M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, en ce qui concerne la mission « Développement et régulation économiques », je concentrerai mes propos sur la situation du commerce extérieur et je m'adresserai donc en priorité à vous, monsieur le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.
Je voudrais, tout d'abord, vous féliciter de la manière volontariste avec laquelle vous avez dès le début engagé votre action. Cela a été noté et apprécié par les différents acteurs, qui remarquent avec satisfaction que, si vous êtes le secrétaire d'État du commerce extérieur, vous êtes aussi celui des entreprises et de l'industrie. Cela est très important. On ne le répétera jamais assez, si l'organisation de notre dispositif d'appui au commerce extérieur a une influence sur les résultats, aujourd'hui très préoccupants, de nos performances à l'international, elle n'est ni la cause principale de cette regrettable situation ni un éventuel remède absolu.
Les vrais problèmes, vous les connaissez, monsieur le secrétaire d'État.
Ils résident, tout d'abord, dans la structure de notre industrie, qui ne profite pas de la forte demande en biens d'équipements, en machines-outils et en matériel spécialisé des pays émergents, lesquels tirent la croissance internationale.
Ils résident, en outre, dans notre présence relativement faible dans les zones à fort développement économique.
Ils résident, enfin, dans les PME qui peinent à atteindre la taille et l'organisation sectorielle leur permettant d'aller sur les marchés étrangers, à l'image, en particulier, de leurs concurrentes européennes, allemandes - on le répète à satiété ! - mais aussi italiennes.
Ainsi la nouvelle constitution de votre portefeuille vous permet de ne plus être seulement le secrétaire d'État chargé du dispositif d'appui au commerce extérieur, mais d'exercer une action sur ces facteurs, qui, on le sait, ne produira pas d'effets miraculeux dans l'immédiat, mais qui, engageant une inflexion positive, portera inévitablement, nous l'espérons, des fruits à court terme.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous dire ce que vous inspirent ces réflexions et quelles initiatives vous comptez prendre dans ce domaine.
Quant aux différentes mesures destinées, d'une part, à améliorer la compétitivité de nos entreprises et, plus précisément, nos performances à l'international, elles sont connues et souvent citées. Qu'il s'agisse des mesures prévues dans votre pacte Force 5 ou de celles qui consistent à multiplier par deux le nombre des volontaires internationaux en entreprises pour le porter à 10 000, nous ne pouvons que vous en féliciter et les soutenir, monsieur le secrétaire d'État.
Cette dernière ambition en particulier est non seulement potentiellement riche en valeur ajoutée à court terme et à plus long terme, mais elle est également mobilisatrice pour les acteurs du réseau, en particulier UBIFRANCE, et les conseillers du commerce extérieur de la France, qui devront convaincre les entreprises, notamment les PME, d'accueillir tous ces jeunes et de tirer profit de leur renfort.
Je m'autoriserai maintenant quelques voeux, voire des recommandations ou même de simples observations.
Le fonds de labellisation d'UBIFRANCE doit continuer d'être abondé. Il joue et devra jouer un rôle de plus en plus important.
Le groupe des BRIC - le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine -, c'est bien, mais il ne faut ni décourager ni oublier personne. Je pense en particulier au Mexique versus le Brésil.
Nous avons amélioré notre présence dans les foires et les salons. Il faut aller encore plus loin.
Il faut pouvoir, il est vrai, évaluer les résultats des missions économiques, mais les indicateurs d'UBIFRANCE ont quelquefois, on vous l'a dit, des effets indésirables.
Plus que jamais, enfin, il faut augmenter la dimension « PME » et « internationale » de nos pôles de compétitivité.
En ce qui concerne l'organisation du réseau et l'articulation entre les marchés étrangers et le tissu des entreprises en France, j'ai compris, monsieur le secrétaire d'État, que, outre la COFACE, vous comptez asseoir notre dispositif en France sur les chambres de commerce et d'industrie, avec le relais des directions régionales du commerce extérieur, les DRCE, articulées sur UBIFRANCE et, à l'étranger, sur les missions économiques pilotées par UBIFRANCE.
La cohérence du projet me convient, mais je regrette qu'il ne donne pas, du moins d'après ce que j'en sais, aux chambres de commerce françaises à l'étranger la place qui doit leur revenir.
Toutes, bien sûr, n'ont pas le même potentiel et ne peuvent pas offrir les mêmes services. Certaines, vous le savez, sont très performantes. Outre l'animation traditionnelle de la communauté d'affaires française, elles offrent une gamme plus ou moins étendue de prestations aux entreprises. Je citerai pour exemple la chambre de Casablanca, qui, en plus d'un enseignement professionnel qu'elle dispense, réalise en ce moment le projet d'un lycée français.
D'autres sont beaucoup plus modestes, mais la plupart, en fonction de leurs environnements respectifs, constituent un réel potentiel de valeur ajoutée pour notre présence économique dans le monde.
Au moment où, nous le savons, l'État ne peut plus tout faire, y compris à l'étranger, il serait dommage que ce bel exemple de partenariat entre le public et le privé, peu coûteux en argent public - les chambres à l'étranger doivent s'autofinancer en grande partie - ne soit pas encouragé.
Il faut, monsieur le secrétaire d'État, donner toute leur place aux chambres de commerce françaises à l'étranger dans le dispositif, en complémentarité et en synergie.
Pour cela, elles devraient être associées à la réflexion concernant la réorganisation du réseau, afin que soient définis entre les différents acteurs les rôles de chacun et que soit promu, à Paris comme sur le terrain, un esprit de partenariat que j'appelle de mes voeux, car il est conforme à l'intérêt de notre présence économique à l'étranger.
Messieurs les secrétaires d'État, après vous avoir confirmé que, avec les membres du groupe de l'UMP, je voterai les crédits de la mission « Développement et régulation économiques », j'aimerais terminer sur une note optimiste.
Les performances remarquables de nos grands groupes à l'étranger et la manière dont ils ont su s'adapter à la mondialisation et en tirer partie sont riches d'espoir quant aux ressources et aux capacités de notre pays à réussir dans la compétition internationale.
Il s'agit là, et c'est un autre défi, de faire en sorte que ces succès profitent largement à nos compatriotes, à leur emploi et à leur pouvoir d'achat. Je vous remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2007, le gouvernement, qui était optimiste, avait prévu un taux de croissance de 2 % à 2,5%,
Or, selon l'INSEE, ce taux s'établirait en réalité autour de 1,8 %. Cette croissance dont vous nous parlez depuis des années est un peu votre arlésienne. Elle est le centre de l'intrigue de la politique de la majorité, mais elle n'apparaît jamais dans les faits.
En outre, la croissance n'a de sens que si la valeur créée est équitablement redistribuée, notamment à travers l'augmentation des salaires. Ainsi, la consommation dynamique des ménages demeure le moteur de la croissance française.
Il serait donc temps que le Gouvernement se préoccupe de garantir le pouvoir d'achat de l'ensemble de nos concitoyens.
Il est assez édifiant de constater que, à l'heure où le consommateur est présenté comme le centre d'intérêt de l'action du Gouvernement et comme le sujet préféré des discours sans lendemain du Président de la République (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, s'exclame), le budget prévoit une diminution des crédits de paiement de l'action 02 « Protection économique du consommateur », dont la finalité est de fixer et de faire respecter les règles relatives à l'information des consommateurs et à la loyauté des pratiques commerciales.
Ainsi, en 2008, les crédits du programme 199 « Régulation économique » sont en baisse de 7,7 millions d'euros, ce qui affecte principalement l'action 02 « Protection économique du consommateur » et l'action 05 « Sécurité du consommateur », qui diminuent respectivement de 4,9 millions d'euros et de 5,7 millions d'euros.
Une telle contradiction entre les annonces du Gouvernement et les moyens affectés constitue une véritable provocation, alors que nos concitoyens attendent des mesures fortes sur le sujet.
De plus, l'idée selon laquelle l'augmentation du pouvoir d'achat se limiterait à une baisse des prix est une grave erreur. En se limitant à cette analyse, votre projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, en sus d'être inutile, aura des effets pervers sur nos producteurs et nos entreprises.
La concentration des centrales d'achat et le poids de la grande distribution imposent des prix de moins en moins rémunérateurs aux producteurs. Les grands groupes ont recours à des importations préventives pour faire chuter les prix sans que cela profite au consommateur. En bref, la baisse des prix aura pour conséquence de réduire encore le coût du travail.
En outre, les politiques que vous mettez en oeuvre poussent au contraire à la hausse des prix de biens ou de services essentiels à la vie de tous les jours. Les franchises médicales, la privatisation de GDF, entreprise publique qui assurait une stabilité des prix au travers de ses contrats long terme négociés, et une péréquation tarifaire sont les dernières atteintes portées à l'intérêt général.
Pour en finir sur ce thème, je voudrais évoquer les pouvoirs et les moyens financiers des différents services de contrôle des marchandises.
Les crédits consacrés à l'exercice des missions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, qui est l'administration de premier recours des consommateurs, sont répartis entre trois actions du programme « Régulation économique », en l'occurrence « Régulation concurrentielle des marchés », « Protection économique du consommateur » et « Sécurité du consommateur ».
Si nous voulons que cette administration fasse appliquer les principales dispositions législatives et réglementaires contenues dans les codes de la consommation, du commerce et des marchés publics par la recherche et la constatation d'infractions et qu'elle soit en mesure d'accueillir les consommateurs et de les informer sur les domaines relevant de sa compétence, il est nécessaire de lui en donner les moyens.
Depuis 2002, cette direction connaît une baisse des effectifs et des restructurations des services qui compromettent l'exercice de l'ensemble de ses missions. Ainsi, en 2006, alors qu'il y a eu 97 départs en retraite, seulement 36 nouveaux agents ont été recrutés, soit un déficit de 61 personnes. En 2007, ce sont entre 140 et 150 départs à la retraite qui sont prévus, pour un recrutement d'environ 70 agents seulement.
L'augmentation constante des enquêtes nationales, à hauteur de 56, et du nombre d'actions de contrôles, qui est de 234 745, s'accorde difficilement avec une réduction massive des effectifs de 195 agents et une perte de pouvoir d'achat de 5 %.
Cette politique régressive s'est particulièrement accentuée lors des deux derniers exercices budgétaires, où les missions relatives à la protection du consommateur ont vu leurs dotations en effectifs et en crédits de paiement diminuer fortement, ce qui est d'ailleurs confirmé cette année.
Dans le cadre du contrat pluriannuel de performance entre l'État et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, 45 équivalents temps plein travaillé doivent être supprimés entre 2006 et 2008. Or, parallèlement, les missions de cette administration doivent être étendues pour tenir compte des contrôles au niveau communautaire et de l'ouverture à la concurrence dans de nombreux secteurs.
Ces restrictions de moyens humains se doublent de restrictions de moyens de fonctionnement. Ainsi, on se dirige, lentement mais sûrement, vers une privatisation des missions de contrôle qui se faisaient jusqu'alors sous l'autorité de l'État.
Les mêmes constats peuvent, hélas !, être faits pour la Direction générale des douanes et des droits indirects, la DGDDI, dont le plafond d'emplois pour 2008 connaît une baisse de 360 équivalents temps plein travaillé !
La mission « Développement et régulation économiques » s'inscrit dans le sillage de la dérégulation organisée par ce gouvernement, dans la continuité la plus lisse de la politique des gouvernements précédents.
Monsieur Novelli, lors de votre audition par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan et par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, vous avez déclaré : « La croissance économique repose sur trois facteurs : le travail, la compétitivité et l'innovation. Le travail, nous avons commencé de le libérer des contraintes administratives et du carcan législatif qui l'ont trop longtemps bridé. »
Nous pensons au contraire que la casse du code du travail présente un grave danger pour les salariés et sera totalement inefficace pour lutter contre les délocalisations de production et le chômage.
Vous avez ensuite ajouté : « Le capital, nous avons commencé de le libérer avec les dispositions de la loi TEPA, en permettant notamment aux contribuables assujettis à l'ISF d'investir dans le capital des PME. »
Mais force est de constater que la politique d'exonération massive des charges sociales et patronales et les cadeaux fiscaux faits aux ménages les plus riches n'ont pas d'effet positif majeur sur la bonne santé de nos PME !
Quant à l'innovation, nous regrettons la suppression de l'Agence de l'innovation industrielle et l'absence de contrôle sur le triplement du crédit d'impôt recherche.
Contrairement à M. le secrétaire d'État, nous ne considérons pas le traité de Londres sur les brevets comme un exemple de « l'indispensable protection des droits intellectuels ». À l'inverse, la situation créée par sa ratification rendra la politique d'innovation plus onéreuse pour les PME, puisqu'elles devront de façon croissante traduire en français les brevets de source étrangère, qui étaient jusque-là disponibles dans notre langue aux frais des déposants étrangers.
Les grands groupes n'auront pas de telles difficultés, car ils ont les moyens de disposer en interne de services « brevets anglophones » et de pratiquer une veille technologique en anglais, ce qui n'est pas le cas d'un grand nombre de petites entreprises innovantes.
Ensuite, je tiens à aborder ici une question qui me tient particulièrement à coeur, en tant qu'élu d'une région, le Nord-Pas-de-Calais, dévastée par un phénomène de désindustrialisation qui se durcit. Mais le constat est national. Dim, Well, Aubade, Tetzeler, Dalphimetal, Nestlé, Thomé-Génot, ECCE, JDC, Samsonite, Delsey, Jourdan... la liste est longue des entreprises victimes de la course au profit !
Aujourd'hui, dans de nombreuses entreprises, les plans sociaux annoncés, comme les appels aux sacrifices salariaux, ont pour origine un projet de délocalisation, alors même que l'entreprise est en parfaite santé. On voit apparaître des montages juridiques frauduleux dans bien des cas, afin de délocaliser les sites de production à moindre coût.
Le Gouvernement se doit de réagir. Nous l'avions déjà interpellé sur cette question à de nombreuses reprises.
En outre, dans ce contexte, il nous semble intolérable que les crédits de l'action 06 « Accompagnement des mutations industrielles » du programme 134 « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique » passent de 17 millions d'euros en 2007 à 7,92 millions d'euros en 2008. Vous confirmez là le désengagement de l'État au détriment des collectivités locales pour gérer ces crises structurelles graves sur les plans économique et humain.
En ce qui concerne le secteur postal, l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information » se situe dans la lignée de ce qui a été voté par votre majorité au Parlement européen le 10 juillet dernier.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Danglot. Je conclus, monsieur le président.
Il s'agit d'ouvrir à la concurrence l'ensemble du secteur postal, mettant fin ainsi au secteur réservé, c'est-à-dire les lettres de moins de cinquante grammes.
Les entreprises privées ne manqueront pas de venir se positionner sur les créneaux rentables de la distribution de courrier, par exemple dans les zones urbaines à forte densité de population.
La poursuite de la libéralisation du secteur postal constitue une attaque supplémentaire contre l'entreprise publique, dont la marge de manoeuvre se réduit de plus en plus, mettant en péril le système de péréquation tarifaire.
Le peu de temps qui m'est imparti pour commenter la mission « Développement et régulation économiques », car le travail parlementaire semble réduit à cette fonction-là, ne me permet pas de relever toutes les contradictions et les insuffisances de votre politique budgétaire, mais ce que je viens de dire est largement suffisant pour justifier que nous votions contre le projet de budget de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, dans son Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour l'année 2006, la Cour des comptes émettait de fortes réserves sur l'inclusion du programme tourisme au sein la mission « Politique des territoires ».
De telles critiques étaient justifiées et ont conduit à une modification de la place du tourisme dans la maquette budgétaire pour 2008. Pour autant, la solution proposée par le Gouvernement n'était pas satisfaisante. Il s'agissait de faire du tourisme une simple action. De toute évidence, le programme concerné aurait alors manqué de cohérence. Surtout, il n'aurait pas reflété l'importance que revêt l'industrie touristique dans notre économie.
La France se doit de conforter sa première place et cela suppose une politique publique volontariste et lisible en faveur du secteur touristique. La place de cette politique dans la nomenclature budgétaire ne peut donc pas se résumer à une action dans un programme disparate et peu cohérent.
C'est pourquoi je me félicite que l'Assemblée nationale ait adopté deux amendements visant à rétablir le tourisme au rang de programme.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a prétendu que la faiblesse du budget du tourisme justifiait d'en faire une simple action. Cette approche strictement comptable n'est pas adaptée aux défis économiques auxquels nous sommes confrontés. Il est vrai que le budget du tourisme n'est pas proportionnel à l'importance de ce secteur pour notre économie.
Je crains que cette place mineure du tourisme dans la maquette du budget ne reflète également le risque qui pèse aujourd'hui sur les structures de l'administration du tourisme, qui ont pourtant démontré leur compétence et leur efficacité.
Messieurs les secrétaires d'État, je me permets donc de vous mettre en garde amicalement. Par le passé, lorsque l'État s'est désintéressé du tourisme, l'effet négatif sur la balance des paiements a été rapide et important. Compte tenu de la situation déficitaire de notre balance des paiements, il serait absurde que l'État se désengage de ce secteur.
Dans les prochaines années, l'État doit soutenir l'adaptation de toute cette industrie aux nouvelles contraintes de durabilité, afin qu'excellence touristique puisse rimer avec excellence environnementale. C'est à ce prix que nous pourrons gagner des parts de marché dans un secteur fortement concurrentiel ou, tout au moins, ne pas en perdre.
Ce projet de budget m'inspire également une réflexion sur le manque persistant de crédits affectés au tourisme social.
L'année dernière, nous avons célébré le soixante-dixième anniversaire des congés payés. Pourtant, aujourd'hui encore, un enfant sur trois et près de 40 % des adultes ne partent pas en vacances. Cette année, alors que les contraintes qui pèsent sur les acteurs de ce secteur ne cessent de s'accentuer, je constate que l'État consacre très peu de moyens directs au tourisme social.
Les structures de tourisme social essaient de pratiquer des prix adaptés aux populations défavorisées, mais elles doivent également financer des aménagements coûteux rendus obligatoires par l'évolution de la réglementation. Ainsi, elles doivent s'adapter à l'impératif d'accessibilité posé par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ou à des règles en matière de sécurité.
Dans ces conditions, l'État devrait s'engager plus fortement dans ce secteur. Or je ne vois, dans ce budget, aucune volonté de sa part d'assumer son rôle en matière de tourisme social. Il continuera donc de compter sur les collectivités territoriales et sur l'Agence nationale pour les chèques-vacances, l'ANCV, dont les excédents, qui sont affectés au tourisme social, fluctuent fortement d'une année sur l'autre et ne peuvent constituer le seul mode de financement de ce tourisme.
L'audit que vous avez engagé à l'ANCV est une bonne chose, monsieur le secrétaire d'État, et j'espère qu'une solution satisfaisante pourra être trouvée rapidement pour le financement de la cinquantaine de dossiers qui sont en souffrance, dans cette agence.
Je voudrais également insister sur l'importance des chèques-vacances pour les familles modestes. Je suis attachée comme vous, monsieur le secrétaire d'État, à ce que ces chèques aillent en priorité à ceux qui en ont le plus besoin. Il est donc nécessaire d'améliorer significativement leurs conditions d'attribution et leur diffusion. Je sais que cette problématique doit être traitée par l'audit en cours, mais il faut dès aujourd'hui poser un certain nombre de principes.
Tout d'abord, le monopole d'émission des chèques-vacances de l'ANCV ne doit pas être remis en cause, puisqu'il s'agit d'une politique publique d'importance sur laquelle l'État doit garder la main.
Ensuite, concernant la diffusion des chèques, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Il est possible d'imaginer, par exemple, une diffusion plus efficace des chèques par une société coopérative ouvrière de production, une SCOP, comparable à la structure Chèque Déjeuner, qui a fait la preuve de son efficacité.
L'ANCV est un exemple probant du bon usage du marché, puisque cette agence publique à visée sociale investit ses excédents sur le marché financier.
L'action de l'ANCV doit également être jugée à l'aune des résultats réels qu'elle obtient en termes de soutien du pouvoir d'achat des plus modestes. Plus généralement, la problématique du pouvoir d'achat doit, comme pour les autres politiques publiques, être l'une de nos priorités.
Dans la même logique, il est dommage que la promesse du Président de la République d'obtenir de nos partenaires européens une baisse de la TVA sur l'hôtellerie et la restauration n'ait pu encore être tenue.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, en ce qui concerne le programme de consolidation des hébergements du tourisme social, je me félicite que le fonds de concours que nous réclamions depuis plusieurs années soit enfin effectif et permette d'apurer les dettes contractées par l'État envers les associations du tourisme social, qui ont beaucoup souffert des pratiques d'un État mauvais payeur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur les crédits réservés au secteur du tourisme.
L'an dernier, l'ensemble des crédits du tourisme étaient identifiés dans le programme 223, qui était rattaché à la mission interministérielle « Politique des territoires », sous l'égide du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Cette année, le programme « Tourisme » disparaît en tant que tel pour devenir l'une des onze actions du programme 134 « Développement des entreprises, des services et des activités touristiques » de la mission « Développement et régulation économiques », mise en oeuvre par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.
S'il faut se réjouir du rattachement du tourisme, dans un Gouvernement resserré, au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, affirmant la vocation économique d'un ensemble d'activités appartenant au secteur des services et fortement liées aux échanges extérieurs de notre pays, je me permets de déplorer, en revanche, qu'il soit relégué au rang d'action.
Ce programme 134, très hétéroclite, se présente comme une simple juxtaposition des onze actions qui le composent, sans autre cohérence que celle de relever de la responsabilité d'un même ministère.
L'intervention de l'État dans le secteur du tourisme, aux côtés des professionnels et des associations, constitue à l'évidence une politique publique autonome dont la finalité est bien de concourir au développement d'une activité économique essentielle pour notre pays. Je ne peux donc que regretter la suppression du programme « Tourisme », qui a toute sa place dans la maquette budgétaire.
Les crédits consacrés au tourisme font l'objet d'une présentation globale trop succincte dans le projet de budget pour 2008, sans qu'il soit possible de déterminer les moyens affectés à chacun des objectifs de la politique menée en ce domaine. Il semble pourtant important de regrouper l'ensemble des actions concernant le tourisme dans un programme spécifique.
C'est la raison pour laquelle je me félicite de l'adoption, par nos collègues de l'Assemblée nationale, le 16 novembre dernier, de deux amendements identiques, dont l'un présenté au nom de la commission des finances, visant à rétablir un programme « Tourisme » à part entière.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que vous puissiez me confirmer votre accord sur ce point. Il s'agit pour les professionnels d'un signe fort auquel ils attachent une particulière importance.
La France a réussi à maintenir sa place de première destination touristique du monde, mais pour combien de temps encore ? Il est essentiel de maintenir cette place et d'accroître les recettes de ce secteur.
La France vit sur ses acquis ; elle doit se donner les moyens de conserver une position aujourd'hui menacée, en raison notamment d'une concurrence internationale de plus en plus vive et de l'émergence de nouveaux pays touristiques.
La France perd du terrain dans la compétition internationale, sous l'effet d'un tassement des recettes, alors que le tourisme mondial affiche une croissance supérieure à 5 %. Le tourisme représente l'un des atouts majeurs de notre pays ; il est la première industrie, devant l'automobile et l'agroalimentaire. Il génère globalement trois millions d'emplois et doit donc être fortement soutenu par l'État.
Bien qu'il constitue depuis plusieurs années la plus grande partie de l'excédent de la balance des paiements, il existe une marge de progression importante pour notre économie en termes de recettes, puisque la France n'est classée qu'au troisième rang mondial pour les recettes induites, après les États-Unis et l'Espagne.
Le positionnement géographique central de notre pays en Europe, au coeur des transhumances touristiques entre le Nord et le Sud, explique pour une part nos 76 millions de visiteurs. Notre principale faiblesse est notre difficulté à conserver suffisamment longtemps les touristes étrangers sur notre territoire.
Si nous avons pris conscience de la nécessité d'améliorer la qualité de notre accueil, avec notamment la mise en place du plan Qualité Tourisme, il reste encore des efforts à réaliser dans ce domaine. Nous devons nous attacher à rénover nos infrastructures et à améliorer la qualité de nos prestations pour séduire des clientèles de plus en plus sollicitées.
Par ailleurs, en tant que président d'ODIT France, je mesure chaque jour à quel point nos offres en matière de tourisme doivent évoluer. Nous devons aller d'un tourisme de « cueillette » vers un tourisme organisé, avec une meilleure adaptation aux demandes différentes qui émanent des jeunes, des seniors, des nouvelles familles. Notre parc n'est plus adapté, monsieur le secrétaire d'État, et nous devons faire des efforts significatifs pour y remédier.
Au coeur de cet objectif, l'ingénierie, qui doit accompagner les porteurs de projets, bien souvent des collectivités, est de plus en plus sollicitée, tant la complexité des projets s'accentue.
Cet outil opérationnel qu'est ODIT France, dans lequel les compétences sont rassemblées pour créer des produits nouveaux, doit être davantage soutenu, ainsi que la mission essentielle de promotion qui doit l'accompagner, dévolue à Maison de la France.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais redire combien il importe que le tourisme soit de nouveau identifié en tant que programme au sein de la mission « Développement et régulation économiques » dans le prochain projet de loi de finances, en raison de la spécificité et de l'importance économique de ce secteur.
En conséquence, je souhaite que les dispositions adoptées par nos collègues députés soient maintenues. Le Gouvernement doit mettre en adéquation l'importance qu'il affirme vouloir donner à une véritable politique du tourisme en France avec les instruments budgétaires qui permettront de lui donner une lisibilité et une visibilité réelles.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, des précisions que vous voudrez bien m'apporter sur l'ensemble de ces points. Je connais votre volonté de développer les activités touristiques de notre pays ; vous pouvez donc compter sur nous pour vous accompagner en votant les crédits nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, mon intervention portera sur les deux dossiers relevant de l'action 04 du programme 134, à savoir, d'abord, les crédits alloués à La Poste et la question du financement de la présence postale territoriale et, ensuite, le développement des technologies de la communication : la téléphonie mobile et l'Internet à haut et à très haut débit.
Ces crédits sont en légère baisse par rapport à 2007, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.
S'agissant de La Poste, le rapporteur pour avis, Pierre Hérisson, a dressé un tableau assez idyllique de la situation.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Non, réaliste !
M. Michel Teston. Certes, La Poste bénéficie de l'aide au transport de la presse, à hauteur de 159 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. En application de la convention passée avec l'État pour la période 2005-2008, cette aide finance la compensation du surcoût de la distribution de la presse dans les zones de moindre densité, afin de garantir l'égal accès de tous à la presse sur le territoire.
Il aurait été pour le moins souhaitable que l'État accorde autant d'importance à garantir l'égal accès de tous au service public de la poste, quel que soit son lieu d'habitation ! Tel n'est pas le cas, alors même que la présence postale est un enjeu essentiel pour les territoires, particulièrement pour les départements ruraux tels celui que je représente au Sénat.
Pourtant, la présence postale constitue bien une mission d'intérêt général, au sens de la loi de 2005 relative à la régulation des activités postales, justifiant ainsi, à mon sens, un soutien financier de l'État. Ce soutien est tout à fait possible, puisque l'Union européenne laisse une très large marge de manoeuvre aux États membres en matière d'organisation et de financement de la présence postale.
Cette présence postale territoriale est financée par un fonds de péréquation dont les ressources proviennent, pour l'essentiel, d'une exonération de fiscalité locale représentant actuellement 140 millions d'euros. Aucun crédit n'étant prévu dans le projet de loi de finances, La Poste devra donc supporter les 240 millions à 250 millions d'euros supplémentaires qui sont nécessaires pour l'assurer.
Par comparaison, je ne peux m'empêcher de penser et de rappeler que l'État a réussi à dégager 130 millions d'euros pour les distribuer aux 3 500 contribuables bénéficiant du bouclier fiscal... Que le Gouvernement consacre cette somme à certains contribuables fortunés plutôt qu'à la présence postale est un parti pris politique et idéologique que je désapprouve totalement !
J'en viens au domaine des technologies de l'information : la téléphonie mobile et l'Internet à haut et à très haut débit.
L'accès des citoyens à ces technologies est essentiel et constitue un élément de l'attractivité des territoires. En outre, le développement des entreprises dans les zones enclavées, difficiles d'accès, passe nécessairement par la possibilité de bénéficier de technologies de communication modernes. C'est à cette condition que ces zones enclavées, souvent peu peuplées, pourront devenir plus attractives et voir leur économie se développer.
Or ce projet de programme, pourtant intitulé « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique », ne prévoit pas de crédits en matière de désenclavement numérique.
Comment ne pas souligner, à ce sujet, une mesure symbolique, mais exemplaire des choix du Gouvernement : la disparition, dans la mission « Politique des territoires », de l'indicateur « Population des communes n'ayant pas accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication » ?
Dans le bleu budgétaire, cette disparition est justifiée par le fait que « le plan de couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile a été achevé en 2007 ».
Or, la couverture du territoire national en réseau de communication n'est pas achevée, loin s'en faut ! Il reste en particulier à traiter toutes les zones grises, c'est-à-dire celles où il n'y a qu'un ou deux opérateurs.
Alors que le Gouvernement affirme que le développement des technologies de communication constitue une priorité, force est de constater que les moyens financiers de son développement ne sont pas apportés par l'État. Ainsi, une nouvelle fois, les collectivités territoriales seront très largement mises à contribution.
L'État ne contribue donc pas financièrement à la présence postale territoriale, comme il pourrait et devrait le faire. Il ne met pas non plus les moyens financiers nécessaires au développement des équipements en téléphonie mobile : Internet à haut débit et à très haut débit.
Ce projet de loi de finances est une manifestation claire du désengagement de l'État de ses missions fondamentales d'aménagement du territoire. Nous voterons donc contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)