M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 61, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les produits d'alimentation humaine ou animale, composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés, y compris les produits ou sous-produits d'animaux élevés avec une alimentation à base d'organismes génétiquement modifiés, que ces produits soient français ou importés, sont soumis à l'étiquetage mentionnant « avec OGM ».
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Comme la majorité parlementaire, M. le rapporteur considère que, puisque « les consommateurs ont des OGM dans leur assiette depuis dix ans », ils sont d'accord pour en manger !
Voilà une belle philosophie, qui consiste à tirer profit de l'absence d'information des gens pour interpréter leur silence comme valant acceptation.
En parlant d'une « absence d'information », je suis indulgent, car l'information diffusée par le site interministériel consacré aux OGM, ogm.gouv.fr, s'apparente plutôt à une information trompeuse.
Ainsi, à la question de savoir s'il y a des OGM dans nos assiettes, voici ce qu'il y est répondu : « À la demande de la France et d'autres États membres, l'Union européenne a imposé que tous les produits alimentaires contenant plus de 0,9 % d'OGM ou de produits dérivés d'OGM soient étiquetés afin que les consommateurs puissent être correctement informés et faire leur propre choix. Tout consommateur est donc informé de la présence d'OGM dans ses aliments. Soucieux de la sensibilité de l'opinion publique, les industriels et les producteurs évitent le recours à des OGM (approvisionnement auprès de filières garantissant la non-utilisation d'OGM [...], etc.). Ainsi, les produits OGM sont extrêmement rares en France dans les linéaires, mais font toujours l'objet d'une information complète du consommateur. »
Cette lecture vous laisse sans aucun doute pantois, mes chers collègues. Mettez-vous à la place, si vous en êtes encore capables, de nos concitoyens !
Que pensez-vous de l'affirmation selon laquelle les producteurs auraient très peu recours aux OGM, alors même que M. le rapporteur affirme que « 80 % des besoins en protéines animales de nos bêtes proviennent de sojas génétiquement modifiés ». Qui doit-on croire ?
En ce qui concerne l'étiquetage, le Gouvernement affirme sur le site précité que « tout consommateur est donc informé de la présence d'OGM dans ses aliments ». Excusez-moi de le dire aussi brutalement, mais c'est pur mensonge !
Aujourd'hui, dans les linéaires des grandes surfaces, aucun produit ne porte la mention « avec OGM » ni « peut contenir des OGM ». Le consommateur est seulement informé de l'absence d'OGM ou, en tout cas, que l'aliment ne dépasse pas le seuil réglementaire.
Afin que les consommateurs puissent acheter les produits alimentaires en toute connaissance de cause, nous estimons essentiel de recourir à un étiquetage positif. C'est ce à quoi vise notre amendement.
Nous demandons donc que les produits d'alimentation humaine ou animale, composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés, y compris les produits ou sous-produits d'animaux élevés avec une alimentation à base d'organismes génétiquement modifiés, soient soumis à l'étiquetage mentionnant « avec OGM ».
De plus, afin d'éviter toute distorsion de concurrence entre les produits nationaux et importés, nous souhaitons une application générale de ces règles.
En 2004, en réponse à une question posée par notre collègue Michel Sergent sur l'étiquetage, le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales indiquait qu'un tel étiquetage était impossible dans la mesure où « les règles des pays tiers en matière de traçabilité et d'étiquetage [...] sont, dans la plupart des cas, moins contraignantes que les règles communautaires ».
C'est une fausse excuse, comme sont tout aussi fausses les excuses tirées de problèmes techniques. Les pouvoirs publics doivent informer nos concitoyens de manière effective et dans la plus grande transparence. Or tel n'est pas le cas aujourd'hui, ni pour les semences ni pour l'alimentation.
Le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux de garantir au consommateur la liberté effective de ses choix en toute connaissance de cause, liberté affichée dans le projet de loi, vous demande de voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 533-7 du code de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés, y compris les produits et sous-produits d'animaux élevés avec une alimentation composée en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés sont soumis à étiquetage ».
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Le présent projet de loi prévoit très clairement que les cultivateurs pourront faire le choix d'une agriculture avec ou sans OGM. C'est parfait ! Partant, il nous semble normal que le consommateur puisse quant à lui choisir de consommer des produits avec ou sans OGM.
À titre personnel, cela ne me dérange pas de consommer un yaourt fabriqué à base de lait provenant d'une vache nourrie au moyen de tourteaux de soja OGM. Néanmoins, je préférerais que le consommateur en soit informé lorsqu'il fait ses achats.
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques. Cela arrive tous les jours !
M. Jean-Marc Pastor. C'est une question de transparence ! Le consommateur doit savoir ! L'étiquetage est important, car il permet au citoyen de faire ses choix en connaissance de cause.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Ce débat a déjà été tranché par la Commission européenne, qui a estimé qu'il n'était pas opportun d'étiqueter les produits d'animaux nourris aux OGM, en raison de l'absence d'OGM dans ces produits. Il serait donc contraire au droit communautaire d'imposer un tel étiquetage.
En outre, dans la mesure où la majorité du bétail français est nourrie à partir d'OGM, si cette obligation était imposée, elle aurait un effet déstabilisant sur l'ensemble des filières animales - lait, viande -, et conduirait même à leur effondrement total. En avez-vous bien conscience ?
Notre collègue Gérard Le Cam, en tant qu'élu breton, connaît mieux que quiconque le mode alimentaire du cheptel porcin et des volailles de sa région.
Notre collègue Jean-Marc Pastor, quant à lui, qui est quelqu'un de raisonnable, nous a déclaré ne pas hésiter à consommer des yaourts fabriqués à base de lait provenant de vaches nourries avec des tourteaux de soja OGM. Mais les fantasmes que suscitent les OGM sont si nombreux que, si nous devions adopter les mesures visées dans ces deux amendements, je le répète, ce sont toutes les filières animales qui s'effondreraient.
M. Jean-Marc Pastor. Crevons l'abcès !
M. Jean Bizet, rapporteur. Mais vous ne crèverez aucun abcès ! En revanche, ce sont les éleveurs qui mourront !
D'un point de vue scientifique, pourquoi la Commission européenne a-t-elle précisément statué de la sorte ? Tout simplement parce les analyses qu'elle a fait réaliser n'ont jamais révélé la moindre trace d'OGM. Mme Blandin, M. Muller et, plus encore, M. Raoul savent très bien que toute protéine finit en acide aminé.
Honnêtement, dans ce souci de transparence qui nous anime tous, à droite comme à gauche - je ne voudrais pas faire d'ostracisme vis-à-vis des uns ou des autres -, gardons-nous de tout excès, car il faut absolument éviter de nourrir des fantasmes qui ont cours en la matière !
Si, comme l'a dit Jean-Marc Pastor, il y a un abcès important à crever dans ce pays, c'est celui du triptyque « peur-médiatisation-interdiction ».
D'une part, croyez-moi, au moment où la France s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne, le 1er juillet prochain, cette obligation d'étiquetage des viandes pourrait être considérée comme un message anti-communautaire et risquerait d'être très mal perçue par les vingt-six autres États membres.
D'autre part, en toute honnêteté, les sénateurs de départements à forte activité agricole, comme Jean-Marc Pastor, Gérard Le Cam ou moi-même...
Mme Nathalie Goulet. Et moi !
M. Jean Bizet, rapporteur. ... et vous aussi, bien sûr, ma chère collègue, ainsi que bien d'autres membres de notre assemblée, pourraient témoigner des fantasmes qu'une telle obligation ferait naître. Mes chers collègues, je vous demande de bien mesurer l'onde de choc qui en découlerait, risquant d'entraîner - je le dis très sérieusement - un effondrement des filières animales.
Franchement, nous y reviendrons sans doute lorsque nous évoquerons les négociations OMC à la fin de ce débat, d'autres ondes de choc sur les filières animales se préparent. N'en ajoutons pas une autre !
C'est pourquoi la commission est foncièrement défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Il s'agit là d'une question importante. Il est vrai qu'une très forte demande existe chez les consommateurs, qui voudraient être mieux informés sur le contenu de leur assiette. Cette revendication est tout à fait légitime, et le Gouvernement s'est fermement engagé à agir pour mieux la satisfaire.
De réels problèmes techniques se posent toutefois, dont certains ont été soulevés par M. le rapporteur.
Si des études tendent à montrer - nous avons d'ailleurs évoqué au cours de la discussion ou lors du Grenelle de l'environnement la durée de ces analyses - que certains types d'OGM peuvent modifier le métabolisme des animaux, en revanche, la présence d'OGM n'a jamais pu être prouvée dans le produit d'origine animale lui-même, qu'il s'agisse du lait - je félicite vivement le sénateur Jean-Marc Pastor de manger des yaourts, c'est très bon pour la santé ! (Sourires) - ou de la viande, pour une raison simple qui a été évoquée par M. le rapporteur : les produits se sont dégradés et transformés en acides aminés.
Il existe une autre difficulté technique importante : Comment, sans porter atteinte aux règles élémentaires de la concurrence, étiqueter les produits issus d'animaux qui ont mangé des OGM ? L'équité ne pourrait être respectée qu'en étiquetant aussi les produits importés. Mais comment est-ce possible alors qu'aucune traçabilité n'est garantie dans les pays d'origine ?
C'est la raison pour laquelle, en l'état actuel des choses, le Gouvernement peut difficilement approuver ces amendements.
Cela dit, ces questions ne concernent pas seulement la France : elles se posent dans d'autres pays de l'Union. Une vaste réflexion sur cette question est nécessaire à l'échelon européen, et nous souhaitons y revenir dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Sans plus attendre, le Conseil national de la consommation a été saisi de ce sujet et en a débattu en janvier dernier. Il va approfondir sa réflexion, dégager des pistes, formuler des recommandations, proposer des solutions, en prenant en compte, d'une part, l'exigence à la fois très forte et tout à fait légitime des consommateurs et, d'autre part, les diverses difficultés techniques qui se posent, y compris au regard des règles de concurrence.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. Jean Bizet, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 61.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous débattons de la pertinence d'un étiquetage positif, c'est-à-dire faisant état de la présence d'OGM, tel que le propose M. Le Cam.
Les arguments avancés par M. le rapporteur portent en eux-mêmes une certaine incohérence. D'un côté, il craint, entre autres tragédies, l'effondrement total de la consommation du marché de viande. De l'autre, tout en constatant que l'appétit des consommateurs se porte sur des produits indemnes d'OGM, il est en train de promouvoir un projet de loi qui vise à en légaliser la présence un peu partout et en cachette.
Par ailleurs, les règles communautaires, dont nous avons débattu hier soir lors de l'examen du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne, nous imposent de ne pas entraver la concurrence. Mais l'étiquetage vertueux, qui est l'application du principe de précaution, relève de la subsidiarité et ne dépend que des États eux-mêmes ; il n'est donc pas considéré comme une entrave à la concurrence.
Prenons l'exemple de l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics, y compris dans les restaurants, et de l'accueil des fumeurs dans des endroits prévus à cet effet. Chaque État se conforme à ces obligations à son rythme. Mme Payet, quant à elle, s'est mobilisée pour qu'un message d'alerte à l'intention des femmes enceintes figure sur les boissons alcoolisées. Il s'agit d'une initiative franco-française, qui n'est pas considérée comme une entrave à la concurrence et qui n'est pas contestée au niveau européen.
Vous me direz que c'est un problème de faisabilité. Mais vous avez tous entendu parler de la promotion de ces oeufs de poules nourries aux Oméga 3 ou de ces volailles qui n'ont mangé que du grain. Dans ces cas-là, la traçabilité est possible...
Vous invoquez le fait que nous importons des produits de pays où il n'y a aucune traçabilité. Soit. Eh bien, tant pis pour ces pays ! Nous ne les obligeons à rien ! Nous aurons donc une production française, dont l'étiquetage vertueux prouvera qu'elle est exempte d'OGM. C'est peut-être cela, la vraie richesse !
Vous le savez, sur les marchés internationaux, le prix de la tonne de maïs français sans OGM est de 210 euros et le prix de la tonne de maïs américain avec OGM, de 150 euros. Cela vaut peut-être la peine de favoriser la vraie richesse franco-française : les produits de qualité de nos terroirs.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mon propos sera bref, car ma collègue a bien montré l'incohérence des propos de M. le rapporteur. Je ne parlerai donc pas ici des fantasmes vis-à-vis des OGM, mais je commenterai son argument selon lequel cette proposition serait « anti-communautaire ».
Franchement, monsieur le rapporteur, où avez-vous vu que cet étiquetage vertueux était anti-communautaire ? C'est votre lecture de la directive européenne qui relève du fantasme : à partir du moment où ce n'est pas écrit, c'est interdit. C'est tout le contraire ! Certaines normes sur l'étiquetage figurant dans la directive européenne sont obligatoires et doivent être respectées. D'autres sont simplement facultatives et le choix est laissé aux États. Mais elles ne sont pas pour autant anti-communautaires !
Monsieur le rapporteur, j'attends que vous lisiez dans cet hémicycle l'article de la directive européenne en vertu duquel l'adoption de cet amendement serait interdite.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Je voudrais insister plus particulièrement sur l'aspect économique de cette question.
Le modèle qui est défendu implicitement par M. le rapporteur est le modèle productiviste, reposant sur des importations massives de produits OGM, qui, de toute façon, continueront d'envahir nos territoires dans la mesure où ils sont récoltés dans des pays où les structures agricoles sont immenses.
Le Président de la République a parfois parlé de protection aux frontières. Évidemment, on ne va pas instaurer des barrières douanières, qui ne seraient pas en accord avec les règles de l'OMC. Mais ne faudrait-il pas trouver des moyens astucieux, conformes à la réglementation européenne, qui nous permettraient de contrôler techniquement ces boulevards d'importation ?
Cet étiquetage positif est conforme à la réglementation européenne. Il nous permet de soutenir indirectement l'agriculture durable, c'est-à-dire une agriculture d'où sont issus des produits de qualité, à partir de ressources provenant de nos terroirs.
Mettons donc l'accent sur ce volet économique, au nom de la défense d'une agriculture « relocalisée », et non pas dépendante des importations.
À mon sens, il faut adopter cet amendement, qui est parfaitement cohérent avec la réglementation européenne. Il ne suffit pas de parler de l'Europe, il faut être précis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Avec cet amendement, nous nous posons de nouveau la question des produits importés et de la manière dont ils circulent sur le territoire national.
Souvenez-vous, madame la secrétaire d'État : hier, nous avons examiné un amendement tendant à ce que les produits OGM importés soient soumis à la même réglementation que les produits OGM sortant des exploitations françaises. Ce n'est apparemment pas le cas, et l'on se trouve aujourd'hui dans une situation ambiguë. C'est toujours ce qui se passe quand on laisse les portes ouvertes en n'encadrant rien du tout !
Une autre question est soulevée, celle de la démystification des OGM au sein de la population.
Vous nous dites notamment, et je partage en grande partie vos propos, que les OGM se dégradent dans le métabolisme humain. Fort bien. Mais, par rapport à cela, deux attitudes sont possibles. Soit on ne parle de rien, on masque la réalité en étant persuadé que, si la population venait à découvrir la vérité, ce serait un drame sur le plan économique. Soit on considère, comme nous, que la population doit au contraire être tenue au courant et que cela ne pose pas de gros problèmes. Nous mangeons ces produits depuis si longtemps que, s'ils étaient mauvais, des problèmes sérieux seraient apparus. Or tel ne semble pas être le cas.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je terminerai par une petite plaisanterie. Depuis que l'on mange des tranches de steak de boeuf, si cela posait des problèmes, il y a longtemps que nous aurions des cornes ! Au demeurant, il paraît qu'ils y a d'autres façons d'en avoir ! (Sourires.)
M. le président. La pertinence de certains arguments peut prêter à discussion... (Nouveaux sourires.)
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il n'est pas très facile de prendre la parole après cette remarque de M. Pastor ! (Nouveaux sourires.)
M. le rapporteur a eu l'obligeance de rappeler que j'étais l'élue d'un département rural où l'on a beaucoup souffert de rupture dans les approvisionnements, notamment de viande. Nos éleveurs locaux préfèrent évidemment que l'on consomme en France de la viande française plutôt que de la viande provenant d'Argentine, alors qu'on ne sait pas exactement comment les animaux y ont été nourris.
N'ayant aucune qualification scientifique sur le sujet, je voudrais simplement demander à Mme la secrétaire d'État si la présidence française de l'Union européenne ne pourrait pas être l'occasion de proposer un étiquetage et une réglementation sur ce problème. Ce serait aussi un signe de bonne volonté et d'apaisement. S'il s'agit bien d'un problème qui relève de l'Europe, après tout, cela vaut dans les deux sens.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je suis très heureux d'avoir, grâce à mon amendement, suscité ce débat dans l'hémicycle du Sénat.
Défendre l'agriculture, que ce soit en Bretagne ou ailleurs en France, je m'y emploie, certes pas toujours avec les mêmes arguments que la majorité sénatoriale. Il est vrai que ce n'est pas moi qui ai accepté, dans le cadre de l'OMC, des échanges où l'on sacrifie régulièrement l'agriculture au profit de « paquets » de produits manufacturés, par exemple. C'est ainsi qu'on se retrouve souvent aujourd'hui pieds et poings liés par des obligations d'achat, notamment vis-à-vis des grands pays producteurs de céréales à base d'OGM !
Si l'agriculture ne va pas très bien, c'est à cause de tout cela, mais aussi pour d'autres raisons. Personne ne veut toucher aux relations avec la grande distribution. Tant qu'on ne l'aura pas collée au mur, celle-là, l'agriculture française connaîtra des difficultés !
En tout cas, je ne voudrais pas que l'on dise demain en Bretagne que je porte un coup à son agriculture. Je la défends au contraire bec et ongles chaque fois que je peux le faire, et je ne doute pas - en tout cas je l'espère - que l'on pourra conserver, dans cette région comme dans d'autres, une agriculture dynamique, vivante, mais surtout diversifiée et dont les revenus devraient être nettement supérieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui.
M. Georges Gruillot. Et vos éleveurs donnent des tourteaux de soja OGM à leurs bêtes !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. On m'a demandé d'être précis. J'ai l'habitude de l'être. Je vais donc expliciter l'avis de la commission, sans pour autant répondre à tous les arguments qui ont été développés, notamment par M. Pastor.
Mes chers collègues, cette question a été tranchée en 2003 à l'échelle communautaire : il y a étiquetage lorsque la présence d'OGM est supérieure au seuil de 0,9 %.
Si les analyses qui ont été effectuées sur le lait, la viande et les oeufs ne révèlent aucune trace d'OGM, il n'y a pas d'étiquetage, que les animaux aient ou non consommé des OGM. Il y a en fait ce que l'on appelle une « équivalence de substances ».
Madame Blandin, j'ai trop d'estime pour votre personne pour vouloir vous provoquer, mais je considère qu'étiqueter ces produits en précisant « sans OGM » serait une forme de publicité mensongère. Il n'existe pas, en effet, de différence entre le lait d'un animal qui a consommé du soja « conventionnel » et celui d'un animal nourri avec du soja OGM.
Je suis, comme vous, très attaché à la notion de transparence. Il faut défendre notre agriculture, mais sans compliquer la situation. Je reste donc foncièrement hostile à ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Madame Goulet, le règlement communautaire 1829/2003/CE relatif à l'étiquetage des produits contenant des OGM ne demandait aucune transposition. Nous n'avons donc pas à nous demander si nous l'avons bien transposé ou si nous pouvions le transposer différemment.
Aujourd'hui, ce règlement est contesté dans plusieurs pays de l'Union européenne, notamment en France. La controverse porte l'étiquetage des produits animaux ainsi que sur le seuil. Ce débat, déjà ancien, est antérieur au règlement de 2003.
La question que vous posez n'est pas franco-française. Elle a été évoquée lors du conseil européen des ministres de l'environnement, au mois de décembre. Nombre de membres du conseil souhaitent que l'on remette l'ouvrage sur le métier. La présidence française de l'Union pourrait en effet en fournir l'occasion.
M. le président. L'amendement n° 213, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 531-6 du code de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les expérimentations sur animaux, pour études complémentaires de toxicité ou pour production de substances nécessaires à la santé humaine, sont subordonnées à une exigence de proportionnalité et à l'accord du Comité consultatif national d'éthique, après consultation préalable du Centre européen pour la validation des méthodes alternatives. Le respect des règles du bien-être animal est impératif.
« La production de substances indispensables à l'amélioration de la santé humaine est subordonnée, lorsqu'elle ne peut être réalisée que par l'intermédiaire d'animaux, à la validation, par le Comité consultatif national d'éthique, des méthodes employées. Le respect des règles du bien-être animal est impératif. ».
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, bien que nous étudiions un projet de loi relatif aux « organismes » génétiquement modifiés, l'essentiel de notre discussion porte sur les plantes génétiquement modifiées. Mais n'oublions pas qu'une partie des OGM concerne le règne animal, dans lequel l'homme figure en bonne place. Dans cette optique, il nous paraît souhaitable de prendre certaines mesures, de poser certaines barrières.
Nous souhaitons notamment, et c'est l'objet du présent amendement, que toutes les expérimentations qui sont faites sur des animaux - et qui peuvent présenter un intérêt pour l'homme, nous ne le contestons pas - soient validées par le Comité consultatif national d'éthique et qu'elles respectent le bien-être animal.
C'est, nous semble-t-il, un minimum.
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques. C'est Brigitte Bardot qui vous a soufflé cet amendement ?
M. Jean-Marc Pastor. Non, monsieur César, c'est le ministre de l'agriculture ! M. Michel Barnier propose en effet, dans un courrier qui m'a été transmis, l'installation de trois groupes de travail, qui devraient se réunir durant les deux prochains mois, afin d'étudier notamment les conditions de vie de l'animal, l'animal dans la ville, etc.
Le monde agricole ne peut pas rester étranger à ces interrogations.
M. Daniel Raoul. Nous avons d'autres références que Brigitte Bardot !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Comme M. Raoul l'a rappelé à juste titre au cours de la discussion générale, le bien-être animal ne peut nous laisser indifférents puisque l'homme appartient au règne animal.
M. Daniel Raoul. Vous avez de saines lectures ! (Sourires.)
M. Jean Bizet, rapporteur. Tout à fait !
Le présent amendement apparaît toutefois très contraignant pour la recherche. Alors que les participants au Grenelle de l'environnement s'accordent sur le fait qu'il faut poursuivre la recherche sur les OGM - et ils ont raison - et que certains proposent même d'en revoir les méthodes, notamment en multipliant les tests sur les animaux et en allongeant leur durée, il serait incohérent de vouloir encadrer aussi strictement la recherche sur les animaux. Ce serait, me semble-t-il, le meilleur moyen de la freiner.
Là encore, il ne faut pas se faire peur. D'immenses progrès, au demeurant nécessaires, ont déjà été réalisés. Le bien-être animal vaut aussi bien dans les laboratoires que dans les exploitations agricoles. Pour autant, veillons à ne pas en faire trop. Nous risquerions d'avoir du mal à bien placer le curseur et de nous trouver par là même en porte-à-faux.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je partage les préoccupations des auteurs de cet amendement en matière de protection animale.
Cette question a été « sortie » du Grenelle de l'environnement afin de faire l'objet d'un Grenelle spécial. Il s'agit en effet d'un sujet compliqué, technique, qui mérite d'être traité séparément. C'est le sens du courrier que vous avez reçu récemment, monsieur Pastor, et c'est une bonne chose.
Le problème que pose l'amendement tient au fait que certaines des dispositions qu'il contient figurent déjà dans le code rural, qui prévoit notamment que les expérimentations doivent être limitées aux cas de stricte nécessité, lesquels sont énumérés.
Par ailleurs, la Commission nationale de l'expérimentation animale et le Comité national de réflexion éthique sur l'expérimentation animale sont systématiquement consultés sur ces questions.
Faut-il aller plus loin et faire en sorte que soit également consulté systématiquement le Centre européen pour la validation des méthodes alternatives ? La question est très intéressante et elle mérite d'être posée. Mais pourquoi se limiter aux expérimentations sur les OGM ? Toutes les expérimentations animales sont concernées.
C'est pourquoi je considère que cette question doit être posée dans le cadre de ce « Grenelle de l'animal » pour lequel vous avez été sollicité.
Pour ma part, je le répète, j'estime que la sollicitation systématique a priori du Centre européen pour la validation des méthodes alternatives doit être étudiée, mais cela n'aurait pas de sens de la limiter aux expérimentations sur les OGM.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Cet amendement a fait l'objet d'un avis défavorable de la part de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d'État, mais pour des raisons différentes.
M. le rapporteur considère qu'il faut certes améliorer la condition animale, mais qu'il ne faut surtout pas « en faire trop ». Il sous-entend donc que l'amendement gênerait l'expérimentation.
Mme la secrétaire d'État reconnaît le bien-fondé de cet amendement et regrette même qu'il n'aille pas assez loin.
M. Jean Desessard. Elle considère que cela devrait concerner toutes les expérimentations menées sur des animaux.
Le présent amendement me semble proposer une voie médiane entre le « n'en faisons pas trop » de M. le rapporteur et le « préparons-nous à en faire davantage » de Mme la secrétaire d'État. Il me paraît donc constituer un compromis intéressant.
M. le président. Il faudra songer à faire de la politique, monsieur Desessard ! (Sourires.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous vous êtes livré à une interprétation... sauvage. (Nouveaux sourires.)
Le problème des méthodes alternatives à l'expérimentation animale est clairement posé. Certains pays européens se sont d'ailleurs beaucoup plus mobilisés que la France sur ce sujet. Les réflexions avancent et donnent lieu à des développements pertinents et intéressants.
Je considère toutefois que consulter le Centre européen pour la validation des méthodes alternatives pour les seules expérimentations sur les OGM n'aurait pas de sens. La question intéresse l'ensemble des expérimentations animales.
Dans cet esprit, M. le ministre de l'agriculture vient d'annoncer l'installation d'un groupe de travail, d'un Grenelle de l'animal, qui, pendant deux mois, se penchera sur le bien-être animal. Il ne s'agit donc pas de renvoyer ce dossier aux calendes grecques.
Compte tenu des délais prévus, si des conclusions sont adoptées, elles pourront être intégrées dans le projet de loi qui sera présenté au printemps, éventuellement sous forme d'amendement gouvernemental.
Il est donc possible d'aboutir assez vite, mais cela doit se faire dans le cadre du Grenelle de l'animal et non pas la voie d'un amendement concernant les seules expérimentations sur les OGM.
M. Daniel Raoul. J'achète !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. L'expérimentation animale soulève de nombreuses questions et l'ingestion des OGM n'est pas la plus urgente ni la plus saisissante. C'est pourquoi, monsieur Desessard, l'interprétation que vous avez faite de mon propos m'a semblé un peu « sauvage ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, après avoir entendu Mme la secrétaire d'État nous expliquer sa position, la démarche dans laquelle s'engage le ministre de l'agriculture, je retire mon amendement.
M. Jean Bizet, rapporteur. C'est une première ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Pastor. J'ai été séduit pas les arguments de Mme la secrétaire d'État et je fais confiance au Gouvernement ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement no 213 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.