M. Nicolas About, rapporteur. Je reconnais les avoir tenus !
M. Guy Fischer. Vous avez dit, monsieur About, que nous cherchions réellement à revenir sur le compte épargne temps. Croyez bien, mes chers collègues, que notre opposition à ce dispositif va grandissant avec les modifications que les gouvernements de droite successifs lui apportent.
Lors de l'élaboration de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, nous exprimions déjà notre inquiétude quant au recours au compte épargne-temps et dénoncions le risque de voir la question de la rémunération et des salaires passer au second plan, masquée par l'existence des CET et de l'ensemble des mécanismes de participation : épargne salariale, distribution d'actions gratuites, plans d'épargne retraite...
Deux ans plus tard, vous nous donnez raison. Les fonctionnaires qui ont manifesté aujourd'hui posent en fait la question suivante : à quand une véritable prise en considération de la baisse chronique du pouvoir d'achat des salariés, tant du public que du privé ? Or, pour éviter de subir les critiques de la grande majorité de nos concitoyens quant à la détérioration du pouvoir d'achat, vous leur proposez de faire racheter les journées de RTT qui, précisément, sont comptabilisées sur les comptes épargne-temps. Ces derniers, par l'effet des mesures que vous avez promues, sont devenus tout simplement des comptes d'épargne.
Soyons clairs : nous sommes opposés moins au CET qu'à la logique qui sous-tend ce dispositif. Ce que nous dénonçons, c'est la dénaturation, le « détricotage » des lois sur les 35 heures ; ce que nous ne pouvons tolérer, c'est que vous cachiez derrière un écran de fumée la vraie, la seule question qui intéresse les Français : celle des salaires et des retraites.
Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, se fait fort de pouvoir négocier sur tous les sujets, mais se dit pourtant incapable de réunir rapidement une conférence nationale sur l'emploi et les salaires. Il est capable de tout, sauf d'assurer la juste rémunération du travail des salariés, sauf de garantir aux retraités une pension digne de ce nom ! Relever le montant des retraites à hauteur de 1,1 % est une insulte faite aux intéressés, monsieur le ministre !
En outre, croyez-vous réellement qu'un salarié père de famille convenablement rémunéré s'userait la santé à multiplier les heures supplémentaires, plutôt que de profiter de ses proches et de sa famille ? J'en doute, car lorsque l'on interroge les Françaises et les Français sur leur envie d'effectuer des heures supplémentaires, leur réponse unanime est qu'il ne s'agit en réalité pour eux que de compenser la faiblesse de leurs salaires. Telle est la vérité !
Ce projet de loi aura au moins eu l'avantage, à défaut de relancer le pouvoir d'achat et la croissance, de manifester l'existence d'une ligne de fracture entre, d'un côté, les tenants d'une économie libérale, à savoir le Gouvernement, sa majorité et le MEDEF, et, de l'autre, les défenseurs d'une économie que j'ose qualifier de sociale et de solidaire.
Vous défendez donc l'instauration de règles individuelles négociées de gré à gré entre l'employeur et le salarié, alors que nous souhaitons au contraire garantir des règles collectives. Vous voulez individualiser les salaires, quand nous voulons les asseoir sur une protection collective. Vous voulez supprimer notre régime de retraite solidaire par répartition en lui substituant progressivement des mesures individuelles reposant sur la capitalisation, lorsqu'il ne s'agit pas de montages boursiers. Pour nous, au contraire, il faut mettre fin à tous ces dispositifs et aux exonérations de cotisations et d'impôts qui y sont liées, pour assurer le financement à la hauteur des besoins de notre régime de retraite par répartition. Cela permettrait notamment de revaloriser les pensions, que le Gouvernement rogne en n'accordant qu'une hausse de 1,1 %.
Enfin, vous entendez poursuivre dans la voie du recours régulier et abusif aux contrats précaires, quand nous défendons le CDI et voulons le généraliser.
Les Françaises et les Français attendront donc encore longtemps avant de connaître une augmentation de leur pouvoir d'achat. Ils constateront toutefois que votre logique est la suivante : dès lors qu'il s'agit de satisfaire les plus riches et le patronat, toutes les mesures sont bonnes ; quand il s'agit en revanche de permettre aux salariés de vivre dans la dignité des fruits de leur travail, le Gouvernement est aux abonnés absents.
Je conclurai donc en répétant ce que j'ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale : augmenter les retraites, les minima sociaux, les salaires, voilà l'urgence, voilà ce qu'il faut faire. Pour l'heure, nous voterons contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de souligner la qualité de nos débats d'hier et d'aujourd'hui sur une question essentielle pour l'ensemble des Français.
Le Président de la République s'était engagé, lors de la campagne pour l'élection présidentielle, à promouvoir le travail et à relancer le pouvoir d'achat. Le présent projet de loi succède à la loi TEPA, qui avait, je le rappelle, permis la défiscalisation des heures supplémentaires, l'idée directrice étant de revaloriser le pouvoir d'achat par la réhabilitation du travail.
En effet, il faut lever les entraves au bon fonctionnement du marché du travail, le problème du pouvoir d'achat en France tenant d'abord à la faiblesse du nombre d'heures travaillées.
La première mesure du projet de loi répond à cette logique, en donnant au salarié la possibilité de faire racheter, s'il le souhaite, des jours de RTT. Un amendement que nous avons adopté hier avait cet objet. Le dispositif, qui prévoit la majoration du salaire correspondant, est attrayant. Il est également incitatif pour l'employeur, grâce aux exonérations de charges qui sont accordées.
Le système de déblocage de la participation et l'octroi d'une prime exceptionnelle permettront également aux salariés de disposer de ressources supplémentaires, en fonction de leurs besoins immédiats.
Enfin, le Gouvernement a souhaité légiférer aussi tôt que possible sur la question sensible des dépenses de logement. Ce poste, on le sait, pèse particulièrement lourd dans le budget des ménages. Les deux mesures simples et fortes du texte portant sur ce point permettront, d'une part, de limiter la progression des loyers, et, d'autre part, de faciliter l'accession à la location.
La commission des affaires sociales a introduit une disposition visant les petits propriétaires, trop souvent découragés de proposer leur bien à la location. Les nouvelles garanties qui leur sont apportées viennent équilibrer un texte initialement favorable aux seuls locataires.
Nous nous réjouissons que la Haute Assemblée ait pu enrichir le texte de plusieurs dispositions, portant notamment sur le rachat des jours de RTT. À cet instant, je voudrais remercier particulièrement nos rapporteurs de la qualité de leur travail et de leurs propositions.
Le présent projet de loi est une étape, essentielle, du vaste programme de réformes entrepris par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat et de l'emploi des Français. Nous vous faisons toute confiance, monsieur le ministre, pour accomplir la tâche difficile à laquelle vous vous consacrez.
Bien évidemment, notre groupe votera en faveur de l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera très brève, car nous avons déjà tout dit au cours de ces dernières quarante-huit heures.
Je voudrais cependant faire remarquer que l'État s'en tire à bon compte : en fait, on chercherait en vain quel effort réel il consent au travers de ce texte, hormis, bien évidemment, un effort intellectuel... (Sourires.)
Au fil de la discussion des cinq articles du projet de loi, nous avons essayé de formuler des propositions sérieuses, constructives, qui ont toutes été rejetées, sans exception. En vérité, ce projet de loi pour le pouvoir d'achat, dont on voit bien qu'il n'apportera pas grand-chose dans ce domaine et qu'il ne sera pas à la hauteur des enjeux actuels, masque une volonté permanente de revenir sur la définition légale de la durée du temps de travail.
En effet, sans vraiment l'avouer, vous mettez en place un dispositif, monsieur le ministre, qui tend à revenir sur la durée du temps de travail. Je dirais même que vous n'avez pas - et c'est très habile de votre part, mais je ne me prononcerai pas en faveur de votre texte pour autant ! - l'intention de toucher aux 35 heures, parce qu'elles vous servent. Si la durée légale hebdomadaire du travail n'était pas aujourd'hui fixée à trente-cinq heures, vous ne pourriez pas mettre en place le mécanisme que prévoit ce projet de loi. Il est beaucoup plus facile de procéder ainsi que d'affronter le mécontentement de la population en revenant franchement sur la durée légale du temps de travail.
Quant à la revalorisation des salaires, elle a été complètement absente de vos propositions. Aucune piste n'a été envisagée, par vous, en cette matière. Or c'est tout de même bien par la revalorisation des salaires que le pouvoir d'achat des travailleurs et des retraités pourrait progresser.
Pour le reste, vous demandez aux Français, qui s'étaient comportés jusqu'à présent en fourmis, de devenir cigales parce que les circonstances exigent qu'ils puisent dans leur épargne pour dégager du pouvoir d'achat.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cependant, dans la conjoncture actuelle, cela ne me semble pas très sain, et l'on sait comment, dans la fable, les choses tournent finalement pour la cigale !
Ensuite, vous n'accordez pas de revalorisation des retraites au-delà de 1,1 %, même si l'on a vu que le Président de la République s'est tout à coup rendu compte qu'une telle attitude pouvait être dangereuse en période électorale. On a donc eu droit à des avancées verbales,...
M. Guy Fischer. Des promesses !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... qui, pour l'instant, ne se sont pas traduites dans les faits.
Dans ce projet de loi, est par ailleurs prévu l'octroi d'une prime ponctuelle de 1 000 euros. Bien sûr, cette somme n'est pas négligeable quand on se trouve dans une situation très précaire, mais la prime est individualisable, son octroi et la définition de son montant relevant du bon vouloir de l'employeur, qui pourra, comme je l'ai souligné hier, en jouer à des fins de gestion interne de l'entreprise.
En ce qui concerne le logement, nous n'avons rien pu obtenir d'autre que la modeste avancée que constitue la réduction à un mois de loyer du montant de la caution, pratique qui est d'ailleurs déjà en vigueur dans certains secteurs. Ainsi, le Gouvernement et la majorité n'ont pas accepté l'étalement sur dix mois du versement de la caution.
Enfin, en ce qui concerne les transports, les propositions de mon collègue Thierry Repentin ont été rejetées.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, Serge Dassault, M. le président et rapporteur de la commission des affaires sociales, Nicolas About, ainsi que tous ceux d'entre vous qui ont participé à ce débat.
Comme à l'accoutumée, nos discussions ont été franches. Elles ont permis à chacun d'exprimer ses positions dans le respect des autres. Voilà encore un débat qui fait honneur à la démocratie parlementaire.
Grâce au texte que vous venez de voter, nous allons sans délai renforcer le pouvoir d'achat des Français. Je tenais à vous en remercier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
11
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Nicolas About, Serge Dassault, Mme Isabelle Debré, M. Alain Gournac, Mmes Catherine Procaccia, Raymonde Le Texier et Annie David.
Suppléants : M. François Autain, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Michel Esneu, Mmes Anne-Marie Payet, Janine Rozier, Patricia Schillinger et M. Bernard Seillier.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.
Je rappelle au Sénat que la liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Nicolas About, Mme Catherine Procaccia, MM. Paul Blanc, Alain Gournac, Louis Souvet, Mmes Christiane Demontès et Annie David.
Suppléants : MM. François Autain, Pierre Bernard-Reymond, Mmes Brigitte Bout, Annie Jarraud-Vergnolle, M. Bernard Seillier, Mme Esther Sittler et M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
12
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et la commission des finances ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- MM. Philippe Leroy et Jackie Pierre respectivement membre titulaire et membre suppléant du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois ;
- M. Alain Lambert membre du conseil d'administration du Fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports.
13
Transmission d'un projet de loi
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 179, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales.
14
Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle
M. le président. J'ai reçu de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Bret, Jean-Luc Mélenchon, Charles Gautier, Jean Desessard et Mme Alima Boumediene-Thiery une proposition de loi constitutionnelle visant à compléter l'article 11 de la Constitution par un alinéa tendant à ce que la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles d'un traité rejeté fasse l'objet de consultation et soit soumise à référendum.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 178, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
15
Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») pour les quotas nationaux de lait.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3760 et distribué.
16
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 29 janvier 2008 :
À dix heures :
1. Dix-sept questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À seize heures quinze et le soir :
2. Éloge funèbre du président Serge Vinçon.
3. Discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 170, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution.
Rapport (n° 175, 2007-2008) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD