compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Service public de l'emploi
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions du rapport (n° 183) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier au Sénat pour élaborer un texte commun sur les dispositions du projet de loi restant en discussion est parvenue à un accord.
Elle a adopté au total une trentaine d'amendements, la plupart aux fins de coordination.
De nombreuses modifications apportées au code du travail en vigueur n'avaient pas été introduites dans le nouveau code, ce à quoi nous avons remédié.
En ce qui concerne les modifications de fond, la commission mixte paritaire a tout d'abord accepté, sur proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale, d'autoriser, à titre expérimental, dans deux régions, une coprésidence des conseils régionaux de l'emploi par le préfet et le président du conseil régional.
Je rappelle que les conseils régionaux de l'emploi sont une nouvelle structure, à vocation consultative, instituée par le présent projet de loi. Cette coprésidence est susceptible de favoriser une meilleure coordination sur les questions d'emploi entre les services de l'État et ceux des conseils régionaux, qui sont compétents, comme vous le savez, en matière de formation professionnelle.
La commission mixte paritaire a ensuite supprimé l'obligation, introduite par l'Assemblée nationale, de recueillir l'avis des maisons de l'emploi avant de conclure la convention prévue, chaque année, entre le préfet de région et le directeur régional du nouvel opérateur.
Il nous a semblé que cette contrainte risquait d'être excessivement lourde, dans la mesure où l'on pourrait compter, à terme, une dizaine ou une quinzaine de maisons de l'emploi dans chaque région.
Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé la date butoir que nous avions assignée à la durée de validité de la convention collective applicable aux ASSEDIC. En première lecture, nous avions fixé au 30 septembre 2010 au plus tard la date à laquelle cette convention cesserait de produire ses effets. Notre objectif était d'encourager les partenaires sociaux à trouver rapidement un accord sur la nouvelle convention collective applicable au personnel de l'opérateur.
La commission mixte paritaire a fait un autre choix. Elle s'est ralliée, en majorité, à la proposition de notre collègue député M. Yves Albarello pour que les partenaires sociaux déterminent eux-mêmes la date d'expiration de la convention applicable aux ASSEDIC.
Ce n'était pas ma position, car je craignais que cette disposition bien peu contraignante n'incite guère à conclure rapidement un nouvel accord. Vous l'avez compris, c'était dans l'intérêt des salariés que je souhaitais qu'on mette rapidement fin à une période d'incertitudes, mais tel est le choix de mes collègues, que je respecte au nom de la démocratie. J'espère que le sens des responsabilités de chacun finira par l'emporter et rendra mes craintes infondées. C'est mon souhait le plus cher.
Je signale enfin que la commission mixte paritaire a confirmé la suppression de l'article 8 ter, que le Sénat avait adopté sur l'initiative du président de notre commission des affaires sociales, pour lutter contre certaines formes de fraudes aux ASSEDIC. Elle a estimé que ce projet de loi ne constituait pas le bon vecteur pour résoudre ce problème. Néanmoins, ses membres ont admis, dans leur grande majorité, que M. About avait soulevé là une vraie difficulté, qu'il conviendra de réexaminer à l'occasion, par exemple, d'un prochain projet de loi tendant à réformer le marché du travail.
Les autres apports du Sénat ont été préservés, notamment la possibilité offerte au conseil d'administration de voter une « motion de défiance » contre le directeur général du nouvel opérateur, la création d'une quatrième section dans son budget ou encore le choix du nom de baptême, qui sera l'une des premières compétences de la future institution
Au total, le texte que nous vous proposons devrait permettre de mettre en oeuvre, dans des conditions satisfaisantes, la réforme de structure ambitieuse que le Président de la République et Mme le ministre ont souhaitée pour répondre aux besoins et aux attentes légitimes des demandeurs d'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez dans quelques instants, je l'espère, voter un texte que je crois important.
Je voudrais en préalable vous remercier, madame le rapporteur, du travail considérable que vous avez accompli sur ce projet de loi à une période où chacun d'entre nous aurait préféré passer du temps en famille. Vous avez néanmoins procédé à des auditions et engagé un véritable travail de fond. Vous avez cru à ce projet et, jusque dans la dernière ligne droite, vous avez défendu des thèses et des causes qui nous étaient chères à l'une et à l'autre. Je voudrais ici vous en rendre hommage.
Le nouvel opérateur sera la charpente du service public de l'emploi que le Gouvernement entend mettre en place. Il sera l'un des outils, il y en aura d'autres, qui nous permettront d'atteindre les deux objectifs qui nous ont été fixés : un taux de chômage réduit à 5 % et un taux d'emploi de 70 % en 2012.
La fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC ne suffira pas à atteindre ces objectifs. Elle n'est ni l'alpha ni l'oméga de la réforme ; elle est l'un des trois piliers déterminants pour modifier de façon significative les relations dans le monde du travail.
Cette réforme s'inscrit dans une politique beaucoup plus globale. Il y a bien sûr une politique de création d'emplois, une politique de croissance, avec notamment les dispositions concernant les heures supplémentaires votées cet été, et d'autres mécanismes qui modifieront les relations au sein de l'entreprise.
Il y a aussi le chantier considérable de la réforme du marché du travail afin d'instaurer une flexibilité accrue tout en préservant la sécurité, ce qui est parfaitement compatible avec le développement des emplois.
L'accord interprofessionnel qui a été signé le 11 janvier dernier constitue une étape importante dans l'évolution des relations au sein de l'entreprise. À cet égard, la réforme de la formation professionnelle sera essentielle. Elle nous amènera à examiner en profondeur tout à la fois l'apprentissage, la formation professionnelle continue, et à prendre des mesures d'anticipation pour permettre l'employabilité des salariés.
Ce texte permettra d'améliorer l'adéquation entre l'offre et la demande et, grâce à la mise en place de plateformes polyvalentes de services, d'inciter les acteurs concernés à rendre des services de meilleure qualité aux entreprises à la recherche de salariés - certaines offres d'emploi sont non pourvues - comme, bien entendu, à tous les demandeurs d'emploi, qu'ils soient indemnisés ou non.
Je me félicite des améliorations qui ont été apportées au texte à l'occasion des débats que nous avons eus dans cet hémicycle.
Un certain nombre de propositions, formulées sous forme d'amendements, n'ont pas été retenues dans la version finale.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est regrettable !
Mme Christine Lagarde, ministre. Elles ont toutefois permis d'ouvrir un débat de fond dont je suis sûre qu'il se poursuivra, car il est déterminant, sur la disponibilité et la qualification des demandeurs d'emploi.
C'est un début. Les agents de l'ANPE, les salariés de l'UNEDIC et des ASSEDIC vont, dans les jours qui viennent, grâce à l'instance de préfiguration, mettre en oeuvre le projet ambitieux soumis à votre vote ce matin.
Par ailleurs, nous allons lancer rapidement les travaux de préparation de la convention tripartite que l'État et l'UNEDIC concluront avec le nouvel opérateur.
Il faudra définir les objectifs assignés à l'opérateur, les publics prioritaires qui bénéficieront d'un accompagnement renforcé, et ses modes d'action : intervention directe, cotraitance, sous-traitance, recours à des opérateurs privés, pour l'accompagnement de publics à déterminer et selon des modalités à fixer. L'impératif sera toujours de rendre le meilleur service aux deux publics fondamentaux que sont les demandeurs d'emploi et les entreprises.
La réflexion se poursuivra également sur le contenu précis de l'offre de services du nouvel opérateur, notamment le bon niveau d'accompagnement et la qualité des prestations proposées.
Il faudra également définir les modes opératoires avec les autres services publics de l'emploi, notamment les maisons de l'emploi, longuement évoquées lors du débat parlementaire, l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, ou AFPA, l'association pour l'emploi des cadres, ou APEC, les missions locales ou encore les Cap Emploi. Le Gouvernement espère que tous ces acteurs pourront travailler en synergie, sachant que certains d'entre eux - en particulier les maisons de l'emploi - ne remplissent pas du tout la même fonction que la nouvelle institution ANPE-ASSEDIC.
Cette étape législative ne clôt pas le chantier, elle lui donne une impulsion et une direction.
La préparation du projet a donné lieu à une intense concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux et les représentants des collectivités locales.
Ces étapes ont chaque fois permis d'enrichir le projet, de rapprocher les points de vue et nous avons pu obtenir un avis favorable de la grande majorité des partenaires sociaux.
De nombreux amendements ont été adoptés, y compris d'ailleurs de l'opposition, qui ont permis de mieux qualifier l'institution et d'enrichir ses missions. Nos débats se sont inscrits sans cesse dans l'esprit du projet de loi initial : la concertation, l'écoute, la recherche d'un meilleur service à rendre tant aux demandeurs d'emploi qu'aux entreprises.
Je tenais à vous remercier tous les membres de la commission que vous représentez, monsieur le président de la commission, et à rendre hommage au travail accompli par Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme des discussions sur le projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, qui deviendra donc loi après le vote du Sénat puis, tout à l'heure, de l'Assemblée nationale.
Je veux d'abord redire que la discussion en urgence de ce projet de loi ne se justifiait pas et que le débat ayant eu lieu hier en commission mixte paritaire l'a démontré. Certaines modifications apportées au texte après son examen par nos collègues députés auraient mérité un débat et un examen approfondis, qu'une deuxième lecture tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale aurait permis.
Nous avons eu l'occasion d'aborder des points importants qui n'étaient pas dans la logique du projet de loi, mais qui auraient eu toute leur place dans un texte portant sur les politiques de l'emploi et de la formation et sur leur mise en oeuvre par le service public de l'emploi réformé. Vous avez abordé ces questions par le petit bout de la lorgnette. J'espère - mais je n'en suis pas tout à fait sûre - que vous n'avez pas ainsi créé une nouvelle complexité organisationnelle. Au moins est-il acté que nous avons un texte sur la réforme non pas du service public de l'emploi, mais de son organisation.
Ce n'est pas cette réforme qui répondra aux difficultés rencontrées par un grand nombre de nos concitoyens, notamment les allocataires de minima sociaux, de plus en plus nombreux dans certains de nos territoires, ainsi que les 600 salariés mosellans qui vont sans doute devoir changer d'emploi et en trouver un autre, alors que leur entreprise a dégagé près de 6,5 milliards d'euros de bénéfices et que le directeur général et sa famille devraient percevoir à eux seuls environ 640 millions d'euros.
La situation économique et sociale de notre pays est inquiétante ; nos concitoyens sont préoccupés, ils ne sont pas satisfaits de leur Président de la République et de son gouvernement. Il n'est pas question pour nous de valider le fait que, si les choses vont mal, c'est à cause des chômeurs et des professionnels des différentes institutions qui les reçoivent et les accompagnent.
Venons-en donc à cette fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, pour laquelle nos débats ont permis d'obtenir quelques avancées.
Il en est ainsi de l'intitulé du projet de loi, qui reflète désormais plus précisément le contenu du texte : je le répète, il s'agit évidemment d'une réforme non pas du service public de l'emploi, mais bien de sa seule organisation.
Nous avons également levé les ambiguïtés qui pesaient sur la nature juridique de l'organisme issu de la fusion des ASSEDIC et de l'ANPE. Il s'agira bien d'une institution publique nationale, certains ayant même évoqué l'idée d'un établissement public administratif. Nous avons pu préciser le rôle de son conseil d'administration en matière d'attribution annuelle des dépenses.
Notre groupe a par ailleurs enregistré d'autres sujets de satisfaction. Je pense notamment à l'introduction, au sein du conseil d'administration, d'un représentant des collectivités territoriales. Je songe aussi à l'adoption d'un amendement de précision à l'article 3, qui, dans la logique de la création d'une quatrième section fongible dans le budget de la nouvelle l'institution, permet de spécifier la ventilation de la participation du régime d'assurance chômage au fonctionnement et à l'investissement de cette institution.
L'examen à l'Assemblée nationale et en commission mixte paritaire ont permis d'obtenir quelques nouvelles avancées ou rectifications. Il a ainsi été confirmé que les collectivités territoriales auront une place de titulaire et de suppléant au conseil d'administration. Bien que la disposition paraisse insuffisamment ambitieuse et peu cohérente avec les lois de décentralisation, y compris celle d'août 2004 qui confie aux régions la compétence en matière de formation professionnelle et de coordination du développement économique, la commission mixte paritaire a validé le principe d'une expérimentation par deux régions. Dans ce cadre, il s'agira, d'une part, de mieux articuler les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle à l'échelon régional, et, d'autre part, d'établir dans les deux régions concernées une coprésidence du conseil régional de l'emploi par le président du conseil régional et le préfet de région.
La commission mixte paritaire a également supprimé la possibilité pour les maisons de l'emploi d'émettre un avis sur la convention annuelle conclue au niveau régional. Cela générait, de fait, une inégalité entre les territoires, dans la mesure où les maisons de l'emploi n'existent pas dans tous les territoires, même pas de France métropolitaine, et que les promesses sur la pérennisation de ces organismes, que vous avez réaffirmées à l'instant, madame la ministre, ne nous apparaissent pas comme des certitudes. En effet, je le rappelle, la commission d'habilitation, présidée par notre collègue député Jean-Paul Anciaux, ne s'est plus réunie depuis mars 2007, pour des raisons que je qualifierai de « mystérieuses ».
Les personnels des ASSEDIC restent régis par la convention collective qui leur est applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle convention ou, à défaut, jusqu'à la date prévue par l'accord de méthode, et non jusqu'à une date fixée arbitrairement par le législateur, ce dont nous sommes satisfaits.
Néanmoins, certaines inquiétudes subsistent.
Ainsi, aucune précision n'a été apportée aux agents de l'UNEDIC et des ASSEDIC quant à leur devenir professionnel. Par ailleurs, près d'un quart des agents de l'ANPE sont actuellement en CDD et l'article 9 de la convention de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, prévoit que les agents bénéficient de la stabilité de l'emploi « sous réserve des besoins de service ». Si l'on ajoute à cela les hypothèses qui laissent à penser ou, plutôt, qui permettent d'affirmer que le nombre d'agences pourra passer de 1 600 à 1 200, ce sont autant de raisons pour légitimer la question de la pérennisation de ces emplois, plus spécifiquement de ceux qui dépendent d'un contrat précaire.
Quant à la nature de l'activité professionnelle, elle est, elle aussi, source d'inquiétudes. En effet, la rédaction retenue ne garantit nullement l'indépendance des agents. Madame la ministre, vous nous l'aviez vous-même précisé, il sera utile que chaque agent comprenne les attentes de tous les usagers, demandeurs d'emploi et entreprises, et connaisse tous les métiers.
Mais quelles sont les modalités prévues pour parvenir à ce que cette révolution s'opère de la meilleure façon possible ? De quelle manière des agents travaillant aux ASSEDIC, notamment ceux qui sont chargés du recouvrement, deviendront, demain, des conseillers pour les entreprises ? Nous n'en savons rien, et les salariés non plus. Dans le même ordre d'idées, ces derniers s'interrogent également sur la mise en oeuvre et les finalités d'un outil informatique commun.
La négociation de la nouvelle convention collective, nous le savons tous, s'inscrit d'ores et déjà dans un cadre complexe, pour ne pas dire préoccupant. Madame la ministre, vous nous l'avez expliqué, compte tenu du fait que les agents de l'ANPE avaient un statut de droit public fixé par décret, le Gouvernement avait fait le choix, dans le respect des dispositions de la convention C88 de l'OIT, de prévoir une convention collective, cette dernière, une fois négociée, devant faire l'objet d'un agrément gouvernemental.
Si le respect de la convention C88 de l'OIT est un préalable essentiel, affirmer que le Gouvernement donnera son agrément ne saurait apaiser les inquiétudes des agents. Ceux-ci ne croient absolument pas que ce seront les atouts de la convention collective de l'UNEDIC conjugués à ceux du statut des agents de l'ANPE qui constitueront, in fine, la base de la future convention collective.
Le dernier motif de satisfaction est la suppression par l'Assemblée nationale, confirmée par la commission mixte paritaire, de l'article 8 ter relatif à la démission de fait du salarié ayant quitté son poste de travail, qui avait d'ailleurs été introduit au Sénat sur votre initiative personnelle, monsieur le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cet amendement visait à dénoncer une association de malfaiteurs !
Mme Christiane Demontès. Or, vous l'avez vous-même souligné hier, cette disposition relève plus du code du travail. On peut estimer que l'accord qui vient d'être signé récemment par les partenaires sociaux, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, est de nature à régler cette question, dans le cadre de la rupture négociée du contrat de travail entre l'employeur et le salarié. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir lorsque nous aurons à inscrire dans la loi un tel accord.
Par ailleurs, je voudrais de nouveau évoquer la question de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA.
Devant l'indécision dont fait preuve le Gouvernement quant à la place et au devenir de cet organisme, les salariés se mobilisent. Les organisations syndicales, désormais organisées en « Comité de défense de l'AFPA et de son personnel », se sont réunies il y a quarante-huit heures.
Elles constatent que « le démantèlement de l'Association est engagé : cession du patrimoine à la SOVAFIM, prévision de transfert des services d'orientation, dangers sur l'ingénierie, fermetures d'établissements, de sections de formations, augmentation de la précarité des personnels. » Comme elles le précisent, ce qui est en jeu, et vous le savez bien, madame la ministre, « c'est l'effectivité du droit à la qualification pour les salariés - actifs ou demandeurs d'emploi - en premier lieu les moins qualifiés d'entre eux. » Dès lors que l'on réforme le marché du travail et que l'on entend mettre en oeuvre la sécurisation du parcours professionnel, cette dimension est on ne peut plus centrale.
Aussi, nous ne pouvons que nous inquiéter du devenir de l'AFPA et de ses personnels. Toujours à ce sujet, madame la ministre, je vous avais interrogée lors des débats sur l'éventualité de la prorogation de la période transitoire qui permet aux régions de subventionner les actions de formation de l'AFPA. Vous vous étiez alors engagée - le compte rendu intégral des débats l'atteste - à travailler avec l'Association des régions de France, l'ARF, pour aider les régions à « trouver les mécanismes appropriés ». Vous aviez ajouté : « Si nous n'y arrivons pas dans les délais, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2008, il sera temps de prévoir alors une extension de délai. »
Or, dans un courrier que vous avez adressé dès le lendemain de nos débats au président de l'ARF, il me semble que vous fermez la porte en précisant : « Les conseils régionaux pourront appliquer à compter de la date initialement prévue, le 1er janvier 2009, les règles de la commande publique. » Ai-je eu tort, madame la ministre, de vous faire confiance ? J'espère que vous allez me démentir !
En conclusion, malgré les quelques avancées que j'ai rappelées, nous sommes loin d'avoir réglé toutes les questions posées par ce projet de loi. Mon groupe votera donc contre de nouveau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame la ministre, nous sommes réunis ce matin pour adopter deux textes hautement symboliques de votre volonté de modeler notre société à la sauce libérale. Vous le savez, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne veulent pas de cette société-là.
Nous débutons donc cette matinée par le projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, qui est, vous l'avez précisé, l'un des trois piliers de la réforme de l'emploi.
Je dois le dire, les hasards du calendrier font parfois bien les choses. Alors que nous nous apprêtons à adopter ce texte, la presse dévoile, depuis quelques jours déjà, un scandale financier et boursier sans précédent dans notre pays : vous aurez reconnu l'affaire de la Société générale.
Cette banque, considérée par de nombreux économistes et spécialistes du marché boursier comme l'une des plus sérieuses, a perdu près de 2,9 milliards d'euros dans la crise des subprimes à la française et plus de 5 milliards d'euros dans cette immense affaire de détournement de fonds. Un trader, comme il est convenu de l'appeler, a, à lui seul, nous dit-on, fait perdre 5 milliards d'euros à cet établissement bancaire. Il aurait seul, nous dit-on encore, contourné toutes les procédures, violé toutes les protections et manipulé jusqu'à 50 milliards d'euros.
Il faudra tout de même nous expliquer comment, en France, un seul homme peut « boursicoter », car il n'y a pas d'autres termes, avec une somme équivalente au déficit cumulé de notre régime de protection sociale.
Madame la ministre, je devine que vous ne voyez pas le lien avec le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Il est pourtant bien réel.
Lors de l'examen du projet de loi initial, mon collègue Guy Fischer et moi-même avions dénoncé une politique de culpabilisation des demandeurs d'emploi. Nous critiquions alors, et continuons à le faire, le regard que vous portez sur les demandeurs d'emploi, les considérant plus comme des « clients », pour la part solvable, et comme des « coûts », pour ce qui relève de l'indemnisation, que comme des salariés privés d'emploi.
De la même manière, nous dénoncions et dénonçons encore votre insistance à vouloir « chasser » les fraudeurs. L'esprit de votre réforme et des lois successives votées par la majorité, « loi de cohésion sociale » en tête, n'ont pour seul objectif que d'organiser méthodiquement, trop d'ailleurs, une telle chasse.
C'est un constat que nous faisions déjà lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, par lequel, au nom encore de la lutte contre la fraude, à l'assurance maladie cette fois-ci, vous organisiez la privatisation des missions de contrôle, confiant aux médecins pratiquant pour l'employeur la contre-visite la mission de donner une évaluation sur la possible réintégration du salarié et, donc, sur le maintien du versement de ses indemnités journalières.
Par conséquent, c'est, pour vous, tout le temps la même logique : la coercition pour les uns, victimes de votre politique libérale, et la tranquillité, pour ne pas dire l'impunité, pour les autres, grands maîtres en matière de libéralisme.
Ce que nous affirmions durant l'examen de ce texte se vérifie aujourd'hui : pour vous, les fraudeurs sont toujours des salariés, jamais des employeurs ou des dirigeants.
Les propos tenus par le Président de la République confirment d'ailleurs notre analyse. Il veut revenir, sans réelle concertation, sur la notion d'offre valable d'emploi, en lui substituant celle, plus floue et, on le devine, plus libérale, d'offre acceptable d'emploi. Ce faisant, il revient sur une définition issue de l'Organisation internationale du travail et strictement encadrée par la jurisprudence, pour lui privilégier une nouvelle définition, issue non des normes internationales, mais de la « boîte à idée » du MEDEF. Je regrette d'ailleurs sincèrement que certains sénateurs aient repris l'esprit de ce glissement sémantique.
Notre Haute Assemblée, dont on reconnaît souvent la qualité des travaux, n'a toutefois pas résisté à la tentation de la culpabilisation des demandeurs d'emplois, et il aura fallu la sagesse des députés pour que l'amendement de M. About soit supprimé. Il s'agissait de revenir sur un dispositif utile et protecteur pour le salarié.
Ainsi votre majorité a-t-elle voté, en ces lieux, pour que la non-présentation du salarié à son poste soit qualifiée démission plutôt que licenciement, rompant avec la jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle, rappelons-le, la démission ne se présume pas. Cet amendement n'avait en fait qu'un objectif, celui de durcir plus encore les conditions d'accès au régime d'indemnisation du chômage des demandeurs d'emplois.
La réalité, nous la connaissons. Le Président de la République veut, d'ici à 2012, parvenir au plein emploi et réduire le chômage jusqu'au taux particulièrement bas de 5 %. Or, comme il ne peut compter ni sur la relance économique ni sur sa propre politique en matière d'emploi, il lui faut nécessairement trouver des stratagèmes. La solution réside ni plus ni moins dans la radiation massive des demandeurs d'emplois. Les deux exemples préalablement cités, à savoir l'amendement déposé par M. About, fort heureusement retiré, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame David, vous n'êtes pas gentille ! (Sourires.)
Mme Annie David. ... et le recours à l'offre acceptable d'emploi, en sont des instruments.
Pour parvenir à vos fins, il vous fallait modeler l'organisme en charge de l'indemnisation des chômeurs et de leur conseil. C'est toute la raison d'être de votre projet de loi. Autant dire que l'adoption de notre amendement n° 40 tendant à réaffirmer le caractère public et national de la future institution, le seul amendement de notre groupe adopté par cette assemblée, ne nous rassure pas.
Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, votre majorité a refusé nos amendements visant à préciser que l'institution nouvelle devait être un établissement public administratif. Rien ne garantit donc ce statut et, contrairement à vos propos, cela ne se déduit pas de l'absence de vente de services ou de produits.
Ce que nous redoutons, c'est la création d'un établissement public sui generis, à mi-chemin entre l'établissement public et la société privée. Ce doute, vous l'entretenez, en précisant dans l'article 2 du présent projet de loi que la comptabilité de la future institution sera soumise aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales. Il n'est donc plus fait référence à un établissement public, fût-il un établissement public industriel et commercial, ou EPIC ; il s'agit bel et bien d'une entreprise industrielle, ce qui nous renvoie irrémédiablement dans la sphère privée.
Il en est de même du sort réservé aux salariés. S'il est vrai que les agents issus de feue l'ANPE auront un droit d'option, ils relèveront en tout état de cause du code du travail, comme les salariés du privé.
Madame la ministre, lors de la recodification du code du travail, nous avions cru comprendre que vous souhaitiez simplifier le droit. Je m'étonne alors de la curieuse opacité qui entoure le statut de cette institution et qui ne peut que dissimuler la réalité de vos projets.
Vous voulez, ni plus ni moins, privatiser le service public de l'emploi. Quand bien même la structure de l'institution serait publique, rien ne garantit que vous ne privatiserez pas, en partie ou en totalité, sa mission. Rien n'interdit que, sous l'apparence d'une structure publique, le privé soit roi. Tel est déjà le cas, et je le regrette, à l'ANPE, qui sous-traite une partie de son activité à des sociétés privées de placement. Ce recours va d'ailleurs toujours grandissant.
On comprend mal pourquoi ce qui était la règle hier serait l'exception demain. Vous vous êtes même refusée à préciser si la future institution aura ou non recours à de telles pratiques.
Les propos que vous avez tenus devant l'Assemblée nationale ne nous rassurent pas. Vous avez parlé non plus d'un service public de l'emploi, conformément à l'intitulé du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui, mais d'un « marché public de l'emploi ».
On redoute les propos que vous tiendrez demain, après l'adoption de ce projet de loi ! Sans doute finirez-vous par parler d'un « marché du service de l'emploi », niant définitivement le caractère public de ce service, et l'ouvrant en grand à la concurrence et aux structures privées.
Avant de conclure, je souhaite évoquer le sort que votre gouvernement et sa majorité complice entendent réserver à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, dont vient de parler Mme Demontès. Par le jeu d'un amendement déposé par Mme Procaccia et tendant à insérer un article additionnel après l'article 8, ...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. C'est mon initiative et celle de personne d'autre !
Mme Annie David. ... il est prévu dans le projet de loi que « dans un délai de douze mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les modalités du transfert éventuel à l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du code du travail des personnels de l'association pour la formation professionnelle des adultes chargés de l'orientation professionnelle des demandeurs d'emploi ».
La rédactrice de cet amendement a pris soin de recourir au terme « éventuel ». Mais les salariés ne savent que trop, depuis le rapport Marimbert de 2004 et celui, plus récent, de nos collègues Seillier et Carle, quel sort leur sera réservé. Ils savent que votre majorité veut en finir avec le service public de l'emploi et que, pour ce faire, il faut tout démanteler. Ils savent pertinemment que vous souhaitez détricoter la structure actuelle en séparant la formation et l'orientation.
Comment soutenir un seul instant que ce projet puisse être viable ? Comment soutenir que ces deux missions, pourtant très liées l'une à l'autre, puissent être exercées par des structures différentes ? Je comprends d'ailleurs mal votre logique. D'un côté, celui de l'ANPE et des ASSEDIC, il faut fusionner, de l'autre, celui de l'AFPA, il faut au contraire dissocier.
Pour mon groupe, la cohérence est totale. Nous sommes pour un service public de l'emploi, qui recouvre toutes les missions et soit un outil utile à l'employeur, au salarié actif et à celui privé d'emploi. Les salariés ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et ils étaient nombreux à rejoindre leurs collègues qui manifestaient devant le Sénat durant nos travaux.
Comment ne pas mettre en corrélation cet amendement avec ce que les salariés de l'AFPA ont constaté ? Le 24 janvier dernier, les salariés élus du comité d'établissement ont interrogé la direction de l'AFPA sur la présence de la SOVAFIM « dans les murs de l'AFPA ». Je rappelle, pour mémoire, que la SOVAFIM est la société de valorisation foncière et immobilière, dont la mission est de valoriser et de vendre le patrimoine immobilier des agences ou institutions de l'État. À ce jour, les représentants élus des salariés n'ont reçu aucune réponse de la part de leur direction.
Je me tourne donc vers vous, madame la ministre, afin que vous nous confirmiez si l'État entend poursuivre et amplifier les ventes du patrimoine immobilier de l'AFPA, comme l'annonçait M. Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget.
Ce que nous redoutons, et les faits sont têtus à cet égard, c'est la privatisation de la future institution, tout au moins de sa mission d'orientation. Aujourd'hui, vous vendez ses biens et transférez son personnel. Et demain ? Il ne restera plus qu'à vendre aux plus offrants la mission d'orientation.
Il en sera de même pour la mission de placement de la future institution et le risque est grand que les agents de l'AFPA n'aient plus pour mission, à l'avenir, que le contrôle et la lutte contre la fraude. D'ailleurs, je fais mienne la question posée dans le journal Le Figaro : qui va payer ?
Nous le savons, la réforme de la formation professionnelle qui va s'engager pose de vraies questions. Mais les salariés et leurs organisations ne sont pas les seuls à s'y intéresser. Le MEDEF y regarde aussi de près. Nul doute que la question de la part patronale du financement viendra en débat. Et si les déclarations récentes sur le financement de la part « formation professionnelle » par les employeurs ne sont pas de nature à nous rassurer totalement, autant dire que le silence sur la part « orientation » nous inquiète.
Je m'étais opposée à cet amendement lors de sa présentation en séance. Je regrette donc fortement que les députés ne soient pas revenus sur l'article en question et que celui-ci soit finalement adopté.
Madame la ministre, je souhaite, en conclusion, vous poser une question, à laquelle je ne doute pas que vous apporterez une réponse.
Le journal Les Échos en date du 30 janvier 2008 titrait : « À l'ANPE, plus d'un agent sur cinq est en contrat précaire ». On apprend, dans cet article, que l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, ont remis un rapport conjoint faisant état de la précarisation des salariés de l'ANPE. Ce ne sont pas moins de 3 400 contrats à durée déterminée, 2 000 contrats aidés et 900 contrats temporaires qui se cumulent dans le service public de l'emploi. Pour Régis Dauxois, secrétaire général de Force Ouvrière-ANPE, « c'est une question structurante ».
D'après l'auteur de l'article, vous vous seriez engagée, madame la ministre, à requalifier tous les CDD de plus de dix-huit mois en CDI de droit privé. Or cela fait parfois plus de neuf ans que certains salariés sont en CDD, alors que la règle en la matière établit une limite de deux CDD maximum de trois ans, soit six ans tout au plus. À défaut, en cas de dépassement de ce délai, il conviendrait de requalifier ces contrats en contrats de droit public, à l'image de ceux de la majorité des agents.
Ce n'est pourtant pas ce que vous prévoyez. Vous proposez à ces salariés, qui ont participé au développement d'une structure publique, de bénéficier, après des années d'effort, non pas du statut de l'entreprise pour laquelle ils ont travaillé des années durant, mais de celui d'une agence à venir. Ne trouvez-vous pas socialement injuste de les renvoyer dans le secteur privé, quand leur activité professionnelle s'est déroulée pour l'essentiel dans le secteur public ? Vous connaissez notre opposition à votre projet de fusion. Mais, avec cette dernière mesure, vous méprisez les salariés et bafouez leur histoire personnelle au sein de ce service public.
La reconnaissance des salariés est un élément fondamental de la motivation, et nous en avons longuement débattu lors de l'examen de ce projet de loi et de celui pour le pouvoir d'achat. Il va sans dire que votre décision ne participe pas de ce mouvement de reconnaissance, et c'est fort regrettable.
Madame la ministre, quel sort entendez-vous réserver aux contrats atypiques et aux contrats temporaires dans la future institution ? Entendez-vous faire des salariés sous contrat précaire, comme cela semble se profiler à l'horizon, les leviers économiques de votre triste fusion ?
Je reste donc opposée, avec l'ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, à ce projet de loi qui, au final, ne sera pas créateur de droits nouveaux pour les demandeurs d'emplois et privatisera plus encore ce qui reste du service public de l'emploi. J'émettrai donc, au nom de mon groupe, un vote d'opposition à votre projet de loi.