M. Gérard Le Cam. L'article 3 vise à modifier le code rural afin d'imposer le respect de certaines conditions techniques à toute culture d'OGM ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, ce afin d'éviter la présence fortuite d'OGM dans les cultures traditionnelles.
Cet amendement, qui est de repli, a pour objet de permettre l'élargissement des conditions techniques requises pour les cultures en plein champ à des critères autres que les seules distances entre les cultures ou leur isolement.
Cependant, nous réaffirmons ici notre grand scepticisme quant à l'efficacité des mesures techniques pour éviter la contamination des cultures traditionnelles par les OGM.
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, supprimer le mot :
accidentelle
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à ce que soit admis par la loi le caractère prévisible de la contamination des plantes conventionnelles ou biologiques par des végétaux génétiquement modifiés.
Ce caractère prévisible est reconnu de fait par le Gouvernement, puisque ce dernier propose au législateur de prendre, par ce projet de loi, des mesures adéquates de protection contre la contamination.
Par ailleurs, il est prévu, aux termes de l'article 26 bis de la directive européenne 2001/18, que les États membres « peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence d'OGM dans d'autres produits », ce afin d'assurer la protection des cultures conventionnelles ou biologiques de toute contamination par des OGM.
La contamination n'est pas simplement « accidentelle » ou hypothétique, elle est inévitable : les recherches scientifiques font état de cette contamination sur des dizaines ou des centaines de mètres. Le législateur doit donc, dans la loi, la qualifier non pas d'« accidentelle », mais d'« inévitable ».
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural par deux phrases ainsi rédigées :
Le respect de la distance de recul incombe aux parcelles d'organismes génétiquement modifiés. Le respect de l'existant, ruchers, propriétés privées est toujours prioritaire.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Nous souhaiterions que ce soit celui qui cultive des OGM qui prenne toutes les précautions pour éviter la contamination, et non pas l'inverse.
Pourtant, il a été demandé à certains apiculteurs de reculer leurs ruches et d'aller les installer plus loin, à un endroit plus propice. Ce n'est pas correct.
Cet amendement tend à réduire le nombre de contentieux qui risquent de naître sur la question de savoir sur la propriété de qui doit être imputée la distance de sécurité.
Nous réaffirmons également que le respect de l'existant, en termes de faune et de flore, devrait être prioritaire.
Nous souhaitons donc qu'il ne puisse plus être répondu à quelqu'un qui craint une contamination par les OGM que ce sont les plus gênés qui doivent s'en aller.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 110. Ses rédacteurs auront partiellement satisfaction si l'amendement n° 53 rectifié est adopté.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 53 rectifié. En revanche, si le sous-amendement n° 241 est adopté, elle y sera favorable.
La commission est favorable au sous-amendement n° 241.
Elle est défavorable à l'amendement n° 194 rectifié, qui appelle les mêmes observations que l'amendement précédent.
Elle est favorable à l'amendement n° 192. Je ferai remarquer à M. Pastor que cela ne se passe pas si mal au Sénat pour l'opposition : quand ses amendements sont pertinents et constructifs, la majorité est ravie de les adopter !
La commission est défavorable à l'amendement n° 76.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 111, car il est illogique : la contamination de cultures traditionnelles par des OGM est nécessairement fortuite. J'en veux pour preuve les stipulations de la directive 2001/18.
L'amendement n° 59 est satisfait. Il va de soi que la coexistence entre cultures traditionnelles et cultures d'OGM suppose le respect de la propriété privée. Je suis, d'ailleurs, ravi que M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen soient soucieux du respect de la notion de propriété privée ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Un sénateur de l'UMP. C'est un progrès !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable au principe d'un élargissement des compétences réglementaires pour les activités de l'amont, principe qu'il propose d'instaurer par le sous-amendement n° 241, et est donc plutôt défavorable à l'amendement n° 110 : il lui préfère son sous-amendement, qui vise à une limitation de l'extension - mais à une extension tout de même - du champ du domaine réglementaire pour les activités de l'amont.
À l'amendement n° 194 rectifié il préfère également le sous-amendement n° 241, pour les raisons que je viens d'exposer.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 192. Je précise que l'adoption de cet amendement entraînerait, de fait, un élargissement du champ des responsabilités en matière délictuelle. Il conviendrait donc de modifier la rédaction de l'article L. 671-14 du code rural, pour préciser exactement quelles sont les infractions constitutives d'un délit, faute de quoi nous nous heurterions à un risque d'inconstitutionnalité, risque auquel nous sommes tous sensibles. Le Gouvernement à déposé un amendement à l'article 4 visant à cette mise en cohérence.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 76. Il ne peut évidemment être favorable au paragraphe I, compte tenu de sa position sur l'amendement n° 192, non plus qu'au paragraphe II, la directive visant plutôt la présence accidentelle d'OGM dans d'autres produits.
J'en viens à l'amendement n° 111 : le terme « accidentelle » étant utilisé dans la directive européenne, il paraît difficile de le supprimer.
Enfin, l'amendement n° 59 ne semble pas utile au Gouvernement, même si, sur le principe, ce dernier y serait plutôt favorable et comprend les objectifs de ses auteurs. Évoquer les propriétés privées et les ruchers ne lui paraît guère pertinent.
De toute façon, il va sans dire que le respect de la distance de recul incombe aux propriétaires de parcelles sur lesquelles sont cultivés des OGM. La jurisprudence est sans équivoque. Apporter une telle précision n'est donc pas nécessaire d'un point de vue juridique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 241.
M. Jean-Marc Pastor. Madame la secrétaire d'État, sur ce sous-amendement qui nous renvoie aux différentes sources de contamination possibles, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Si je ne suis certes pas producteur direct de maïs semence, je participe, en tant que maire, à l'organisation des îlots qui, implantés sur le territoire de ma commune, sont justement destinés à ce type de culture. Chaque année, en effet, nous discutons avec les agriculteurs concernés des distances minimales de séparation, lesquelles peuvent varier entre cinquante mètres et quatre cents mètres.
M. le rapporteur l'a dit tout à l'heure, dans le cas du maïs, la durée de vie du pollen est de deux heures. Étant donné que la phase de fécondation dure au maximum une heure et demie, il faut un coup de chance incroyable pour que la fécondation réussisse.
Par conséquent, lors des discussions sur l'implantation des îlots dont l'objet est d'éviter un certain nombre de contaminations, il convient de prendre en considération l'ensemble des critères, ce qui inclut la distance de séparation, la durée de vie du pollen et la phase de fécondation, mais aussi d'autres notions et, notamment, les vents dominants.
Or, madame la secrétaire d'État, par ce sous-amendement n° 241, vous proposez de supprimer trois éléments : le conditionnement, la transformation et la distribution. Ce n'est tout de même pas rien ! Vous êtes donc prête à accepter, par exemple, l'importation et l'entrée sur le territoire national d'un soja OGM, sans qu'il soit soumis aux conditions restrictives que vous entendez imposer aux agriculteurs français !
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Votre proposition est, à mes yeux, pour le moins gênante. Certes, je souscris à votre objectif de prudence, car il faut mettre de la distance et poser des barrières par rapport aux agriculteurs qui produiraient éventuellement des semences et des produits OGM. Mais, de grâce! faisons en sorte que tous les produits entrant sur le territoire français soient soumis aux mêmes règles !
Si le sous-amendement n° 241 est adopté, certaines contraintes seront levées. Ainsi, le conditionnement, la transformation et la distribution du soja OGM venant du Brésil ne seront plus contrôlés ni soumis aux mêmes règles de protection. C'est bien de cela qu'il s'agit, madame la secrétaire d'État !
Par conséquent, je vous demande, en toute honnêteté, de corriger votre sous-amendement, faute de quoi vous allez introduire une distorsion entre les agriculteurs-producteurs de cultures OGM français et les autres, en laissant entrer sur le territoire national des produits sans règles ni mesures.
Mme Évelyne Didier. Et sans étiquettes !
M. Jean-Marc Pastor. Absolument, ma chère collègue !
Ce faisant, chacun pourra faire ce qu'il voudra. À terme, l'introduction d'une telle distorsion dans les grilles d'analyse n'est pas de nature à aller dans le bon sens, en tout cas pas dans celui de l'équité que, les uns et les autres, nous souhaiterions tout de même pouvoir intégrer à ce texte de loi.
M. Jean-Marc Pastor. La République est ébranlée ! Il n'y a plus d'équité sur le fond !
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques. Pas du tout !
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote sur l'amendement n° 53 rectifié, tel qu'il vient d'être modifié.
M. Gérard Le Cam. L'adoption du sous-amendement n° 241 du Gouvernement introduit une différence de traitement selon les parties concernées. D'un côté, le monde agricole, y compris les coopératives, est soumis à toutes les règles et à toutes les exigences possibles. De l'autre, dès qu'il s'agit des industriels et des grands transporteurs, les contraintes s'allègent. Je l'ai dit hier, dans le port du Havre, la cargaison des navires entiers que l'on décharge comprend des produits OGM. Selon ce qu'ils transportent, les camions qui partent portent la mention « Avec OGM » ou « Sans OGM », alors même que les produits proviennent des mêmes cales !
Dans la mesure où une partie de la filière est donc, en quelque sorte, dédouanée, il y a tout de même de quoi être inquiets pour l'avenir. Comme par hasard, il s'agit, encore une fois, des industriels et des transformateurs. Ce n'est pas normal !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 194 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 192.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 59 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Mme la secrétaire d'État et M. le rapporteur considèrent que cet amendement est satisfait. Mais cela ne me « satisfait » pas totalement, loin s'en faut !
En effet, l'apiculteur auquel j'ai fait référence a été condamné par le tribunal de Marmande, et ce jugement a été confirmé en appel. Il lui a été demandé de reculer ses ruches ou de ne pas les installer à certaines périodes, ce qui est tout de même anormal ! J'espère donc que, dans les mois à venir, pareil cas ne se reproduira pas et que la justice voudra bien tenir compte de ce qui s'est dit ici même.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Mes chers collègues, c'est à la majorité d'entre vous, convaincue des vertus des OGM, que je voudrais m'adresser. Cette conviction vous conduit finalement à vous éloigner de l'analyse que vous feriez dans d'autres domaines.
Pour appuyer ce que vient de dire M. Le Cam, je vais illustrer mon propos en prenant une situation similaire, mais dans une circonstance bien différente. Imaginez un lotissement de personnes âgées au côté duquel viendrait s'installer une boîte de nuit. Le bruit ainsi occasionné ne sera bien sûr pas mortel pour les pensionnaires, mais cette nuisance va indubitablement leur « pourrir » la vie. Vous qui êtes souvent aussi des élus locaux, il ne vous viendrait pas à l'idée d'aller dire à ces personnes âgées : si le bruit vous gêne, vous n'avez qu'à déménager !
Mme Évelyne Didier. Exactement !
Mme Marie-Christine Blandin. Or, je le confirme, c'est bien ce qui se passe en matière d'OGM. Le tribunal de Marmande n'a pas retenu le bien-fondé de la plainte déposée par cet apiculteur, lequel - je simplifie - s'est vu ordonner d'aller mettre ses ruches ailleurs !
Mes chers collègues, placez-vous donc dans la problématique plus large des nuisances du même genre. Vous n'aurez alors peut-être pas le même regard sur cet amendement. (MM. Jacques Muller et Gérard Le Cam applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Soulage et Laffitte, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La culture d'organismes génétiquement modifiées est interdite dans les parcs naturels nationaux et dans les parcs naturels régionaux.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. La table ronde n° 2 du Grenelle de l'environnement « Préserver et gérer la biodiversité et les milieux naturels » a conclu à la nécessité d'arrêter la perte de la biodiversité et de conforter la richesse du vivant, en affirmant notamment avec force : « La biodiversité est ainsi une réserve de réponses du vivant aux changements de l'environnement, qui ont été testées durant cette longue histoire. En amenuisant ce potentiel d'évolution, nous réduisons aussi notre capacité d'adaptation à la variabilité de l'environnement et, en particulier à celle du climat. C'est en ce sens que la biodiversité est notre assurance vie. »
Parallèlement, le projet de trame verte, maillant l'ensemble du territoire, a été affirmé, lui aussi avec force, à l'issue des travaux du Grenelle.
Les parcs naturels, qu'ils soient nationaux ou régionaux, ont pour objet de préserver un patrimoine naturel particulièrement remarquable. Ils forment la soupente de cette trame verte et, surtout, ils permettent de valoriser et de préserver la biodiversité de nos territoires. C'est pourquoi il nous semble indispensable de promouvoir une agriculture durable, sans OGM, dans ces zones particulièrement sensibles.
Mme Évelyne Didier. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. En la matière, il faut que les choses soient claires, car il n'y a qu'une alternative possible.
Soit on pense que les plantes génétiquement modifiées sont dangereuses. Dans ce cas, il faut les interdire partout, et non uniquement dans certaines zones, les autres étant alors en quelque sorte sacrifiées.
Soit on considère, comme moi, qu'elles ne sont pas dangereuses. Dès lors que le principe de précaution a été respecté, cela signifie que les produits ont fait l'objet d'un examen très attentif avant d'être autorisés dans un cadre précis. Ces plantes peuvent alors être cultivées. Dans ce cas, on ne voit pas pourquoi leur culture devrait être interdite dans certaines zones.
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !
Mme Évelyne Didier. Ce serait bien, pourtant !
M. Jean Bizet, rapporteur. Si nous nous engageons dans la voie qui nous est proposée par cet amendement, il est clair que c'est, en réalité, la majorité du territoire national qu'il faudra interdire aux plantes génétiquement modifiées. En outre, je ne suis pas sûr que les parcs nationaux soient des zones de grande culture agricole.
Par ailleurs, je le répète, il nous faut respecter la réglementation communautaire. Or l'adoption de cet amendement nous placerait précisément en porte-à-faux par rapport à ce cadre. Il importe également de préserver l'architecture présidant à nos débats sur ce projet de loi, en consacrant le droit de produire ou de consommer avec ou sans OGM. Pourquoi, alors, interdire aux agriculteurs qui le souhaitent de cultiver des produits OGM, quand bien même le périmètre de leur exploitation intégrerait des productions sous signes de qualité ou serait situé à proximité de telles cultures ?
Mes chers collègues, qu'il me soit permis en cet instant de remercier une nouvelle fois l'ancien Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, de m'avoir confié une mission de réflexion sur les produits sous signes de qualité. Ne l'oublions pas, ceux-ci représentent 20 % de l'ensemble des productions agricoles nationales. Ne négligeons donc pas les 80 % restants !
Ces produits jouissent d'une excellente image, à laquelle nous sommes très attachés. Il importe véritablement de ne pas la gâcher au travers d'un cahier des charges qui ne doit être qu'un engagement privé.
Je le répète, je suis défavorable à cet amendement. Nous avons déjà eu ce débat en 2006. Il ne faudrait pas que nous privions une partie de notre territoire de l'utilisation de cette technologie.
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Il s'agit d'un sujet extrêmement délicat, qui a déjà fait débat voilà presque deux ans, à l'occasion de l'examen d'un précédent projet de loi portant sur les OGM.
En effet, l'article 19 de la directive 2001/18/CE prévoit que, si un OGM a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, il peut être utilisé « sur tout le territoire de la Communauté pour autant que les conditions spécifiques d'utilisation et les environnements et/ou les zones géographiques précisés dans ces conditions soient strictement respectées. » Toute la question est de savoir si les parcs naturels nationaux et régionaux entrent dans ces catégories.
Dans la mesure où cet article 19 est ambigu dans sa deuxième partie, mais clair dans sa première partie, en précisant que l'OGM concerné peut être utilisé sur tout le territoire de la Communauté, nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.
M. Daniel Soulage. C'est justement parce qu'il n'y a pas d'agriculture intensive dans les parcs naturels qu'il me paraissait intéressant de les classer « Sans OGM ». Par ailleurs, je le redis, les conclusions du Grenelle de l'environnement préconisent, notamment, la mise en place d'une trame verte.
Puisque tout classement de ce type de zones n'est pas envisagé, une telle trame pourra-t-elle exister, s'intégrer à ces territoires en respectant les conditions fixées au niveau européen ? Madame la secrétaire d'État, il me tarde de connaître la réponse à ces questions !
Cela étant dit, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié est retiré.
Mme Marie-Christine Blandin. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 54 rectifié bis.
Vous avez la parole pour le défendre, madame Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le raisonnement de M. le rapporteur, selon lequel il existe, d'une part, des plantes génétiquement modifiées dangereuses, qu'il faut interdire partout, et, d'autre part, des plantes OGM dépourvues de dangerosité, dont la culture doit être autorisée dans les parcs, est quelque peu manichéen.
Tout d'abord, cette homogénéité trahit complètement la notion de territoire privilégié pour la biodiversité, et méconnaît les formes de développement que sont les parcs, ainsi que les chartes qui les portent et les définissent.
Ensuite, un impact de culture OGM ne se résume pas à sa dangerosité. Heureusement pour nous, d'ailleurs, car nous serions tous en train de faire nos valises ! Cet impact est aussi défini par la modification de la biodiversité qu'il entraîne. Ainsi, la commission nationale qui a en charge les parcs et qui valide les chartes promeut-elle un nombre croissant d'indicateurs, afin d'examiner si cette biodiversité est préservée ou, au contraire, si elle est altérée. Et nous savons que les cultures d'OGM vont les altérer.
Enfin, qui soumet les chartes des parcs pour validation au niveau national ? Ce sont les conseils régionaux ! Or, ils se sont manifestés lors des débats du Grenelle de l'environnement afin de porter haut et fort la revendication de création de territoires sans OGM.
Notre Constitution ne permet pas aujourd'hui, dans le cadre d'une décentralisation coûteuse mais chichement concédée, de réaliser cet objectif. Ce serait pourtant une belle opportunité, madame la ministre, monsieur le rapporteur, de montrer que la décentralisation ne se paie pas de mots et que, sur le territoire des parcs tout au moins, on en tient compte !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. En matière de préservation de la biodiversité, il faut être très clair ! Tous les avis de l'INRA, et nos dernières discussions avec sa directrice générale l'ont confirmé, indiquent clairement que la présence de plantes génétiquement modifiées ne menace pas la biodiversité.
Mais j'en viens au coeur du sujet. La mesure que vous proposez, madame Blandin, est anti-communautaire ! Il n'a d'ailleurs échappé à personne que la demande émanant de l'ensemble des régions, qui revendiquent le droit d'être des « territoires sans OGM », est en fait une posture.
Or si l'on observe ce qui se passe dans d'autres pays, on constate qu'une telle posture, lorsqu'elle est adoptée par les régions, n'a jamais beaucoup de résultats, ces collectivités étant alors sanctionnées par la Commission européenne.
J'ajoute, sans vouloir être désagréable, qu'une posture n'est jamais bien éloignée de l'imposture...
Mme Marie-Christine Blandin. Prenez un miroir, monsieur le rapporteur !
M. Jean Bizet, rapporteur. Sur ce point précis, il est hors de question d'accéder à la demande formulée dans l'amendement n° 54 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Sur le principe, cet amendement me paraît parfaitement raisonnable.
Mais, compte tenu des avis émis par le Gouvernement et par la commission, je pense qu'il est important de revenir à la proposition, approuvée par le ministère, tendant à faire participer les collectivités locales au comité de biovigilance, d'une part, et à la Haute autorité, d'autre part.
Ce point me paraît fondamental. Les acteurs de proximité doivent pouvoir s'exprimer sur ces sujets, au même titre que les diverses associations, et il est souhaitable qu'une telle disposition soit introduite dans le projet de loi.
Pour ma part, je m'abstiendrai sur l'amendement n° 54 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. La demande de M. Laffitte a déjà été entendue, puisque nous avons rectifié préalablement un amendement en ce sens. Les représentants des collectivités locales font désormais partie du comité de la société civile du futur Haut conseil.
M. Gérard Longuet. Je remercie M. Soulage d'avoir retiré son amendement, même si celui-ci a été repris.
Pour ma part, j'aurais voté contre. En effet, pour avoir soutenu pendant douze ans un parc naturel régional, en tant que président de région, je tiens à vous dire que les parcs naturels régionaux sont d'abord des espaces ruraux vivants, au sein desquels travaillent des artisans, des salariés et des agriculteurs qui souhaitent bénéficier des meilleures chances de réussite.
Si nous voulons démotiver et démobiliser les élus ruraux, les agriculteurs, les artisans ruraux et les éloigner des parcs naturels, continuons à accumuler les contraintes ! D'ailleurs, nous recevons déjà des requêtes de conseils municipaux qui, pour manifester leur mauvaise humeur, demandent à quitter les parcs naturels régionaux. C'est exactement le contraire de ce que nous souhaitons faire !
C'est la raison pour laquelle nous devons repousser cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Je suivrai l'avis défavorable de M. le rapporteur. En effet, les mêmes régions qui ont fait ces effets d'annonce créent des terminaux pour importer les plants de soja OGM. Il faut savoir ce que l'on veut ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 227 rectifié, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Afin de prévenir la contamination des cultures non génétiquement modifiées par des essais en plein champ ou des mises en culture d'organismes génétiquement modifiés, des zones de protection peuvent être créées dans le périmètre desquelles l'autorité administrative interdit l'implantation de cultures d'organismes génétiquement modifiés.
« Les distances de protection s'entendent par nature de culture. Elles sont fixées par le ministère en charge de l'agriculture.
« Elles sont définies comme les distances à partir desquelles la dissémination entre les cultures est inférieure au seuil réglementaire. Ces distances prennent notamment en considération les distances de pollinisation, et pourront être pondérées par les tailles relatives des champs émetteurs et donneurs, les caractéristiques des vents dominants, la synchronisation des floraisons et l'hétérogénéité spatiales (haies, relief).
« Ces distances pourront être révisées tous les deux ans, sur la base de travaux scientifiques.
L'amendement n° 228 rectifié, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. Lafitte, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663- du code rural, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Afin de prévenir la contamination des cultures non génétiquement modifiées par des essais en plein champ ou des mises en culture d'organismes génétiquement modifiés, des zones de protection peuvent être créées dans le périmètre desquelles l'autorité administrative interdit l'implantation de cultures d'organismes génétiquement modifiés.
« Ces distances de protection sont de 100 mètres pour les cultures conventionnelles et de 300 mètres pour les cultures biologiques, pour les cultures allogames. Elles s'entendent par nature de culture.
« Elles peuvent cependant être réduites en tenant compte des tailles relatives des champs émetteurs et donneurs, des caractéristiques des vents dominants, de la synchronisation des floraisons et de l'hétérogénéité spatiales (haies, relief).
« Ces distances pourront être révisées tous les deux ans, sur la base de travaux scientifiques.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je commencerai par présenter l'amendement n° 228 rectifié.
Les OGM suscitent des craintes, voire un rejet chez nos concitoyens et chez les agriculteurs biologiques, même s'ils représentent un atout pour notre agriculture. C'est pourquoi il est indispensable de permettre, dans un premier temps, une coexistence des cultures, en prévoyant une séparation physique stricte des cultures OGM, conventionnelles et biologiques par des zones de protection qui permettront de garantir une étanchéité entre les cultures transgéniques et les autres, afin de faciliter leur coexistence.
Je propose donc que l'autorité administrative fixe des intervalles obligatoires entre les champs de 100 à 300 mètres suivant le type d'agriculture pratiquée, ce qui est comparable aux distances fixées par le décret actuellement soumis au Bundesrat pour ratification. Ces espacements ont été fixés sur la base d'expertises scientifiques et devraient prévenir à peu près totalement la pollinisation et la contamination des cultures traditionnelles par les OGM : à une distance de 100 mètres, le risque de croisement entre espèces n'est plus que de 0,5 %.
Actuellement, la France recommande 25 mètres de distance minimum entre production de maïs OGM et production conventionnelle. Or, à 50 mètres, on détecte encore 1 % de pollen OGM, ce qui est supérieur au seuil réglementaire d'étiquetage de 0,9 %. Si l'on veut protéger efficacement les différentes filières, il est donc indispensable de prévoir un espacement suffisant entre les cultures concernées. Cet espacement doit être calculé de parcelle à parcelle, en prenant en compte l'exploitation dans son ensemble.
Enfin, il faudra prendre en compte l'historique des cultures sur les parcelles concernées, afin de s'assurer qu'un agriculteur ne se convertit pas au bio « par opportunisme » ou qu'il ne se lance pas dans la culture du maïs seulement pour éviter que son voisin ne puisse semer du maïs OGM.
La réglementation sur ces zones de protection devra, en outre, être régulièrement révisée à la lumière des nouvelles découvertes scientifiques.
Par ailleurs, le décret prévu par l'article 3 du projet de loi fixera les éventuels assouplissements à ces distances, liés au relief, au décalage des semis, à la séparation des récoltes, à la densité de cultures OGM, aux vents dominants, etc. On n'improvise rien : ce sont des méthodes que nous connaissons et que nous appliquons, en particulier pour les semences de maïs.
Enfin, ces zones de protection ne s'appliquent bien sûr qu'aux seules cultures allogames, comme le maïs.
J'en viens à l'amendement n° 227 rectifié. Il vise à mettre en oeuvre des distances de protection entre les cultures OGM et les autres types de cultures, propres à rassurer nos concitoyens ainsi que les agriculteurs biologiques, qui se sentent condamnés par les cultures d'OGM.
Au niveau européen, le projet SIGMEA, piloté en France par l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, a été lancé en 2004 pour rassembler et analyser l'ensemble des données européennes sur le flux de gènes et les impacts environnementaux des principales espèces concernées par les OGM - maïs, colza, betterave, riz, blé -, analyser la faisabilité technique et la pertinence économique de la coexistence dans les principales régions européennes, proposer des outils d'aide à la décision publique et privée, et formuler des recommandations en termes de gestion et de gouvernance.
Les scientifiques ont ainsi déterminé toute une série de facteurs propres à limiter la dissémination des gènes modifiés, de façon à respecter le seuil réglementaire de 0,9 %.
Je cite directement les conclusions d'Antoine Messéan, directeur de l'unité Impacts écologiques des innovations en production végétale de l'INRA, concernant cette étude : « Les différents résultats obtenus par SIGMEA montrent que les probabilités sont graduées suivant le contexte cultural et suivant les caractéristiques de l'OGM envisagé.
« Pour le maïs, dans certaines situations, il peut suffire d'organiser la récolte séparément (à condition d'un accord entre agriculteurs) pour satisfaire des seuils même inférieurs au seuil réglementaire de 0,9 %. Sinon, des mesures comme des décalages de semis ou des distances d'isolement sont efficaces mais elles ne sont pas toujours faciles à appliquer. En cas de très grande densité de maïs ou pour des espèces comme le colza, la séparation géographique entre cultures OGM et cultures conventionnelles est la solution raisonnable.
« Enfin, pour les filières telles que l'agriculture biologique qui revendiquent une absence totale d'OGM dans leurs productions, la coexistence à l'échelle locale est en revanche techniquement impossible dans la plupart des cas ».
On peut trouver cette citation sur Internet. Ce n'est un secret pour personne !
Il est donc nécessaire de disposer de véritables zones de protection entre les différents types de cultures afin de permettre leur coexistence.
Les travaux de l'INRA ont mis en exergue que la taille relative des champs émetteurs et donneurs, la distance, la synchronisation des floraisons et les caractéristiques du vent sont les facteurs principaux expliquant les niveaux de pollinisation croisée entre champs de maïs. C'est pourquoi nous proposons que les ministres en charge de l'agriculture et de l'environnement définissent des distances de protection adaptées à chaque culture et à chaque zone de culture en fonction des différents critères énoncés.
Au moment où nous parlons, toutes les études d'opinion montrent qu'il existe un réel engouement pour les produits bios. Par ailleurs, le Grenelle de l'environnement a prévu que la production de l'agriculture biologique devait être multipliée par trois. Si nous voulons atteindre cet objectif, il faut que nos producteurs bios aient retrouvé la confiance.
La confiance, ils ne la retrouveront ni dans la lecture des articles publiés, ni en se référant à ce qui s'est passé ces dernières semaines ou ces derniers mois Si la science a avancé, il faut que les vérités soient démontrées à l'échelon local. J'invite donc à mettre en place, dans la transparence, une série d'essais dont les résultats seront publiés sous le contrôle de l'INRA.