Mme Évelyne Didier. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. Il a également été constaté que la faune est atteinte, que ce soit par des insectes ou par des vers de terre. Les apiculteurs ont ainsi rapporté, notamment dans le Lot-et-Garonne, la contamination du pollen de leurs abeilles. Nous n’avons pas inventé ces faits !
Pour conclure, si le projet de loi a fait l’objet de quelques améliorations à l’Assemblée nationale, nous ne saurions nous en satisfaire tant le modèle agricole qu’il traduit ne nous convient pas.
Cependant, nous serons vigilants afin que les quelques avancées du texte ne soient pas anéanties par le Sénat : je pense aux dispositions concernant les AOC, à la possibilité pour un député ou un sénateur de saisir le Haut conseil des biotechnologies, à la publicité des avis du Haut conseil au nom de la transparence et à l’étiquetage des semences.
Nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant à assurer une meilleure information de nos concitoyens, grâce notamment à l’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM.
Nous demanderons également une plus grande prise en compte de la société civile dans les décisions du Haut conseil, ainsi que des populations, pour décider avec elles si elles veulent ou non des OGM.
Gouverner, c’est non pas céder aux revendications des intérêts privés, mais au contraire satisfaire l’intérêt général. Gouverner, c’est non pas s’aligner, au nom de la fatalité, sur les décisions de quelques technocrates soi-disant éclairés, mais prendre des décisions au nom de l’intérêt général, en accord avec les attentes de nos concitoyens.
Le projet de loi ne répond pas à ces attentes, que ce soit à l’échelon national ou à l’échelon communautaire. Il n’apporte pas de garanties en termes d’absence de dangerosité ou de contamination. C’est pourquoi nous voterons contre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat difficile, voire tendu, auquel nous avons assisté lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi montre, s’il en est besoin, combien la question des OGM cristallise des positions radicalement opposées et passionnelles.
Nous avons tous été surpris de l’intransigeance de certains propos et de quelques affirmations sans concessions, parfois peu étayées.
Comment se fait-il que, alors que les rapports sur les OGM se sont succédé au fil des années et que d’autres pays européens se sont prononcés sur cette question, parfois à plusieurs reprises, nous en soyons encore là en France ?
Certes, les limites de l’expertise scientifique et la complexité des phénomènes biologiques n’ont pas permis au politique de jouer son rôle classique d’arbitre, séparant clairement le « permis » de « l’interdit ».
Sans doute aussi les gouvernements successifs n’ont-ils pas su créer les conditions propices à un authentique échange d’idées susceptible d’éclairer les Français sur l’ensemble des enjeux des OGM et de dégager des consensus.
Le débat s’est déroulé dans les milieux associatif, scientifique et agricole, ainsi que dans les médias, mais sans véritable échange ou confrontation entre l’expert, le politique et le citoyen.
Qu’est-ce exactement qu’un OGM ? Quels sont les différents types d’OGM existants et leurs multiples fonctions ? Ces questions ont largement été éludées au profit de raccourcis parfois simplistes.
Le résultat est que, aujourd'hui, nos concitoyens affichent une hostilité globale à l’égard des OGM. Alors que les OGM font toujours l’objet de controverses scientifiques, les risques qu’ils peuvent présenter sont largement plus présents dans les esprits que leurs bénéfices potentiels.
Il n’en demeure pas moins que la place des OGM continue de s’étendre. Ils sont très présents dans notre vie quotidienne, dans certains aliments importés et dans de nombreux médicaments.
La question de savoir si on est pour ou contre les OGM est ainsi dépassée. Ils existent et on ne peut ignorer ni la dépendance des agriculteurs français et européens en protéines végétales à l’égard des firmes américaine ni leur potentiel en termes d’innovation, notamment dans le domaine pharmaceutique.
Affirmons-le : il n’y a jamais eu de progrès sans prise de risque. Si nous ne voulons pas que le développement des OGM soit soumis à la seule logique économique, nous devons assumer ensemble ce risque, avec beaucoup de rigueur et de vigilance.
Veillons à ce que notre débat soit fondé non sur des clichés simplistes et des postures politiciennes, comme le souhaitent les fondamentalistes de tous bords, mais sur des principes objectifs, clairs et tangibles. Interrogeons-nous sur l’intérêt de tel ou tel OGM spécifiquement et non généralement. Appuyons-nous sur les avis des scientifiques pour le choix des cultures OGM.
Le processus du Grenelle de l’environnement, que vous avez lancé, monsieur le ministre d’État, a montré, par son existence même et par la présence jusqu’à son terme de tous les acteurs conviés à y participer, que le dialogue était possible et que des équilibres pouvaient être trouvés, y compris sur les OGM. Plusieurs orientations ont alors fait l’objet d’un consensus.
Ainsi, il est apparu nécessaire que la science réponde aux questions que se pose la société sur les OGM, notamment s’agissant de leurs effets sur la santé, sur l’environnement et sur l’économie. Il faut en effet une volonté forte pour développer la recherche en génomique végétale, en toxicologie, en épidémiologie humaine et du milieu naturel. J’arrête là cette énumération, car la liste est, en fait, sans fin.
De notre capacité de recherche publique dépend notre capacité d’expertise, c'est-à-dire aussi notre incapacité en matière d’évaluation totale des risques.
Or la recherche ne constituait pas l’axe prioritaire du projet de loi initial. Je me félicite donc que l’examen du texte en première lecture au Sénat ait permis d’introduire un chapitre sur cet aspect.
Le dispositif dénommé « Sofiplantes » visant à renforcer le financement de la recherche en génomique végétale a été supprimé par l’Assemblée nationale, en raison, semble-t-il, de sa complexité. Nous ne pouvons que le regretter. Il me paraît souhaitable de trouver pour l’avenir un dispositif alternatif afin de soutenir les entreprises qui se créent dans ce secteur.
L’adoption d’une loi sur les OGM créant une haute autorité et déclinant en particulier les principes de la transparence et de l’information citoyenne, ainsi que la préservation du libre choix, a elle aussi fait l’objet d’un consensus.
La liberté de choix est essentielle. Elle doit permettre à chacun de se déterminer en toute connaissance de cause. À cet égard, l’article 1er du projet de loi est tout à fait clair : la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM est garantie, dans le respect des principes de précaution, de prévention, d’information et de responsabilité.
Certains contestent l’expression « avec ou sans organismes génétiquement modifiés ». Les amendements adoptés par les députés sur cet article me semblent être de nature à les apaiser.
De ce libre choix découle un autre principe fondamental – la transparence – et une nécessité pratique – la coexistence entre les filières.
Sur ces différents points, le texte apporte des réponses positives.
Tout d’abord, le projet de loi crée une nouvelle instance d’évaluation, que le Sénat a nommée « Haut conseil des biotechnologies » et dont il a mieux précisé le fonctionnement et la composition. Les amendements adoptés en première lecture me semblent garantir l’indépendance et la transparence de cette instance d’expertise. Il faut évidemment lui donner les moyens matériels de mener ses travaux, ce qui sera à la fois un gage d’efficacité et d’attractivité. Il appartiendra à la représentation nationale de contrôler, lors de l’examen annuel du projet de loi de finances, que des moyens suffisants sont bien affectés à son fonctionnement.
Ensuite, le projet de loi prévoit la création d’un registre national accessible au public, indiquant notamment la nature et la localisation à l’échelle de la parcelle des cultures d’OGM. Je me félicite de cette mesure, qui existe déjà dans d’autres pays de l’Union européenne.
D’une manière générale, il est impératif de systématiser et de renforcer l’information des maires afin de leur permettre de répondre aux interrogations légitimes de leurs administrés.
Par ailleurs, la création d’un régime de responsabilité est prévue. Cette question est majeure, notamment pour protéger les agriculteurs contre les risques de contamination des filières conventionnelles ou biologiques coexistant dans les mêmes régions de production que les cultures d’OGM.
La coexistence suppose la couverture du risque économique. Il appartient à toute future filière OGM de se doter des moyens financiers, y compris assuranciels, lui permettant de couvrir la responsabilité sans faute.
Cependant, je tiens à souligner que le préjudice économique ne prend en compte ni les coûts des analyses, ni la perte éventuelle de label, ni l’impact sur l’image commerciale. Qu’en est-il également concernant les mesures de protection, dont le coût est très lourd ?
Pour conclure, je dirai que nous n’avons pas d’autre choix que de faire confiance à la science et aux chercheurs.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. L’utilisation des OGM ne peut plus et ne doit pas être condamnée simplement au nom de principes. Elle doit être strictement encadrée et reposer sur le principe intangible du respect de l’environnement et de la santé publique. Enfin, elle doit faire l’objet d’une évaluation scientifique, donc impartiale et incontestable.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Ces objectifs sont ceux du projet de loi. C’est pourquoi la majorité du groupe du RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Avant toute chose, je me réjouis, monsieur le ministre d’État, que vous ayez pu tenir vos engagements et que, malgré la déclaration d’urgence, ce projet de loi soit soumis en deuxième lecture au Sénat.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre de l’agriculture, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’âpreté des débats à l’Assemblée nationale et les modifications importantes qui ont été apportées au texte rendent nécessaire la poursuite du travail et de la réflexion sur ce texte.
Le cri d’alarme lancé ce week-end par la banque mondiale et le FMI concernant la crise alimentaire qui touche près de 100 millions de personnes doit nous aider à remettre en perspective notre débat.
Le prix du riz, entre autres denrées, s’est envolé de 75 % en deux mois et celui du blé a grimpé de 120 % au cours de l’année écoulée. Selon la FAO, ce sont trente-sept pays qui sont aujourd’hui menacés d’une crise alimentaire.
L’un des facteurs expliquant cette envolée des prix est l’utilisation d’une part croissante et significative des terres arables pour produire des biocarburants. Pratiquement tout le supplément de récolte mondiale de maïs entre 2004 et 2007 a servi aux États-Unis à fabriquer cette alternative au pétrole !
Selon moi, les OGM pourraient nous permettre de répondre à plusieurs des graves problèmes posés, qu’il s’agisse de: nourrir une terre de plus en plus peuplée, d’augmenter la production agricole pour satisfaire les besoins de la chimie verte, notamment en biocarburants, de faire face aux aléas climatiques ou de proposer de nouvelles solutions en matière de santé.
Cette réponse ne doit pas être vue comme la panacée et conduire à mettre fin à toute réflexion sur les structures agricoles, notamment dans les pays en voie de développement, mais elle ne doit pas être éliminée d’office.
Telle est du moins depuis plusieurs années la position majoritaire de notre groupe, qui est favorable au développement encadré des OGM.
En effet, il y va de l’indépendance et du maintien de la compétitivité de l’agriculture européenne face à la concurrence mondiale. Notre agriculture devra très rapidement faire face à des enjeux renouvelés, en particulier s’agissant du développement des rendements. Parallèlement, nous faisons peser des contraintes de plus en plus fortes sur nos agriculteurs, notamment en matière de limitation des intrants.
Ainsi le Grenelle de l’environnement vient-il d’entériner l’objectif d’une diminution par deux de l’usage des pesticides d’ici à 2012. Or on ne peut pas logiquement être opposé à la fois aux pesticides et aux OGM.
Par ailleurs, notre dépendance en matière d’approvisionnement en oléo-protéagineux rend difficilement crédible toute position hostile aux OGM. Chaque année, l’Union européenne consomme 30 millions de tonnes de tourteaux de soja pour alimenter son bétail. Or plus de la moitié des surfaces mondiales cultivées en soja le sont en soja OGM. À quoi bon interdire la culture de maïs Bt 810 si nous en autorisons massivement l’importation ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Daniel Soulage. Certes, les députés ont bien essayé de remédier à un tel état de fait, en introduisant dans le projet de loi un nouvel article relatif aux possibilités de développement d’un plan de relance des cultures d’oléo-protéagineux. Cependant, la mise en place d’un tel dispositif me semble vouée à l’échec, dans la mesure où nous ne disposons ni de la SAU nécessaire, c'est-à-dire la surface agricole utile, ni du climat adapté pour parvenir aux rendements attendus.
À mon sens, il est indispensable de développer notre propre filière de production d’OGM, en maîtrisant le processus de fabrication et en fixant les critères de validation pleinement adaptés à notre modèle agricole et de nature à répondre aux attentes de nos agriculteurs.
Il n’est pas normal qu’une firme multinationale détienne plus de 70 % des brevets de semences OGM et, pour parler clairement, que le terme d’« OGM » renvoie seulement à Monsanto. À l’heure actuelle, le bilan que l’on dresse des OGM ne peut se lire qu’au travers de ce seul prisme, c'est-à-dire d’un prisme faussé dès le départ.
En effet, les États-Unis ont fait le choix du principe de l’équivalence en substance : les plantes génétiquement modifiées, les PGM, comparées aux plantes non transgéniques sont équivalentes sur la seule base de leur composition et ne sont soumises à aucune réglementation spécifique. En revanche, en Europe, nous avons fait le choix d’une évaluation des OGM au cas par cas, ce qui offre des garanties autrement plus solides.
Pour conclure sur ce point, permettez-moi de reprendre à mon compte les déclarations de M. Nicolas Hulot dans l’édition du Monde datée du 17 janvier 2008 : « Le profane que je suis n’a pas d’avis tranché sur l’avenir des OGM et il se garde bien de fermer la porte aux biotechnologies. […] J’entends bien qu’il n’y a pas les OGM, mais des OGM, et qu’il est impératif de les étudier au cas par cas ».
En outre, et je me félicite de votre initiative, monsieur le ministre d’État, le 3 mars dernier, lors du conseil « Environnement » de l’Union européenne, la France a proposé de remettre à plat les procédures d’homologation des OGM dans l’Union, en prenant davantage en compte l’évolution de la méthodologie d’évaluation. Il est plus que jamais nécessaire pour l’Europe d’arriver à un consensus pour parler d’une seule voix sur les OGM.
Votre initiative, qui permettra de restaurer la crédibilité des procédures d’autorisation d’OGM, constitue une première étape pour réconcilier partisans et adversaires de ces OGM.
Toutefois, il n’est pas non plus question de donner un blanc-seing aux organismes génétiquement modifiés. Il est nécessaire d’encadrer leur développement.
Je comprends l’inquiétude de nos concitoyens : elle est légitime. En effet, en l’état actuel de nos connaissances, l’absence de preuve du risque sanitaire ou du risque environnemental s’accompagne de l’impossibilité de prouver l’absence de risque. Aussi les OGM sont-ils perçus par nos concitoyens comme une évolution irréversible, ce qui explique leur inquiétude à cet égard. Il est donc primordial de préserver la coexistence des cultures.
De ce point de vue, l’amendement que j’avais fait adopter en première lecture à l’article 3 a été conservé en substance par les députés, ce dont je me réjouis. Grâce à ce dispositif, des périmètres de protection seront assurés entre les cultures OGM, conventionnelles et biologiques.
Selon les travaux menés par l’INRA sur le sujet, « pour les filières telles que l’agriculture biologique qui revendiquent une absence totale d’OGM dans leurs productions, la coexistence à l’échelle locale est […] techniquement impossible dans la plupart des cas. »
Ainsi, s’il est un domaine que nous devons aujourd'hui favoriser, c’est celui de la recherche en biotechnologies. Actuellement, la plupart des OGM commercialisés sont destinés à résister aux herbicides et aux insectes. Ils ne concernent donc que la production agricole. Mais les chercheurs ne cessent de montrer qu’ils peuvent, par différentes méthodes, créer des plantes capables de résister à la sécheresse ou à la salinité des sols, réclamant moins d’énergie et de traitements chimiques, dotées de meilleures propriétés nutritionnelles et sanitaires ou permettant de lutter contre des maladies.
Or, ce secteur, stratégique dans les années à venir, accumule les retards, notamment à la suite des actions des commandos « anti-OGM ». Le fauchage des champs d’OGM ruine des années entières d’efforts de recherche, met en péril notre capacité d’innovation et fait le jeu des entreprises étrangères.
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. Daniel Soulage. Notre pays, qui était à la pointe de la recherche sur les biotechnologies végétales voilà vingt ans, est aujourd’hui distancé par d’autres nations.
Les États-Unis, la Chine, l’Inde ou le Brésil investissent massivement dans ces domaines, alors que le nombre d’expérimentations n’a cessé de chuter chez nous
Mme Annie David. C’est bien la preuve qu’il faut donner plus d’argent à la recherche !
M. Daniel Soulage. En 2007, leur nombre était de treize, contre plus d’une centaine dix ans plus tôt !
À un tel rythme, nous ne maîtriserons bientôt plus le savoir-faire technique de cette innovation.
C’est l’avenir de la recherche française dans les sciences du vivant qui est en cause.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Daniel Soulage. C’est notre capacité d’innovation en matière médicale mais aussi la compétitivité de nos secteurs industriel et agricole qui sont menacées.
Je me félicite donc de la décision du Gouvernement de tripler le budget consacré aux biotechnologies sur trois ans et de l’initiative des députés d’instaurer un cadre et des objectifs pour la recherche publique en biotechnologies à l’article 11 ter du projet de loi.
Il ne faut pas l’oublier, dans un monde où les OGM continuent à proliférer – la surface qu’ils occupent pourrait doubler d’ici à 2015 –, leur dangerosité ou leur innocuité ne peut être établie que par des recherches impartiales.
Je souhaite également qu’une véritable recherche européenne sur les biotechnologies soit mise en place. En coordonnant les équipes de chercheurs et en fixant des objectifs au niveau européen, nous pourrons rattraper notre retard et contrecarrer l’hégémonie américaine dans ce domaine.
Je souhaite en venir maintenant plus précisément au contenu du projet de loi. Je tenais à souligner les avancées importantes réalisées par les députés, notamment s’agissant de la protection des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux. D’ailleurs, j’avais moi-même déposé un amendement allant en ce sens en première lecture, mais il avait été refusé par M. le rapporteur et par le Gouvernement pour cause d’« incompatibilité » avec la réglementation européenne. Je me félicite donc de l’évolution rapide de la réglementation et du Gouvernement sur cette question. (Sourires.)
Néanmoins, j’ai déposé deux amendements ayant pour objet de faciliter l’interdiction des cultures OGM sur le territoire de ces parcs.
Le premier vise à supprimer le critère de l’unanimité des agriculteurs concernés pour le remplacer par une majorité qualifiée.
Le second tend à faire disparaître la disposition relative à la charte des parcs. En effet, exiger que ces chartes prévoient a priori l’exclusion des OGM de leur territoire me semble discutable. À mon sens, une telle adaptation doit au contraire faire suite au vote des agriculteurs.
De même, je me réjouis des avancées réalisées par les députés pour la défense des terroirs et des productions sous appellation. Là encore, j’avais déposé un amendement identique en première lecture, qui avait été refusé par le Gouvernement…
Mme Évelyne Didier. Très juste !
M. Daniel Soulage. L’examen à l’Assemblée nationale aura donc permis de faire évoluer le Gouvernement également sur cette question !
Le nouvel article 3 B permettra de rassurer pleinement les consommateurs quant à la qualité de ces productions, la qualité étant souvent synonyme d’absence d’OGM pour nos concitoyens. L’équilibre économique des AOC sera ainsi préservé.
Enfin, monsieur le ministre d’État, j’insiste sur le fait que nous ne pouvons faire l’économie à très court terme d’une campagne de communication de grande ampleur, afin d’informer correctement les consommateurs sur les OGM. (M. le ministre d’État acquiesce.)
Le discrédit patent dont souffrent les plantes génétiquement modifiées, encore renforcé par le récent documentaire intitulé Le monde selon Monsanto, doit être combattu par des données objectives et par le rappel des bénéfices des OGM.
Dans cette intervention, je me suis concentré sur les avantages attendus pour l’agriculture, mais il est important de rappeler que les OGM utilisés dans le secteur de la santé permettent déjà de sauver des vies. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les OGM sont déjà une « vieille histoire ».
Depuis une dizaine d’années, de rapports en textes législatifs, de débats en colloques, on s’enlise sur cette question sans parvenir à trouver un consensus. Il arrive même parfois que l’on s’entre-déchire… Au-delà des déclarations et des invectives, les Français ne comprennent plus et doutent aujourd'hui plus encore qu’hier.
Dans ce contexte de totale confusion, je souhaite exprimer mon point de vue, qui est d’ailleurs largement partagé par les membres de mon groupe politique.
Tout d’abord, quelle est la situation actuelle en matière d’organismes génétiquement modifiés ? Que savons-nous de ces OGM ? À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques éléments.
S’agissant de la définition, l’OGM se caractérise par le déplacement, et parfois même par l’introduction, d’un gène sur un chromosome. À travers ces deux opérations, il s’agit bien de définir une fonction précise. C’est pourquoi, dans un texte fondateur comme celui que nous examinons actuellement, il est nécessaire d’aborder non seulement la transposition de la directive, mais également son environnement. Je pense notamment à la question fondamentale de la brevetabilité. (M. le ministre d’État acquiesce.)
Selon nous, seul le triptyque « organisme / gène / fonction » peut être brevetable.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean Bizet, rapporteur. Mais c’est déjà le cas !
M. Jean-Marc Pastor. Or cela ne se retrouve pas dans le projet de loi.
Certaines de ces fonctions sont reconnues comme positives pour l’homme et pour l’intérêt général. Aussi, et puisque mon groupe politique soutient tout ce qui va dans le sens du progrès médical, permettez-moi de rappeler symboliquement que la pénicilline est un produit OGM depuis plus de dix ans et que des OGM sont utilisés pour traiter la mucoviscidose ! Je pourrais encore mentionner d’autres exemples.
M. Dominique Braye. Alors, pourquoi faucher des champs d’OGM ?
M. Jean-Marc Pastor. C’est bien par la connaissance de ces produits que la recherche scientifique a pu identifier les fonctions utiles à l’homme. Et je suis convaincu que l’on soignera demain d’autres maladies grâce à de telles techniques.
C’est pour cette raison, mais également pour éviter d’éventuels débordements, que la recherche en la matière est très importante.
D’autres utilisations quotidiennes des OGM sont aujourd'hui entrées dans les mœurs. Ainsi, un produit recombinant à base d’OGM a remplacé le blanc d’œuf pour le collage du vin. De même, depuis la crise de la vache folle et l’interdiction de consommation des abats de bovins décidée en 1998, l’enzyme issue d’un suc prélevé dans l’estomac du veau qui servait autrefois au caillage du lait a été remplacée par une chymosine recombinante produite à partir d’une plante génétiquement modifiée.
Outre ces utilisations quotidiennes, les OGM ont également beaucoup d’autres applications dans le domaine alimentaire, et ce toujours dans l’intérêt général.
Cela dit, que se passe-t-il quand l’homme ingère un aliment ayant connu une modification génétique ? C’est une question fondamentale dans sa simplicité et qui me fait revenir à l’origine, au chromosome. La particularité de notre système digestif réside justement dans sa capacité de filtrage et d’éclatement du chromosome et des gènes qui s’y sont accrochés pour reconstituer des acides animés ou des groupements d’acides animés, seuls en capacité de traverser la paroi et d’être véhiculés par le sang pour venir alimenter et nourrir nos propres cellules.
Qu’il y ait eu déplacement de gènes sur le chromosome ou pas, cette fonction continue à être assurée de la même manière et, avec elle, la recombinaison d’acides animés.
En outre, et cela fait également partie des éléments de réflexion de base, le premier constat d’OGM ou de PGM se fait chaque fois autour d’« éclairs », où des milliers de bactéries mutent naturellement, qu’il s’agisse d’un déplacement ou d’une adjonction de gènes. Cela explique peut-être également que nous mutions les uns et les autres depuis des millénaires sans le savoir.
Le scientifique étudie tout cela, le transpose, le fige. Mais qui contrôle ce dernier, lui passe commande ? Surtout, combien comptons de chercheurs publics travaillant sur cette question ? Quand on interpelle l’INRA, il semble qu’une seule mission soit actuellement confiée à un chercheur en matière de PGM.
M. Dominique Braye. Tous les chercheurs s’en vont !
M. Jean-Marc Pastor. Dans ce domaine, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, il y a incontestablement un travail à accomplir – nous le réclamons avec force – pour y voir plus clair.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Thierry Repentin. Bravo !
M. Roland Courteau. Il fallait le dire !
M. Jean-Marc Pastor. Voilà autant de questions qui se posent toujours à nous et sur lesquelles notre société a bien besoin de réponses. En effet, c’est ce travail qui doit apporter les éclairages nécessaires, afin de faciliter les réponses aux interrogations de notre société sur ce sujet.
Outre ces éléments qui pourraient apparaître comme positifs pour l’homme, il existe aussi des éléments moins connus ou même des approches à risque qui nous imposent une immense prudence. Ainsi, le BT, dont nous avons déjà parlé, est l’objet d’interrogations fortes ; sans doute convient-il de le manier avec plus de modération, et en tout cas de poursuivre la recherche.
Pour les PGM, deux questions subsistent. Après le Grenelle de l’environnement, tout le monde était convaincu qu’il fallait garantir le choix de cultures avec ou sans OGM, et surtout protéger les agriculteurs qui souhaitaient produire sans OGM.
Qu’en est-il dans le texte qui nous est proposé aujourd’hui ? L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à protéger clairement les cultures non OGM, en phase avec vos propres conclusions sur le Grenelle de l’environnement, monsieur le ministre d’État, et c’est heureux !
Comment imaginer dans un tel contexte la culture des PGM en pleine nature sans un encadrement, sans un protocole de culture, de distance, le tout dans la plus grande transparence, avec un suivi fondé sur le principe des commissions locales d’information ? Il faut aller jusqu’au bout de l’information et arrêter de fonctionner caché, comme cela a été le cas jusqu’à maintenant !
Je ne peux passer sous silence le fait que nous affilions l’agriculteur à une firme : une fois qu’il aura enclenché le processus, il n’y aura pas de retour possible.
Le projet de loi porte sur les OGM, et pas uniquement sur les PGM.
Voilà quelques années, Jean Bizet et moi-même avons pu observer aux États-Unis le transfert du gène laitier bovin sur le chromosome d’une truie. Les femelles auxquelles celle-ci a donné naissance produisent trois fois plus de lait qu’une truie non OGM.
Cet exemple illustre à la fois la performance scientifique, qui est assez exceptionnelle, et la porte ouverte à tout, et surtout au pire, que l’on voit se dessiner. En effet, demain, qui maîtrisera les abus ? Comment l’homme, qui se trouve être l’un des maillons du règne animal, va-t-il pouvoir maîtriser cette avancée ? Rien dans le projet de loi n’évoque ce sujet, pourtant essentiel, mes chers collègues.
Vous me direz que les progrès scientifiques suscitent toujours des retours en arrière, des inquiétudes ; Pasteur lui-même a failli se faire lyncher. Mais la situation n’était pas la même.
Si nous ne mettons pas des barrières fortes, l’humanité peut basculer : l’argent et le business aux commandes – aujourd’hui Monsanto, demain une autre firme –, la dérive éthique, la pollution environnementale… Monsieur le ministre d’État, vous avez vous-même évoqué les risques de contamination ; ceux-ci doivent nous obliger à constituer des barrières, des protections.
Le rôle du législateur devant toute avancée scientifique est de s’assurer que cette dernière est bien maîtrisée par l’homme, et au service de l’homme.
Faisons tout pour cela ! Que l’opérateur public puisse rester maître de la commande, afin d’éviter que, demain, une poignée d’individus ne s’accapare le monde.
MM. Roland Courteau et Thierry Repentin. Très bien !