M. Jean-Marc Todeschini. Exactement !
M. Charles Gautier. C'est un faux nez !
M. Bernard Frimat. Le principe de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives a été consacré dans la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, voulue par le gouvernement de Lionel Jospin. Les lois des 6 juin et 4 juillet 2000 ont permis de mettre en oeuvre cette révision constitutionnelle en créant une obligation de parité au niveau des candidatures pour les scrutins de listes et en modulant l'aide publique versée aux partis politiques ne respectant pas la parité dans les candidatures qu'ils présentent. Ces lois ont représenté un immense progrès, que chacun a pu mesurer à l'époque et peut encore mesurer aujourd'hui.
En 2003, la majorité sénatoriale a rogné une partie des acquis de la loi de 2000 en rétablissant le scrutin majoritaire dans les départements élisant trois sénateurs, rendant ainsi plus difficile l'accès des femmes au Sénat. Ensuite, il a fallu attendre la fin de la législature précédente pour que soit proposée une déclinaison de l'égal accès des femmes et des hommes sur les listes, déclinaison se limitant à tirer les conséquences a minima de la mise en oeuvre des lois de 2000. Ont ainsi été instaurés l'alternance stricte entre les candidats de sexe différent pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants - même si cela ne correspondait pas à la position initiale du gouvernement de l'époque - et l'égal accès des femmes et des hommes dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants.
Dans le même temps, lors de ce débat, vous avez refusé de saisir l'occasion d'engager une nouvelle et véritable étape de la parité, rejetant toutes les avancées significatives qui vous étaient proposées, telles que l'abaissement du seuil de scrutin proportionnel pour les élections municipales à 2 500 habitants - moyen de faire entrer massivement les femmes dans les conseils municipaux des communes de 2 500 à 3 500 habitants - et le rétablissement de ce scrutin dans les départements élisant trois sénateurs. Vous avez également reporté à 2012 l'application des sanctions financières pour les partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives.
S'agissant des élections cantonales, vous vous êtes limités à introduire un faux-semblant de parité en instaurant un suppléant de sexe différent de celui du titulaire, faute de prendre en compte l'importance des pouvoirs accordés aux départements.
Vous avez inventé la parité en viager. Je vous avais dit, à l'époque, que votre loi ferait avancer la parité à la vitesse du corbillard. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) En effet, avec 130 décès de conseillers généraux entre 1999 et 2007 sur un effectif de plus de 4 500, soit 15 décès par an, ce texte ne concerne que les quatre millièmes de l'ensemble des conseils généraux !
On voit l'immense saut de puce que vous avez fait faire à la parité !
Cette proposition de loi ne vise ni à favoriser la féminisation des assemblées départementales ni à rendre la loi plus claire : il s'agit en fait de faciliter les modalités de remplacement, dans des conditions peu conformes à la transparence et à la lisibilité que sont en droit d'attendre les électeurs, et, en définitive, de favoriser le cumul des mandats.
On ne peut pas dire que ce texte s'inscrive dans la modernisation des institutions et encore moins dans la moralisation de la vie politique !
M. Charles Gautier. Parlons de magouille, c'est plus juste !
M. Bernard Frimat. La modernisation consisterait à limiter le cumul des mandats plutôt que de régler et de favoriser les remplacements en cas de cumul.
Le rapport Mariani explique - ce doit être de l'humour ! - qu'il s'agit de corriger « un régime de suppléance lacunaire », dû aux conditions d'examen qui ont précédé l'adoption de la loi de janvier 2007. Mme Zimmermann affirme qu'il s'agit d'une imperfection, que « la prolongation de la navette parlementaire aurait sans doute pu permettre de corriger ». Outre qu'elles ne sont pas convaincantes, ces explications sont carrément fausses !
La relecture des débats du Sénat, toujours intéressante, monsieur le président, montre qu'il ne s'agit pas d'un oubli dû aux conditions d'examen, contrairement à ce que suggèrent faussement nos collègues de l'Assemblée nationale. Le Sénat fait la loi, même si l'Assemblée nationale a le dernier mot. Le respect du débat parlementaire suppose que chacune des assemblées examine les arguments de l'autre. Or le rapport Mariani ne mentionne pas le débat qui a eu lieu au Sénat sur ce point, et l'on comprend facilement pourquoi !
Le projet de loi initial prévoyait un « ticket paritaire » et le remplacement par le suppléant en cas de décès.
Reprenons l'historique : la commission des lois a adopté l'amendement n° 21, présenté par le rapporteur, Patrice Gélard, que je salue. Je suis sensible, je tiens à le lui dire, à l'arrachement qui a dû être le sien de ne pas pouvoir continuer son travail de rapporteur.
M. Charles Gautier. C'est sûr !
M. Bernard Frimat. Patrice Gélard, disais-je, étendait, par un amendement, ce dispositif aux cas de présomption d'absence et dans l'hypothèse de nomination au Conseil constitutionnel.
La commission des lois avait accepté un sous-amendement tendant à prévoir, Mme Gautier l'a rappelé, le remplacement d'un conseiller général dont le siège est vacant pour cause de limitation du cumul des mandats par la personne élue en même temps que lui, sous réserve de la suppression de la référence à l'article L.O.141 relatif aux incompatibilités applicables aux parlementaires.
Patrice Gélard rappelait que, si les élus locaux sont obligés d'abandonner un ancien mandat et de conserver le dernier acquis en cas de cumul, les parlementaires ont la possibilité de démissionner du dernier mandat acquis. Il soulignait le risque qu'un parlementaire puisse être candidat aux cantonales pour assurer la désignation de son remplaçant après sa démission ; c'est l'exemple évoqué par Mme Dini.
En séance, le rapporteur, M. Gélard, a de nouveau développé cet argument. Je vous cite, mon cher collègue : « Tout simplement parce que les cas d'incompatibilité sont différents selon qu'ils concernent les parlementaires ou les autres élus, le parlementaire dispose d'une faculté supplémentaire : il peut choisir librement le mandat qu'il souhaite abandonner. Même si j'ai la plus grande confiance en mes collègues parlementaires qui se présenteraient aux élections cantonales, force est de constater... » - et votre propos n'était pas différent, madame la ministre - « ...que cette liberté pourrait, malheureusement, conduire à des manipulations et permettre au parlementaire d'utiliser son autorité pour choisir son successeur, ce qui serait un détournement du droit. »
Eh bien, nous y sommes !
« En revanche, poursuiviez-vous, monsieur Gélard, les autres cas d'incompatibilité sont recevables. Ainsi, un conseiller général qui devient maire de sa commune n'a pas le choix : il est obligé de choisir le dernier mandat pour lequel il a été élu et d'abandonner le précédent ; en définitive, il est lié ! ».
Aucun argument juridique nouveau n'est venu infirmer cette démonstration.
Ce texte de dernière minute est donc un texte de circonstance, rédigé à la hâte, destiné à faciliter la mise en conformité avec les règles sur le cumul des mandats lorsqu'un parlementaire est concerné. Ainsi, au vu des résultats obtenus, celui-ci pourra, s'il le décide, démissionner du mandat de conseiller général qu'il vient d'acquérir sans faire courir le moindre risque politique à son parti, grâce au remplacement automatique. De manière générale, le remplaçant sera une remplaçante. Celle-ci ne deviendra conseillère générale que par la volonté du titulaire, s'il choisit effectivement de démissionner de son mandat.
Trois hypothèses sont envisageables.
Première hypothèse : le parlementaire en situation de cumul démissionne du mandat de conseiller général, car il a fait ce qu'il est convenu d'appeler la « locomotive » et n'a jamais eu l'intention d'exercer ce mandat. Cette attitude, malhonnête vis-à-vis des électeurs, équivaut à une manipulation du scrutin. En outre, elle accrédite l'idée, singulièrement paradoxale, selon laquelle une femme ne serait pas capable de conquérir le mandat, mais pourrait l'exercer.
Deuxième hypothèse : le parlementaire démissionne de son mandat cantonal fraîchement acquis parce que, le conseil général n'ayant pas basculé du côté de son bord politique, il n'y a plus d'enjeu. Dans ce cas, la suppléante deviendra conseillère générale, mais dans les rangs de l'opposition.
Troisième hypothèse : le parti du parlementaire obtient une majorité au conseil général. Il pourra briguer la présidence et, dès lors, abandonner son mandat de conseiller municipal ou de parlementaire, permettant à la suppléante... de rester suppléante. Dans ce dernier cas, il y aura une élection législative partielle.
En résumé, c'est seulement si le résultat des élections cantonales n'est pas conforme à celui qui était espéré ou si l'enjeu politique a disparu que les femmes auront une chance de devenir conseillères générales !
Nous sommes bien loin, mes chers collègues, de la volonté de favoriser l'accès des femmes aux fonctions de conseiller général et d'un prétendu bug législatif à corriger !
La différence de traitement prévue par la loi de janvier 2007 en cas de démission d'un parlementaire du mandat de conseiller général est fondée sur une justification valable : seule une élection partielle permet le respect des électeurs, la lisibilité et la sincérité du scrutin électoral.
En revanche, si vous adoptez la proposition de loi, vous allez, pour le coup, créer un bug législatif ! En effet, une élection cantonale partielle n'interviendra pas quand un parlementaire en situation de cumul deviendra conseiller général et abandonnera le mandat qu'il vient d'acquérir alors que, si un élu local en situation de cumul devient parlementaire, l'élection cantonale partielle sera maintenue.
Au-delà de la totale incohérence de cette situation, cela constitue un véritable aveu : ce qui intéresse nos collègues députés, c'est moins le sort de celles et de ceux qui deviendront parlementaires que celui de celles et ceux qui le sont aujourd'hui et qui sont concernés par cette modification de circonstance.
Le fait que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale ne vise que l'article L.O. 151-1 du code électoral et ignore superbement l'article L.O. 151 montre la réalité de ces préoccupations.
Vous avez, madame la ministre, rappelé à juste titre que les modifications d'une loi un an seulement après son adoption créaient toujours une instabilité juridique. Vous avez rappelé, encore une fois à juste titre, l'usage républicain qui veut que les règles d'élection ne soient pas modifiées moins d'un an avant le scrutin, et encore moins une semaine avant le dépôt des candidatures. Et vous avez enfin rappelé que ce texte pouvait produire de fâcheux effets pervers.
Je prends acte des fortes réserves du Gouvernement sur cette initiative législative qui n'est pas sienne et à laquelle on ne peut pas dire qu'il ait apporté, par votre bouche, un soutien résolu. Il me plaît de croire que nous sommes dans cette assemblée encore quelques-unes et quelques-uns à essayer de maintenir le droit.
En conclusion, mes chers collègues, la question qui se pose est simple, archi-simple : la majorité sénatoriale va-t-elle, à un an d'écart, déjuger Patrice Gélard, se déjuger elle-même et accepter de cautionner - appelons les choses par leur nom - de petits arrangements entre députés amis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UC-UDF. - Un sénateur de l'UMP applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui se situe dans la droite ligne de la loi que nous avons adoptée le 31 janvier 2007, dont l'objet était de renforcer les dispositifs permettant un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.
Trois chiffres évoqués il y a un instant par Mme le rapporteur suffisent à démontrer la nécessité de renforcer la représentativité des conseils généraux.
Lors du renouvellement de 2004, aucune femme n'a été élue dans dix-huit départements, et l'on ne compte aujourd'hui que 10,9 % de conseillères générales. Dans les deux séries renouvelables, il y a 411 conseillères générales sur 3 966 élus. Enfin, trois femmes seulement président en France un conseil général.
C'est dire la nécessité d'améliorer pas à pas le dispositif qui permet un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Tel était l'objet de la loi du 31 janvier 2007, dont je rappelle qu'elle concernait, outre l'institution des suppléants de conseils généraux, l'égal accès des hommes et des femmes aux exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants et des conseils régionaux, l'alternance stricte dans les listes municipales des communes de plus de 3 500 habitants et, enfin, l'accroissement de la modulation financière infligée aux partis politiques qui ne respectent pas la parité dans les candidatures aux élections législatives.
Ce texte avait aussi prévu l'institution d'un « ticket » ou d'une équipe mixte formée par le candidat et son remplaçant, l'un et l'autre devant être de sexes différents.
Grâce à cette disposition, près de 4 000 femmes pourront participer, en qualité de titulaires ou de suppléantes, aux élections cantonales. Deuxième avantage peut-être un peu perdu de vue : les modalités de remplacement en cas de vacance de siège s'en trouveront facilitées et le nombre d'élections partielles réduit.
En effet, le système permet de remplacer le titulaire par son suppléant sans élection partielle dans un certain nombre de cas, d'ailleurs en augmentation grâce à l'initiative de la délégation aux droits des femmes du Sénat lors du débat sur ce texte en janvier 2007.
Le rapporteur a évoqué les cas dans lesquels le titulaire est remplacé par son suppléant : décès, présomption d'absence, cas sans doute peu fréquent dans l'histoire des conseils généraux, nomination au Conseil constitutionnel, hypothèse elle aussi improbable, et démission motivée par la loi sur le cumul des mandats. Ce dernier cas concerne le cumul de plus de deux mandats locaux et le cumul d'un mandat local avec un mandat de député européen. On comprend mal, en effet, que soient écartés du champ d'application de ce texte les parlementaires nationaux, députés et sénateurs.
Dès lors, si nous restons sous l'empire du texte actuel, une cantonale partielle aura lieu chaque fois qu'un député ou un sénateur, élu au conseil général, devra renoncer au mandat cantonal.
C'est donc un frein à la volonté du législateur, désireux d'améliorer l'accès des femmes aux assemblées départementales, que nous allons essayer aujourd'hui de lever. En effet, la proposition de loi que nous examinons institue un régime unifié de remplacement, sans que l'on distingue selon le mandat de l'élu concerné par le texte. Cette proposition de loi va, par conséquent, améliorer la parité dans les conseils généraux et apporter une pierre supplémentaire à cet édifice auquel nous tenons.
Je vois trois avantages à ces dispositions.
D'abord, une cohérence juridique accrue puisque les règles applicables seront les mêmes quel que soit le mandat concerné.
Ensuite, la limitation des élections partielles. Vous l'avez, madame la ministre, rappelé : les élections cantonales partielles ne font pas honneur à notre démocratie compte tenu du taux d'abstention spectaculaire que nous enregistrons alors, notamment en milieu urbain, où le deuxième tour devient très souvent obligatoire faute d'avoir atteint les 25 % de participation au premier tour.
Par conséquent, limiter, dans ce cas de figure, les élections partielles me paraît une nécessité.
Enfin, l'adoption de ce texte rendra aussi les conseils généraux plus représentatifs non seulement du territoire, mais de la société française dans son ensemble. Nous sommes, dans cette enceinte, fondamentalement attachés à l'institution départementale, qui répond aux besoins de proximité et d'efficacité éprouvés par nos concitoyens. Il faut donc que les assemblées départementales soient exemplaires, à l'instar des conseils régionaux et des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, progressivement rejoints par l'Assemblée nationale et le Sénat.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera ce texte, considérant que, en modifiant les règles relatives au cumul des mandats et à l'organisation d'élections partielles, il complétera utilement le dispositif de la loi du 31 janvier 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Yannick Bodin. C'est ingrat, n'est-ce pas, de dire le contraire de ce qu'on a dit un an plus tôt !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le dernier renouvellement des conseillers généraux a eu lieu en mars 2004 ; ce fut l'occasion de constater que les inégalités d'accès aux fonctions électives entre hommes et femmes étaient toujours aussi écrasantes dans notre pays.
Aucune femme n'a été élue dans dix-huit départements. Seulement six conseils généraux sont composés de plus de 20 % de femmes, qui ne représentent en moyenne que 9,3 % des effectifs des conseils généraux.
On peut également constater que, dans les exécutifs locaux, elles ne sont qu'un faible nombre à occuper les fonctions de maire ou de présidente de conseil général.
Les élections cantonales sont particulièrement en retard en termes d'égalité entre les hommes et les femmes.
Nous avions émis de nombreuses critiques et fait de nombreuses propositions à ce sujet l'année dernière au moment du débat sur le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, mais l'inscription tardive de ce texte à l'ordre du jour avait laissé peu de latitude aux parlementaires pour sortir des sentiers balisés par le Gouvernement et le modifier en profondeur.
C'est la même précipitation qui caractérise l'examen du texte qui nous est soumis aujourd'hui puisque la seule modification qu'il introduit ne résorbera en rien la ségrégation dont sont victimes les femmes.
L'instauration de suppléants n'a eu pour conséquence que de maintenir les hommes au rang de titulaires et de reléguer les femmes au rang de suppléantes.
En supprimant l'organisation d'élections partielles en cas de cumul de mandats au profit des suppléants, on va surtout permettre à des parlementaires de se présenter à des élections cantonales sans intention de siéger au conseil général, dans le seul but d'être un « capteur de voix » pour leur parti politique.
Prenons le cas d'un de nos collègues - mais il y en a sans doute bien d'autres -, M. Jean-Claude Mignon, député de la Seine-et-Marne, maire de Dammarie-les-Lys, ville de près de 21 000 habitants, président de la communauté d'agglomération Melun-Val-de-Seine et depuis peu candidat aux élections cantonales. Quel sera son choix : abandonnera-t-il un mandat ancien ou, de façon quelque peu tacticienne, va-t-il laisser le siège à sa suppléante ? On le devine...
La vraie modernisation des institutions consisterait plutôt à limiter le cumul des mandats. Au lieu de cela, vous instrumentalisez la thématique de la « parité » pour camoufler vos ambitions aux prochaines élections, qui se tiendront dans un mois.
Pourtant, la parité n'est pas la solution universelle et nous ne pouvons pas tout en attendre. L'accompagner de mesures concrètes et efficaces en direction des élus, hommes et femmes, s'avère par conséquent nécessaire.
J'ai posé ici même la question du statut des élus locaux le 22 janvier dernier. Assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux positions électives signifie en effet qu'il faut leur assurer des conditions égales et donc revenir sur les nombreuses discriminations sociales, économiques et éthiques. Créer un réel statut des élus, prendre en compte les contraintes familiales, assurer le retour à l'emploi, offrir des garanties indemnitaires permettrait à de nombreuses femmes de franchir le cap et de mener jusqu'au bout leur engagement.
Par ailleurs, la question de l'accès des femmes à la vie politique n'est pas non plus à distinguer totalement de celle du mode de scrutin. Même M. Mariani, rapporteur de la présente proposition de loi à l'Assemblée nationale, reconnaît que le mode d'élection au scrutin majoritaire uninominal ne favorise pas l'accès à la parité. Afin de rendre effective la parité au sein des conseils généraux, la meilleure solution serait d'introduire la proportionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tiens donc !
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'égalité d'accès aux fonctions électives entre hommes et femmes appelle donc à une réflexion globale sur le statut de l'élu, la place des femmes dans la société, les modes de scrutin, le cumul des mandats.
En légiférant dans l'urgence avec une vision partielle du problème, guidés par des motifs plus tactiques qu'éthiques ou par la nécessité de réparer les omissions imputables au manque de réflexion qu'entraîne inévitablement l'inflation législative dénoncée par tous - n'est-ce pas, monsieur le président de la commission ? -,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Josiane Mathon-Poinat. ... vous ne résoudrez en rien les inégalités de la représentation.
J'ajoute qu'il n'est pas dans la tradition républicaine de modifier les règles d'une élection à cinq semaines du scrutin. La manoeuvre sous-jacente est quelque peu grossière et je ne doute pas qu'elle transparaîtra, hélas, dans les résultats des prochaines élections... (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Dans le premier alinéa de l'article L. 221 du code électoral, le mot et la référence : « ou L. 46-2 » sont remplacés par les références : «, L. 46-2 ou L.O. 151-1 ».
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Ayant déjà détaillé les raisons pour lesquelles nous voulons la suppression d'un texte dont la seule qualité est pourtant d'être court, je me bornerai à redire qu'étendre les cas de remplacement du conseiller général titulaire par le suppléant d'un autre sexe aux cas de démission pour cause de cumul lorsqu'il concerne un député ou un sénateur en place autorise ce député ou ce sénateur à user de leur notoriété en se présentant à une élection cantonale sans intention de siéger au conseil général, dans le seul but de faire élire la personne qu'ils ont choisie pour suppléante, que ce soit par affection politique, par affection personnelle, par affection familiale, par affection politico-familiale... À n'en pas douter, les prochaines élections nous donnerons la possibilité de juger jusqu'à quel degré le coeur rejoint la politique et la raison !
Inscrire à la veille des élections locales une telle pratique dans la loi est de nature à altérer la sincérité, la transparence, la lisibilité du scrutin, le respect dû aux électeurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hélas !
M. Bernard Frimat. La progression de la féminisation des assemblées départementales est un sujet suffisamment important pour qu'il soit traité dans la clarté et sans manipulations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Mes chers collègues, la commission des lois ne s'étant pas réunie pour examiner cet amendement, c'est à titre personnel que je m'exprime, vous rappelant que cet amendement de suppression est contraire à la position de la commission et qu'il coupe court à toute amélioration, fût-elle mineure, de la promotion de la féminisation des conseils généraux. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Gautier. Nous n'en sommes plus là ! Pas de ça entre nous !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Par ailleurs, nous venons d'entendre les arguments de M. Frimat, et nous nous souvenons des arguments développés par M. Gélard lors de la discussion de la loi du 31 janvier 2007, mais je ne veux pas croire que, quelle que soit leur étiquette politique, des parlementaires puissent se présenter aux prochaines élections cantonales sans être motivés par la réelle intention de siéger au conseil général. (Nouvelles exclamations de même nature sur les mêmes travées.)
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je crois avoir eu l'occasion de très clairement m'exprimer sur un certain nombre de problèmes qui se posaient.
Dans le même temps, comme je l'ai dit, il s'agit d'une proposition d'origine parlementaire qui a des visées très concrètes et qui répond à un souci de simplification : faire en sorte que, à court terme, davantage de femmes entrent dans les assemblées des conseils généraux et éviter la multiplication d'élections partielles qui, dans la mesure où elles ne mobilisent que faiblement les électeurs, mettent en cause la crédibilité et la légitimité de nos institutions.
Je ne peux donc qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Peut-être est-il plus difficile aux candidats de mobiliser les électeurs dans les élections partielles, mais je soutiens l'amendement de nos collègues socialistes, d'une part, parce que la règle républicaine voudrait que les modes de scrutin ne soient pas modifiés dans l'année qui précède une élection et, d'autre part, parce que je refuse que la parité soit fallacieusement utilisée comme un prétexte !
M. Yannick Bodin. Parité cache-sexe !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et cache-misère !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte pose, avez-vous dit, madame le ministre, un certain nombre de problèmes. C'est le moins que l'on puisse dire et, à en juger par l'embarras de la commission, c'est un sentiment partagé !
La parité a jusqu'à présent été un moyen de corriger les effets négatifs, pour les femmes, de l'application du vieux principe républicain selon lequel les citoyens et leurs représentants n'ont pas de sexe. À cet égard, je ne résiste pas au plaisir de citer Sieyès, qui, dans son célèbre pamphlet Qu'est-ce que le Tiers État ?, écrivait : « Le droit de se faire représenter n'appartient aux citoyens qu'à cause des qualités qui leurs sont communes, et non pas celles qui les différencient. Les avantages par lesquels les citoyens diffèrent entre eux sont au-delà du caractère de citoyen. »
Le texte que nous examinons pervertit radicalement l'aspect correctif, positif sur le plan pratique, du principe de parité. En l'espèce, quel que soit l'emballage dans lequel le produit nous est présenté, qu'il s'agisse d'améliorer la parité ou de diminuer le nombre d'élections partielles - par parenthèse, si c'est bien là le but, le plus simple serait de supprimer toutes les élections partielles ! -, on va permettre à une personnalité de servir de locomotive pour l'élection de quelqu'un que l'on ne croit pas capable de se faire élire.
C'est ce que, précédemment, la commission des lois et le Sénat lui-même n'avaient pas accepté, vous le savez ; je n'y insiste donc pas.
À la limite, comme l'a relevé Bernard Frimat, on aurait pu accepter qu'en cas d'élection au Parlement d'un conseiller général sa suppléante devienne conseillère générale, mais la proposition de loi a précisément l'objet inverse puisqu'elle vise à permettre à un parlementaire élu conseiller général de démissionner le lendemain de son élection sans entraîner d'élections partielles.
Tout le monde en conviendra, c'est un peu « gros » et, après avoir cité Sieyès, je terminerai en parodiant Mme Roland : ô parité, parité chérie, que de tripatouillages on commet en ton nom !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pour tous les scrutins qui auront lieu sur cette proposition de loi, je ne prendrai pas part au vote, ne voulant pas me déjuger par rapport à ce que j'avais déclaré l'année dernière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Un vote acquis grâce aux renforts qui viennent d'arriver !
M. Yannick Bodin. Là, ce ne sont pas les suppléants, ce sont les supplétifs !