Article 12
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 précitée, à compter de la date prévue au premier alinéa du III de l'article 4 de la présente loi et au plus tôt à compter de l'entrée en vigueur de cette ordonnance, est ainsi modifié :
1° L'article L. 3253-14 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 3253-18 » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de dissolution de cette association, l'autorité administrative confie à l'organisme prévu à l'article L. 5427-1 la gestion du régime d'assurance institué à l'article L. 3253-6, à l'exception du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 3253-18 confié aux organismes mentionnés à l'article L. 5422-16. » ;
2° Le second alinéa de l'article L. 3253-18 est ainsi rédigé :
« Le recouvrement, le contrôle de ces cotisations et leur contentieux suivent les règles prévues à l'article L. 5422-16. » ;
3° Suppression maintenue par la commission mixte paritaire............
3° bis L'intitulé de la section 4 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie est ainsi rédigé : « Modalités de recouvrement et de contrôle des contributions » ;
4° L'article L. 5422-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5422-16. - Les contributions prévues aux articles L. 1233-69, L. 1235-16, L. 5422-9, L. 5422-11 et L. 5424-20 sont recouvrées et contrôlées par les organismes chargés du recouvrement mentionnés à l'article L. 5427-1 pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionné à ce même article, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général de la sécurité sociale assises sur les rémunérations. Les différends relatifs au recouvrement de ces contributions relèvent du contentieux de la sécurité sociale.
« Par dérogation à l'alinéa précédent :
« 1° Les contributions dues au titre de l'emploi des salariés mentionnés à l'article L. 722-20 du code rural sont recouvrées et contrôlées selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations dues au titre des assurances sociales agricoles obligatoires, dans des conditions définies par convention entre l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ;
« 2° Les différends relatifs au recouvrement des contributions dues au titre de l'emploi de salariés à Saint-Pierre-et-Miquelon relèvent de la compétence des juridictions mentionnées à l'article 8 de l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales.
« Une convention conclue entre l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1 précise les conditions garantissant à ce dernier la pleine autonomie de gestion, notamment de sa trésorerie grâce à une remontée quotidienne des fonds, ainsi que l'accès aux données nécessaires à l'exercice de ses activités. Elle fixe également les conditions dans lesquelles est assuré le suivi de la politique du recouvrement et définit les objectifs de la politique de contrôle et de lutte contre la fraude. Elle prévoit enfin les modalités de rémunération du service rendu par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général. » ;
5° Les articles L. 5422-17 à L. 5422-19 sont abrogés ;
6° Suppression maintenue par la commission mixte paritaire............
7° Dans le premier alinéa de l'article L. 5422-20, après les mots : « du présent chapitre », sont insérés les mots : « à l'exception des articles L. 5422-14 à L. 5422-16 » ;
8° Dans les articles L. 5424-5 et L. 7122-27, les mots : « relèvent de la compétence du juge judiciaire » sont remplacés par les mots : « suivent les règles de compétence prévues à l'article L. 5422-16 ».
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Vous l'avez indiqué à juste titre, madame le ministre, ce projet de loi est d'une grande importance - mais il est aussi d'une réelle complexité - puisqu'il vise à placer le demandeur d'emploi au centre du service public de l'emploi, en réalisant une fusion des différents intervenants.
Le groupe UMP se réjouit que ce projet ambitieux, évoqué depuis de nombreuses années, voie enfin le jour. Comme l'a souligné le Président de la République, « le devoir d'un chômeur, c'est de rechercher un emploi, pas de supporter le fardeau de la complexité administrative, et le devoir de la collectivité nationale, c'est de mobiliser ses moyens au service du retour du chômeur à l'emploi ».
Quel est l'enjeu ? Il s'agit de donner à chaque chômeur un point d'accueil unique et polyvalent, où il trouvera l'ensemble des services.
Il s'agit également d'aller vers davantage d'efficacité, de mieux mettre en relation l'offre et la demande de travail. Il n'est pas normal que l'on compte aujourd'hui près de 2 millions de demandeurs d'emploi alors que plus de 400 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites.
La réforme engagée sera donc l'un des éléments permettant d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République : parvenir au plein emploi en cinq ans, ce qui signifie un taux de chômage inférieur à 5 %, et un taux d'emploi proche de 70 %.
Je me félicite que notre assemblée, examinant le texte en première lecture, ait pu l'enrichir sur plusieurs points importants, et je tiens, à cet égard, à remercier particulièrement notre rapporteur de son travail, à la qualité exemplaire.
La commission mixte paritaire n'a pas bouleversé l'équilibre trouvé sur ce texte. Elle a confirmé notre attachement à certaines dispositions, notamment en ce qui concerne la représentation des collectivités territoriales au sein de la nouvelle institution ou l'implication des maisons de l'emploi.
Ainsi, la Haute Assemblée a créé des conseils régionaux à l'image du Conseil national de l'emploi. Je vous rappelle qu'une expérimentation a été prévue dans deux régions, instituant une coprésidence du préfet de région et du président du conseil régional. Nous nous attacherons à étudier les résultats de cette expérimentation.
Nous avons modifié la composition du conseil d'administration de la nouvelle institution pour inclure un représentant des collectivités territoriales.
Nous avons aussi associé les maisons de l'emploi au projet, en prévoyant que les conditions d'une coopération seraient fixées par la convention annuelle entre le préfet de région et le directeur régional de l'institution.
L'Assemblée nationale a pu compléter notre réflexion sur ce sujet, en s'appuyant sur les propositions du député Jean-Paul Anciaux. Elle a ainsi précisé la nature des missions des maisons de l'emploi et prévu qu'un de leurs représentants siégerait au sein du Conseil national de l'emploi.
Mes collègues, en tant qu'élus locaux, se réjouissent de l'ensemble de ces dispositions. Ils sont, en effet, nombreux à avoir soutenu la création des maisons de l'emploi.
Sans revenir sur l'ensemble des autres mesures contenues dans ce texte, je voudrais simplement insister sur notre voeu de voir la réforme annoncée de la formation professionnelle menée à bonne fin.
Notre commission des affaires sociales a proposé que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les modalités d'un transfert éventuel de l'AFPA à la nouvelle institution. Nos débats - et, dernièrement, une question orale posée par notre collègue Jean-Claude Carle - ont souligné les enjeux de cette réforme.
Je terminerai mon propos en soulignant que la politique du Gouvernement commence à porter ses fruits. La baisse continue du chômage depuis deux ans s'est en effet accélérée au troisième trimestre de 2007, madame le ministre vient de rappeler les chiffres.
Le présent projet de loi est donc une étape essentielle. Les prochains travaux législatifs et les chantiers menés par les partenaires sociaux vont permettre de réformer plus largement le marché du travail.
Nous tenons à saluer, madame le ministre, cette politique active de lutte contre le chômage, et notre groupe votera bien entendu ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mme la ministre du logement et de la ville, qui doit représenter le Gouvernement lors de l'examen du texte suivant de l'ordre du jour, étant encore retenue à l'Assemblée nationale, nous allons interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Pouvoir d'achat
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le pouvoir d'achat (n° 180).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s'est réunie ce mardi pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le pouvoir d'achat a décidé de retenir dans son intégralité le texte adopté par le Sénat. Aucune des dispositions votées par notre assemblée la semaine passée n'a donc été remise en cause.
Je rappelle que le Sénat avait apporté au texte quatre modifications principales.
Nous avons d'abord prolongé jusqu'au 31 décembre 2009 la période de rachat des jours de RTT, allant sur ce point plus loin que l'Assemblée nationale, qui avait fixé son terme au 30 juin 2008. La commission mixte paritaire a approuvé cette extension du dispositif.
Le Sénat a ensuite adopté un article additionnel tendant à prévoir que les salariés pourront verser à un fonds de mutualisation, mis en place par leur entreprise, le gain retiré de la monétisation de jours de RTT, afin de financer le maintien de la rémunération d'un de leurs collègues parti accomplir une activité caritative ou humanitaire.
Ce dispositif généreux et original, à l'élaboration duquel le haut-commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté a largement contribué, devrait permettre aux associations de bénéficier du concours de salariés expérimentés qui hésitent aujourd'hui à s'engager dans la mesure où ils n'ont pas la garantie du maintien de leur rémunération.
Cet article a occasionné un débat technique particulièrement complexe en commission mixte paritaire sur la question du régime fiscal applicable aux dons effectués dans ce cadre. Nous nous sommes demandé, en particulier, si le salarié devait ou non bénéficier de la réduction d'impôt habituellement prévue en cas de don à des oeuvres caritatives.
Selon l'administration fiscale, semble-t-il, le bénéfice de cette réduction d'impôt est exclu, dans la mesure où les sommes concernées sont déjà exonérées d'impôt sur le revenu. Il y aurait donc un cumul d'avantages, contraire aux principes de notre législation fiscale. J'ai été heureux de l'entendre dire... (Mme la ministre sourit.)
Si je dis « semble-t-il », c'est parce que les explications qui nous avaient été fournies, à notre demande, pour préparer la commission mixte paritaire n'étaient pas d'une limpidité convaincante. En effet, et je l'ai fait observer, le rachat de jours de RTT donne déjà droit à une exonération d'impôt sur le revenu, lorsqu'il entre dans le cadre défini par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA ».
Dans ce cas, le fait pour le salarié d'effectuer un don ne lui procure aucun avantage fiscal supplémentaire par rapport à ce qu'il aurait obtenu de toute façon. Les salariés n'auront donc pas intérêt à utiliser le dispositif proposé : il sera dans certains cas plus avantageux pour eux de racheter des jours de RTT ou de repos compensateur en application de l'article 1 ter, puis effectuer un don à une oeuvre caritative quelconque, sans passer par le fonds créé dans leur entreprise. Dans cette hypothèse, ils cumuleront sans difficulté exonération d'impôts et réduction de 66 % au titre des dons aux oeuvres.
Nous restons donc, sur ce point, dans une incertitude qui, madame la ministre, continue à aiguiser ma curiosité, je l'avoue. (Sourires.)
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Cela ne m'étonne pas ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, rapporteur. Par ailleurs, sur l'initiative de la commission des finances saisie pour avis, le Sénat a également obtenu que le Gouvernement remette au Parlement, avant la fin du premier semestre 2008, un rapport traitant de la politique d'intéressement dans le secteur public. Nos collègues députés ont réservé un très bon accueil à cette initiative, y voyant un levier utile pour la réforme de l'État.
La dernière mesure importante concerne le volet logement. Le Sénat avait donné aux bailleurs la possibilité de recevoir directement, à leur demande, les allocations logement perçues par leur locataire. La commission mixte paritaire a confirmé cette mesure, ce qui a permis de rééquilibrer un texte au départ seulement centré sur les préoccupations des locataires.
Après ce rapide rappel des apports du Sénat, je tiens à saluer la qualité du travail de l'Assemblée nationale, qui a abouti à plusieurs avancées significatives. Je pense notamment, à la possibilité, ouverte sur l'initiative du président Méhaignerie, de convertir des repos compensateurs en majoration salariale ou encore à la prorogation de l'exonération de la redevance dont bénéficient les retraités à revenus modestes.
Je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire afin de répondre au plus vite aux attentes de nos concitoyens en matière de relance du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons déjà eu l'occasion de dire ici tout le mal que nous pensions de ce texte ; les débats et les conclusions de la commission mixte paritaire ne nous ont pas fait changer d'avis.
Cette loi est une supercherie qui, en guise d'amélioration du pouvoir d'achat, ne propose aux salariés que la possibilité de vendre leurs jours de repos ou de puiser dans leur propre épargne. Mais la seule question qui vaille, elle, n'est jamais posée : pourquoi un salarié ordinaire ne peut-il plus faire face à ses dépenses de base, logement, transport, chauffage, nourriture, santé ?
Il conviendrait pourtant de se poser la question puisque, malgré le triomphalisme du Gouvernement sur l'envolée des heures supplémentaires et le prétendu succès de la loi TEPA, jamais l'indicateur de l'INSEE chargé de mesurer le moral des ménages n'est tombé aussi bas depuis sa création, c'est-à-dire depuis 1987. Précisons que ce sondage a été fait avant la crise boursière et qu'il ne s'agit donc pas d'une réaction d'angoisse conjoncturelle.
Ce gouvernement voulait créer un choc de confiance dans le pays ; c'est un traumatisme qu'il a suscité !
Vous n'avez à la bouche que le respect du travail, mais il ne vous est jamais venu à l'idée que, respecter le travail, c'était d'abord le payer ; qu'augmenter le pouvoir d'achat, c'était d'abord relancer les négociations salariales ; que susciter la confiance ne passe pas par la destruction des protections sociales et la multiplication tous azimuts des taxes.
Vous vous rengorgez face à l'explosion du nombre d'heures supplémentaires et le succès annoncé du rachat des RTT, sans vous interroger sur ce que cette situation révèle de l'état de notre société. Mais, quand les fins de mois arrivent de plus en plus tôt, quand les salaires stagnent et que les prix s'envolent, quel autre choix a le salarié que de faire des heures supplémentaires et de sacrifier ses récupérations puisqu'on ne lui propose rien d'autre ?
Vous employez à tort et à travers le mot « liberté » et le mot « choix ». Est-il décent de les appliquer au rapport employeur-employé en période de chômage de masse, de précarisation du travail, d'augmentation de la pauvreté ? Est-on libre quand on sait que, sur le marché de l'emploi, ils sont des centaines à pouvoir prétendre au poste que l'on occupe ? Est-on libre de choisir de prendre ou non ses RTT quand on sait que c'est le seul moyen de boucler ses fins de mois ? Bien sûr que non !
Votre politique, en misant seulement sur l'allongement de la durée du travail, pèse sur l'emploi et accentue encore la pression sur les salariés.
Elle développe également les phénomènes d'inégalités entre les salariés. Ainsi, les femmes, qui prennent souvent leurs RTT le mercredi pour éviter des frais de garde ou faute de mode de garde, seront pénalisées. Pourtant, ce sont elles qui perçoivent les salaires les plus bas.
À cette aune, les quelques modifications issues de la commission mixte paritaire paraissent dérisoires.
Le fait de prolonger l'expérimentation jusqu'à la fin de 2009 présente comme intérêt majeur de prolonger l'effet d'aubaine pour les entreprises et d'accentuer encore le manque à gagner pour la sécurité sociale. Mais la perspective de ce déficit ne vous inquiète guère, tant l'habitude a été prise de faire assumer aux assurés sociaux les avantages accordés aux entreprises. À défaut de payer le travail, vous oubliez rarement de taxer le salarié, avec une vraie préférence pour les plus modestes des classes moyennes !
Mais en prolongeant la durée de l'expérience jusqu'à la fin de 2009, peut être voulez-vous tout simplement gagner le temps nécessaire pour revenir sur la durée légale du temps de travail,...
M. Nicolas About, rapporteur. Non !
Mme Raymonde Le Texier. ...pour légiférer sur la représentativité des syndicats...
M. Nicolas About, rapporteur. Oui !
Mme Raymonde Le Texier. ...et, enfin, pour mettre en place un opting out directement inspiré du modèle anglo-saxon.
Enfin, j'en viens à la mesure sur le congé humanitaire. Celle-ci n'a rien à voir avec le pouvoir d'achat et alourdit le texte,...
M. Nicolas About, rapporteur. Peut-être un peu...
Mme Raymonde Le Texier. ...alors qu'elle ne concerne qu'une infime minorité de personnes. J'en suis désolée, monsieur About, mais cet article-là est de pure démagogie...
M. Nicolas About, rapporteur. Mais non...
Mme Raymonde Le Texier. ...et vise uniquement à donner bonne conscience à peu de frais. Est-ce vraiment le rôle de la loi ?
Il est dommage que vos bonnes intentions se limitent à cet article de pure charité, quand vous ignorez le mal-être et les difficultés quotidiennes de nos concitoyens.
Pourtant, quand le moral des ménages est aussi déprimé, qu'il s'agisse de leur présent ou de leur avenir, il est temps de sortir de l'idéologie libérale pour essayer d'agir enfin sur la réalité. Car de cette confiance en berne on ne peut escompter une consommation en hausse.
D'ailleurs, à la suite de cette étude, M. Alexander Law, économiste au cabinet Xerfi, a largement revu à la baisse les perspectives de croissance de l'économie française, en estimant à 1,4 % la progression du PIB en 2008.
M. Nicolas About, rapporteur. Il est pessimiste !
Mme Raymonde Le Texier. À l'occasion de ce débat, le groupe socialiste a émis des propositions concrètes en faveur du pouvoir d'achat. Vous les avez rejetées, préférant persévérer dans une politique vouée à l'échec.
J'ai parlé à l'instant de traumatisme ; en réalité, le choc de croissance que nous promettait le Président de la République semble se transformer en commotion. Notre groupe n'aura, hélas, pas d'autre choix que de voter contre ce mauvais texte.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous en arrivons au deuxième texte de cette matinée. Non moins que le précédent, il est emblématique de votre volonté de mettre en oeuvre une politique des plus libérales.
En effet, votre majorité adoptera sans doute, dans quelques instants, le texte intitulé abusivement - j'insiste sur ce terme, car tel est bien mon point de vue ainsi que celui de l'ensemble des sénatrices et sénateurs de mon groupe -, « Pour le pouvoir d'achat ».
Bien sûr, certains salariés, celles et ceux qui disposent d'une monnaie d'échange, à savoir de RTT en trop ou de primes d'intéressement ou de participation - et ils sont loin d'être les plus nombreux, vous le savez - pourront les faire monétiser. Mais il s'agit en réalité d'un échange, car cet argent leur est dû, ni plus ni moins !
Malheureusement - je ne me faisais au demeurant aucune illusion à cet égard -, la commission mixte paritaire, réunie mardi dernier, n'aura pas permis de modifier l'esprit de votre projet de loi. Celui-ci sort de la CMP identique à ce qu'il était après son passage au Sénat, M. About l'a d'ailleurs souligné. Vous vous doutez donc du sort que lui réservera mon groupe !
Madame le ministre, je souhaite néanmoins expliciter les raisons de notre profond désaccord.
En premier lieu, pour mon groupe et pour moi, l'augmentation du pouvoir d'achat passe par un accroissement des revenus mensuels - car c'est bien à chaque fin de mois que bon nombre de nos concitoyennes et concitoyens se trouvent en difficulté - et donc par une revalorisation de leur travail, c'est-à-dire une augmentation de leur salaire, seule source de revenu pour beaucoup d'entre eux.
Nous avons eu à ce propos un échange intéressant lors de la CMP. Je tiens d'ailleurs à rassurer M. Dassault, même s'il n'est pas parmi nous ce matin : je fais bien la différence entre les salaires et les primes ! Je ne possède certes pas son expérience en matière de « management » d'entreprise, mais il n'a pas la mienne en tant que salariée, et l'une vaut l'autre, étant entendu que chacune forge toutefois un point de vue fort différent sur la société à construire !
M. Dassault ainsi que d'autres sénatrices et sénateurs du groupe UMP me parlaient d'esprit d'entreprise et de motivation. Mais quoi de plus motivant et de plus gratifiant pour un salarié que la reconnaissance de son travail par une rémunération à la hauteur de sa tâche ? Une juste rémunération c'est une rétribution respectueuse de chaque individu. Le partage des richesses ne doit pas se faire entre quelques privilégiés, mais bien entre tous les salariés qui ont contribué, à la hauteur de leur classification, à la production de ces richesses.
Lorsque j'évoque une augmentation des salaires, je vise la rémunération de tous les salariés, dans le privé comme dans le public. Il s'agirait d'une mesure beaucoup plus équitable que celle que vous proposez.
En effet, le niveau des salaires reste bien la vraie question. Comme je le soulignais à l'instant, les salaires sont tellement bas et les prix tellement hauts que la fin du mois, pour beaucoup, est plus proche du 15, voire du 10, que du 30 !
Si vous me permettez une petite digression, j'ajouterai que celles et ceux qui pourraient quelque peu épargner le feront à un taux d'intérêt très réduit, puisque votre gouvernement a plafonné l'augmentation du taux du livret A. Les banques ont donc tout loisir pour proposer des placements à risques, y compris aux retraités, en promettant des bénéfices records, et avec le résultat qu'on sait - mais je n'évoquerai pas de nouveau l'affaire de la Société générale !
J'en reviens à la question du pouvoir d'achat, dont je ne m'étais d'ailleurs pas vraiment éloignée.
Lorsqu'on les interroge, un grand nombre de salariés nous affirment avoir l'impression que leur travail n'est pas correctement rémunéré. Or ce sentiment est confirmé par les chiffres : la répartition entre le capital et le travail s'est inversée au cours des dernières décennies. La Commission européenne, dont vous ne pouvez raisonnablement affirmer qu'elle est proche de nos positions, nous donne d'ailleurs raison puisqu'elle précise que la part des salaires dans le PIB a diminué plus fortement en France que dans les autres pays d'Europe, perdant 9,3 points entre 1983 et 2006.
Ce constat se précise à la lecture du « portail sociétal » réalisé par l'INSEE en 2007 : la masse des salaires et des traitements bruts progresserait moins vite en 2005 et 2006 que les années précédentes, alors que, dans le même temps, les revenus patrimoniaux augmentent considérablement, à l'image des revenus locatifs, qui progressent de 8,6 %. Pour augmenter le pouvoir d'achat pour toutes et tous, il faut donc relancer les salaires !
Du reste, les salariés ne s'y trompent pas. Si certains souhaitent monétiser leurs RTT au motif qu'ils n'arrivent pas à les consommer toutes, ce ne sont pas ceux dont le pouvoir d'achat est le plus bas, nous en sommes d'accord ! Ce sont les cadres, qui sont soumis à de telles conditions de travail qu'ils ne peuvent bénéficier des accords sur les 35 heures, et c'est bien dommage pour eux.
Quant aux salariés dont la rémunération est tellement basse que leur pouvoir d'achat a besoin d'un coup de pouce, ces femmes et ces hommes dans la difficulté seront forcément d'accord pour faire racheter leurs RTT. Toutefois, proposez-leur une augmentation de salaire, et elle sera acceptée, c'est sûr ! Tout l'art est donc dans la manière de formuler la question !
À ce propos, je voudrais revenir sur le référendum organisé dans la société Continental, dont vous nous avez beaucoup parlé, les uns et les autres.
Le nombre des entreprises qui ferment augmente chaque jour. En toute occasion, les gouvernants et le patronat assènent leurs discours sur le travail et sur la course à la flexibilité et à l'enrichissement des actionnaires. Or, derrière ces discours, il y a un chantage insidieux ou sournois à la délocalisation, les salariés ne le savent que trop.
Aussi, ne croyez-vous pas que si l'employeur avait organisé à Continental un autre référendum, dont la question aurait été : « êtes-vous favorable à une meilleure répartition des bénéfices entre le capital et les revenus du travail », les salariés n'auraient pas massivement voté « oui » ? Pour ma part, j'en suis convaincue.
Ne croyez-vous pas qu'en sacrifiant leurs RTT et en revenant sur la durée de leur temps de travail, les salariés de Continental n'ont pas simplement demandé plus d'argent pour boucler des fins de mois difficiles, preuve s'il en est que les salaires ne suffisent plus ? N'ont-ils pas, en outre, craint une délocalisation ?
En réalité, votre projet de loi n'a qu'une mission : servir d'écran de fumée devant la véritable préoccupation des salariés. Je regrette d'ailleurs que votre gouvernement ait rejeté tous nos amendements sur le sujet et préféré élargir plus encore les conditions d'ouverture au droit de rachat en allongeant considérablement la durée de ce dispositif.
Ainsi, non seulement vous prévoyez le rachat des heures restantes, mais, ce qui est pis encore, vous incitez les salariés à ne pas prendre, dans l'avenir, leurs journées de récupération, en leur promettant une rémunération accessoire. Tant pis si cela pèse sur la santé du travailleur, tant pis si cela affecte son équilibre familial : ce qui compte, c'est de faire fonctionner, même artificiellement, le slogan présidentiel du « travailler plus pour gagner plus » !
En commission mixte paritaire, nous avons eu un débat qui a été, là encore, fort intéressant. En effet, les conventions de rachat des RTT se négocieront au moment des NAO, les négociations annuelles obligatoires, un détail, si je puis dire, qui m'avait échappé lors du débat parlementaire, mais qu'un député de votre majorité a pointé du doigt mardi matin.
En effet, s'il a vu juste, c'est-à-dire si les accords de rachat de RTT se font bien au moment des NAO, je nourris les plus grandes craintes quant à la bonne tenue de ces négociations. Madame le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? Je pensais voir ce matin M. Xavier Bertrand, mais peut-être serez-vous en mesure me répondre.
En effet, les NAO constituent pour les salariés la seule occasion d'évoquer leur rémunération. Y intégrer le rachat des RTT c'est, de fait, donner à celles-ci une valeur - au moins symbolique - égale aux salaires. C'est faire croire aux salariés que la monétisation des RTT organisée par votre dispositif fait partie intégrante de leur salaire, et cela nous ne pouvons que le dénoncer.
En effet, que proposeront les directions d'entreprise ? À l'évidence, l'augmentation du temps de travail des salariés, par le rachat des RTT, qui répondra aux demandes pourtant bien légitimes d'augmentation de salaires. Ainsi, la boucle sera bouclée !
Quant aux autres dispositifs de votre texte, nous n'y sommes pas non plus favorables, car leur application reste toujours éventuelle. Peut-être le salarié qui bénéficie d'une épargne salariale pourra-t-il en demander le déblocage. Sans doute l'obtiendra-t-il. Mais quelle sera l'incidence de cette mesure sur le pouvoir d'achat ? Nul ne le sait !
Ce qui est certain, en revanche, c'est que ses effets seront très limités. Lorsqu'un gouvernement précédent, que soutenait votre majorité, avait eu recours à ce mécanisme, un tiers seulement des sommes débloquées avait alimenté la consommation, le reste se dirigeant vers l'épargne, notamment vers les plans d'épargne en actions.
Autant dire que ceux qui se frottent les mains aujourd'hui, ce sont, une nouvelle fois, les banquiers.
Le Président de la République voulait être, prétendait-il, le président des ruptures. Il est, en la matière, celui de la continuité !
Quant à la prime de 1 000 euros, c'est pratiquement le néant ! Elle repose sur la seule bonne volonté des employeurs. Rien de précis, rien de garanti : il y a juste l'espoir que les employeurs participeront à la relance du pouvoir d'achat en faisant appel à leur bon coeur. On connaît pourtant le sort réservé aux mesures volontaires !
Une fois dénoncés ces mécanismes, il ne reste plus que de l'affichage.
Ce que vous vous gardez bien de dire, c'est que votre projet de relance du pouvoir d'achat n'aura rien coûté à l'État. Je le rappelle, avec la loi TEPA, vous avez exonéré les droits de successions, défiscalisé encore plus ce qui pouvait l'être, exempté les patrons de cotisations sociales, pour un coût total de 15 milliards d'euros. Mais, pour les salariés, il n'y a plus d'argent, les caisses sont soudainement vides ! Les Français apprécieront...
Que reste-t-il, alors, de votre projet de loi ? Un curieux dispositif, longuement discuté et auquel on donne le nom d'« amendement Hirsch ». Celui-ci prévoit qu'un salarié pourra, en quelque sorte, faire don de ses journées de RTT à un fonds destiné à rémunérer d'autres salariés participant à une action désintéressée. À n'en pas douter, rares seront les salariés à recourir à ce dispositif, comme l'ont d'ailleurs fortement souligné les parlementaires de votre majorité en commission mixte paritaire.
Passe encore qu'il s'agisse là d'un pur cavalier législatif. Passe encore que ce dispositif soit très largement inspiré des pratiques du secteur bancaire, qui font que le client ayant acquis des points grâce à l'utilisation de sa carte bleue ou de certains services peut les offrir à une association caritative, qui en bénéficiera sous forme d'espèces. Il demeure que cet article est incomplet, car les sommes données sous formes de jours de RTT n'ouvriront pas droit à l'abattement fiscal qui est de règle en cas de dons. Les salariés généreux préféreront donc se faire payer leurs RTT et bénéficier des exonérations prévues par la loi TEPA, puis faire un chèque à une association et bénéficier ainsi de l'abattement fiscal que ce projet de loi leur dénie.
Le débat en commission mixte paritaire a, de ce point de vue, été très éclairant : les parlementaires de votre majorité n'ont pas tous adopté cet article, et M. About a même présenté un amendement, qu'il a finalement retiré.
Décidément, ce n'est pas seulement ce projet de loi qui a été conçu dans l'urgence : les amendements soutenus par le Gouvernement et habilement déposés par certains sénateurs l'ont été également !
De ce texte, il reste encore trois articles sur le logement. Le premier instaure un nouvel indice d'indexation des loyers, le deuxième réduit à un mois le dépôt de garantie et le dernier permet aux loueurs privés de recevoir l'APL, l'aide personnalisée au logement, due à leur locataire.
Autant dire que ces articles, même s'ils sont les bienvenus, ne modifieront pas substantiellement la vie de nos concitoyens. Tel aurait pu être le cas, pourtant, si les amendements déposés par mon groupe, qui visaient à exonérer les étudiants de la taxe d'habitation ou encore à geler les prix des loyers, avaient été adoptés.
Je regrette également que votre gouvernement n'ait pas profité de ce texte pour encadrer la vente des logements sociaux. En effet, au nom du « parcours résidentiel » que vous vantez tant, certains maires, très souvent dans les communes gérées par votre majorité, procèdent à la vente des logements sociaux.
Certaines communes cèdent d'ailleurs une partie de leur patrimoine social alors même qu'elles ne respectent pas la loi SRU - solidarité et renouvellement urbain -, qui impose 20 % de logements sociaux, et qu'elles ne prévoient pas de plan de construction pour les années à venir.
Pourtant, nous constatons, dans nos permanences et sur les marchés, que le nombre des demandeurs croît considérablement. Les publics se modifient : ce ne sont plus seulement les plus pauvres qui sont demandeurs ; ce sont aussi les catégories moyennes et les jeunes, pour qui le loyer constitue la première charge, représentant parfois 45 % des revenus d'un couple. Cette évolution est la conséquence d'un double phénomène : l'augmentation considérable des loyers et la stagnation des salaires. Là encore, la boucle est bouclée !
S'agissant en particulier de l'article 6 du texte, il vise un dispositif qui existait déjà auparavant, mais dont le locataire pouvait refuser l'application. Si nous pouvons comprendre la philosophie qui l'anime, nous serons très vigilants sur la question du logement insalubre.