M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun d'entre nous sait que l'outre-mer souffre de ses différences et de son éloignement. Mais l'outre-mer souhaite transformer ses spécificités ainsi que ses ressources naturelles, culturelles et humaines en une force pour son développement et en un atout pour la France, à travers son rayonnement sur les cinq continents.
Dès votre prise de fonction, monsieur le secrétaire d'État, vous avez compris, me semble-t-il, l'ampleur de la tâche que vous avait confiée le Président de la République, à savoir promouvoir un vrai développement économique et créer les conditions d'une réelle égalité des chances en outre-mer.
Pour appréhender au mieux et au plus vite les spécificités de chacun de ces territoires ultramarins, vous faites preuve, il faut vous l'accorder, d'une forte présence sur le terrain.
Ce volontarisme, monsieur le secrétaire d'État, est de nature à rassurer a priori nos compatriotes, qui, malgré la permanence des problèmes et la dureté de la vie, continuent à croire que les choses peuvent changer favorablement. Encore faut-il effacer rapidement les effets des trois dernières catastrophes qui viennent de frapper nos deux départements antillais.
D'abord, le cyclone Dean a ravagé nos îles en août dernier. L'état de catastrophe naturelle vient d'être déclaré : 1,965 million d'euros ont déjà été débloqués sur les 73,125 millions d'euros prévus, mais cela reste très maigre vu l'ampleur des dégâts, évalués à près de 500 millions d'euros, et l'urgence des besoins de la population défavorisée comme des acteurs économiques les plus fragiles. Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'État, pour que d'ici à la fin de l'année l'aide soit plus substantielle ?
Dans le même registre, pouvez-vous nous assurer que la solidarité nationale joue à plein et que, contrairement à ce que suspecte un de nos collègues de l'Assemblée nationale, les fonds mobilisés pour la circonstance ne sont pas prélevés sur des lignes budgétaires dédiées à d'autres actions autrement importantes pour nos sociétés ultramarines ?
Il y a eu ensuite la pollution de nos sols par les pesticides, le chlordécone en particulier. Même si le rapport du Pr. Belpomme fait l'objet d'une réception controversée et qu'il a pu donner lieu à des interprétations sans doute excessives, il a eu au moins le mérite de pointer un dossier majeur, depuis longtemps connu de tous, et de mettre l'accent sur la nécessité d'accélérer les investigations scientifiques et techniques pour conjurer les effets de la pollution sur le plan économique et sanitaire. Pouvez-vous nous dire, après l'audition à laquelle nous avons procédée dans le cadre de la commission des affaires sociales mais aussi de la commission des affaires économiques, où nous en sommes aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État ?
Enfin, pour couronner le tout, un séisme d'une rare intensité - il a atteint une magnitude de 6,8 à 7,3 sur l'échelle de Richter - a frappé les Antilles jeudi dernier.
Nous l'avons échappé belle, monsieur le secrétaire d'État, puisque, grâce à la profondeur de l'épicentre, les dégâts ont été limités, mais j'ai eu très peur, car je connais l'extrême fragilité de ces grandes barres d'habitat collectif hors normes qui jonchent le sud de ma bonne vieille ville des Abymes. Et j'ai encore très peur, car un prochain séisme pourrait être beaucoup moins profond et donc beaucoup plus dangereux !
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi je désespère... Allons, je continue à espérer : vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi j'espère voir valider l'important programme de renouvellement urbain pour les quartiers dégradés de ma ville, dont l'aboutissement à l'ANRU, l'agence nationale de la rénovation urbaine, dépend des engagements que vous voudrez bien prendre quant à la participation de l'État à son financement.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d'État, il s'agit de votre premier budget et, comme tout premier budget, il connaît des faiblesses.
À première vue, les crédits de la mission pour 2008 dénotent une sensible baisse par rapport à 2007 : 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement pour 2008 contre 1,86 milliard d'euros pour 2007 et 1,76 milliard d'euros en autorisations d'engagement pour 2008 contre 1,91 milliard d'euros pour 2007.
Mais, bien sûr, il convient d'aller plus en profondeur et de relever deux éléments sur le « bleu budgétaire ».
Il faut ainsi d'abord constater un changement de périmètre : la disparition du programme 160 « Intégration et valorisation de l'outre-mer » entraîne des transferts nécessaires pour améliorer la gestion comptable et administrative des crédits, mais j'aurais aimé que ces transferts soient davantage lisibles.
Ensuite, il y a un retraitement des données 2007, afin, semble-il, de permettre une comparaison plus efficace des crédits avec ceux qui sont prévus pour 2008.
À cet égard, on ne peut que regretter que la différence de périmètre utilisé entre les données 2007 et les données 2008 fasse apparaître un budget en recul alors qu'en réalité, selon les observations de trois de nos commissions, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, le budget serait en augmentation de plus de 3 % en crédits de paiement et de 2 % en autorisations d'engagement.
Sur ce point, le document reste très obscur et cela ne nous aide ni vous ni nous, monsieur le secrétaire d'État. Aussi, une fois de plus, j'exprime le souhait que nous ne soyons plus confrontés à ces difficultés récurrentes d'analyse pour les budgets à venir.
En détaillant les programmes de la mission, il apparaît tout d'abord que le programme°123 « Conditions de vie outre-mer » connaît une hausse de 2,21 % par rapport à 2007 pour les crédits de paiement.
L'action relative au logement enregistre en apparence une forte augmentation, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement, mais les crédits alloués au logement vont-ils servir à payer des dettes ou à financer de nouveaux logements ?
Je souhaite d'autant plus vous entendre à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, que, lors de la conférence nationale du logement outre-mer, tant M. Jean-Louis Borloo que votre prédécesseur M. François Baroin avaient reconnu que, pour assurer la relance du logement social outre-mer, il était nécessaire non seulement d'éponger les dettes, mais aussi d'augmenter les dotations. À supposer que la dette de 2006 ait été soldée, qu'en est-il pour 2007, monsieur le secrétaire d'État ?
Il est indispensable que les crédits servent véritablement à financer de nouveaux programmes nouveaux, car, comme l'a confirmé le Président de la République au secrétariat d'État de l'outre-mer le 13 juillet 2007, le logement est « l'élément de base du cadre de vie, il fait partie de la dignité de la personne ».
Aujourd'hui, il est plus que temps, comme le prévoit le volet « logement » du plan de cohésion sociale de M. Borloo, complété par la loi portant engagement national pour le logement, de fixer les objectifs et de nous doter, dans un cadre pluriannuel, des moyens adaptés, et je ne vois pas, monsieur le secrétaire d'État, comment nous pourrions atteindre ces objectifs sans un doublement des crédits !
L'action 3 relative à la continuité territoriale voit pour sa part l'ensemble de ses crédits stagner.
Je regrette, monsieur le secrétaire d'État, que les fonds alloués au passeport mobilité régressent, alors que ce dispositif connaît un vrai succès parmi les jeunes.
Sur un plan plus général, Nicolas Sarkozy a affirmé en tant que candidat, puis en tant que Président de la République que la continuité territoriale était un « gage de cohésion nationale ». Dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'État, comment les dossiers ont-ils avancé ?
Comme les acteurs socioprofessionnels, je m'inquiète que, pour pallier les difficultés rencontrées par l'État pour assurer ses missions régaliennes en matière de sûreté et de sécurité aéroportuaires, il ait fallu instaurer une taxe supplémentaire de 0,88 euro par passager sur le prix des billets d'avion.
J'en viens au programme°138 « Emploi outre-mer ».
M. le président. Il faut songer à conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Marsin. Bien sûr, monsieur le président.
Un transfert de crédits vers la mission « Travail et emploi » a été opéré. Or, monsieur le secrétaire d'État, la question est importante : nous devons pouvoir cerner la réalité de l'effort de l'État dans ce domaine et mesurer qu'il n'y a pas concurrence entre les fonds utilisés outre-mer et ceux qui sont utilisés pour les besoins qui s'expriment en métropole.
Au total, monsieur le secrétaire d'État, nous savons que les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une petite partie des crédits alloués à l'outre-mer, mais nous aurions souhaité disposer d'un document clair, limpide, lisible, compréhensible par tous, qui nous permette de savoir exactement quel est l'effort réalisé en faveur de l'outre-mer, qui a besoin d'un engagement politique fort de l'État.
En tout état de cause, faire de l'outre-mer un pôle d'excellence et de croissance économique, comme le veut le Président de la République et comme vous le voulez vous-même, est un projet ambitieux qui demande des moyens tout aussi ambitieux. C'est pourquoi j'espère que vous nous apporterez dans la nouvelle loi de programme pour l'outre-mer des réponses à la hauteur des ambitions ainsi affichées et que, faisant écho au Président de la République, vous donnerez un vrai coup de fouet à l'économie, à l'emploi, au logement et au pouvoir d'achat outre-mer.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'État, est donc à mes yeux un budget de transition. Je ne suis pas totalement satisfait, mais je veux vous encourager à aller plus loin et plus fort.
C'est la raison pour laquelle, prenant mon courage à deux mains, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les Mahorais considèrent, à juste titre, que l'année 2008 représente une échéance essentielle pour leur avenir.
Elle devrait tout d'abord marquer le terme d'une attente longue d'un demi-siècle dans notre difficile cheminement vers la départementalisation de Mayotte, dont l'objectif avait été fixé et proclamé, dès 1958, au Congrès de Tsoundzou, par l'écrasante majorité de la population mahoraise.
Par ailleurs, la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a prévu et décrit dans son article LO 6111-2, le dispositif qui permettra l'accession de Mayotte, « au régime de département et région d'outre-mer, défini à l'article 73 de la Constitution ».
C'est le conseil général de Mayotte qui est habilité à mettre en oeuvre ce dispositif en saisissant le Premier ministre, le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat par voie de résolution votée à la majorité absolue de ses membres et au scrutin public.
Les Mahorais se souviennent aussi que le Président de la République leur a adressé, pendant la campagne présidentielle, une lettre datée du 14 mars 2007 dans laquelle il s'est engagé, si le conseil général le lui demande « comme la loi l'y autorise, à partir de 2008 », à les consulter sur la départementalisation.
Le Président de la République a promis d'être fidèle à ses engagements ; nous sommes sûrs qu'il en sera ainsi pour Mayotte.
Enfin, dans la proposition de loi que j'ai déposée et qui a été enregistrée au Sénat sous le numéro 43, je propose de compléter le dispositif précité de l'article 6111-2, en prévoyant expressément la consultation de la population mahoraise sur l'accession au régime départemental. Il est important à nos yeux d'accentuer le caractère profondément démocratique du dispositif.
Une telle convergence des orientations et des dispositions vient opportunément renforcer notre espoir de voir cette collectivité départementale accéder enfin à un statut définitif au sein de la République française.
Sur cette base juridique sûre, dans ce cadre institutionnel stable, Mayotte trouvera les voies et les moyens d'une véritable politique de développement économique et social.
C'est à la lumière de ces différentes considérations, qu'apparaît toute l'importance de ce projet de loi de finances pour 2008, aujourd'hui soumis à l'examen et au vote de la Haute Assemblée.
Certes, le budget du secrétariat d'État chargé de l'outre-mer ne représente qu'une fraction, de l'ordre de 10 % à 11 %, du total des crédits publics destinés à l'outre-mer français.
Mais ce débat budgétaire au Parlement demeure l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la situation de nos collectivités et sur leurs projets.
C'est dans cet esprit que je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur nos priorités comme sur leur pertinence.
Ainsi, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les graves conséquences de l'immigration clandestine, d'origine comorienne pour l'essentiel, sur les équilibres de l'économie et de la société mahoraise. Cela est vrai du marché de l'emploi, de la modernisation de l'habitat, de l'aménagement du territoire ; mais les effets négatifs sont également sensibles dans les domaines de la sécurité et de la tranquillité des Mahorais. En effet, de plus en plus, les établissements d'enseignement ou de soins, ainsi que le système pénitentiaire sont soumis à d'intolérables pressions.
Les forces de la gendarmerie et de la police nationales sont actives, comme en témoignent les reconduites aux frontières, mais devant l'afflux des migrations irrégulières, il faut encore adapter les moyens humains et matériels aux responsabilités exercées. Il n'est pas douteux, à cet égard, que l'implantation d'un nouveau radar et le renforcement de la brigade nautique éviteraient les tragiques naufrages provoqués par des mouvements incontrôlés de populations.
La multiplication des contrôles d'identité dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 2006 commence à démontrer sur le terrain l'efficacité de ces nouvelles dispositions.
Plus fondamentalement, je demeure convaincu que c'est la relance de notre politique d'aide et de coopération avec les pays de l'environnement qui permettra d'endiguer l'afflux de cette émigration de la misère. Mayotte n'est nullement hostile à l'établissement de relations apaisées avec le voisinage dès lors que notre attachement à la souveraineté française sera respecté par tous. Cependant, nous ne sacrifierons pas cette intention notre volonté affirmée de rattraper nos retards de développement : c'est notre devoir vis-à-vis de la jeunesse mahoraise.
Monsieur le secrétaire d'État, c'est donc avec raison que le projet de loi de finances retient parmi ses objectifs le soutien de l'économie et de l'emploi outre-mer, car tel est l'objectif majeur de toute politique de développement.
Nous partageons également votre analyse sur les priorités de l'économie productive par rapport aux politiques d'assistance généralisée mis à part, bien entendu, l'organisation de solidarités actives au bénéfice des personnes âgées, des familles en difficulté et des enfants.
Cela dit, je souhaite, une fois encore, souligner l'ampleur des handicaps qui entravent nos progrès et qui appellent par conséquent de vigoureuses actions de rattrapage.
Or je constate avec regret que d'inquiétantes restrictions affectent, toutes missions confondues, le montant global des crédits de paiement qui sont destinés à Mayotte. Ils atteignaient effectivement 402 millions d'euros en 2007 alors qu'ils ne seront que de 397 millions en 2008.
Dans le même sens, les concours de l'Union européenne connaissent de lourdes disparités, toujours au détriment de Mayotte. Ainsi, la Guyane, dont le poids démographique est comparable au nôtre, a bénéficié de 388 millions d'euros de subventions entre 2000 et 2006, alors que Mayotte n'a reçu que 15 millions d'euros, soit 25 fois moins, entre 2004 et 2008.
Il est vrai que Mayotte est classée parmi les pays ACP, pays indépendants qui relèvent du Fonds européen de développement, et ne sont pas éligibles, comme le département d'outre-mer de Guyane, aux fonds structurels européens.
L'explication de cette sensible différence de traitement est simple, mais elle ne nous semble pas équitable pour autant. Ainsi, les deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui ne sont plus des départements d'outre-mer, ont néanmoins conservé leur statut de régions ultrapériphériques qui leur donne accès aux fonds structurels de l'Union européenne.
Comme nous, monsieur le secrétaire d'État, vous constaterez que le critère juridique n'est plus déterminant mais Mayotte persiste, néanmoins, dans sa demande d'accession au statut de département français d'outre-mer.
Nous continuerons d'invoquer la nécessité de résorber nos handicaps structurels pour obtenir l'inscription de Mayotte sur la liste des régions ultrapériphériques d'Europe.
Il est urgent de faire cesser ce fâcheux paradoxe qui conduit l'Europe communautaire à aider moins ceux qui en ont le plus besoin. Mayotte illustre cette situation paradoxale.
Permettez-moi enfin, monsieur le secrétaire d'État, de signaler une dernière anomalie qui pèse lourdement sur les finances de notre collectivité. L'application des dernières conventions liant Mayotte à l'État, notamment le contrat de plan et la convention de développement, a fait apparaître de lourdes dettes de l'État vis-à-vis de Mayotte au titre de la gestion des personnels : 64 millions d'euros au 30 juin et 70 millions d'euros au 31 octobre 2007.
Le conseil général de Mayotte est ainsi contraint à des avances de trésorerie, afin de couvrir les défaillances de l'État débiteur. Cette situation doit être rapidement redressée.
J'en viens, pour terminer, à une considération plus positive. Votre quatrième priorité, monsieur le secrétaire d'État, concerne l'égalité des chances pour les citoyens d'outre-mer.
Les Mahorais ont depuis longtemps compris les intérêts qui s'attachent à l'éducation de leurs enfants comme à la formation des jeunes.
Le Gouvernement a su répondre à ces appels en accentuant les efforts de création, de développement ou de modernisation des établissements et des équipements d'enseignement.
Il semble que, dans ces domaines, les retards se résorbent régulièrement et que les jeunes Mahorais démontrent, par leur application dans l'effort et par leurs résultats très encourageants, une volonté de progresser qui est de très bon augure pour l'avenir de Mayotte.
Enfin, je veux émettre deux souhaits.
Le premier concerne le budget de l'outre-mer, qui doit jouer un rôle d'entraînement et de coordination des dépenses inscrites dans les budgets des autres ministères et affectées aux collectivités d'outre-mer.
Je crains que ces fonctions ne soient rendues difficiles par la pratique fréquente des transferts de crédits du budget du ministère de l'outre-mer vers d'autres ministères, notamment ceux de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la santé. On affaiblit ainsi les moyens et l'autorité de l'outre-mer, alors que ce ministère doit être renforcé dans son rôle de coordination et - disons-le - de rappel au service de l'outre-mer français.
Mon second souhait porte sur la loi de programme sur l'outre-mer, qui devrait être présentée l'an prochain au Parlement.
J'approuve tout à fait le principe qui consiste à multiplier ou à étendre les engagements contractuels de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales, afin de soutenir le développement local, notamment dans le domaine des investissements lourds ou des équipements dits « structurants ». Encore faudrait-il que ces engagements soient tenus et que la parole donnée soit respectée.
Sur ce chapitre, Mayotte éprouve encore quelques vieilles méfiances. Monsieur le secrétaire d'État, je demande instamment au Gouvernement de les dissiper.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Giraud.
M. Adrien Giraud. J'ai terminé, monsieur le président.
En dépit de ces réserves et en signe de confiance, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui, comme chaque année à cette époque, pour débattre de la mission « Outre Mer » dans le projet de loi de Finances pour 2008.
Ce temps fort de la vie parlementaire est aussi un moment de vérité pour un gouvernement qui se dit attentif aux difficultés rencontrées par les populations d'outre-mer. Nous allons voir, monsieur le secrétaire d'État, si le discours volontariste que vous tenez depuis votre arrivée rue Oudinot trouve une traduction concrète dans le projet de budget que vous nous soumettez.
En d'autres termes, il s'agit de vérifier si la rupture hautement proclamée là-bas, en Martinique, s'exprime ici, dans l'hexagone, en chiffres clairs - du moins s'il est vrai qu'un budget est, avant tout, l'expression d'une volonté politique.
Les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une très faible part - 13,5 % exactement - de l'action de l'État en faveur de l'outre-mer, qui s'élève cette année à près de 16 milliards d'euros, soit 5,4 % du budget de l'État. Pour certains, c'est encore trop ! Toutefois, compte tenu des retards que l'histoire nous a légués, j'estime, pour ma part, qu'il reste de la marge.
Par ailleurs, on nous a longuement expliqué que l'apparente diminution de 11,3 % des crédits de la mission « Outre-mer » résultait de transferts vers le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie des finances et de l'emploi.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de considérer que ces variations de périmètre, qui s'accompagnent de surcroît de redéploiements de crédits entre les actions, rendent opaques et difficilement lisibles les chiffres qui nous sont présentés. De plus, je crains qu'à cause de la fongibilité de ces crédits l'outre-mer ne soit traité comme une variable d'ajustement budgétaire, que l'on peut utiliser en toute discrétion.
Enfin, l'absence de source d'informations synthétiques ne nous permet pas de disposer d'une vision claire des transferts intervenus.
Certes, quelques éléments vont dans la bonne direction. Ainsi de l'effort qui a été accompli dans le cadre de l'enveloppe prévue pour les contrats de projet État-régions et les conventions de développement : en hausse de 10 %, elle s'élève à 110 millions d'euros. Par ailleurs, l'emploi demeure la première priorité de votre budget, puisque 60 % des crédits sont consacrés à ce programme.
Toutefois, un long chemin reste à parcourir, car il existe toujours un décalage inacceptable entre nos régions et celles de l'hexagone. Même si l'on assiste, ces derniers temps, à une légère décrue du taux de chômage outre-mer, celui-ci représente encore plus du double de la moyenne nationale - 21,1 % contre 8,6 %, en janvier 2007 - et nos RMIstes sont quatre fois plus nombreux, en proportion, que dans l'hexagone.
Si la finalité de ce programme est de faciliter la création d'emplois et l'accès au marché du travail des Ultramarins, il me semble difficile, voire impossible, de juger de la pertinence des mesures mises en oeuvre. En effet, monsieur le secrétaire d'État, sur les cinq objectifs définis par vos services pour apprécier l'efficacité de ces politiques, un seul se trouve instruit, celui du RMA, le revenu minimal d'activité. Ses chiffres sont bons, d'ailleurs, puisque le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat s'élève à 76,5 % en 2006 et devrait s'établir à 75 % en 2007.
En ce qui concerne les exonérations de cotisations sociales outre-mer, leur montant prévisionnel s'élève à 1 130 millions d'euros, alors que 867 millions d'euros seulement sont prévus dans le projet de loi de finances. Ainsi, la dette envers les organismes de sécurité sociale augmenterait de 263 millions d'euros cette année, auxquels il faudrait ajouter les 993 millions d'euros accumulés en 2007, ce qui fragilise à court terme le dispositif d'exonération et fait peser un risque réel sur l'équilibre des régimes de sécurité sociale.
Monsieur le secrétaire d'État, j'espère qu'en cours d'année des ajustements seront réalisés afin de mettre un terme à ces dérives.
Dans ce contexte économique particulièrement difficile pour l'outre-mer, il me semble nécessaire, sinon indispensable, d'instituer des politiques d'accompagnement ambitieuses.
Or la réduction de 25 millions d'euros des crédits destinés aux contrats aidés et la disparition pure et simple du congé-solidarité priveront de toute perspective des milliers de nos jeunes concitoyens. Je souhaite que la loi de programme qui devrait être votée au premier semestre de l'an prochain leur ouvre de nouveaux horizons.
Le logement social constitue la deuxième priorité annoncée du Gouvernement, ce qui est une bonne nouvelle. Ses crédits passent à 200 millions d'euros, en hausse par conséquent de près de 14 %. Toutefois, l'effort demeure insuffisant eu égard aux besoins, comme Mme la ministre de l'intérieur le reconnaissait ce matin. Vraisemblablement, les 25 millions d'euros d'augmentation qui ont été consentis ne serviront qu'à éponger la dette qui, malgré tout, devrait subsister.
Les prévisions pour 2008 ne me semblent pas non plus traduire un engagement fort de l'État en faveur de la relance du logement social outre-mer. En effet, avec 236 millions d'euros en autorisations d'engagement, il sera extrêmement difficile de répondre à la fois aux exigences de la mise en application du droit au logement opposable et à l'accroissement de la demande exprimée, notamment à la Martinique, après le passage du cyclone Dean.
Monsieur le secrétaire d'État, les arbitrages budgétaires ne vous ont pas permis d'augmenter significativement la LBU, la ligne budgétaire unique. Pour contribuer à la relance du logement social, vous proposez donc de redéployer la défiscalisation dont bénéficie ce dernier. Permettez-moi de vous dire que cette solution est inopérante et qu'elle aboutirait, de l'avis de l'ensemble des spécialistes consultés, à multiplier par deux, voire par quatre, le prix de sortie des logements sociaux !
Le financement de la politique du logement social outre-mer a besoin de sécurité et de visibilité. C'est pourquoi, à mon humble avis, il convient d'oeuvrer dans deux directions.
Tout d'abord, il est nécessaire d'assurer la sanctuarisation de la LBU, afin d'éviter les gels et annulations de crédits en cours d'année. M. Borloo, alors ministre du logement, s'y était engagé. Nous attendons toujours la mise en place de cette mesure.
Ensuite, pour assurer plus de visibilité au dispositif, il faudrait ouvrir une autorisation d'engagement d'une durée de cinq ans, par exemple, et la ventiler en crédits de paiement pendant toute cette période. Il s'agirait d'un moyen efficient pour constituer une programmation pluriannuelle minimale de la LBU ; cela prouverait votre volonté de garantir une politique cohérente du logement dans les départements d'outre-mer, monsieur le secrétaire d'État.
II existe plusieurs autres freins au développement de ce secteur, il faut le reconnaître. Les trois principaux d'entre eux peuvent être identifiés.
Premièrement, le foncier est rare et coûteux ; c'est l'un des effets pervers de la défiscalisation. La solution réside avant tout dans la création, comme à la Réunion, d'un établissement public foncier bénéficiant du droit de préemption sur les terrains à construire. Cela aurait pour conséquence évidente de réduire la spéculation, donc le coût du foncier, et d'assurer le portage de terrains aux bailleurs sociaux et aux collectivités locales.
Deuxièmement, l'indivision des terrains pose problème. On pourrait prévoir la création, comme en Corse, d'un GIP regroupant, pour une période de dix ans, l'État, les professionnels et les élus, avec pour mission de réduire le nombre des terrains en indivision. Cette mesure libérerait du foncier pour la construction.
Troisièmement, le financement de la viabilisation des terrains pour la construction est insuffisant. Les communes sont rarement capables d'assumer le coût de l'assainissement des terrains et de leur équipement en VRD, ou voierie réseaux divers. II est donc nécessaire d'abonder le FRAFU, le fonds régional d'aménagement foncier urbain, et de relancer la réforme de cet organisme, afin d'en concentrer les missions sur l'aménagement du foncier.
En ce qui concerne la continuité territoriale, à laquelle nos populations sont très attachées, les crédits sont nettement insuffisants au regard des besoins.
Dans notre république égalitaire, je comprends mal, monsieur le secrétaire d'État, le traitement différencié appliqué aux DOM et à la Corse. Par exemple, 172 millions d'euros de crédit sont consacrés à la Corse au titre de la continuité territoriale et seulement 5 millions d'euros à la Martinique, soit trente-cinq fois moins. Monsieur le secrétaire d'État, il existe certainement une explication à cet état de fait, que vous vous ferez un plaisir de me donner et que j'attends avec impatience !
J'en viens à la situation des communes de l'outre-mer, notamment en Martinique, car je n'oublie pas que je suis président de l'assemblée des maires de cette région. Ces communes connaissent une situation financière très tendue, et c'est un euphémisme ! Pour les raisons que vous connaissez, monsieur le secrétaire d'État, les charges de personnels ont fortement affecté leurs capacités d'autofinancement, qui se sont littéralement effondrées.
Ces communes éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés à financer leurs dépenses d'équipement sur la base de leurs propres ressources. C'est pourquoi des financements externes doivent être mobilisés afin de leur permettre d'investir, notamment dans les écoles primaires et maternelles, qui relèvent de leur compétence.
Aujourd'hui, le parc immobilier des établissements scolaires, souvent très vétuste, ne répond pas aux normes parasismiques qu'exige la réglementation en vigueur dans une île soumise aux aléas sismiques. Il s'agit d'un sujet d'une brûlante actualité : d'après les expertises réalisées immédiatement à la suite du tremblement de terre qui a frappé récemment la Martinique, les écoles ont particulièrement souffert, et certaines d'entre elles se trouvent aujourd'hui fermées.
Si les régions et les départements reçoivent des fonds de concours européens pour bâtir leurs complexes scolaires, les communes, elles, ne peuvent compter sur aucune aide spécifique, que celle-ci vienne de l'Europe, de l'État ou des grandes collectivités, pour réhabiliter et reconstruire leurs écoles.
Il était déjà urgent d'agir en ce domaine. Après les derniers événements, il devient impératif de mettre en place un plan pluriannuel de reconstruction et de mise aux normes de ces établissements scolaires. J'en appelle à la responsabilité du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'État, j'entends répéter partout, à tout moment, le leitmotiv de la rupture - avec les pratiques antérieures, je suppose. Je m'attendais donc à un budget portant un changement radical. Or, et j'ai été très déçu de le constater, quels que soient le programme étudié et les actions analysées, il y a continuité et parfois même aggravation.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux que vous enjoindre de mettre cette rupture en oeuvre. Surprenez-nous donc, sinon je crains de ne pouvoir voter ce budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » constitue, en quelque sorte, la levée de rideau de la grande loi de programme que le Président de la République et le Gouvernement nous proposeront au printemps prochain. C'est pour moi l'occasion de pointer les carences de l'économie des départements d'outre-mer et de présenter notre vision de l'avenir.
Ce budget est bon, parce qu'il marque une volonté politique, celle du Gouvernement et du Président de la République, qui ont souhaité maintenir le cap de la solidarité à l'égard de l'outre-mer, ce qui, par ces temps difficiles, n'allait pas de soi.
Si cette exigence de solidarité doit être maintenue, il faut, en revanche, définir une nouvelle orientation en matière économique.
Mes chers collègues, les départements français d'outre-mer jouissent de ce statut depuis 1946. Soixante et un ans plus tard, nous disposons d'une belle carrosserie départementale, mais nous fonctionnons avec un vieux moteur colonial, dont l'entretien coûte très cher à l'État et qui produit de nombreuses rentes de situation, pour une efficacité économique réduite et une performance sociale limitée.
Le Président de la République a été élu par 53 % des Français, soit plus de vingt millions de voix, dans une perspective de changement.
Je ne veux pas qu'on pense que j'interviens aujourd'hui pour faire le procès des entreprises ! Comme l'a rappelé tout à l'heure ma collègue Lucette Michaux-Chevry, pas une voix de l'outre-mer n'a manqué pour adopter la loi sur la défiscalisation des heures supplémentaires, la loi Perben sur la sauvegarde des entreprises, la loi de programme pour l'outre-mer ou la LOOM, la loi d'orientation pour l'outre-mer. Nous avons toujours été aux côtés du monde du travail.
Toutefois, lorsque nous constatons que le moteur colonial se caractérise par des situations de monopole de plus en plus abusives, par des ententes illicites sur les tarifs de plus en plus flagrantes et par une opacité de la formation et du niveau des prix de plus en plus insupportable, nous ne pouvons pas être complices de cette situation.
Monsieur le secrétaire d'État, je développerai un exemple qui vous éclairera. Savez-vous à combien s'élève le prix de l'air liquide à la Réunion ou en Martinique par rapport à la métropole ?
À ce propos, je tiens à remercier M. le rapporteur général du budget de m'avoir aidé à faire baisser le prix des médicaments outre-mer.