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Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame Mme Bernadette Dupont membre du conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
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allocution de M. le président du sénat
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, c'est pour moi un grand plaisir de vous retrouver ici après ces six semaines d'interruption de nos travaux en séance publique.
Il faut bien le dire, pour la très grande majorité d'entre nous, il ne s'agissait pas de vacances ! Pendant cette période électorale, c'est à un travail de terrain très exigeant que, candidats ou non, nous nous sommes livrés.
J'adresse bien évidemment mes félicitations chaleureuses aux élus : à celles et à ceux qui commencent un nouveau mandat comme à celles et à ceux auxquels les électeurs ont renouvelé leur confiance, ce qui est votre cas, madame la ministre. Je n'aurai garde d'oublier celles et ceux à qui les urnes ont réservé un sort contraire, mais c'est la loi du genre dans une démocratie... Je les assure de ma sympathie, en sachant que toute carrière politique connaît des « hauts » et des « bas ».
Je n'oublie pas, surtout, que ces dernières élections constituent le premier degré des prochaines élections sénatoriales, qui auront lieu à la rentrée 2008 ! Nul doute que, six mois après les élections municipales et cantonales, les diverses situations qui en découleront attireront toute l'attention qu'elles méritent de la part de l'opinion et des médias.
Après cette rencontre avec le suffrage universel et ce contact privilégié avec nos concitoyens, nous reprenons donc aujourd'hui nos travaux en séance publique.
Notre ordre du jour est raisonnablement chargé pour les jours qui viennent. Je vous invite néanmoins à vous préparer à une montée en puissance importante du rythme de nos séances, si j'en juge par les annonces faites pour les semaines prochaines. Je pense particulièrement au projet de révision constitutionnelle, qui doit bien sûr retenir toute notre attention, car il s'agit d'une étape cruciale de la rénovation institutionnelle qui nous concerne toutes et tous.
Nul doute que les habitudes de réflexion commune contractées au sein de notre conférence des présidents aideront le Sénat à tenir toute sa place dans ce débat autour, bien entendu, de notre commission des lois.
À titre plus anecdotique, je me permets enfin de souligner, à l'intention du Gouvernement, qu'il est symbolique que notre séance de cet après-midi commence par une deuxième lecture. Sans doute est-ce délibéré et illustre le fait que le Gouvernement mesure toute la valeur de la navette parlementaire, qu'il est même moins enclin qu'on ne le dit parfois à déclarer l'urgence. Nous verrons par la suite si j'ai raison, madame la ministre...
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Démission de membres de commissions et candidatures
M. le président. J'ai reçu avis de la démission de M. Christian Cambon, comme membre de la commission des affaires culturelles, et de celle de M. Hubert Falco, comme membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du règlement.
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Chiens dangereux
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (nos 110, 184, 185).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux est la preuve que le débat parlementaire peut être la source d'améliorations sensibles des textes présentés par le Gouvernement.
Ce projet de loi a en effet bénéficié de la qualité du travail réalisé par les parlementaires. À cet égard, je tiens tout particulièrement à remercier Jean-Patrick Courtois, rapporteur, et Dominique Braye, rapporteur pour avis, qui ont considérablement enrichi le texte initial. C'est d'ailleurs bien dans cet état d'esprit que je souhaite travailler. Il n'y a pas lieu de polémiquer quand il s'agit de protéger nos concitoyens, souvent de jeunes enfants, contre des accidents qui entraînent des blessures handicapantes à vie, voire le décès.
Comme en première lecture, je serai très attentive, soyez-en assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, aux amendements que vous présenterez.
Par ailleurs, afin que la Haute Assemblée soit éclairée le mieux possible, j'ai veillé, ainsi que je m'y étais engagée, à faire en sorte que les projets de décret d'application de ce projet de loi soient élaborés sur la base du texte qui a été adopté à l'issue des travaux des deux assemblées et à vous les transmettre pour éviter l'adoption dans la loi de dispositions de nature réglementaire.
Je ne reviendrai pas sur les différentes étapes de la prise de conscience par nos concitoyens du danger que représente la détention de certains types de chiens, car nous les avons déjà longuement abordées en première lecture. Plusieurs accidents récents, qui ont coûté la vie à des enfants en bas âge, avaient d'ailleurs montré que les dispositions en vigueur étaient, à elles seules, insuffisantes et qu'il fallait aller plus loin.
La troisième étape est donc celle de la responsabilité.
Le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture place la responsabilisation des propriétaires et des détenteurs de chiens au coeur de notre dispositif. Il vise à renforcer notre action face aux dangers que représentent les chiens dans le cadre privé, en particulier dans le cadre familial. Pour ce qui concerne la voie publique, on peut considérer que les textes préalables ont atteint leurs objectifs.
Le texte tend également à améliorer les conditions de la prévention sans exclure une nécessaire et juste dimension répressive si nécessaire.
La prévention des accidents causés par les chiens est au coeur de ce projet de loi parce que notre rôle est d'éviter que ne surviennent des accidents ou des dommages aux personnes. Je souhaite donc prévenir les accidents liés aux chiens, en particulier aux chiens dits dangereux.
Avant de considérer le cas des chiens qualifiés de dangereux, je tiens à préciser que certaines mesures de prévention concernent l'ensemble des chiens.
C'est ainsi qu'un certificat vétérinaire sera désormais requis pour toute vente ou cession d'un chien par un professionnel. Ce document comportera un ensemble de recommandations sur les modalités de la garde de l'animal dans les espaces publics et privés et sur les règles de sécurité applicables.
En outre, un vétérinaire devra procéder à une évaluation comportementale périodique obligatoire. Prévue dans le texte initial pour toutes les espèces canines, celle-ci constituera une condition de la détention légale et un préalable à la formation.
Plusieurs mesures permettent de cibler notre action sur les chiens dangereux. J'aborderai tout d'abord la responsabilisation des maîtres, aspect du projet de loi qui est au coeur de son esprit même.
La responsabilisation des maîtres passera par une formation obligatoire et préalable pour tous les détenteurs de chiens d'attaque et de défense, mais aussi de tous les chiens ayant déjà mordu.
Cette formation, qui portera sur les règles d'éducation canine et les règles de sécurité applicables à ces chiens de défense et d'attaque, sera sanctionnée par une attestation d'aptitude à la détention de ces chiens. Comme nombre d'entre vous l'ont souligné en première lecture, un chien, ça s'éduque !
Un permis de détention des chiens de première et de deuxième catégories sera délivré par les maires. Il sera notamment subordonné à la présentation de pièces prouvant que la personne concernée a soumis son animal à une évaluation comportementale et a obtenu l'attestation d'aptitude.
Pourtant, si nous voulons que la responsabilisation soit effective, il nous faut renforcer - c'est peut-être regrettable, mais c'est obligatoire - la répression des comportements dangereux, qui en constitue le corollaire.
Trois dispositions ayant bénéficié d'apports parlementaires illustrent ce volet.
Il faut d'abord renforcer la répression des faits d'imprudence grave pouvant entraîner la mort. Le projet de loi comporte une aggravation graduelle de la répression des faits d'homicides et de blessures involontaires par accident.
Je souhaite également améliorer les conditions de remise d'un chien dangereux par le procureur dans le cadre d'une enquête. On le sait, lorsqu'il y a eu un accident, un chien dangereux peut être conservé pour les besoins de l'enquête. Mais, dès qu'il ne présentera plus d'utilité pour l'enquête, il sera remis à l'autorité administrative en vue de son placement et, le cas échéant, de son euthanasie.
Enfin, je souhaite que les délits relatifs à la garde et à la circulation des animaux soient désormais jugés par une formation composée d'un seul magistrat. C'est là une condition de l'efficacité de la réponse pénale, qui permettra d'éviter certaines lourdeurs, lesquelles, elles-mêmes, engendrent des longueurs qui atténuent la sanction liée au défaut de responsabilisation.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur l'ensemble du dispositif ; vous le connaissez déjà. De plus, je vous ai fait parvenir les projets de décrets.
Les chiens dangereux sont, pour nos concitoyens, une menace réelle - les accidents en sont, hélas, la preuve ! - et une menace concrète sur leur sécurité quotidienne. Nous avons le devoir de répondre aux attentes des Français, de garantir leur sécurité et de créer les conditions nécessaires pour que chacun d'eux se sente plus responsable au sein de la société.
Ce projet de loi constitue un apport qu'il convient de ne pas surestimer, mais qui est néanmoins important pour ceux qui espèrent dorénavant vivre avec moins de craintes.
Je vous remercie par avance du concours que chacun d'entre vous apportera à l'amélioration de ce projet de loi au cours de cette discussion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection contre les chiens dangereux, examiné en première lecture au Sénat le 7 novembre dernier et adopté par l'Assemblée nationale le 28 novembre, revient en discussion en deuxième lecture devant notre assemblée.
Sur ce sujet qui préoccupe tous les Français, notamment les parents d'enfants en bas âge, je voudrais saluer votre détermination, madame le ministre, qui a été illustrée en particulier le 12 mars dernier lorsque vous avez ordonné le démantèlement de plusieurs élevages clandestins.
Comme vous le savez, en première lecture, en accord avec la commission des affaires économiques, saisie pour avis, la commission des lois a amélioré la rédaction du texte. Je tiens d'ailleurs à signaler que cette collaboration fructueuse avec notre collègue Dominique Braye s'est poursuivie, puisque nos propositions sont de nouveau communes.
Parmi les améliorations du texte apportées par le Sénat en première lecture, je mentionnerai, à l'article 1er, le choix d'imposer une évaluation comportementale d'un chien jugé menaçant par le maire avant d'imposer une formation à son maître, afin d'éviter les formations inutiles.
Je mentionnerai également l'obligation de transmission au maire de la commune de l'évaluation comportementale d'un chien dangereux, afin de lui permettre de prendre une décision sur ce chien en toute connaissance de cause.
Je signalerai aussi le nouvel article 5 ter, qui institue l'obligation d'obtention d'une formation spécifique pour les agents de gardiennage et de surveillance utilisant des chiens.
Je veux encore mentionner la suppression de dispositifs difficiles à mettre en oeuvre ou vraiment éloignés de l'objet visé par le texte. Je pense à celui qui figurait à l'article 12 et devait permettre aux vétérinaires des « dispensaires » des associations de protection des animaux d'obtenir des facilités pour la délivrance des médicaments vétérinaires.
Un amendement du Gouvernement, sous-amendé par la commission et devenu l'article 8 bis, a institué des infractions d'homicide et de blessures involontaires résultant de l'agression d'une personne par un chien à l'encontre du propriétaire ou de celui qui le détenait au moment des faits.
En outre, le Sénat a instauré à l'article 4 bis, sur l'initiative de notre collègue Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, un dispositif imposant une évaluation comportementale des « gros chiens » et il a créé, à l'article 1er A, un observatoire du comportement canin, sur proposition de nos collègues du groupe socialiste.
L'Assemblée nationale a exprimé son accord avec le Sénat sur ses grandes orientations. À cet égard, je veux souligner que nous avons travaillé en bonne intelligence avec notre collègue Catherine Vautrin, rapporteur à l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a toutefois supprimé plusieurs articles adoptés par le Sénat.
Elle a supprimé l'observatoire du comportement canin prévu à l'article 1er A, en liaison avec l'instauration d'une mission d'information sur la filière canine par sa commission des affaires économiques.
L'Assemblée nationale a aussi supprimé les articles 2, 3 et 5 bis du texte par coordination avec l'introduction d'un nouvel article 2 bis A imposant un permis de détention aux propriétaires et détenteurs de chiens de première et de deuxième catégories. Ces personnes devraient toujours, au préalable, obtenir une attestation d'aptitude et soumettre leur chien à une évaluation comportementale.
Elles devraient, en outre, fournir les preuves de la vaccination antirabique du chien, de son identification et, le cas échéant, de sa stérilisation, ainsi qu'une assurance garantissant leur responsabilité civile en cas d'accident.
Plusieurs permis pourraient être délivrés pour un seul animal et il serait interdit de confier l'animal à une personne qui ne détient pas le permis. En outre, les propriétaires ou détenteurs du chien devraient présenter ce permis à chaque réquisition des forces de l'ordre lorsqu'ils se promènent avec leur animal sur la voie publique. Ce système est donc très strict, même trop probablement.
Les députés ont aussi supprimé l'article 4 bis, relatif à l'évaluation comportementale des gros chiens, estimant que le dispositif pourrait être complexe et que le critère du poids n'était pas le plus pertinent pour évaluer la dangerosité d'un chien.
Par ailleurs, à l'article 3 bis, les députés ont habilité le ministre de l'agriculture à procéder à la mise en oeuvre d'un traitement automatisé ayant pour finalité la gestion de l'identification des propriétaires successifs de chiens, de celle des ces chiens et le suivi administratif des obligations auxquelles les propriétaires sont astreints. En fait, ce fichier existe déjà depuis longtemps, mais il s'agit d'étendre ses capacités.
L'Assemblée nationale a également instauré, à l'article 4, l'obligation d'une déclaration des morsures de chiens par « tout professionnel en ayant connaissance dans l'exercice de ses fonctions ».
Elle a accepté le principe, dont le Sénat avait pris l'initiative, de la formation spécifique pour les agents de surveillance et de gardiennage utilisant des chiens, tout en l'insérant dans la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité plutôt que dans le code rural.
Les députés ont enfin prévu, aux articles 17 à 22, les coordinations nécessaires à l'application de la législation sur les chiens dangereux dans les collectivités françaises du Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna.
À l'issue de cet examen en première lecture par l'Assemblée nationale, la commission des lois souhaite modifier le texte sur plusieurs points.
Tout d'abord, plusieurs de ses amendements visent à « nettoyer » quelques scories rédactionnelles ou erreurs de référence qui nuisent à la clarté du dispositif ; il en est ainsi aux articles 13 et 20.
Par ailleurs, la commission vous proposera, mes chers collègues, plusieurs améliorations sur le fond.
Elle vous suggérera, à l'article ler, de supprimer une précision qui ne lui semble pas nécessaire et qui, de plus, est introduite par un « notamment », terme si contesté par les membres de la commission des lois ! (Sourires.)
Elle vous proposera ensuite, à l'article 3 bis, de préciser l'objet du fichier national canin ainsi que les garanties prévues pour la protection des données personnelles.
À l'article 4, relatif aux chiens « mordeurs », elle vous proposera de rétablir le principe de la déclaration des morsures de chiens par leur propriétaire ou détenteur, précision qui a malencontreusement été retirée dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
À l'article 4 bis, la commission n'a pas déposé d'amendement, mais elle soutiendra l'amendement de notre collègue Braye qui tend à rétablir le dispositif de l'évaluation comportementale des gros chiens, par cohérence avec notre position de première lecture.
Sur ce point, tout le monde constate que ce sont les chiens les plus puissants qui sont à l'origine des accidents les plus graves et que, bien souvent, ils n'entrent pas dans les catégories de la loi de 1999, qui sont insuffisantes.
J'ai suivi attentivement les débats de nos collègues députés sur ce point. Pas un argument valide n'a été opposé à cette initiative. Il faut élargir le « spectre » des chiens soumis à évaluation comportementale, afin de mieux déceler les animaux souffrant de troubles.
De plus, ce dispositif laisserait une grande marge de manoeuvre au Gouvernement, puisque c'est lui qui, par arrêté interministériel, fixerait le poids ou les critères à prendre en considération pour définir les chiens concernés. Nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des amendements.
À l'article 5 ter, la commission des lois vous proposera d'améliorer encore le dispositif relatif aux personnes exerçant des activités de surveillance et de gardiennage en utilisant des chiens. Ces personnes devraient obtenir une qualification professionnelle spécifique.
L'amendement que j'ai déposé a plusieurs objectifs : mieux insérer cette réforme dans la loi du 12 juillet 1983 et l'adapter à l'institution d'une carte professionnelle pour les intéressés à compter de mars 2009, mais aussi mieux prendre en considération les personnes qui exercent cette activité « en indépendant ».
À l'article 8 bis, relatif aux sanctions pénales prévues pour l'homicide et les blessures involontaires résultant de l'agression d'une personne par un chien, la commission des lois vous proposera un amendement de coordination et un amendement de cohérence supprimant une circonstance aggravante qui, après réflexion, ne paraît pas nécessaire.
À l'article 13, relatif aux dispositions transitoires, la commission vous proposera d'adapter le délai prévu pour l'obtention du permis de détention, afin que ce délai soit plus long que celui qui est prévu pour l'obtention de l'attestation d'aptitude nécessaire à l'obtention du permis. C'est une question de cohérence.
En pratique, propriétaires et détenteurs de chiens de première et de deuxième catégories devraient avoir obtenu ce permis au plus tard au 31 décembre 2009.
Cette date butoir serait aussi applicable aux personnes exerçant des activités de surveillance et de gardiennage à l'aide d'un chien pour qu'elles obtiennent la qualification professionnelle prévue à l'article 5 ter.
Enfin, et c'est le plus important, tout en validant le principe du permis de détention, je vous suggérerai de l'amender.
Il s'agit d'abord de clarifier la rédaction du dispositif. Au lieu de concentrer dans un même article l'obligation d'attestation d'aptitude, d'évaluation comportementale et de permis de détention, la commission vous proposera, dans un souci de lisibilité, de rétablir l'article 2 afin de préciser les deux conditions fondamentales à la délivrance du permis aux propriétaires ou détenteurs de chiens de première et de deuxième catégories : l'obtention d'une attestation d'aptitude et la soumission de l'animal à une évaluation comportementale, l'article 2 bis A étant spécifiquement consacré au permis.
Ensuite, sur le fond, la commission vous proposera d'adapter le système du permis pour qu'il puisse être mis en oeuvre rapidement et sereinement. Ainsi, je vous soumettrai un amendement visant à supprimer l'interdiction de confier un chien de première ou de deuxième catégorie à une personne non titulaire du permis et à exonérer de l'obtention de l'attestation d'aptitude et du permis les personnes à qui le chien est confié à titre temporaire par son propriétaire ou son détenteur « habituel ».
Cette adaptation est nécessaire : on ne va pas imposer un permis à un voisin ou à un enfant majeur qui rend service en gardant le chien, un après-midi par exemple. De plus, il ne faut pas « déresponsabiliser » les propriétaires et détenteurs habituels : ces personnes ont des chiens qui les astreignent à des contraintes légales spécifiques. Il ne faut pas qu'elles puissent ignorer ces contraintes dès lors qu'elles laissent le chien à la garde de quelqu'un d'autre.
Mes chers collègues, sous réserve de ces observations et de l'adoption des amendements que je viens de vous présenter, je vous propose d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a décidé de présenter un avis en deuxième lecture sur le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.
Ce choix, qui n'est pas habituel, n'est pas uniquement motivé par le souhait de prolonger la fructueuse et cordiale coopération avec la commission des lois, saisie au fond, même si j'ai été très heureux de poursuivre avec son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, notre amicale collaboration et une réflexion commune qui, comme en première lecture, ont débouché sur des propositions, elles aussi, très largement communes.
Instruit par les insuffisances de la loi du 6 janvier 1999, qu'il avait décelées dès sa discussion, et par l'expérience de son application, le Sénat avait souhaité, en première lecture, tirer le meilleur parti des outils de prévention que met en place le texte important que vous nous proposez, madame le ministre, en particulier en élargissant leur champ d'application. L'Assemblée nationale ne nous a pas suivis sur ce point, qui nous paraît pourtant essentiel.
Mais, avant de revenir sur cette importante divergence, je voudrais insister sur le dialogue très constructif qui, sur beaucoup de points, comme l'a rappelé Jean-Patrick Courtois, s'est déjà établi entre les deux assemblées et le Gouvernement et saluer le travail accompli par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, et son rapporteur, Mme Catherine Vautrin.
Certaines dispositions ont déjà été adoptées conformes : je pense en particulier à celle qui prévoit, lors de chaque cession d'un chien, la délivrance d'un certificat vétérinaire comportant un certain nombre d'informations et de recommandations à l'usage de l'acquéreur. Ce dispositif sera un peu lourd, puisque l'on compte chaque année environ un million de transactions portant sur des chiens, mais il sera certainement très utile, comme vous l'avez rappelé, madame le ministre.
Je me félicite aussi que les deux assemblées aient résolu de façon réaliste et raisonnable, avec l'accord du Gouvernement, le problème que posait le sort des animaux de première catégorie détenus sans violation de la loi. Il est désormais acquis que leur situation pourra être régularisée, à condition qu'une évaluation comportementale ait établi qu'ils ne présentaient pas de danger particulier. C'est là, je crois, une solution de bon sens, cohérente avec l'esprit et le dispositif du projet de loi, et qui restera applicable dans le contexte du nouveau « permis de détention » dont l'Assemblée nationale a prévu la mise en place.
Nous vous proposerons d'ailleurs, en accord avec la commission des lois, de prolonger cette logique en prévoyant que, dans le cadre de l'instruction de toutes les demandes de permis de détention, les évaluations comportementales des chiens soient communiquées au maire, qui pourra alors refuser de délivrer le permis en fonction des résultats.
Vous en conviendrez, madame le ministre, mes chers collègues, il ne serait en effet pas concevable, dès lors qu'il aura été procédé à l'évaluation comportementale de l'animal, que le maire ne dispose pas de cette évaluation. Il serait encore moins concevable que l'on reste dans la logique de compétence liée, qui est celle du texte actuel, et qui pourrait conduire à délivrer un permis pour un chien dont l'évaluation aurait révélé une réelle dangerosité.
L'Assemblée nationale a aussi partagé notre souci de ne pas multiplier les évaluations et formations inutiles : elle a repris les dispositions que nous avions adoptées pour subordonner l'obligation de formation des maîtres des chiens mordeurs ou des chiens dont les maires estiment qu'ils présentent un danger aux résultats de l'évaluation comportementale de ces animaux.
L'Assemblée nationale nous a également suivis sur la fixation à l'âge de la puberté de la première évaluation comportementale des chiens de première et deuxième catégories.
Comme nous, elle a souhaité que l'évaluation comportementale des chiens soit communiquée au maire, ce qui est tout de même la moindre des choses, surtout quand c'est le maire lui-même qui l'a demandée !
Comme je viens d'évoquer les nouvelles obligations de formation et d'évaluation comportementale imposées aux détenteurs de chiens dangereux ou mordeurs, permettez-moi de vous remercier très sincèrement d'avoir répondu à notre demande d'information sur les conditions d'application du projet de loi en nous communiquant les projets de décrets déjà élaborés par les services du ministère de l'intérieur et du ministère de l'agriculture et de la pêche.
Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur ces projets de décrets lors de la discussion des articles, mais je voudrais dès à présent évoquer ce qui est prévu pour la formation des détenteurs de chiens.
Cette formation se déroulerait sur une journée, dont une moitié serait consacrée à la formation théorique et une autre à la formation pratique. Nous savions bien, je l'avais d'ailleurs indiqué en première lecture, que cette formation devrait, par la force des choses, être assez brève. Nous étions aussi tout à fait conscients de la difficulté de l'organiser et de la rendre accessible sur l'ensemble du territoire dans des délais très courts. Cependant, même si le programme de cette journée de formation, qui devra être aussi complet que possible, est défini de façon ambitieuse, il semble difficile, madame le ministre, que cette journée unique suffise à permettre à un maître novice de maîtriser parfaitement un chien, surtout si ce chien est considéré comme dangereux.
Il me paraît donc indispensable - je souhaite attirer votre attention sur ce point - de compléter très rapidement cette formation de base par des actions vigoureuses en matière d'information du grand public, en particulier des enfants, qui constituent, je le rappelle, la population la plus exposée aux risques d'agressions canines.
Quoi qu'il en soit, ce projet de décret me conforte encore davantage, si cela est possible, dans la conviction que l'évaluation comportementale constitue l'élément fondamental de la politique de prévention que nous devons mettre en place. J'aurai l'occasion d'y revenir dans la suite de mon propos.
Suivant une autre proposition commune aux deux commissions saisies, le Sénat avait, en première lecture, posé la première pierre d'un dispositif destiné à assurer une formation minimale des agents cynophiles privés et à responsabiliser leurs employeurs. Tout en améliorant la rédaction proposée, l'Assemblée nationale a retenu cette idée, qu'elle a inscrite dans la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité.
M. le rapporteur et moi-même vous proposeront, mes chers collègues, de poursuivre dans cette voie, en précisant en particulier la portée de l'obligation de formation, qui devra être étendue aux travailleurs non salariés.
Nous vous proposerons aussi, sous réserve d'ajustements rédactionnels et techniques, de retenir les deux principales innovations introduites par l'Assemblée nationale.
La première porte sur l'inscription dans la loi du fichier national canin, dont la modernisation, qui était bien nécessaire, est en cours. Elle comblera au moins en partie les lacunes actuelles de notre appareil statistique et permettra, nous l'espérons tous, d'améliorer le contrôle et le suivi de l'application des textes.
La seconde, qui a davantage retenu l'attention, prévoit la création d'un permis de détention des chiens de première et deuxième catégories. Ce permis serait délivré en lieu et place de l'actuel récépissé de déclaration, et dans les mêmes conditions. Même si cette innovation ne change pas fondamentalement les choses, elle est cohérente avec les nouvelles obligations imposées aux détenteurs de chiens de première et deuxième catégories et va dans le sens de leur responsabilisation. À ce double titre, il s'agit à mes yeux d'une excellente idée.
M. le rapporteur et moi-même avons cependant estimé qu'il ne faudrait pas que cette bonne idée se traduise par un alourdissement excessif des procédures et des contraintes liées à la détention des chiens « classés ». Je partage entièrement, à cet égard, le jugement du rapporteur sur la difficulté d'application de certaines des mesures prévues, qui pourraient conduire paradoxalement, madame le ministre, à une certaine déresponsabilisation des détenteurs de ces chiens, comme nous pouvons d'ailleurs le constater sur le terrain depuis l'application de la loi du 6 juillet 1999.
Je voudrais en effet vous rappeler, mes chers collègues, que les détenteurs de chiens de première et deuxième catégories qui respectent la loi ne sont, hélas, qu'une petite minorité. Il faut donc éviter de renforcer, en même temps que les contraintes, la tentation de la clandestinité, en évitant de pénaliser à l'excès les citoyens responsables qui se sont conformés à la loi.
Il faut également être attentif à ne pas encourager la demande qui se porte vers des chiens au moins aussi dangereux que ceux qui ont été « catégorisés » par la loi de 1999, mais dont la détention n'est soumise à aucune contrainte. Comme vous tous, je pense aux différentes variétés de dogues et aux cane corso, qui se multiplient actuellement sur notre territoire.
Cette dernière observation me conduit très directement à évoquer la divergence de vues que nous avons actuellement avec l'Assemblée nationale concernant une mesure de prévention qui nous semble essentielle, à savoir l'évaluation comportementale. En effet, lorsqu'ils atteignent l'âge adulte, des chiens peuvent être particulièrement dangereux en raison de leur puissance et donc de leur poids.
L'évaluation comportementale est le moyen le plus léger et le plus efficace pour « dépister » les chiens à risque et constitue aussi, aujourd'hui, la seule mesure préventive susceptible d'être efficace dans des délais relativement brefs.
Cependant, selon le texte qui nous est soumis, seuls seraient assujettis à une évaluation comportementale systématique les chiens de première et deuxième catégories déclarés. Or, entre 1999 et 2007, il y aurait eu environ 185 000 déclarations pour une population actuellement estimée à plus de 650 000 animaux. Ce chiffre de 185 000 ne représente, mes chers collègues, que 2 % de la population canine !
Madame le ministre, peut-on vraiment mener une politique de prévention efficace en limitant aussi étroitement le champ de l'évaluation comportementale obligatoire, étant rappelé, par ailleurs, que 93 % des morsures recensées entre octobre 2006 et octobre 2007 étaient le fait de chiens non classés, à l'instar de l'accident qui est survenu ce week-end dans votre ville, monsieur le rapporteur, et que 75 % des accidents mortels répertoriés sont également imputables à des chiens non « catégorisés » ?
Je sais bien qu'il est également prévu de soumettre à une évaluation comportementale tous les chiens « mordeurs ». C'est sûrement une mesure très utile, même si elle suppose, pour être pleinement efficace, que toutes les morsures soient effectivement déclarées. Mais elle n'assure pas, à mon avis, un niveau de prévention suffisant.
En effet, la première morsure peut être très grave : nous n'avons eu que trop d'exemples de ces accidents soudains, qui se sont soldés par des morts dramatiques, en particulier d'enfants.
Il est évident que la très grande majorité de ces agressions résultent de troubles qui auraient été décelés lors d'une simple évaluation.
J'observe que le fait d'imposer l'évaluation comportementale d'un chien après qu'il a déjà mordu est une mesure à peu près aussi logique que celle qui consisterait à imposer le permis de conduire après le premier accident de voiture.
Mes chers collègues, la mesure que nous avions adoptée en première lecture laissait toute latitude au Gouvernement pour en prévoir une application aussi progressive et graduée qu'il le souhaite.
Par ailleurs, cette application serait en fait assez simple : le certificat vétérinaire remis pourra informer les acquéreurs de chiens susceptibles d'être soumis à cette obligation ; la modernisation du fichier national canin, qui mentionnera le poids prévisible des chiens à l'âge adulte et l'exécution des obligations administratives imposées à leur propriétaire, permettra d'assurer le suivi.
Je tiens également à souligner, madame le ministre, qu'aucun pays n'a réussi à développer une politique efficace de prévention des agressions canines en se limitant au contrôle de certains types de chiens dits « dangereux », et cela même lorsque ces derniers sont définis de façon beaucoup plus large que chez nous. Nous ne comblerons donc pas notre retard en ce domaine en continuant de focaliser l'essentiel de nos efforts sur seulement 2 % de la population canine, qui est responsable de seulement 7 % des morsures déclarées.
La catégorisation décidée en 1999 a été, en termes de prévention - tous ceux qui s'occupent de chiens le reconnaissent -, une erreur lourde de conséquences. Nous ne devons pas, madame le ministre, la renouveler aujourd'hui, alors que nous avons les moyens de mettre en place un dispositif peu contraignant, qui permettra non seulement une détection efficace des chiens présentant une réelle dangerosité, mais aussi une responsabilisation de tous les maîtres, par la délivrance de conseils très utiles.
Enfin, nous avons été quelques-uns, lors de la première lecture, à nous inquiéter du coût pour les propriétaires de chiens des mesures prévues par le projet de loi.
Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut entretenir nos concitoyens dans l'illusion que la possession d'un chien ne crée aucune obligation, aucune responsabilité, et il est tout à fait normal que les propriétaires de certains animaux soient soumis à des obligations justifiées par les exigences de la protection du public et, d'abord, de leur propre famille.
Pour autant, on ne peut que partager le souhait exprimé par le rapporteur de l'Assemblée nationale, à savoir que les examens et formations imposés par la loi aient un coût raisonnable et homogène sur tout le territoire. Je sais, madame le ministre, que cette préoccupation est aussi la vôtre. Pour ce qui est des formations, la définition par voie réglementaire de leur contenu, ainsi que les procédures d'agrément et de contrôle des intervenants, devraient permettre de parvenir à ce résultat.
Concernant les évaluations comportementales imposées par la loi, il semble également nécessaire, dans l'intérêt aussi bien des praticiens que des propriétaires ou détenteurs de chiens, d'assurer une certaine harmonisation des tarifs qui seront pratiqués, ces derniers étant naturellement variables selon la complexité de l'évaluation d'un animal à l'autre. Nous vous proposerons donc, mes chers collègues, un amendement en ce sens.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je conclurai mon propos en précisant que, comme en première lecture, la commission des affaires économiques a émis à l'unanimité, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle m'a chargé de vous présenter, un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)