M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie !
M. Jean-Paul Virapoullé. D'ailleurs, avec le courage qui le caractérise, le Gouvernement est en train, sous l'impulsion du Président de la République, de prendre les mesures qui s'imposent.
Toutefois, en ce qui concerne l'air liquide, certaines usines en Martinique et à la Réunion bénéficient de la défiscalisation de leurs investissements et de la TVA dite « NPR », c'est-à-dire « non perçue récupérable », en fonctionnement comme en investissement, ce qui signifie qu'elles perçoivent une TVA qu'elles n'ont pas payée.
Savez-vous quelle est la différence entre le prix de l'air liquide à la Réunion et celui qui est pratiqué en métropole ? Elle n'est pas de 200 %, 300 % ou 400 %. Non, elle est de 600 % ! Et, comme l'air de la Martinique est plus pur que celui de la Réunion - tout le monde le sait - (Sourires.), l'air liquide coûte 1 200 fois plus cher en Martinique qu'en métropole !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Incroyable !
M. Jean-Paul Virapoullé. Il ne s'agit là que d'un exemple des conséquences des situations de monopole. Et le monopole ne frappe pas qu'une seule fois. Il frappe une seconde fois, puisque l'État paie une autre fois.
L'hôpital de Bellepierre, dont je suis le président, achète entre 1 million et 5 millions de produits liquides par an. S'il payait au prix métropolitain, il économiserait 4 millions d'euros et serait excédentaire au bout de deux ans. Le paiement de tels surcoûts coloniaux conduit les hôpitaux au déficit.
Monsieur le secrétaire d'État, au moment où nous travaillons main dans la main à l'élaboration d'une grande loi de programme, je réclame du haut de cette tribune la décolonisation économique et la justice sociale outre-mer. L'argent doit être bien utilisé, au profit du plus grand nombre et au service de l'efficacité économique. Voilà ce que demande l'outre-mer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'aborderai maintenant un autre problème. Un observatoire des prix et des revenus a été mis en place à la Réunion. Aujourd'hui, nous sommes face à une hausse des prix des carburants. Or, nous avons constaté que le carburant est 40 % plus cher FOB Singapour. Quand nous demandons à la Société réunionnaise de produits pétroliers, la SRPP, pour quelles raisons le prix est 40 % plus élevé à Singapour qu'à Rotterdam, elle nous répond qu'elle ne peut pas nous le dire !
Je ne donnerai pas d'autres exemples. Je ferai simplement une proposition au Gouvernement pour améliorer le pouvoir d'achat et baisser le coût de la vie.
Les services de l'État - il en a d'excellents - chargés de la concurrence et des prix pourraient très bien, monsieur le secrétaire d'État, faire un rapport sur la formation des prix des produits de première nécessité dans les quatre départements d'outre-mer.
Ensuite, la future loi de programme pourrait prévoir la définition, par voie réglementaire, d'un mécanisme de nature à tempérer, comme le permet le code de commerce, les abus pratiqués outre-mer, lorsque les surcoûts dépassent un niveau jugé intolérable.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut baisser le coût de la vie, améliorer le pouvoir d'achat et mettre un terme aux situations de rente et de monopole.
Par ailleurs - ce sera ma deuxième proposition -, je suggère au Gouvernement de supprimer la TVA NPR, qui n'a aucun effet, et de financer le doublement de la ligne budgétaire unique sur cinq ans, soit la durée de la loi de programme, ce qui permettra de construire des logements.
Que nous siégions à droite ou à gauche de cet hémicycle, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes tous d'accord pour dire que l'accès au logement participe du droit à la dignité, qu'il n'est pas possible de refuser à nos populations.
Nous construisons des logements nombreux et de qualité à la Réunion. Nous sommes donc en droit de réclamer ce doublement de la LBU !
Je demande également pour réparer une injustice envers les travailleurs pauvres, c'est-à-dire ceux qui gagnent entre une fois et une fois et demie le SMIC et ne peuvent accéder à la propriété, que soit majorée la dotation de la LBU à leur intention.
Toujours dans le même domaine, je souhaite que soit favorisée la vente des logements sociaux à leurs locataires et que soit mise en oeuvre une politique d'aide aux collectivités et aux sociétés d'économie mixte afin qu'elles puissent viabiliser les terrains destinés à accueillir des logements.
Il me reste deux minutes et demie pour vous parler, mes chers collègues, des zones franches globales d'activité. En demandant aux élus de tous les départements d'outre-mer de vous indiquer quels secteurs d'activité ils veulent cibler, vous avez choisi la bonne méthode, monsieur le secrétaire d'État, mais cela ne suffit pas. Il faut également que nous puissions déterminer quelles seront les zones d'activité prioritaires et que nous puissions mettre en oeuvre les facteurs humains et législatifs qui permettront d'atteindre les objectifs économiques recherchés.
Je prends un exemple : si les universités de la Réunion, de la Martinique et de la Guyane ne forment pas, au moins pour partie, des cadres et des agents de maîtrise pour aller travailler dans ces zones franches globales d'activité, nous finirons par importer de la main-d'oeuvre faute de personnels qualifiés sur place. Les universités, quant à elles, continueront de former des gens dans des filières sans issue.
Nous soutenons l'innovation que constituent les zones franches globales d'activité, mais nous demandons que cette démarche économique soit accompagnée de mesures éducatives et que soient levés, dans le même temps, tous les obstacles des modèles économiques du passé.
Enfin, je terminerai en évoquant la justice sociale. Le développement économique n'est pas, monsieur le secrétaire d'État, et vous nous l'avez dit lorsque vous nous avez reçus rue Oudinot, exclusif de la justice sociale. Nous sommes des élus pour qui l'humain compte. Or nous sommes conscients qu'avec un taux de chômage de 27 % ou 30 % outre-mer il n'est pas possible, même si le développement économique est en bonne voie, de trouver du travail pour tout le monde. C'est la raison pour laquelle il faut mettre en place une économie solidaire fondée sur des emplois aidés de nouvelle génération.
Un emploi aidé de nouvelle génération, c'est un emploi adapté à l'âge de la personne, à son niveau scolaire, à son niveau de qualification et à son état de santé. C'est un emploi qui est accompagné d'un volet formation en entreprise obligatoire, dont la durée est modulable en fonction du cursus de la personne et de son projet de vie, et qui lui permette, in fine, d'accéder à un emploi durable dans une économie plus prospère.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire dans le temps qui m'était imparti. Bien sûr, la loi de programme ne se limitera pas aux zones franches globales, au logement, à l'université et aux emplois aidés. Elle comportera également un volet éducatif, un volet sur l'aménagement du territoire, un autre sur le développement durable et sur les énergies renouvelables. Les propositions bouillonnent actuellement dans nos cerveaux !
Ce qui compte, c'est que, en ces temps difficiles, le Gouvernement considère que l'outre-mer français est une priorité et qu'il y consacre ses efforts et sa solidarité.
En votant ce budget, j'apporterai ma pierre à l'édifice de volonté politique du chef de l'État et du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » constitue chaque année un moment important de la vie de près de 2 millions de nos compatriotes qui vivent dans les neuf départements et collectivités d'outre-mer.
De façon classique, la mission « Outre-mer » ne regroupe que les crédits gérés en propre par le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer. Elle est dotée pour 2008 de 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement et de 1,764 milliard d'euros en autorisations d'engagement.
À périmètre constant, les crédits de la mission augmentent de 3 % par rapport à 2007, soit un taux supérieur à la norme de dépenses de l'État. Ces crédits ne représentent que 13,5 % de l'effort budgétaire de l'État en direction des collectivités ultramarines. L'ensemble de la politique transversale « outre-mer » est abondé à hauteur de 12,84 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter 2,814 milliards d'euros de dépenses fiscales, soit un total de près de 15 milliards d'euros. C'est bien, et je me félicite que, avec 5 629 euros par habitant, la Guyane soit l'une des collectivités les mieux dotées.
Mais des problèmes subsistent. L'outre-mer doit faire face à de graves difficultés, en particulier dans le domaine du logement social, qui connaît actuellement une crise aiguë. Cette crise entraîne une triple conséquence : une forte baisse de l'offre, une dégradation du taux d'effort et des conditions d'accès des familles modestes à un logement décent, enfin, un regain de l'habitat indigne. La situation a tellement dégénéré que, en Guyane, la production d'habitat spontané et insalubre dépasse désormais l'offre de logements décents. L'ensemble des acteurs du logement social outre-mer estiment à bon droit qu'il est urgent de relancer aujourd'hui la construction de logements sociaux et de mener une véritable bataille contre l'insalubrité, dans la perspective de la mise en oeuvre du droit au logement opposable.
Au vu de ce contexte très préoccupant, l'examen des crédits alloués à la ligne budgétaire unique me laisse perplexe : 175 millions d'euros avaient été inscrits en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2007, auxquels il convient d'ajouter 30 millions d'euros au titre de redéploiements de crédits et de règlement de la dette de l'État envers des opérateurs sociaux. Or les 200 millions d'euros inscrits en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2008 s'apparentent à une diminution budgétaire maquillée, à laquelle il faut ajouter la baisse de 24 millions d'euros des autorisations d'engagement.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles précisions pouvez-nous nous apporter concernant ces chiffres ? Comment démêler le vrai du faux ?
La relance de la construction de logements sociaux passe nécessairement par le maintien de l'effort de l'État, mais aussi par des mesures significatives. L'urgence est patente en termes d'actualisation des aides personnelles, de mise à niveau du « forfait charges » spécifique des DOM, de libération de foncier pour la construction. Dans tous les cas, le futur projet de loi de programme pour l'outre-mer devra impulser une nouvelle dynamique.
J'évoquerai également l'incertitude quant au sort du FEDOM, après la promulgation de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail. Ce fonds, qui permet aux parlementaires de l'outre-mer de s'associer à l'État dans la définition de la politique de l'emploi outre-mer, a fait ses preuves. Les populations ultramarines connaissent son apport. Or il semblerait que, de façon assez complexe, les crédits de ce fonds aient été transférés vers le ministère de l'emploi.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous éclairiez de vos lumières la Haute Assemblée et que vous nous précisiez quel sort le Gouvernement a réservé aux 150 millions d'euros qui abondaient le FEDOM et aux aides indispensables qu'il soutenait.
La Guyane a aujourd'hui besoin d'un développement par l'excellence. L'ère du rattrapage est révolue. Le schéma régional de développement économique a parfaitement synthétisé les maux dont souffre aujourd'hui notre région : isolement géographique naturel de la plus grande partie du territoire, stagnation du revenu moyen par habitant, persistance d'un taux de chômage élevé, fragilité financière des PME, insuffisances des infrastructures et des services publics. J'y ajouterai la rapidité de la croissance démographique, alimentée par des flux migratoires hors de contrôle.
La Guyane n'a pas d'autre choix que celui d'une croissance économique rapide et riche en créations d'emplois. Si nous ne relevons pas ce défi dans les meilleurs délais, ne soyez pas étonné, monsieur le secrétaire d'État, qu'une grave crise sociale éclate en Guyane. Tous les élus sont conscients des contraintes budgétaires, a fortiori dans une Europe élargie. Nous n'en aspirons pas moins à pouvoir bénéficier du principe d'égalité des chances entre régions des États membres que les traités européens promeuvent.
En cela, le projet gouvernemental de zone franche globale d'activité peut constituer le levier qui nous manque tant et sur lequel prendrait appui un développement économique et social harmonieux.
Mais ce dispositif ne doit pas être mis en place à n'importe quel prix. Il doit s'inscrire sur le long terme - dix ans au minimum - afin d'assurer une réelle continuité dans la mise en place de ses mécanismes et d'avoir un effet favorable sur le développement économique.
Cette stabilité garantirait pour les investisseurs une lisibilité des dispositions fiscales ainsi créées. Cette durée doit conduire à rendre la mise en oeuvre de ce dispositif cohérente avec la LOOM et la LOPOM, mais aussi avec les zones franches urbaines, sous peine d'écraser toute initiative sous le poids des réglementations.
Il serait tout autant contreproductif que la zone franche globale d'activité fasse table rase des acquis précédents, alors que leur jeunesse rend leur évaluation encore incertaine. Les spécificités des marchés actuels des entreprises guyanaises - Antilles et marchés intracommunautaires - requièrent d'agir avec réalisme et de leur laisser le temps de se positionner sur les marchés extérieurs.
Enfin, l'impératif de sécurité exige la définition préalable et l'application d'une stratégie d'appui sur le terrain, par le biais d'indicateurs de performance et d'un accompagnement des entreprises.
Si vous voulez développer l'outre-mer avec nous, monsieur le secrétaire d'État, il faut créer un commissariat à l'industrialisation pour l'outre-mer, dont la mission serait de rechercher les investisseurs potentiels pour créer les industries dont ses collectivités ont besoin.
La Guyane ne manque pas d'atouts, grâce à ses richesses naturelles, qui constituent autant d'outils de développement économique. En effet, notre territoire recèle un biotope encore largement méconnu et dont l'intérêt pour la médecine et la pharmacie semble prometteur.
De nouveaux métiers et de nouvelles filières de formation pourraient ainsi être financés pour encourager et valoriser la recherche en la matière. Vous en conviendrez, un tel dispositif aurait d'immenses retombées sur le développement économique et social de notre territoire et, au-delà, de la France.
Monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre du pôle de compétitivité « santé tropicale », pouvez-vous nous indiquer quels crédits seront mobilisés pour financer la recherche fondamentale et le développement des potentialités à très forte valeur ajoutée, à partir des principes actifs que nous pourrions trouver dans nos plantes médicinales ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Georges Othily. Je conclus, monsieur le président.
Nous parviendrions ainsi à endiguer différentes pathologies épidémiologiques, comme la dengue, le paludisme, le sida ou la maladie de Chagas.
De tels fonds permettraient également le développement de la spécialité santé tropicale dans le cadre de la médecine d'urgence, et le pôle de compétitivité Lyonbiopôle pourrait s'appuyer sur les résultats de toutes ces recherches.
Certes, monsieur le secrétaire d'État, les crédits affectés à la mission « Outre-mer » ne répondent pas à toutes les attentes de nos compatriotes ultramarins, car elles sont nombreuses. Mais la conjoncture économique ne permet sans doute pas au Gouvernement d'accentuer son effort.
Au demeurant, le projet de budget va dans le bon sens, ce qui ne doit pas vous empêcher, me semble-t-il, de faire preuve de plus d'ambition l'an prochain.
C'est donc avec responsabilité que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget de la mission « Outre-mer » appelle de ma part trois observations liminaires.
D'abord, d'un point de vue formel, les crédits consacrés à l'outre-mer mériteraient une présentation plus lisible. Le secrétariat d'État à l'outre-mer étant le seul à avoir un périmètre géographique, nous aurions souhaité une présentation des crédits non pas par actions, mais par territoires, ce qui aurait démontré la capacité du Gouvernement à conjuguer unité et diversité. À cet égard, le transfert des crédits consacrés aux emplois aidés de la mission « Outre-mer » vers la mission « Travail et emploi » accentue encore, me semble-t-il, le manque de lisibilité qui caractérise l'intervention budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins.
Ensuite, et je le souligne sans intention polémique ou volonté de susciter une querelle de chiffres, à périmètre constant, les crédits de la mission « Outre-mer », qui s'élèvent à 1,73 milliard d'euro pour l'année 2008, contre 1,95 milliard d'euros en 2007, sont en baisse significative.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de budget me semble insuffisant pour tourner l'outre-mer vers l'avenir et vers un développement économique pérenne comme vous vous y êtes engagé. En Guadeloupe, un tel objectif nécessiterait une politique volontariste de rattrapage des retards structurels qui minent le département.
J'en viens plus précisément aux différentes actions de la mission « Outre-mer ».
En matière de logement social, des efforts sont peut-être réalisés, mais nous militons depuis 2004 pour obtenir une programmation pluriannuelle de la ligne budgétaire unique.
Alors qu'il faudrait créer entre 4 000 et 5 000 logements par an sur cinq ans pour satisfaire les 26 000 demandeurs de la Guadeloupe, l'augmentation des crédits de l'action « Logement », qui n'est que de 25 millions d'euros, permettra à peine de dépasser les 1 300 à 1 400 logements livrés dans notre île.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'État, au-delà des crédits, c'est également la réforme du mode de financement du logement social qu'il faut envisager.
En Guadeloupe, les bailleurs sociaux ne peuvent plus équilibrer leurs opérations de logement social. Ils ont donc cessé toute production nouvelle. En effet, de l'avis unanime, la défiscalisation ne permettra pas, à elle seule, de susciter une production capable de répondre à la demande sans une intervention particulière de l'État.
En dépit du changement de structure budgétaire que j'ai évoqué plus haut, la mission « Outre-mer » conserve un programme « Emploi outre-mer ».
Nous le savons, la situation du marché de l'emploi demeure particulièrement préoccupante.
En Guadeloupe, le taux de chômage est encore de 27 %, contre 8 % en métropole. Pour y faire face, l'action de l'État et des collectivités territoriales doit permettre de créer les conditions du développement des secteurs porteurs d'emplois, en particulier le tourisme, et de favoriser le dynamisme des très petites entreprises, qui constituent 95 % du tissu économique de l'île. Ce secteur devrait, je le crois, bénéficier des exonérations de la zone franche globale d'activité.
Tant que les conditions de la croissance ne seront pas réunies, les emplois aidés demeureront nécessaires pour notre économie, car le taux de chômage révèle l'impossibilité pour le secteur marchand d'absorber une population active à un niveau proche du plein-emploi.
La conséquence de cette situation est l'augmentation du nombre des bénéficiaires du RMI, laissant en 2007 à la charge du département un solde non compensé de 26,3 millions d'euros, contre 7,5 millions d'euros en 2004. Cela crée d'importantes difficultés, en particulier pour le conseil général - je pense qu'il en est de même en Martinique -, et appelle une refonte de la base de calcul de cette compensation.
J'aborderai maintenant la politique conduite en faveur de la continuité territoriale et du passeport mobilité, dispositifs qui constituent également, selon nous, des solutions pour combattre le chômage.
Je le crains, la coupe claire opérée dans les autorisations d'engagement du volet mobilité du projet initiative jeunes, le PIJ, annonce la disparition pure et simple d'une mesure qui permet pourtant d'encourager la formation des jeunes et dont nous sommes nombreux à souhaiter le maintien, voire le renforcement. Combinée à la stagnation des crédits, déjà insuffisants, de l'action « Continuité territoriale », cette diminution a de quoi inquiéter.
Pourtant, la nomination de M. Patrick Karam au poste de délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer semblait annoncer une prise de conscience de l'importance de la continuité territoriale. Cet enjeu capital concerne aussi bien les personnes que les marchandises, donc le pouvoir d'achat, car les coûts d'acheminement expliquent largement la cherté de la vie en Guadeloupe.
Monsieur le secrétaire d'État, plusieurs défis fondamentaux pour l'avenir de la Guadeloupe commandent un véritable plan interministériel s'apparentant à un FIDOM réactivé.
D'abord, nous pensons à la mise en oeuvre des préconisations du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés, qui constitue un enjeu économique et écologique majeur nécessitant le concours de l'État aux côtés des cofinancements de l'Europe et des collectivités locales, et ce pour un montant global estimé sur la période à 300 millions d'euros en investissements et à 70 millions d'euros en fonctionnement. Nous voulons savoir quelle sera votre participation pour accompagner ce plan nécessaire au développement de notre pays.
Dans le même ordre d'idée, une place particulière doit être réservée à la mise aux normes des équipements collectifs structurants. Le conseil général de la Guadeloupe n'a eu de cesse de solliciter l'accompagnement financier de l'État, plus particulièrement pour les transports routiers collectifs, les barrages pour l'eau agricole et l'eau potable, les hôpitaux, les établissements d'accueil des personnes âgées.
Sur ce dernier point, le séisme qui a secoué la Guadeloupe le 29 novembre dernier confirme, s'il en était besoin, l'urgence de la mise aux normes antisismiques des établissements publics, notamment des établissements scolaires, en particulier des écoles primaires.
Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous relevez du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, permettez-moi de saisir l'occasion de ce débat pour attirer votre attention sur la question de la sécurité des personnes en Guadeloupe.
Le Président de la République a présenté ses objectifs en termes de baisse de la délinquance. Je souhaite que les moyens déjà déployés en Guadeloupe soient renforcés, en particulier pour lutter contre la délinquance chez les jeunes, qui est en augmentation de 8 %.
J'évoquerai également les conséquences néfastes de la médiatisation dont la Guadeloupe a fait l'objet après la publication du rapport rédigé par le professeur Belpomme sur la pollution des sols aux organochlorés.
De l'avis des spécialistes, et au-delà du caractère controversé des conclusions du rapport, les conséquences de cette pollution requièrent un plan d'urgence en trois points. En effet, il faudra établir un diagnostic de l'étendue des zones polluées, décontaminer les sols concernés et indemniser les agriculteurs tout en songeant à leur reconversion.
Par ailleurs, et comme nombre de mes collègues, j'estime que la loi de programme pour l'outre-mer actuellement en préparation devrait s'inscrire non seulement dans la durée, mais également dans une perspective de clarification.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que les orientations proposées par les élus et les acteurs socioprofessionnels de la Guadeloupe soient, dans leur grande majorité, prises en compte. Nous avons travaillé sur ce sujet, dans le cadre qui nous était fixé, en abordant les grands enjeux de la Guadeloupe.
Surtout, la mise en place d'une zone franche globale d'activité doit être l'occasion de recenser les atouts et les besoins de la Guadeloupe, afin d'aboutir à un dispositif efficace.
Monsieur le secrétaire d'État, une autre politique, même limitée au seul logement, aurait été le signe fort d'une volonté de changement.
En l'état, mon vote sur le budget de la mission « Outre-mer » ne peut qu'être défavorable. Peut-être évoluera-t-il en fonction des réponses que vous voudrez bien m'apporter dans ce débat, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail des différentes lignes de la mission qui nous est présentée, d'autant qu'il est facile de faire dire ce que l'on veut aux chiffres. Les discussions de marchands de tapis ne m'intéressent pas. Je me limiterai donc à une analyse globale des financements prévus pour l'outre-mer dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.
Une telle analyse est un peu difficile à effectuer, car il faut retrouver plusieurs éléments, notamment les aides directes à l'embauche des publics les plus éloignés de l'emploi, qui seront prises en charge par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi à compter du 1er janvier 2008.
Malgré cette petite gymnastique, on peut conclure que les aides en direction de l'outre-mer sont en légère augmentation, ce dont je ne puis que me réjouir dans le contexte actuel. Mon vote sur ce budget sera donc favorable.
Monsieur le secrétaire d'État, malgré la disparition du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer », dont l'intitulé était un message fort pour toutes les personnes concernées, et ce en outre-mer comme à Paris, j'ai bien noté votre volonté de développer les économies ultramarines en favorisant leur intégration dans leur environnement régional.
Quand on mesure les disparités entre les régions environnant ces territoires lointains, c'est vers la mondialisation que nous nous tournons. Mais, même si ce terme « mondialisation » peut faire peur à certains, pouvons-nous rester la tête dans le sable et subir plus tard le contrecoup de l'immobilisme ?
Monsieur le secrétaire d'État, comme vous l'avez affirmé à maintes reprises, l'outre-mer peut et doit prendre sa place partout dans le monde.
À la demande du Gouvernement, j'ai effectué au début de l'année une mission de coopération régionale destinée à évaluer les possibilités offertes à Saint-Pierre-et-Miquelon pour s'intégrer au développement économique de la région qui l'entoure et qui est en plein essor. Les résultats sont positifs et notre grand voisin canadien est ouvert à toute évolution en ce sens.
Depuis, plusieurs manifestations et rencontres ont eu lieu à Saint-Pierre-et-Miquelon ou au Canada et des projets économiques communs sont envisagés.
Malheureusement, ces projets, qui sont potentiellement très porteurs, rencontrent un certain nombre de difficultés, notamment dans leur phase d'élaboration. Nous sommes souvent confrontés à des réglementations internationales disparates et très complexes. La difficulté réside dans la situation géographique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Notre territoire, qui peut et qui doit servir de plaque tournante vers l'Europe, se retrouve confronté à trois réglementations : française, canadienne et européenne.
Aucun organisme n'étant suffisamment étoffé et compétent sur l'archipel pour traiter ce genre de dossier, les projets restent en suspens. Nous constatons que nous manquons cruellement d'outils de travail performants et de moyens humains ou matériels. Or il est impossible de s'intégrer dans une économie internationale sans les moyens techniques adéquats.
Ironie de l'histoire, d'après les informations dont je dispose, l'accès à l'Europe semble plus facile pour des projets canadiens que pour ceux provenant de Saint-Pierre-et-Miquelon.
La loi de programme que vous proposez pour le premier trimestre 2008 est en cours de finalisation. Nous aurons là la possibilité de répondre aux demandes qui sont clairement formulées par les acteurs économiques de l'archipel. La coopération économique avec le Canada étant un élément indispensable à la réussite de nos projets, il serait opportun de mettre en place des outils tels que le bureau de la coopération régionale, ainsi que l'euro info centre. Cela permettra à Saint-Pierre-et-Miquelon de jouer pleinement son rôle de plateforme relais entre l'Amérique du Nord et l'Europe.
Nous avons donc besoin de financements en ce sens. Heureusement, pour la première fois, vous avez décidé d'octroyer 150 000 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon à travers le fonds de coopération régionale. C'est un très bon début, et je vous en remercie.
À un niveau plus local, la mise en oeuvre du contrat État-région, qui débutera en 2008 pour se terminer en 2013, est une bouffée d'oxygène pour l'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Malheureusement, ce n'est pas suffisant, car il s'agit d'un contrat non pas de développement, mais plutôt de ce que j'appellerai de dépenses, dont les retombées ne s'inscrivent pas sur le long terme et ne correspondent pas au changement de politique économique dont nous avons besoin.
Ce contrat a peut-être été préparé localement à la hâte, mais il a tout de même le mérite d'exister. Cela dit, il devra être complété, afin de tenir compte de certaines opérations indispensables qui sont délaissées. En attendant, il continuera de fournir du travail à court terme, ce qui, dans la situation actuelle, n'est pas un luxe, même si je considère qu'il faut cesser de travailler dans l'urgence, sans vision à long terme.
Mais il est des seuils de financement au-dessous desquels il ne faut pas descendre, sous peine de compromettre l'avenir et de devoir ensuite financer du chômage à long terme.
Je suis, malheureusement, bien placé pour parler de financement du chômage. Je suis en effet le maire d'une petite commune qui est passée du jour au lendemain, en 1993, du plein-emploi à un chômage saisonnier de longue durée touchant à peu près 25 % de la population, ce qui a fortement contribué à l'exil de 15 % des habitants de Miquelon ces dernières années. À ce rythme, je crains que nous n'atteignions le seuil de non-retour assez rapidement.
En outre, quand les gens travaillent, ils sont en partie sur des chantiers d'utilité publique. Inutile de vous dire que cette situation n'est pas confortable pour ces travailleurs saisonniers, non plus que pour la mairie ou pour l'État, qui doivent dépenser du temps et de l'argent pour trouver des solutions d'urgence, parfois en décalage avec les objectifs réels de développement.
Les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon sont dans une situation financière très difficile. Le manque de moyens humains se fait sentir cruellement au niveau des deux mairies et du conseil territorial. Nous sommes en réalité dans une spirale infernale, car, du fait des déficits, nous n'avons pas les moyens de nous payer les compétences nécessaires pour trouver des solutions pour nous en sortir, et la situation continue de se dégrader.
C'est pourquoi je ne peux qu'approuver le travail du député de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui a su vous faire prendre conscience de la nécessité de réévaluer les critères d'attribution de la DGF pour l'archipel. Étant donné l'urgence, monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais que le délai de l'étude soit ramené de six mois à trois mois.
Le Gouvernement a fait preuve de prudence face à son deuxième amendement concernant l'inflation. Je peux le comprendre, mais la gravité de la situation exige que nous sortions du cadre habituel de la réflexion pour regarder la vérité en face.
C'est un fait, les chiffres de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, organisme maîtrisant parfaitement les réalités outre-mer, le prouvent : l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon est en moyenne quatre fois supérieure à celle de la métropole. Je le déplore, mais telle est la réalité économique de la plus petite collectivité d'outre-mer, l'une des plus isolées au niveau du transport de passagers et de fret, soumise très directement aux fluctuations du dollar et confrontée à des difficultés spécifiques comme celles qu'engendre un climat rude en hiver.
Pour illustrer mon propos, je citerai la prime à la cuve de fioul domestique, créée récemment en métropole et dont le montant est fixé à 150 euros pour tout l'hiver. Sachez qu'avec cette somme, à Saint-Pierre-et-Miquelon, la majeure partie des maisons ne peuvent être chauffées que pendant huit à dix jours !
C'est pourquoi je n'aurai pas de complexe à demander au Gouvernement, mercredi prochain, d'accepter un amendement sur la DGF des collectivités visant à prendre en compte l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon. Au reste, si nous mettons tout en oeuvre pour faire preuve de responsabilité économique, nous réussirons à trouver des solutions pour réduire cette inflation excessive, et cet amendement n'aura finalement pas de conséquence à moyen terme.
Autre élément important, vous avez accepté, à ma demande, d'étudier la possibilité d'une liaison entre Paris et Saint-Jean de Terre-Neuve, qui se trouve à seulement quarante minutes de vol de Saint-Pierre ; je vous en remercie. Si un tel projet pouvait voir le jour dans un avenir raisonnablement proche, les passagers, les commerçants, les consommateurs et les producteurs bénéficieraient d'un service de bien meilleure qualité : je pense notamment aux produits frais, à l'entrée, comme à la sortie. Si, parallèlement, un effort était entrepris pour réduire le coût des transports, les prix des produits diminueraient, que ce soit à l'importation ou à l'exportation. Ainsi, l'inflation se résorberait de manière sensible, ce qui entraînerait à la baisse certaines aides financières de l'État.
Je pense qu'il faut maintenant « mettre le paquet » pour permettre à Saint-Pierre-et-Miquelon de sortir totalement la tête de l'eau, une bonne fois pour toutes. Il faut oser mettre à la disposition de l'archipel des moyens humains, techniques et financiers dans les domaines clefs, pour qu'il s'engage enfin sur la voie du développement durable, ce qui lui permettra de se responsabiliser et de devenir plus autonome.
Avec des collectivités locales à la situation assainie et des transports plus adaptés, nous serons mieux armés pour soutenir les acteurs économiques dans tous leurs projets. Nous parlons régulièrement du potentiel de notre archipel. Pour ma part, je suis convaincu, et je ne suis pas le seul, que ce potentiel dépasse les besoins de notre population.
Plusieurs pistes de développement existent et sont connues de tous.
La première concerne les hydrocarbures. Nous savons aujourd'hui que toute la région qui nous entoure, en l'occurrence le bassin Laurentien, regorge d'hydrocarbures. Loin de moi la pensée d'une exploitation propre à Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce domaine : nous n'avons pas la prétention de posséder notre propre plateforme pétrolière en mer, mais nous pourrions être un très bon prestataire de services auprès des compagnies exploitant dans la région. Ce serait un juste retour de l'histoire, l'archipel ayant longtemps été une station de service sur les bancs de Terre-Neuve.
La deuxième piste possible, c'est l'installation d'une zone de moindre pression fiscale. Le statut de collectivité d'outre-mer nous confère une autonomie fiscale. Sans parler de paradis fiscal, ce statut nous offre la possibilité de proposer certains avantages fiscaux à une clientèle que nous pourrions trouver chez nos voisins canadiens et américains. Les retombées, modestes à l'échelle nationale, mais conséquentes pour une population de 6 200 personnes, réduiraient d'autant nos demandes financières à l'État.
La troisième piste est celle du plateau continental. De par notre statut nous pouvons obtenir la reconnaissance d'État côtier et la possibilité de revendiquer une zone maritime jusqu'aux limites du plateau continental. Il nous reste aujourd'hui peu de temps pour faire avancer ce dossier, ce qui, à mon sens, ne peut se faire qu'en étroite concertation avec le Canada.
La quatrième piste concerne les produits de la mer. Nous ne pêchons plus comme par le passé, mais la pêche est encore présente et permet la capture de quelques milliers de tonnes de produits divers et variés.
Heureusement, il existe des projets d'aquaculture, comme celui de la société EDC que vous connaissez bien. Maintenant que les doutes quant à la viabilité de cette opération ont été levés, grâce notamment à l'assistance technique de l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, intervenue cette année, j'ai confiance en votre capacité de convaincre le Gouvernement de transformer l'essai, monsieur le secrétaire d'État.
En aidant jusqu'au bout ce type de projet innovant, vous permettrez à de nouvelles activités d'engendrer des retombées profitables à tous, à Saint-Pierre comme à Miquelon.
Des efforts restent à faire en matière de transformation : nos produits sont très peu valorisés et vendus à des prix trop bas. En outre, le coût et le manque de régularité des transports empêchent nos producteurs d'être compétitifs sur le marché mondial. Ne pourrions-nous pas bénéficier d'un système inspiré du programme POSEIDOM, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer ?
La cinquième piste a trait à la biodiversité de Saint-Pierre-et-Miquelon, citée à plusieurs reprises au cours du Grenelle de l'environnement.
J'évoquerai pour conclure notre développement touristique, qui intéresse beaucoup le Canada. Nous sommes un atout dans le développement touristique de la région.
Au risque de me répéter, j'affirme que ces projets ne verront le jour que si leur sont attribués, en plus des soutiens financiers, les supports techniques dont ils ont besoin. La réussite économique d'un projet débute non pas dans l'usine de production, mais bel et bien sur la planche à dessin de l'architecte. Outre les financements, ces architectes nous sont véritablement nécessaires pour concrétiser tous nos projets. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)