M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent rapport !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Madame la ministre, et cela vous donnera des armes pour résister à votre collègue chargé des comptes, il s'agit d'une bonne affaire pour l'État. (Mme la ministre sourit.) Ce dernier gagne en effet un milliard d'euros si l'on tient compte de la trésorerie et des dégrèvements ordinaires. Je sais bien que votre collègue vous rétorquera qu'il y a d'autres dégrèvements, législatifs. Vous pourrez lui répondre que c'est lui qui les a décidés et que c'est donc à lui, et non aux collectivités territoriales, d'en supporter les conséquences.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte « Avances aux collectivités territoriales », ainsi que les articles rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, le 27 novembre dernier, j'ai eu l'occasion d'aborder l'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, la compensation financière des transferts de compétences et la question de la maîtrise des finances locales.
J'évoquerai donc aujourd'hui trois points : la place des concours financiers aux collectivités dans l'architecture budgétaire globale, les conséquences des normes communautaires et les aides économiques des collectivités aux entreprises.
Sur le premier point, on observera que les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, qui excèdent le champ d'une seule mission, n'ont pas encore trouvé de place vraiment adéquate au sein de l'architecture budgétaire définie en application de la LOLF : près des trois quarts des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales prennent la forme de prélèvements sur recettes et figurent dans la première partie du projet de loi de finances, tandis que la mission dont nous examinons ce soir les crédits ne retrace que les dotations inscrites au budget du ministère de l'intérieur, dont le montant atteint 2,2 milliards d'euros, contre 3 milliards d'euros en 2007.
Je vous rassure tout de suite, mes chers collègues : cette baisse résulte avant tout d'une modification du périmètre de la mission. En effet, la dotation départementale d'équipement des collèges, ou DDEC, et la dotation régionale d'équipement scolaire, ou DRES, qui figuraient en 2007 au sein de cette mission, deviennent des prélèvements sur recettes. En outre, les crédits de rémunération de la direction générale des collectivités territoriales sont transférés à compter de 2008 vers la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Finalement, les crédits de la mission ne représentent plus que 3 % des dotations de l'État.
Aussi notre collègue Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, en propose-t-il la suppression. De fait, l'État n'a aucun pouvoir de décision pour 75 % des crédits de la mission, qui sont constitués de dotations dont l'évolution et la répartition au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales sont définies par la loi. Les modifications réduisant le périmètre de la mission devraient donc logiquement, à terme, aboutir à sa suppression.
Sur le deuxième point, on soulignera à quel point les conséquences des normes communautaires sur le fonctionnement des collectivités territoriales montrent, à l'approche de la présidence française de l'Union européenne, la nécessité d'associer les collectivités à l'élaboration de ces mêmes normes.
Ainsi, première illustration, les relations entre les collectivités territoriales et leurs sociétés d'économie mixte, les SEM, ont été affectées par des évolutions de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative au droit de la concurrence. Certes, la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement a modifié notre droit interne pour l'adapter au droit européen. Toutefois, la Cour de justice de Luxembourg a remis en cause une nouvelle fois la compatibilité du droit français avec le droit communautaire par un arrêt du 18 janvier 2007 dans lequel elle estimait qu'une convention d'aménagement était un marché de travaux.
La seconde illustration est offerte par la mutualisation des moyens des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et des communes qui en sont membres. La Commission européenne a adressé à la France, le 27 juin 2007, un avis motivé considérant que les conventions de mise à disposition de services entre communes et EPCI doivent respecter des procédures de marchés publics conformes aux directives du 31 mars 2004. Répondant à la Commission, la France a réaffirmé que les mises à disposition de services des communes membres vers les EPCI ne méconnaissaient pas les directives relatives aux procédures de passation des marchés publics.
Ces deux exemples montrent que, à l'évidence, les conséquences de la législation européenne sur les collectivités territoriales ne sont pas encore suffisamment prises en compte dans le processus de préparation des normes européennes.
Qu'envisagez-vous de faire, madame la ministre, pour parvenir à une meilleure prise en considération des intérêts et des positions des collectivités territoriales dans les négociations européennes ?
Je souligne que le Sénat, représentant des collectivités territoriales de la République, est appelé à jouer un rôle dans la prise en compte des intérêts des collectivités dans l'élaboration des textes communautaires. C'est l'un des aspects de la montée en puissance du suivi des affaires européennes que met en oeuvre la commission des lois, suivant les recommandations formulées par nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet à l'issue de leur mission d'information dans les Parlements européens, à laquelle, avec plusieurs autres sénateurs, j'ai également participé.
Enfin, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le troisième point : les interventions économiques des collectivités territoriales, qui se développent fortement depuis 2004.
Dans un récent rapport thématique, la Cour des comptes évoque les difficultés liées à l'éclatement et au manque de coordination des dispositifs d'intervention, et nous en sommes tous conscients : l'évaluation et le suivi des aides accordées par les collectivités aux entreprises paraissent donc indispensables pour assurer leur efficacité. La Cour souligne en outre le rôle spécifique des communes et des régions dans la création d'un environnement propice à l'accueil des entreprises.
Envisagez-vous, madame la ministre, de revoir les dispositifs d'intervention économique des collectivités pour en renforcer la cohérence ?
Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de l'Observatoire de la décentralisation.
M. Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent débat porte donc sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Ces crédits, qui s'élèvent à 2,2 milliards d'euros environ, ne représentent qu'une petite part des concours financiers de l'État, cela vient d'être rappelé : selon le projet de loi de finances initiale, l'ensemble des dotations transférées à divers titres par l'État à nos collectivités locales devrait atteindre près de 73 milliards d'euros en 2008.
La dotation globale d'équipement, ou DGE, attribuée aux départements ; la dotation générale de décentralisation, ou DGD, dévolue aux départements et aux régions ; la dotation de développement rural, ou DDR, destinée aux communes et aux groupements de communes, ainsi que des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales sont regroupées dans cette mission.
Certaines de ces dotations, en particulier la DGE et la DGD, sont intégrées dans l'enveloppe dite « normée », qui, d'après le projet de budget présenté par le Gouvernement, ne devrait progresser qu'au rythme de l'inflation. D'autres dotations, telles la DDR et les aides exceptionnelles, sont exclues de cette enveloppe.
Jusqu'à ce jour, la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, était également intégrée dans la mission. Cependant, à compter de 2008, elle ne devrait plus constituer une dépense de la mission puisqu'elle devrait être financée par un « prélèvement direct sur les recettes de l'État ».
Si je me suis permis ces brefs rappels, c'est pour illustrer, sans esprit polémique, que la logique, la clarté, la lisibilité, ne sont pas toujours au rendez-vous de ces choix de présentation budgétaire ! C'est pour cette raison que, à titre personnel, je partage le point de vue de la commission des finances, qui, dans un souci de simplification, propose de transférer les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » dans la catégorie des dépenses financées par prélèvements sur les recettes de l'État : le but visé est, tout simplement, une meilleure méthode et une plus grande lisibilité.
Il me semble cependant que les enjeux sont ailleurs. Je ne les énumérerai pas tous : la liste serait bien trop longue, et chacun représente un vrai sujet.
La mission qui fait l'objet de la présente discussion porte donc sur les « relations entre les collectivités territoriales et l'État ».
En 2006, lors de la discussion des crédits de cette même mission, un de nos collègues rappelait à juste titre que, l'année précédente, l'augmentation de la dette de l'État s'était élevée à 49 milliards d'euros et que l'État n'avait réalisé que 8 milliards d'euros d'investissements ; la même année, l'augmentation de la dette des collectivités territoriales avait atteint 5 milliards d'euros, soit dix fois moins que celle de l'État, tandis que l'investissement public réalisé par les collectivités locales se montait à environ 39 milliards d'euros, soit cinq fois plus que celui de l'État. Il en concluait que l'État continue de s'endetter pour payer les dépenses courantes, tandis que les collectivités locales autofinancent la plus grande partie de leurs investissements.
On le sait, ces données n'ont pas changé, et les tendances évoquées, malheureusement, n'ont fait que s'accentuer.
Les collectivités locales ne sont donc pas responsables de l'augmentation de la dette publique ni, a fortiori, de son aggravation. Je me permets de le préciser, parce que certains commentaires, de plus en plus fréquents - et le rapporteur pour avis, Bernard Saugey, évoquait tout à l'heure un rapport de la Cour des comptes allant dans le même sens -, se complaisent à laisser entendre que les collectivités locales seraient à l'origine de la détérioration de la situation.
Mon intervention portera donc essentiellement sur ce point, car je souhaite remettre un peu d'ordre dans les idées reçues afin d'améliorer la qualité des relations entre l'État et les collectivités locales.
C'est devenu un lieu commun : depuis environ trois décennies, la situation financière de notre pays se dégrade progressivement. Pour ce qui est de l'État, on a même pu parler de « faillite ». (Mme la ministre fait une moue dubitative.)
Je vois, madame le ministre, que vous réagissez à mes propos. Mais quand c'est le Premier ministre qui les tient, comment réagissez-vous ? Vous ne vous permettez pas de faire la grimace que vous venez de faire, vous me pardonnerez de le dire ! Pourtant, le Premier ministre lui-même, évoquant la situation catastrophique des finances de l'État aujourd'hui, indiquait qu'il fallait une « thérapie de choc ». C'est là l'illustration même de l'état des relations entre l'État et les collectivités locales : quand ce sont elles qui adressent une mise en garde, on ne les entend pas ; quand c'est le Premier ministre qui parle, on l'approuve. (M. Philippe Nogrix applaudit.) Si nous ne parvenons pas, madame le ministre, à dresser ensemble ce type de constat, nous ne pourrons pas avancer !
Dans ce contexte très difficile, que faut-il attendre des collectivités locales ? Peut-on raisonnablement les comparer à l'État ?
Les collectivités locales sont tenues, chaque année, de voter leur budget en équilibre : la « vertu budgétaire » est pour elles une obligation. Qu'en est-il de leurs dépenses ?
En vérité, les collectivités locales font ce qu'elles peuvent, et, je tiens à le dire, elles le font plutôt bien. (M. le président de l'Observatoire de la décentralisation montre un graphique.)
Vous me permettrez, madame le ministre, mes chers collègues, de commenter ce graphique, qui est le seul moyen de représenter clairement la situation. On peut constater que, au sein de la dette globale de notre pays telle qu'elle a évolué, par rapport au PIB, entre 1982 et 2006, la courbe de la dette des collectivités locales n'est même pas étale : elle baisse ; dans le même temps, la dette de l'État explosait. Or, les limites de la période étudiée montrent que le phénomène est indépendant des majorités politiques ; qui plus est, durant ces années, l'État a transféré des compétences en très grand nombre ! Quant à la sécurité sociale, dont il est beaucoup question, elle est certes endettée, mais les sommes qu'elle met en jeu sont relativement modestes.
Telle est donc la situation, et je crois que nous devons la constater, même si c'est, bien sûr, pour la déplorer. Les données sont ce qu'elles sont, il nous faut les enregistrer. Il ne s'agit pas de dire que certains sont meilleurs que d'autres. Simplement, si nous voulons redresser la France, nous devons faire converger les moyens !
Aujourd'hui, mes chers collègues, je sens monter un certain nombre de critiques en direction des collectivités locales, notamment dans les rapports des chambres régionales des comptes. L'exemple a été cité tout à l'heure des zones d'activité : il est possible que le point de vue parisien tende à rendre uniforme l'équipement du pays ; de mon point de vue local, j'estime que le pays est caractérisé par sa diversité, et je n'ose pas imaginer que l'on traiterait de façon uniforme un territoire aussi divers ! Je suis convaincu qu'il s'agit là de l'une de ces questions essentielles que l'on doit traiter dans le cadre de ces relations entre l'État et les collectivités.
Dans le domaine des investissements, donc de l'emploi local et de l'action sociale, le niveau territorial est devenu incontournable. De plus en plus, nos compatriotes veulent participer ; il faut donc réussir cette décentralisation.
Avec tous les transferts qui ont été mis en oeuvre, ce sont tout de même près de 90 % des investissements publics qui sont réalisés par les collectivités locales. Ce sont aussi près de 90 % de la politique sociale, hors sécurité sociale bien entendu - le suivi des dossiers sociaux des personnes en difficulté, les mères, l'enfance en difficulté, les personnes âgées, les RMIstes, les handicapés... - qui sont pris en charge par les collectivités locales, au premier rang desquelles, bien évidemment, les départements.
Est-il besoin, après les récents événements dans les banlieues, de souligner le rôle déterminant des élus et de leurs collaborateurs dans toutes les politiques et les interventions publiques qui tendent à éviter l'explosion sociale dans nombre de quartiers et banlieues de nos villes ? Ces élus sont là en permanence. S'ils ne jouaient pas ce rôle de médiateur social, la situation serait beaucoup plus difficile.
C'est à l'échelon des collectivités locales, et plus particulièrement des communes, que s'effectue aujourd'hui ce travail de « raccommodage du tissu social ».
Aussi, il importe de ne pas déstabiliser les actions des collectivités locales à l'heure où l'État est confronté à d'aussi sévères difficultés.
Cependant, nous avons besoin de réformes, et en particulier d'une grande réforme de l'État. L'expérience de ces dernières années montre que cette réforme est difficile : une véritable réforme de l'État passe, en fait, par la mise en oeuvre effective de la décentralisation. Et celle-ci ne doit pas rester une pétition de principe. Elle implique des changements profonds dans les mentalités. Elle nécessite aussi la création d'un véritable statut de l'élu local, adapté notamment aux nouvelles responsabilités des exécutifs locaux.
Mais les collectivités territoriales doivent être associées à ces évolutions nécessaires. L'État ne peut pas se réformer en ignorant les collectivités. Il faut que ce dialogue soit permanent, mais il faut l'intensifier dans les périodes d'évolution et de transformation. Car sans un vrai dialogue et une concertation permanente, les projets de réforme resteraient lettre morte.
Je me félicite, pour ma part, de la mise en place récente, par le Premier ministre, de la Conférence nationale des exécutifs. Cette initiative va évidemment dans le bon sens en rappelant aux représentants des collectivités territoriales que la réforme de l'État - il faut le dire de part et d'autre -, c'est aussi leur affaire.
Si j'insiste particulièrement sur ce point, c'est parce que dans le passé et même un passé récent, nous avons enregistré tellement d'annonces et d'effets d'annonces suivies par tellement de déceptions qu'il n'est plus permis aujourd'hui de dire et de ne pas faire.
Nous vous faisons confiance et nous faisons confiance au Gouvernement. Ils sont nombreux ceux qui vous font confiance et ils sont tout aussi nombreux ceux qu'il ne faut pas décevoir. La tâche est grande. Les défis sont nombreux. Nous sommes près de vous pour les relever et pour faire gagner la France rassemblée, celle d'en bas et celle d'en haut. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler de ce sujet qui a trait aux relations entre les collectivités territoriales et l'État après que notre ami Michel Mercier nous a dit que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » était maintenant quasiment virtuelle.
Pourtant, ce sujet est un véritable sujet, qui balaie un grand nombre de problématiques. Aussi, j'évoquerai les relations financières entre l'État et les collectivités locales et je formulerai quelques propositions.
Nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que les relations financières entre l'État et les collectivités locales soient particulièrement transparentes, voire toujours très saines. Madame la ministre, si vous proposez que le rythme d'évolution des dotations aux collectivités territoriales soit compatible avec celui des dépenses de l'État, cela peut se concevoir. Cependant, il faut aussi le remettre en perspective et il ne faudrait pas que cette annonce, comme d'autres dans le passé, je pense aux transferts de l'État à l'euro près, laisse entendre que les collectivités ne sont pas vertueuses et qu'elles laissent filer leurs dépenses. Celles-ci augmentent effectivement en pourcentage plus rapidement que celles de l'État, mais il y a eu, au fil du temps, un certain nombre de transferts.
Certes, les dépenses locales ont progressé plus rapidement que le PIB, mais si l'on neutralise l'effet des transferts, depuis 1983 la part des dépenses est passée de 8,7 à 9,7 points du PIB. En un peu plus de vingt ans, ce n'est donc qu'un point de PIB de plus qui relève véritablement des dépenses des collectivités.
Certes, l'augmentation des dépenses locales concerne essentiellement les dépenses de fonctionnement. Mais il faut préciser qu'elle est liée en majeure partie à la progression de la masse salariale qui dépend principalement des décisions gouvernementales. De plus, pour les conseils généraux, la hausse des dépenses de fonctionnement s'explique principalement à hauteur de 65 % par des transferts dont les charges ne cessent de croître et sur lesquelles les départements n'ont pas de marge de manoeuvre.
Certes, l'État se substitue de plus en plus au contribuable local par le jeu des exonérations et des dégrèvements de fiscalité. On a en effet observé, dans les budgets qui ont déjà été étudiés ici et dans des missions qui seront examinées demain, que les dégrèvements de fiscalité pèsent extrêmement lourds.
Toutefois, il n'est pas inutile de rappeler que les collectivités territoriales n'ont à aucun moment été consultées sur de telles mesures, hormis très récemment depuis la mise en place d'une institution qui va permettre d'avoir une meilleure vision sur ce sujet.
Je ne peux m'empêcher de prendre un exemple afin d'illustrer mon propos : le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, que vous connaissez fort bien, madame la ministre.
Alors que le constat d'un rythme de croissance élevé des budgets des SDIS était dressé, le transfert d'une part de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance, la TSCA, devait limiter l'effet de ciseaux. On attribuait aux collectivités une partie de la TSCA qui était une « recette dynamique » - selon les termes alors employés - contre un prélèvement de la DGF. Cette manipulation date de 2005. Or, aujourd'hui, l'écart entre les deux est de 29 millions d'euros par an au détriment des départements.
Je m'autorise également, madame la ministre, à vous mettre au défi, dans votre département, d'obtenir des bases qui permettent d'établir la taxe sur les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE. Cela varie du simple au double d'une année à l'autre et les collectivités ont très souvent des difficultés pour obtenir des estimations fondées sur des bases solides.
Nous nous permettons de vous demander d'associer davantage les collectivités territoriales aux décisions de l'État, au niveau central comme au niveau déconcentré.
Je rêve que nous nous mettions tous autour d'une même table au niveau départemental ou régional, non pas pour entendre dire qu'il faut abonder les crédits de telle ou telle collectivité ou de l'État, mais pour que l'on examine l'ensemble des dossiers de l'État et des collectivités. Cela nous permettrait probablement de régler un vrai fléau, celui de notre société administrative, qui est très complexe et opaque, et qui génère des charges insupportables pénalisant et nos entreprises et notre équilibre.
Des propos similaires ont été fort bien exprimés par M. le Premier ministre dans une lettre adressée à M. Alain Lambert le 3 septembre 2007. J'en citerai trois paragraphes.
« Les relations entre l'État et les collectivités territoriales sont l'un des axes transversaux qui doivent faire l'objet d'un examen attentif dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
« En effet, le partage des compétences entre l'État et les différents échelons de collectivités territoriales ainsi que leurs groupements est caractérisé par un enchevêtrement et des redondances qui nuisent à la transparence et à l'efficacité de l'action publique et contribuent à la déresponsabilisation des acteurs.
« Par ailleurs les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales se caractérisent par des processus déséquilibrés. »
Tout est dit, me semble-t-il ; le constat a été bien dressé par M. le Premier ministre.
Dès lors que faire ? Le Premier ministre a confié à M. Attali, à M. Lambert et à M Balladur une réflexion sur ce sujet. Ils ont ouvert des pistes et ont formulé des propositions particulièrement intéressantes, mais dont certaines sont discutables, et j'espère d'ailleurs que nous pourrons en débattre.
Je proposerai une piste qui vient d'une observation du terrain et d'une écoute permanente des maires et des élus territoriaux, les sénateurs étant bien placés, me semble-t-il, pour parler des territoires et des élus. Il s'agit des compétences qui sont probablement au coeur du problème. Le « désenchevêtrement », dont parlait M. le Premier ministre, c'est créer les conditions de la transparence et de l'efficacité et réduire les moyens inutiles, et par conséquent les prélèvements sur les citoyens.
Certains pensent régler le problème en supprimant un niveau, sans en analyser les conséquences. D'autres évoquent la suppression de la compétence générale. Il existe, madame la ministre, un certain nombre de compétences : les compétences exclusives ou obligatoires, les compétences générales et les compétences des chefs de file.
Les compétences exclusives résultent en majeure partie des lois de décentralisation. Elles ont un avantage majeur : elles sont claires puisque non partagées entre plusieurs niveaux de collectivités. Mais l'État n'a pas su couper le cordon et aller au bout de l'exercice. Il continue à vouloir être partout, non pas par les financements, bien sûr, mais par les normes, les contrôles, les supervisions. Lorsqu'il est sorti élégamment par la porte grâce à la loi, il aime bien revenir par la fenêtre grâce à la circulaire. Il faut aller plus loin dans chacune des compétences exclusives et en sortir l'État.
Les contrats de plan État-région sont-ils un bon système ? Ils organisent les cofinancements et les favorisent. C'est trop souvent devenu un moyen de pression et ce n'est pas ainsi que l'on développe une bonne politique.
Avoir confié aux régions la compétence des lycées, par exemple, est une erreur, qui est encore plus visible depuis le transfert de la compétence des personnels TOS aux départements et régions. Ce transfert avait pour finalité la proximité. Or la région est une collectivité non pas de proximité mais de mission. Il faudrait réfléchir de nouveau sur le sujet et pouvoir confier la compétence des lycées aux départements.
La compétence générale, dont certains souhaitent la suppression, permet de se saisir de tout ce qui ne relève pas de la compétence exclusive. Il faudrait de nouveau étudier ce concept qui conduit à des débordements très pénalisants financièrement et contribuant à l'opacité.
Je vous propose de retenir deux types de compétences : les compétences actives et les compétences passives. Ce qui est actif, c'est ce qui permet à une collectivité de maîtriser son évolution et sa richesse, je pense principalement à l'économie et à l'aménagement du territoire. Tout à l'heure, notre collègue Bernard Saugey a parlé d'un rapport, certes intéressant, mais qui mérite également analyse sur l'économie.
Je considère que sur un dossier précis dont se saisirait librement une collectivité, elle ne pourrait en assurer le financement qu'avec un seul partenaire. Or, à l'heure actuelle, nous en rencontrons parfois cinq ou six, voire plus.
Ce qui est passif, en revanche, c'est ce qui peut être assuré par un seul niveau de collectivités dans la plus grande transparence, par exemple le sport ou la culture. Est-il besoin sur un même territoire pour traiter une subvention culturelle que cinq directions des sports se saisissent de la question, parfois pour des sommes extrêmement faibles ?
Pour en finir, il me semble que chaque compétence doit être mise au bon niveau avec un minimum de superpositions. Je vous propose également de replacer les régions à leur bon niveau, un niveau supérieur avec de véritables missions comme la santé, l'université ou l'environnement et une capacité d'intervention sur la cohérence des voies de communication.
Les compétences des régions doivent être élargies et les élus issus des collectivités. L'État, quant à lui, doit réduire sérieusement la voilure. Ce n'est que dans ces conditions que nous pourrons établir de véritables relations entre l'État et les collectivités et que notre compétitivité connaîtra un renouveau.
Au fil des ans, j'ai le sentiment que l'État fonctionnarise de plus en plus les collectivités par le biais des dotations financières qu'il maîtrise. L'exemple de la révision du contrat de croissance et de solidarité montre à l'évidence qu'une décision en apparence minime peut mettre en difficulté une collectivité.
Vous l'aurez remarqué, madame la ministre, je me suis un peu éloigné du sujet qui nous occupe. Mais la mission que nous examinons est si particulière que je me suis permis de vous faire part de quelques idées.
En conclusion, je voterai avec grand plaisir votre budget, qui me paraît conforme aux orientations retenues par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je redirai, à ma manière, ce que plusieurs de mes collègues ont déjà dit.
J'adhère tout à fait à la proposition du rapporteur spécial de supprimer à terme la présente mission, notamment parce que son montant est peu élevé par rapport à l'ensemble des dotations destinées aux collectivités territoriales et en raison de son évolution à proprement parler.
Comme M. Jean Puech l'a rappelé tout à l'heure, la dotation départementale d'équipement des collèges et la dotation régionale d'équipement scolaire, à partir de 2008, ne constitueront plus des dépenses de la mission et seront financées par des prélèvements sur les recettes de l'État. Au vu de toutes les dotations qui ont été évoquées, il est nécessaire de clarifier les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Nous éviterons ainsi les commentaires selon lesquels le passage des dépenses aux prélèvements sur les recettes de l'État aurait pour objet de faire diminuer les dépenses de l'État.
Certains de mes collègues ont rappelé tout à l'heure que le Sénat avait adopté l'article 12 de ce projet de loi de finances, qui remplace le contrat de croissance et de solidarité par le contrat de stabilité.
Certes, nous comprenons tout à fait que les collectivités doivent participer à l'effort national, mais, encore une fois, nous avons besoin que cela se fasse en toute clarté.
Comme l'a également précisé tout à l'heure M. Puech, la part des collectivités territoriales dans l'endettement général du pays ne représente que 10 %, alors que celles-ci contribuent à hauteur de 72 % - c'est énorme ! - aux dépenses d'équipements publics. Et, il est important de le rappeler, lorsque les collectivités empruntent, elles le font pour investir.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, avec plusieurs de mes collègues, je m'étais personnellement élevée contre l'abaissement de 20 % de la taxe sur le foncier non bâti. Certains de nos collègues nous avaient alors reproché, de manière quelque peu désagréable, de ne pas vouloir soutenir les agriculteurs. D'ailleurs, il faut s'en souvenir, ces derniers n'avaient rien demandé !
M. Thierry Repentin. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault. Le président de la commission des finances du Sénat a dû se battre afin d'étendre aux départements la compensation qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale. Quand on instaure de telles exonérations, il faut en mesurer les conséquences et être prudent. Si on tient de tels propos on est souvent accusé d'être opposé à la mesure proposée. Or, nous ne sommes pas forcément hostiles, sur le principe, à de telles mesures, mais nous gérons les collectivités locales, et savons ce qu'il en sera.
Par ailleurs, s'agissant des dépenses imposées par l'État, qui est un point très important, je souscris aux propos de M. Mercier.
Je terminerai en évoquant un autre point important, les conséquences de la décentralisation.
Nous connaissons les incidences de la décentralisation sur les départements et sur les régions. Mais je voudrais attirer votre attention, madame le ministre, sur les effets qu'elle produit aussi sur les communes, et donc sur les intercommunalités. L'idée s'est répandue selon laquelle la décentralisation ne touche que les départements et les régions. Or, par ricochet, elle concerne aussi les communes et les intercommunalités.
Je prendrai quelques exemples.
Pour ce qui concerne le transfert de compétences de la DDE, la direction départementale de l'équipement, autrefois appelée les Ponts et Chaussées, vers les départements, nos communes ont dû progressivement se substituer à ses missions historiques, ...
M. Thierry Repentin. Oui !
Mme Jacqueline Gourault. ...qu'il s'agisse de l'entretien des voiries communales, qu'elle assurait directement, ou de la réforme des permis de construire, dont nous avons eu l'occasion de débattre récemment.
Sur ces deux sujets, cette réorganisation a des conséquences financières non négligeables pour les communes, doublées d'une véritable difficulté pour les petites communes à assumer techniquement ces nouvelles missions. Bien évidemment, l'intercommunalité constitue souvent une solution pour les communes, mais il n'empêche qu'elle subit, elle aussi, les conséquences de la décentralisation.
Je citerai un exemple concret. Cette semaine, dans mon département, le préfet a expliqué quel était autrefois le rôle de l'État pour ce que l'on appelle, dans les régions ligériennes, les « levées de la Loire ».
L'État entretenait, - l'ancien président de l'EPALA, l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, peut l'attester - toutes les levées de la Loire, en surveillant les périodes des hautes eaux, afin d'éviter les crues. Le personnel ayant été transféré au département, c'est maintenant à lui qu'il revient d'assurer ces missions. Mais le département répond qu'il ne peut pas tout faire et il demande aux communes ligériennes - je parle en l'occurrence de celles de mon département -, notamment celles qui se trouvent dans l'agglomération blésoise, d'assumer cette charge, au motif qu'elles ont du personnel et sont riches. Le département n'accepte de prendre en charge que les petites communes rurales.
Tout cela correspond en fait à des transferts insidieux de dépenses en personnel qui deviennent de plus en plus importants et qui font que nous nous retrouvons dans un système à deux niveaux.
Je ne reviendrai pas sur la réforme fiscale, car tout le monde s'accorde à dire qu'elle est nécessaire. Mais l'idée est de savoir qui fait quoi et de connaître les missions de l'État.
Certes, nous avons besoin d'un État fort, recentré sur ses missions régaliennes, sur ses missions en matière de péréquation et de sécurité, sur ses missions républicaines traditionnelles, mais nous avons aussi besoin de savoir quelles missions incombent aux collectivités locales. À cet égard, Je viens d'entendre une proposition audacieuse de M. Doligé.
J'ai lu tout à l'heure une note sur la mission économique des collectivités locales. C'est à y perdre son latin. Je crois aussi que l'on y perd beaucoup d'argent public !
Il est nécessaire de définir des missions claires pour chaque intervenant, ce qui permettra aussi de rétablir la confiance entre les collectivités territoriales et l'État, laquelle est, il faut le dire, aujourd'hui quelque peu émoussée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)