M. le président. La parole est à M. Benoît Huré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Benoît Huré. Ma question s'adressait initialement à M. le Premier ministre.
La commission présidée par Jacques Attali a présenté hier son rapport au Président de la République.
Sur la forme, nous savons que la situation de notre pays ainsi que les engagements du Président de la République et sa détermination à réformer appelaient ce genre d'initiative, même si cette dernière n'est pas éloignée d'autres initiatives demeurées lettre morte à ce jour.
Autre époque, autre ambition, autre détermination, mais toujours des experts !
Sur le fond, si tous ici, mauvaise foi mise à part, avons conscience que l'impulsion est bienvenue et la pertinence de plusieurs propositions évidente, nous considérons cependant que d'autres propositions ont en revanche de quoi nourrir la polémique.
La suppression progressive des départements, lesquels seraient prétendument source de gaspillage et « refuge d'élus pour avoir des postes » selon M. Attali, est une ineptie (M. François Trucy applaudit.)...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut réduire les dépenses publiques !
M. Benoît Huré. ... démontrant la déconnexion de certains experts de la réalité du terrain et leur profond mépris pour le suffrage universel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
La politique fiscale et l'endettement des départements sont, au contraire, des plus raisonnables, ceux-ci consacrant souvent plus du tiers de leur budget à l'investissement.
Les départements sont aussi fortement impliqués dans le soutien au développement économique, souvent de façon plus importante que les régions elles-mêmes.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Benoît Huré. Par ailleurs, au fil du temps, les conseils généraux se sont vus confier la mise en oeuvre des politiques publiques de solidarité aux personnes, y compris le versement des prestations correspondantes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement !
M. Benoît Huré. Ces prestations concernent aussi bien les familles en difficulté, les enfants confiés par décision de justice, les personnes handicapées, les personnes âgées et toutes celles et ceux qui relèvent des minima sociaux, dont le RMI.
M. David Assouline. Il a droit à six minutes, lui ?
M. Benoît Huré. Il est paradoxal de vouloir à la fois réduire la fracture territoriale et supprimer les départements, qui sont le bon échelon de proximité et de mise en oeuvre de la péréquation.
L'aménagement du territoire, auquel je suis très attaché, peut revêtir d'autres formes,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il parle combien de temps ?
M. Benoît Huré. ...notamment à partir d'une réflexion sur la taille de nos régions, collectivités de mission utiles mais dont le poids est aujourd'hui insuffisant face aux Länder allemands, aux communautés autonomes espagnoles ou aux régions italiennes.
Comme l'a rappelé avant-hier Mme le ministre de l'intérieur, « d'autres pistes ont été proposées pour rationaliser l'organisation de l'État, notamment par M. Alain Lambert. Sur ce point aussi la Conférence nationale des exécutifs devrait permettre des avancées ».
Si nous ne voulons pas que ce rapport Attali au mieux reste lettre morte, au pire vire à la tragédie, celle-ci trouvant ses racines dans le « tout ou rien » préconisé par l'auteur du rapport,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il parle depuis dix minutes !
M. Benoît Huré. ...pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'État, comment sera utilisé ce rapport et si les élus locaux et le Parlement, élus au suffrage universel, a contrario des experts,...
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Benoît Huré. ...seront consultés sur le choix des réformes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Charles Revet. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur Huré, comme vous l'avez indiqué, la commission Attali a remis officiellement hier son rapport au Président de la République.
M. Paul Raoult. Et aux sénateurs, ce matin !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Pour commencer, je dois vous dire que le Président de la République et le Gouvernement sont très heureux de la remise de ce rapport. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En effet, cette commission Attali était composée de personnalités provenant d'horizons divers, tant politiques - elle était transpartisane - que nationaux - certains membres étaient originaires d'autres pays. Les axes de réflexion qui ont fondé ce rapport sont des axes sur lesquels nous pouvons évidemment nous entendre.
Mme Marie-France Beaufils. Libéralisation ! Libéralisation !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. L'objectif est de donner à notre pays ce fameux point de croissance supplémentaire qui lui manque et de ramener le taux de chômage à 5 % pour atteindre le plein-emploi en 2012.
À cette fin, le rapport Attali, rapport consensuel...
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Brigitte Gonthier-Maurin. Ah bon ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. ... émanant de l'ensemble des membres de la commission, développe deux axes : instiller dans notre économie un peu plus de liberté et un peu plus de concurrence. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Vous m'avez interrogé sur la méthode que le Gouvernement va suivre. Un séminaire gouvernemental se réunira au début du mois de février pour hiérarchiser les propositions. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Je tiens à vous rassurer tout de suite. Le Président de la République a lui-même indiqué qu'il n'était absolument pas question de supprimer les départements...
M. David Assouline. Le temps des élections !
M. Paul Raoult. Ils auront eu peur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut rassurer le petit commerce !
M. Paul Raoult. Et les pharmaciens ?
M. David Assouline. Et les taxis ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Mais, au-delà de la méthode, le Président de la République a aussi formulé une proposition bien naturelle : le Parlement doit jouer tout son rôle dans ce processus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Charles Revet. Eh oui ! Heureusement !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Évidemment, le Parlement se saisira des propositions que le Gouvernement sera amené à faire sur la base de ce rapport, et ce sera à lui de jouer ! Dans une démocratie, c'est bien le moins que le Parlement joue un rôle central !
En conclusion, monsieur le sénateur, nous devons bien évidemment aller chercher ce point de croissance. (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Ce rapport constitue une base de travail, et vous pouvez compter sur notre détermination - comme nous comptons sur votre sagacité - pour obtenir ce point de croissance qui nous manque ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
La crise née aux États-Unis a provoqué une crise de liquidité bancaire et s'est propagée à toute la sphère financière, aujourd'hui globalisée.
La Société générale, à laquelle vient de faire référence l'un de mes collègues, annonce un nettoyage de ses comptes qui résulte de la crise des subprimes, mais aussi d'une fraude bancaire colossale, à hauteur de quarante ou cinquante milliards d'euros, nous dit-on. (Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi esquisse un geste de dénégation.) Autant dire que la situation est grave !
Madame la ministre, nous tenons notre information de la presse ! Je tiens à indiquer que M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est venu, mardi 22 janvier 2008, parler de l'exécution de la loi de finances pour 2007 devant la commission des finances. Il nous a donné un certain nombre de chiffres relatifs aux rentrées fiscales, notamment au titre de l'impôt sur les sociétés, mais n'a pas dit un mot sur cette affaire ! Nous lui donnons rendez-vous au mois de juin pour nous assurer que les comptes qu'il nous a présentés étaient sincères !
En effet, une réunion secrète (Ah ! sur les travées de l'UMP.) s'est tenue dimanche dernier, sous l'égide du gouverneur de la Banque de France, pour fixer les modalités de sortie de la crise interne à la Société générale. Il est impossible que le Gouvernement n'ait pas été au courant, lorsque le ministre s'est présenté mardi devant la commission des finances. Nous vous demanderons de rendre des comptes sur cette affaire ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Nous voulons toute la transparence !
Mme Nicole Bricq. Quoi qu'il en soit, il ne fait plus de doute, aujourd'hui, que les économies réelles seront atteintes par la crise actuelle. Partout, les hypothèses de croissance sont revues à la baisse : le gouvernement allemand vient de le faire, en annonçant une croissance de 1,7 % au lieu de 2 % en 2008. Les conjoncturistes accordent à la France un taux de croissance situé, au mieux, entre 1,7 % et 1,5 %.
Dès l'été 2007, madame la ministre, lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dit TEPA, projet funeste, le groupe socialiste s'était inquiété de votre absence d'anticipation des risques de crise. Nous avons réitéré nos doutes lors de l'examen de la loi de finances pour 2008 et de la loi de finances rectificative pour 2007. Votre réponse était immuable : confiance et croissance seraient au rendez-vous, il nous fallait être patients ! La confiance s'est muée en défiance, et les 3 % de croissance sont hors de portée.
Madame la ministre, vous avez été interrogée à plusieurs reprises par nos collègues, députés comme sénateurs, d'opposition comme de la majorité. Aux uns et aux autres, vous n'avez pas répondu, ou vous avez répondu à côté, faisant comme si la crise, à l'instar du nuage de Tchernobyl, s'arrêtait à nos frontières ! Les parlementaires et, à travers eux, les Français ont droit à la vérité qui leur avait été promise par le candidat-président.
Aussi, je vous interrogerai donc sur la stratégie économique du Gouvernement. Alors que le cap aurait dû être fixé dès votre prise de responsabilité, vous n'avez cessé de louvoyer, de déplacer les problèmes de fond, sans vous y attaquer. Aujourd'hui, le choc des réalités devrait vous ramener à votre responsabilité !
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !
Mme Nicole Bricq. Quelle est votre stratégie et de quelles marges de manoeuvre disposez-vous pour réagir ? Si, à nouveau, vous fuyez la question, les Français sauront qu'ils devront payer, après les échéances municipales, votre incohérence, votre imprévoyance et votre incompétence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Madame Bricq, je respecte trop votre compétence technique pour imaginer que vous ayez pu commettre une erreur manifeste concernant le montant des pertes de la Société générale. Vous avez en effet parlé de 40 à 50 milliards d'euros.
Mme Nicole Bricq. Je ne parle pas des pertes ! Je parle des engagements sur lesquels porte la fraude !
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour l'ensemble de vos collègues, je tiens à rappeler que la Société générale a décelé une fraude l'amenant à constater des pertes de 4,9 milliards d'euros.
À ces 4,9 milliards d'euros, il convient d'ajouter 2,05 milliards d'euros.
M. Thierry Repentin. C'est si peu...
Mme Christine Lagarde, ministre. Ces pertes résultent de la fraude individuelle d'un salarié, d'une part, et de provisions sur pertes, d'autre part.
Par ailleurs, la Société générale a indiqué ce matin qu'elle réalisait un bénéfice au titre de l'exercice 2007 et qu'elle lançait et sécurisait une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros. Telle est la réalité brute des faits, à laquelle il serait souhaitable que nous nous tenions tous.
Vous me dites que je louvoie. Les Français sont juges : je garde un cap.
M. Charles Revet. C'est vrai !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je suis têtue, et je conserverai donc ce cap ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. « Droit dans mes bottes ! » D'autres l'ont dit !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce cap, c'est celui de la compétitivité de la France, de la productivité des entreprises, de l'employabilité des salariés, de l'attractivité de notre territoire. Cette politique est la seule que nous puissions suivre si nous voulons que la France mène en tête le jeu de la mondialisation. Compte tenu de l'état de son économie, la France peut le faire !
M. Jacques Mahéas. Elle peut le faire !
Mme Christine Lagarde, ministre. Prenez l'exemple de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, qui a été votée cet été : 50 % des entreprises y ont eu recours dès le deuxième mois d'application ! Les salariés le savent, car ils voient la différence à la fin du mois sur leur feuille de paie !
M. David Assouline. Tout va très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Toute une série d'autres mesures sont mises en oeuvre, et Xavier Bertrand vous les a commentées à plusieurs reprises : le rachat des RTT (M. Yannick Bodin s'exclame.), la monétisation, un nouveau climat dans les entreprises, la modification du marché du travail, la modification de la relation sociale dans l'entreprise...
M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas la question !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le cap est là, et nous le tenons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
grève des fonctionnaires
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Panis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Jacqueline Panis. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le ministre, la France connaît aujourd'hui une journée de grève, organisée à l'appel de certains syndicats de la fonction publique (Ah ! sur les travées du groupe CRC.) et engendrant une gêne importante et de nombreux désagréments pour un nombre élevé de nos concitoyens. (M. Guy Fischer s'exclame.)
Chacun connaît l'urgence et la nécessité de procéder à la réforme de l'État et de sa fonction publique.
Cette réforme doit s'opérer en profondeur. Pour essayer de modifier les idées reçues, depuis trop longtemps ancrées dans les mentalités, il faudrait remplacer le terme de « réforme » par celui de « progrès » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), en s'efforçant de minimiser les effets négatifs qui pourraient l'accompagner dans certaines circonstances.
M. Guy Fischer. Et les salaires ?
Mme Jacqueline Panis. Que souhaitent aujourd'hui les fonctionnaires ? Comme une majorité de Français, ils attendent une augmentation de leur pouvoir d'achat et une amélioration de leurs conditions de travail.
M. Guy Fischer. Et les retraites ?
Mme Jacqueline Panis. Toutefois, on ne peut que regretter que ce mécontentement se traduise une nouvelle fois par des manifestations, héritage d'une culture de confrontation, et ce malgré l'ouverture, depuis le 1er octobre 2007, d'une Conférence nationale sur les valeurs, les missions et les métiers de la fonction publique. (M. Guy Fischer s'exclame.)
Le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés à moderniser la fonction publique afin de répondre et de s'adapter aux attentes de nos concitoyens et aux réels besoins de notre pays, avec la volonté d'y associer les fonctionnaires, en instaurant un dialogue sincère et fructueux.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, des manifestations ont lieu à Paris et en province.
M. Paul Raoult. Eh oui !
M. David Assouline. Le mécontentement grandit !
Mme Jacqueline Panis. Pouvez-vous nous indiquer le taux de participation des fonctionnaires à cette grève ? Pouvez-vous nous dire à quel stade d'avancement se trouve la réforme et, enfin, nous informer des premiers résultats de la Conférence nationale sur les valeurs, les missions et les métiers de la fonction publique ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à la mi-journée - nous verrons bien ce soir si ces informations sont confirmées -, le taux de participation à la grève d'aujourd'hui est très inférieur au taux de participation observé lors de la précédente grève du 20 novembre 2007.
M. David Assouline. De combien ?
M. Éric Woerth, ministre. Sur l'ensemble des trois fonctions publiques, le taux de participation est de 13,2 % contre 21 % le 20 novembre.
M. Guy Fischer. C'est faux, ce sont les chiffres de la police !
M. David Assouline. Changez de comptables !
M. Éric Woerth, ministre. Sur l'ensemble des administrations de l'État, le taux de participation est de 20,6 % ; il était de 32,6 % au mois de novembre.
Dans la fonction publique territoriale - ce chiffre vous intéressera bien sûr, mesdames, messieurs les sénateurs -, on a relevé 7 % de grévistes contre de 12 % à 15 % le 20 novembre, et, dans la fonction publique hospitalière, la proportion des grévistes s'élève à 11,73 % contre 10,88 % en novembre.
On voit bien que la grève n'est pas suivie aujourd'hui comme l'espéraient probablement les organisations syndicales, même si, bien sûr, ces taux doivent être pris en compte.
En réalité, cette grève est une mauvaise réponse à de vrais enjeux. Mon collègue et ami André Santini et moi-même avons consacré beaucoup de temps à la fonction publique, depuis le mois de juin dernier, pour essayer de comprendre les raisons du malaise de certains fonctionnaires.
Il faut répondre à ces questions et aller au-delà des problèmes salariaux...
M. Jacques Mahéas. L'augmentation des salaires !
M. Éric Woerth, ministre. ... ou de traitement, et considérer peut-être l'ensemble du statut, au sens le plus large du terme, des fonctionnaires, la place de ces derniers dans la société, le regard qu'ils portent sur leur travail, le développement de leurs capacités professionnelles. En effet, le service public n'est plus tout à fait ce qu'il était voilà cinquante ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Éric Woerth, ministre. Ce sont là des sujets que nous avons immédiatement abordés. Nous avons créé des lieux à cette fin, et nous sommes en voie de parvenir à des solutions.
Dans le domaine du pouvoir d'achat, nous pensons vraiment très profondément qu'il faut faire évoluer la notion de traitement dans la fonction publique. Certes, il doit y avoir des augmentations générales : nous ne disons pas qu'il ne faut pas relever la valeur du point d'indice, et nous réunirons les organisations syndicales représentatives des fonctionnaires le 18 février prochain, pour une énième négociation qui portera sur les salaires non pas de 2007, mais de 2008.
Le Premier ministre lui-même travaillera sur un ordre du jour social de la fonction publique à partir du début du mois de février, en concertation avec André Santini et moi-même. J'espère que, après les élections municipales et du moins avant l'été, nous pourrons engager des travaux et des négociations sur des sujets aussi larges que l'entrée dans la fonction publique, les parcours professionnels, la mobilité, les statuts et les contrats, la manière dont on paie les fonctionnaires, avec d'un côté la rémunération automatique liée au point d'indice et à l'ancienneté, de l'autre la rémunération au mérite ou au volume de travail,...
M. Guy Fischer. Ah !
M. Éric Woerth, ministre. ... prenant en compte les heures supplémentaires, les comptes épargne-temps.
Tous ces dossiers sont ouverts, et nous ferons en 2008 beaucoup d'efforts pour améliorer les conditions de vie et de travail dans la fonction publique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
politique de l'état à l'égard des fonctionnaires
M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas.
M. Gérard Roujas. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Une nouvelle fois, les fonctionnaires ont décidé une journée d'action et de mobilisation pour défendre leur pouvoir d'achat et le service public, tous deux durement malmenés par le Gouvernement, qui a oublié les promesses présidentielles d'augmentation du pouvoir d'achat. C'est toujours pour demain !
Non content d'avoir supprimé, dans son budget pour 2008, 23 000 emplois, dont 11 200 dans l'éducation nationale, le Gouvernement veut faire porter aux communes la responsabilité du différend qui l'oppose aux personnels de l'éducation nationale au sujet de la mise en oeuvre d'un service minimum dans les écoles primaires.
Monsieur le secrétaire d'État, vous savez bien que cette mesure est inapplicable en l'état, parce que la plupart des communes ne peuvent faire face à ce nouveau transfert de responsabilités. J'ai été sollicité sur ce point par bon nombre de maires, de toutes tendances. Ils s'interrogent sur la définition constitutionnelle, législative et réglementaire de ce nouveau transfert de responsabilités, opéré sans qu'aient été examinées, au préalable, toutes ses conséquences financières et juridiques, au regard notamment de la responsabilité des élus locaux.
Revenons au sujet initial de mon intervention, sur lequel portera ma question.
Les Français veulent des services publics qui fonctionnent. Vous répondez à leur attente en attaquant le statut des fonctionnaires, que vous percevez comme un « boulet », alors qu'il peut être un instrument de rénovation.
Certes, son évolution est nécessaire, mais vos projets de démantèlement du statut des fonctionnaires et de « révision générale des politiques publiques », décidés et mis en oeuvre sans véritable débat au Parlement, insécurisent la fonction publique.
Hier, à l'Assemblée nationale, vous avez évoqué une « garantie individuelle de pouvoir d'achat ». Ce n'est pas une bonne réponse : l'ouverture de négociations sur la revalorisation de la rémunération indiciaire doit profiter à tous, assurer la transparence et l'égalité de traitement, ainsi que le maintien d'un esprit de solidarité entre agents. Votre système de garantie individuelle de pouvoir d'achat porte atteinte aux principes mêmes de la négociation collective des salaires dans la fonction publique.
Monsieur le secrétaire d'État, voulez-vous moderniser la fonction publique contre les fonctionnaires et les élus locaux, ou comptez-vous mener un véritable dialogue avec eux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, chers amis des choeurs qui me saluez (Rires sur les travées de l'UMP.), cette question me donne l'occasion de compléter la réponse que vient de faire Éric Woerth.
La grève, nous l'avons dit, n'est pas aujourd'hui une réponse adaptée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) La preuve en est que les fonctionnaires eux-mêmes sont bien conscients qu'elle gêne le public, les gens les plus modestes. Dans ces conditions, les mesures prises par notre collègue Xavier Darcos correspondent, d'après les sondages et la réalité du terrain, à une nécessité.
Pour ce qui nous concerne, Éric Woerth et moi-même dialoguons depuis le mois d'octobre avec les organisations syndicales, monsieur le sénateur, dans un climat d'écoute et d'échange. Nous respectons nos interlocuteurs, même si nos positions de principe ne sont pas les leurs.
Éric Woerth a dit que la valeur du point d'indice sera relevée le 18 février prochain ; c'est là une importante concession qui a été faite, même si nous considérons que ce point d'indice n'est plus, aujourd'hui, qu'un crocodile empaillé ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez-moi ça ! Un crocodile empaillé !
M. André Santini, secrétaire d'État. Mais oui ! Il ne compte plus que pour 30 % dans l'évolution de la rémunération, tandis que le glissement vieillesse-technicité en constitue 60 % ! Dans ces conditions, pourquoi continuer à se cramponner à ce point d'indice (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) dont la réévaluation représente une fortune - plus de 1 milliard d'euros chaque année - sans que personne n'y gagne rien ?
M. Jacques Mahéas. Ça, c'est sûr ! Les caisses sont vides !
M. André Santini, secrétaire d'État. Le Président de la République l'a dit dans son discours de Lille : aujourd'hui, on progresse à l'ancienneté. Quand les budgets augmentent de 2,9 milliards d'euros par an, on ne peut pas prétendre que l'on n'a pas été augmenté : ce n'est pas vrai !
Nous voulons continuer le dialogue. La conférence nationale sur l'avenir de la fonction publique a été lancée le 1er octobre dernier. Notre site Internet a accueilli à ce jour 200 000 participants et recueilli 6 000 contributions. Le débat sur la modernisation de la fonction publique est engagé.
M. Charles Revet. Très bien !
M. André Santini, secrétaire d'État. Les groupes de travail associant les organisations syndicales représentatives de la fonction publique se sont réunis d'octobre à décembre. Leurs réflexions doivent déboucher sur la rédaction d'un Livre blanc sur les valeurs et les missions de la fonction publique.
Enfin, comme l'a dit Éric Woerth, le Premier ministre aura l'occasion d'échanger avec les organisations syndicales à propos de l'ordre du jour social, puisqu'il a prévu de les recevoir prochainement. Jamais on n'a autant dialogué avec les organisations syndicales représentatives de la fonction publique !
M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !
M. Guy Fischer. Jamais on n'a aussi peu donné !
M. André Santini, secrétaire d'État. On n'a pas signé d'accord salarial depuis 1998. Depuis 1983-1984 et la réforme menée par Anicet Le Pors et Bernard Brunhes, on n'a pas avancé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons !
M. André Santini, secrétaire d'État. Aujourd'hui, il est temps de reprendre ce travail, dans le respect de chacun, au service du bien public. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Henri de Raincourt. Admirable !
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ambroise Dupont. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Monsieur le ministre, vous avez reçu hier les signataires de l'accord sur la modernisation du marché du travail. Ils vous ont présenté leurs conclusions, qui sont le résultat des négociations engagées il y a six mois. C'est là aussi, et je ne l'oublie pas, l'application directe de la loi de modernisation du dialogue social. Je ne peux que m'en réjouir, puisque nous avons voté ce texte ici même en janvier 2007.
On a qualifié cet accord d'« historique ». De fait, il a bien été signé par quatre des cinq confédérations syndicales et par l'ensemble des représentants des employeurs. Alors, n'en déplaise aux esprits chagrins, c'est bien la preuve que la culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité trouve sa place dans l'histoire de nos relations sociales.
On le sait, l'objet de l'accord est de donner un nouvel élan au marché du travail, de le redynamiser. Il est temps, en effet, d'adapter les règles aux attentes des Français et aux évolutions de notre économie. La « flexisécurité à la française » offre ainsi de nouvelles perspectives, d'abord aux employés, mais aussi à ceux qui créent les emplois. Nous voulons que ce soit au bénéfice de tous.
Monsieur le ministre, voulez-vous nous dire comment, concrètement, ces avancées vont être mises en oeuvre ? Je vous remercie de bien vouloir nous donner votre éclairage et nous apporter des précisions, en particulier sur ce sujet qui me tient à coeur, car il correspond à une aspiration profonde et légitime des Français : la sécurisation des parcours professionnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le sénateur, en ce début d'année 2008, le dialogue social se renforce dans notre pays.
En effet, c'est un tournant important que nous prenons aujourd'hui : l'ensemble des organisations patronales et quatre organisations syndicales représentatives des salariés sur cinq ont signé un accord sur la réforme du marché du travail.
Cela montre bien que, lorsqu'il s'agit de mener une réforme, chacun peut en prendre sa part, y compris les partenaires sociaux, comme cela a été le cas. C'était avant tout une volonté politique, mais c'était aussi une volonté syndicale.
Aujourd'hui, nous nous apercevons que, par une méthode nouvelle, moderne, apaisée, nous débouchons sur une belle réforme, une grande réforme, qui en appelle d'autres, notamment la réforme de la formation professionnelle, que va également suivre Christine Lagarde, et la réforme de l'assurance chômage. Sur tous ces sujets, un mouvement de fond est en train de s'enclencher, et nous constatons aujourd'hui que les partenaires sociaux savent et peuvent prendre leurs responsabilités.
Nous sommes parvenus à un tournant, je le répète, la légitimité sociale et la légitimité politique devant s'articuler. Nous allons bientôt vous soumettre un projet de loi. J'ai écouté attentivement les uns et les autres, et je crois que chacun aura à coeur de respecter l'autonomie des partenaires sociaux, car cela recouvre aussi le respect de l'accord qu'ils ont signé. Cela veut dire que si cet accord est un bon accord, on ne le casse pas, on ne le modifie pas.
Nous allons maintenant mener tout un travail, au travers de réunions techniques, avec les partenaires sociaux signataires, de façon à pouvoir entrer dans le détail de cet accord et de sa transcription législative.
Nous souhaitons pouvoir présenter le texte que j'ai évoqué à la fin du mois de février. Si les partenaires sociaux estiment qu'il faut prendre un peu plus de temps, nous nous rangerons à leur avis, de façon que ce projet de loi puisse vous être soumis au printemps.
Concrètement, vous avez parlé, monsieur le sénateur, de sécurisation des parcours professionnels. Ce texte renforcera les droits des salariés. Ainsi, un salarié quittant une entreprise ne sera plus dans l'obligation de se mettre aussitôt à la recherche d'une mutuelle ou d'un organisme de prévoyance pour lui-même ou pour sa famille. Les indemnités de licenciement seront par exemple doublées, et la période des stages sera enfin prise en compte, s'agissant notamment des jeunes.
En outre, l'entreprise bénéficiera d'une plus grande souplesse. Ce ne sera plus la seule culture du conflit, du contentieux qui prévaudra ; il sera possible de s'entendre et de se comprendre, ce qui est quasiment une révolution dans notre pays.
Avec la volonté qui est en permanence la nôtre de tendre la main aux partenaires sociaux, c'est une méthode gagnante que nous mettons en oeuvre, pour l'ensemble des Français et en faveur d'une démocratie sociale qui ne demandait qu'à se renforcer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. David Assouline. Ce n'est pas votre méthode !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.