M. Guy Fischer. Cela ne nous rassure pas du tout !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mais rien ne vous rassure, mon cher collègue ! (Sourires.)
... économies qui permettront de consacrer plus de moyens à l'accompagnement de ceux qui cherchent un emploi ou veulent en changer.
Comme Mme Lagarde l'a souligné, l'objectif du Gouvernement est de parvenir, à terme, à un ratio de soixante demandeurs d'emploi, puis de trente, pour un conseiller ANPE, contre un pour 100 ou 120 actuellement. Les visites que j'ai tenues à faire sur le terrain et les discussions que j'ai eues avec les personnels des agences locales m'ont conforté dans l'idée que plus ils consacraient de temps à un demandeur d'emploi, plus ils pouvaient personnaliser la demande et donc être plus efficaces pour lui trouver un emploi.
M. Dominique Mortemousque. C'est vrai !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'ambition concerne aussi le service rendu aux entreprises, que l'on oublie parfois, la fusion devant permettre de mieux rapprocher les offres et les demandes d'emploi, et notamment d'améliorer l'embauche dans les secteurs d'activité qui rencontrent des difficultés de recrutement.
En revanche, il est clair que cette idée n'est pas nouvelle, l'éventualité d'une fusion de ces deux institutions ayant été, à plusieurs reprises, envisagée dans le passé. Aujourd'hui, on passe enfin aux actes, l'intention devient réalité, car un obstacle a été levé.
En effet, au début de l'année 2007, lorsque le président Jacques Chirac avait exprimé ce souhait, le bureau de l'UNEDIC avait unanimement fait part de sa désapprobation. Les partenaires sociaux ne voulaient pas perdre leurs prérogatives en matière de définition des règles de l'assurance chômage.
Mais la concertation approfondie qui a été menée par le Gouvernement, et notamment par Mme la ministre de l'économie, a permis de trouver une solution de compromis : les partenaires sociaux continueront de définir, par voie conventionnelle, les paramètres de l'assurance chômage et l'UNEDIC sera maintenue comme une structure support permettant de gérer la convention. Cette garantie a rassuré les organisations syndicales et patronales qui composent la majorité de gestion de l'UNEDIC et explique pourquoi ce projet de fusion est aujourd'hui approuvé dans son principe général.
Une convention conclue entre l'État, le nouvel opérateur et l'UNEDIC leur permettra de coordonner leurs actions. Un Conseil national de l'emploi, qui se substituera à l'actuel Comité supérieur de l'emploi, permettra en outre d'associer tous les acteurs à la définition de la politique de l'emploi.
Ce nouvel opérateur sera chargé, pour le compte de l'UNEDIC, de verser les allocations chômage et, dans un premier temps tout au moins, de collecter les contributions d'assurance chômage. Au plus tard en 2012, le recouvrement des contributions d'assurance chômage sera en effet transféré aux URSSAF. Il s'agit, à nos yeux, d'une mesure de rationalisation administrative bienvenue. Dans la mesure où l'assiette des contributions d'assurance chômage est quasiment identique à celle des cotisations de sécurité sociale, pourquoi laisser subsister deux réseaux de collecte ? Je vous rappelle, mes chers collègues, que, depuis le 1er janvier 2008, c'est ainsi que fonctionne le RSI, le régime social des indépendants.
Cette réforme suscite cependant une préoccupation très légitime de la part des salariés des ASSEDIC qui s'interrogent sur le devenir de leurs collègues affectés aux tâches de recouvrement. L'inquiétude est particulièrement vive au sein du GARP, le groupement des ASSEDIC de la région parisienne, dont les 500 salariés collectent les contributions pour toute l'Île-de-France.
Le délai prévu avant l'entrée en vigueur du transfert doit justement permettre d'organiser le reclassement professionnel de ces salariés : une partie d'entre eux pourrait être recrutée par les URSSAF, dans des conditions à définir avec l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ; ils pourraient notamment rejoindre le nouveau corps de contrôleurs du recouvrement que l'ACOSS prévoit de mettre en place pour mieux lutter contre la fraude. Cette préoccupation devrait faire partie des négociations de la nouvelle institution.
D'autres salariés pourraient demeurer au sein du nouvel opérateur et être affectés à d'autres tâches, qu'il s'agisse de l'accompagnement des chômeurs ou d'une mise en relation avec les entreprises, par exemple, ce qui suppose qu'un effort important soit réalisé en matière de formation. Je me permets d'insister sur cette question, madame la ministre. Certes, je le sais bien, ce n'est pas vous, mais la future institution qui établira le plan de formation, et l'UNEDIC y travaille déjà, mais il faut que celui-ci intègre, dès cette année, une formation vers les métiers de l'orientation pour tous les salariés qui souhaitent changer d'orientation. Il ne faut pas attendre 2010 ou 2011 !
Les contours de la réforme étant posés, je voudrais maintenant décrire rapidement l'organisation du nouvel opérateur qui résultera de la fusion. Bien qu'il s'apparente à un établissement public administratif, le projet de loi le définit comme une « institution nationale » afin de souligner l'originalité de son statut, qui emprunte, sur certains points, le mode de gestion du secteur privé.
Par exemple, sa comptabilité sera celle qui est utilisée par les entreprises et son personnel sera soumis au code du travail.
Le nouvel opérateur sera piloté par un conseil d'administration au sein duquel les partenaires sociaux seront majoritaires et il sera dirigé, sur le plan opérationnel, par un directeur général nommé en conseil des ministres.
Des directions régionales concluront, chaque année, une convention avec le préfet de région pour déterminer de quelle manière les interventions de l'opérateur s'adapteront à la situation locale de l'emploi.
Son budget sera divisé en plusieurs sections non fongibles, afin de bien distinguer les dépenses d'indemnisation du chômage financées par l'UNEDIC, les dépenses de solidarité, qui bénéficient aux chômeurs en fin de droit et sont prises en charge par l'État ou le fonds de solidarité, les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention au profit des chômeurs, financées conjointement par l'État, l'UNEDIC et, éventuellement, d'autres acteurs tels que les collectivités territoriales.
La commission approuve globalement l'organisation proposée pour le nouvel opérateur, mais elle vous présentera quelques amendements visant, notamment, à préciser les prérogatives du conseil d'administration par rapport au directeur général, à améliorer la structure du budget et à fixer les règles applicables en matière de passation de marchés.
Je veux également évoquer la question du nom de cette future institution : au cours de nos auditions, la plupart de nos interlocuteurs nous ont instamment demandé de baptiser cette nouvelle structure. La commission estime qu'il appartient au futur conseil d'administration de proposer un nom et d'associer les personnels à ce choix. C'est un processus d'appropriation essentiel et beaucoup plus fondateur qu'un baptême purement parlementaire ou gouvernemental.
Je constate avec plaisir, madame la ministre, que vous avez rejoint notre position et je vous remercie d'avoir annoncé que vous acceptiez notre amendement sur ce point.
J'aborderai à présent la mise en oeuvre concrète de la fusion : elle suppose régler de nombreux problèmes techniques. Une mission a été confiée à cet effet à une inspectrice générale des affaires sociales qui fera le point, d'ici à la fin du mois de janvier, sur les questions en suspens.
D'ores et déjà, le projet de loi s'attache à régler les questions relatives au statut du personnel et au transfert des biens immobiliers.
Les salariés du nouvel opérateur seront des salariés de droit privé régis par le code du travail. Il convient cependant d'apporter deux précisions : en premier lieu, les agents de l'ANPE actuellement en poste auront la possibilité de conserver, s'ils le souhaitent, leur statut de contractuel de droit public ; en second lieu, la direction du nouvel opérateur et les syndicats représentatifs devront négocier une nouvelle convention collective, qui apportera aux salariés les garanties nécessaires à l'accomplissement de leurs missions, au regard notamment des règles de l'OIT.
Cette nouvelle convention collective s'appliquera aux salariés employés par les ASSEDIC, aux agents de l'ANPE qui choisiront de renoncer à leur statut public, ainsi qu'aux nouveaux embauchés.
Les salariés des ASSEDIC craignent que la nouvelle convention collective leur soit moins favorable que celle qui est actuellement en vigueur. Leurs délégués du personnel et représentants syndicaux, ainsi que les manifestants, hier, ont demandé qu'ils bénéficient d'un « droit d'option ».
Après avoir longuement réfléchi, il m'apparaît malgré tout déraisonnable de faire coexister trois systèmes au sein d'un même organisme : deux conventions collectives et un statut de droit public.
Je comprends parfaitement l'inquiétude des salariés des ASSEDIC, mais le risque que la nouvelle convention leur soit défavorable me semble en réalité assez faible. Outre les déclarations de Mme la ministre, j'affirme que, moi - et il semble que l'opposition ne me suive pas -, je crois à la volonté des syndicats de défendre les salariés,...
M. Guy Fischer. Nous aussi !
Mme Annie David. Cela se saurait s'ils gagnaient !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ... quelle que soit leur origine institutionnelle.
La convention en vigueur doit servir de base à la négociation et les syndicats n'auront aucun intérêt à signer un accord consacrant un recul des droits des salariés.
Enfin, je ne voudrais pas que la nouvelle convention ne s'applique qu'aux futurs embauchés, les anciens de l'ANPE conservant la leur et ceux de l'UNEDIC la leur. Cela reviendrait à établir une sorte de ségrégation entre les anciens et les nouveaux et empêcherait l'intégration des nouveaux salariés. Telle est ma conviction profonde.
Comme je ne doute pas que la nouvelle convention sera proche de celle qui est en vigueur aux ASSEDIC, je pense que la fusion pourrait avoir un coût financier non négligeable dans la mesure où les rémunérations versées aux ASSEDIC sont sensiblement plus élevées que celles qui sont versées à l'ANPE.
Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des indications sur les évaluations dont vous disposez à ce sujet ?
Pour les biens appartenant à l'ANPE et à l'UNEDIC, notamment s'agissant de leur patrimoine immobilier, le projet de loi prévoit un transfert, de plein droit et à titre gratuit, des biens de l'ANPE à la nouvelle institution.
La situation est plus complexe pour les biens des ASSEDIC, en raison de leur nature associative : au moment de leur dissolution, les ASSEDIC transféreront leurs biens à l'UNEDIC, qui les mettra ensuite à la disposition du nouvel opérateur pour un montant symbolique.
La fusion a pu donner lieu à des inquiétudes, y compris au sein de la commission, concernant le maillage territorial de la nouvelle institution. L'objectif est de disposer, à terme et sur l'ensemble du territoire, d'implantations polyvalentes, dans lesquelles les demandeurs d'emploi pourront trouver tous les services actuellement offerts par l'ANPE et par les ASSEDIC, ce qui conduira parfois, en agglomération, à fermer une agence locale pour l'emploi et une antenne ASSEDIC pour les regrouper sur un même site.
La fusion ne saurait, en revanche, servir de prétexte à un recul du service public de l'emploi dans les zones rurales ; vous nous l'avez assuré, madame la ministre, lors de votre audition par la commission. J'espère que vous le confirmerez aux sénateurs issus des milieux ruraux qui sont présents dans cet hémicycle.
J'ai entendu les inquiétudes des élus locaux - nous le sommes quasiment tous - quant aux incertitudes pesant sur les maisons de l'emploi. Sur ce point, la commission a déposé un amendement, qui pourra être amélioré par l'Assemblée nationale, en particulier à la suite des conclusions de la mission menée par le député Jean-Paul Anciaux.
Enfin, je vous suggérerai d'introduire dans la loi une disposition visant à créer une instance régionale, qui permettra à la nouvelle institution d'être plus proche des réalités de terrain régionales, départementales et locales.
La commission vous propose d'approuver le projet de fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, amélioré par le travail et les amendements du Sénat.
En cet instant, je tiens à remercier les sénateurs qui ont sacrifié leurs vacances pour travailler à mes côtés et participer aux auditions de la commission.
Ce texte marque une première étape de la réforme du marché du travail. Celle-ci sera complétée dans les prochains mois par une réforme du contrat de travail et de notre système de formation professionnelle. Mais, comme disait Rudyard Kipling, cela est une autre histoire ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, déclaré d'urgence, une fois de plus, porte sur la réforme du service public de l'emploi, titre usurpé s'il en est, ce que je m'emploierai à démontrer dans quelques minutes.
Mais je veux d'abord dénoncer, madame la ministre, les conditions dans lesquelles les sénateurs ont travaillé pour préparer ce débat.
Une première présentation a été faite par vous, en commission des affaires sociales, le 12 décembre dernier, sans texte, ce qui est normal. Puis le projet de loi nous a été communiqué juste avant la suspension des travaux du Sénat, le 20 décembre. Des auditions ont été conduites par Mme le rapporteur - elle a été désignée le 12 décembre - entre le 18 décembre et le 7 janvier. Et ce n'est que ce matin que le rapport de la commission nous a été remis.
Je veux d'ailleurs vous remercier, madame Procaccia, d'avoir ouvert les auditions à l'ensemble des sénateurs, ce qui nous a permis de rencontrer les acteurs institutionnels et les partenaires sociaux concernés par ce projet de loi.
Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, que ce texte, dont l'examen était initialement programmé en première lecture à l'Assemblée nationale à la fin de l'année 2007, a été transféré dans la précipitation au Sénat. Tel qu'il nous est présenté, sur le fond, mérite-t-il vraiment d'être déclaré d'urgence ? Contribuera-t-il à améliorer la situation des demandeurs d'emploi ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Christiane Demontès. Nous pensons que non ! La précipitation et la communication font toujours fonction de politique pour le Président de la République.
Madame la ministre, je veux vous redire en séance publique ce que je vous ai indiqué en commission : nous sommes favorables au guichet unique pour recevoir les chômeurs, indemnisés ou non, un lieu où ils peuvent rencontrer des professionnels qui traitent leur dossier administratif et leur indemnisation, qui les accompagnent dans l'accès ou le retour à l'emploi. Cela existe, vous l'avez dit, et dans un nombre plus élevé de territoires, d'ailleurs, que vous ne l'avez indiqué : on constate d'ores et déjà des regroupements entre les ASSEDIC et l'ANPE ; il y a également des maisons de l'emploi.
Je vais plus loin : nous sommes favorables à la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC.
Mais nous ne sommes pas favorables à ce projet de loi, et je vais vous indiquer pourquoi.
D'abord, je l'ai dit, le titre est une tromperie : il annonce une réforme du service public de l'emploi. La réforme semblait être l'objectif effectif après que le Président de la République avait déclaré, le 18 septembre dernier - je ne le cite pas souvent : « Nous sommes, sans doute, le seul pays où le suivi de la recherche effective d'emploi est assuré par trois institutions : l'État, l'assurance chômage et l'ANPE. Autant dire qu'elle n'est suivie par personne »
La réforme du service public de l'emploi suppose la prise en compte de l'ensemble des dimensions de ce service tel que le prévoit l'article L 311-1 du code du travail, soit le placement, l'indemnisation, l'insertion, la formation et l'accompagnement des demandeurs d'emplois.
Or, à la lecture de l'exposé des motifs, nous nous apercevons rapidement que, si le titre se veut évocateur, il n'en demeure pas moins trompeur : il s'agit non pas d'une réforme du service public de l'emploi, mais de la fusion de deux opérateurs de ce service public, l'ANPE et l'UNEDIC. Concrètement, il s'agit de la fusion des réseaux opérationnels de l'ANPE et des ASSEDIC, puisque l'UNEDIC demeure.
Si la réforme du service public de l'emploi avait été une volonté réelle du Gouvernement, la logique et la cohérence, pour ne pas dire le sérieux, auraient commandé qu'avant de réformer le cadre le Gouvernement tire un premier bilan des effets de la signature de la convention tripartite État-ANPE- UNEDIC de mai 2006, qui a permis la création de 190 guichets uniques et de 180 maisons de l'emploi, l'instauration d'un dossier unique de demandeur d'emploi, le rapprochement au sein d'un groupement d'intérêt économique, ou GIE, des services informatiques de tous les opérateurs publics de l'emploi... Cela nécessitait pour le moins une évaluation.
Il aurait également été souhaitable que le Gouvernement laisse se conclure la grande négociation sur le marché du travail, qu'il prenne en considération les travaux effectués en matière de formation professionnelle, laquelle devrait faire l'objet d'une réforme, comme ceux de la conférence tripartite sur l'emploi et le pouvoir d'achat, réunie pour la première fois le 23 octobre dernier, et qu'il s'emploie à oeuvrer pour sécuriser les parcours professionnels
Ainsi, sauf à considérer qu'il convient de modifier les outils avant même de se mettre d'accord sur le contenu d'une réelle politique de l'emploi, en d'autres termes que la lutte contre le chômage dépend uniquement de la fusion de deux opérateurs, ce sont bien toutes les dimensions du service public de l'emploi qu'il aurait été nécessaire de prendre en compte.
Ce faisant, nous aurions pu définir une politique de l'emploi cohérente et dynamique, une politique qui ne se limite pas, comme c'est le cas actuellement, à la seule et dangereuse baisse des cotisations sociales et au « travailler plus pour gagner moins ».
Compte tenu de ces observations, vous comprendrez que nous nous étonnions de la déclaration d'urgence sur ce texte, qui n'a de réforme que le nom.
Plusieurs éléments démontrent qu'il s'agit d'un faux-semblant de réforme et d'une démarche inaboutie. J'insisterai sur six points.
Le premier point concerne l'absence de dénomination de la nouvelle institution : celle-ci est simplement mentionnée dans la rédaction proposée par l'article 1er pour l'article L. 311-1 du code du travail. Certes, ce point n'est pas le plus important, mais il est symbolique du manque de précision qui caractérise ce texte.
J'ai bien entendu Mme le ministre et Mme le rapporteur ; néanmoins, je ne suis pas certaine que les administrateurs et les personnels de cette nouvelle institution tiennent à lui donner un nom ; ils auront d'autres priorités.
Même en la limitant au strict cadre de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, la démarche engagée par le Gouvernement reste inaboutie.
Le deuxième point est relatif au devenir et à la place des autres opérateurs. Chacun sait qu'au-delà de l'ANPE et de l'UNEDIC d'autres opérateurs interviennent : l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, les services déconcentrés de l'État, les missions locales, les maisons de l'emploi, et bien d'autres encore ; nous connaissons tous, dans nos territoires, de nombreuses associations qui oeuvrent pour des publics spécifiques. Or le projet de loi n'apporte aucune précision sur la place et le rôle de la future institution, pas plus que sur la nature de ses missions ou sur les modalités d'intervention des uns et des autres. Seul l'exposé des motifs dresse rapidement une liste incomplète de réseaux avec lesquels il faudra « resserrer les liens ».
Ce manque de précision suscite de nombreuses interrogations au sein des structures qui ont signé des conventions avec l'ANPE et/ou les ASSEDIC.
Seul l'article 2 dispose qu'une convention conclue annuellement par le préfet de région et le directeur régional de la nouvelle institution précisera les conditions de collaboration entre celle-ci et les autres réseaux et intervenants du service public de l'emploi. Aucune précision n'est apportée sur l'articulation entre le champ d'action de la nouvelle institution et la dimension territoriale dans laquelle agissent ces différents réseaux.
Et lorsqu'on vous entend, madame la ministre, annoncer le gel de ces conventions au motif qu'on « n'aurait plus besoin d'elles une fois la fusion intervenue », on ne peut que s'inquiéter et, surtout, penser que vous avez mis la charrue avant les boeufs. En effet, on traite de l'outil sans répondre à la question fondamentale de ce que doit être une politique de l'emploi, tant au niveau national qu'au niveau territorial ; j'y reviendrai
De même, on peut s'interroger sur les suites qui seront données aux expérimentations réalisées par des services privés de placement, permises par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Ne va-t-on pas assister à une accentuation de la concurrence entre les organismes de placement, à une segmentation encore plus grande des demandeurs d'emploi, répartis selon leur degré d'éloignement du marché du travail, le secteur public s'occupant, avec moins de moyens, des personnes les plus en difficulté ?
Un tel flou est dommageable, voire inquiétant, et interroge sur la volonté réelle du Gouvernement. La vilaine petite musique sur les sanctions et les radiations de chômeurs en cas de deux refus successifs d'une « offre valable d'emploi » ne nous rassure pas du tout.
Le troisième point a trait à la territorialisation du nouveau dispositif.
Chacun s'accorde à dire que les problèmes de l'emploi trouvent une solution très majoritairement à l'échelon territorial. Aussi, on ne peut que s'interroger sur la place des collectivités territoriales, dont les compétences ont été fixées par le législateur : la formation des jeunes et des demandeurs d'emploi pour les régions, l'insertion sociale et professionnelle des allocataires du revenu minimum d'insertion pour les départements.
Les régions ont fait part de leur position sur cette réforme, tout comme les départements. Elles s'interrogent sur l'organisation et le pilotage des multiples structures qui existent à l'échelon territorial et qui interviennent dans l'accueil, l'accompagnement et l'orientation des demandeurs d'emploi.
La création des maisons de l'emploi et de la formation, en 2005, a permis le rapprochement des équipes sur le terrain, au bénéfice du demandeur d'emploi. Parce qu'elles jouent un rôle dans la formation et dans le retour à l'emploi, les régions doivent être parties prenantes : présentes au conseil d'administration de l'ANPE, elles doivent l'être au conseil d'administration de la nouvelle institution ; nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens.
En outre, comme le demandent les régions, pourquoi la loi n'autoriserait-elle pas celles qui le souhaitent à élaborer, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, après concertation avec l'État, les collectivités locales et leurs groupements, les organismes du service public de l'emploi et les partenaires sociaux, un schéma régional de l'emploi opposable aux différents partenaires ?
Cette proposition de redéfinition de la gouvernance territoriale s'inscrit dans une logique d'amélioration de la cohérence et de la coordination des outils dévolus à l'emploi.
Le quatrième point concerne la question du financement.
S'agissant de la dimension financière de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, le préalable consiste à garantir que les fonds destinés à l'indemnisation des chômeurs et collectés auprès des entreprises et des salariés seront « fléchés » vers les demandeurs d'emploi.
Le fait que l'assurance chômage ait enregistré en 2007 un excédent de 3,5 milliards d'euros, lequel devrait atteindre 5 milliards d'euros cette année, ne doit pas être l'occasion pour l'État, qui ne cesse de creuser les déficits, de se servir de ces fonds afin de se désendetter un peu. Car la tentation est sans doute grande de se servir de cette manne, d'autant que le budget pour 2008 a été bâti sur des hypothèses de croissance particulièrement déraisonnables et que la protection sociale s'inscrit dans une « dynamique » déficitaire qui devrait la conduire à un déficit cumulé de plusieurs dizaines de milliards d'euros à l'horizon 2012.
Au-delà de la volonté affichée de mettre ce texte au service des demandeurs d'emploi, la question relative au traitement comptable de ce dossier mérite d'être posée. En effet, l'article 3 dispose qu'au moins 10 % des cotisations d'assurance chômage sont « fléchées » pour financer la nouvelle structure. Or le surplus que représente cette masse budgétaire n'est pas pris en charge par le budget de l'État. Dans les faits, cela signifie donc un désengagement de l'État à l'endroit du service public de l'emploi.
Si le nouvel article L. 311-7-5 prévoit que le budget de l'institution comporte trois sections non fongibles - « assurance chômage », « solidarité » et « fonctionnement, intervention et investissement » -, la part de l'État n'est pas précisée.
Partant, des interrogations se posent quant aux dispositifs d'indemnisation et à leur non-fongibilité. En outre, si, comme le souhaite la présidente de l'UNEDIC, les cotisations restent acquises uniquement aux demandeurs d'emploi indemnisés, ce ne sont que 50 % des chômeurs qui sont concernés. Quid du devenir de la solidarité nationale envers les autres ?
Cette question revêt une dimension capitale quand on sait que les 426 100 décisions de radiation prises au cours de l'année 2006 ont été deux fois plus nombreuses qu'en 2002 et cinq fois plus qu'en 1996.
S'y ajoute la question de la traduction de la mobilité géographique des demandeurs d'emploi, telle qu'elle est mentionnée au 2° du nouvel article L. 311-7. Deviendra-t-elle un motif supplémentaire de radiation en cas de non-respect ? Les récentes déclarations du Président de la République peuvent nous inciter à le penser. Ne risque-t-on pas de voir les publics les plus en difficulté orientés vers les collectivités locales, en particulier les conseils généraux, notamment au travers de la montée en charge du revenu de solidarité active, le RSA ?
Enfin, comment ne pas prendre en considération la volonté du MEDEF de gérer la politique de l'emploi dès lors que sa position au sein de la nouvelle instance est renforcée par la mise en place d'une majorité de gestion, consacrée par l'alliance entre l'État et les employeurs ?
Le cinquième point est relatif au devenir des personnels.
Le projet de loi précise qu'à l'horizon 2012 l'URSSAF assurera le recouvrement des cotisations d'assurance chômage. La disparition annoncée de ce service des ASSEDIC concerne 1 800 salariés, dont l'activité devra connaître une nécessaire évolution vers les demandeurs d'emploi ou vers les entreprises.
La grève du 27 novembre dernier a mobilisé près de 70 % du personnel, lequel recourt très rarement à ce genre d'action. Les mots d'ordre centrés sur le recouvrement et les garanties concernant la convention collective démontrent combien les personnels sont inquiets face aux risques de dégradation de leurs conditions de travail, mais aussi de remise en cause de leurs acquis sociaux.
Pour la réussite de l'opération, il est indispensable que le personnel soit associé, et non pas contraint.
En outre, rien n'est précisé quant à la prise en compte de l'impact budgétaire du nouveau statut.
Ainsi, dans la mesure où c'est la nature juridique de l'employeur qui détermine l'affiliation aux régimes complémentaires, les agents de l'ANPE pourraient, en raison de leur transfert vers une institution nationale, qui, selon l'article 2, « est soumise en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales », être affiliés à l'ARRCO et à l'AGIRC.
D'ailleurs, les représentants de l'IRCANTEC, que nous avons reçus sur l'initiative de Mme la rapporteur, nous ont fait part de l'inquiétude des agents de l'ANPE quant à la perspective d'être affiliés à l'ARRCO et à l'AGIRC. De fait, il y aura des conséquences directes non seulement sur le taux de cotisation, mais aussi sur le niveau des pensions. Dans un contexte de dégradation constante du pouvoir d'achat et de remise en cause des périodes de cotisations retraite, cette inquiétude est légitime.
En tout état de cause, les incertitudes qui pèsent sur le statut des personnels ne sont pas de nature à permettre aux professionnels de vivre cette fusion dans la sérénité. Ces derniers jours, j'ai ressenti une crispation de la part des personnels de l'ANPE et des ASSEDIC.
Le sixième point a trait à la question immobilière.
L'article 2 prévoit, par l'insertion d'un article L. 311-7-11 dans le code du travail, que les biens immobiliers détenus par l'UNEDIC et par les ASSEDIC, lesquelles sont régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, relèvent du domaine privé. L'article 7 dispose que ces biens sont mis à disposition de la nouvelle institution dès sa création.
Lorsque les ASSEDIC vont se dissoudre pour intégrer le nouvel opérateur, le transfert ne pourra s'effectuer que vers une association ayant le même objet, soit l'UNEDIC. Dans ce cadre, il est essentiel que les procédures mais aussi les intérêts patrimoniaux concernés soient scrupuleusement respectés. Tel est le sens de la délibération adoptée par le conseil d'administration de l'UNEDIC le 29 novembre dernier. Or la rédaction proposée dans le projet de loi ne le garantit pas.
Cette question est d'autant plus importante que, si l'on en croit la presse, le nombre d'antennes passerait de 1 600 à 1 200 et la carte des nouvelles implantations serait d'ores et déjà en cours d'élaboration, voire finalisée. Madame la ministre, j'espère que vous nous rassurerez sur ce point.
En conclusion, nous pensons que ce texte ne constitue en rien une réforme et qu'il ne peut constituer une solution de rechange à une politique de l'emploi dynamique et rénovée qui prendrait en considération l'ensemble des éléments permettant de lutter contre le chômage. Une telle politique fait défaut à notre pays. Je pense particulièrement aux jeunes, notamment à ceux qui sont victimes de discriminations dans l'accès à l'emploi ; je pense aussi aux travailleurs séniors qui, comme me l'ont rapporté des associations, se trouvent écartés des entreprises dès 45 ans ; et je pense à bien d'autres encore.
Ce texte se singularise par des manques, des incohérences, voire des contradictions, sources d'inquiétudes légitimes pour les acteurs de l'emploi et les personnels concernés par la fusion.
Ce projet de loi hâtif, voulu par le Président de la République, réforme pour parler et communiquer, n'apporte pas de vraie réponse en matière de politique de l'emploi.
Alors qu'un nouveau rapport de l'Inspection générale des affaires sociales devrait paraître à la fin de janvier, qu'un nouveau contrat de travail est en discussion, qu'une réforme du marché du travail est en négociation, que la sécurisation des parcours professionnels fait l'objet d'un débat, que doit être réformée la formation professionnelle et qu'un rapport est attendu sur les maisons de l'emploi, décidément, rien ne justifiait une telle précipitation dans la présentation et le vote de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Je voudrais tout d'abord vous remercier, madame le rapporteur, du rapport que vous avez établi au nom de la commission des affaires sociales, rapport qui est maintenant celui du Sénat.
Comme vous le soulignez, la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC constitue une étape essentielle de la démarche de modernisation de notre marché du travail.
Madame la ministre, vous l'avez dit, la baisse du chômage depuis le début de l'année 2006 est une réalité tendancielle, qui rend d'ailleurs a posteriori assez dérisoires certains « faux débats » sur les statistiques de l'année dernière.
Mais nous pouvons, nous devons faire mieux, notamment en termes de taux d'activité, d'emploi des jeunes et des séniors. Ceux-ci ont trop souvent été des variables d'ajustement en raison d'une politique de l'emploi inexistante depuis vingt-cinq ans.
Notre marché du travail a besoin d'être optimisé. Par exemple, le délai est trop long entre la rencontre de l'offre et de la demande d'emploi. Savez-vous, mes chers collègues, que, voilà quatre ans, ce délai était en moyenne de six mois ?
Cette rigidité s'explique par un faisceau de causes.
Il s'agit, d'abord, de la complexité de nos dispositifs et de nos structures - État, Agence nationale pour l'emploi, UNEDIC -, qui ne pouvaient même pas dialoguer, sur le plan informatique, il y a encore peu de temps.
Il s'agit, ensuite, de la complexité de nos relations du travail, qui, avec l'objectif légitime de protéger le salarié, nous a conduits trop souvent aux licenciements détournés, aux conflits, parfois aux vrai-faux conflits, ou au passage du salarié par la case « chômage », faute de pouvoir construire une transition professionnelle.
Je l'ai dit, l'exclusion des jeunes et des séniors a été trop massive.
Le texte que vous nous présentez, madame la ministre, s'il est rupture au sens moléculaire, suivie d'une fusion de réseaux, s'inscrit, en la renforçant, dans la continuité d'une démarche engagée en 2004 par la remise à François Fillon d'un rapport rédigé par Jean Marimbert et évoquant une « mosaïque » dont le cryptage était tel qu'il ne permettait pas de communiquer et de se comprendre. Ce rapport fut d'ailleurs pour partie à l'origine du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale que j'ai eu l'honneur, avec Jean-Louis Borloo, de défendre en 2004 à cette tribune.
Ce texte est aussi le fruit de l'accord du 18 janvier 2006 entre les partenaires sociaux sur la nouvelle convention d'assurance chômage, de la convention de reclassement personnalisé et de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle.
Un cheminement de près de quatre ans nous permet aujourd'hui d'aborder l'examen de ce texte et de prendre une décision tout à fait essentielle.
Je procéderai à quelques rappels sur les apports de la loi de programmation pour la cohésion sociale.
La convention tripartite entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC du 8 octobre 2005 a eu pour objet d'améliorer le service rendu aux demandeurs d'emploi. Car nous devons d'abord nous intéresser aux demandeurs d'emploi avant d'aborder la question des structures ! Celles-ci sont certes importantes, mais elles ne sont que des outils. Nous avons trop tendance, dans notre pays, à croire que, parce qu'on a créé une structure, on a réglé un problème.