à plusieurs niveaux, qu’il s’agisse des informations contenues dans les dossiers d’agrément, de l’autorisation ou de la déclaration des parcelles cultivées et de la tenue d’un registre public de ces parcelles.
S’agissant de la transparence, nous avions admis en première lecture le principe de la tenue d’un registre national indiquant la localisation à l’échelle de la parcelle. Les députés ont conforté ce niveau et ont précisé utilement que les préfectures assureraient la publicité de ce registre.
C’est en contrepartie de cette transparence que doit être apprécié le régime de sanction à l’encontre des destructions de plants OGM. Sur un sujet aussi sensible dans l’esprit de nos concitoyens, chacun doit faire preuve de responsabilités !
Ainsi, parce que ce texte fixe des principes stricts d’autorisation et de surveillance des OGM, il est à même de rassurer nos concitoyens. Il nous donne les moyens de déceler en amont tout risque susceptible d’affecter la santé ou l’environnement.
Pour le cas où un problème surviendrait malgré tout, un principe de responsabilité sans faute de l’exploitant cultivant des OGM est instauré. Ce régime implique une indemnisation de l’agriculteur qui aurait vu sa récolte affectée par des cultures d’OGM ; les apiculteurs sont bien entendu concernés, comme nous en avions disposé en première lecture dans une rédaction améliorée par l’Assemblée nationale.
De plus, ce régime d’indemnisation a été complété par les députés par une autre forme de réparation du préjudice, qui consiste en un échange de produit. Nous avions discuté de cette possibilité en première lecture ; nous n’y étions pas opposés, mais n’avions pas arrêté sa formulation juridique. C’est maintenant chose faite, et nous en sommes d’accord.
Enfin, dans un souci de rassurer nos concitoyens, nos collègues de l’Assemblée nationale ont considéré, à l’article 1er, devoir aller plus loin que ce que nous avions arrêté en première lecture, s’agissant du respect des filières sans OGM. Cette initiative a recueilli toute notre attention. Aujourd’hui, nous nous accordons pour dire qu’elle doit être intégrée dans le cadre communautaire ; M. le rapporteur a déposé un amendement allant dans ce sens, que nous voterons.
Pour conclure, je souhaiterais au nom du groupe de l’UMP, rendre un hommage appuyé à Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, et à Jean Bizet, rapporteur.
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellent rapporteur !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Yannick Texier. Ils ont effectué un travail remarquable et constructif afin d’arriver au texte équilibré qui nous est proposé aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UC-UDF.)
(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, deux ans après l’avoir fait une première fois, nous allons à nouveau évoquer dans cet hémicycle la question des OGM. Les intervenants précédents ont d’ailleurs rappelé les différentes étapes du travail législatif – achevé ou pas – sur ce sujet et ont pu évoquer à ce titre les tribulations, sinon d’un Chinois en Chine, du moins d’une loi au Parlement ! (Sourires.)
En mars 2006, lors de la discussion générale sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, j’avais débuté mon intervention en précisant que la « transgénèse, comme toute technologie, qu’elle soit nouvelle ou non, et comme tout outil, peut être la meilleure ou la pire des choses ». Malheureusement, près de deux ans plus tard, je constate que ce sujet déchaîne autant les passions, à la hauteur de la méconnaissance régnant chez les uns et chez les autres, et que la raison est toujours absente.
M. Dominique Braye. Très juste !
M. Daniel Raoul. Il suffit de lire la presse : interventions dogmatiques et positions manichéennes sont toujours de mise, certains en faisant même leur fonds de commerce !
Si nous ne voulons pas diaboliser cette avancée scientifique et stratégique en rangeant sous un même vocable toutes les applications possibles, nous devons faire un effort important de pédagogie. La répétition étant un outil de base de la pédagogie, je vais rappeler quelques données.
J’ai déjà eu l’occasion de dire devant le Sénat que, si nous n’y prenions garde, les OGM susciteraient dans les esprits la même confusion que celle qui prévaut toujours en matière de nucléaire, certains faisant l’amalgame entre les armes nucléaires et les centrales de production d’énergie. Eh bien, c’est arrivé !
Personne ne met en doute les progrès sanitaires que représentent les OGM pour certains vaccins. À titre d’exemple, je citerai le vaccin contre le virus H5N1, inoculé dans les élevages avicoles, et le vaccin contre la rage, qui a permis de stopper la progression de cette maladie vers le centre de la France. De façon plus quotidienne, comme l’a rappelé Jean-Marc Pastor, la chymozine est utilisée pour remplacer la présure prélevée dans la caillette du veau. Dans ces cas, il s’agit bien d’OGM, et personne ne les rejette !
Je n’oublie pas non plus toutes les applications possibles de la thérapie génique. Il est vrai que, depuis les épisodes « médiatico-scientifiques » de l’amiante ou du nuage de Tchernobyl, innovation scientifique et décisions politiques ne font pas bon ménage dans l’esprit des Français. Pourtant, j’espérais que le contexte qui est le nôtre, celui de l’après-Grenelle de l’environnement, favoriserait les prises de conscience et des positions moins radicales, plus éclairées, puisque chacun se plaît à souligner que ce Grenelle a été l’occasion d’un vrai dialogue.
Là est certainement le cœur du sujet : créer la confiance par la participation dans la transparence et, évidemment, la responsabilité, qui est son corollaire. À cette fin, il est essentiel de mettre en place les commissions locales d’information, ou CLI, comme ce fut fait pour les questions touchant à la sûreté nucléaire ou aux installations classées de type Seveso II.
Ces commissions devraient se prononcer sur les protocoles d’essai avant tout semis en plein champ, bien entendu après les essais en milieu confiné. Associant les citoyens, elles garantiraient plus de transparence et permettraient aux maires de faire participer la population de leur commune aux phases d’information, de décision et, surtout, d’évaluation.
Mais le Gouvernement refuse de les intégrer dans le projet de loi. Comment peut-il alors parler de transparence et de responsabilité ?
Mes chers collègues, que de confusion dans ce texte après la cacophonie des diverses positions exprimées par les membres du Gouvernement !
Je pense avant tout à la confusion qui existe entre les OGM et les PGM.
Monsieur le rapporteur, vous connaissez mon attachement à cette distinction.
M. Jean Bizet, rapporteur. Vous avez raison !
M. Daniel Raoul. Soyons clairs, 80 % du texte qui nous est présenté ne concernent en réalité que la culture de PGM et, pour être plus précis, celle du maïs Monsanto 810. S’il s’était agi d’un texte de portée générale sur les OGM, comment ne pas établir de lien avec la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, en particulier pour le règne animal ?
Que d’hypocrisie aussi, et je le dis calmement ! En effet, comment justifier, monsieur le ministre de l’agriculture, que l’on importe 4,5 millions de tonnes de soja constituées à près de 80 % par des OGM et que l’on interdise simultanément la culture d’une PGM par nos agriculteurs, en particulier ceux du Sud-Ouest ? Je ne vois pas comment le Gouvernement peut sortir de cette contradiction. Pour utiliser une image sportive, je dirais que, avec un tel grand écart, vous risquez un claquage des adducteurs ! (Sourires.)
En effet, le risque de dissémination diffuse existe autant dans le transport ou dans le stockage que dans la production elle-même !
Quelle hypocrisie également d’actionner la clause de sauvegarde alors que vous connaissez pertinemment la réponse de la Commission ! Vous l’avez certes utilisée comme outil de communication, mais cela ne fait pas progresser la question.
La recherche sur les biotechnologies est un impératif stratégique pour l’agriculture, non seulement en France, mais aussi en Europe et dans le reste du monde. L’actualité concernant le déficit de céréales à l’échelle mondiale ne donne que plus d’acuité à ce sujet.
Comment justifier qu’une PGM faisant l’objet d’essais en plein champ ait été détruite alors qu’il s’agissait d’une plante résistant à la sécheresse ? Nous sommes pour le droit de produire, avec ou sans OGM. Cela exige donc un certain nombre de mesures respectueuses des critères du développement durable de la Charte de l’environnement, chère à Mme la secrétaire d’État.
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Premièrement, un effort intensifié de recherche dans le domaine des biotechnologies, particulièrement dans le domaine de la génomique végétale, devrait être conduit afin que nous disposions d’une expertise indépendante et que nous ne soyons pas assujettis aux prétendues expertises des entreprises qui soumettent leurs dossiers à une autorisation.
Deuxièmement, il faudrait que les essais en plein champ soient assurés dans une transparence complète avant que l’on ne passe à la culture en plein champ, ce qui suppose non seulement une information, une concertation, mais aussi une évaluation sur les avantages et les risques de cette PGM.
Troisièmement, chacun devrait avoir la liberté de choisir consciemment et en toute responsabilité de produire et de consommer avec ou sans OGM.
Quatrièmement, enfin, après une évaluation des avantages par rapport aux risques, il faudrait déterminer une responsabilité.
Je me tournerai maintenant vers les membres du Gouvernement. Sachez que j’ai du mal à vous accorder ma confiance à propos de ce projet de loi alors que vous avez enterré le texte sur les certificats d’obtention végétale ! Celui-ci permettait en particulier l’utilisation des semences fermières, aspect qui est complètement absent du présent projet de loi.
M. Gérard Le Cam. On va le rappeler !
M. Daniel Raoul. Je vous fais confiance, mon cher collègue ! (Sourires.)
Le sujet de ce texte est pourtant un enjeu stratégique. Une information, une véritable pédagogie auraient donc été nécessaires afin de ne pas se retrouver dans une dépendance supplémentaire par rapport aux entreprises américaines ou aux entreprises asiatiques.
Je donnerai simplement un exemple. Vous ne méconnaissez pas les efforts qui sont faits à la fois par l’Inde et par la Chine dans le domaine des biotechnologies. En une seule année, ces pays ont recréé ex nihilo l’équivalent de notre INSERM. C’est donc qu’ils ont bien mesuré les enjeux stratégiques que représentaient les recherches dans ce domaine.
M. Dominique Braye. Et ils cultivent des PGM, eux !
M. Daniel Raoul. Pourquoi ne pas se donner les moyens d’échapper à une dépendance qui pointe à l’horizon, qu’elle soit vis-à-vis des États-Unis ou du bloc asiatique ? Le gouvernement Messmer avait pris certaines mesures courageuses pour assurer notre indépendance en matière énergétique. Pourquoi ne pas avoir ce même courage pour garantir l’indépendance dans le domaine des biotechnologies et des applications agroalimentaires ?
Comment le Gouvernement compte-t-il corriger tout cela et donner à la France la place qu’elle mérite dans la compétition agroalimentaire ?
M. Jean-Marc Pastor. On ne le sait pas !
M. Daniel Raoul. M. le ministre d’État avait évoqué en première lecture l’ouverture de crédits. Mais ces derniers, ainsi que j’ai pu le vérifier auprès des chercheurs de l’INRA ou de l’INSERM, n’ont pas été consommés, et ce en raison des pressions exercées sur les chercheurs par leur direction : pressions non seulement morales, mais aussi quelquefois physiques, avec l’interdiction qui leur était faite d’aborder le problème des PGM ou des OGM. Cette situation est grave !
Il ne suffit pas de donner des orientations fortes à Mme Marion Guillou, présidente, directrice générale de l’INRA, il faut également offrir à cette dernière des moyens matériels et humains, et protéger les chercheurs.
M. Jean Bizet, rapporteur. Tout à fait d’accord !
M. Daniel Raoul. Si vous voulez que les crédits soient effectivement utilisés dans ce domaine, il va falloir ouvrir complètement le dossier de la recherche sur la génomique végétale. Cela suppose que le Gouvernement soit très directif à l’égard des directions des établissements publics à caractère scientifique et technologique, instituts d’ailleurs remarquables, et en particulier que les chercheurs qui réalisent des tests dans ces domaines soient reconnus et non pas considérés comme des pestiférés par leurs collègues, y compris au sein de leur laboratoire. Il faut donc qu’ils puissent disposer, via l’ANR, des moyens de continuer sereinement leurs recherches.
Au lieu d’un texte d’opportunité, il aurait fallu un texte de fond pour examiner le triptyque « plant-gène-fonction » évoqué par Jean-Marc Pastor et pour se donner les moyens d’interdire la brevetabilité du vivant.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. Gérard Le Cam. Ce risque est en effet scandaleux !
M. Daniel Raoul. Breveter le gène, donc le couple « plant-gène », ce serait – j’utilise des termes de physique – comme breveter la structure du fer ou du silicium avec leurs propriétés alors que ces éléments appartiennent au patrimoine mondial.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. Daniel Raoul. En revanche, les applications, autrement dit les fonctions, sont, quant à elles, brevetables, contrairement à la plante et au gène.
Il convient de clarifier les débats sur les enjeux, car je ne suis pas sûr que notre assemblée n’aura pas, un jour, à choisir entre, d’une part, la pollution par les pesticides et, d’autre part, des PGM, et à comparer les avantages et les risques des uns et des autres.
En tout cas, quand on voit le résultat sur les nappes phréatiques de l’utilisation des pesticides, on peut se demander s’il ne vaudrait pas mieux cultiver une PGM qui « s’auto-immunise » contre les insectes, et, dès lors, éviter le recours aux produits phytosanitaires, plutôt que de continuer à polluer les nappes. C’est bien là un enjeu pour notre agriculture.
Il faut encore mettre en cohérence les pratiques de culture et d’importation, comme je l’ai déjà signalé. J’espère que le Gouvernement me répondra sur ce point, car l’enjeu concerne également toute la viande blanche.
Il faut, par ailleurs, développer la recherche indépendante pour réaliser une véritable évaluation afin de produire plus et mieux.
Enfin, la position adoptée aujourd'hui par la majorité, en particulier à la suite du rapport de M. Jean Bizet dont je ne mets en cause ni les capacités intellectuelles ni l’honnêteté (Merci ! sur les travées de l’UMP.), nous place dans une situation assez étrange : alors que nous avions besoin d’une loi fondatrice sur les biotechnologies, qui sont un enjeu stratégique mondial, le seul amendement proposé par M. le rapporteur a simplement pour objet d’annihiler l’effet de l’amendement n° 252 adopté par l’Assemblée nationale (M. Gérard Le Cam applaudit.), et de reprendre la main.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Vous comprendrez donc que nous ne puissions cautionner, ni sur le fond ni sur la forme, le texte soumis aujourd'hui à notre examen. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis heureuse de pouvoir m’exprimer devant vous cet après-midi, et je tiens à remercier le groupe UMP qui m’a permis d’intervenir sur ce dossier si sensible.
M. Jean-Marc Pastor. Ah bon ?
Mme Fabienne Keller. Nous ne disposons pas, aujourd’hui, d’un recul suffisant pour évaluer efficacement l’incidence des organismes génétiquement modifiés sur l’environnement.
La recherche doit être poursuivie, et ce intensément. Cependant, l’effet de la dissémination des OGM sur l’équilibre des écosystèmes ou des agrosystèmes n’est pas encore suffisamment connu.
Il convient donc d’appliquer fortement le principe de précaution pour tout ce qui concerne la dissémination – on peut également parler de « contamination » – des OGM dans l’environnement.
C’est la conviction que je porte et que je souhaite partager avec vous aujourd’hui, même si j’ai conscience que je n’interviens pas forcément au moment le plus opportun de la navette parlementaire. Le calendrier électoral en a décidé ainsi.
Ce n’est pas que le principe de précaution soit absent du projet de loi. Il l’inspire – on ne peut pas en douter –, explicitement même. En témoignent, par exemple, ces alinéas de l’article 3 ajoutés par les députés, qui protègent les zones de productions agricoles de qualité sans OGM et sur lesquels, je l’espère, nous ne reviendrons pas ou peu.
Mais va-t-on assez loin ? Je suis convaincue que non. C’est pourquoi j’interviens aujourd’hui devant vous. J’ai déposé sept ou huit amendements, qui, certes, pour la plupart d’entre eux, reprennent des idées déjà débattues au cours de la première lecture, sous l’impulsion, notamment, de notre collègue Jean-François Le Grand.
En tout état de cause, ces amendements sont véritablement au cœur des enjeux de la préservation du vivant sur le long terme.
Il s’agit pour moi de faire simplement entendre un point de vue différent sur une question qui engendre une sensibilité extrême parmi nos concitoyens, parce qu’elle se situe à la convergence entre plusieurs interrogations fondamentales pour l’avenir de notre société : le rapport à la science, le choix d’un modèle agricole et alimentaire, le rôle des multinationales, l’information des citoyens-consommateurs, la prise de décision en matière de risques.
Mes amendements portent sur plusieurs thèmes.
Le premier thème est la transparence complète des travaux du Haut conseil des biotechnologies, par la proposition de publier tous ses travaux et de défendre la libre expression de ses membres. Je sais que des avancées sur ce sujet ont été obtenues au cours de la navette, mais il me semble possible d’aller encore plus loin.
Le deuxième thème est le rééquilibrage des pouvoirs entre les deux collèges formant le Haut conseil, pour une meilleure application du principe de l’interdisciplinarité et une meilleure représentation de la société civile. Là encore, des concessions ont été obtenues, mais il me semble que l’on peut faire encore mieux.
Le troisième thème est l’introduction d’un seuil de détection des OGM plus bas que le seuil d’étiquetage obligatoire prévu par les textes communautaires, soit actuellement 0,9 %. Il permet de définir un plafond plus restrictif pour la présence d’OGM dans d’autres cultures ou dans l’environnement, à proximité d’un champ d’OGM.
En limitant plus strictement les seuils de contamination, il sera possible, chers collègues, de mieux maîtriser, sur le long terme, l’effet de la diffusion des OGM dans l’environnement.
C’est là un point central : les recherches scientifiques sur l’incidence de la contamination sont peu développées. Nous ne disposons pratiquement d’aucun modèle concernant la contamination par les OGM mis en culture dans un champ.
Protéger des cultures et les espaces naturels réellement exempts d’OGM est vital pour notre écosystème à long terme.
Par ailleurs, il est un autre thème sur lequel j’ai déposé des amendements : en application du principe pollueur-payeur, le régime de responsabilité en cas de contamination doit mieux associer les producteurs de semences à la prise en charge du coût du préjudice économique et environnemental : il nous faut aussi, sur ce sujet, inverser la charge de la preuve.
Le dernier thème que je développerai tient à l’obligation d’informer le grand public de l’utilisation d’OGM dans l’alimentation des animaux qu’il consomme.
Comme vous le savez, la réglementation européenne dispense d’étiquetage les produits alimentaires issus d’animaux ayant consommé des organismes génétiquement modifiés. Pourtant, l’alimentation animale constitue le principal débouché des organismes génétiquement modifiés en Europe.
La loi peut corriger cette « absence d’obligation » européenne. Je suis convaincue, en effet, que le respect des directives et des règlements communautaires n’interdit pas des marges de manœuvre à l’échelon national, pour garantir réellement la liberté de pouvoir cultiver et consommer sans OGM.
Prendre des mesures de transposition des directives OGM de 2001 et de 1998 ne signifie en aucune manière signer un chèque en blanc en faveur des organismes génétiquement modifiés.
Au contraire, en l’absence de transposition, la culture des PGM autorisés s’est faite jusqu’à présent dans des conditions d’information du public insuffisantes, sans que soient prévues des garanties sérieuses pour les cultures traditionnelles et l’environnement voisins.
Néanmoins, on peut transposer a minima ou, au contraire, mettre à profit la subsidiarité pour aller le plus loin possible dans l’affirmation des principes de précaution, de prévention, de transparence, de responsabilité et, surtout, chers collègues, de réversibilité.
Ainsi, par exemple, l’article 26 bis de la directive 2001/18/CE prévoit que les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits. Le principe de subsidiarité est donc la règle, et le droit européen accorde aux États membres toute latitude pour éviter la présence fortuite d’organismes génétiquement modifiés dans d’autres produits.
Cependant, comment évaluer ce seuil de présence accidentelle ? Le seuil de 0,9 % n’est qu’un seuil d’étiquetage et d’information, fixé à un moment donné par la négociation.
En cas de préjudice lié à une contamination accidentelle, la question du seuil de détection reste posée. Je vous proposerai, chers collègues, de refuser une sorte de droit à contaminer à hauteur d’un certain pourcentage et d’appliquer un seuil que les techniques nous permettent de mesurer, soit celui de 0,1 %. Adopter le seuil de 0,1 % comme seuil de détection me semble donc être un choix stratégique.
D’autres États membres – l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, la Roumanie – ont déjà montré qu’il était possible d’instaurer un seuil de détection différent du seuil d’étiquetage. S’ils n’ont pas la bénédiction explicite de la Commission et de la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, on relèvera au moins l’absence de poursuite à ce titre.
Chers collègues, si la CJCE envisage de condamner la France, ce n’est pas pour une mauvaise application de la directive.