Article 3
I. - L'article L. 441-2-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « de services de coopération commerciale » sont remplacés par les mots : « de services rendus à l'occasion de leur revente, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ou de services ayant un objet distinct, » ;
2° La deuxième phrase du troisième alinéa est supprimée.
II. - Le 11° de l'article L. 632-3 du code rural est ainsi rédigé :
« 11° Le développement des rapports contractuels entre les membres des professions représentées dans l'organisation interprofessionnelle, notamment par l'insertion dans les contrats types de clauses types relatives aux engagements, aux modalités de détermination des prix, aux calendriers de livraison, aux durées de contrat, au principe de prix plancher, aux modalités de révision des conditions de vente en situation de fortes variations des cours de certaines matières premières agricoles définie par décret, ainsi qu'à des mesures de régulation des volumes dans le but d'adapter l'offre à la demande. »
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le 1° du I de cet article, remplacer les mots :
vente ou
par les mots :
vente, ou
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
de certaines matières premières agricoles définies par décret
par les mots :
des matières premières agricoles
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
Je le rappelle, l'article 3 procède à une clarification du régime des contrats types agricoles, notamment pour tenir compte de la forte variabilité des cours des matières premières agricoles. Or il ne paraît pas possible de déterminer par voie réglementaire l'une des dispositions figurant dans ces contrats types, dont la conclusion relève exclusivement de la liberté de négociation des parties.
Voilà pourquoi il convient de supprimer le renvoi à un décret afin de laisser aux interprofessions l'entière expression de leur volonté contractuelle.
Monsieur le secrétaire d'État, j'espère que les décrets ne tarderont pas à être pris.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
Après le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Engage également la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de pratiquer ou de faire pratiquer, en situation de fortes variations des cours de certaines matières premières agricoles telle que visée à l'article L. 632-3 du code rural, des prix de première cession abusivement bas pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture, ainsi que pour les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits, figurant sur une liste établie par décret. »
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Engage également la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait pour tout revendeur d'exiger de son fournisseur, en situation de forte hausse des cours de certaines matières premières agricoles, des prix de cession abusivement bas pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses, pour les produits de l'aquaculture, ainsi que pour les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits. Les conditions définissant la situation de forte hausse des cours de certaines matières premières agricoles ainsi que la liste des produits concernés sont fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
En adoptant un amendement tendant à introduire cet article additionnel, l'Assemblée nationale entendait lutter contre les pratiques des prix abusivement bas à l'encontre des fournisseurs en période de forte hausse conjoncturelle des prix des matières premières agricoles. En effet, le mécanisme protecteur des producteurs en cas de forte baisse des cours est déjà prévu par le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code rural : c'est la notion de crise conjoncturelle. Voilà pourquoi il convient de remplacer le mot « variations » par le terme « hausse ».
Par ailleurs, il faut également définir plus exactement les partenaires de la relation commerciale en cause, c'est-à-dire le revendeur face à son fournisseur.
Enfin, toujours dans la même logique, ce sont non pas les prix de première cession qui sont visés, mais bien ceux qui viennent ensuite dans la chaîne de valeur.
Telles sont les précisions apportées par cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de précision de la commission.
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rédigé.
Article 3 ter
Dans le III de l'article L. 442-10 du code de commerce, les mots : « visés au premier alinéa de l'article L. 441-2-1 » sont remplacés par les mots : « figurant sur une liste établie par décret ».
M. le président. L'amendement n° 169, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 442-10 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 442-10. - Les enchères inversées sont interdites. »
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Lors de l'examen, en juin 2005, du projet de loi en faveur des PME, le débat dans notre Haute Assemblée avait permis de moraliser la pratique des enchères inversées en les réglementant.
Leur utilisation a été proscrite pour les produits agricoles visés au premier alinéa de l'article L. 441-2-1 du code du commerce ainsi que pour les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits. Étaient ainsi visés les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses et les produits de la pêche et de l'aquaculture.
Nous étions à l'époque satisfaits de cette prise de conscience des dangers de ces pratiques lorsqu'elles concernent les produits périssables. Nous avions déposé un amendement en ce sens.
Cependant, le décret censé définir les produits concernés s'est révélé extrêmement limitatif, puisque, au final, seuls les fruits et légumes destinés à être vendus à l'état frais au consommateur ainsi que les pommes de terre de conservation ont été retenus.
Pour remédier à cette lacune, l'article 3 ter nouveau, introduit par un amendement déposé à l'Assemblée nationale par le rapporteur, M. Raison, vise à rattacher l'interdiction des enchères inversées à un nouveau décret prévu à l'article L. 442-10.
Si nous partageons l'objectif d'élargir le champ d'interdiction des enchères inversées, nous sommes, en revanche, particulièrement dubitatifs sur l'intérêt de déclasser la mention des produits concernés du domaine législatif au domaine réglementaire.
Par ailleurs, le Gouvernement, qui a pourtant émis un avis favorable sur cet amendement, s'est trouvé dans l'incapacité de donner des précisions sur le contenu de ce nouveau décret.
Je me permets donc de vous solliciter une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d'État, sur cette question.
De plus, nous estimons que la pratique des enchères inversées est condamnable, et ce quels que soient les produits concernés.
En effet, ce procédé concourt à la mise en oeuvre d'un dumping social généralisé.
Ainsi, ces pratiques constituent pour les distributeurs une formidable opportunité de se fournir à moindre coût puisque le principe est celui du moins-disant, sans aucun autre critère de choix, qualitatifs ou éthiques, entre les différents fournisseurs.
Les enchères inversées suscitent pourtant des inquiétudes chez les fournisseurs - celles-ci sont d'ailleurs partagées par les consommateurs - sur l'inévitable baisse de la qualité du produit.
Si ces pratiques se généralisent, cela consacre la baisse des revenus des fournisseurs, a fortiori des PME, qui n'ont pas les moyens matériels et financiers de faire face à une concurrence aussi rude.
Il s'agit, une nouvelle fois, d'un nivellement par le bas dont l'aboutissement est la remise en cause directe de la définition du seuil de revente à perte.
Ainsi, ces pratiques font peser un risque important sur la survie même des PME.
De plus, contrairement à la négociation classique, le procédé de l'enchère électronique inversée empêche de négocier une contrepartie au faible montant des prix concédés.
Les sénateurs du groupe CRC émettent, en outre, de sérieux doutes sur les conséquences de ces pratiques en termes de droit du travail.
Si les prix des fournisseurs baissent, il leur faudra évidemment compenser ce manque à gagner. Or, nous en avons l'habitude, ce sont les salariés qui en font les frais par la déréglementation du travail.
La généralisation de ces pratiques fait alors craindre une nouvelle fois une réduction des garanties sociales.
Ainsi, on pourrait très bien imaginer que la pratique des enchères inversées s'étende aux embauches, comme c'est déjà le cas en Allemagne. Serait engagé celui qui concéderait le plus sur son salaire, sur son temps de travail, sur ses droits sociaux.
La mise en concurrence comme modèle pour toutes les relations humaines ne nous satisfait pas, car elle porte en elle les conditions de tous les reculs économiques et sociaux pour l'ensemble des salariés.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent aux enchères inversées et vous proposent leur interdiction pure et simple.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je reconnais de la constance à M. Jean-Claude Danglot et à son groupe, car un amendement similaire avait déjà été présenté en 2005, lors de l'examen de la loi Dutreil II.
Comme en 2005, je ne crois pas opportun - je fais également preuve de constance -, de supprimer les enchères inversées, qui sont, pour beaucoup de produits, un moyen efficace et rationnel de faire opérer la concurrence et de satisfaire la clientèle à un coût intéressant.
Toutefois, nous en étions convenus alors, ces enchères sont mortifères pour les produits périssables. C'est la raison pour laquelle nous les avions interdites par l'article L. 442-10 du code de commerce.
M. Daniel Raoul. Exact !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Ayant constaté que ce mécanisme ne couvrait pas tous les produits que nous cherchions à protéger, le présent article 3 ter s'attache à améliorer ce dispositif.
La commission y est très favorable. Vous-même, monsieur le sénateur, devez sans doute l'être également. Cependant, aller plus loin et interdire cette méthode d'achat pour tous les produits irait à l'encontre des intérêts de bien des fournisseurs, des distributeurs et, en définitive, des clients.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme l'a très bien expliqué M. le rapporteur, la pratique des enchères inversées est courante. Elle permet à un certain nombre d'acheteurs de faire jouer la concurrence ; cela fonctionne d'ailleurs très bien sur certains marchés. L'élu rural que je suis a en tête, notamment, les ventes de bois, que vous connaissez tous.
Dans le secteur de l'électronique, c'est un moyen courant, par exemple pour les administrations publiques, de faire jouer la concurrence afin d'acheter au plus bas prix.
Le Gouvernement a pris le parti, depuis un certain temps déjà, d'encadrer ce système et d'empêcher les abus de certaines de ces pratiques.
Ce fut l'objet, M. le rapporteur l'a rappelé, de la loi de 2005, dans laquelle nous avions défini un certain nombre de règles pour les enchères inversées. Nous vous proposons, au travers de cet article 3 ter, de les étendre à certains domaines spécifiques pour empêcher les abus.
Cependant, nous ne souhaitons pas une interdiction généralisée du système des enchères inversées.
Le Gouvernement ne peut donc être que défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter.
(L'article 3 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 3 ter
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 441-3 du code de commerce est complété par les mots : « datée au plus tard du jour de la livraison du produit ou de la réalisation de la prestation service. »
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. La date de la facturation est un élément essentiel pour l'appréciation des délais de paiement.
Si la date de facturation est différée - cela peut se pratiquer à la demande du distributeur -, les délais de paiement sont allongés d'autant.
Par ailleurs, certaines PME n'établissent pas de factures chaque jour et, dans ce cas, il peut y avoir un délai entre la date de la livraison et celle de la facturation. D'où la nécessité de pouvoir faire figurer comme date de facturation celle de la livraison.
Comme nous le verrons lors de l'examen de l'un des amendements que nous avons déposés à l'article 4, les délais sont déjà trop longs.
Il nous paraît incontournable, dans un souci de transparence des relations commerciales, que la facture puisse non seulement être remise « dès la réalisation de la vente ou la prestation du service », comme cela figure au deuxième alinéa de l'article L. 441-3 du code de commerce, mais qu'elle soit également datée au plus tard du jour de la livraison.
Grâce à cette disposition, les factures différées ne pourront plus être un élément de négociation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La question posée par M. Bernard Dussaut pourrait se résumer au problème des délais de paiement.
Cet amendement peut poser problème.
À première analyse, il présente une difficulté d'ordre technique. Je ne suis pas certain, monsieur Dussaut, que votre proposition de faire dater la facture du jour de la livraison du produit ou de la réalisation de la prestation de service soit matériellement toujours possible, par exemple lorsque les livraisons sont échelonnées.
M. Daniel Raoul. Et alors ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cela dit, une expertise pourrait sans doute permettre, d'une part, de vérifier si cette objection est fondée et, d'autre part, de trouver une solution si elle l'est.
Cependant, la commission, conformément à sa position de principe, que je vous ai rappelée plusieurs fois, pense que la question des délais de paiement, qui est en fait le coeur de votre amendement, doit être abordée dans le cadre plus large de la remise à plat des négociations commerciales. C'est donc à ce moment-là que la question que vous soulevez pourra être examinée au fond, car il y a un véritable problème.
En tout état de cause, dans l'immédiat, la commission est défavorable à votre amendement.
M. Daniel Raoul. Vous bottez en touche !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je comprends bien ce qui justifie votre amendement, monsieur Dussaut.
En général, la vente est réalisée avant la livraison. Toutefois, dans certaines formes de vente - je pense à la vente sous condition suspensive -, il est prévu que la livraison intervienne avant la vente. La concrétisation de la vente se fait seulement lorsque le produit a été revendu au consommateur ; c'est notamment le cas dans le secteur de l'habillement.
Compte tenu du fait que la législation s'applique non seulement aux relations entre les grands distributeurs et les grands industriels, mais également à l'ensemble du commerce, cette mesure serait inadaptée aux réalités de la vie quotidienne de certaines formes de commerce.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'y est pas favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 4
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 2-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les organisations professionnelles concernées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constitutifs d'infractions aux prescriptions des titres I à IV du livre IV du code de commerce et portant un préjudice direct à l'un de leurs ressortissants. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. À l'heure où le Gouvernement s'apprête à dépénaliser la vie des affaires et à réduire le champ d'intervention et les moyens de la police économique - vous ne voulez toujours pas entendre parler d'action de groupe -, nous souhaitons donner aux victimes directes des infractions répertoriées aux titres I à IV du livre IV du code de commerce les moyens de se défendre.
Rappelons que ces titres du code de commerce portent, notamment, sur les pratiques anticoncurrentielles, comme l'exploitation abusive de position dominante, les pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas, la transparence et les pratiques restrictives, comme l'interdiction de revente à perte. Autant dire que, cette fois-ci, nous sommes au coeur du sujet !
Nous savons que l'ensemble de ces pratiques prohibées par le code de commerce est le fait de sociétés de taille importante ou économiquement puissantes.
Aussi les victimes immédiates de ces infractions ne peuvent-elles les poursuivre directement pour ne pas courir le risque qu'il soit mis un terme à des relations commerciales essentielles à leur survie économique.
Par cet amendement, il s'agit donc de conférer un droit d'ester en justice aux organes institutionnellement chargés de défendre les ressortissants victimes de ces pratiques comme parties intéressées.
Une telle disposition permettrait d'assurer l'effectivité des prescriptions du livre IV du code de commerce.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission est embarrassée.
Bien que cette question semble relever du cadre général des réflexions de la commission Coulon, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur le fond de cette proposition.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Raoul, les actions devant les juridictions pénales répondent à des règles bien précises.
Le premier principe est que seules les personnes personnellement et directement victimes d'une infraction peuvent agir pour obtenir la condamnation et demander réparation de leur préjudice dans le même temps.
Par dérogation, certaines organisations peuvent être autorisées à agir au nom de la défense de valeurs essentielles ou pour se substituer à des victimes qui n'agissent pas en justice.
Si la personne qui adhère à l'organisation professionnelle est victime d'un préjudice, elle peut agir elle-même devant les juridictions pénale ou civile, le cas échéant avec le soutien de l'organisation.
M. Daniel Raoul. Vous savez bien qu'elles ne le font pas !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, le Gouvernement considère que votre amendement est satisfait.
Je vous demande donc de bien vouloir le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 91 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. J'ai très bien compris vos explications, monsieur le secrétaire d'État. Mais vous savez très bien qu'un petit fournisseur ne peut pas porter plainte. Seule une organisation collective peut se substituer à lui pour éviter qu'il ne soit dans le collimateur du distributeur. C'est facile à comprendre !
Mme Odette Terrade. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je souhaite apporter une précision à M. Raoul.
Un petit fournisseur qui serait victime de préjudices peut tout à fait intenter une action auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui, elle-même, peut intenter une action en justice, ce qu'elle fait régulièrement !
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
L'article L. 441-6 du code de commerce est ainsi modifié :
1° A Après le mot : « communiquer », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. » ;
1° Le douzième alinéa est ainsi rédigé :
« Est puni d'une amende de 15 000 € le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième et neuvième alinéas, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du dixième alinéa ainsi que le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité selon des modalités non conformes aux dispositions du même alinéa. » ;
2° Les deux derniers alinéas du même article sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 168, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. L'article 4 dépénalise le refus de communication des conditions générales de vente.
Plusieurs articles dans ce projet de loi visent à assouplir ce que le Gouvernement et la majorité appellent le « formalisme » attaché aux actes commerciaux des personnes morales.
Le but est clairement de supprimer les obstacles posés par le droit pénal des affaires à l'encontre des entreprises. Je ne fais que reprendre l'idéologie présidentielle, Nicolas Sarkozy ayant qualifié de grave erreur, à la fin du mois d'août, la pénalisation à outrance de notre droit des affaires.
Un groupe de travail destiné à étudier la question de la dépénalisation du droit des affaires a été mis en place. Il est d'ailleurs toujours en train de s'atteler à cette tâche. Cependant, ni le Gouvernement ni la majorité n'attendent ses conclusions ; ils préfèrent procéder par petites touches, au détour de textes tels que celui que nous examinons aujourd'hui.
Le rapporteur espère au demeurant « que les propositions issues des réflexions du groupe de travail sur la dépénalisation de la vie des affaires présidé par M. Jean-Marie Coulon permettront, tout en établissant un cadre de sanctions propre à garantir le respect du droit commercial, de poursuivre ultérieurement ce premier pas très modeste ». L'article 4 constitue donc, de l'aveu même du rapporteur, un premier pas vers une dépénalisation que nous dénonçons par ailleurs.
Nous sommes fermement opposés à la dépénalisation du droit des affaires, et nous redoutions, à juste titre apparemment, la dérive qui consiste à la mettre discrètement en oeuvre, au fil de la session, au travers de divers amendements déposés à l'occasion des projets de loi qui nous sont soumis.
En l'espèce, et quoi qu'en disent certains, dépénaliser le refus de communiquer les conditions générales de vente constitue une régression pour l'acheteur de produits ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle dans son droit à l'information. C'est permettre aux producteurs et autres prestataires de services de peser de façon inégale dans la négociation commerciale.
Enfin, l'article 4 tire les conséquences de l'article 54 de la loi Perben II, qui n'impose plus de prévoir expressément l'incrimination des personnes morales et supprime ainsi la référence à la peine d'amende encourue par ces personnes morales. Je ne m'attarderai pas sur ce point, car nous aurons l'occasion, lors de l'examen de l'article 5 bis, de revenir sur ce principe contestable.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, nous souhaitons que l'article 4 soit supprimé.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 1°A de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° La deuxième phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et priment nonobstant toute stipulation contraire sur les conditions d'achat de l'acheteur de produit ou du demandeur de prestation de services. »
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Cet amendement tend à inscrire la primauté des conditions générales de vente dans le code de commerce.
Celui-ci précise que les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. La preuve en est que certains acheteurs continuent d'imposer leurs conditions d'achat. Certains d'entre eux tentent même, actuellement, de peser de tout leur poids pour être autorisés à négocier les tarifs des fournisseurs.
On reviendrait alors sur le principe selon lequel l'industriel fournissait un seul et même tarif pour ses produits à tous les distributeurs. Comme je l'ai souligné dans la discussion générale, on glisserait alors des conditions générales de vente à des conditions générales d'achat, et il est probable que nombreux sont les fournisseurs qui ne s'en relèveraient pas.
Nous pensons que, dans un système où les marges arrière sont maintenues, le socle de la négociation commerciale demeure les conditions générales de vente, qui doivent primer sur les conditions générales d'achat : ce sont les producteurs et les fournisseurs qui peuvent établir le bon équilibre entre les charges supportées et les conditions tarifaires qu'ils proposent.
M. le président. L'amendement n° 165, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Après le 1° A de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le quatrième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Pour les produits agricoles frais et périssables, le délai de règlement des sommes dues est fixé au septième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Les produits non conformes aux cahiers des charges prévus dans le contrat de vente devront être constatés à la livraison. Le réceptionnaire de la marchandise devra apporter la preuve de cette non-conformité et l'adresser immédiatement par courrier électronique aux fournisseurs. »
II. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le 1° de l'article L. 443-1 du code de commerce, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « sept ».
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. La défense de cet amendement vaudra également pour l'amendement n° 167.
Les questions des délais de paiement et des retours abusifs de marchandises aux fournisseurs et producteurs sont malheureusement absentes du projet de loi.
En ce qui concerne les délais de paiement, tout le monde - sauf ceux à qui profite le crime, si je puis dire - semble d'accord pour estimer qu'ils sont beaucoup trop longs en France. De fait, la grande distribution ne paraît pas pressée d'aborder cette question.
Le rapport de l'Observatoire des délais de paiement montre l'importance et la gravité du problème. Il y est précisé que, pour la moitié des entreprises, ces délais représentent plus de 40 jours après les achats et, pour le quart des entreprises, plus de 66 jours. Pour les entreprises de 20 à 249 salariés, la moitié des créances leur sont payées dans un délai équivalent à plus de 59 jours et, pour 25 % d'entre elles, à plus de 82 jours.
En bref, la grande distribution accumule les profits et, cerise sur le gâteau, utilise l'argent des fournisseurs pour le placer et gonfler ses rentrées d'argent !
Une autre pratique abusive de la grande distribution consiste à renvoyer aux producteurs des produits agricoles frais et périssables sous le prétexte qu'elle les aurait reçus endommagés. En réalité, ces produits sont bien souvent des invendus.
Au regard de la position écrasante de la grande distribution dans ses relations commerciales avec les petits fournisseurs, nous vous proposons donc plusieurs modifications du code de commerce.
Ainsi, nous demandons qu'il ne puisse être dérogé à la règle posée dans le huitième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce par des dispositions contraires, qu'elles figurent dans les conditions de vente ou qu'elles soient décidées entre les parties.
De plus, nous souhaitons que le délai de règlement pour les produits agricoles et périssables soit ramené à sept jours et que la charge de la preuve de la non-conformité des marchandises au cahier des charges pèse sur le réceptionnaire.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter les amendements nos 165 et 167.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 93 est présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 167 est présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le 1°A de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au début du huitième alinéa sont supprimés les mots : « Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, ».
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 93.
M. Daniel Raoul. Le non-respect des délais de paiement demeure l'une des trois infractions retenues par le Gouvernement dans le cadre des conditions générales de vente, les CGV. Or il nous paraît tout à fait important d'encadrer davantage ces délais.
En France, ils sont, en moyenne, supérieurs à ceux qui sont pratiqués en Europe du Nord : en 2005, ils atteignaient dans notre pays 66 jours, contre 47 jours en Allemagne et 52 jours en Grande-Bretagne.
Une étude sur cette question, réalisée en 2005 pour la Commission d'examen des pratiques commerciales, constatait que « dans beaucoup de secteurs d'activité les délais de règlement s'avèrent très supérieurs au délai supplétif de 30 jours prévus à l'article L. 441-6 du code de commerce » et que « l'écart qui se manifeste dans certains cas entre les durées des crédits client et fournisseurs s'avère d'une importance telle que la santé financière des entreprises en cause », c'est-à-dire des fournisseurs, « s'en trouve gravement affectée ».
Nous estimons totalement anormal que la grande distribution gagne plus d'argent en faisant traîner les délais de paiement qu'en dégageant des marges sur les produits vendus par les fournisseurs. Ce constat justifie à lui seul notre amendement.
La rédaction actuelle du huitième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce précise : « Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. »
Nous souhaitons supprimer la première partie de cette phrase, car on sait que les distributeurs obtiendront les « dispositions contraires » chaque fois qu'ils le voudront, surtout avec les plus petits des fournisseurs. Les abus sont multiples et les pressions imparables !
La loi relative aux nouvelles régulations économiques a certes rendu les pénalités de retard exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire de la part du fournisseur. Cependant, cette avancée importante s'est révélée inefficace puisqu'il semblerait que moins de 10 % des personnes interrogées avaient fait appliquer à leurs clients les intérêts de retard prévus dans la loi.
Enfin, il nous paraît essentiel que la question des délais de paiement soit résolue au cours de l'examen de ce projet de loi afin qu'elle soit exclue de la négociation qui pourrait intervenir entre les pouvoirs publics et les grandes surfaces d'ici à la préparation du nouveau texte que l'on nous annonce : elle ne constitue pas un sujet de négociation.
En tous les cas, cet amendement n'est pas un amendement « Carrefour ».