Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

1. Procès-verbal

2. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Hugues Portelli, le président.

3. Remplacement d'un sénateur élu député

4. Candidature à un organisme extraparlementaire

5. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Justice

MM. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances ; Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-Pierre Sueur, Hugues Portelli, Pierre Fauchon, Mmes Nathalie Goulet, Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

État B

Amendement no II-51 de M. Roland du Luart. - M. Roland du Luart, Mme le garde des sceaux. - Adoption.

M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Philippe Nogrix.

Adoption des crédits modifiés.

6. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

7. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Travail et emploi

MM. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Mmes Catherine Procaccia, Annie David, MM. Bernard Seillier, Jean-Pierre Godefroy, Adrien Gouteyron, Georges Othily, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

État B

Amendement n° II-98 du Gouvernement. - Mme la ministre, M. le rapporteur spécial. - Adoption.

Mme Annie David.

Adoption des crédits.

Article 52. - Adoption

Article 53

Amendements identiques nos II-57 de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, et II-79 de M. Jean-Pierre Godefroy. - M. le rapporteur pour avis, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. le rapporteur spécial, Mmes la ministre, Annie David. - Retrait de l'amendement no II-57 ; rejet de l'amendement no II-79.

Adoption de l'article.

Article 53 bis. - Adoption

Article 54

Mme Annie David.

Amendements nos II-74 rectifié de M. Bernard Seillier et II-85 de Mme Gisèle Gautier. - M. Bernard Seillier, Mme Gisèle Gautier, M. le rapporteur spécial, Mmes la ministre, Gisèle Printz. - Retrait de l'amendement no II-74 rectifié ; adoption de l'amendement no II-85.

Adoption de l'article modifié.

Article 55

Amendements identiques nos II-58 de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, II-80 de M. Jean-Pierre Godefroy et II-90 rectifié de Mme Anne-Marie Payet. - M. le rapporteur pour avis, Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur spécial, Mme la ministre, M. Charles Josselin. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.

Article 56

Amendement n° II-81 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur spécial, Mmes la ministre, Annie David. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 57

Mme Annie David.

Amendement n° II-82 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendement identiques nos II-42 de la commission et II-50 de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, Mme la ministre, MM. Guy Fischer, le ministre. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement no II-82 ; retrait des amendements nos II-42 et II-50.

Adoption de l'article.

Article 58

Amendements nos II-83 de M. Jean-Pierre Godefroy et II-60 rectifié bis de M. Jacques Blanc. - Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, M. le rapporteur spécial, Mme la ministre, M. Paul Blanc, Mme Annie David. - Adoption de l'amendement no II-83 supprimant l'article, l'amendement no II-60 rectifié bis devenant sans objet.

Article 59

Amendements nos II-84 de M. Jean-Pierre Godefroy et II-103 du Gouvernement. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme la ministre, M. le rapporteur spécial. - Rejet de l'amendement no II-84 ; adoption de l'amendement no II-103.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 59

Amendement n° II-43 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Retrait.

Solidarité, insertion et égalité des chances

MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Mmes Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Annie David, M. Gérard Delfau, Mmes Claire-Lise Campion, Michèle San Vicente-Baudrin, Gisèle Printz.

Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ; Christine Boutin, ministre du logement et de la ville ; Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

État B

Amendement no II-48 de M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur spécial, Mme la secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no II-5 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le haut-commissaire, le rapporteur pour avis. - Retrait.

Amendements identiques nos II-3 de la commission et II-49 rectifié de M. Paul Blanc. - MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, Mme la secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.

Amendement no II-4 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme la secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no II-78 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur spécial, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Rejet par scrutin public.

Mme Annie David.

Adoption des crédits.

Article 49

Mme Annie David.

Amendement no II-59 de Mme Michèle San Vicente-Baudrin. - Mme Michèle San Vicente-Baudrin, M. le rapporteur spécial, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 50

Mmes Annie David, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre ; M. Gérard Delfau.

Adoption de l'article.

Articles 51 et 51 bis. - Adoption

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, lors du vote par scrutin public n° 43 sur l'ensemble du projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, M. Gaston Flosse a été déclaré, par erreur, comme votant pour, alors qu'il avait évidemment souhaité voter contre. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Portelli, il vous est donné acte de cette mise au point.

3

Remplacement d'un sénateur élu député

M. le président. Par lettre en date du 30 novembre 2007, Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application des articles L.O. 137 et L.O. 320 du code électoral, Mme Catherine Dumas est appelée à remplacer, en qualité de sénateur de Paris, M. Philippe Goujon dont le mandat a cessé hier à minuit à la suite de la décision du Conseil constitutionnel confirmant son élection à l'Assemblée nationale.

Mes chers collègues, je vous informe que le nombre de sénatrices est dorénavant de soixante.

Le mandat de Mme Catherine Dumas a commencé ce matin à zéro heure. Nous souhaitons que notre Haute assemblée soit pour elle un lieu où elle pourra vivre pleinement son engagement et qu'elle trouvera beaucoup de satisfaction dans l'exercice de ses responsabilités.

4

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale des compétences et des talents.

La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. François-Noël Buffet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

Article 62 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Justice

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Justice

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Justice ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2008, la mission « Justice » est dotée de 6,519 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4,5 %.

Dans un contexte budgétaire globalement tendu, cette progression des crédits de la mission est particulièrement remarquable. Elle témoigne de l'importance attachée à la justice et de la priorité accordée à ses moyens.

Le programme « Justice judiciaire » compte 2,73 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 5,1 % très notable dans le contexte budgétaire actuel.

Un rapide bilan de la loi d'orientation et de programmation pour la justice montre que, au terme de la programmation, tous les objectifs n'ont pas été atteints, notamment en termes de création d'emplois. Le taux de réalisation est de 76 % pour les magistrats, ce qui est assez satisfaisant, mais de seulement 32,6 % pour les fonctionnaires.

Le présent projet de loi de finances ne rompt toutefois pas avec le renforcement nécessaire des effectifs des juridictions, en prévoyant une création nette de 400 emplois.

Ce nouvel effort doit être salué, car le ratio actuel de 2,57 fonctionnaires de greffe par magistrat continue de traduire une certaine faiblesse du soutien logistique susceptible d'être apporté aux magistrats. S'il faut se féliciter de l'accroissement des effectifs de magistrats, il convient aussi de rappeler que l'effort doit plus particulièrement porter, désormais, sur les greffiers. À cet égard, on peut penser que le recours accru aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, en 2008, devrait améliorer sensiblement les conditions de travail de ces derniers.

En 2008, une dotation de 405 millions d'euros est prévue pour couvrir les frais de justice, soit une hausse de seulement 1,7 % par rapport à 2007. Même si ce poste de dépense devra encore rester sous observation, il faut saluer les résultats obtenus dans ce domaine par les magistrats, ainsi que la politique volontariste de maîtrise des frais de justice engagée durant ces dernières années par la Chancellerie. Cette maîtrise s'est en outre réalisée sans porter atteinte au principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, ce qui mérite d'être tout particulièrement souligné.

Pour ce qui concerne la révision de la carte judiciaire, il convient de rappeler qu'aucune réforme structurelle de fond de l'institution judiciaire n'a été entreprise depuis 1958. L'objectif de rationaliser les moyens de la justice sur l'ensemble du territoire ne peut qu'être soutenu, dès lors qu'il tient compte de la réalité humaine des territoires.

La lucidité doit toutefois être de mise : cette réforme ne peut être envisagée à moyens constants. Si l'on est en droit d'en espérer des sources d'économies à terme, elle nécessitera d'abord, comme toute réforme de structures, une importante « mise de fonds » initiale.

Les regroupements envisagés, notamment, auront un coût immobilier. Lors de votre audition par la commission des finances, madame la ministre, vous avez d'ailleurs évoqué un programme immobilier - hors palais de justice de Paris - portant sur un montant total de 800 millions d'euros sur six ans.

Il convient, par ailleurs, d'insister sur le caractère inacceptable des conditions de détention aujourd'hui en France. Nombre de nos prisons souffrent de vétusté et le taux de surpopulation carcérale y atteignait 121 % au 1er août 2007.

Pour 2008, le programme « Administration pénitentiaire » comporte 2,383 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression de 6,4 % par rapport à 2007.

Afin de répondre à l'ouverture de nouveaux établissements, il enregistre la création de 772 emplois équivalents temps plein.

Toutefois, à supposer que le nombre de détenus reste au niveau actuel et que les prévisions en matière de création de places de détention soient respectées, le nombre de places ne pourra pas égaler, à terme, le nombre de personnes détenues.

Au regard de la mesure de la performance, le programme « Administration pénitentiaire » est entré, après deux exercices de « rodage » en mode LOLF, dans une phase de « création » et de « consolidation » : douze indicateurs sur dix-huit sont nouveaux.

Si cette ambition doit être encouragée, elle emporte aussi, malheureusement, une contrepartie de court terme regrettable : plusieurs de ces indicateurs ne sont pas renseignés dans le projet annuel de performances.

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » comporte, pour sa part, 809,1 millions d'euros en crédits de paiement. Il est donc en progression de 1,6 % par rapport à 2007.

Il bénéficie, lui aussi, d'un renforcement significatif de ses moyens humains. Avec 9 027 emplois équivalents temps plein, la protection judiciaire de la jeunesse, PJJ, sera en mesure d'assurer le fonctionnement à pleine capacité de sept établissements pénitentiaires pour mineurs, tout en maintenant son action éducative pour l'ensemble des 80 000 mineurs dont elle a la charge. L'augmentation du plafond d'emploi accompagne l'ouverture en 2008 de trois nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs, ainsi que le renforcement de la présence de la PJJ dans les quatre établissements ouverts en 2007.

S'agissant de ce programme, il convient tout particulièrement de se féliciter de la nette amélioration de la situation du financement des prises en charge du secteur associatif habilité. L'apurement du passif des charges de financement de ce secteur permet ainsi de mettre fin à une situation particulièrement anormale qui caractérisait pourtant ce champ d'action depuis plusieurs années : la charge de la trésorerie de l'État ne pèse plus sur le secteur associatif habilité.

En matière de performance, il faut relever que le coût d'une journée en centre éducatif fermé est de 627,86 euros en 2007. Il enregistre une baisse régulière depuis 2005, avec une cible de 616,40 euros en 2008.

De même, les taux d'occupation des établissements enregistrent des progrès significatifs. Ainsi, ce taux est passé de 67,8 % pour les centres éducatifs fermés gérés par le secteur public en 2005, à 75 % en 2007, avec une cible de 78 % pour 2008, ce qui explique la baisse du prix de journée par individu.

Je ferai une dernière remarque, non négligeable, sur ce sujet : 64,1 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure.

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent de 2 % en crédits de paiement, en passant de 342 millions d'euros à 335 millions d'euros.

L'action « Aide juridictionnelle » voit en particulier passer sa dotation de 326,9 millions d'euros en 2007 à 318,2 millions d'euros, soit une baisse de 2,7 %.

Cette baisse pourrait susciter l'inquiétude, au vu de la dynamique de ce poste de dépense au cours des dernières années et des revendications récurrentes de la profession d'avocat à propos de l'insuffisance de la rétribution attachée aux missions d'aide juridictionnelle.

Pour autant, les hypothèses retenues par la Chancellerie pour établir le budget de cette action permettent a priori de dissiper d'éventuelles craintes. Ainsi, le nombre prévu de bénéficiaires de l'aide est stable par rapport à 2007 et s'élève à 905 000 admissions. En outre, la Chancellerie anticipe un rétablissement de crédits à hauteur de 8,9 millions d'euros, au titre d'un meilleur recouvrement des dépenses d'aide juridictionnelle. J'espère qu'elle y parviendra.

Cette prévision est conforme à l'estimation théorique réalisée par l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle, l'AJ, paru en février 2007, à condition d'améliorer l'efficacité du recouvrement.

Dans cette perspective, la création d'un nouvel objectif « Améliorer le taux de recouvrement des frais de justice par l'État au titre de l'aide juridictionnelle » apparaît fort utile.

Prolongeant les conclusions de mon récent rapport d'information, j'estime naturellement, madame la ministre, que l'année 2008 doit être celle de la réforme de l'aide juridictionnelle. Nous vous aiderons bien entendu à dissiper tout malentendu.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », qui correspond essentiellement à un programme de soutien administratif et logistique de la mission, comprend 261,8 millions d'euros, soit une progression de 3 %.

Ce programme concerne une large part des crédits informatiques du ministère de la justice. Mais il apparaît difficile de porter un jugement sur la gestion des grands projets menés en la matière. En particulier, il est regrettable qu'aucun indicateur ne porte sur le respect des délais dans le cadre de ces projets.

En conclusion, la justice de notre pays se trouve incontestablement à un tournant. Après la mise en oeuvre réussie de LOLF, voici que se profilent deux nouvelles réformes majeures : la révision en cours de la carte judiciaire et la réforme nécessaire de l'aide juridictionnelle.

Si, comme on l'a vu, l'institution judiciaire est dotée de moyens importants en 2008, cet exercice budgétaire devra offrir l'occasion d'avancées significatives et concertées dans ces deux chantiers essentiels de modernisation, avec pour horizon une justice toujours plus efficace, plus rapide et plus sereine.

Sous réserve de ces remarques, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Justice » et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, avec une augmentation de ses crédits de 4,5 % et la création de 1 615 emplois - dont 400 pour les juridictions -, le budget de la justice pour 2008 constitue sans aucun doute un budget privilégié. Sans entrer dans le détail des chiffres, je souhaite insister sur quelques points essentiels.

Le premier concerne l'influence de l'application de la LOLF sur le fonctionnement de l'institution judiciaire : nous en mesurons les conséquences positives dans le projet de loi de finances pour 2008. Les visites que j'ai pu faire tout au long de l'année, m'ont conforté dans l'idée que la démarche de performance et de responsabilisation était désormais bien intégrée par les juridictions. Les succès obtenus dans la réduction des frais de justice en constituent la plus belle démonstration.

Le renforcement des moyens alloués aux services administratifs régionaux, acteurs essentiels de la gestion déconcentrée des crédits de la justice, conforte la nouvelle donne budgétaire. Aussi, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de donner aux juridictions une plus grande marge de manoeuvre dans l'utilisation des crédits qui leur sont délégués et dans la gestion des emplois ?

Je souhaite parler également de notre système d'aide juridictionnelle que notre collègue Roland du Luart, dans son récent rapport, estime « à bout de souffle ». L'absence de revalorisation de l'aide juridictionnelle dans le projet de loi de finances pour 2008, alors que tout n'a pas été réglé par l'augmentation obtenue en 2007, impose au Gouvernement de trouver une solution acceptable et pérenne.

À titre personnel, je ne suis pas favorable à l'idée d'instaurer un « ticket modérateur » qui resterait à la charge des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. Il me semble, en effet, difficilement acceptable de taxer, pour ainsi dire, des personnes aux moyens financiers limités qui sont contraintes de recourir à l'institution judiciaire : ce n'est jamais pour le plaisir que l'on se retrouve devant la justice et rares sont ceux qui ont tendance à en abuser. Madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions dans ce domaine ?

Je voudrais également évoquer les créations d'emplois de greffiers et de fonctionnaires, au regard des évolutions à venir de l'institution judiciaire. La commission des lois se félicite que la Chancellerie crée en 2008 autant d'emplois de greffiers que de magistrats et qu'elle prenne conscience de la nécessité d'organiser des concours réguliers d'accès à l'École nationale des greffes pour faire face aux nombreux départs en retraite qui s'annoncent.

Toutefois, le déséquilibre entre le nombre de magistrats et le nombre de greffiers reste encore trop important et les créations d'emplois de fonctionnaires des greffes annoncées en 2008, bien qu'appréciables, devront être amplifiées au regard des charges nouvelles résultant de la multiplication des réformes tant en matière civile que pénale. Par exemple, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs impose une révision de l'ensemble des mesures de protection ouvertes avant son entrée en vigueur : j'ai pu constater quelles inquiétudes cette tâche très importante faisait naître dans les juridictions concernées. Ne serait-il pas temps, madame le garde des sceaux, d'accompagner les projets de loi d'études d'impact afin de s'assurer que les moyens humains seront suffisants pour les appliquer ?

En accélérant la numérisation des procédures ainsi que la modernisation du parc informatique et des techniques de communication, le projet de loi de finances pour 2008 facilitera effectivement le travail des magistrats et des auxiliaires de justice, mais il ne réglera pas tous les problèmes.

De même, si la réforme de la carte judiciaire doit permettre de regrouper en un même lieu des moyens précédemment dispersés, elle ne dispensera pas pour autant le Gouvernement de rétablir un meilleur équilibre entre magistrats, d'une part, et greffiers et fonctionnaires du greffe, d'autre part. À défaut, quel peut être l'effet concret de la décision d'un juge, si celui-ci ne dispose pas d'un greffier pour l'éditer et la notifier dans des délais raisonnables ?

Avant de conclure, je dirai un mot sur la réforme de la carte judiciaire. La commission des lois la juge nécessaire depuis 1996. Je partage cet avis, mais je déplore, à titre personnel, le manque de pédagogie qui a présidé à l'ouverture de ce chantier difficile. Certes, la réalisation d'une telle réforme ne peut donner satisfaction à tous, mais un dialogue plus soutenu avec les acteurs concernés aurait permis de l'engager dans de meilleures conditions, d'autant que ses répercussions sur l'aménagement du territoire seront profondes et qu'elle trahit une approche malheureusement plus statistique que territoriale.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que l'objectif de cette réforme était de garantir aux Français une « meilleure justice, plus efficace, plus lisible, plus rapide ». On ne peut qu'approuver un tel objectif.

Pourtant, je ne pense pas que le regroupement des moyens - même accompagné du développement des technologies de l'information et de la communication - puisse toujours compenser l'éloignement des juridictions, notamment pour les personnes n'ayant pas accès à ces technologies et pouvant difficilement s'éloigner de leur domicile. Aura-t-on vraiment réussi à rapprocher le citoyen de la justice, si certains de nos compatriotes rencontrent plus de difficultés à accéder, par exemple, aux tribunaux d'instance qui jugent précisément les contentieux du quotidien ? Mais nous aurons certainement l'occasion d'en reparler dans les prochaines semaines... Quoi qu'il en soit, la mise en oeuvre de cette réforme n'a que peu de conséquences pour le projet de loi de finances pour 2008 et il convient de ne pas se tromper de débat.

Aussi, compte tenu de l'incontestable amélioration prévue des moyens et des effectifs, qui permettra au budget de la justice d'atteindre 2,4 % du budget de l'État alors qu'il ne dépassait pas 1,72 % en 2002, la commission des lois émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux services judiciaires et à l'accès au droit. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon rapport pour avis sur les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire se devait de relever que bon nombre d'indicateurs sont franchement passés au vert.

Si les crédits accordés à la justice progressent de 4,5 %, contre 1,6 % en moyenne pour le budget de l'État, la priorité est encore plus affirmée pour la dotation réservée au programme « Administration pénitentiaire », qui augmente de 6,4 %, représentant 36,6 % de la mission « Justice » avec une enveloppe de 2,383 milliards d'euros.

Cette augmentation sensible se justifie pour l'essentiel par l'ouverture de sept nouveaux établissements pénitentiaires en 2008  - trois établissements pour mineurs, une maison d'arrêt, un centre de détention et deux centres pénitentiaires - et l'allocation des moyens nécessaires à leur fonctionnement, ainsi que par la poursuite du programme de réalisation de 13 200 places prévu dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, la LOPJ.

En 2008, 3 800 places nouvelles seront construites, soit, compte tenu de la fermeture corrélative des places les plus vétustes - et nul ne se plaindra, par exemple, de la fermeture des quartiers Saint-Joseph et Saint-Paul de la maison d'arrêt de Lyon - 3 000 places nettes supplémentaires.

L'augmentation des crédits permettra également la création de 842 emplois en équivalent temps plein travaillé, dont 150 emplois de conseillers d'insertion et de probation. Ils s'ajoutent aux 3 068 emplois votés au terme des lois de finances de 2003 à 2007 qui ont permis de réaliser, dans ce domaine, les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice à hauteur de 82 %, ce qui n'est pas si mal.

L'importance et la continuité de l'effort poursuivi depuis plusieurs années s'avéraient indispensables, compte tenu de la situation de nos prisons et des retards considérables accumulés. Le rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, présidée par notre collègue Jean-Jacques Hyest, au titre évocateur de Prisons : une humiliation pour la République, en dressait un constat sans complaisance tout en traçant la piste des indispensables réformes. Certes, si beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire.

Je voudrais employer les quelques minutes de temps de parole qui me restent à vous poser quatre questions, madame le garde des sceaux.

Tout d'abord, en dépit de la progression des crédits consacrés à l'entretien du patrimoine immobilier, qui passent de 75 millions d'euros en 2007 à 83,5 millions en 2008, ceux-ci demeurent bien insuffisants pour faire face à des besoins évalués, à tout le moins, à 150 millions d'euros. Une partie des infrastructures continuera donc de se dégrader. Or, vous savez aussi bien que moi combien le défaut d'entretien d'un bâtiment peut se révéler, à terme, lourd de conséquences pour les finances publiques. Prenons l'exemple de Fleury-Mérogis, dont la rénovation entière se révélera sans doute plus dispendieuse qu'une construction nouvelle ou qu'un entretien régulier. Pouvons-nous espérer de nouveaux efforts sur ce point dès l'an prochain ?

Ensuite, je m'inquiète du déficit en psychiatres publics, alors que l'un des maux les plus graves dont souffrent nos prisons résulte de la présence en leur sein d'un trop grand nombre de malades mentaux. J'ai pu constater, lors de visites aux Pays-Bas et en Belgique, que ces pays voisins ne souffrent pas de cette pénurie de psychiatres, parce qu'ils acceptent de recourir aux services de psychiatres libéraux conventionnés, qui gardent en outre une clientèle privée. Cette solution n'est-elle pas transposable en France, ne serait-ce que pour une période provisoire ?

Par ailleurs, je me suis récemment rendu au Royaume-Uni avec un certain nombre de collègues de la commission des lois : nous avons pu constater que l'incarcération y était beaucoup plus développée qu'en France. Alors que nous n'atteignons pas le ratio de 100 détenus pour 100 000 habitants, nos voisins britanniques avoisinent les 150. Pourtant, nous refusons de nous engager dans une course infernale entre l'augmentation des places disponibles et l'augmentation de la population carcérale. Lorsque le programme de 13 200 places en cours de réalisation sera achevé, il faudra que l'encellulement individuel, qui est un droit depuis 1875, soit devenu une réalité.

Pour cela, il nous faut absolument mettre en place une politique ambitieuse et exigeante d'alternative à l'incarcération et d'aménagement des peines, au risque de devoir parfois revenir sur des réformes récentes. Dans mon rapport, je cite à titre d'exemple un effet pervers de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Celle-ci subordonne la libéralisation conditionnelle d'une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, à une expertise établissant la possibilité de soumettre l'intéressé à une injonction de soins. Or, compte tenu des délais nécessaires pour la mettre en oeuvre, cette disposition interdit en pratique toute libération conditionnelle des personnes condamnées à de courtes peines. La loi pénitentiaire nous offrira-t-elle l'occasion de corriger cet effet que ne souhaitait pas le législateur ?

Enfin, vous le savez, madame le ministre, j'attache une grande importance à la connaissance précise de l'incidence des conditions de détention sur la réinsertion. Je souhaite vivement que le ministère de la justice se dote d'une capacité d'évaluation du taux de récidive en fonction des grandes catégories d'établissements dans lesquels la peine précédant la nouvelle infraction a été exécutée.

Pardonnez-moi d'avoir donné l'impression de m'éloigner par trop des limites du projet de loi de finances pour 2008, mais l'administration pénitentiaire se trouve au milieu du gué. Ce projet de loi de finances ne prendra donc toute sa signification qu'en fonction de la grande loi pénitentiaire dont nous serons bientôt saisis.

Mes chers collègues, au vu du début de mon intervention, il va de soi que la commission des lois a rendu un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, dans le cadre des quelques minutes dont je dispose, il me semble nécessaire d'évoquer l'évolution de l'activité de la protection judiciaire de la jeunesse et les mesures prises pour la moderniser, avant d'examiner les moyens qui lui sont alloués pour répondre à l'ensemble de ses missions.

Ma première observation concernera l'activité de la protection judiciaire. En 2006, près de 335 000 jeunes ont été pris en charge au titre de la protection judiciaire, contre 275 000 à la fin de 2004. Ce total se décompose en 80 000 mineurs délinquants, 240 000 mineurs en danger, 7 700 jeunes majeurs protégés et 5 800 jeunes suivis à la fois au civil et au pénal. Plus des trois quarts ont ainsi été suivis au civil, la moitié par l'État, l'autre moitié par les départements.

Si l'on peut se féliciter de la réduction des délais de prise en charge des mesures judiciaires, les progrès réalisés restent bien entendu en deçà des objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, s'agissant notamment des mesures de milieu ouvert.

En outre, il faut tenir compte des délais de rédaction et de notification des décisions judiciaires imputables aux greffes des tribunaux de grande instance, qui restent importants. On connaît votre souci de les réduire, madame la ministre, mais il serait opportun de nous indiquer quels sont les moyens dont vous entendez vous doter pour améliorer encore la mise en oeuvre des mesures ordonnées par les magistrats.

Ma deuxième observation portera sur le fait que de nombreux efforts ont été entrepris depuis plusieurs années pour moderniser la protection judiciaire de la jeunesse, consistant à diversifier les modes de prise en charge, à rationaliser les moyens et à développer les contrôles.

L'augmentation des taux d'occupation des structures de placement du secteur public mérite d'être soulignée. Elle se traduit par une diminution des écarts de prix de journée avec les structures gérées par le secteur associatif habilité, diminution que nous avions déjà relevée l'an dernier. L'adaptation des structures aux besoins doit être poursuivie.

Ma troisième observation consistera à souligner, comme cela a déjà été fait, notamment, par M. le rapporteur spécial, que la commission des lois se félicite également de l'ouverture, en 2007, des quatre premiers établissements pénitentiaires pour mineurs sur les sept prévus par la loi d'orientation et de programmation de 2002. Leur création avait été recommandée par la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs.

La commission des lois se réjouit tout autant de la fermeture corrélative des quartiers pour mineurs de certaines maisons d'arrêt. Ceux des prisons de Lyon étaient de sinistre mémoire, leur fermeture doit être saluée.

Ainsi, la capacité totale d'accueil des mineurs délinquants est actuellement de 1 176 places, dont 860 sont aux normes, réparties entre 66 établissements pénitentiaires. Au 1er janvier 2007, 729 mineurs étaient incarcérés.

Je voudrais insister sur la stabilité du nombre des mineurs incarcérés, lequel est voisin, bon an mal an, de 700. Sans doute cette stabilité est-elle imputable à la création des centres éducatifs fermés, où sont accueillis un certain nombre de mineurs qui auraient été auparavant placés en détention.

Madame la ministre, on peut s'interroger sur ce taux d'occupation. Compte tenu de celui-ci, ne pensez-vous pas que d'autres quartiers pour mineurs pourraient être fermés ?

Enfin, j'insisterai sur la nécessité de développer la coopération entre les services et associations chargés de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que d'autres services de l'État, notamment les forces de sécurité et l'éducation nationale, et le corps médical, en particulier pour renforcer la prise en charge psychiatrique des mineurs.

À cet égard, vous avez annoncé, madame la ministre, le renforcement, à titre expérimental, des moyens de cinq centres éducatifs fermés en 2008. Pourriez-vous nous dire si ces centres ont vocation à accueillir des mineurs délinquants souffrant de troubles psychiques en provenance de toute la France ou s'il s'agit simplement d'améliorer la prise en charge des mineurs placés par les juridictions dans le ressort desquelles se trouvent lesdits centres ?

L'indispensable modernisation engagée depuis cinq ans permet-elle à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, compte tenu des crédits qui lui sont alloués par ce programme et du niveau de son activité, de remplir ses missions ?

J'observe qu'après avoir progressé de 8,6 % dans la loi de finances initiale de 2007, les autorisations d'engagement augmenteront en 2008, comme a pu le souligner M. le rapporteur spécial, de 6,4 %, pour s'établir à 870 millions d'euros, alors que les crédits de paiement n'augmenteront que de l,6 %, pour atteindre 809 millions d'euros. Ces chiffres sont modestes, puisqu'ils correspondent au taux de croissance des dépenses de l'État.

Par ailleurs, 100 emplois supplémentaires seront créés, essentiellement pour permettre l'ouverture de trois nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs et de dix centres éducatifs fermés.

En outre, conformément aux souhaits exprimés par la commission des lois en 2005 et en 2006, la dette de l'État à l'égard du secteur associatif habilité est en passe d'être apurée, grâce à des dotations complémentaires et à la poursuite de la réduction des dépenses d'hébergement des jeunes majeurs.

J'insisterai enfin sur la double nécessité d'éviter, d'une part, de négliger les mesures de milieu ouvert, d'autre part, de laisser sans soutien les jeunes majeurs.

Je formulerai, en conclusion, deux réflexions personnelles.

Tout d'abord, quand on examine la situation avec un certain recul, les aspérités s'évanouissent. Si l'on met les choses en perspective sur les quatre ou cinq dernières années, c'est-à-dire depuis l'entrée en vigueur de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, il apparaît vain de s'interroger pour savoir si cette programmation a entièrement rempli son office. Faut-il vraiment rappeler que nous avions prévu la création de 600 places en centres éducatifs fermés ? Nous serons un peu en deçà de ce chiffre.

Par ailleurs, alors que nous avions prévu, dans cette même loi, la création de 1 250 emplois au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, celle-ci ne bénéficiera que de 800 emplois nouveaux.

Cependant, cela reste relativement accessoire. Ce que je souhaite, c'est qu'une meilleure articulation s'établisse entre les services. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a maintenant acquis ses lettres de noblesse, et cela est probablement lié à l'importance des crédits qui lui ont été accordés depuis quelques années. Il faut établir des liens beaucoup plus serrés avec les départements et le secteur associatif habilité.

Enfin, il importe bien entendu de s'occuper des personnels - on sait quelles sont les difficultés de recrutement. Je ne peux, à cet instant, ne pas rendre une nouvelle fois hommage à leur abnégation et à leur dévouement.

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois invite le Sénat à adopter les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Enfin, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, c'est un euphémisme que de dire que la politique que vous menez ne suscite ni l'enthousiasme ni l'assentiment des avocats, des magistrats et des personnels relevant de votre ministère. Vous voyez que je m'exprime de manière très mesurée. En réalité, ces professionnels, inquiets, désapprouvent votre politique. Il y a beaucoup d'incompréhension et une dépêche de l'Agence France-Presse diffusée hier fait état d'une « vague profonde de révolte ». Notre collègue Robert Badinter a déclaré qu'il ne se souvenait pas avoir vu autant d'inquiétude, d'amertume, d'anxiété.

Telle est la situation, madame la ministre, et vous comprendrez que, au moment où nous abordons la discussion de votre projet de budget, je ne puisse passer sous silence cet événement majeur que constituent cette incompréhension, cette colère qui se sont encore manifestées hier. Je tenais à vous dire, et ce pourrait être là mon seul message, qu'il faudrait écouter ces professionnels, ouvrir le dialogue, considérer que tout peut être revu, mais ne pas agir d'une manière qui leur donne le sentiment qu'ils ne sont pas compris, ni même entendus.

J'évoquerai maintenant, bien sûr, la question de la carte judiciaire, qui suscite beaucoup d'inquiétude dans toute la France.

Tout d'abord, je trouve profondément anormal que le Parlement n'ait jamais été saisi de ce sujet, pourtant important. Je me permets de suggérer ici la création d'une commission d'enquête parlementaire sur ce thème, qui serait particulièrement opportune dans ces circonstances.

Par ailleurs, ce que nous constatons sur le terrain, dans nos départements, dans nos régions, c'est qu'il s'agit non pas d'une réforme, mais d'un plan de fermeture de tribunaux. Nous ne sommes pas pour le statu quo, nous pensons que des modifications doivent intervenir, mais il aurait fallu d'abord recenser les besoins, définir des orientations, dialoguer avec les personnels, les élus concernés pour bâtir une nouvelle organisation des tribunaux de ce pays.

Au lieu de cela, vous êtes allée, semaine après semaine, annoncer des fermetures de tribunaux. Comment voulez-vous qu'une telle méthode soit féconde, soit comprise, soit positive ?

Enfin, je soulèverai une contradiction : alors que l'on nous a beaucoup parlé, au cours des années précédentes, de justice de proximité - vous connaissez nos réserves à l'égard de l'instauration des juges de proximité -, comment expliquer que l'on porte aujourd'hui atteinte, dans une telle mesure, à la proximité de la justice ?

Je citerai d'ailleurs, à cet instant, le rapport de M. du Luart : « La réforme engagée de la carte judiciaire répond à une exigence d'efficacité, mais elle doit se concilier avec le souci de ne pas éloigner la justice du justiciable. »

Je pense, mon cher collègue, que l'on devrait faire connaître votre rapport dans un certain nombre de communes de ce pays !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il a été assez largement diffusé !

M. Jean-Pierre Sueur. Si vous le permettez, je lui fais une publicité complémentaire !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je vous remercie, mais je ne touche pas de droits d'auteur ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. En tout état de cause, je trouve que vous dites tout en peu de mots, comme le recommandait Boileau.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Merci !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai entendu, dans mon département du Loiret, que l'on allait remplacer les tribunaux d'instance qui auront été fermés par des maisons de la justice et du droit. Là encore, je n'ai pas de désaccord de principe avec vous, madame la ministre, sur l'installation de ces maisons. Il en existe une dans la ville où je réside, Orléans, qui accomplit un remarquable travail.

Seulement, on nous a aussitôt indiqué que ces maisons de la justice et du droit ne fonctionneront pas forcément avec un greffier, parce que l'on manque de ces personnels. Attention ! Si vous supprimez des tribunaux d'instance pour les remplacer par des maisons de la justice et du droit dépourvues de personnels formés, vous risquez de ne pas répondre aux attentes de nos concitoyens et de les duper.

Pour ce qui est du coût de votre réforme, je relève qu'il y a tout de même un certain flottement. Madame la ministre, vous avez déclaré, sur Radio Monte-Carlo, qu'elle coûterait 500 millions d'euros.

Ensuite sont apparus deux documents de la direction des services judiciaires, qui à ma connaissance dépend de votre ministère et selon lesquels le coût de la réforme était estimé, à la fin de septembre, à 247,6 millions d'euros pour les suppressions de tribunaux de grande instance et à 657,8 millions d'euros pour les suppressions de tribunaux d'instance, de conseils de prud'hommes et de tribunaux de commerce.

Enfin, un communiqué de la Chancellerie, qui relève également de votre autorité, madame la ministre, conteste les chiffres de la direction des services judiciaires.

Vous admettrez que ces flottements sont la marque même de l'improvisation qui caractérise votre démarche !

Pour ce qui est du projet de franchise relatif à l'aide juridictionnelle, je tiens à redire le désaccord total de notre groupe avec cette mesure. Après la franchise sur les dépenses de soins, qui impose aux malades de financer l'assurance maladie, voilà que surgit cette idée nouvelle de faire financer par les victimes l'aide juridictionnelle, ou du moins une partie de celle-ci. Nous sommes en complet désaccord, je le répète, avec cette idée de franchise, qui fait fi de la solidarité.

Après la réforme de la carte judiciaire et la franchise concernant l'aide juridictionnelle, le troisième thème que j'aborderai est celui des personnels.

Le programme « Justice judiciaire » prévoit 29 349 équivalents temps plein travaillé pour 2008, contre 30 301 en 2007. Ces chiffres reflètent donc une diminution des moyens humains.

M. Jean-Paul Garraud, député, explique dans un rapport pour avis que j'ai lu que, derrière cette baisse, se cache en réalité une progression de 389 emplois en ETPT, équivalent temps plein travaillé. Si le plafond d'emplois autorisés pour 2007 a été fixé à 30 301, il a été ramené à 28 960 pour 2007, 1341 postes n'ayant pas été « consommés ». La terminologie en vigueur me semble quelque peu bizarre : que peut donc bien signifier l'expression « consommation de postes » ?

Compte tenu du manque de personnel dans la justice judiciaire et de la mise en oeuvre des différentes lois votées récemment, on comprend mal cette absence de consommation de postes sur laquelle je souhaite vous interroger. Madame la ministre, quelles garanties pourriez-vous nous fournir de votre engagement à « consommer » effectivement les postes, c'est-à-dire à les pourvoir physiquement, durant l'année 2008 ? De même, il m'est difficile de comprendre que la diminution optique du nombre de postes se traduise en réalité par une augmentation.

Par ailleurs, on ne peut que déplorer la dégradation du ratio entre le nombre de magistrats et celui de fonctionnaires des services judiciaires. Ce ratio est passé de 2,85 en 1997 à 2,53 en 2007 ...

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est 2,57 !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a qu'un écart de 0,04 % entre nos deux chiffres, ce n'est pas vraiment un problème !

Mme Dati a déclaré devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Sans greffier, aucun magistrat ne peut prendre de décision. »

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur. Le temps qui vous est imparti est écoulé.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame le garde des sceaux, je voulais aussi vous interroger sur vos intentions concernant le nombre de greffiers.

Je terminerai, monsieur le président, en m'étonnant que les alternatives à la détention soient en régression. Depuis trois mois, le placement sous surveillance électronique a diminué de 13 % et, depuis cinq mois, le placement à l'extérieur sans hébergement pénitentiaire a baissé de 17 %.

M. Tournier, directeur de recherches au CNRS, dans de récents travaux sur la libération conditionnelle, évoqués, à juste titre, par M. Jean-René Lecerf, dans son rapport pour avis, relève que le taux de recondamnation est plus faible pour les condamnés ayant bénéficié d'une libération conditionnelle que pour ceux libérés à la fin de leur peine.

Cela montre bien que la libération conditionnelle a des effets très positifs. Nous ne pouvons donc que nous inquiéter de voir que le nombre de ces libérations régresse.

Par ailleurs, M. du Luart, dans son rapport, souligne que « à supposer que le nombre de détenus reste au niveau actuel et que les prévisions en matière de création de places de détention soient respectées, le nombre de places en prison ne pourra pas égaler à terme le nombre de personnes détenues ».

C'est bien la preuve que la question des alternatives à l'incarcération est centrale. Votre budget n'y répond malheureusement pas.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, vous ne vous étonnerez pas que notre groupe ne puisse voter votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume, nous pouvons pour cet exercice saluer un budget de la justice en très forte progression. Les crédits de la mission « Justice » se trouvent ainsi augmentés de 4,5 % par rapport à 2007, soit la plus forte croissance après celle d'un autre secteur emblématique, l'enseignement et de la recherche.

Une telle progression est considérable au regard de la croissance globale du budget de l'État pour 2008 qui s'élève à 1,6 % ; nous devons vous féliciter, madame le garde des sceaux, d'avoir réalisé une promesse du Président de la République, alors candidat.

Ce chiffre est surtout la traduction du caractère prioritaire de la politique menée par le Gouvernement en matière de justice. Longtemps parent pauvre des ministères régaliens, le ministère de la justice est désormais traité en fonction de la place centrale donnée aux politiques judiciaires et pénitentiaires dans la mise en oeuvre d'un État de droit moderne, où le droit n'est pas simplement l'affaire de professionnels qui monopolisent et filtrent les rapports entre l'État et le citoyen, mais le cadre dans lequel le citoyen, et pas seulement le justiciable, défend ses droits et respecte ses devoirs.

S'agissant tout d'abord de l'impératif d'assurer une meilleure efficacité de la justice, le projet de loi de finances envisage une augmentation d'effectifs des magistrats et des greffiers des juridictions. Face à une diminution globale du nombre de fonctionnaires de l'État, ce choix de pourvoir 187 postes de magistrats, et autant pour les greffiers, démontre une nouvelle fois que, dans l'esprit du Président de la République et de la majorité, la nécessaire sortie de la société française de l'enfermement bureaucratique n'est pas incompatible, au contraire, avec un renforcement de l'État dans ses missions essentielles qui doivent demeurer les siennes.

Par ailleurs, une augmentation des crédits des frais de justice est envisagée ; elle aura pour objet d'améliorer la qualité des services rendus au justiciable.

Ensuite, en ce qui concerne la sécurité des tribunaux, le dispositif de surveillance se trouvera renforcé, comme vous vous y étiez engagée à Metz, madame le garde des sceaux, à la suite de l'agression d'un magistrat. En effet, le projet de budget pour 2008 prévoit l'affectation de 39 millions d'euros à cette action contre 15 millions d'euros en 2007.

Quant à l'administration pénitentiaire, les crédits qui lui sont alloués connaissent une très forte augmentation de 6,4 %. Le programme « Administration pénitentiaire » représente par ailleurs 36,6 % de la mission « Justice ». Cette importante progression permettra la création de 842 emplois supplémentaires en ETPT pour l'ouverture de sept nouveaux établissements pénitentiaires, dont trois pour les mineurs. Par ailleurs, la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 avait prévu la création de 13 200 nouvelles places.

Ce budget est dans la continuité de l'effort particulier engagé pour la création de postes au sein du service pénitentiaire d'insertion et de probation. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car ce service joue un rôle primordial au sein de la prison en assurant le contrôle et le suivi des peines exécutées en milieux ouvert et fermé et parce qu'il favorise également la réinsertion sociale des détenus.

En ce qui concerne l'état de notre parc pénitentiaire, qui est encore indigne d'une démocratie moderne comme la nôtre, nous ne pouvons qu'encourager la poursuite de la rénovation des grands établissements pénitentiaires.

S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, dont la mission essentielle est la prise en charge et l'accompagnement éducatif sur décision judiciaire des mineurs et des jeunes majeurs, les crédits de paiement ont un taux de croissance équivalent à celui des dépenses de l'État.

Le choix qui a été fait par le Gouvernement est de donner des moyens supplémentaires à l'ouverture d'établissements pénitentiaires pour mineurs et de centres éducatifs fermés, et de créer une centaine de nouveaux postes. Madame le garde des sceaux, permettez-moi de regretter que les moyens financiers alloués à ce programme soient inadéquats au regard de l'augmentation des réponses pénales apportées à la délinquance juvénile.

Enfin, en ce qui concerne l'accessibilité de la justice, la refonte de la carte judiciaire, dont le coût s'élève à 1,5 million d'euros pour l'exercice 2008, marque une étape décisive. Ainsi, l'installation des pôles de l'instruction, le regroupement des conseils prud'homaux en 2008, suivis de la nouvelle répartition des tribunaux d'instance et de commerce en 2009 et la nouvelle carte des tribunaux de grande instance en 2010, permettront d'adapter enfin l'implantation des tribunaux aux réalités d'une société urbaine tout en rationalisant le travail judiciaire par une meilleure mutualisation de ses services et de son personnel. Nous l'approuvons totalement.

Dans cet esprit, il serait cependant utile que la carte judiciaire comprenne un quatrième volet qui étendrait l'implantation des maisons de la justice et du droit, actuellement au nombre de 123, sur l'ensemble du territoire en prenant comme référence les intercommunalités.

Ces structures qui ont été créées dans le Val d'Oise, en 1990, sur l'initiative de M. Moinard, à l'époque procureur de la République, et que j'ai moi-même contribué à installer sur le territoire de mon intercommunalité, sont des instruments particulièrement efficaces dans le rapprochement de la justice et du citoyen.

En conclusion, le groupe de l'UMP du Sénat est fier de vous apporter son soutien et votera sans hésitation ce projet de budget ambitieux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Tout d'abord, je tiens à remercier Mme Borvo Cohen-Seat d'avoir bien voulu me laisser sa place en cet instant.

Le budget de la mission « Justice » connaît maintenant depuis plusieurs années - cette tendance ayant été amorcée du temps de votre prédécesseur - un taux de croissance significatif. Je tiens à saluer ce bon budget.

Petit à petit, la justice sort du premier de ses problèmes, le manque de moyens, pour aborder la question plus profonde, dont les aspects sont multiples, de sa rénovation et de sa réorganisation. Madame le garde des sceaux, je vous félicite de vous attaquer à cette vaste tâche avec une résolution à laquelle tout le monde rend hommage.

Le préalable absolu de cette réorganisation de la justice est la réforme de la carte judiciaire. Nous en sommes conscients depuis longtemps, puisque nous avions déjà soulevé ce problème il y a dix ans dans un rapport que j'avais rédigé avec M. Jolibois, au nom de la commission des lois. À l'époque, nous avions souligné que rien ne pouvait être entrepris pour réorganiser notre système judiciaire sans une révision préalable de la carte judiciaire.

Cette révision est nécessaire pour deux raisons, qui sont aussi évidentes l'une que l'autre.

Première raison, notre carte judiciaire, qui est un héritage non pas d'un demi-siècle, mais bien de l'Ancien Régime, voire pratiquement des anciens baillages, ne correspond plus du tout aux nécessités actuelles et à la géographie réelle des contentieux.

Je demande régulièrement que l'on publie la carte des juridictions et les volumes de contentieux pour chacune de ces juridictions. On pourrait y ajouter la carte des villes moyennes ou importantes qui ont un nombre d'affaires très important, mais qui n'ont jamais eu de TGI.

J'évoquais avec M. Philippe Nogrix l'exemple de la ville d'Avranches, où j'ai été élevé, qui avait un TGI pour 7 000 habitants alors qu'à Fougères, où il y avait trois fois plus d'habitants et donc d'activité, il y avait simplement un tribunal d'instance.

La situation était donc très inégalitaire. Nous ne parlons que des communes qui perdent des juridictions sans évoquer celles qui n'en ont jamais eu et qui donc n'ont pas l'occasion de pleurer sur ce qu'elles perdent ! Quelle maigre consolation !

Ce n'est pas la différence entre les situations qui soit choquante en elle-même, puisqu'elle est bien souvent utile. Ce qui est un mal, c'est l'insuffisant volume d'activité de certaines juridictions et la surcharge de certaines autres. Le mal le plus grave, c'est que la charge de travail puisse varier considérablement. À l'époque où nous avons mené notre enquête - je ne pense pas que la situation ait beaucoup changé -, le rapport était de 1 à 5, d'autant que cette disparité en engendre d'autres, notamment en termes de délais de traitement des contentieux.

Lors de cette mission, nous avions rencontré le président du TGI de Meaux qui avait moitié plus d'affaires à traiter que le tribunal de Nancy avec moitié moins de chambres. Il ne pouvait pas ne pas souffrir de cette situation inéquitable et véritablement absurde.

Quant à la seconde raison, nous l'évoquions déjà dans notre rapport il y a dix ans, elle a depuis pris de l'ampleur. Il s'agit de la nécessité de créer des équipes spécialisées, performantes, car notre droit est beaucoup plus sophistiqué qu'il ne l'était auparavant.

Ayant connu la justice et les tribunaux à une autre époque, ce n'est pas sans regret que je vois disparaître les charmes de ce monde d'autrefois.

Nous devons voir les choses en face, car nous sommes aujourd'hui dans un monde nouveau qui se caractérise par des éléments très différents, comme la concentration urbaine, le développement du contentieux de masse, la sophistication du droit, la nouvelle culture des magistrats actuels, qui ont absolument besoin de travailler dans des équipes, et la diversification des modes de traitement.

Pour faire face à cette différence, il faut, c'est certain, restructurer notre appareil judiciaire. Il faut le repenser en profondeur et adopter de nouveaux modes de fonctionnement.

Cette démarche soulève naturellement un certain nombre de questions.

Je dois dire que je supporte mal la protestation des villes moyennes contre la perte de leur tribunal. Je rappelle en effet que de nombreuses villes moyennes, et même parfois de taille plus importante, n'ont jamais eu de tribunaux. Ce fait assez singulier mérite d'être constaté.

Par ailleurs, les temps ont changé : le tribunal d'une ville moyenne ne joue plus le rôle d'animation culturelle et sociale - c'était un milieu humain plein de vitalité - que nous lui avons connu.

Ainsi, la moitié des magistrats ne résident pas dans la ville où ils rendent la justice. Ils résident ailleurs ! Et ceux qui y résident ne sont que très peu liés à la vie locale. M. du Luart sait cela mieux que moi.

C'est à la décentralisation que nous devons aujourd'hui l'animation des villes moyennes. Elle est source de nombreuses activités, de prises de responsabilités, de potentialités. Cela dépasse de beaucoup ce que les tribunaux pouvaient apporter à ces villes, et qu'ils ne leur apportent plus de toute façon aujourd'hui.

On avance l'argument de la proximité, mais c'est un peu la tarte à la crème, enfin ! On ne se rend tout de même pas au tribunal comme on se rend au bureau de poste, ...

Mme Gisèle Printz. Il n'y a plus de bureaux de poste !

M. Pierre Fauchon. ... à l'école ou au marché ! Dieu merci, on y va tout de même moins fréquemment. Il y a même des gens qui n'y vont jamais de toute leur vie. Grand bien leur fasse, car il faut se garder des tribunaux : moins on les fréquente, mieux on se porte ! (Sourires.)

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Vous avez tout à fait raison !

M. Pierre Fauchon. Nous disposons aujourd'hui de modes de communication modernes, qui rendent tout plus proche. On n'est plus obligé de monter sur son cheval de bonne heure le matin pour se présenter devant une juridiction. Tout cela, c'est du passé ! Nous vivons dans le monde moderne !

Je peux vous en parler, madame la ministre, car j'ai exercé la justice dans un pays qui ne vous est pas indifférent, à savoir le Maroc. J'y ai reconstitué la justice sur le terrain, la justice de proximité. Je n'ai pas eu besoin pour cela de multiplier les juridictions. Il suffisait que la juridiction se déplace, tout simplement. Ce que l'on faisait à cette époque-là à dos de mulet ou de cheval, on le fait maintenant en voiture.

À cet égard, j'attache de l'importance à la préservation des audiences foraines, ...

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est très important !

M. Pierre Fauchon. ... car la présence physique d'une équipe de juges pendant une journée ou une demi-journée peut, d'un point de vue psychologique, être d'un très grand effet sans pour autant constituer une gêne réelle pour le fonctionnement de la justice ou représenter un coût excessif.

Par les temps qui courent, quand on ne sait pas trop quoi dire, on dit : « Ah ! Ce projet est intéressant, vous avez de bonnes raisons. Tout cela n'est pas mal, mais cela manque de concertation. » Cela manque toujours de concertation, l'argument est commode !

Disons les choses clairement : pour analyser le passé ou la situation actuelle, la concertation ne sert à rien ! Les chiffres sont là, nous les connaissons. Il n'est nul besoin de concertation pour s'apercevoir qu'un tribunal traite quatre fois plus ou moins d'affaires qu'un autre.

En revanche, la concertation a toute sa raison d'être s'agissant de la restructuration.

Pour l'avenir, il faut se garder du mythe des très grandes juridictions, comme du mythe de tout ce qui est très grand, en général. Il faut préserver un niveau moyen, où les gens se connaissent encore, où les responsables de juridiction peuvent assumer leurs responsabilités parce qu'ils connaissent leur monde.

Au-dessous de ce niveau moyen, il ne peut pas y avoir de spécialisation. On n'obtient pas l'efficacité voulue. Au-dessus de ce niveau moyen, on se retrouve avec de grandes juridictions, de vastes machines et, là où l'on pensait réaliser des économies d'échelle, on aboutit à une très grande déperdition en termes de qualité.

Madame le garde des sceaux, il faut s'attacher à trouver le bon niveau, la bonne dimension, afin de répondre aux conditions techniques actuelles. Il ne faut pas aller trop au-delà de ce niveau, sous peine de risquer une massification qui ne serait pas favorable à ce qui me paraît devoir être le point central de nos préoccupations : la restauration dans les juridictions, particulièrement de la part des chefs de juridiction et des chefs de cour, du sens de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la justice constitue, on le sait, un élément fondateur de notre République.

J'interviendrai assez brièvement et sur deux points : la carte judiciaire et les rapports entre la presse et la justice.

Je commencerai par évoquer la carte judiciaire.

Je dois vous dire, madame le garde des sceaux, que, sur ce sujet, en basse Normandie, la concertation avec les élus concernés, notamment ceux des communes de Flers et d'Argentan, sous l'égide du premier président de la cour d'appel de Caen, a été très efficace.

On ne peut pas dire - peut-être sommes-nous un cas isolé, mais nous existons, et je voulais en témoigner - que nous n'avons été ni informés ni entendus, je parle du moins de ceux des députés et sénateurs qui avaient bien voulu faire le déplacement, d'abord à la Chancellerie, puis dans les préfectures.

À titre personnel, j'ai été entendue puisque l'Orne conserve deux tribunaux de grande instance : Argentan et Alençon. Nous pouvons nous estimer très heureux de cette issue, qui n'était pas certaine, compte tenu de la faible population de notre département. Là encore, la réalité des territoires a sans doute gouverné ce maintien, et c'est très bien ainsi. Qui s'en plaindrait ?

S'agissant du reste des réformes que vous avez annoncées, j'aimerais réfléchir avec vous à une modification de la répartition des compétences entre les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance, sur le modèle de ce qui prévaut à Nouméa, par exemple.

Dans le contexte actuel, nous n'avons que deux options : conserver les tribunaux ou les supprimer. Or nous pourrions très bien imaginer d'élargir les compétences du tribunal d'instance afin de mieux « coller » aux besoins des justiciables. Nous savons en effet que les litiges familiaux et les litiges relatifs aux tutelles représentent de 60 % à 80 % du volume des contentieux.

Pour mieux comprendre le sens de ma proposition, je précise que, en matière civile, le tribunal de première instance a la plénitude des compétences dans toutes les matières qui, en France métropolitaine, relèvent du tribunal de grande instance : divorce, adoption, protection de l'enfance, délinquance des mineurs, tutelles, baux d'habitation et saisies-arrêts.

Autrement dit, madame la ministre, une modification de fond des règles de compétence permettrait une réforme beaucoup plus proche et beaucoup moins violente que celle que vous nous proposez aujourd'hui et qui consiste parfois à supprimer les tribunaux.

En basse Normandie, la concertation a abouti à ce type de proposition. J'aimerais, madame la ministre, que vous vous exprimiez sur ce point, car je pense que le Sénat pourrait mener une concertation et réaliser un travail fructueux. Vous n'avez pas manqué de nous dire, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, combien le travail du Sénat et de sa commission des lois était précieux à la réflexion générale.

S'agissant maintenant des conseils de prud'hommes, la concertation prévue par les textes est en cours, et je tiens à plaider ici une fois encore pour le maintien du conseil des prud'hommes de Flers. Aucune décision n'est encore prise, et c'est tant mieux.

Flers constitue, madame la ministre, la seule création de tribunal d'instance en basse Normandie. Elle correspond à une activité économique majeure. On n'effectuera donc aucune économie d'échelle, aucune économie de personnels ou de locaux - aucune économie d'aucune sorte ! - en transférant ce conseil de prud'hommes à Argentan.

Quant au tribunal d'Alençon, il n'est pas menacé, même si certains élus agitent des peurs qui n'ont pas lieu d'être, pour des raisons électorales liées à l'approche des élections municipales.

Madame la ministre, je vous répète donc qu'on ne peut pas supprimer le conseil des prud'hommes de Flers. Ce serait une hérésie et une décision contre-productive.

Enfin, madame la ministre, je ne veux pas manquer l'occasion qui m'est offerte de vous saisir d'un problème de société, celui des rapports entre la presse et la justice.

Je pense que nous devons engager une véritable réflexion avec tous les acteurs afin de mettre un terme aux dérives d'un journalisme sans scrupule, sans déontologie, en quête de sensationnalisme. Or les journalistes qui sont poursuivis pour diffamation devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris ne risquent qu'une amende inférieure à 10 000 euros. Je pense que ces peines ne sont pas dissuasives.

Par ailleurs, les supports internet qui irradient la galaxie ne sont absolument pas conformes à notre droit de la presse. Madame la ministre, notre droit de la presse date de 1881 !

Je pense que, dans votre oeuvre de dépoussiérage de notre justice, vous seriez bien inspirée, aujourd'hui, de vous attaquer également au droit de la presse !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais également parler de la carte judiciaire. Nous ne pouvons évidemment pas rester insensibles au fort mouvement qui s'est déroulé hier dans les départements - il sera sans doute suivi par d'autres -, même si notre collègue Pierre Fauchon a déjà apporté une réponse à toutes les interrogations, à tous les mécontentements, à la fois des professionnels et de la population !

La réforme de la carte judiciaire concerne un nombre important de juridictions : 319 au total. Il est envisagé de supprimer 23 TGI, 178 tribunaux d'instance, 55 tribunaux de commerce et 63 conseils de prud'hommes.

Ces tribunaux sont supprimés pour des raisons comptables, mais les critères de choix sont flous et fluctuent bien évidemment en fonction des mécontentements des uns et des autres, et de leur poids respectif.

Ainsi la suppression du TGI de Moulins a-t-elle été annoncée à la dernière minute au lieu de celle du TGI de Montluçon. Moulins est pourtant la préfecture de l'Allier et la suppression de son tribunal n'était pas envisagée. De même, la suppression du tribunal d'instance d'Arles - qui perdra également son tribunal de commerce - a été préférée à celle du tribunal d'instance de Tarascon. Vous le voyez, tout cela est très bien pensé !

Vous n'avez cessé, madame la ministre, de parler de concertation. En réalité, les arbitrages ont été faits de manière pour le moins obscure et arbitraire. La réforme devait être le fruit d'un travail réalisé à partir des rapports rédigés par les chefs des trente-cinq cours d'appel. Ces rapports ont été officiellement remis à la Chancellerie le 30 septembre dernier. Or un document émanant de la direction des services judiciaires montre que la liste des vingt-trois villes concernées était déjà établie le 25 septembre !

Certes, d'autres arbitrages ont ensuite été réalisés, mais à la marge, pour des raisons d'opportunité.

Personne ne trouve cette réforme satisfaisante. Rarement un tel front de mécontentement s'est manifesté ! Vous avez réussi à mobiliser les professionnels de la justice, mais aussi les populations et les élus des villes concernées.

On peut toujours dire qu'une telle mobilisation est normale, que c'est toujours ainsi, qu'elle s'explique par les corporatismes des uns et des autres. Mais que dire du corporatisme des parlementaires de la majorité ? (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame.)

Monsieur Hyest, ils sont tous en tête des manifestations pour défendre leurs tribunaux ! On les y a vus ! Ils défendent leurs tribunaux, tout comme leurs bureaux de poste et leurs hôpitaux, alors que, au Parlement, ils votent leur suppression. C'est bien connu !

Comment en est-on arrivé là ? Le point de blocage, c'est évidemment la forme, mais il y a toujours un rapport entre la forme et le fond.

Mme Isabelle Debré. Cela fait des années que nous savons qu'il faut faire cette réforme !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous dis simplement que les parlementaires et les élus de la majorité participent tous aux manifestations contre la fermeture de leurs tribunaux.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Pas partout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en tirez les conclusions que vous voulez !

Le fond et la forme finissent donc toujours par se rejoindre. Nombreux sont ceux qui plaidaient pour une réorganisation des juridictions en fonction des contentieux, souhaitaient le maintien des juridictions de proximité que sont les tribunaux d'instance et la concentration des contentieux plus complexes ou techniques nécessitant de véritables spécialités juridiques.

C'est d'ailleurs le point de vue que j'ai moi-même défendu, et ce tant dans cet hémicycle qu'à l'occasion de la dernière élection présidentielle. Au demeurant, pendant la campagne, certains membres de la majorité parlementaire, qui soutenaient alors un certain candidat, affirmaient qu'ils n'accepteraient jamais une modification de la carte judiciaire. Ils ont quelque peu changé d'avis depuis...

Madame la ministre, comme cela a été souligné à juste titre, votre réforme consiste à supprimer les juridictions de proximité, à commencer par les tribunaux d'instance, qui en sont l'illustration la plus évidente. Pourtant, nul ne peut nier que ces instances fonctionnent bien. Et si le critère de l'activité judiciaire, auquel M. le rapporteur spécial faisait référence, paraît simple a priori, il ne l'est pas dans les faits.

Mes chers collègues, nombre d'entre vous évoquent souvent, et en n'importe quelle occasion, la nécessité d'utiliser des « moyens modernes ». Honnêtement, traiter le surendettement des affaires familiales par vidéoconférence me paraît complètement surréaliste ! C'est méconnaître la situation concrète, précisément, de la justice de proximité.

En outre, cette réforme ne tient absolument pas compte de la réalité du territoire.

À cet égard, force est de constater que la question de l'aménagement du territoire n'est pas du tout prise en considération. Au nom de la réduction des dépenses publiques, la suppression de nombreux services publics autres que les tribunaux est également envisagée. À l'évidence, voilà un sujet qui mériterait au moins une réflexion d'ensemble.

Après la suppression de trésoreries, de bureaux de poste, de brigades de gendarmerie et, à présent, de tribunaux de proximité, on peut désormais s'attendre à la fermeture de sous-préfectures ou à la disparition de la moitié des brigades de gendarmerie qui existent encore. En clair, c'est la mort des services publics locaux qui est programmée !

Telle n'est pas notre vision du service public. D'ailleurs, comme la situation des territoires où ces suppressions ont déjà eu lieu en témoigne, de telles décisions ne sont pas très positives - c'est le moins que l'on puisse dire - pour le fonctionnement de notre société...

De surcroît, la réforme envisagée est particulièrement onéreuse. Certes, elle est destinée à réaliser des économies. Mais, en réalité, compte tenu de son étalement sur trois ans, elle aura un coût très élevé. En effet, elle va occasionner des dépenses liées au parc immobilier et des dépenses de nature sociale.

Madame la ministre, le 14 novembre dernier, lors de votre audition en commission, vous avez évoqué un programme immobilier portant sur un montant total de 800 millions d'euros sur six ans, hors projet relatif au tribunal de grande instance de Paris. J'ignore s'il s'agit du chiffre qu'il faudra retenir, sachant que nombre de tribunaux occupent aujourd'hui des locaux mis gratuitement à leur disposition par les collectivités locales.

Bientôt, il vous faudra acquérir ou louer de nouveaux bâtiments susceptibles de rassembler les juridictions qui auront été absorbées. À ce sujet, un emprunt est-il réellement envisagé auprès de la Caisse des dépôts et consignations ? Si c'était le cas, cela aurait évidemment un coût pour l'État.

Par ailleurs, la réforme aura également un coût élevé du point de vue des dépenses sociales. En effet, il faudra attribuer des indemnités de déménagement ou d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires qui seront mutés. Mais, il ne faut surtout pas l'oublier, ce sont les justiciables qui en subiront véritablement les conséquences financières. En effet, ils devront parcourir une plus grande distance, ce qui leur créera des frais de déplacement. Au demeurant, ce sont précisément les plus modestes de nos concitoyens qui sont concernés par les contentieux traités dans les tribunaux de proximité.

Il est inquiétant de constater, et M. le rapporteur spécial le faisait remarquer, que le coût total de la réforme ne peut pas être évalué définitivement.

Je m'interroge également sur le fait que la réforme s'accompagne de mesures coûteuses et, parfois, incohérentes. Je pense notamment aux dépenses - tout de même 20 millions d'euros - engagées pour la sécurité des tribunaux, afin d'installer des portiques de sécurité et de recruter des vigiles, et ce dans des juridictions qui vont être fermées !

Au demeurant, nous regrettons les choix qui ont été faits en termes de privatisation de la sécurité des tribunaux. Désormais, la surveillance de ces établissements sera assurée non pas par des fonctionnaires de police, mais par des vigiles travaillant pour des sociétés privées. Nous déplorons également que les mesures d'accueil du public soient, elles, totalement oubliées.

En outre, les salariés ne seront pas non plus épargnés : en décidant de supprimer 63 conseils de prud'hommes, le Gouvernement n'a pas manqué l'occasion de remettre en cause leur droit à se défendre.

Madame la ministre, il n'est pas trop tard pour abandonner votre réforme de la carte judiciaire dans sa version actuelle et pour organiser des états généraux de la justice, ainsi que le réclament de nombreux professionnels.

De surcroît, même si la réforme de la carte judiciaire relève du domaine réglementaire, la mise en oeuvre d'une réorganisation aussi importante de la justice de notre pays impliquerait à tout le moins que le Parlement soit saisi.

D'une manière plus générale, si l'augmentation des crédits de la mission « Justice », à hauteur de 4,5 %, est indiscutable, elle masque sans doute à la fois le manque de moyens dont notre système judiciaire souffre, notamment par comparaison avec les autres pays européens - d'ordinaire, vous aimez bien les prendre en modèles, madame la ministre, mes chers collègues - et certains des choix qui sont opérés dans ce budget.

Ce sont les crédits affectés au programme « Administration pénitentiaire » qui connaissent la plus forte progression, en l'occurrence 6,4 %. Mais pour quoi faire, sinon pour augmenter encore et toujours le nombre de places de prison, dans un mouvement qui n'aura évidemment jamais de fin sans toutefois permettre l'encellulement individuel du fait de l'augmentation constante de la population carcérale !

Surtout, je ne vois dans ce projet de budget aucune mesure destinée à améliorer les conditions de détention.

D'ailleurs, madame la ministre, en 2005, j'avais interpellé votre prédécesseur sur des points à la fois précis et modestes, mais qui font le quotidien des prisons, à savoir les postes de télévision dans les cellules ou le prix des produits disponibles au titre de la « cantine ». Il m'avait été répondu que la Chancellerie envisageait la gratuité des téléviseurs et s'apprêtait à mettre en place une mission chargée de réfléchir au mode d'organisation le plus efficace. J'aimerais savoir si cela fera partie des dépenses prévues dans le programme « Administration pénitentiaire ».

Par ailleurs, même si les crédits consacrés à la justice judiciaire sont en augmentation, celle-ci n'est toujours pas en capacité de faire face à sa crise actuelle. Et aux retards actuels s'ajoutent les effets des départs à la retraite, qui, tout comme l'an dernier, ne seront pas rattrapés cette année.

Les objectifs en termes de créations d'emploi de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice ne sont pas non plus atteints, puisque leur taux de réalisation est de 76 % pour les magistrats et de seulement 32,6 % pour les fonctionnaires.

S'agissant du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », la philosophie est la même que celle guidant le programme « Administration pénitentiaire ». La priorité a été accordée aux mesures d'enfermement, ce qui n'est pas nouveau, et les créations d'emplois permettront, entre autres, d'assurer le fonctionnement à pleine capacité des sept établissements pénitentiaires pour mineurs prévus par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

De tels choix sont-ils vraiment étonnants après l'adoption de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui ont instauré des peines plancher, et avant la discussion de futures lois qui auront certainement pour objet d'ajouter de nouvelles mesures d'enfermement ?

Enfin, permettez-moi d'exprimer ma très vive inquiétude s'agissant du programme « Accès au droit et à la justice », dont les crédits baissent de 2 % par rapport à la loi de finances pour 2007. Alors que la dotation consacrée à l'action « Aide juridictionnelle » avait fait l'objet d'une légère, mais néanmoins réelle, revalorisation l'an dernier, je suis au regret de constater qu'elle diminue de 2,7 % cette année.

Je suis encore plus inquiète du fait de l'annonce de l'instauration d'éventuelles « franchises juridictionnelles ». Cela a été souligné, nous sommes résolument contre la politique qui consiste à accorder toujours plus d'exonérations de charges aux plus riches et à créer toujours plus de franchises pour les plus pauvres. Cela, nous ne pouvons vraiment pas le cautionner !

Pour toutes ces raisons, je voterai, ainsi que les membres de mon groupe, contre les crédits de la mission « Justice ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la justice pour 2008 est ambitieux.

Je tenais tout d'abord à saluer M. du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, ainsi que MM. Lecerf, Détraigne et Alfonsi, rapporteurs pour avis de la commission des lois, pour la qualité de leur rapport. J'associe à mes félicitations M. Simon Sutour, également auteur d'un rapport.

Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur Portelli, ce budget témoigne de l'engagement du Gouvernement.

Engagement d'abord à l'égard des Français, qui attendent que la justice s'améliore et se modernise.

Engagement ensuite à l'égard des magistrats et des fonctionnaires du ministère de la justice, auxquels le Gouvernement a voulu donner les moyens de remplir leur mission.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, ce budget bénéficie d'une forte augmentation à la fois de ses crédits et de ses emplois.

Les crédits de la mission « Justice » sont de 6,519 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,5 %, alors que le budget de l'État ne progresse que de 1,6 %. Sont ainsi créés 1 615 emplois, qui viendront s'ajouter à ceux qui sont prévus pour le remplacement de tous les départs en retraite.

Monsieur Sueur, je vous précise que le ministère du budget a procédé à des « corrections techniques » des plafonds d'emplois de tous les ministères au printemps de l'année 2007

Dans de nombreux ministères, il y avait des emplois vacants, parfois depuis des années ; ils étaient souvent gelés. Et il n'y avait pas de crédits en face de ces postes. En réalité, de tels emplois n'existaient plus. Les plafonds d'emplois des ministères ont donc été mis à jour, et ce avant même notre arrivée.

C'est sur cette base nouvelle que s'apprécient les créations d'emplois pour 2008 pour tous les ministères.

Les 1 615 créations sont donc réelles et certaines et il suffira de constater sur le terrain qu'il y aura bien 1 615 recrutements supplémentaires.

Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j'ai engagé une importante réforme de l'institution judiciaire. Dès l'été, d'importants chantiers de modernisation ont été lancés. La Parlement y a pris toute sa part.

Je vous demande aujourd'hui de soutenir l'effort engagé. Le budget de la justice pour 2008 permettra de continuer la réforme entreprise.

Notre réforme répond à quatre objectifs. Nous voulons rendre la justice plus humaine, plus ferme, plus efficace, mais également plus ouverte.

La justice est humaine quand elle accorde de l'attention aux victimes, qui ont souvent le sentiment d'être délaissées par l'institution judiciaire. J'ai reçu la semaine dernière les représentations d'associations de femmes victimes de violences. Elles m'ont fait part des difficultés rencontrées lors du parcours judiciaire. Il ne faut pas ajouter de la souffrance à la souffrance.

La justice doit être plus à l'écoute des victimes. Nous devons mieux les accompagner tout au long de la procédure judiciaire. Nous devons garantir aux victimes que les peines prononcées seront bien exécutées. Il faut améliorer et simplifier les conditions de leur indemnisation.

Le fonctionnement actuel de la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions n'est pas satisfaisant. Les trois quarts des victimes n'y sont pas éligibles et il n'y a pas de véritable suivi de leur indemnisation. J'ai annoncé une série de mesures qui seront mises en oeuvre dès 2008.

Nous créerons un service d'assistance au recouvrement des indemnisations, afin d'aider les victimes non éligibles à cette commission, qui ne devront donc plus effectuer de démarches pour être indemnisées et n'auront aucun frais à avancer pour obtenir les dommages et intérêts auxquels elles ont droit. Elles n'auront plus de contact avec leur agresseur ou avec la personne condamnée : ce service servira d'intermédiaire entre la victime et la personne condamnée.

La Commission d'indemnisation des victimes d'infractions sera donc rendue plus accessible. Son président recevra les attributions de juge délégué aux victimes. Il pourra être saisi par toute personne ayant été victime d'une infraction ou par un avocat. Il sera en contact avec le juge de l'application des peines et le procureur de la République. Le décret sur le juge délégué aux victimes est paru au Journal officiel le 15 novembre dernier et il entrera en vigueur le 2 janvier 2008.

L'action des associations d'aide aux victimes sera plus soutenue. En 2008, les crédits qui leur sont destinés augmenteront de près de 15 %, pour atteindre 10,9 millions d'euros.

L'accès au droit est une nécessité pour tous. L'an passé, 905 000 justiciables ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. La dépense devrait atteindre 320 millions d'euros en 2007. En 2008, 327 millions d'euros seront disponibles.

Monsieur Détraigne, vous avez évoqué la question de la refonte du système de l'aide juridictionnelle. M. le rapporteur spécial a présenté un rapport sur ce sujet le 9 octobre dernier. Vous proposez tous deux de faire évoluer le dispositif. C'est une réflexion que nous pourrons mener ensemble en 2008.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, je tenais à vous rassurer au sujet du recouvrement des 8,9 millions d'euros que vous avez évoqués. À ce jour, 8,7 millions d'euros ont déjà été recouvrés au titre de l'année 2007 et nous parviendrons à faire encore mieux en 2008.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La justice est également plus humaine quand elle garantit la dignité des personnes détenues.

Cette volonté, vous l'avez exprimée. Ainsi, la loi du 30 octobre 2007 a institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, auquel vous avez accordé hier 2,5 millions d'euros de crédits.

Le projet de loi pénitentiaire redéfinira le rôle des prisons. Il améliorera les conditions de prise en charge des détenus. Le 19 novembre dernier, le comité d'orientation restreint m'a remis sont rapport définitif, qui comporte 120 propositions.

Certaines concernent le régime de l'incarcération, ainsi que les droits et devoirs des détenus. Les autres s'attachent à améliorer les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire. Elles sont actuellement examinées par les services du ministère.

Un projet de loi est en cours d'élaboration. Je souhaite que vous puissiez l'examiner au cours du premier semestre de l'année 2008.

J'ai entendu les remarques de M. Lecerf sur les limites de la prise en charge psychiatrique dans les prisons. Nous examinerons ce sujet dans le cadre de la future loi pénitentiaire.

Pour répondre à votre question, monsieur Détraigne, cette réforme s'appuiera sur une étude d'impact. Vous avez raison de le rappeler, la mise en oeuvre des lois doit se faire dans de meilleures conditions. Il nous faut plus systématiquement réaliser des études d'impact.

Dans le projet de budget pour 2008, il est prévu la création de 1 100 postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire. C'est un effort tout à fait significatif. Il s'accompagne d'un renforcement de la sécurité des personnels. J'ai signé, le 12 septembre dernier, une convention avec les représentants des exploitants d'hélicoptères. Ce partenariat devrait permettre de réduire le nombre d'évasions par voie aérienne. Parallèlement, des travaux de sécurisation continueront à être réalisés dans les établissements pénitentiaires.

Je précise, s'agissant de ces créations de poste, que l'administration pénitentiaire comprend non seulement le personnel affecté aux établissements pénitentiaires, autrement dit les surveillants, mais aussi les services d'insertion et de probation.

Il n'est pas prévu de transférer à la justice les missions d'escorte et de garde des détenus dans les hôpitaux. Le Président de la République l'a indiqué hier devant les forces de police et de gendarmerie. Ces missions font peser des charges importantes sur ces services, il faut en avoir conscience et tout faire pour les alléger. Une véritable réflexion doit être conduite. Je pense, par exemple, au recours à la visioconférence. Cette technologie limite les déplacements et les escortes. Ce n'est que l'une des pistes qui sont actuellement examinées.

En 2008, sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes. Trois d'entre eux seront des établissements pour mineurs.

M. Lecerf a appelé mon attention sur la nécessité de préserver des crédits d'entretien pour l'administration pénitentiaire. Je fais mienne cette préoccupation, tout en notant que cela n'a pas toujours été une priorité. C'est souvent, en effet, l'un des premiers postes budgétaires sacrifiés, mais les choses sont en train de changer. Entre 2003 et 2006, la moyenne des crédits d'entretien a été deux fois et demie supérieure à celle de la période 1999-2002. Ce n'est pas suffisant, mais l'effort sera poursuivi.

Monsieur Alfonsi, compte tenu de l'ouverture de ces établissements, vous m'avez interrogée sur l'opportunité de fermer davantage de quartiers pour mineurs. Dans un premier temps, il est nécessaire de conserver ces quartiers pour mineurs afin d'assurer un maillage territorial. Il est également important que les mineurs puissent rester proches de leurs familles ; c'est aussi un facteur de réinsertion.

Créer des places en détention ne réglera pas tout, vous avez raison de le rappeler. Nous devons mettre en oeuvre une politique ambitieuse d'aménagement des peines. C'est un outil qui facilite la réinsertion et qui limite la récidive.

À l'heure actuelle, seulement 10 % des personnes condamnées bénéficient d'un aménagement de peine. Ce n'est pas suffisant. Le décret que j'ai pris le 16 novembre dernier permet d'aller beaucoup plus loin. Il facilite les aménagements de peine et assouplit le régime des permissions de sortir pour favoriser les démarches de logement et d'emploi. Désormais, le juge de l'application des peines pourra déléguer à l'administration pénitentiaire les permissions de sortir, par exemple pour un rendez-vous à l'ANPE ou à la mission locale. Il ne sera plus nécessaire d'attendre une audience avec le juge.

Aujourd'hui, 2 307 personnes sont placées sous bracelet électronique, 1 724 personnes sont en semi-liberté et 800 personnes en placements extérieurs.

L'effort pour développer les aménagements de peine se poursuivra en 2008. Le budget du ministère de la justice consacrera 5,4 millions d'euros au financement des bracelets électroniques, fixes ou mobiles ; 3 000 bracelets seront donc disponibles dès 2008.

Comme M. Lecerf, je souhaite développer la libération conditionnelle. Au cours du premier semestre de l'année 2007, je le dis notamment à l'intention de M. Sueur, le nombre de libérations conditionnelles a augmenté de 6 %.

Le taux d'aménagement des peines a donc augmenté de plus de 38 % en un an, ce qui est sans précédent.

Enfin, 1 million d'euros sera destiné au financement des associations qui accueillent des détenus et les accompagnent tout au long de leur aménagement de peine. En leur offrant un logement et un travail, elles augmentent considérablement les chances de réinsertion.

C'est par ces moyens que la justice deviendra plus humaine pour nos concitoyens.

La justice doit également veiller à la sécurité des Français, c'est même sa mission essentielle. Elle doit faire preuve d'autorité et de réactivité quand la situation l'impose.

Mardi dernier, à la suite des événements survenus dans le Val-d'Oise, j'ai demandé aux procureurs de la République de faire preuve de fermeté. Quarante-deux personnes impliquées dans des faits de violences et de dégradations ont déjà été déférées ; vingt et une personnes ont été jugées en comparution immédiate et treize peines d'emprisonnement ferme avec mandat de dépôt à l'audience ont été prononcées.

J'ai également demandé aux parquets d'assurer une information complète et immédiate des victimes. Il est nécessaire de les informer sur leurs droits et sur les suites judiciaires données.

Ces violences ne sont pas acceptables et la justice doit y répondre fermement.

Cette fermeté, nous l'avons manifestée aussi dans la lutte contre la récidive. Vous avez voté la loi du 10 août 2007. Sur son fondement, près de 2 500 décisions ont été rendues à ce jour. Cette loi respecte le pouvoir d'appréciation des juges et le principe d'individualisation des peines. Il n'y a pas d'automaticité de la sanction pénale, il y a seulement la volonté de sanctionner plus sévèrement et plus systématiquement ceux qui multiplient des actes de délinquance.

Chacun est responsable de ses actes. C'est aussi vrai pour les mineurs. J'ai posé un principe clair : « une infraction, une réponse. ». Il ne faut pas que la délinquance des mineurs s'installe. Les mineurs ne doivent pas avoir le sentiment d'être à l'abri de la justice. Entre les mois de juillet et d'octobre, les jugements de mineurs sur présentation immédiate ont augmenté de 30 %.

Le projet de budget améliore la prise en charge des mineurs délinquants. Elle sera plus rapide et plus efficace.

Les centres éducatifs fermés sont une réponse adaptée. Il est vrai, monsieur du Luart, qu'ils ont un coût, mais celui-ci ne tardera pas à se stabiliser. Il convient également de prendre en compte les résultats de ce dispositif : 61 % des mineurs qui en sortent ne récidivent pas. Les centres fermés permettent aux mineurs de réfléchir aux actes qu'ils ont commis. Ils leur donnent la possibilité de suivre un programme scolaire ou d'effectuer une formation. Ils offrent aux jeunes une nouvelle chance. Ils leur donnent les moyens d'affronter plus sereinement l'avenir.

Ainsi, dix nouveaux centres éducatifs fermés ouvriront en 2008. Nous en aurons donc au total quarante-trois d'ici à la fin de l'année 2008.

Par ailleurs, cinq centres à dimension pédopsychiatrique seront également opérationnels. Ils permettront de renforcer l'accompagnement des mineurs en difficultés. Ils ont vocation à accueillir des jeunes de toute la France, monsieur Alfonsi, pour une prise en charge adaptée.

La protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de 100 emplois supplémentaires en 2008. Ils seront destinés à l'encadrement des centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs. Ils contribueront à améliorer le travail éducatif et à diversifier les prises en charges. C'est un point extrêmement important.

Pour les personnels comme pour les justiciables, nous renforçons la sécurité des palais de justice. Nous avons tous en tête les drames de Metz et de Laon du mois de juin dernier. Ils ne doivent pas se reproduire. Cet été, j'ai débloqué 20 millions d'euros de crédits qui avaient été gelés. Grâce au plan de sécurisation, 209 juridictions ont maintenant un portique de sécurité et 92 % des équipes de surveillance sont aujourd'hui en place. L'effort sera poursuivi en 2008 ; nous y consacrerons 39 millions d'euros.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez déploré la privatisation de la sécurité. Je vous rappelle qu'une partie de cette surveillance est assurée par les réservistes de l'administration pénitentiaire.

Les chefs de cour et de juridiction jouent un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de ce plan. Vous avez souhaité, monsieur Détraigne, leur donner davantage d'autonomie dans la gestion de leurs crédits. Cela a été le cas pour la sécurisation des juridictions. Les chefs de cour et de juridiction disposent donc d'une marge de manoeuvre. Ils peuvent l'estimer insuffisante, mais nous ne sommes qu'au début de l'application de la LOLF.

Pour protéger les Français, il est également essentiel de prévoir des mesures de sûreté contre les pédophiles et les délinquants dangereux en fin de peine.

C'est l'objet du projet de loi que j'ai présenté mercredi en conseil des ministres. Il concerne les personnes qui, condamnées à au moins quinze ans de réclusion pour des crimes commis sur des mineurs, sont toujours reconnues comme dangereuses en fin de peine. Elles pourront être placées dans des centres fermés, où elles bénéficieront d'une prise en charge médicale. Le bien-fondé du placement sera réexaminé chaque année.

Le second volet de ce projet de loi concerne les irresponsables pénaux pour troubles mentaux. Il s'agit de mieux prendre en compte les victimes. La procédure judiciaire ne s'achèvera plus par un « non-lieu ». Ce terme est mal vécu par les familles des victimes. Il donne l'impression que les faits n'ont jamais eu lieu. Désormais, une audience publique sera tenue si les victimes le souhaitent. Les juges pourront ordonner des mesures de sûreté, comme l'interdiction de rencontrer les victimes.

Ce projet de loi est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale du 18 décembre prochain.

Comme vous l'avez souligné, monsieur du Luart, la justice est en pleine mutation et ses principes fondamentaux évoluent pour mieux s'adapter aux attentes de notre société. La justice doit gagner en fermeté, mais aussi en efficacité. Pour cela, nous devons moderniser l'organisation territoriale de la justice.

Le Parlement a voté la loi du 5 mars 2007 instaurant la collégialité de l'instruction. La collégialité est une réponse au drame d'Outreau. Cette affaire a montré que la solitude du juge pouvait être dangereuse. Il faut que les magistrats puissent échanger entre eux et que les plus expérimentés puissent conseiller ceux qui prennent leurs fonctions.

C'est pourquoi la loi du 5 mars 2007 a prévu en son article 6 que, « dans certains tribunaux de grande instance, les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction ». Le Parlement a confié au Gouvernement le soin de fixer par décret la liste des tribunaux concernés.

Il ne peut pas y avoir de pôle de l'instruction dans tous les départements, c'est la loi qui l'indique. Ces pôles seront installés dans les tribunaux de grande instance ayant une activité suffisante pour trois juges d'instruction, ce qui suppose nécessairement une réflexion territoriale. Nous avons recherché un équilibre pour chaque région.

Notre carte judiciaire date de 1958, elle n'a donc pas été modifiée depuis cinquante ans. Chacun connaît les difficultés de fonctionnement qu'elle engendre. Chacun comprend que l'on ne peut pas continuer à disperser nos moyens au sein de 1 200 juridictions, sur 800 sites. Cette réforme est une nécessité, comme l'a très justement souligné M. Pierre Fauchon, dont j'ai beaucoup apprécié la démonstration.

La nouvelle carte judiciaire dessine une justice renforcée, dans l'intérêt des justiciables. J'ai entendu vos interrogations, monsieur Détraigne, madame Borvo Cohen-Seat, et je puis vous assurer que la future implantation des tribunaux correspondra aux réalités démographiques, sociales et économiques de notre territoire. Elle améliorera la qualité et l'efficacité de la réponse judiciaire, comme l'attendent les Français.

La réforme de la carte judiciaire n'a été ni mécanique, ni partisane, ni comptable.

Pour les tribunaux de grande instance, nous avons recherché les meilleurs équilibres locaux. Un tiers des départements en métropole continueront à compter au moins deux tribunaux de grande instance.

Par ailleurs, 176 tribunaux d'instance sur 462 seront regroupés, soit 38 % d'entre eux. Nous n'avons pas créé de « désert judiciaire » puisque nous ne supprimons aucun poste : nous en regroupons et nous en créons.

La proximité de 2007 ne correspond pas à la proximité de 1958.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Bien sûr !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Aujourd'hui, ce n'est plus la proximité physique du tribunal qui importe, c'est la qualité de la justice rendue.

M. Philippe Nogrix. C'est vrai !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, vous indiquiez que les affaires familiales étaient des contentieux de proximité, mais celles-ci relèvent de la compétence des tribunaux de grande d'instance, et non pas des tribunaux d'instance. Il importe de le rappeler.

Justement, les tribunaux d'instance renforcés que nous créons auront dans leurs compétences les affaires familiales. Il faut donc dire la vérité aux Français : les contentieux jugés par les tribunaux d'instance ne correspondent pas forcément à la justice de proximité de 2007.

Nous allons expérimenter, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, les audiences foraines pour les affaires familiales, que ce soit dans une maison de justice et du droit ou dans un tribunal d'instance renforcé.

Par conséquent, s'agissant de la justice de proximité dont les Français ont besoin, que ce soit pour les affaires familiales ou pour les contentieux dits « civils », les contentieux seront traités par le tribunal d'instance renforcé ou au sein d'une maison de justice et du droit.

Monsieur Sueur, la proximité, c'est la satisfaction rapide du besoin de justice. Et M. Fauchon a raison de souligner que l'on ne va pas au tribunal comme au bureau de poste ou à l'hôpital.

Il convient de faire la différence entre l'accès au droit et l'accès au juge.

M. Jean-Pierre Sueur. Cent kilomètres, c'est tout de même une longue distance !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, en matière pénale, on vient généralement vous chercher. En matière civile, nous maintenons la proximité : le contentieux est traité au sein d'une maison de justice et du droit, d'un tribunal d'instance renforcé ou d'un tribunal d'instance regroupé. Pour les contentieux dits de proximité ou civils, je l'affirme à cette tribune, le justiciable n'aura pas à faire les kilomètres que vous indiquez.

M. Jean-Pierre Sueur. La victime, on ne vient pas la chercher !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Au pénal, comme vous le savez, la victime est prise en charge par la justice quand elle est amenée à se déplacer.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement visant à développer la politique de l'accès au droit en tenant compte des contraintes géographiques.

C'est pourquoi, je tiens à le dire une fois encore à cette tribune, le service public de la justice de proximité ne sera pas supprimé. Il faut dire la vérité aux Français. Nous les écoutons, et ils souhaitent une justice de qualité, rapide et lisible. Quand une décision de justice est rendue, ils souhaitent la comprendre.

Quand, dans une centaine de tribunaux d'instance, il n'y a pas de magistrats, pas de greffiers, pas de fonctionnaires, il faut expliquer aux Français concernés pourquoi ils n'ont pas accès à la justice de la même manière que sur une autre partie du territoire.

Il est donc important de renforcer la présence de la justice sur tout le territoire, pour des raisons d'égalité d'accès, mais aussi pour des raisons pratiques.

En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, quand il n'y a qu'un seul juge d'instance dans un tribunal et que celui-ci est appelé à prendre ses congés, part en formation ou, tout simplement, tombe malade, le tribunal d'instance ne peut plus fonctionner. Or il est important d'assurer la continuité du service public de la justice. C'est dans cette optique que nous procédons à des regroupements, à des renforcements et à une augmentation des moyens.

M. Jean-Pierre Sueur. Bref, tout le monde est content !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Mme la garde des sceaux vous aura au moins convaincu, monsieur Sueur !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les tribunaux de commerce, 55 ont été regroupés sur 185, soit 30 %. Le transfert des compétences commerciales des tribunaux de grande instance aux tribunaux de commerce nous conduit à créer 56 nouvelles juridictions commerciales.

J'ai entendu que nous n'aurions pas tenu compte des réalités du territoire. Vous constatez que nous avons créé de nombreuses juridictions non seulement civiles, mais également commerciales.

S'agissant des conseils de prud'hommes, le code du travail prévoit une consultation spécifique. Un avis du ministère du travail est paru au Journal officiel du 22 novembre. Les collectivités, les organismes syndicaux et professionnels ont un délai de trois mois pour faire connaître leurs observations aux préfets de département.

Madame Goulet, le conseil des prud'hommes de Flers a traité à peine une centaine d'affaires cette année - cent seize, je crois -, pour trente-deux conseillers prud'homaux...

Mme Isabelle Debré. Cela coûte cher !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Comme vous le voyez, il est important de regrouper les moyens de la justice afin qu'elle soit plus efficace.

Je souligne que le regroupement des conseils de prud'hommes n'a pas diminué le nombre de conseillers prud'homaux. Ainsi, les délais sur ces contentieux extrêmement importants pourront être réduits.

Monsieur Sueur, vous avez relevé que cette réforme suscitait des inquiétudes. Je les entends et je les comprends.

Quand une organisation n'a pas changé depuis plus de cinquante ans, voire, comme l'a rappelé M. Fauchon, depuis l'Ancien Régime, sa réforme peut susciter des inquiétudes et quelques mouvements de protestations. Après tout, c'est un signe de bonne santé démocratique !

Il faut tout de même relativiser ces inquiétudes. Hier, les « grévistes » étaient moins de 20 %, nombre « sans précédent », pour reprendre les termes de M. Badinter. Je rappelle qu'ils avaient été 44 %, en 2000, contre la loi relative à la présomption d'innocence présentée par Élisabeth Guigou. Or, à l'époque, il ne s'agissait non pas d'une réforme de structure, mais d'une réforme de procédure.

M. Christian Cambon. Rappel historique salutaire !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Dans le même ordre d'idée, les dispositions relatives au suivi socio-judiciaire, issues de la loi de 1998, et la loi instituant le juge des libertés et de la détention ont été mises en oeuvre sans aucun moyen supplémentaire. On s'est contenté de procéder à un redéploiement, et les magistrats en ont beaucoup souffert, comme je peux en témoigner moi-même, car j'étais alors en juridiction.

Pour notre part, nous nous attachons à être extrêmement réalistes. Nous avons en effet un infini respect pour la justice, en particulier pour les magistrats. Nous ne réformons donc pas sans moyens : le budget de la justice est en augmentation, tous les départs à la retraite sont remplacés et nous réorganisons. L'objectif est d'avoir une justice plus efficace et de meilleure qualité.

Nous agissons de même avec les nouvelles technologies, j'y reviendrai, qui permettront d'améliorer les conditions de travail des magistrats et des greffiers. Ils attendaient ce geste depuis 1999 !

Monsieur Sueur, vous indiquez que les parlementaires n'ont pas été associés à la concertation.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J'ai rencontré plus de 235 élus !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela prouve leur inquiétude !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Tous ont été entendus lors des réunions régionales.

M. Jean-Pierre Sueur. Pas chez nous !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela étant, beaucoup d'élus, notamment de l'opposition, ne sont pas venus à ces réunions pensant que nous ne conduirions pas la réforme à son terme. Ils ont commencé à réagir le jour où les chefs de cours ont remis leurs rapports.

Il est facile de dire ensuite qu'il n'y a pas eu de concertation quand les élus ne se sont même pas déplacés !

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis venu !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant du comité consultatif, j'ai reçu, non des propositions au cas par cas et cour d'appel par cour d'appel, mais des orientations générales - vous pouvez les consulter en ligne - que j'ai intégrées dans les schémas que nous avons proposés.

Je me suis rendue dans chaque région pour expliquer les propositions fondées sur les rapports des chefs de cours, auxquels je souhaite rendre un hommage particulier. Ils se sont en effet fortement impliqués dans cette concertation. Dire qu'elle n'a pas eu lieu, c'est faire injure à leur travail ! Pendant trois mois, ils se sont mobilisés, ont rencontré tout leur personnel, les fonctionnaires, toutes les professions judiciaires afin de pouvoir rédiger leurs rapports, qu'ils m'ont remis entre le 30 septembre et le 15 octobre. Et c'est dans un souci de transparence que j'ai décidé de mettre en ligne nos propositions concernant la nouvelle organisation judiciaire.

Dans la majorité des cas, les rapports ont été suivis. Dans d'autres cas, des réajustements ont été nécessaires pour tenir compte de l'aménagement du territoire. J'ai également pris en compte les observations de certains élus. Au final, il est de notre responsabilité politique d'arbitrer et de décider de l'allocation des moyens.

Monsieur Sueur, vous demandez la création d'une nouvelle commission. Je vous rappelle qu'il y a déjà eu la commission Outreau.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Sueur. C'était une commission d'enquête parlementaire ! C'est prévu par la Constitution !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mais nous n'avons même pas mis en oeuvre toutes les recommandations de la commission Outreau.

M. Jean-Pierre Sueur. Sur la carte judiciaire ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le rapport de la commission d'enquête comprend en effet un volet concernant la réforme de la carte judiciaire, ne serait-ce que s'agissant de la dispersion des moyens, qui, vous ne l'ignorez pas, nuit à la qualité de la justice.

On connaît la technique qui consiste à créer une commission ou un comité pour mieux enterrer une réforme.

M. Jean-Pierre Sueur. Les parlementaires sont inquiets !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette réforme n'est ni de droite ni de gauche ! Je vous renvoie aux travaux, dont je me suis inspirée, de Mme Lebranchu, de Mme Guigou ou de M. Nallet.

M. Jean-Pierre Sueur. Mme Lebranchu n'est pas satisfaite de ce qui se passe à Morlaix !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. On n'est jamais satisfait d'une réforme que l'on n'a pas faite !

M. Henri Nallet est venu me voir, et il a salué le courage et le sens des responsabilités du Gouvernement. Il m'a lui-même dit que vous n'aviez pas pu réaliser cette réforme à l'époque, alors que tout le monde considérait qu'elle était indispensable.

Vous me parlez de concertation et d'aménagement du territoire. Mais savez-vous quels étaient les critères retenus à l'époque pour réformer la carte judiciaire ? Pour Henri Nallet, c'était la départementalisation : autrement dit - je réponds là à Mme Borvo Cohen-Seat -, fin de la justice de proximité, fin des tribunaux d'instance ! Pour Mme Guigou, c'était le seuil d'activité : au-dessus, on garde ; en dessous, on supprime !

Ce n'est pas notre méthode. Nous, nous avons choisi la concertation, les propositions des chefs de cours, et nous avons décidé de tenir compte de la réalité du territoire, de l'évolution démographique et du bassin économique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame le garde des sceaux, puis-je vous interrompre ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous en prie, monsieur le président de la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de Mme le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Sénat a consacré de nombreux travaux à la justice : je pense au rapport Haenel-Arthuis, au rapport Fauchon-Jolibois ou encore au rapport de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice : tous concluaient à l'urgente nécessité de réformer la carte judicaire.

On peut toujours dire qu'on est favorable à une réforme, puis ne rien vouloir changer. Cette fois-ci, la réforme est mise en oeuvre, ce dont nous nous réjouissons, car elle est indispensable à l'amélioration de la qualité de la justice.

Rassurez-vous, madame le garde des sceaux, j'ai connu par le passé des réactions à peu près comparables lorsque l'on a enfin réformé la répartition territoriale des commissariats de police et des gendarmeries. Vous, vous avez entrepris de moderniser la justice. Il fallait le faire, et je vous en félicite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sans plus attendre, en effet, nous souhaitons agir. C'est pourquoi nous ne voulons pas de commissions ou de comités supplémentaires.

La réforme de la carte judiciaire se fera progressivement. Étalée sur trois ans, elle commencera en 2008, pour s'achever en 2010.

Un accompagnement social des personnels concernés par la réforme sera mis en place. Il est en cours d'élaboration. Dès 2008, une provision, prévue dans le cadre de ce projet de budget, de 1,5 million d'euros sera consacrée aux premières mesures d'aide aux personnels.

Nous étudions également les possibilités d'apporter des compensations financières aux avocats touchés par la réforme. À cet égard, j'ai rencontré, le 23 novembre dernier, tous les bâtonniers des barreaux concernés. Nous nous sommes mis d'accord pour examiner des pistes d'accompagnement. Nous devons nous revoir au début de 2008.

Une fois que cette nouvelle organisation territoriale sera stabilisée, il nous faudra réfléchir à une nouvelle répartition du contentieux au profit des justiciables.

Je l'ai évoqué tout à l'heure, pour renforcer son efficacité, la justice doit aussi utiliser les outils de son temps.

Les nouvelles technologies facilitent l'accès à la justice. Elles la rendent plus rapide, plus réactive, plus efficace. Un décret du 15 novembre 2007 prévoit la dématérialisation des procédures pénales ; elle sera donc effective en 2008. La dématérialisation des procédures civiles, quant à elle, interviendra en 2009.

Plus de 67 millions d'euros seront consacrés, en 2008, aux programmes informatiques de la justice.

Par ailleurs, nous souhaitons rendre la justice plus ouverte et faire en sorte qu'elle reflète plus la diversité de notre société.

L'École nationale de la magistrature sera modernisée. C'est la mission de son nouveau directeur. Comme l'ont souligné MM. Fauchon et Gautier dans leur récent rapport, cette école doit former des magistrats efficaces, responsables, ouverts sur le monde. Elle doit développer chez les auditeurs de justice les qualités humaines indispensables à l'exercice de leurs futures fonctions.

La formation des magistrats et des personnels judiciaires sera l'un des chantiers de la présidence française de l'Union européenne. J'ai d'ailleurs demandé à ce qu'un groupe d'auditeurs de justice puisse me suivre dans la préparation de la présidence française de l'Union européenne.

La justice prend également toute sa part dans la politique d'égalité des chances.

Ainsi, une classe préparatoire intégrée à l'École nationale de la magistrature ouvrira en janvier 2008. Elle est destinée à accueillir quinze étudiants de condition sociale modeste qui veulent préparer le concours de la magistrature. Nous avons déjà reçu à ce jour 176 candidatures de toute la France.

D'autres classes préparatoires ouvriront en 2008 à l'École des greffes, à l'École de l'administration pénitentiaire et au Centre national de la protection judiciaire de la jeunesse.

Je souhaite également que les femmes soient mieux représentées au plus haut niveau de responsabilités du corps judiciaire. Je me suis engagée à renouveler et à assurer la parité dans les nominations, en tenant bien évidemment compte des compétences. Dix nouveaux procureurs généraux ont été nommés le 14 novembre - c'est un mouvement sans précédent -, dont cinq femmes.

Cette politique d'ouverture sera encouragée par la mise en place d'une véritable politique des ressources humaines.

La gestion des carrières des magistrats et des greffiers doit être modernisée.

Il y a de nombreux talents dans les juridictions : talents dans l'organisation, talents dans certains contentieux, talents dans les perspectives d'une fonction en administration centrale. Il faut les valoriser. Je pense notamment aux possibilités offertes par les détachements de personnels. Ils donnent la possibilité d'une ouverture vers une autre administration, vers le secteur privé ou vers la sphère internationale. Ce sont toujours des expériences très riches.

En 2008, 400 emplois supplémentaires seront créés au profit des juridictions. Des emplois de magistrats sont destinés aux pôles anti-discrimination, au secrétariat général de tribunaux de grande instance, aux futurs pôles de l'instruction ; d'autres seront utilisés pour des missions de magistrats placés, qui remplacent leurs collègues absents.

Une bonne gestion des ressources humaines, c'est mettre les bonnes personnes aux bonnes fonctions et non pas attendre que celui qui s'est dévoué au service de la justice avec beaucoup de passion et de professionnalisme soit en fin de carrière pour lui proposer un haut poste à responsabilité.

J'ai créé cet été à la Chancellerie une véritable direction des ressources humaines pour améliorer les conditions de carrière des magistrats et des greffiers.

Pour répondre à vos préoccupations, messieurs du Luart et Détraigne, je peux vous dire qu'il y aura autant d'emplois nouveaux de greffiers que d'emplois nouveaux de magistrats, soit 187 magistrats et 187 greffiers. Je partage votre vision des choses : la qualité du travail judiciaire, c'est aussi l'assistance qu'apporte le greffier au magistrat.

Ces créations de postes et le recours aux nouvelles technologies permettront aussi, comme vous l'avez souhaité, de réduire le délai d'exécution des décisions de justice.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, la justice est en pleine modernisation. Le budget constitue l'un des outils de cette modernisation. Celle-ci demandera de grands efforts. Elle se fera grâce à l'engagement de toutes les forces, de toutes les volontés de notre pays, et donc de la vôtre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

justice

Justice
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen de l'amendement portant sur les crédits de la mission « Justice » figurant à l'état B.

État b

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Justice

7 283 333 568

6 497 008 530

Justice judiciaire

2 689 270 401

2 727 270 401

Dont titre 2

1 860 379 440

1 860 379 440

Administration pénitentiaire

3 089 122 162

2 371 442 162

Dont titre 2

1 504 149 003

1 504 149 003

Protection judiciaire de la jeunesse

865 957 102

804 361 341

Dont titre 2

409 352 424

409 352 424

Accès au droit et à la justice

367 388 606

334 323 516

Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés

271 595 297

259 611 110

Dont titre 2

102 768 647

102 768 647

M. le président. L'amendement n° II-51, présenté par M. du Luart, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

 

 

 

 

Administration pénitentiaireDont Titre 2

150.000

150.000

0

0

150.000

150.000

0

0

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

 

 

 

 

Accès au droit et à la justice

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachésDont Titre 2

0

150.000

0

150.000

TOTAL

  150.000

  150.000

  150.000

  150.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart. Cet unique amendement portant sur les crédits de la mission « Justice » a été déposé en plein accord avec M. le président de la commission des finances.

Les aumôniers jouent un rôle éminent au sein de l'univers carcéral. Ils y accomplissent une mission d'accompagnement importante, du point de vue tant moral que spirituel. Le code de procédure pénale reconnaît d'ailleurs l'assistance spirituelle parmi les actions de préparation à la réinsertion des détenus.

Garants de la modération du message religieux, les aumôniers favorisent en outre une meilleure harmonie entre les personnes dans les lieux de détention. Ils représentent un facteur d'apaisement dans des établissements souffrant malheureusement pour beaucoup d'entre eux de surpopulation et étant, parfois, le théâtre de poussées d'agressivité et de violence.

L'administration pénitentiaire dénombre aujourd'hui 1 015 personnels cultuels. Parmi eux, 325 sont rémunérés et correspondent à 160 emplois équivalents temps plein travaillé.

Leur répartition selon les confessions est la suivante : 536 catholiques, 254 protestants, 94 musulmans, 74 israélites, 16 orthodoxes et 39 représentants des divers autres cultes.

La dotation allouée aux cultes dans cette perspective s'élève, pour 2007, à 1,7 million d'euros. Elle est inchangée dans le projet de loi de finances pour 2008.

Or, dans l'intervalle, de nouveaux établissements pénitentiaires auront été ouverts. Je pense, en particulier, aux sept établissements pénitentiaires pour mineurs, dont le fonctionnement atteindra sa pleine capacité en 2008.

Cet amendement vise donc à majorer la dotation allouée aux cultes afin de créer de nouveaux postes d'aumôniers de toutes confessions indemnisés dans les établissements.

Plus précisément, cette majoration consiste en un abondement de 150 000 euros de l'action 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » du programme « Administration pénitentiaire », gagée par une diminution correspondante des crédits de l'action 4 « Gestion administrative commune » du programme « Conduite et pilotage des politiques de la justice et organismes rattachés ».

Cet effort budgétaire s'inscrit dans le prolongement de celui réalisé, pour un même montant, en loi de finances pour 2007.

Il renvoie également à la prochaine loi pénitentiaire, en cours de préparation, qui consacrera les droits fondamentaux des personnes détenues, notamment en ce qui concerne l'exercice effectif du culte dans chaque établissement pénitentiaire.

L'amélioration des conditions de l'exercice de la liberté du culte en prison correspond à un enjeu essentiel qu'il convient de ne pas sous-estimer.

Si l'église catholique peut s'appuyer, en la matière, sur une longue tradition et une charte de l'aumônerie de prison promulguée en 2007, il n'en va pas nécessairement de même pour d'autres cultes.

Il faut, en particulier, souligner les efforts d'organisation de l'aumônerie musulmane, sous l'impulsion du Conseil français du culte musulman, avec la nomination d'un aumônier national centralisant toutes les désignations d'aumôniers.

Cette structuration se révèle d'autant plus importante qu'elle permet de ne pas laisser place aux courants intégristes dans nos prisons.

La majoration de l'enveloppe demandée a bien évidemment vocation à être répartie entre l'ensemble des cultes.

Tel est l'objet de cet amendement que j'ai déposé à titre personnel, mais, je le répète, avec l'accord du président de la commission des finances.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis totalement d'accord avec les observations qui viennent d'être faites.

Le Gouvernement est évidemment favorable à cet amendement, qui tend à mieux garantir l'accès à tous les cultes.

L'administration pénitentiaire s'est en effet rendu compte que cet accès était également d'un facteur d'apaisement.

M. Roland du Luart. Je vous remercie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-51.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC s'abstient !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice » figurant à l'état B, modifiés.

La parole est à Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je serai très bref, car j'ai déjà eu l'occasion tout à l'heure d'expliquer les raisons pour lesquelles notre groupe ne pourra voter en faveur de ce budget.

Je veux intervenir de nouveau sur la question de la carte judiciaire et dénoncer le raisonnement que l'on nous oppose.

Certes, la réforme de la carte judiciaire est nécessaire, certes, elle n'a pas été engagée avant ce jour. Cela signifie-t-il pour autant qu'il n'y avait qu'une méthode pour la mettre en oeuvre, à savoir la vôtre, madame le garde des sceaux ? Certainement pas !

Il ne faut pas dire à ceux, très nombreux aujourd'hui, qui contestent la méthode et font part d'un sentiment d'abandon dans un certain nombre de villes, d'arrondissements, de départements de notre pays, que la carte judiciaire est excellente et que tout va bien.

Il ne faut pas leur répondre que, s'ils protestent, c'est qu'ils sont contre toute réforme de la carte judiciaire !

Il aurait été possible, premièrement, d'organiser au préalable un débat devant le Parlement, deuxièmement, de définir des orientations, troisièmement, de prendre le temps de mettre en oeuvre une nouvelle organisation territoriale de la justice.

Vous avez choisi une autre méthode qui a, en effet, été marquée par une grande rapidité d'exécution. La vérité, c'est qu'elle a été perçue et qu'elle est vécue comme une suppression d'un certain nombre de juridictions, sans qu'on voie bien pour autant les avantages d'une orientation nouvelle.

À cet égard, nous pensons vraiment qu'il aurait été possible de procéder autrement. Bien sûr, il est toujours très facile de parler au conditionnel. Mais nous ne pouvons accepter l'argument circulaire qui consiste à dire qu'il n'y a qu'une seule bonne méthode pour réformer, celle qui a été employée, et que celle qui a été employée est naturellement la bonne parce que c'est celle qui a été choisie. À quoi bon discuter, dans ces conditions ?

Nous avons le sentiment qu'il était possible de faire autrement, et j'ai l'impression que cette opinion est largement partagée. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait, alors !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons contre ce budget.

Bien évidemment, les réponses apportées ne sont pas satisfaisantes et les arguments avancés pour justifier cette réforme ne répondent ni aux interrogations des gens qui manifestent ni aux interrogations de ceux qui ne manifestent pas, d'ailleurs, mais qui n'en pensent pas moins !

Je suggère simplement aux élus de la majorité d'aller expliquer sur le terrain la réforme de la carte judiciaire et d'essayer de la défendre contre les « trublions » qui voudraient l'empêcher !

Concernant ma position, il est évident que j'étais favorable à la réforme de la carte judiciaire et que je le suis toujours. Cependant, je ne peux accepter ni le sens de cette réforme ni la façon dont elle est conduite !

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.

M. Philippe Nogrix. Dans cette assemblée, nous essayons toujours de prendre des mesures cohérentes.

Force est de constater aujourd'hui que le Gouvernement n'est pas très cohérent dans ce qu'il nous propose.

En effet, de plus en plus, nous faisons appel à la responsabilité territoriale. Nous demandons l'élaboration de projets de développement territoriaux, nous accordons un rôle de plus en plus important aux collectivités dans le maillage et l'animation de l'ensemble du territoire national.

Or, ici, nous avons véritablement l'impression que l'on dévitalise nos territoires, au moment même où nous sommes tous mobilisés et où nous nous battons tous pour les faire vivre.

M. Philippe Nogrix. Certes, dans l'absolu, il était nécessaire d'étudier et de réformer cette carte judiciaire. Mais il faut faire preuve de cohérence : on ne peut pas, d'un côté, dévitaliser les territoires et, de l'autre, exiger la mobilisation des élus !

Il est véritablement très difficile de prendre parti et de s'accorder sur la totalité de l'aménagement de la carte judiciaire proposé.

C'est pourquoi, au sein du groupe UC-UDF, quelques collègues voteront contre ce budget et d'autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Justice », modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Article 33 et Etat B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale

6

Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. François-Noël Buffet membre de la Commission nationale des compétences et des talents.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Article 33 et Etat B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Travail et emploi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Travail et emploi

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » (et articles 52 à 59).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2008 s'établissent à 12,32 milliards d'euros en crédits de paiement.

La mission « Travail et emploi » est désormais composée de quatre programmes.

Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi », qui coûte 6,28 milliards d'euros, a pour objet de lutter contre le chômage et l'exclusion durable du marché de l'emploi, en subventionnant les emplois non marchands à hauteur de 1,245 milliard d'euros et les emplois marchands pour 400 millions d'euros. Les autres dépenses sont destinées, d'une part, à l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, qui sera bientôt fusionnée avec l'UNEDIC, pour un montant de 1,3 milliard d'euros, d'autre part, aux allocations de solidarité, pour un montant de 1,6 milliard d'euros, alors que - il faut bien le reconnaître - elles ne créent aucun emploi.

Cela revient donc à dire que, sur 6,28 milliards d'euros, 400 millions d'euros sont consacrés à la création d'emplois marchands et 1,3 milliard d'euros est prévu pour l'ANPE. Le reste, remarquons-le, ne crée pas d'emplois durables.

Le programme 103 «  Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », qui coûte 5,17 milliards d'euros, a pour objet de prévenir l'impact des restructurations et de permettre aux personnes, aux entreprises et aux territoires de s'adapter et de gérer au mieux leur nécessaire reconversion. Je tiens à préciser que le plan de cohésion sociale a fixé pour l'apprentissage un objectif ambitieux de 500 000 apprentis d'ici à la fin de l'année 2009. C'est une bonne mesure. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit 947 millions d'euros au titre des exonérations des cotisations sociales liées à ces contrats, qui sont, à mon avis, ceux qui facilitent le mieux l'insertion des jeunes dans le monde professionnel.

En revanche, la formation professionnelle, que la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle présidée par notre collègue Jean-Claude Carle a analysée, souffre d'un système de financement trop complexe et trop lourd. Il faudra rationaliser la structure de la formation professionnelle, qui reste trop éclatée en de multiples organismes.

Au sein de ce programme, l'action « Développement de l'emploi » s'articule autour d'un réseau d'aides, d'allégements de charges et de déductions fiscales.

Malgré le coût budgétaire important qu'il représente, ce programme présente un incontestable intérêt, car il aboutit à des emplois marchands. C'est, selon moi, le programme le plus utile pour l'emploi.

Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », qui coûte 130 millions d'euros, a pour objet l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel. Il s'appuie sur la nouvelle Direction générale du travail, la DGT, créée au mois de mars 2006 dans le cadre de la modernisation de l'Inspection du travail. La hausse de 62 % des crédits de paiement proposés pour 2008 résulte des frais d'organisation des élections prud'homales et de la formation syndicale.

Le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », qui coûte 730 millions d'euros, est un programme support. Il ne regroupe que partiellement l'ensemble des moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes de la mission « Travail et emploi ». Ainsi, les crédits de fonctionnement de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, d'un montant de 35 millions d'euros, ne figurent plus dans la mission « Travail et emploi ».

En outre, il convient de prendre en compte les emplois des principaux opérateurs, dont le nombre excède 41 000  emplois en équivalent temps plein travaillé, soit près de quatre fois plus que les emplois en équivalent temps plein travaillé directement requis par la mission : 28 000 personnes pour l'ANPE et 11 000 personnes pour l'Association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA. En tout, 50 000 personnes sont mobilisées pour gérer ce budget. Il serait utile de savoir si elles sont toutes vraiment indispensables.

En ce qui concerne le coût réel du budget de l'emploi, je tiens à vous signaler que le périmètre budgétaire de la mission « Travail et emploi » ne reflète qu'un quart des dépenses globales de l'État au titre de la politique de l'emploi. Ces dépenses s'élèvent en fait à 50 milliards d'euros et non à 13 milliards d'euros.

En effet, un certain nombre de paramètres doivent être pris en compte.

Tout d'abord, il faut intégrer 9,6 milliards d'euros de dépenses fiscales, dont 4,2 milliards d'euros sont consacrés à la prime pour l'emploi. En réalité, cette prime est chère et ne crée pas d'emplois. Tout juste incite-t-elle à travailler, en donnant une subvention aux chômeurs qui accèdent à l'emploi, alors qu'il suffirait de réduire leur allocation pour les pousser à reprendre un travail. De plus, 2,3 milliards d'euros de réduction d'impôts sont accordés pour les emplois de salariés à domicile.

Ensuite, il convient d'ajouter les crédits budgétaires relevant d'autres missions. Pour un montant de 1,49 milliard d'euros, ils concourent à la politique de l'emploi au titre d'exonérations ou de réductions ciblées de cotisations sociales.

Enfin, il est nécessaire d'intégrer les allégements généraux de cotisations patronales, comptabilisés au titre de la loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant estimatif de 27 milliards d'euros, parmi lesquels 22 milliards d'euros sont consacrés à la suppression de cotisations patronales jusqu'à 1,6 SMIC. Cela comprend les dispositions relatives aux heures supplémentaires instaurées par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, pour 5 milliards d'euros.

Ces 27 milliards d'euros d'allégements généraux de cotisations patronales étaient dans le budget de cette mission jusqu'en 2006. Ils sont maintenant reversés au budget de la sécurité sociale, ce qui nous enlève tout contrôle. Il convient de remarquer que ces 27 milliards d'euros ne créent aucun emploi nouveau, mais maintiennent des emplois dont on ne connaît pas le nombre. Ils devraient être réduits chaque année, car ils représentent la moitié de notre déficit budgétaire, pour un intérêt en termes d'emploi très relatif.

Voilà donc à quoi seront dépensés, en 2008, les 50 milliards d'euros en faveur de la politique de l'emploi.

Comment mettre en place une véritable politique de l'emploi ?

Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je souhaite vous soumettre rapidement des moyens de réduire le chômage, plus efficaces et moins coûteux que ceux qui sont prévus dans les crédits consacrés à la politique de l'emploi que je viens de présenter.

Premièrement, la mise en place de la « flexicurité » amènerait la flexibilité de l'emploi et donnerait aux entreprises l'envie d'embaucher qui leur manque aujourd'hui. M. le Président de la République a évoqué hier soir ce point, avec raison. En effet, la rigidité de l'emploi est l'une des principales causes du chômage ; loin de protéger les salariés, elle les condamne au chômage parce que les entreprises n'embauchent pas.

Deuxièmement, nos coûts de production sont trop élevés par rapport à nos concurrents, non seulement à cause des 35 heures, que le Président de la République veut réduire, ce qui est heureux,...

M. Guy Fischer. Ah, vous allez les tuer, les 35 heures !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. ...mais aussi à cause des charges sur salaires qui doublent pratiquement les salaires nets. Il conviendrait de séparer ces charges en deux, en distinguant celles qui concernent les salariés - assurance chômage et cotisations pour la retraite - et qui sont payées par l'entreprise de celles qui concernent la sécurité sociale, qui n'ont aucun rapport avec les entreprises - sécurité sociale, allocations familiales, etc. - et qui devraient donc être supprimées des charges salariales.

Comme il n'est pas question de faire payer l'État, qui n'en a pas les moyens, il convient de trouver la façon de les faire payer autrement par l'entreprise. La TVA sociale a été évoquée, mais c'est un dispositif insuffisant. Ma proposition est de créer un « coefficient d'activité », qui, associé au chiffre d'affaires de l'entreprise amputé de la masse salariale, permettrait de financer la différence entre le montant total des charges qui sont payées actuellement et celles qui concernent l'entreprise.

Troisièmement, on pourrait compenser la diminution des allégements de charges sociales sur le SMIC par l'attribution de crédits d'investissement aux entreprises. Ce serait beaucoup plus utile, puisque cela permettrait aux entreprises de développer leur recherche, leur investissement, des produits nouveaux, leurs moyens de production, leurs exportations, etc. On pourrait mettre à leur disposition par exemple de 4 à 5 milliards d'euros de crédit d'avance remboursables. Cela serait beaucoup plus efficace pour l'emploi et la croissance qu'un allégement des charges sociales.

Quatrièmement, il ne faut pas oublier que tous ces problèmes et ces dépenses proviennent de notre système scolaire, qui laisse au bord de la route de trop nombreux jeunes à la sortie du collège ou après quelques années d'université. Le collège unique comme l'absence totale de sélection tout au long de la scolarité sont les principaux responsables du nombre élevé de jeunes chômeurs mal préparés à un emploi professionnel. Il est évident que, s'il y en avait moins, nous aurions moins de soucis à nous faire ! (Mme Gisèle Printz s'exclame.)

Cinquièmement, n'oublions pas non plus que la mondialisation et l'élargissement de l'Europe font un tort considérable à nos PME, lesquelles perdent leur sous-traitance, réalisée de plus en plus en Roumanie, en Inde, au Maroc, en Chine,...

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. ...où les prix de revient sont de quatre à cinq fois moins élevés. Cela conduit à une délocalisation qui va aggraver énormément notre chômage.

Après vous avoir présenté ce budget de 12,32 milliards d'euros et le coût budgétaire réel de l'emploi - 50 milliards d'euros -, j'en viens à mes propositions personnelles.

Il faut se demander pourquoi on continue à dépenser tant d'argent pour si peu de résultats. Les conséquences en sont un déficit budgétaire et un endettement qui croît chaque année et qui compromet de plus en plus notre activité économique et notre croissance.

En réalité, on s'est trompé de moyens. On a cru qu'en réduisant le coût de l'emploi les entreprises embaucheraient plus facilement. Ce n'est pas totalement faux, mais cette réduction aurait dû être opérée sans que l'État ait à payer la différence.

Qu'attend-t-on pour commencer à réduire systématiquement et rapidement ces aides à l'emploi, qui sont pour la plupart peu efficaces et qui ruinent notre économie en aggravant chaque année notre dette et notre service de la dette ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Qu'attend-on pour privilégier un retour rapide à l'équilibre budgétaire, qui est l'objectif prioritaire que le Président de la République a fixé en faveur de notre économie en panne de croissance, en supprimant purement et simplement toutes ces aides en trois ou quatre ans ? On pourrait par exemple faire disparaître immédiatement la prime pour l'emploi et le financement des emplois non marchands, et ramener le financement des charges sur le SMIC de 1,6 à 1,4 dès 2008. Cela permettrait de réduire notre déficit de plus de 10 milliards d'euros, et ce serait salutaire pour notre économie et notre croissance, même si ces charges supplémentaires pour nos entreprises leur posent problème.

Dans ces conditions, pourquoi continue-t-on ? Pour ne pas mécontenter le MEDEF ? Mais si l'on gouverne pour ne mécontenter personne, on n'arrivera jamais à rien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Là, nous sommes d'accord !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Permettez-moi d'insister sur le fait qu'il est dangereux de bâtir un budget avec des hypothèses optimistes de recettes. Si elles sont exactes, tout va bien, mais lorsqu'elles ne le sont pas, cela devient dramatique. Il est préférable de travailler avec des objectifs pessimistes et d'avoir de bonnes surprises.

Pour revenir à l'équilibre budgétaire, n'attendons pas un point de croissance, difficile à obtenir, mais commençons par réduire nos emprunts en diminuant le budget de l'emploi, comme je vous le propose.

Madame le ministre, au cours de la discussion générale sur ce projet de loi de finances pour 2008, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a indiqué que, pour atteindre son objectif prioritaire de retour à l'équilibre budgétaire, il espérait le retour de la croissance, qui reste hypothétique. Cela n'est pas suffisant.

Les propositions pratiques que je viens d'exposer supposent des choix budgétaires simples. Je laisse au Gouvernement le soin de décider de l'usage qu'il entend en faire, mais il est très urgent de prendre une décision.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous demande, au nom de la commission des finances, de voter le budget de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a trouvé de réels motifs de satisfaction dans le projet de loi de finances pour 2008.

Le premier tient au contexte dans lequel ce texte nous est présenté. Bien que la croissance économique soit modérée, les créations d'emplois restent dynamiques, ce qui a permis de ramener le taux de chômage aux alentours de 8 % de la population active. Cela montre que les réformes qui ont eu pour objet de diminuer le coût du travail peu qualifié et d'améliorer la formation professionnelle commencent à porter leurs fruits et, nous l'espérons, continueront.

La commission des affaires sociales observe ensuite que la politique de revalorisation de la valeur travail trouvera, l'an prochain, une réelle traduction budgétaire, que l'analyse des seuls crédits de la mission ne permet pas d'apprécier à sa juste mesure. Une part importante de l'effort de l'État va, en effet, prendre la forme de transferts de recettes fiscales à la sécurité sociale.

Lors du débat sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, au mois de juillet dernier, le Gouvernement avait annoncé que la sécurité sociale bénéficierait d'une compensation intégrale de la perte de recettes résultant de la détaxation des heures supplémentaires. Cet engagement sera tenu, puisque le projet de loi de finances prévoit d'attribuer à la sécurité sociale de nouvelles recettes fiscales, pour un montant de 5,1 milliards d'euros.

De surcroît, le « panier fiscal », qui compense depuis 2006 l'allégement général de cotisations, va être complété par 500 millions d'euros, car son produit s'est révélé, à l'usage, insuffisant.

Dans un autre ordre d'idées, la commission des affaires sociales se félicite de la poursuite des efforts destinés à améliorer le taux d'emploi des seniors. Les crédits consacrés au financement des dispositifs de préretraite sont en baisse sensible et le projet de loi de finances prévoit de supprimer l'allocation équivalent retraite, qui s'accompagne, dans la quasi-totalité des cas, d'une dispense de recherche d'emploi.

La commission des affaires sociales est également attentive au développement des dispositifs de sécurisation des parcours professionnels que sont la convention de reclassement personnalisé et le contrat de transition professionnelle.

À ce sujet, il serait utile, madame le ministre, que le Gouvernement nous fasse part de ses intentions concernant le contrat de transition professionnelle, créé seulement à titre expérimental. Ses premiers résultats paraissent encourageants, mais sa généralisation pourrait être difficile en raison de son coût.

D'autres aspects de ce projet de budget ont, en revanche, suscité quelques interrogations au sein de la commission des affaires sociales.

Le contexte financier très contraint dans lequel il a été élaboré a conduit le Gouvernement à proposer de nombreuses mesures d'économies ; sur les neuf articles rattachés, sept correspondent à des suppressions d'exonérations de cotisations sociales ou d'aides publiques, instaurées sous la précédente législature.

La commission des affaires sociales n'est, bien sûr, pas insensible à la nécessité de réaliser des économies budgétaires, mais elle s'inquiète des conséquences que pourrait avoir la remise en cause trop rapide de certaines mesures très récentes de soutien à la création d'emplois ou à la formation professionnelle.

Elle est, en particulier, réservée sur la proposition de supprimer les exonérations consenties en 2005 au profit, d'une part, des contrats de professionnalisation, et, d'autre part, des employeurs du secteur des services à la personne.

Les contrats de professionnalisation sont, avec les contrats d'apprentissage, le support privilégié des formations en alternance. Alors que le plan de cohésion sociale a cherché à développer ce type de formations, il nous paraît discutable de remettre en cause dès à présent les incitations dont les entreprises bénéficient à ce titre.

Le secteur des services à la personne, quant à lui, constitue un important gisement d'emplois - à condition, bien sûr, qu'il soit soutenu par l'économie - que le plan de développement, mis en oeuvre à partir de la mi-2005, a permis de mieux organiser. Là encore, nous ne sommes pas certains qu'il soit justifié de revenir sur les exonérations votées voilà seulement deux ans et demi pour favoriser le développement de ces entreprises.

L'Assemblée nationale s'est aussi montrée réservée sur ce point, mais les amendements qu'elle a votés rendent le système trop complexe. J'aurai l'occasion de le montrer au cours de la discussion des articles.

L'annonce de prochaines réformes a également conduit la commission des affaires sociales à s'interroger sur le devenir de certains dispositifs. Je pense, notamment, aux maisons de l'emploi, dont le conventionnement va être interrompu en 2008, en raison de la fusion programmée de l'ANPE et de l'UNEDIC. Que va-t-il advenir, madame le ministre, des projets en voie d'achèvement, qui ont parfois donné lieu, avec les encouragements de l'État, à d'importants investissements de la part des collectivités locales ? Comment les structures existantes vont-elles s'insérer dans le réseau du futur service public de l'emploi ?

L'avenir des contrats aidés est un autre sujet d'interrogation. Le Grenelle de l'insertion, qui va être organisé au début de l'année prochaine, pourrait en effet déboucher sur la proposition d'un contrat unique d'insertion. La commission des affaires sociales n'y est pas hostile, mais elle rappelle que les contrats aujourd'hui en vigueur n'ont été créés qu'au début de l'année 2005 et qu'ils ont déjà été modifiés plusieurs fois depuis cette date. Il faudra donc s'assurer que les bénéfices attendus de cette simplification l'emportent réellement sur les inconvénients qui découleraient de tout nouveau bouleversement des règles applicables.

Ces interrogations n'altèrent cependant pas l'appréciation globalement positive portée par la commission des affaires sociales sur ce projet de budget, qui permet de mettre en oeuvre, dans de bonnes conditions, les engagements pris pendant la campagne présidentielle en matière d'emploi. C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur le projet de loi de finances pour 2008. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Enfin, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Permettez-moi, madame la ministre, de vous féliciter pour l'action que vous menez et pour votre engagement constant en faveur de l'emploi. Les récents chiffres du chômage - les derniers ont été rendus publics ce matin - montrent que la politique du Gouvernement commence à porter ses fruits.

En effet, le 12 novembre dernier, l'INSEE a publié les statistiques du taux de chômage pour l'année 2006 et les deux premiers trimestres de 2007. S'établissant, en moyenne annuelle, à 8,8 % de la population active depuis 2004, le taux de chômage a diminué au deuxième trimestre de cette année et atteint 8,1 %. De nouveaux chiffres ont été communiqués ce matin.

M. Guy Fischer. Ils sont faux !

Mme Catherine Procaccia. Au contraire, mon cher collègue, ces données sont fiables (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), ...

M. Guy Fischer. On pourrait en discuter !

Mme Catherine Procaccia. ...car l'INSEE vient de revoir sa technique de construction statistique, à la demande du Gouvernement. Je relève une réelle volonté de ce dernier d'obtenir des chiffres qui correspondent à la réalité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.),...

M. Guy Fischer. Ah voilà !

Mme Catherine Procaccia. ...que celle-ci soit ou non favorable, monsieur Fischer !

L'ANPE confirme le recul du nombre de demandeurs d'emploi au mois de septembre, période au cours de laquelle 28 000 personnes de moins ont été enregistrées par rapport au mois d'août. Ce recul profite aux plus exclus, et c'est un point important. Ce sont surtout les jeunes qui en ont bénéficié, avec une baisse de leur taux de chômage de 1,5 %, et les chômeurs de longue durée, avec une diminution dudit taux de 3 %. Ces résultats traduisent la volonté du Gouvernement de s'attaquer au noyau dur du chômage, à savoir les personnes inscrites à l'ANPE depuis plus d'un an, grâce, notamment, aux contrats aidés.

Madame la ministre, vous avez annoncé que ces bons résultats justifiaient une accélération des réformes pour dynamiser l'emploi et réduire le chômage.

Le Président de la République a certes fixé un objectif ambitieux, c'est-à-dire atteindre le plein emploi, ce qui signifie un taux de chômage de 5 %, et un taux d'activité de 70 % en cinq ans, grâce à une politique de revalorisation du travail.

Le budget de la mission que nous étudions aujourd'hui traduit cette détermination, malgré un contexte financier contraint. Il s'élève à 12 milliards d'euros en crédits de paiement, et 49 milliards d'euros, au total, sont consacrés par l'État au travail et à l'emploi.

Il s'agit d'un budget de transition, qui préfigure des réformes annoncées, telles la simplification des contrats aidés, la levée des obstacles à l'emploi des seniors, l'unification du service public de l'emploi, la remise à plat des règles d'indemnisation du chômage, la réforme du contrat de travail.

Je souhaite tout d'abord évoquer devant vous, mes chers collègues, la question de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC.

Parmi les moyens permettant d'atteindre l'objectif de plein emploi, une politique d'accompagnement des chômeurs et d'adéquation entre l'offre et la demande joue un rôle essentiel. L'idée d'un rapprochement, voire d'une fusion, de l'ANPE et de l'UNEDIC a souvent été évoquée par le passé, mais cette réforme n'avait jamais été réalisée, comme beaucoup d'autres.

Aujourd'hui, on compte près de 2 millions de demandeurs d'emploi, alors que plus de 400 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites. Par ailleurs, les demandeurs d'emploi doivent pouvoir se renseigner sur tous les dispositifs d'aide en un seul et même lieu. La fusion envisagée va permettre d'aller vers plus d'efficacité.

M. Paul Blanc. Très bien !

Mme Catherine Procaccia. Certes, le projet soulève de nombreuses difficultés, et ses détracteurs se font fort d'expliquer que les deux structures n'ont pas le même statut, que l'ANPE obéit à un mode de gestion public tandis que l'UNEDIC est entièrement paritaire, ce qui conduirait, dans leur esprit, à créer une usine à gaz. Mais, selon moi, on perd ainsi de vue le véritable sujet, à savoir la gestion de l'emploi, dans un pays, la France, qui fait moins bien que les autres. Depuis plus de vingt ans, les fonctions de suivi, de placement et, souvent, de formation des chômeurs ont été unifiées en Europe, permettant à nos voisins de disposer d'un service d'aide à la recherche d'emploi plus performant, plus réactif et, surtout, plus personnalisé.

La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC présentera, à mon sens, un autre avantage ; elle devrait favoriser l'émergence d'une évaluation complète du service public de l'emploi. Aujourd'hui, il est impossible d'avoir une vision globale et indépendante des dispositifs d'accompagnement des chômeurs, notamment parce qu'ils sont proposés par une multiplicité d'organismes.

Je pense que la fusion devra ensuite aboutir rapidement à une régionalisation accrue de ces organismes, car un bon accompagnement des demandeurs d'emploi passe par une bonne connaissance du marché local du travail et par la proximité.

Comme M. le rapporteur pour avis, je tiens cependant à émettre une réserve, car je regrette que l'une des conséquences de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC ne soit le gel des maisons de l'emploi, tout au moins de celles dont le projet n'est pas encore assez avancé et qui ne pourront donc voir le jour. En ce qui concerne les maisons de l'emploi déjà créées, il faudra que les acteurs qu'elles ont réunis puissent coopérer avec le nouveau service public de l'emploi. Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner votre sentiment sur ce point ? Je souhaiterais également que vous nous fassiez part du calendrier de la réforme, ainsi que de son financement.

Je dirai maintenant quelques mots sur les contrats aidés. La Cour des comptes, à la demande de la commission des finances du Sénat, a établi un panorama de la politique des contrats aidés sur la période récente qui fait apparaître l'éclatement, la complexité des dispositifs et, surtout, la forte instabilité de leurs conditions de mise en oeuvre.

Cependant, le bilan de ces contrats est positif puisque ces derniers permettent de prendre en compte les besoins de certains publics particuliers. Ils jouent un rôle d'insertion sociale, voire de prévention de l'exclusion, à l'égard des personnes les plus vulnérables et les plus éloignées de l'emploi.

Concernant le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, je partage le souci de rationalisation du Gouvernement. À partir du moment où ce dispositif présente de trop importants effets d'aubaine et s'adresse au même public que le contrat initiative emploi, il convient de fusionner les deux dispositifs.

Je souhaite par ailleurs, madame la ministre, que vous évoquiez devant nous les perspectives ouvertes par le Grenelle de l'insertion.

J'en viens au plan de développement des services à la personne, dont le premier bilan est très positif. Ainsi, 116 000 nouveaux emplois, correspondant à 33 000 emplois en équivalent temps plein, ont été créés en 2006, soit une multiplication par trois du rythme de la création d'emplois. Le nombre de structures agréées a doublé entre 2005 et 2006.

Le Gouvernement propose, à l'article 55 rattaché, de réformer les exonérations dont bénéficient les prestataires de services intervenant auprès de publics non fragiles. Il s'agit de revenir progressivement à des conditions de droit commun, le secteur étant en plein essor. Cette évolution me paraît un peu risquée La distinction avec les publics non fragiles rend le système complexe. De surcroît, ces dispositifs ont été créés très récemment et permettent à un certain nombre de personnes de retrouver un emploi ; il me semble donc prématuré de supprimer des exonérations dans un secteur en pleine expansion. C'est pourquoi je m'associe au souhait de la commission de maintenir l'ensemble du dispositif.

Je dirai également un mot sur la suppression, aux termes de l'article 57, de l'AER, l'allocation équivalent retraite, qui s'inscrit dans la politique générale d'encouragement à l'emploi des seniors. Il s'agit de supprimer les multiples dispositifs de cessation précoce d'activité.

Comme l'ont expliqué MM. les rapporteurs, il semble inutile de différer, dans un but d'évaluation, la suppression de l'AER. Au sein de l'Union européenne, notre pays est très en retard concernant le taux d'emploi des seniors, thème particulièrement cher à la commission des affaires sociales. Nous devons lutter contre l'exclusion, et je félicite le Gouvernement de s'être attaqué au problème.

Le plan national pour l'emploi des seniors a pour objectif, à l'horizon 2010, un taux d'emploi de 50 % des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans, au lieu de 37 % actuellement. Notre pays a besoin de toutes ses forces et de toutes ses compétences. Ce n'est pas parce que l'on a cinquante-cinq ans que l'on ne peut plus rien offrir à cet égard.

Je soulignerai enfin que ce projet de loi de finances prévoit la poursuite du renforcement des dispositifs d'alternance, grâce à une augmentation des crédits consacrés à la formation.

Aussi, je souhaiterais profiter de nos débats pour évoquer le système de formation français. Ayant fait pendant dix ans, en début de carrière, de la formation interne, c'est un secteur que je connais bien, même si nos collègues Jean-Claude Carle et Bernard Seillier, respectivement président et rapporteur de la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, le connaissent maintenant mieux que moi. Ils ont d'ailleurs dressé un tableau assez noir de ce système.

Le rapport, souvent cité depuis, a dénoncé les trois maux de la formation professionnelle : complexité, cloisonnements et corporatisme. Pour les entreprises qui veulent former leur personnel, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, voire pour les très petites entreprises, c'est un véritable parcours du combattant ; mais cela l'est également pour les salariés qui souhaitent en bénéficier.

Les moyens accordés à la formation sont importants : la formation professionnelle continue et l'apprentissage ont drainé 24 milliards d'euros en 2004, et la dépense est en constante progression.

Cependant, le problème est que la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. La formation bénéficie surtout aux grandes entreprises et aux demandeurs d'emploi les plus qualifiés. L'effort moyen de formation par salarié représente 791 euros dans les entreprises de dix salariés et plus, contre 74 euros dans les entreprises de moins de dix salariés ; 24 % des titulaires de CAP ou de BEP ont accès à la formation professionnelle continue, contre 44 % de diplômés de l'enseignement supérieur.

Aujourd'hui, si nous voulons relancer notre système, il faut passer, comme cela est préconisé dans le rapport sénatorial, d'une logique de dépenses à une logique d'investissement et de résultat,...

M. Paul Blanc. Très bien !

Mme Catherine Procaccia. ... et sortir de la logique « former ou payer » : dès lors que l'entreprise est soumise à une obligation de nature essentiellement financière, l'incitation à former l'ensemble des salariés est faible et la formation va aux mieux formés.

Il faut une triple réponse : à la demande des personnes, aux besoins économiques des entreprises et à l'aménagement du territoire.

Le présent projet de budget traduit une véritable volonté ainsi qu'une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir. Le groupe UMP apportera bien évidemment son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans un contexte de suspicion sur la réalité des chiffres du chômage dans notre pays que s'ouvre ce débat sur la mission « Travail et emploi ».

Ces « incertitudes » sur le taux du chômage viennent accroître les inquiétudes de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Le récent mouvement étudiant contre la loi sur l'autonomie des universités en est un mode d'expression. En refusant la participation des entreprises dans le financement et donc la direction des universités, les étudiants crient haut et fort leur crainte de voir les entreprises intervenir directement dans les choix pédagogiques.

Ce qu'ils redoutent, c'est une formation spécifique, liée aux entreprises et répondant à leurs seuls besoins, dans un bassin d'emploi bien défini ; mais le risque d'une délocalisation de l'emploi est grand, et nos étudiants craignent donc l'inadaptation de leurs diplômes, en cas de départ de l'entreprise qui les aura « commandés ».

Ce n'est pas la réponse de Mme Pécresse à mon collègue M. Jean-François Voguet, hier, au cours des questions d'actualité, qui va les rassurer ; ce n'est pas non plus la manière forte employée hier sur le campus grenoblois, à la demande des présidences d'université, en vue de la réouverture des locaux et de la reprise des cours qui va apaiser la situation, puisque des étudiants ont été blessés à cette occasion. Pourtant, le calme, nécessaire à la concertation, doit être retrouvé.

J'en reviens, sans m'en être vraiment éloignée, à la mission « Travail et emploi ».

Le Président de la République avait dit vouloir faire de la question de l'emploi, comme de celle du pouvoir d'achat, une priorité. Nous l'avons entendu hier soir : rien de bien nouveau ne se profile à l'horizon, si ce n'est « travailler plus pour gagner plus ».

On sait ce qu'il en est du pouvoir d'achat et on voit ce qu'il en sera de l'emploi : une priorité affichée, mais en recul de 2,7 %.

J'en veux pour exemple le programme 102, intitulé « Accès et retour à l'emploi », qui concerne les personnes les plus fragiles. Pourtant, c'est bien en direction des populations justement appelées « fragiles » que l'État doit consacrer ses efforts.

Le même sort, celui des coupes claires, est réservé au programme 103, intitulé « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » mais qui aurait pu s'appeler : « Comment les pouvoirs publics viennent compenser les délocalisations et autres restructurations d'entreprises ».

En effet, ce que nous dénonçons ici - ne vous y trompez pas, mes chers collègues ! -, c'est non pas la solidarité nationale, mais le fait que celle-ci intervienne en raison de choix économiques souvent contestables, visant à assurer aux actionnaires une croissance à deux chiffres, et ce sans grand souci de l'emploi. Ce que nous dénonçons, c'est la conséquence directe de la première mesure prise par la droite en 2002, à savoir la suppression de la loi du 4 janvier 2001 sur le contrôle des fonds publics, présentée par M. Robert Hue.

Pour en revenir au programme 102, le Gouvernement propose - c'est une mesure phare que Mme Procaccia a évoquée - de rapprocher les services offerts par l'ANPE et l'UNEDIC.

Qu'en est-il en réalité ? D'ores et déjà est annoncée la suppression de cent quatre-vingt-trois postes. Comment, dans le même temps, promettre que chaque agent de la future agence fusionnée s'occupera de trente demandeurs au plus, alors qu'il gère aujourd'hui plus de cent dossiers ? Le suivi personnel et individualisé, pourtant nécessaire, ne pourra pas aboutir, à moins que vous n'ayez dans votre besace une solution complémentaire bien dissimulée, madame la ministre, à savoir le recours accentué au privé !

Monsieur le ministre, vous dites vouloir offrir un guichet unique au demandeur d'emploi. Cela revient à supprimer la séparation entre le prescripteur et le payeur. Le demandeur d'emploi y a-t-il intérêt ?

Dans cette contre-réforme, comme dans toutes les autres, il faut chercher qui en profite : le patronat. Ce projet est sans conteste dans la continuité du PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, car la main qui versera l'allocation sera aussi celle qui mettra en relation l'employeur et le chômeur. Il suffit d'être chômeur pour comprendre immédiatement ce que cela veut dire. Refuser la mise en relation, c'est remettre en cause le versement des allocations, tout comme son inscription dans les chiffres du chômage. C'est ainsi que l'on se retrouve avec des chiffres bien différents.

Le service en sera-t-il amélioré ? Il y a lieu, là encore, d'en douter. Les salariés de ces deux agences vous mettent en garde, madame la ministre, contre ce qui va être l'une des principales difficultés : la pluridisciplinarité. Un agent va devoir simultanément accueillir le demandeur, participer à la recherche de son emploi, organiser la formation du chômeur et gérer ses indemnisations.

Quelles formations sont-elles prévues pour permettre aux salariés des ASSEDIC d'accomplir des tâches alors dévolues à l'ANPE et vice-versa ? Aucune !

Par ailleurs, l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, pilier du service public de l'emploi, deviendra un prestataire au même titre que n'importe quel autre opérateur, et sera soumise à concurrence pour avoir les marchés dans les régions. Ce n'est pas d'une telle fusion que les salariés, actifs ou demandeurs d'emploi, ont besoin ; ce qu'il leur faut, c'est un service public de l'emploi orienté tant vers les chômeurs que les actifs, afin de sécuriser les parcours professionnels de chacun.

La réalité - je le disais plus haut -, c'est que le Gouvernement, en fusionnant ANPE et UNEDIC, ne veut pas d'un service public de l'emploi ; son souhait est d'offrir sur un plateau d'argent cet important marché aux sociétés privées !

Tel est déjà le cas dans de nombreux départements gérés par la majorité, qui recourent de plus en plus à des sociétés privées, à l'image d'INGEUS, pour réinsérer sur le marché du travail des demandeurs d'emploi ; mais attention, pas tous les demandeurs d'emplois : les jeunes diplômés et les cadres !

L'ANPE, de son côté, continue à s'occuper des cas les plus complexes.

Le Gouvernement a, dans le domaine de l'emploi, la même réflexion que dans celui de la santé : ce qui coûte cher et est complexe reste dans le giron des services publics ; ce qui rapporte passe au privé.

J'en viens maintenant au programme 111, intitulé « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », et dont l'une des rubriques se nomme « Santé et sécurité au travail ».

Là encore, c'est la déception : le budget est amputé de près de 3 millions d'euros. Est-ce à dire que, selon vous, madame, monsieur les ministres, la santé des salariés est dans un état tellement satisfaisant qu'il vous faille réduire les crédits ? Si telle est votre conception, elle n'est pas celle des salariés eux-mêmes.

Je vous reconnais toutefois une certaine logique. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez refusé tous nos amendements visant à garantir un service public de la médecine du travail. Vous avez même fait le choix de privatiser partiellement cette dernière en autorisant les médecins qui pratiquent les contre-visites pour le compte de l'employeur à donner à la CNAM un avis sur le maintien du paiement des allocations journalières. Vous avez refusé d'exonérer les salariés victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles de vos franchises médicales, ce qui revient, au final, à leur renier le caractère de victimes.

Pourtant, l'Inspection générale des affaires sociales précise, dans son rapport d'octobre 2007, l'étendue de la crise et tire un constat alarmant de la médecine du travail : « Les signes de dysfonctionnement se sont multipliés ces dernières décennies : forte augmentation des maladies professionnelles, désaffection pour le métier de médecin du travail, inapplication de la loi, éparpillement des responsabilités... ».

Dans ce même rapport, elle considère que la médecine du travail n'est pas en mesure de relever les défis à venir : « La médecine du travail est mal armée pour affronter les transformations du système productif » ; et de rajouter que « la médecine du travail manque d'outils pour sa pratique professionnelle ». Elle manque également d'indépendance, les cas de médecins du travail ayant minoré les risques apparaissent chaque jour.

Que fait le Gouvernement ? Il diminue les crédits. Décidément, la santé des travailleurs lui importe beaucoup moins que celle des portefeuilles des actionnaires !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Pas du tout, madame le sénateur !

Mme Annie David. Je m'étonne également que le Gouvernement,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Moi aussi, je m'étonne, madame le sénateur !

Mme Annie David. ... qui n'a de cesse de créer des droits opposables, entende supprimer soixante-trois conseils de prud'hommes, dont neuf en Rhône-Alpes et deux sur cinq en Isère, soit près de 50 % ! Ces juridictions particulières, en ce qu'elles associent des juges non professionnels représentant pour moitié les employeurs et les salariés, sont pourtant déjà fort engorgées.

Pourtant, par principe, parce qu'il en va de l'indemnisation des salariés ayant perdu leur source de revenus, cette justice devrait être rapide. Tel n'est déjà pas toujours le cas.

Ce redécoupage risque d'allonger les délais et d'éloigner plus encore les salariés de la juridiction...

M. Xavier Bertrand, ministre. Au contraire !

Mme Annie David. ... qui, malheureusement, en raison des comportements inacceptables de certains employeurs, les concerne le plus.

La politique qui est menée ne se justifie pas au regard des bénéfices colossaux réalisés par les entreprises.

Sans aller jusqu'à envisager une taxation supplémentaire, peut-être le Gouvernement pourrait-il faire cesser les multiples exonérations sociales qui ne profitent pas à l'emploi ? J'approuve, sur ce point précis, la suggestion qu'a faite voilà un instant M. le rapporteur spécial. C'est assez rare pour que je le signale ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Le Gouvernement a eu l'occasion de renforcer la protection des travailleurs, mais il a préféré recodifier a minima le code du travail. Malheureusement, les désastres causés par la politique de l'emploi qui est menée continueront à se succéder, d'autant qu'il sera bientôt procédé à ce qui est appelé pudiquement la « modernisation du marché du travail ».

Derrière cette expression, qui fleure bon le libéralisme, se dissimule une réalité : après avoir procédé au morcellement des contrats de travail, et donc à l'affaiblissement des droits des salariés, le Gouvernement entend instaurer un contrat de travail unique qui, à n'en pas douter, prendra de la multitude de contrats précaires antérieurs le plus mauvais, le moins protecteur, pour en faire la norme.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est tout le contraire !

Mme Annie David. Droits progressifs, dites-vous, monsieur le ministre ? Nous verrons ! Pourtant, les salariés demandent par milliers une autre politique de l'emploi. Ils exigent une sécurisation des parcours professionnels...

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est ce que nous voulons faire !

Mme Annie David. ... qui, de la faculté jusqu'à la retraite, permettrait de bénéficier d'un droit permanent à la formation, pour que les périodes de chômage soient non pas des périodes d'inactivité, mais bel et bien des moments de formation, rémunérés comme du temps de travail et permettant au salarié de se réinsérer au plus vite dans l'emploi.

Au lieu de cela, vous répondez « flex-sécurité » -  pour le coup, je ne suis plus d'accord avec M. le rapporteur spécial ! -, cette pâle imitation de la sécurisation des parcours professionnel, qui garde comme postulat le principe selon lequel les salariés doivent être la valeur d'ajustement des politiques libérales des entreprises.

De plus, vous pénalisez les personnels de la formation professionnelle, qui agissent notamment au travers des AFPA, des CUEFA, des GRETA ou des missions locales. Et vous allez même jusqu'à supprimer, par l'article 54, une aide accordée aux petites entreprises afin de faciliter le remplacement d'un salarié amené à s'absenter pour suivre une formation. J'y reviendrai au moment de l'examen de cet article.

Sur ce sujet particulier, comme sur l'ensemble, votre budget n'est pas à la hauteur des attentes populaires que vous avez su faire naître lors de la campagne présidentielle. Le groupe communiste républicain et concitoyen votera donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, lors de ce débat budgétaire sur les crédits de la mission « Travail et emploi », je souhaiterais aborder le sujet de la formation professionnelle, qui s'inscrit notamment dans le cadre des programmes « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » et « Accès et retour à l'emploi ».

Comme vient de le rappeler voilà quelques instants ma collègue Catherine Procaccia, la mission commune d'information sénatoriale sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, dont j'étais le rapporteur, a mis en évidence la complexité, les cloisonnements et les corporatismes dont souffre notre système.

L'insuffisance de nos dispositifs a une conséquence majeure : la formation ne va pas à celles et à ceux qui en ont aujourd'hui le plus besoin. Le taux de départ en formation dans les TPE est de 12 %, contre 22 % dans les PME de 10 à 50 salariés et contre plus de 40 % pour l'ensemble des entreprises.

La question qui se pose à nous aujourd'hui est de savoir si les crédits de la mission « Travail et emploi » permettent d'investir avec efficacité dans la formation professionnelle et l'apprentissage.

La réforme du service public de l'emploi implique celle de la formation professionnelle.

S'agissant de la formation des jeunes, les dispositifs d'alternance seront renforcés en 2008, avec 285 000 contrats d'apprentissage, soit 10 000 de plus que cette année, et avec 140 000 contrats de professionnalisation, soit 5 000 de plus que le nombre inscrit dans le budget pour 2007.

Quant aux personnes les moins qualifiées, elles devront pouvoir accéder plus facilement à la formation professionnelle continue. Le budget pour 2008 prévoit par conséquent une augmentation très sensible des crédits destinés aux demandeurs d'emploi en fin de droits, qui passent de 115 à 200 millions d'euros, soit une progression de près de 80 %.

L'institution qui naîtra de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, souhaitée par la mission commune d'information, jouera un rôle majeur non seulement dans les régions les plus touchées par les restructurations, mais aussi dans celles où les offres d'emploi ne sont pas satisfaites.

L'expérimentation du contrat de transition professionnelle constitue un élément fondamental dans le cadre de cette réforme, puisqu'il allie prise en charge matérielle, mise en situation d'emploi et actions de formation.

La mission commune d'information a souhaité que soit poursuivie de façon volontariste la mise en place de guichets uniques, dédiés, d'une part, à l'information et à l'accueil, et, d'autre part, à la prescription, afin d'améliorer le service rendu aux personnes et donc les conditions d'accès de ces dernières à la formation.

Le besoin de formation professionnelle concerne également les adultes. Une réflexion sur l'avenir de l'AFPA est sur le point d'être lancée, une fois achevé le processus de décentralisation initié en 2004. Dans la même logique, il me semble indispensable de tenir compte de l'avis de la mission commune d'information, qui préconise de rapprocher les services d'orientation de l'AFPA de ceux qui résulteront de la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC.

Le plan régional de développement des formations professionnelles doit, quant à lui, jouer un rôle pivot, en favorisant la coordination de l'ensemble des acteurs dans les domaines de l'accueil, de l'information, de l'orientation ou de la définition des programmes, afin de rendre la formation professionnelle accessible à l'ensemble des publics et adaptée aux besoins sur l'ensemble du territoire régional.

La baisse de 12 % des crédits relatifs à l'accès à la qualification s'explique par la suppression, proposée à l'article 53 du présent projet de loi de finances, des exonérations spécifiques liées aux contrats de professionnalisation, ce qui entraînera une économie estimée à 140 millions d'euros. Ces exonérations, portant notamment sur les cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, ont effectivement soulevé une critique de fond, eu égard à la stratégie de prévention mise en place.

Mais, dans l'urgence, je me félicite de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement tendant à maintenir le régime d'exonérations spécifiques au profit des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification de jeunes de moins de vingt-six ans ou de demandeurs d'emplois de quarante-cinq ans ou plus sous contrat de professionnalisation.

En attendant une réforme de fond du mécanisme de financement et de soutien de ces groupements d'employeurs, il était indispensable de donner à ces derniers des assurances sur le court terme, mais aussi, cela va de soi, sur le long terme. Ils jouent en effet un rôle essentiel en matière d'insertion et devraient connaître un développement important, car ils associent harmonieusement la stimulation dans l'effort en situation de professionnalisation et l'accompagnement dans l'adaptation à l'emploi.

Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais maintenant aborder deux points qui peuvent faire débat.

Le premier concerne la suppression de l'aide au remplacement des salariés en formation, aide accordée aux entreprises de moins de 50 salariés pour leur permettre d'assurer le remplacement d'un ou plusieurs salariés en formation.

Je n'ignore pas que seules 776 conventions ont été conclues en 2005, 828 en 2006 et 711 de janvier à septembre 2007. Je n'ignore pas non plus que le recours par les employeurs à l'aide au remplacement de salariés en formation est resté extrêmement limité, et d'un niveau comparable à celui qui était observé avant la réforme.

Pour autant, cette suppression est-elle justifiée ?

Comme je viens de le rappeler, notre effort de formation bénéficie surtout aux grandes entreprises et pas assez aux petites. Or, dans celles-ci, le départ en formation d'une seule personne peut créer un vide impossible à supporter. Je souhaiterais savoir comment le Gouvernement compte pallier la suppression de ce dispositif et favoriser l'accès à la formation professionnelle dans les entreprises de moins de dix salariés, pour lesquelles la formation est incontestablement un gage de pérennité.

La mission commune d'information sénatoriale a clairement exprimé la volonté d'encourager et de développer, au profit des TPE et PME, un service de remplacement des salariés partis en formation. C'est une question qui nous a semblé cruciale et à laquelle il faudra absolument trouver des réponses.

Il est par ailleurs indispensable de développer la fonction de conseil, d'ingénierie et d'accompagnement pour la formation professionnelle. De notre point de vue, les « organismes paritaires agréés » peuvent jouer un rôle important, et ils ont d'ailleurs pris conscience de cette nouvelle orientation qui s'impose à eux.

Le second point qui peut faire débat concerne l'amputation des crédits de la formation professionnelle consacrés à la validation des acquis de l'expérience, la VAE.

Il faut en effet noter une réduction de 18 millions d'euros de la dépense d'intervention pour la VAE, dans le cadre de la politique de certification mise en oeuvre par l'AFPA pour permettre à toute personne de faire valider ses acquis en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'un titre.

La validation des acquis de l'expérience connaît un rythme de développement soutenu : depuis 2003, 300 000 personnes ont assisté à des réunions d'information. Toutefois, comme l'a relevé l'Inspection générale de l'éducation nationale dans un récent rapport, seulement 0,5 % de la population active a participé à une réunion d'information sur la validation des acquis de l'expérience en 2004, et il est par conséquent indispensable de donner un nouvel élan à cette voie de certification.

En effet, la mission commune d'information a pu identifier, au cours de ses auditions, certaines limites au dispositif.

Tout d'abord, la démarche de la validation des acquis de l'expérience s'inscrit dans un processus lourd, long et complexe. Ainsi, en 2005, plus de 30 % des candidats ont abandonné la procédure en cours. Par ailleurs, cette procédure, qui repose sur la présentation d'un dossier écrit, peut décourager ceux qui ont été marqués par un échec à l'école. Il faut, sur ce point, avoir une approche plus pragmatique et moins académique que celle qui a prévalu jusqu'ici dans la conception de la validation des acquis de l'expérience.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis d'accord !

M. Bernard Seillier. Madame, monsieur les ministres, la formation professionnelle mobilise plus de 24 milliards d'euros, de la part des entreprises, de l'État et, de plus en plus, des régions. Au total, les moyens dont elle bénéficie sont en augmentation. Pourtant, les entrées en formation sont de moins en moins nombreuses.

La mission commune d'information a proposé de créer une autorité indépendante, chargée de l'évaluation et de la régulation de la formation professionnelle, qui devrait mobiliser et coordonner l'expertise des organismes compétents en matière de certifications et labels, à savoir l'Office professionnel de qualification des organismes de formation et des conseils et la Commission nationale de la certification professionnelle. À mon sens, il serait bon de réfléchir à cette proposition, car il importe de mettre ces organismes en mesure d'assurer, dans les meilleures conditions d'efficacité, les services d'ingénierie, de certification et d'accompagnement dont ont besoin les entreprises.

La réforme de nos dispositifs de formation professionnelle constitue un immense chantier pour le pays, mais elle conditionne, pour l'avenir, la perspective du plein emploi. À mes yeux, les crédits de la mission « Travail et emploi » expriment clairement votre volonté de faire de la formation professionnelle l'un de vos dossiers prioritaires pour l'année 2008. C'est d'ailleurs ce que vous avez annoncé, madame le ministre, au début de la session parlementaire, et c'est une démarche que le Président de la République a fortement appuyée hier soir dans son intervention télévisée.

C'est pourquoi, avec la majorité du groupe RDSE, je voterai ces crédits, en remerciant M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis des éclaircissements qu'ils nous ont apportés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Guy Fischer. Nous allons enfin entendre la voix de la vérité !

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi », je concentrerai mon intervention sur le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail ».

Derrière cet intitulé plutôt flou, se cachent des problématiques particulièrement importantes, mais qui, lors du débat à l'Assemblée nationale comme lors de nos travaux en commission, ont été abordées de manière très elliptique.

M. Jean-Pierre Godefroy. Certes, ce programme concentre moins de 10 % du total des crédits de la mission. Néanmoins, les questions de santé et de sécurité au travail, de respect de la législation du travail ou de justice prud'homale me semblent mériter tout de même notre attention dans un contexte pour le moins inquiétant.

Mme Annie David. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Godefroy. Quel état des lieux peut-on faire des conditions de travail aujourd'hui en France ?

L'attention de l'opinion publique a été attirée récemment par la succession de suicides survenus en quelques mois dans l'industrie : 5 à l'usine PSA de Mulhouse, 4 chez Renault, 4 à la centrale EDF de Chinon. Apparemment, ils seraient liés à une aggravation multiforme des conditions de travail.

Le phénomène des suicides n'est pas tout à fait nouveau. En 2003, la sécurité sociale en a reconnu 19 comme accidents du travail ou maladies professionnelles, au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel est considéré comme accident du travail l'accident survenu sur les lieux ou à l'occasion du travail. En 2004, ce nombre était de 13, et, en 2005, de 26.

Toujours selon la sécurité sociale, le nombre de dépressions liées à diverses formes de pressions, qu'il s'agisse de maltraitance ou de harcèlement du fait de l'employeur ou de ses représentants, est en augmentation.

Comme l'indique la DARES, la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, dans une note sur l'amélioration des conditions de travail publiée en juillet 2007, les contraintes et pénibilités physiques « traditionnelles » ne diminuent guère, certaines étant d'ailleurs en augmentation.

Mais, surtout, cet organisme officiel précise que de nouvelles formes de pénibilités apparaissent : qualifiées de « risques psycho-sociaux », elles « résultent de la combinaison de deux éléments : une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle. ». En clair, les salariés subissent une forte pression, pour obtenir rapidement des résultats excellents, et une contrainte pesante. Le tout est complété par un délitement des solidarités, lié à la fin de l'organisation tayloriste de la production.

Par ailleurs, les formes de pénibilités du travail évoluent de manière convergente. Si certaines se stabilisent, d'autres se développent, notamment celles qui sont fondées sur la répétition de mouvements douloureux, entraînant des troubles musculo-squelettiques. Contrairement à une croyance commune, de plus en plus d'ouvriers travaillent à la chaîne, notamment des femmes. Un salarié sur trois est soumis à de fortes contraintes de rythme de travail. Les horaires atypiques se sont développés, de même que le travail dominical. Cette aggravation de la pénibilité ne se traduit pas seulement sous la forme d'une dépression grave ou d'un suicide, elle génère également une mutation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les AT-MP.

Ainsi, comme j'ai déjà eu l'occasion de la rappeler lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, si, depuis l'an 2000, les accidents du travail sont en diminution sur la longue durée, leur taux de gravité ne cesse d'augmenter. Il n'est pas surprenant de constater que les mauvaises conditions de travail contribuent de manière décisive à cette dégradation de la situation. Quant aux maladies professionnelles, ai-je besoin de rappeler la gravité des chiffres et leurs conséquences tant humaines que financières ?

Au sujet des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une digression pour revenir sur deux points du PLFSS pour 2008 dont nous n'avons pas eu l'occasion de débattre directement voilà deux semaines, ce que je comprends d'ailleurs parfaitement, vu l'actualité qui prévalait alors : il s'agit, d'une part, de l'application des nouvelles franchises aux victimes d'AT-MP, et, d'autre part, des nouvelles modalités du contrôle médical applicable aux indemnités journalières.

Vous le savez, nous réprouvons le principe même de ces franchises ; mais, pour moi, l'application de ces dernières aux accidentés du travail et aux personnes atteintes de maladie professionnelle est d'autant plus incompréhensible qu'il s'agit non pas de malades qu'il faudrait responsabiliser, mais bien de victimes subissant les conséquences physiques et financières d'une faute imputable à un tiers, en l'occurrence leur employeur.

Les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles se verront ainsi contraintes de financer elles-mêmes une partie des soins nécessités par leur accident ou leur maladie, et seront les seules victimes, en France, à ne pas pouvoir saisir les juridictions de droit commun pour obtenir le remboursement de ces franchises. Il y a là, à notre avis, une atteinte aux principes fondamentaux de la responsabilité et de la réparation des dommages corporels posés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que nous avons d'ailleurs saisi à cet égard.

J'en viens à la question des indemnités journalières. Il est, selon nous, incompréhensible d'accorder aux employeurs le pouvoir de faire contrôler, par des médecins qu'ils rémunèrent, la justification de l'arrêt de travail et du versement des indemnités journalières.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne croyez pas que vous exagérez un peu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Pas du tout, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. La politique politicienne a ses limites !

Mme Annie David. Il s'agit tout de même de la santé des travailleurs !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela remet en cause l'objectivité du contrôle et met en danger la santé des travailleurs. Il s'agit d'un moyen de pression mis entre les mains des employeurs les plus indélicats.

Mais vous nous ferez part, je n'en doute pas, de votre opinion à ce sujet, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. N'en doutez pas !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je n'en doute pas, et je l'attends !

J'en reviens à la question des conditions de travail.

Depuis l'accord du 13 septembre 2000 sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels, peu de progrès réels ont été accomplis. Aujourd'hui, dans un contexte de quasi-stagnation de la négociation en entreprise, la thématique des conditions de travail est toujours aussi peu prégnante : 1,4 % des accords ont été signés en 2006. Ce chiffre est éloquent !

Face à ce constat, les travaux préparatoires à la Conférence nationale sur les conditions de travail, que vous avez organisée au mois de septembre dernier, ont montré quel long chemin restait encore à parcourir avant de faire émerger des propositions concrètes à l'issue de cette conférence.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas ce qu'ont dit les syndicats, en tout cas ! Vous ne vous sentez pas un peu isolé ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis rassuré de vous entendre réagir, monsieur le ministre. Cela prouve que je mets le doigt là où ça fait mal !

M. Xavier Bertrand, ministre. Non, cela montre que vous êtes isolé ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. On le verra plus tard !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous verrons bien, monsieur le ministre ! J'ai entendu ces propos tellement souvent, ne serait-ce que lors du débat sur le contrat première embauche ou sur le contrat nouvelles embauches ! Vous auriez mieux fait de nous écouter à l'époque !

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les employeurs font de la résistance. Le patronat est allé jusqu'à contester le cadrage statistique fourni par les services de votre ministère, notamment en s'en prenant, encore une fois, aux résultats issus de l'enquête sur les conditions de travail de la DARES, et de l'enquête SUMER, ou surveillance médicale des risques.

M. Guy Fischer. Avec vous, monsieur le ministre, l'UIMM peut dormir tranquille !

M. Jean-Pierre Godefroy. Si je suis isolé, je le suis donc avec vos services, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ne faites pas d'interprétation à votre convenance !

M. Jean-Pierre Godefroy. Force est de constater que, si le MEDEF suit sa logique habituelle de déni, le Gouvernement est encore loin d'avoir fait sa révolution sur le sujet. Le projet de budget pour 2008 en est l'illustration puisque les crédits de l'action n° 01 « Santé et sécurité au travail », déjà bien faibles, sont en diminution de 9 % par rapport à 2007.

M. Guy Fischer. C'est la vérité !

M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis de longues années déjà, le lien qui existe entre les atteintes à la santé physique et morale des individus et le travail plaide en faveur de la refondation de notre système de santé au travail. Pourtant, c'est un sentiment d'inertie qui prédomine.

M. Xavier Bertrand, ministre. Avec un accord en octobre !

M. Jean-Pierre Godefroy. L'État, sensible aux priorités économiques et financières des entreprises, manque de volontarisme politique pour lancer le débat sur l'organisation du travail et pour donner à l'ensemble des acteurs de la prévention les moyens humains et juridiques de remplir leurs missions. Le cadre des négociations sur les conditions de travail que vous avez fixé...

M. Xavier Bertrand, ministre. En accord avec les partenaires sociaux !

M. Jean-Pierre Godefroy. ...ne répond que très partiellement - même si c'est déjà une avancée - à la problématique globale.

M. Xavier Bertrand, ministre. Quel mépris pour les partenaires sociaux ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, vous parlez de mépris pour les partenaires sociaux.

M. Xavier Bertrand, ministre. De votre part, oui !

M. Jean-Pierre Godefroy. Or ceux-là mêmes vous ont dit ce qu'ils pensaient, non pas de vous, personnellement, mais du Gouvernement, voire du Président de la République !

M. Xavier Bertrand, ministre. Sortez les dépêches !

M. Jean-Pierre Godefroy. Si les organisations syndicales estiment que nous les méprisons, je pense qu'elles viendront nous le dire. Mais les contacts que nous avons régulièrement avec elles laissent penser le contraire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez de la mémoire !

M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, monsieur le ministre, j'ai beaucoup de mémoire !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour cela, il faut en avoir !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je trouve décidément que ce dialogue est très positif et que nous devrions le poursuivre.

S'agissant de la médecine du travail, dont la situation est plus que préoccupante, vous n'ignorez pas qu'une pénurie de médecins du travail est annoncée pour les prochaines années.

M. Paul Blanc. De tous les médecins !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le nombre de ces médecins ne cesse de baisser - encore une diminution de 1 % entre 2006 et 2007 - et la moyenne d'âge de ceux qui sont encore en activité est élevée, puisqu'elle avoisine cinquante ans. D'ici à cinq ans, de 1 600 à 1 800 médecins cesseront leur activité, sans que les recrutements d'aujourd'hui, qui sont de plus en plus difficiles, permettent de compenser ces départs.

Des propositions vous ont été faites pour remédier à cette situation dans plusieurs rapports publiés récemment, notamment celui de Paul Frimat et Françoise Conso. Quelle suite comptez-vous y donner ?

Interrogé sur le sujet à l'Assemblée nationale par notre ancien collègue Roland Muzeau,...

M. Guy Fischer. Vous le connaissez !

M. Jean-Pierre Godefroy. ...vous avez indiqué vouloir « engager une large concertation avec les partenaires sociaux et les acteurs de la médecine du travail, [soumettre] ensuite aux partenaires sociaux une proposition en vue de poursuivre la réforme, au cours du premier trimestre 2008 [...], l'objectif étant de débuter la mise en place progressive de cette nouvelle phase de la réforme au plus tard au second trimestre 2008 ». Soit ! Mais avec quels moyens, monsieur le ministre ?

Une telle réforme de la médecine du travail ne peut se faire à moyens constants. Or rien n'est prévu, pour 2008, dans ce budget !

À l'inverse, je vous donne acte de l'effort fait en faveur de l'Inspection du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ah !... Ce n'est pas trop difficile ?

M. Jean-Pierre Godefroy. On peut être dans l'opposition et néanmoins objectif !

De même, monsieur le ministre, il serait bon que vous soyez un peu objectif et moins critique à notre égard !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne demande que cela !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous donne donc, à l'inverse, un satisfecit pour le recrutement de 170 agents supplémentaires, prévu dans ce budget, qui permet enfin de concrétiser le plan de développement et de modernisation de l'Inspection du travail, même si les efforts à fournir sont encore importants et devront être poursuivis dans les prochaines années.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est prévu ! C'est un plan pluriannuel !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela étant dit, je m'élève avec force contre un décret qui opère un véritable détournement de la mission des inspecteurs et contrôleurs du travail. Ce décret concerne les attributions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

M. Guy Fischer. Voilà pourquoi ces embauches sont faites ! N'est-ce pas, monsieur le ministre ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit, en l'espèce, de compter sur les inspecteurs du travail pour lutter contre l'immigration clandestine et de profiter ainsi de la faculté dont dispose l'Inspection du travail d'entrer à tout moment dans les entreprises.

Personne, ici, ne conteste le bien-fondé d'un contrôle du travail illégal. Mais la mission de contrôle de la réglementation du travail n'a rien à voir avec celle de contrôle des papiers d'identité : sur le fond et sur la forme, ce n'est pas le même métier !

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce décret n'a d'ailleurs pas manqué de provoquer l'indignation des personnels concernés. Comme l'a dit une inspectrice du travail, « l'Inspection du travail ne veut pas servir d'ouvre-boîte aux forces de police, juste pour améliorer le score des reconduites à la frontière ». (Mme Gisèle Printz s'exclame.)

Monsieur le ministre, ce mélange des genres ne peut que desservir le contrôle de la qualité et de l'effectivité du droit, que nous devons tous promouvoir. La mission des inspecteurs et des contrôleurs du travail est déjà suffisamment vaste pour que ceux-ci ne servent pas, en plus, de supplétif à la police.

M. Guy Fischer. Démentez, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Godefroy. Comptez-vous, monsieur le ministre, clarifier cette situation ?

Je voulais dire un mot sur les conseils de prud'hommes, mais le temps qui m'est imparti s'écoule, et je tiens à laisser la parole à mes collègues.

De manière générale, ce projet de budget est loin d'être satisfaisant, et je regrette son contenu plus que minimal en termes tant de moyens que d'engagements précis. Si l'on fait le total, il est en diminution dans tous les secteurs, à l'exception des exonérations de cotisations sociales patronales.

Le projet de budget impose un double effort aux salariés : en tant que contribuables, directs et indirects, qui doivent soutenir les chefs d'entreprise, et en tant que travailleurs, dont les droits, la sécurité, les acquis et les prestations sociales doivent être limités au plus juste, pour rétablir la compétitivité du pays dans un contexte de dumping social généralisé.

Il semble que ce rétablissement repose pour l'essentiel sur les salariés, ce qui pourrait être une forme d'hommage s'il ne s'agissait, en fait, d'un retour à des conditions initiales bien plus insupportables. Nous voterons donc contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, je souhaite vous poser deux questions concernant la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.

Mon seul souci est de permettre à cette loi de produire ses pleins effets. Je suis certain que vous connaissez mieux que moi la réalité en matière d'heures supplémentaires, mais cette réalité est tout de même difficile à cerner avec précision.

Sur 17 millions de salariés du secteur privé, de 6 à 7 millions effectuent des heures supplémentaires et peuvent donc bénéficier des dispositifs de la loi TEPA.

Souhaitant que l'application de cette loi soit la plus facile et la plus large possible, je tiens à vous signaler deux difficultés, que j'ai observées dans ma modeste commune, sur le territoire de laquelle sont installées plusieurs entreprises et une maison de retraite.

M. Guy Fischer. À Rosières !

M. Adrien Gouteyron. Tout à fait, monsieur Fischer !

Je vais vous faire part, madame la ministre, des remarques qui m'ont été faites sur le terrain.

Actuellement, le contingent normalement autorisé d'heures supplémentaires est de 220 heures annuelles. Cependant, dans un certain nombre d'entreprises, un accord collectif antérieur a fixé un contingent parfois très largement inférieur. Je peux citer les exemples suivants : 140 heures dans les assurances ; 150 heures dans la fabrication de meubles ; 182 heures dans le secteur de l'automobile, que connaît bien M. Souvet ; 180 heures dans le bâtiment ; 130 heures  dans les secteurs de la blanchisserie et de l'habillement ; 150 heures dans celui de la pharmacie ; 130 heures dans l'industrie de la plasturgie, qui me concerne directement.

Si l'on applique la loi dans les entreprises pour lesquelles il n'existe pas d'accord collectif de branche, il est possible, sur une période de 40 semaines, d'effectuer 220 heures supplémentaires annuelles, soit 5,5 heures supplémentaires environ par semaine.

En revanche, dans le secteur de la plasturgie, par exemple, où le contingent annuel est de 130  heures supplémentaires, les salariés ne peuvent travailler plus de 38,25 heures par semaine et ne bénéficient donc du dispositif prévu par la loi TEPA que pour 3,25 heures supplémentaires hebdomadaires.

Madame la ministre, ma première question est la suivante : que peut faire le Gouvernement pour surmonter cette contrainte ?

Nous avons, d'un côté, les accords collectifs de branche et, de l'autre, la loi TEPA. Que peut-on faire pour que les salariés qui le souhaitent puissent bénéficier à plein de ce dispositif et pour que les patrons qui le peuvent en fassent profiter leurs salariés ?

M. Paul Blanc. Libérer les énergies !

M. Adrien Gouteyron. Ma seconde question concerne les salariés des maisons de retraite - c'est un cas que je connais bien -, des établissements à caractère médico-social, mais aussi du secteur de la grande distribution.

Premièrement, les établissements emploient de nombreux salariés à temps partiel pour des raisons d'organisation : la majeure partie du temps de travail est en effet concentrée dans la matinée. Au vu de ces contraintes, la solution la plus commode et la plus souple est le temps partiel.

Deuxièmement, les emplois concernés sont souvent occupés par des femmes. Ces salariées, qui connaissent de nombreuses contraintes familiales, demandent parfois elles-mêmes à travailler à temps partiel. Mais ces mêmes salariées peuvent également souhaiter, de temps à autre, effectuer des heures supplémentaires.

M. Paul Blanc. Tout à fait !

M. Adrien Gouteyron. Je vais tenter de décrire la situation actuelle, qui est quelque peu complexe.

Avant la loi TEPA, un salarié à temps partiel pouvait bénéficier d'heures complémentaires à hauteur de 10 % de sa durée de travail. Par dérogation, ce contingent pouvait même atteindre un tiers du temps de travail.

Pourquoi dès lors ne pas profiter du dispositif de la loi TEPA ?

Il y a une raison, et elle est très simple : la loi a prévu, pour les salariés, une exonération fiscale ainsi qu'une exonération sociale et, pour les employeurs, une réduction forfaitaire des cotisations patronales, qui varie selon la taille des entreprises, soit une réduction de 0,50 euro par heure portée à 1,50 euro par heure dans les entreprises de moins de vingt salariés.

Or, ce dispositif ne peut pas s'appliquer pour des salariés à temps partiel.

Mmes Annie Jarraud-Vergnolle et Raymonde Le Texier. Eh oui !

M. Adrien Gouteyron. Je comprends pourquoi, car je vois bien les difficultés qui se posent au regard même du droit du travail. Il n'empêche qu'il y a là un gisement de pouvoir d'achat et de confort social pour les salariés qu'il faudrait pouvoir exploiter.

J'ai voulu soulever devant vous la question, madame la ministre, car cette piste mérite au moins d'être explorée.

Je conclurai mon propos en disant que je ne suis pas de ceux qui méconnaissent les bienfaits de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ; bien au contraire, je souhaite qu'ils soient aussi largement que possible généralisés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure d'une critique convenue d'un néolibéralisme censé être effréné, l'examen de la mission « Travail et emploi » vient nous rappeler qu'historiquement les attentes citoyennes à l'égard tant d'un État devenu régulateur que de son champ d'intervention n'ont en réalité jamais été aussi fortes.

Sans surévaluer le pouvoir réel des autorités publiques - comme on l'indique souvent, la croissance et l'emploi « ne se décrètent pas » -, songeons que l'action publique a néanmoins la capacité d'affecter les conditions économiques et sociales dans l'accompagnement des effets des mutations internationales et dans l'impulsion des restructurations.

En ce sens, les processus de rationalisation engagés dans ce budget de transition, autour de la refondation des contrats aidés et d'une meilleure coordination des instances de prise en charge des demandeurs d'emploi, vont dans le bon sens.

Cette problématique de l'intervention publique sur le marché de l'emploi et sur la croissance renvoie à deux enjeux étroitement corrélés, relatifs à une prospective des métiers et aux carences structurelles que connaît la France dans l'inadéquation entre son offre et son marché de l'emploi.

Ainsi, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques et le Centre d'analyse stratégique, qui ont travaillé conjointement à la rédaction d'un rapport intitulé Les métiers en 2015, indiquent clairement que l'hypothèse d'un relatif retour au plein emploi se profile à l'horizon du xxie siècle, du fait notamment du départ massif à la retraite de la génération du baby-boom, et cela même dans l'hypothèse d'un taux de croissance relativement réduit - autour de 2 % par an.

Mais les différents scénarios arrêtés font aussi apparaître que cette hypothèse ne deviendra réalité que sous la condition expresse que les pouvoirs publics établissent des politiques actives pour favoriser le retour à l'emploi des personnes actuellement éloignées du marché du travail ; ils montrent, parallèlement, que de profondes disparités entre types d'activité vont intervenir, avec un secteur tertiaire désormais ultra-dominant et des tensions sur certains domaines de recrutement faute de candidats - en matière de personnel de santé notamment.

Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen entend insister dès lors sur la nécessaire adaptation structurelle de notre marché du travail alors qu'un rapport de la chambre de commerce et d'industrie de Paris de juin 2006 - c'est donc un rapport récent - évoque le chiffre de 100 000 emplois non pourvus en Île-de-France - la confédération générale des petites et moyennes entreprises, par la voix de son secrétaire général, estime même leur nombre à 300 000 ! -, situation qui aurait un effet induit direct, dans près de 50 % des cas, sur le chiffre d'affaires des entreprises.

Sans doute la politique de sanction pour les chômeurs refusant deux emplois successifs doit-elle être poursuivie, mais elle doit s'accompagner d'un effort considérable dans la promotion de la formation professionnelle initiale et continue. Les centres de formation d'apprentis sont débordés, et l'on attend toujours la promotion réelle de l'école manuelle d'excellence, seule à même de renverser une tendance à éviter certains métiers jugés pénibles - et, disant cela, je songe principalement au bâtiment.

Pour le moment, le choix gouvernemental d'une intervention sur le levier de la consommation est marqué : notre assemblée aura à examiner prochainement le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui vise à favoriser la consommation et qui a d'ores et déjà été voté à l'Assemblée nationale ; un second texte d'ampleur est attendu en début d'année prochaine.

Les premières annonces - encore provisoires et partielles, il est vrai - de mesures préconisées dans le pré-rapport de la commission pour la libération de la croissance française, présidée par M. Attali, indiquent tout de même une tendance : la voie de la libéralisation, raisonnée, des marchés.

L'évacuation de certains verrous, s'agissant de professions protégées contre de nouveaux entrants sur leur segment, est sans aucun doute légitime, et elle est susceptible, me semble-t-il, d'impulser une véritable dynamique d'emplois.

Des impératifs d'aménagement et de vitalité du territoire, d'urbanisation, chers à la Haute Assemblée, appellent cependant des réserves à l'égard d'une ouverture des conditions d'implantation concurrentielle de la grande distribution. Souvenons-nous que les oppositions - supposées - entre « archaïques » et « modernes » lors des débats relatifs à l'examen de la loi Royer en 1973 ont été dépassées quatre ans plus tard lorsque le Premier ministre de l'époque, Raymond Barre, a réorienté, face à la crise, sa politique d'emploi vers la promotion des PME et des TPE.

Le différentiel de création d'emploi entre grande distribution et secteurs productifs et artisanaux des dernières années invite de surcroît à la prudence.

Tournons-nous vers nos voisins : l'Allemagne, malgré des difficultés, profite d'un certain dynamisme, fondé non pas sur son marché de consommation intérieure, mais sur l'excédent de sa balance commerciale ; la politique de l'emploi est par essence trans-sectorielle, et les interventions de la mission « Travail et emploi » ne peuvent s'entendre que corrélées aux mesures relatives à notre commerce extérieur et au développement économique.

Enfin, l'impact des politiques sectorielles et macroéconomiques sur le marché de l'emploi ne se vérifiera que s'il s'accompagne de la mise en oeuvre d'un aggiornamento des pratiques sociales. La régulation économique n'est rendue possible que si elle s'effectue dans un cadre social apaisé. Le modèle français traditionnellement dirigiste devra à terme disparaître et trouver sa voie entre deux modèles référents : le « modèle rhénan », c'est-à-dire allemand, de négociation sociale, contractualiste, qui permet de garantir la paix sociale sur le moyen terme par des accords tenus entre patronat et représentants des salariés, et le modèle anglais, fondé sur des accords décentralisés d'entreprise et une liberté d'action collective plus restreinte, contrainte par la loi.

En tout cas, la signature dans notre pays en 2001 d'un accord sur le dialogue social dans l'artisanat entre les confédérations salariales et l'union interprofessionnelle du secteur démontre que les partenaires sociaux sont déjà prêts à cette mutation : la validation de l'accord par l'obtention définitive de l'extension des accords de déclinaison mise en exergue par le rapport Hadas-Lebel ou la remise à plat des conditions plus générales d'organisation du dialogue social devra être rapidement actée.

Madame la ministre, l'examen de la mission « Travail et emploi » est ainsi l'occasion pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, dans sa majorité, d'exprimer son soutien et son engagement sur les mutations à venir, et de voter en conséquence les dispositifs budgétaires pour 2008 y afférents. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on a coutume de penser - et on a raison ! - que la lisibilité d'un budget et le sens qu'on lui attribue doivent présider à l'élaboration du projet. Le projet de loi de finances, qui détermine le budget de l'État, n'échappe pas - et pour cause ! - à cette règle.

Je m'emploierai donc, en m'en tenant au chapitre du travail et de l'emploi, à démontrer le manque de lisibilité du projet de loi de finances pour 2008 et l'absence de sens des options qui sont choisies.

Les questions du développement économique harmonieux et de l'insertion des salariés devraient nous préoccuper tous et nous amener à fournir des objectifs clairs, relevant d'une stratégie à long terme et s'inscrivant dans une économie, mondialisée ou non mais du moins favorable aux travailleurs de notre pays.

Au lieu de quoi, ce projet de loi de finances s'emploie essentiellement à financiariser des mesures à court terme, peu compréhensibles et non évaluées.

Dans l'attente des réformes que le Gouvernement prévoit en 2008 et qui n'apparaissent d'ailleurs pas dans ce budget prévisionnel - je pense notamment à la fusion entre l'UNEDIC et l'ANPE -, le projet de loi de finances laisse présager un budget de transition, comme pour la sécurité sociale.

La présentation budgétaire a été si singulièrement modifiée que toute comparaison avec les budgets antérieurs est quasi impossible. Ainsi, le programme « Développement de l'emploi » disparaît et se trouve intégré au programme « Accès et retour à l'emploi » pour le secteur de l'insertion par l'économique, et le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » intègre une nouvelle action « Développement de l'emploi » pour les emplois de services, les baisses du coût du travail et les aides au secteur hôtels, cafés et restaurants.

La mission « Travail et emploi » s'inscrit donc dorénavant dans une double compétence ministérielle, qui opacifie les moyens de l'emploi du fait de leur dissémination.

La révision à la baisse d'objectifs initiaux dans la seule appellation des programmes ne nous échappe pas !

Vous nous présentez les crédits de la mission « Travail et emploi » en baisse de 2,7 % par rapport à 2007, alors qu'aucune évaluation des actions du plan Borloo qui courent toujours n'a été faite.

Remontons un peu dans le temps, si vous le voulez bien.

Souvenons-nous tous de cet épisode incroyable du printemps dernier : la non-publication par l'INSEE des chiffres du chômage pour 2006, jugés non fiables par le Gouvernement, à la veille d'une campagne électorale !

Souvenons-nous qu'une analyse plus complète a permis à l'INSEE de constater que, depuis 2005, le taux de chômage avait baissé d'un point seulement au lieu de deux, ce qui le ramenait au niveau des statistiques de la fin de 2002 !

Souvenons-nous aussi que la « gouvernance » de M. Raffarin a conduit à supprimer les emplois-jeunes et des contrats aidés à destination d'un public fragile.

Souvenons-nous que sa politique économique a eu pour effet une remontée vertigineuse et brutale des chiffres du chômage, heureusement enrayée par le virage à 180° de la politique pilotée par Jean-Louis Borloo sur les contrats aidés.

Cet exposé illustre bien les vertus d'une mécanique libérale qui laisse de côté les jeunes, les publics les plus fragiles, notamment les personnes âgées de plus de cinquante ans, et dont les promoteurs s'entêtent à croire contre toute évidence que seule la loi du marché peut créer de l'emploi !

Malheureusement, madame la ministre, vous ne tirez pas de leçon de cet épisode puisque vous persévérez dans la même logique, sans mesurer que, derrière vos politiques de l'emploi, il y a des hommes et des femmes qui « galèrent », vont de « petit boulot » en « petit boulot », à temps partiel pour la plupart, ou à durée déterminée pour la majorité puisque plus de 50 % des contrats signés actuellement le sont en CDD.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Paul Blanc. Votre vérité !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le développement de ces emplois atypiques et précaires correspond davantage aux besoins du système productif qu'au souhait des salariés, mais il faut bien vivre, même avec des emplois à trou, dans l'incertitude du lendemain !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le nombre des emplois atypiques et précaires est en augmentation. Pour une part croissante de salariés, le quotidien consiste à avoir un pied dans l'emploi, l'autre dans le chômage.

Ces situations mixtes permettent aux employeurs d'ajuster leurs effectifs à la situation du marché, tout en conservant précieusement leurs salariés qualifiés, indispensables au bon fonctionnement de leurs entreprises.

Les supplétifs de l'emploi jouent donc un rôle essentiel de variable d'ajustement, dans un système économique où la demande est de plus en plus volatile. Ils sont les premières victimes, et, parmi eux, les femmes subissent les plus lourds inconvénients.

Aujourd'hui, même un CDI à temps plein ne garantit pas forcément des revenus permettant de vivre décemment.

Un salarié sur deux travaillant à temps plein gagne moins de 1 500 euros par mois. Ce salaire médian a baissé de 0,4 % si l'on tient compte de l'inflation.

Le SMIC n'est même plus le salaire minimum : dans 55 branches professionnelles sur 84, les minima salariaux y sont inférieurs, selon des sources de l'INSEE.

À côté de ces chiffres consternants, les plus grandes entreprises, notamment celles du CAC 40, ont affiché depuis trois ans des profits records, distribué des dividendes tout aussi faramineux, et quasiment gelé les salaires !

Alors que la France est de plus en plus riche, jamais elle n'a été aussi inégalitaire : 7,1 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont 2 millions exerçant une activité professionnelle !

Votre politique accroît et pérennise la précarité. L'Observatoire des inégalités, dans un rapport paru en août 2007, souligne qu'une frange considérable de la population manque de ressources. Mais il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, du dénuement total comparable à ce que l'on rencontre dans les pays les plus pauvres. Il n'empêche que des millions d'enfants, d'hommes et de femmes vivent à l'écart des normes de la société. Ils aspirent non pas seulement à manger, mais aussi à avoir un logement décent, à étudier et à travailler, à se soigner comme les autres. Cette pauvreté suscite l'indignation dans tous les milieux sociaux, mais elle est souvent déconnectée de la question des inégalités de façon générale.

Pour une plus grande équité, il serait maintenant primordial de parvenir à enclencher un processus de sécurisation des parcours professionnels avec une amélioration des droits sociaux des salariés, une reconnaissance de leurs acquis professionnels, un accès développé à la formation et des revenus ajustés.

Mais il ne semble pas que ces options fassent partie de vos priorités.

Paradoxalement, l'été dernier, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a mis en oeuvre une multiplication de cadeaux fiscaux ciblés sur les plus aisés, sans effets sur la croissance de l'activité, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

A contrario des déclarations faites par Nicolas Sarkozy -  « il faut nettoyer les niches fiscales qui rendent notre système opaque et inégalitaire et remettre à plat tous les grands prélèvements » -, la loi fiscale de juillet dernier a multiplié les niches fiscales, notamment en matière d'ISF.

C'est ainsi la rente, et non le travail, qui est récompensée.

En effet, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a pu obtenir les premiers éléments d'appréciation des effets du bouclier fiscal : au premier semestre 2007, 2 400 contribuables étaient concernés et ont reçu chacun un chèque moyen de 50 000 euros.

Quant à l'exonération des heures supplémentaires et à ses effets sur l'activité, les économistes sont unanimes pour dire que cette mesure ne créera pas d'emplois. Elle pourrait même en détruire, en dépit de son coût exorbitant et dangereux pour les finances publiques.

J'en viens au budget de la mission « Travail et emploi ».

Sous prétexte, d'une part, d'une amélioration apparente des chiffres de l'emploi, alors que ces derniers ne révèlent ni la réalité de la création d'emploi ni la précarisation croissante des situations d'emploi - une offre d'emploi de sept heures suffit pour être comptabilisée en création d'emploi -...

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. ... et, d'autre part, d'un hypothétique retour de la croissance et de la mise en marche d'une série de réformes qui n'ont toujours pas abouti, vous proposez une déconstruction des dispositifs au service des plus fragiles.

Ainsi, vous remettez en cause les contrats aidés.

Cela se traduit, dans le secteur marchand, par la disparition des soutiens à l'emploi des jeunes en entreprise, par la diminution de 33 % de la dotation aux contrats initiative emploi, et par la suppression des exonérations sur les contrats de professionnalisation.

Dans le secteur non marchand, les contrats d'accompagnement vers l'emploi sont en baisse de 18 %, et les contrats d'avenir de 27 %.

On constate également une baisse du contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, l'arrêt des créations des maisons de l'emploi, le maintien du financement des missions locales sans compensation de la perte du financement du Fonds social européen, ainsi qu'une baisse de 30 % de la validation des acquis de l'expérience, la VAE.

Il s'agit là de coupes franches qui déstabilisent les processus d'insertion par l'économique, tant pour les personnes que pour les organismes s'investissant à long terme pour assurer l'efficacité de leurs actions.

Alors même que le présent projet de loi propose de pérenniser les aides au secteur des hôtels, cafés, restaurants, le secteur HCR, dont les effets positifs sur l'emploi n'ont pas été démontrés, il supprime des dispositifs tels que l'allocation équivalent retraite ou l'aide au remplacement des salariés en congé maternité ou en formation, pour réaliser des économies sans commune mesure avec les montants alloués au secteur HCR..

Quant aux autres actions de la mission, les dispositifs d'insertion des publics en difficulté ne sont pas non plus ménagés. On constate en effet une baisse de la dotation à l'insertion par l'activité de 4 %. Il est vrai que vous avez maintenu les aides aux structures de l'IAE, je vous le concède et vous en remercie, car cela représente un gros travail.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Eh oui !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le fonds d'insertion professionnelle des jeunes accuse également une baisse significative de 30 %, alors qu'il permettait une sécurisation des parcours des jeunes mineurs et l'aide au financement de logements.

L'empilement et la superposition de tous ces dispositifs ne favorisent pas la lisibilité des politiques de l'emploi. On nous annonce que le Grenelle de l'insertion prépare une réflexion et des expérimentations sur la mise en place d'un contrat unique. Mais seront-elles financées par Bercy ?

En ce qui concerne les personnes handicapées, les crédits d'aide aux postes pour les entreprises adaptées sont maintenus ainsi que les fonds pour les programmes départementaux d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. En revanche, la subvention d'accompagnement est réduite de 11 %. Quel dommage, car elle garantissait la réussite de l'insertion durable de ces publics !

J'aborderai maintenant le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », pour lequel l'État a créé toute une batterie de mesures qui sont pourtant en diminution de 0,4 % par rapport à 2007.

Bien que l'anticipation des mutations économiques soit indispensable, les moyens consacrés à l'analyse et à la prospective restent insuffisants. Le rapport du Centre d'analyse stratégique et de la DARES, intitulé Les métiers en 2015, fait apparaître plusieurs scénarios relatifs aux besoins de l'économie et à la structure de la population active. Le diagnostic de cette étude encourage à prendre dès à présent les dispositions et les mesures nécessaires pour anticiper l'évolution des programmes de formation, des métiers et des qualifications. Or, votre investissement n'est malheureusement pas à la hauteur des enjeux.

Mes chers collègues, quand vous voterez les crédits de la mission « Travail et emploi », dont je viens de montrer à quel point elle peut assombrir encore la situation de personnes déjà en difficulté, souvenez-vous que le slogan « travailler plus pour gagner plus » est une imposture sophistique qui galvanise peut-être une campagne électorale, mais ne sert pas les travailleurs.

Cette formule met l'accent sur le quantitatif au détriment du qualitatif, définitivement évacué. Combien de travailleurs précaires aimeraient travailler plus pour gagner plus ?

Dans mon département, en particulier sur la côte basque, l'activité économique est liée à une forte saisonnalité. Les principales offres d'emploi concernent le travail saisonnier, notamment dans l'hôtellerie et la restauration, ainsi que le travail à temps partiel - dix-huit heures à vingt-deux heures hebdomadaires - dans la grande distribution, comme le soulignait M. Gouteyron tout à l'heure. Jusqu'en 2007, les périodes de morte-saison étaient indemnisées avec un coefficient de minoration. En 2008, selon l'UNEDIC, ces périodes ne seront plus indemnisées, accélérant ainsi les difficultés inhérentes à ces situations précaires : logement, prêts bancaires, perspectives,...

Qu'en est-il exactement ? Va-t-on précariser un peu plus une population pourtant nécessaire au bon fonctionnement de l'économie locale ?

La revalorisation du travail consisterait à construire des parcours professionnels, à établir des passerelles avec la saisonnalité de montagne, à considérer que le travail, la tâche, le temps passé, l'effort réalisé sont reconnus à leur juste valeur.

Alors, ce serait le qualitatif qui prendrait le pas. Alors, les travailleurs seraient encouragés dans leurs efforts. Alors, ils seraient récompensés et auraient envie de consommer parce qu'ils en auraient les moyens !

Mais le programme « travailler plus pour gagner plus » ne crée pas d'emplois ! L'investissement productif, la formation des salariés, la préparation à l'emploi, la recherche s'inscrivent dans des temps longs. Les marchés financiers, eux, évoluent dans des temps courts. La paix sociale passe par l'ajustement des deux.

Jean-Baptiste de Foucauld et Denis Piveteau, dans Une société en quête de sens, nous rappellent que « la crise de l'emploi ne peut être dissociée de deux autres crises, celle du lien social et celle du sens. En effet, perdre son emploi a des conséquences bien au-delà de la sphère professionnelle. Et, à l'inverse, retrouver un emploi, pour celui qui l'a perdu depuis longtemps, passe bien souvent par la reconstruction d'une identité et d'un lien relationnel. »

Aussi, aucun projet politique ne peut se borner à des mesures purement techniques.

La réhabilitation du travail passe par là. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, avoir pour objectif un taux de chômage de 5 % et un taux d'activité de 70 % ne manque pas d'ambition.

L'afficher urbi et orbi, alors même que le taux de chômage est aujourd'hui de 8,1 %, que la croissance est poussive, que le solde net d'emplois créés reste faible, tandis que la précarité n'a jamais été aussi forte, ne manque pas d'aplomb.

Faire croire que ce résultat sera atteint avec un budget en baisse de 2,5 % par rapport à 2007 et dans lequel la seule solution proposée pour vaincre le chômage repose sur une fusion administrative entre l'ANPE et l'UNEDIC, mettre ses espoirs dans la suppression des contrats aidés, dans les coupes franches opérées dans le budget de la formation professionnelle, dans la promotion d'un plan senior mis en avant sans qu'aucune ligne budgétaire n'en assure l'efficacité, relève de la mystification.

Vous vous réjouissez, monsieur le ministre, de la baisse du chômage constatée par l'INSEE ; pourtant nos concitoyens ont toujours autant de mal à trouver un emploi, les jeunes encore plus de mal à rentrer sur le marché du travail et les seniors à y rester.

Les départements croulent sous la charge du RMI et, quand l'emploi est enfin là, il est souvent précaire, partiel, mal payé. Chacun sait que les travailleurs pauvres sont aujourd'hui légion.

Votre projet de budget fait l'impasse sur la contestation aussi récente qu'argumentée des chiffres du chômage par des experts de l'INSEE. Vous vous gardez bien également de dire que plus de la moitié des allocataires du RMI, par exemple, ne sont pas inscrits à l'ANPE. « Cela pour ne pas alourdir les statistiques, ce qui équivaut à les priver de tout accompagnement professionnel », selon un membre du Gouvernement auditionné à l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, un emploi créé sur six l'est en intérim. La plupart des nouveaux emplois sont cantonnés dans le domaine des services aux entreprises ou aux particuliers, tandis que les effectifs dans l'industrie ne cessent de se réduire. Ces emplois sont fragiles par essence et rarement à temps complet. Pourtant, passer de la stabilité à la précarité est loin d'être neutre sur l'équilibre d'une société et sur la façon dont elle se projette ou ne se projette plus dans l'avenir.

Le fait qu'aujourd'hui les créations d'emploi se fassent sur des emplois précaires par définition est de mauvais augure. Tandis que le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français, la moitié des salariés à temps partiel touche un salaire mensuel inférieur à 750 euros. Ils sont l'archétype de ces travailleurs pauvres pour qui le travail n'est plus gage d'insertion et peine même à assurer leur existence.

Aujourd'hui, le travail n'est plus pour beaucoup un facteur d'émancipation et d'ascension sociale. C'est à tel point vrai que la question de la revalorisation du travail ne passe plus pour vous par la fiche de paye, les accords salariaux et la garantie des droits des salariés, mais se réduit aux acquêts des heures supplémentaires pour ceux qui peuvent en faire.

Alors qu'il est plus que jamais nécessaire de mettre en place une politique de l'emploi cohérente, lisible et stable, ce budget n'en porte pas l'empreinte. Votre politique en matière d'emploi est finalement plutôt basique et, bien qu'ayant fait la preuve de son absence de résultat, elle est sans cesse reconduite avec toujours plus de moyens. Elle s'appuie essentiellement sur les allégements de cotisations sociales et, à moindre mesure, sur l'accroissement des dépenses fiscales.

Ainsi, la majeure partie des crédits que le Gouvernement prétend consacrer à l'emploi est totalement hors de la mission, soit 26,84 milliards d'euros pour les allégements de cotisations sociales, patronales pour l'essentiel, et 9,6 milliards d'euros de dépenses fiscales.

Ces choix ne sont pas sans conséquences. La politique de l'emploi, consistant essentiellement en allégements de charges patronales, permet de faire assumer le financement de la protection sociale par les ménages, tout en réduisant le champ d'intervention des partenaires sociaux puisque l'État mobilise ses capacités de financement sur un domaine où il a tous pouvoirs.

Surtout, cette politique repose maintenant clairement entre les mains de Bercy.

Derrière chaque politique de l'emploi, il y a des êtres humains ; mais votre gestion repose de plus en plus sur des objectifs comptables et des logiques strictement budgétaires. La dimension sociale de ces politiques se réduit comme peau de chagrin quand elle n'est pas tout simplement oubliée.

Enfin, la question des demandeurs d'emplois se concentre essentiellement sur l'annonce de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC sous la tutelle de Bercy, mettant en doute la volonté d'améliorer le suivi des chômeurs. Le principe de sanction est alors mis en avant plutôt que l'obligation de moyen. Le placement selon la logique de « l'emploi convenable » souffre d'un manque de précision inquiétant.

Dans le même temps, certains crédits dont l'utilité semblait pourtant incontestée sont gelés ou supprimés. C'est le cas de ceux qui étaient destinés aux maisons de l'emploi.

Nombreux sont d'ailleurs les élus, de droite comme de gauche, qui s'inquiètent du signal négatif envoyé par cette décision, alors que ces maisons de l'emploi n'en sont qu'à leur début et que la mise en réseau des professionnels de l'insertion, des acteurs de l'entreprise et des élus commençait à donner des résultats.

Un tel désengagement de l'État, qui vise à transférer à terme la charge de ces services sur les collectivités locales, accentue encore les difficultés de celles d'entre elles qui concentrent déjà sur leur territoire toutes les misères et toutes les exclusions. Que feront les villes de banlieue où le chômage touche 42 % des jeunes de moins de 25 ans  et où le taux de chômage des actifs est de 22 %, contre 8,1 % en moyenne dans le pays ?

La baisse importante du nombre des contrats aidés est un autre sujet d'inquiétude. Si l'idée de simplifier le maquis que constituent ces contrats n'est pas en elle-même critiquable, ce sont les justifications avancées qui sont inquiétantes. En effet, on ne peut lier l'amélioration des chiffres du chômage et de la croissance, que vous revendiquez, à la disparition de ces contrats. Ceux-ci sont destinés aux publics les plus fragiles, donc les plus éloignés de l'emploi ; ils servent au maintien de la cohésion sociale dans les bassins les plus touchés par la crise économique et industrielle ; surtout, ils s'adressent à un public qui n'a pas les moyens d'attendre les résultats du Grenelle de l'insertion.

Lorsqu'il s'agit d'offrir des milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux plus favorisés, vous n'avez besoin ni de réaliser une évaluation ni de mettre en place un Grenelle des privilèges, mais quand il s'agit de prendre en charge les plus fragiles, vous supprimez allégrement les aides au nom des économies nécessaires, dans l'attente d'un nouveau dispositif !

Enfin, j'illustrerai votre refus de considérer les réalités sociales au nom d'objectifs aussi comptables qu'idéologiques par l'exemple de l'AER, l'allocation équivalent retraite. Au motif que ce dispositif serait en contradiction avec le plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors, vous avez décidé de supprimer d'un trait de plume l'AER.

Quand on sait que seuls vingt contrats à durée déterminée seniors ont été signés alors que plus de 62 000 AER sont distribuées, votre décision est pour le moins brutale, d'autant qu'il n'y a aucun dispositif d'accompagnement spécifique pour ces demandeurs d'emplois âgés et peu qualifiés.

Toutefois, si l'on songe que l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, varie en fonction des ressources...

M. Guy Fischer. Eh oui !

Mme Raymonde Le Texier. ... et ne peut dépasser 435 euros, tandis que l'AER est de 953 euros par mois, on comprend mieux le sens de votre démarche, qui n'en paraît que plus déplacée.

M. Guy Fischer. Tout à fait ! Là est le problème ! On fait des économies sur les plus pauvres !

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, votre majorité sait parfaitement exploiter les souffrances et les peurs de nos concitoyens lorsqu'il s'agit de se faire élire ; toutefois, après les élections, elle devient autiste et ne leur renvoie que mépris et cynisme. C'est en tout cas la sensation que j'ai eue hier en écoutant la prestation du Président de la République. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Nous n'avons pas eu la même impression !

Mme Raymonde Le Texier. Malheureusement, l'étude attentive de ce budget, qui est symbolique des préoccupations essentielles des Français, confirme ce sentiment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre de vos interventions portaient sur la partie « travail » de cette mission, qui, pourtant, quand on y regarde de plus près, ne représente que 7 % des masses financières dont il est question cette après-midi. Je ne suis pas certain de m'en tenir à seulement 7 % du temps de parole gouvernemental, et vous demande par avance de m'en excuser ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Tout d'abord, je veux m'adresser à Serge Dassault, qui a évoqué la modernisation du marché du travail. Celle-ci est une nécessité - nous le savons tous -, mais elle ne doit pas se faire n'importe comment.

Voilà pourquoi, si nous nous accordons tous sur le terme de flexicurité, nous devrons aussi tous admettre que celle-ci, pour le dire familièrement, ne sera pas faite de plus de cheval que d'alouette ! Il faudra sécuriser à la fois les chefs d'entreprise et les salariés car, dans le cas contraire, il ne faudra pas s'étonner que les uns et les autres ne s'entendent pas.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Guy Fischer. Dont acte !

M. Xavier Bertrand, ministre. En tout état de cause, s'agissant de la flexicurité, la logique du Gouvernement sera exactement la même à l'échelle européenne, où je porte une démarche spécifique sur ce sujet, et sur le plan national.

Nous devons absolument sécuriser les parcours si nous voulons discuter en même temps des conditions de cessation du contrat de travail. En effet, si la croissance économique se construit à partir de la modernisation du marché du travail, elle s'alimente aussi, nécessairement, de la confiance des salariés. Or celle-ci ne sera possible, je le répète, que si les nouvelles formes de contrat sont équilibrées. Il s'agit pour moi d'une donnée incontournable.

M. Guy Fischer. On vous surveillera !

M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai le sentiment que les partenaires sociaux partagent cette logique, même si, à l'évidence, nous devons encore travailler pour rendre plus effective la sécurisation des parcours, qui est attendue par tous. À cet égard, les propos tenus hier soir par le Président de la République ont apporté, je crois, un éclairage supplémentaire.

Madame David, vous avez insisté dans votre intervention sur deux points : la médecine du travail et les conseils de prud'hommes. Sur cette dernière question, j'ai été très clair. À la suite de la concertation avec les organisations syndicales, nous avons regroupé 63 conseils de prud'hommes, et non 90 comme il avait été prévu initialement. J'y insiste, nous avons écouté les partenaires sociaux, et le seuil d'activité qui a été retenu est inférieur à celui qui avait été imaginé au départ.

Par ailleurs, j'ai particulièrement insisté pour que l'on garde exactement le même nombre total de conseillers prud'hommes au sein des conseils regroupés. En effet, que se passera-t-il ?

Mme Annie David. La justice sera engorgée !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous aurons une justice à la fois plus efficace et plus rapide. Ainsi, là où les conseils de prud'hommes se réunissaient un jour par semaine, ils pourront désormais, avec des conseillers supplémentaires, se réunir une deuxième journée, ce qui permettra de traiter plus d'affaires.

Mme Annie David. Vous savez bien que ce n'est pas vrai, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. La durée de jugement des dossiers sera donc moindre, ce dont personne ne se plaindra, bien au contraire.

Notre logique, je le répète, est de regrouper les conseils de prud'hommes, afin de bénéficier d'une justice plus rapide et plus efficace, comme le réclament d'ailleurs les justiciables, et ce avec le même nombre de conseillers.

Mme Annie David. Et que faites-vous de la proximité monsieur le ministre ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame David, vous avez évoqué la question de la médecine du travail. Dans des fonctions antérieures, j'avais pris ce problème à-bras-le-corps, lors de l'élaboration du plan santé au travail, ce qui m'avait conduit d'ailleurs à travailler avec Gérard Larcher.

Le défi auquel nous étions confrontés était de faire en sorte que le médecin du travail soit davantage présent dans l'entreprise et devienne un acteur essentiel de la prévention des risques, ce qui posait un certain nombre de problèmes dans un contexte de déficit démographique des médecins en général et des praticiens du travail en particulier.

Dans mes fonctions précédentes, j'avais d'ailleurs veillé, parfois contre l'avis des experts, à relever singulièrement le numerus clausus des diplômés en médecine, qui étaient passés de 4007 à 7100. J'assume cette politique, car je suis persuadé qu'il nous faut aussi anticiper le phénomène de l'exercice à temps partiel, ...

M. Guy Fischer. Et la féminisation de la profession ?

M. Xavier Bertrand, ministre. ... qui n'est d'ailleurs pas réservé aux femmes.

M. Paul Blanc. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand, ministre. En la matière, nous devons adopter une démarche prospective. Les efforts accomplis dans le passé porteront leurs fruits, mais vous connaissez comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, les délais nécessaires pour former un médecin. Ces contraintes sont les mêmes pour les praticiens du travail et pour la politique de santé publique.

Tous les rapports que nous avons commandés vont dans ce sens. Comme je l'ai indiqué lors de la conférence sur l'amélioration des conditions de travail, je tirerai toutes les conséquences de la dernière étude que j'ai reçue, et ce, monsieur Godefroy, en pleine concertation avec les partenaires sociaux.

D'ailleurs, je n'ai pas pour habitude de ranger dans un tiroir les rapports que je reçois : je les rends systématiquement publics, les soumets à la concertation et les mets en pratique ! Il n'existe pas de solution miracle, nous le savons, mais le Gouvernement a la volonté indéfectible de tout mettre en oeuvre pour que la santé publique devienne une priorité, et la médecine du travail un acteur essentiel.

Mme Annie David. Pourquoi alors diminuez-vous ces budgets ? Quid de l'AFSSET, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Excusez-moi, madame David, mais je ne puis accepter cette critique ! Vous avez la preuve que les crédits de l'AFSSET ont augmenté, notamment pour permettre à cette agence d'accueillir dix scientifiques supplémentaires, ce qui n'est pas rien.

En outre, la subvention de l'ANACT, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, continue d'augmenter, comme le prévoyait le contrat de progrès passé entre l'État et cet organisme.

Ceux d'entre vous qui se sont exprimés, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui connaissent bien ces questions, le savent parfaitement. Pourquoi ne l'ont-ils pas dit ? L'AFSSET et L'ANACT, ce n'est tout de même pas rien !

La médecine du travail est financée par des cotisations, et non par des crédits publics. Dès lors, madame David, comment pouvez-vous affirmer que le Gouvernement réduit sa participation à la médecine du travail ? C'est tout de même un peu fort de café ! Peut-être pourrait-on reconnaître la vérité, dans cet hémicycle ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Jamais un gouvernement n'a consacré autant d'attention à la santé et à la sécurité au travail que celui auquel j'appartiens. Toutefois, cette priorité n'implique pas seulement l'État, vous le savez ; elle concerne aussi les partenaires sociaux et, surtout, les entreprises et les entrepreneurs.

Mme Annie David. En effet !

M. Xavier Bertrand, ministre. Tel a d'ailleurs été l'un des enjeux principaux de la conférence sur l'amélioration des conditions de travail.

Monsieur Godefroy, vous avez évoqué tout à l'heure les suicides au travail. Disposez-vous de statistiques que les autorités publiques n'auraient pas ?

Je n'ai jamais nié la réalité des suicides au travail. Je pense même avoir été le premier à évoquer ce problème difficile avec les partenaires sociaux, dès que j'ai pris mes fonctions, puis lors de la conférence sur l'amélioration des conditions de travail. Toutefois, vous le savez, le suicide relève de facteurs multiples, et nous sommes aujourd'hui confrontés au phénomène de leur médiatisation. Il ne s'agit pas pour nous de nier la réalité de ce problème.

M. Xavier Bertrand, ministre. Non, monsieur Godefroy, ne me dites pas cela à moi ! Les partenaires sociaux pourraient en témoigner : dès ma prise de fonctions, je leur ai indiqué que je voulais aborder ce sujet, que j'ai traité lors de la conférence sur l'amélioration des conditions de travail, et pour lequel - je tiens à le souligner - j'ai souhaité, à chaque fois, que nous disposions du maximum d'informations et que nous sortions des réponses traditionnelles.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne vous mets pas en cause personnellement, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, le 7 novembre dernier, j'ai confié une mission d'enquête sur les risques psychosociaux en entreprise à M. Philippe Nasse et au docteur Patrick Légeron, qui sont en train d'auditionner un grand nombre de personnalités - ils sont d'ailleurs à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition ! Car, pour le moment, je vous ai entendu formuler un constat, mais guère de propositions.

Cette question est évoquée depuis longtemps, mais c'est la première fois, reconnaissez-le, que les pouvoirs publics la prennent à bras-le-corps ! Nous avançons dans la bonne direction, et il serait préférable que nous unissions nos forces, plutôt que de polémiquer sur un sujet qui ne le mérite pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est vous qui polémiquez !

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Godefroy, je n'étais pas habitué au ton, d'une rare agressivité, que vous avez utilisé tout à l'heure ...

M. Guy Fischer. C'est vous qui êtes agressif, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. ... et qui ne pourra pas masquer longtemps votre absence de propositions !

Vous avez évoqué le manque de volontarisme de l'État. Mais ce sont les gouvernements que vous avez soutenus qui ont manqué de volonté, j'en suis désolé ! S'agissant d'un sujet aussi important que la vie des salariés et le bien-être professionnel, vous avez depuis longtemps abandonné la valeur travail !

Vous parlez fort aujourd'hui, mais, si les Français ne vous font plus confiance depuis des années, c'est parce que vous avez abandonné la valeur travail et les travailleurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. C'est trop facile, monsieur le ministre !

Mme Annie David. On en reparlera !

M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, le Conseil d'État vient de rejeter le recours formé contre le décret sur les compétences de l'Inspection du travail.

Comme je l'ai déjà souligné, l'Inspection du travail restera placée sous l'égide de la Direction générale du travail, qui, en la matière, demeura l'autorité centrale au sens des réglementations internationales.

L'indépendance de l'Inspection du travail n'est aucunement remise en cause par ce décret. Ce corps participe activement à toutes les formes de lutte contre le travail illégal, puisqu'il est à l'origine de 20 % des procès-verbaux dressés pour ce motif, et il contribue par là à rétablir les salariés dans leurs droits.

Monsieur Gouteyron, le Président de la République a souligné hier soir la nécessité de sortir du carcan des 35 heures, afin de permettre à toux ceux qui le souhaitent de travailler plus.

Comme je l'ai précisé le 15 novembre dernier au Sénat à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement, si une entreprise excède son contingent d'heures supplémentaires, elle ne perdra pas pour autant le bénéfice des exonérations prévues par la loi TEPA.

Aujourd'hui, nous voulons simplement octroyer aux entreprises la possibilité de moduler le nombre d'heures travaillées, par le biais d'un accord majoritaire, afin de donner davantage de pouvoir d'achat aux salariés, comme le Président de la République l'a souligné hier.

S'agissant du temps partiel, lors de la conférence sur l'égalité professionnelle et salariale, qui s'est tenue le 26 novembre dernier, et à laquelle participait Mme Gautier, j'ai indiqué que l'une de mes priorités était de permettre aux salariés qui subissent un travail à temps partiel et éclaté d'évoluer vers un temps complet.

Nous discutons actuellement avec deux enseignes de la grande distribution. Nous allons mettre en place une table ronde sur ce sujet, afin de réunir l'ensemble des partenaires sociaux concernés.

Les emplois à temps partiel subi sont, à 82 %, occupés par des femmes. Elles ont des horaires éclatés - elles commencent souvent très tôt le matin et finissent très tard le soir -, sont bien souvent peu qualifiées et perçoivent des rémunérations plus basses. De surcroît, les frais de transport et de garde d'enfant pèsent encore plus lourdement sur elles que sur les autres salariés.

Nous ne pouvons pas détourner le regard d'un tel sujet. Voilà pourquoi nous allons travailler avec les branches qui recourent davantage au travail à temps partiel, afin de faire évoluer la situation. J'ai parlé de la grande distribution, je pourrais parler des entreprises de propreté, mais aussi du secteur social et médico-social.

Monsieur Othily, concernant le dialogue social et la représentativité, la réforme de la démocratie sociale est une priorité pour le Gouvernement. Nicolas Sarkozy l'a d'ailleurs rappelé, notamment pendant la campagne présidentielle. Nous voulons une démocratie sociale renouvelée, rénovée, renforcée. Voilà pourquoi toute évolution en la matière devra se faire en profondeur.

Le dialogue social, auquel le Président de la République a convié les partenaires sociaux - notamment à la mi-décembre, comme il l'a indiqué hier soir -, nous montre que nous pouvons avoir une démocratie sociale apaisée. La preuve en est que, aujourd'hui, chacun commence à comprendre que c'est davantage par la négociation que par le conflit que des solutions seront trouvées aux problèmes se posant. Nous en avons peut-être également la confirmation avec les conflits sociaux passés.

Tous les partenaires ont aujourd'hui pris place à la table des négociations. Je forme le voeu que ces dernières puissent aboutir le plus vite possible et dans les meilleures conditions. Chacun devra y mettre du sien, les dirigeants d'entreprise ayant aussi, en la matière, une obligation de résultat.

Plus largement, monsieur Othily, la question de la démocratie sociale est également celle de la représentativité, du financement et de la validité des accords. C'est à ce dossier que nous allons nous atteler avec les partenaires sociaux et, bien évidemment, avec la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de venir vous présenter aujourd'hui les grandes lignes de notre politique économique en faveur de l'emploi.

Nous nous sommes à cet égard fixé deux objectifs, que plusieurs d'entre vous ont mentionnés. Ils figurent dans la lettre de mission que m'a adressée le Président de la République et qu'a cosignée le Premier ministre.

Le premier objectif, c'est le retour au plein emploi, soit un taux de chômage ramené au seuil structurel ou frictionnel de 5 %.

Le second objectif, c'est de faire passer notre taux d'emploi de 63 % aujourd'hui à 70 %.

Où en sommes-nous ? J'ai entendu plusieurs commentaires sur la fiabilité des chiffres, sur la suspension volontaire de la publication des indices. Il faut garder la tête froide en la matière.

Le chômage est retombé à quasiment 8 %, selon les derniers chiffres de l'INSEE, à la fin du second trimestre 2007.

La décrue, engagée déjà depuis l'année dernière, se poursuit, mais, malheureusement, le taux d'emploi global est d'à peine 63 % contre 66 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. Nous devons impérativement nous fixer l'objectif d'un meilleur emploi dans notre pays, en particulier pour un certain nombre de catégories - je pense tout particulièrement aux jeunes et aux seniors.

Le taux d'emploi des jeunes de quinze à vingt-quatre ans est de 26 % en France, alors qu'il est de 43 % dans l'OCDE. À cet égard, la liaison entre organismes de formation et entreprises pourra être explorée de manière très fructueuse dans la perspective d'une d'amélioration des chiffres de l'emploi des jeunes.

Les chiffres de l'INSEE ont été tout à l'heure mis en cause. Je tiens à rappeler que l'INSEE est un organisme indépendant qui a pris en toute liberté la décision, en son temps, de suspendre la publication des chiffres du chômage, et qu'il n'a pas été actionné par un gouvernement quelconque, à l'occasion d'une campagne électorale.

Les chiffres qui sont publiés actuellement correspondent très strictement à la réalité du nombre des demandeurs d'emploi. Ils permettent maintenant d'élaborer des comparaisons, parce que les publications s'effectuent au mois le mois et que nous observons - j'y reviendrai tout à l'heure - une réduction constante du nombre de demandeurs d'emploi depuis plusieurs mois.

J'en viens maintenant aux chiffres de ce projet de loi de finances.

En 2008, 49 milliards d'euros seront consacrés, sous réserve de vos votes bien sûr, aux différentes politiques de l'emploi. Ce chiffre comprend les dépenses fiscales pour 9,6 milliards d'euros, les exonérations de charges compensées à la sécurité sociale pour 27 milliards d'euros et les dépenses budgétaires pour 12,3 milliards d'euros.

Quels sont nos objectifs ? Ils sont au nombre de quatre : nous voulons encourager davantage le travail, rénover le service public de l'emploi, assurer une meilleure formation professionnelle - vous avez d'ailleurs été nombreux à mentionner cet objectif - et, enfin, cibler notre effort de solidarité, dans un contexte de fortes créations d'emplois dans le secteur marchand et de modifications profondes du marché de l'emploi.

La première priorité, que le Président de la République a réaffirmée de nouveau hier soir, est la valorisation du travail : nous souhaitons encourager ceux qui veulent travailler plus à le faire, permettre que les salaires augmentent et favoriser l'émergence de nouveaux métiers.

Pour ceux qui veulent travailler plus, le dispositif que nous avons instauré concernant les heures supplémentaires, qui n'est en vigueur que depuis le 1er octobre - c'est donc pour les salariés le deuxième mois consécutif d'application - permet véritablement de gagner plus. Ainsi, un salarié rémunéré au SMIC, qui accepte, à la demande de son employeur, de travailler quatre heures de plus par semaine, percevra plus de 2 000 euros supplémentaires à la fin de l'année. Pour un salarié payé au SMIC, c'est l'équivalent d'un treizième et presque d'un quatorzième mois.

À cet égard, je renvoie ceux d'entre vous qui ont souligné que ce mécanisme ne fonctionnait pas ou n'était pas intéressant à un sondage de la SOFRES selon lequel près de 60 % des personnes interrogées se déclarent intéressées par ce dispositif.

Pour faciliter sa mise en place, nous avons envoyé aux petites et moyennes entreprises, en particulier, un grand nombre de prospectus. Nous avons ouvert un numéro unique national, double-plateforme URSAFF-Fisc, permettant d'obtenir des renseignements précis aux questions qui se posent et qui sont parfois très compliquées ; je teste d'ailleurs moi-même le mécanisme de temps en temps.

J'ai également chargé un missus dominicus, M. Alain Tapie, de faire le tour de toutes les régions de France, de réunir l'ensemble des acteurs sociaux afin de leur expliquer le mécanisme et de répondre à toutes les questions qu'ils se posent.

Valoriser le travail, cela ne vaut pas seulement pour ceux qui travaillent plus, c'est aussi améliorer la rémunération de ceux qui permettent aux entreprises de réaliser des profits.

C'est pourquoi je veux remettre à l'honneur la logique de la participation, cette troisième voie magnifiquement imaginée par le général de Gaulle. Je suis donc favorable à ce que la distribution de stock-options soit à l'avenir subordonnée à l'engagement pour l'entreprise d'associer tous ses salariés aux performances de l'entreprise et à la distribution du profit. Autrement dit, il s'agit, pour les entreprises qui distribueraient des stock-options et qui n'ont pas prévu de mécanisme de participation, d'en mettre un en place, ou, pour celles qui en ont un, d'en augmenter la portée, de même qu'elles seront encouragées à augmenter leur système d'intéressement. Par défaut évidemment, les mécanismes de distribution d'actions gratuites s'appliqueraient. (M. Adrien Gouteyron acquiesce.)

J'ajoute que nous travaillons en parallèle à revaloriser l'ensemble des salaires.

J'ai présidé, le 23 octobre 2007, une conférence inaugurale d'une série de tables rondes sur l'emploi et le pouvoir d'achat qui associent tous les partenaires sociaux. L'une des priorités de ce cycle est de poser la question de la conditionnalité des allégements de charges pour les entreprises qui ne respectent pas l'obligation de négocier annuellement sur les salaires.

Dans les branches où les accords de salaires prévoient des minima inférieurs au SMIC, il est évident que les salariés doivent être rémunérés au SMIC : celui-ci prévaut en effet dans la mesure où il est d'ordre public.

Le mécanisme de la conditionnalité des allégements de charges, qui a été rappelé très fortement par le Président de la République hier soir, lors de son intervention télévisée, est une façon pour l'État de participer à la mise en oeuvre d'une nouvelle forme de contrat social qui associe à la fois les salariés, les entreprises et l'État, dans un mécanisme où l'État encourage les entreprises à mieux répartir les fruits du travail.

Enfin, valoriser le travail, c'est aussi favoriser l'émergence de nouveaux métiers qui fourniront les emplois de demain. Nous avons ainsi fait le pari de l'innovation. Aider les entreprises ou aider l'emploi sont les deux facettes d'une même politique, désormais rassemblées au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.

L'État peut investir directement de l'argent pour l'innovation. Les crédits d'engagement de la recherche industrielle destinés à financer les pôles de compétitivité ou les jeunes entreprises innovantes ont ainsi été augmentés de 8 % dans le projet de loi de finances pour 2008.

L'État peut également inciter les entreprises à innover, et c'est tout l'objet d'un autre volet, celui du crédit d'impôt recherche, sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer.

Les nouveaux métiers, qui ont l'avantage de n'être pas délocalisables, ce sont aussi les services à la personne, qui sont en train de se développer, de se professionnaliser à grande vitesse. L'effort budgétaire en leur faveur passe de 3 milliards d'euros en 2007 à 3,4 milliards d'euros en 2008.

Un autre secteur d'activité que nous voulons soutenir est celui de l'hôtellerie et de la restauration, secteur en tension, à forte main-d'oeuvre. Nous pérennisons donc les aides à la restauration, qui n'étaient accordées, je vous le rappelle, que pour une année, mais nous les plafonnons en introduisant une limite de trente salariés, car, si nous ne le faisions pas, les grandes entreprises devraient un jour rembourser le trop-perçu. C'est tout simplement l'application d'un principe de droit communautaire.

La deuxième priorité est la modernisation du service public de l'emploi.

Aujourd'hui, ainsi que certains d'entre vous l'ont souligné, le monde change, les métiers évoluent, la manière dont la vie de travail et de formation s'articule se modifie également.

De nouveaux métiers apparaissent. Des secteurs traditionnels se recomposent. Des formes d'activité nouvelles se développent. Beaucoup d'entre nous, ceux que l'on appelle les baby-boomers, partent progressivement à la retraite et sont remplacés par des jeunes qui sont différemment formés et qui ont souvent des ambitions autres que les nôtres.

Si nous nous donnons les moyens d'accompagner intelligemment cette véritable tectonique des plaques, nous tenons là, me semble-t-il, une chance historique de sortir de trois décennies de chômage.

Dans cette optique, la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, à laquelle je travaille en étroite collaboration avec les partenaires sociaux, n'est pas un simple trait de plume administratif. En mettant un terme à l'éparpillement actuel, elle permettra de créer une structure capable de résister à la concurrence du secteur privé, celle des organismes d'intérim, des cabinets de chasseurs de tête. Ainsi, à l'avenir, les entreprises ne se diront plus qu'il est inutile de faire appel à l'ANPE au motif que d'autres services sont plus efficaces.

L'objectif est de fournir un service de qualité, une plateforme qui fournisse à la fois aux entreprises et aux demandeurs d'emploi des services complets, améliorés dans leur objet et dans leur contenu. Pourquoi, d'ailleurs, n'obtiendrions-nous pas le même résultat que nos voisins britanniques qui, eux aussi, ont procédé à une refonte au sein de ce qu'ils appellent les job centers ?

Cette réforme apportera plus de simplicité aux usagers, plus de moyens aux agents et plus d'efficacité à l'ensemble du service public de l'emploi.

J'aimerais vous exposer les cinq grands principes qui président à cette réforme, qui est fondamentale et espérée depuis de longues années. J'espère ainsi répondre à un certain nombre des préoccupations qu'ont exprimées Mmes Procaccia, et Jarraud-Vergnolle à cet égard.

Le premier de ces principes est le respect du paritarisme.

Le régime paritaire d'assurance chômage, sous la responsabilité de l'UNEDIC, est maintenu. Je veillerai notamment à ce que le transfert graduel aux URSSAF des opérations de recouvrement d'assurance chômage n'entame ni l'autonomie financière de l'UNEDIC, ni la qualité, ni la propriété de l'information qu'elle détient.

En d'autres termes, les statistiques, tous les éléments d'information demeureront la propriété de l'UNEDIC, et leur exploitation sera simplement concédée aux URSSAF lorsque, à terme, ces dernières procéderont aux opérations de recouvrement.

Le deuxième principe tient à la bonne gouvernance. Les partenaires sociaux seront majoritaires au sein du conseil d'administration, mais l'État procédera à la nomination du directeur général, afin que le nouvel opérateur reste un outil de la politique de l'emploi qui relève toujours, bien entendu, de la responsabilité de l'État.

Le troisième principe est la dimension territoriale des politiques de l'emploi. S'agissant des maisons de l'emploi, j'ai confié au député Jean-Paul Anciaux une mission consistant à me soumettre un certain nombre de recommandations sur le futur cahier des charges des maisons de l'emploi, pour permettre leur bonne articulation avec le réseau territorial du nouvel opérateur. Je précise, à cet égard, que l'ensemble des maisons de l'emploi subsistent et que les projets de création dont l'examen a été engagé continueront à faire l'objet d'une instruction jusqu'au terme de l'année 2007. Ces maisons de l'emploi préfigurent, d'une certaine manière, la fusion que nous allons réaliser et qui nous occupera au mois de janvier 2008, à l'occasion de l'examen du projet de loi que je présenterai au conseil des ministres à la mi-décembre.

Le quatrième principe est l'évaluation. À cet égard, je rejoins vos propos, madame Procaccia : nous avons besoin non pas de proposer constamment de nouveaux programmes, de nouvelles idées, de nouveaux mécanismes d'assistance au retour ou à l'accès à l'emploi, mais, après avoir procédé à des évaluations, de concentrer notre effort financier sur les programmes qui marchent et d'éliminer graduellement les autres. Un comité de suivi de la convention tripartite conclue entre l'État, l'UNEDIC et le nouvel opérateur vérifiera le respect et la mise en oeuvre des grandes orientations qui auront été définies. En son sein, un comité d'audit permanent préparera les décisions, les études d'impact et procédera à des évaluations.

Le cinquième principe est le pragmatisme dans la mise en oeuvre. Le projet de loi prévoit la mise en place d'une instance provisoire qui permettra de mener une transition sans heurts. Je ne sous-estime pas la difficulté du projet, ni le nécessaire changement qu'il impliquera pour l'ensemble des agents, ni la nécessaire fusion des cultures entre deux organes manifestement différents, tant dans leur régime juridique que dans leur statut, mais je crois que, avec un peu d'effort collectif et la volonté de concentrer ce dernier sur la qualité du service rendu aux demandeurs d'emploi comme aux entreprises, nous pourrons arriver à une plus grande efficacité au service de nos objectifs.

Vous le voyez, l'opérateur qui naîtra de la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, dont le nom reste encore à déterminer, ne sera pas un nouveau monstre administratif à deux têtes, mais plutôt un attelage léger, rapide, pratique, au service de l'emploi, qui fédère les énergies plutôt qu'il ne sépare les ambitions.

Les réseaux spécialisés joueront évidemment un rôle dans cette nouvelle architecture : je pense notamment à l'Association pour l'emploi des cadres, l'APEC, aux missions locales, aux plans locaux pour l'insertion et l'emploi, les PLIE, et aux maisons de l'emploi. (M. Paul Blanc marque son approbation.) En attendant que le paysage institutionnel se stabilise, j'ai décidé de suspendre le déploiement de nouvelles entités, notamment les maisons de l'emploi. Je le répète, celles qui existent déjà ne sont pas remises en cause, et l'État en conventionnera encore une trentaine d'ici à la fin de l'année afin de respecter ses engagements. En 2006, il n'existait, je le rappelle, que 76 maisons de l'emploi : elles seront plus de 180 à la fin de l'année 2007.

M. Jean-Paul Anciaux a accepté de mener une mission d'examen dont je vous parlais tout à l'heure. Grâce à l'évaluation des maisons de l'emploi à laquelle il procédera, nous pourrons mieux articuler les réseaux territorialisés et la nouvelle entité fusionnée, chacun devant remplir sa mission, avec ses signes distinctifs, mais évidemment au service de la même ambition.

L'un des premiers chantiers de ce service public réformé sera la mise en oeuvre d'une intense politique de retour à l'emploi pour les seniors. En effet, le taux d'emploi de ces derniers stagne depuis l'an 2000 alors que plusieurs pays européens sont parvenus à augmenter le taux d'emploi de cette catégorie de dix points ces dernières années. Nous devons donc impérativement reprendre l'initiative sur ce terrain. À cette fin, une première série d'actions est prévue.

Première action : le ciblage du contrat de transition professionnelle pour les salariés licenciés dans les sept zones expérimentales d'emploi que nous avons retenues. Un groupe de travail élargi aux parlementaires va évaluer cette expérimentation pour voir si nous devons l'étendre au-delà de ces sept zones.

Deuxième action : soutenir la requalification des seniors en recherche d'emploi par le biais de l'AFPA.

Troisième action : cibler les contrats initiative emploi sur les jeunes et sur les seniors, dans le cadre des objectifs fixés aux directeurs régionaux de l'emploi pour l'année 2008. S'agissant des contrats dans le secteur marchand, nous voulons répartir équitablement les 75 000 contrats initiative emploi prévus en 2008 entre les jeunes, les primo-demandeurs d'emploi et les seniors, en particulier les moins qualifiés.

Quatrième action : intensifier l'offre de services de l'ANPE en faveur des seniors. Les prestations d'accompagnement assurées par l'entité fusionnée permettront d'améliorer, dès 2008, le taux d'encadrement des seniors qui cherchent un emploi. Le prochain comité de suivi du plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors est prévu le 14 décembre 2007, en pleine consultation avec les partenaires sociaux.

Après vous avoir parlé de nos priorités en matière de travail, de la réforme du réseau opérationnel ANPE-UNEDIC et de son articulation avec les structures spécifiques existantes, je voudrais maintenant évoquer la manière dont nous entendons renforcer les liens entre le placement des demandeurs d'emploi auprès des entreprises et le système de formation. Monsieur Seillier, vous avez évoqué ce point qui me paraît déterminant et qui constituera, vous l'avez dit, l'un de mes chantiers principaux pendant l'année 2008.

À cet égard, je voudrais commenter deux chiffres. Pour parvenir au plein emploi et donc ramener le taux de chômage à 5 %, plutôt qu'à 8 % aujourd'hui, il faut que le nombre actuel de chômeurs - 1 919 000 - diminue de 900 000. Par ailleurs, la DARES estime actuellement que 500 000 offres d'emplois présentées par des entreprises sont retirées faute de demandeurs d'emploi correspondant à ces offres. Nous devons donc nous attaquer à cet écart.

Cet objectif est valable, bien sûr, pour la formation des jeunes. Les dispositifs d'alternance seront renforcés dans le projet de loi de finances pour 2008, avec 285 000 contrats d'apprentissage, soit 10 000 de plus que dans la loi de finances pour 2007, 140 000 contrats de professionnalisation, soit 5 000 de plus que dans la loi de finances pour 2007. Nous faisons un effort tout particulier sur l'apprentissage et sur la professionnalisation. Au total, cet effort supplémentaire maintient globalement le nombre des contrats aidés dans le secteur marchand en 2008, tout en privilégiant les parcours qualifiants, tant il est important d'associer l'insertion à la formation.

L'exonération du contrat de professionnalisation était auparavant plus généreuse que le droit commun. Elle ne l'est plus, à la suite de la suppression de l'exonération spécifique pour les entreprises de moins de vingt salariés. L'exonération de charges de droit commun est désormais identique, au niveau du SMIC, à celle qui existait. Pour les autres entreprises, le surcoût sera en moyenne de vingt euros par mois. Deux dispositions permettent d'aménager les conséquences de cette mesure sur les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, qui font un travail remarquable d'insertion, et sur les adultes en contrat de professionnalisation rémunérés au-delà du SMIC. Par ailleurs, l'exonération spécifique persistera pour les plus de quarante-cinq ans, dans le cadre de la politique de retour des seniors vers le marché de l'emploi.

J'en viens au troisième objectif : l'amélioration de la formation professionnelle.

Le besoin de formation professionnelle concerne non pas seulement les jeunes, mais également les adultes. À cet égard, nous avons entamé un travail de réflexion sur les moyens d'assurer l'avenir de l'AFPA, une fois achevé le processus de décentralisation lancé en 2004. Par ailleurs, l'État confirme son engagement de financer l'AFPA pour la partie de la commande publique qui n'est pas décentralisée.

Les personnes les moins qualifiées devront accéder davantage à la formation. Comme le Président de la République l'a indiqué hier, lors de son entretien télévisé, ce sont bien souvent aujourd'hui les mieux et les plus qualifiés qui bénéficient des actions de formation professionnelle. Cette logique doit donc être inversée : nous devons faire en sorte, désormais, que les moins qualifiés bénéficient le plus de la formation professionnelle. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit ainsi une augmentation importante des moyens alloués à la formation des demandeurs d'emploi en fin de droits, qui passeront donc de 115 millions d'euros à 200 millions d'euros.

Malgré tous ces moyens, il ne faut pas se voiler la face : certains demandeurs d'emploi se trouvent aujourd'hui dans une situation de précarité ou d'éloignement par rapport à l'emploi particulièrement difficile, cumulant l'inadéquation de la formation à l'emploi recherché ou offert et des difficultés liées au transport et au logement. Nous devons évidemment - c'est là notre quatrième objectif - mettre en oeuvre à leur intention des actions de solidarité mieux ciblées.

M. Guy Fischer. Ah ! Quand même !

Mme Christine Lagarde, ministre. Ne me dites pas : « Quand même ! ». Les actions que nous mettons en oeuvre en faveur des jeunes et des seniors sont extrêmement importantes. La solidarité concerne à la fois ceux dont le travail est menacé par les évolutions du monde moderne et ceux qui ne parviennent pas à trouver ou retrouver un travail.

Quand je parle de ceux dont le travail est menacé par les évolutions du monde moderne, je pense évidemment aux salariés touchés par des licenciements économiques consécutifs à des restructurations. Nous devons les accompagner le mieux possible ; c'est pourquoi nous maintenons notre effort pour les conventions de reclassement personnalisé et nous poursuivons jusqu'en mars 2008 l'expérimentation d'une nouvelle formule, les contrats de transition professionnelle, dans sept bassins d'emplois.

Pour trouver des solutions à plus long terme, le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » du projet de loi de finances pour 2008 comprend également des mesures destinées à améliorer l'anticipation des mutations industrielles. Cela correspond d'ailleurs tout à fait au souhait de l'ensemble des partenaires sociaux qui désirent que nous intervenions moins en réaction et en traitement a posteriori mais plus en situation de prévention et d'anticipation. Nous devons le faire grâce à des outils comme la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les moyens consacrés à ces politiques restent considérables, avec plus de 400 millions d'euros de crédits déconcentrés qui permettent aux directeurs régionaux de l'emploi d'anticiper et d'accompagner les mutations économiques.

Quand je parle de ceux qui ne parviennent pas à retrouver ou à trouver un travail, je pense évidemment aux emplois aidés que beaucoup d'entre vous ont évoqués. Certes, le nombre de contrats aidés prévu dans le projet de loi de finances pour 2008 est en diminution par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2007. Mais arrêtons-nous un instant sur les chiffres : la loi de finances pour 2007 prévoyait 260 000 emplois aidés dans le secteur non-marchand ; le projet de loi de finances pour 2008 prévoit 230 000 contrats aidés, toujours dans le secteur non-marchand, soit une diminution non pas de 18 %, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure, mais de 12 %, ce qui correspond à peu près à la diminution du chômage au cours des douze derniers mois. J'observe d'ailleurs que la baisse du nombre de contrats aidés n'a pas empêché la diminution du nombre de demandeurs d'emploi au cours du mois de septembre, pas plus qu'en octobre. Je vous rappelle les chiffres publiés hier par l'ANPE et la DARES : le nombre de demandeurs d'emploi a baissé de 28 000 en septembre et de 23 000 en octobre. Depuis le début de l'année, le chômage a diminué de 9,8 %. Nous pouvons tous ensemble nous réjouir de ces chiffres, qui signifient tout simplement que des chômeurs ont retrouvé un travail !

M. Paul Blanc. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je ne dis pas que nous devons nous attribuer seuls le mérite de ce résultat très favorable, car ce sont les entreprises, pour l'essentiel, qui créent les emplois. Cette baisse est particulièrement vigoureuse pour les chômeurs de longue durée et pour les jeunes : il semble donc que la vigueur de l'emploi marchand ait pris le relais des contrats aidés, et c'est heureux !

Toutefois, tout le monde ne profite pas de cette embellie, et nous ne pouvons ni ne devons abandonner les contrats aidés, notamment au profit des personnes les plus éloignées de l'emploi et des personnes les plus fragiles qui doivent continuer à bénéficier de cet indispensable accompagnement.

C'est pourquoi nous devons recentrer progressivement l'accès à ces contrats sur les publics les plus en difficulté, les jeunes, les seniors, ainsi que les personnes handicapées, bien sûr. Nous avons rencontré cette semaine les principaux employeurs de contrats aidés dans le secteur non-marchand pour préparer les instructions relatives à ces emplois en 2008. Avec Martin Hirsch, je suis intervenue longuement, hier, devant le Conseil national de l'insertion par l'activité économique pour présenter nos grandes priorités en matière d'emplois aidés. Je voudrais, moi aussi, souligner que l'insertion par l'activité économique est un bon moyen de ramener vers l'emploi un certain nombre de publics qui en sont aujourd'hui très éloignés. L'ensemble des acteurs de ce secteur fournit un travail considérable et l'État se tient à leurs côtés.

Les personnes handicapées ne seront bien sûr pas concernées par la baisse du nombre des contrats. Ainsi, en septembre, le nombre de contrats aidés en structure d'insertion a augmenté de 2 000 par rapport à janvier 2007 et de 1 000 par rapport à mai 2007.

De toute façon, l'ensemble des contrats aidés mis en place par le plan de cohésion sociale fera de nouveau l'objet en 2008 d'une évaluation, dans la perspective du contrat unique d'insertion auquel nous réfléchissons, avec Martin Hirsch, conformément à la volonté du Président de la République.

Nous déciderons, sur la base de cette évaluation, s'il y a lieu d'aménager ces contrats, de les faire évoluer, en tout cas de les simplifier. Nous attendons beaucoup à ce titre des premiers enseignements qui pourront être tirés de l'expérimentation du RSA.

Telles sont donc les grandes lignes de notre politique économique en faveur de l'emploi.

Je le rappelle encore une fois, mes priorités sont les suivantes : la revalorisation du travail, la réforme du service public de l'emploi, la poursuite de l'effort de solidarité en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi. Plus de travail, un travail mieux payé pour ceux qui en on déjà un et plus d'emploi pour tous, tel est notre objectif, tout simplement parce que le travail entraîne le travail, il crée ainsi de la valeur économique et de la croissance, ce qui, en retour, génère de l'emploi.

C'est pourquoi nous menons non pas des politiques de l'emploi, mais une politique économique au service de l'emploi. Tel est l'enjeu et la nouvelle dimension du ministère que je dirige.

Cela entraîne, certes, quelques difficultés pour ceux qui étaient habitués à la lisibilité de l'architecture précédente, où on avait l'emploi d'un côté et l'économie de l'autre. Mais c'est tout le mérite du redécoupage que de permettre de lier très étroitement et de façon très légitime l'activité économique et l'emploi. Nous voulons, par ce moyen, entrer dans le cercle vertueux de la création d'emploi et de la création de valeur au service de la société française.

Un homme politique célèbre a dit un jour : « Contre le chômage on a tout essayé ». Nous essayons quant à nous de prouver le contraire. Pour cela, nous sommes prêts à écouter toutes les propositions. Nous accueillons toutes les bonnes volontés, mais, en matière de travail, je crois que nous n'avons de leçon à recevoir de personne et surtout pas de ceux qui ont préféré diminuer la valeur du travail en en diminuant tout simplement la durée. Nous, nous croyons à la valeur du travail ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Vous préférez revenir à l'esclavage ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Vouloir réduire le chômage jusqu'à le rendre frictionnel, c'est faire preuve d'ambition et d'audace. J'espère que vous serez nombreux à voter ce budget et à nous rejoindre dans cette ambition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Travail et emploi
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 52

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi » figurant à l'état B.

État b

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Travail et emploi

12 574 077 188

12 537 275 188

Accès et retour à l'emploi

6 335 109 300

6 345 349 300

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

5 312 363 007

5 333 363 007

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

167 256 666

126 976 666

Dont titre 2

4 000 000

4 000 000

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

759 348 215

731 586 215

Dont titre 2

529 226 307

529 226 307

M. le président. L'amendement n° II-98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

.

.

.

.

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

.

57 241 620

.

57 241 620

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2

.

.

.

.

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2

.

.

.

.

TOTAL

.

57 241 620

.

57 241 620

SOLDE

- 57 241 620

- 57 241 620

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Cet amendement tire les conséquences de la signature, par les régions Champagne-Ardenne et Franche-Comté, d'une convention tripartite entre l'État, l'AFPA et la région, anticipant ainsi la décentralisation, à compter du 1er janvier 2008, des crédits de formation qualifiante, de prestations et de rémunération des stagiaires. Il tire également les conséquences d'une convention signée par la région Midi-Pyrénées en 2006.

Ce transfert est compensé par une augmentation chiffrée à 58 millions d'euros de la fraction de taxe intérieure sur les produits pétroliers, ou TIPP, transférée à l'ensemble de ces régions, augmentation prise en compte par modification de l'article 13 du projet de loi de finances pour 2008.

Au total, vingt régions métropolitaines sur vingt-deux auront anticipé le transfert de compétences, qui interviendra de droit pour l'ensemble des régions à compter du 1er janvier 2009.

En conséquence, les crédits du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi », action « Accès des actifs à la qualification » sont minorés à hauteur de 44 713 000 euros en catégorie 32, « Subventions pour charges de service public », et de 12 528 620 euros en catégorie 61, « Transferts aux ménages ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Cet amendement tire les conséquences de la prise en charge par certaines régions des crédits de formation et de rémunération des stagiaires en minorant les crédits de la mission.

La diminution des crédits est justifiée par une augmentation concomitante de la fraction de TIPP transférée aux régions.

La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II - 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'ai été saisi, dans le délai limite, d'une demande d'explication de vote de la part de Mme Annie David.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Mon intervention sera brève puisque j'ai déjà dit beaucoup de choses dans mon intervention lors de la discussion générale.

À ce moment du débat, le Sénat va se prononcer sur les crédits de la mission « Travail et emploi », qui s'élèvent à un peu plus de 12,3 milliards d'euros et non 50 milliards comme l'a dit tout à l'heure Mme la ministre.

J'ai bien entendu les réponses des deux ministres en ce qui concerne la fusion entre l'UNEDIC et l'ANPE. Malgré tout, je crains une privatisation de ce service de l'emploi et je n'ai pas vraiment compris dans les explications de Mme la ministre quelle place sera réservée à la formation. Est-ce que ce sera à l'intérieur de la nouvelle agence créée ou bien la formation dépendra-t-elle d'autres structures ?

En ce qui concerne la « flexi-sécurité », je donne acte à M. le ministre de ce qu'il nous a annoncé et nous serons vigilants lors des prochaines négociations.

Sur la santé, il y a urgence à prendre des mesures, et je crois que la santé des salariés mérite mieux qu'une diminution du budget. M. le ministre n'accepte pas que l'on utilise ici cet argument pour dénoncer un manque d'implication du Gouvernement dans le programme de santé au travail. Quant à moi, cet argument me va tout à fait.

Pour ce qui est des fameux chiffres du chômage, puisqu'il y a visiblement ambiguïté, plutôt que de nous annoncer la diminution de ces chiffres, j'aurais bien aimé que vous nous donniez le nombre d'emplois nouveaux créés cette année dans notre pays. Nous aurions pu ainsi faire la différence pour obtenir le nombre des personnes qui ont véritablement retrouvé un emploi et n'ont pas simplement été radiées des listes du chômage.

Pour toutes raisons, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous voterons résolument contre ce budget.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 52 à 59 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que les amendements portant articles additionnels également rattachés.

Travail et emploi

Article 33 et Etat B
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Article 53

Article 52

I. - Les articles L. 322-4-6 à L. 322-4-6-5 du code du travail sont abrogés.

II. - Les articles L. 5134-54 à L. 5134-64 du code du travail qui, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprennent les dispositions des articles L. 322-4-6 à L. 322-4-6-5 susmentionnées sont abrogés à leur date d'entrée en vigueur.

III. - Les dispositions de ces articles demeurent toutefois applicables aux contrats de travail ayant ouvert le droit au soutien de l'État mentionné à l'article L. 322-4-6 du code du travail avant l'entrée en vigueur de la présente loi. - (Adopté.)

Article 52
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Article 53 bis

Article 53

I. - L'article L. 981-6 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural, versés par les employeurs mentionnés à l'article L. 950-1 du présent code aux demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus. » ;

 Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation conclus par les groupements d'employeurs régis par les articles L. 127-1 et suivants qui organisent des parcours d'insertion et de qualification au profit soit de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ou rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, soit de demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus, ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural. Un décret précise les conditions dans lesquelles un groupement d'employeurs peut bénéficier de cette exonération. » ;

3° Le sixième alinéa est ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l'exonération prévue au premier alinéa ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de l'exonération prévue au deuxième alinéa du présent article et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. Le bénéfice de l'exonération prévue au deuxième alinéa du présent article est cumulable avec le régime de réductions prévu à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. » ;

4° Dans les troisième, quatrième et cinquième alinéas, après le mot : « exonération », sont insérés, par trois fois, les mots : « applicable au titre du premier ou du deuxième alinéa ».

II. - L'article L. 981-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi, continue à s'appliquer aux contrats de professionnalisation conclus avant le 1er janvier 2008 et ce jusqu'à leur terme.

III. - Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :

1° L'article L. 6325-16 est ainsi rédigé :

« Art. L. 6325-16. - Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural, versés par les employeurs aux demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus. » ;

2° L'article L. 6325-17 est ainsi rédigé :

« Art. L. 6325-17. - Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation conclus par les groupements d'employeurs régis par les articles L. 1253-1 et suivants qui organisent des parcours d'insertion et de qualification au profit soit de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ou rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, soit de demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus, ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural. Un décret précise les conditions dans lesquelles un groupement d'employeurs peut bénéficier de cette exonération. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 6325-21 est ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l'exonération prévue à l'article L. 6325-16 ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de l'exonération prévue à l'article L. 6325-17 et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. Le bénéfice de l'exonération prévue à l'article L. 6325-17 du présent code est cumulable avec le régime de réductions prévu à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. » ;

4° Dans les articles L. 6325-18, L. 6325-19, L. 6325-20 et L. 6325-22, après le mot : « exonération », sont insérés, par quatre fois, les mots : « applicable au titre des articles L. 6325-16 ou L. 6325-17 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-57 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° II-79 est présenté par M. Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Demontès, San Vicente-Baudrin, Schillinger, Campion et Alquier, MM. Cazeau, Domeizel, Michel, Madec, Gillot, G. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-57.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Cet amendement propose la suppression de l'article 53, qui remet en cause le régime d'exonération applicable aux contrats de professionnalisation.

Plusieurs raisons motivent cet amendement. Notre commission souhaite tout d'abord marquer son attachement au développement des formations en alternance qui débouchent généralement sur une insertion professionnelle durable.

Elle souhaite ensuite mettre en garde contre les conséquences d'une instabilité excessive des règles fiscales et sociales applicables. Le régime d'exonération qu'il est proposé de remettre en cause date en effet seulement de 2005.

Il avait été justifié, à l'époque, par la nécessité d'encourager toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, à développer les formations en alternance, qui sont surtout répandues aujourd'hui dans les petites entreprises artisanales.

Enfin, et ce dernier point est particulièrement important, la commission des affaires sociales s'inquiète de la complexité du dispositif voté à l'Assemblée nationale, qui prévoit trois régimes d'exonération différents, en fonction de l'âge du bénéficiaire ou du type d'employeur.

Nous nous demandons donc comment on va pouvoir s'y retrouver quand on aura affaire à telle catégorie plutôt qu'à une autre ou encore quand quelqu'un travaillera quelques heures dans une catégorie et quelques heures dans une autre.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° II-79.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Notre amendement va dans le même sens que celui de la commission des affaires sociales.

Nous souhaitons, nous aussi, que l'on maintienne le régime actuel d'exonérations de cotisations sociales sur les contrats de professionnalisation.

En effet, la suppression de cette mesure n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux alors qu'elle affecte des exonérations ciblées, au départ sur les jeunes de moins de 26 ans et les demandeurs d'emploi de plus de 45 ans.

De plus, il s'agit d'une mesure d'exonération que vous avez adoptée en 2005 et que vous supprimez en 2007, pour réaliser au départ une économie évaluée à 140 millions d'euros, qui devient une économie de 6 millions et demi après passage à l'Assemblée nationale.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale présente, certes, l'avantage de ne plus supprimer l'exonération sur les contrats conclus avec des personnes de plus de 45 ans. Cette mesure est d'ailleurs parfaitement cohérente avec le souci de maintenir dans l'emploi les salariés de cette tranche d'âge. Or, il y a en effet beaucoup à faire dans ce domaine si l'on en croit les dernières statistiques.

Le taux d'activité des seniors salariés dans notre pays a encore diminué en 2006, passant de 37,9 % en 2005 à 37,6 %, selon Eurostat. Ce chiffre remet à sa juste place le plan pour l'activité des seniors. II permet aussi de relativiser l'intérêt de la modification du régime d'imposition des mises à la retraite d'office et de l'alignement des préretraites et des cessations d'activité de certains travailleurs salariés, ou CATS, sur le régime de droit commun de la CSG.

L'effort va peser sur les salariés, notamment les plus modestes, sans que les employeurs qui veulent se débarrasser d'eux soient vraiment incités à prendre des mesures pour les maintenir dans l'emploi, que ce soit par l'aménagement des postes de travail, la formation, le tutorat ou d'autres possibilités. Au contraire, dans ce même budget, vous prévoyez une nouvelle ponction sur le fonds unique de péréquation des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, en vue de financer l'allocation de fin de formation qui est à la charge de l'État.

Ces opérations de comptabilité ne font pas une politique cohérente et lisible, comme je le disais tout à l'heure. Nous demandons par conséquent que l'on maintienne les exonérations sur l'ensemble des contrats de professionnalisation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L'article 53 réintègre les contrats de professionnalisation dans le champ des allégements généraux de charges sociales dits « Fillon » et ne concerne que les contrats souscrits après le 1er janvier 2008.

De plus, les modifications apportées par l'Assemblée nationale maintiennent les exonérations spécifiques pour les groupements d'employeurs et pour les personnes âgées de plus de 45 ans.

Votre commission des finances est favorable à la réduction globale des dispositifs d'exonérations spécifiques dont la suppression, dans le cas présent, représente une économie estimée à plus de 130 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

Je sollicite donc le retrait de ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme Christine Lagarde, ministre. L'article 53 contient une mesure de simplification administrative quasiment neutre pour les employeurs.

Le Gouvernement souhaite en effet simplifier le paysage complexe des exonérations spécifiques de charges sociales. La complexité administrative a un coût : par conséquent, lorsque les exonérations de droit commun sont quasiment aussi favorables que les exceptions, il n'est peut-être pas raisonnable de maintenir ces dernières. Il vaut mieux alors revenir au droit commun.

Il existe en effet aujourd'hui d'autres outils qui concourent plus efficacement à la promotion du contrat de professionnalisation, dont j'ai longuement parlé tout à l'heure. Je pense notamment à l'aide forfaitaire de 200 euros par mois que les ASSEDIC peuvent apporter au titre des contrats de professionnalisation, ou encore à la participation financière des organismes gestionnaires de la formation professionnelle, à savoir les organismes paritaires collecteurs agréés.

Cette simplification administrative est renforcée par le dispositif qui a été inséré par l'Assemblée nationale, visant à ce qu'il ne soit plus distingué, s'agissant des contrats de travail en alternance, plus particulièrement des contrats de professionnalisation, dans le cadre des règles régissant les conditions de majoration de la taxe d'apprentissage, entre l'embauche de jeunes et celle d'adultes.

Au bénéfice de ces explications, les auteurs des amendements comprendront que le Gouvernement ne soit pas favorable à leur proposition et souhaite le maintien de l'article 53.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-57 est-il maintenu ?

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, je regrette que vous nous parliez de simplification, alors même que cet article a été considérablement complexifié à l'Assemblée nationale ! Je ne vois pas comment on peut raisonnablement inclure dans une loi un dispositif de ce type, qui sera extrêmement difficile à appliquer, voire inapplicable.

Je veux bien retirer mon amendement, mais je souhaite tout de même que l'on réfléchisse à la manière dont on pourrait simplifier le dispositif, afin de ne pas accorder des exonérations de cotisations sociales patronales différentes selon les cas.

Je crois que nous devons entrer dans une démarche de simplification véritable. En l'occurrence, c'est un monstre que l'on a mis au monde !

M. le président. L'amendement n° II-57 est retiré.

Madame Jarraud-Vergnolle, l'amendement n° II-79 est-il maintenu ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire M. Souvet. La suppression de cet article avait d'ailleurs été souhaitée à l'unanimité par la commission des affaires sociales.

Par conséquent, nous maintenons notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous appuyons cet amendement, la suppression de l'article 53 ayant été votée par la commission des affaires sociales à l'unanimité. Certes, l'adoption de l'article 53 permettra une économie d'environ 6,5 millions d'euros, mais elle rendra plus complexe le dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales, comme l'a très bien expliqué M. Souvet.

D'un côté, on complexifie quand il s'agit d'un dispositif pouvant être favorable aux salariés ; de l'autre, on revoit le code du travail afin de l'alléger, nous dit-on, mais pas au profit des salariés.

Par conséquent, nous voterons, bien évidemment, cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 53.

(L'article 53 est adopté.)

Article 53
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Article 54

Article 53 bis

Le troisième alinéa de l'article 225 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Toutefois, et pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2008, le taux de la taxe d'apprentissage due par les entreprises de deux cent cinquante salariés et plus est porté à 0,6 % lorsque le nombre moyen annuel de salariés en contrat de professionnalisation ou contrat d'apprentissage au sein de l'entreprise au cours de l'année de référence est inférieur à un seuil. Ce seuil est égal à 3 % de l'effectif annuel moyen de cette même entreprise calculé dans les conditions définies à l'article L. 620-10 du code du travail. Ce seuil est arrondi à l'entier inférieur. » - (Adopté.)

Article 53 bis
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Article 55

Article 54

I. - Les articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail sont abrogés à compter du 1er janvier 2008.

L'article L. 5121-6 du code du travail qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprend les dispositions de l'article L. 322-9 susmentionné est abrogé à sa date d'entrée en vigueur.

II. - Les départs en formation, en congé maternité ou en congé d'adoption intervenus avant le 1er janvier 2008 continuent à ouvrir droit aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Cet article prévoit la suppression de deux dispositifs d'aide au remplacement de salariés en formation, d'une part, ou en congé de maternité ou d'adoption, d'autre part, ces aides étant accordées aux entreprises de moins de 50 salariés, quel que soit leur statut juridique, à l'exception des établissements publics et des collectivités territoriales. Les associations relevant de la loi de 1901 peuvent ainsi bénéficier de ces aides.

En ce qui concerne l'aide à la formation, elle est gérée par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, les DDTEFP, et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA. Accordée pour une durée maximale d'un an, elle est calculée sur la base d'un forfait horaire correspondant à 50 % du taux horaire du SMIC. Son versement ne couvre que le nombre d'heures travaillées par le remplaçant, dans la limite du nombre d'heures de formation dispensées au salarié remplacé.

Contrairement à ce qu'indiquent les motivations du projet de loi de finances pour 2008, les difficultés rencontrées par les petites structures pour envoyer leurs salariés en formation revêtent bien une dimension financière, et ne sont pas seulement organisationnelles.

En effet, le budget de formation étant proportionnel à la masse salariale de l'entreprise, il n'est pas toujours possible, en raison de l'étroitesse de l'enveloppe budgétaire, d'imputer à celle-ci, outre les frais pédagogiques, le coût de la rémunération, sans parler des autres frais, tels que les déplacements. Sans cette aide versée par l'État, l'employeur qui remplacera le salarié parti en formation supportera donc une charge financière deux fois plus importante ou renoncera à l'action de formation. Ce choix ne s'impose pas à des structures plus importantes.

Pour avoir participé, aux côtés de M. Seillier, à la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, je ne puis que contester cet article, puisque le rapport de cette mission révèle que les 24 milliards d'euros consacrés en 2004 à la formation professionnelle ne sont pas toujours allés à ceux qui en avaient le plus besoin. Cela a été dit tout à l'heure par Mme Procaccia : se former reste principalement le fait des salariés les plus qualifiés, âgés de moins de cinquante ans et travaillant dans les plus grandes entreprises.

Ainsi, le taux de départ en formation est de 12 % dans les très petites entreprises, contre 22 % dans les petites et moyennes entreprises et 40 % pour l'ensemble des entreprises. L'effort moyen de formation par salarié représente 791 euros dans les entreprises de 10 salariés et plus, contre 74 euros dans les entreprises de moins de 10 salariés. Je rappelle également que l'un des objectifs de la réforme de la formation professionnelle de 2004 était de réduire les inégalités d'accès à celle-ci.

Quant à l'aide au remplacement de salariés partis en congé de maternité ou d'adoption, elle a été mise en place par le biais de la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Elle était destinée à permettre l'embauche de jeunes femmes dans les entreprises, en vue de lutter contre les discriminations professionnelles dont elles sont souvent victimes.

Or le décret d'application de cette loi date du mois de mars 2007 ! De quel recul disposez-vous donc pour affirmer que le dispositif permet des effets d'aubaine, madame la ministre ? Vraiment je m'interroge !

La mise en oeuvre des dispositions de cet article permettrait d'économiser 4,2 millions d'euros. Comme je l'ai déjà dit en commission des affaires sociales, je trouve fort regrettable que chaque fois que le Gouvernement propose des économies, elles se fassent au détriment des salariés ! Il s'agit cette fois de leur formation, qui est pourtant, tous les intervenants à la tribune se sont accordés à le reconnaître, un facteur important dans le déroulement d'une carrière professionnelle et qui permet de « rebondir » plus vite lors de phases de recherche d'emploi.

Il s'agit aussi de la politique salariale en faveur des femmes. Monsieur le ministre, à l'heure où s'ouvrent précisément des négociations sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, je trouve cet article vraiment très malvenu ! Évidemment, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-74 rectifié, présenté par M. Seillier, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 122-25-2-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-25-2-1. - À compter du 1er janvier 2008, dans les entreprises de moins vingt salariés, l'État accorde aux employeurs une aide forfaitaire pour chaque personne recrutée ou mise à leur disposition par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs définis au chapitre VII du titre II du livre Ier pour remplacer un ou plusieurs salariés en congé de maternité ou d'adoption. »

II. - L'article L. 322-9 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 322-9. - À compter du 1er janvier 2008, afin d'assurer le remplacement d'un ou plusieurs salariés et du conjoint collaborateur ou du conjoint associé mentionné à l'article L. 121-4 du code de commerce en formation, dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'État accorde aux employeurs une aide calculée sur la base du salaire minimum de croissance pour chaque personne recrutée dans ce but ou mise à leur disposition par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs définis au chapitre VII du titre II du livre Ier. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

III. - Les départs en formation, en congé maternité ou en congé d'adoption intervenus avant le 1er janvier 2008 dans des entreprises de vingt salariés et plus continuent à ouvrir droit aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail.

La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Cet amendement a pour objet d'exclure du champ d'application de l'article les entreprises de moins de vingt salariés.

M. le président. L'amendement n° II-85, présenté par Mme G. Gautier, est ainsi libellé :

I - Au début du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

Les articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail sont abrogés

par les mots :

L'article L. 322-9 du code du travail est abrogé

II - Dans le II de cet article, supprimer les mots :

, en congé maternité ou en congé d'adoption

et remplacer les mots :

aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9

par les mots :

à l'aide mentionnée à l'article L. 322-9

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Cet amendement tend à maintenir le dispositif d'aide financière aux entreprises de moins de cinquante salariés pour le remplacement de leurs salariés partis en congé de maternité ou d'adoption, prévu à l'article L. 122-25-2-1 du code du travail et que l'article 54 du projet de loi de finances tend à supprimer, au simple motif que cette aide aurait créé des « effets d'aubaine ».

Ce dispositif a été institué par la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, afin de faciliter le remplacement des salariées en congé de maternité dans les petites et moyennes entreprises. Il était destiné à lever un frein à l'embauche de jeunes femmes dans ces entreprises et à contribuer ainsi à la lutte contre la discrimination à l'embauche au détriment des femmes. Cela s'inscrit tout à fait dans l'esprit de la conférence sociale sur l'égalité salariale entre femmes et hommes qui s'est tenue lundi dernier sous l'autorité de M. le ministre.

Le dispositif vient tout juste d'entrer en vigueur, voilà six mois à peine, puisque ses modalités d'application ont été précisées par le décret n° 2007-414 du 23 mars 2007 et par un arrêté du 6 avril 2007, qui a fixé le montant de l'aide forfaitaire à 400 euros pour chaque personne recrutée pour remplacer un salarié en congé de maternité ou d'adoption.

À l'évidence, on ne dispose donc pas d'un recul suffisant pour établir un bilan de son application et évaluer précisément sa pertinence et son efficacité. Dans ces conditions, il ne semble pas de bonne méthode législative de le supprimer sans même lui avoir laissé le temps de faire ses preuves et de donner tous ses effets.

Mme Gisèle Gautier. On m'objecte que des crédits affectés à ce dispositif n'ont pas été consommés ; je réponds que les bénéficiaires potentiels n'ont pas été informés de l'existence de celui-ci.

Mme Gisèle Gautier. C'est là que le bât blesse : il y a eu un manque complet de communication.

Cela me semble incohérent. Il serait souhaitable de prendre le temps d'évaluer le dispositif avant de décider éventuellement sa suppression et, surtout, d'imaginer une campagne de sensibilisation et d'information à destination des bénéficiaires.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec Mme David lorsqu'elle évoque la volonté du Gouvernement de réaliser des économies. Il ne s'agit pas de véritables économies, puisque les crédits en question seraient transférés à un autre dispositif, l'aide à la reprise d'activité des femmes, l'ARAF, qui permet à des femmes mères d'enfants de moins de six ans d'assumer les frais de garde dans l'attente du versement de leur première rémunération lors d'une reprise d'activité. Il s'agit donc non pas, pour le Gouvernement, de supprimer des crédits qui ont été votés, mais de les transférer à un autre dispositif.

Quoi qu'il en soit, la mesure dont nous débattons est entrée en vigueur voilà six mois. Je trouve qu'il s'agit d'une excellente initiative, qui va tout à fait dans le sens de la lutte contre les discriminations professionnelles au détriment des femmes. Si toutefois ce dispositif devait, par malheur, être supprimé, ce serait, si j'ose dire, déshabiller Pierre pour habiller Paul, Paul n'étant tout de même qu'un cousin assez lointain de Pierre, puisque l'ARAF ne s'inscrit pas dans la même logique !

Mme Annie David. Absolument !

Mme Gisèle Gautier. Je souhaite, madame, monsieur le ministre, que ces observations soient prises en compte au travers de l'amendement que je présente, au bénéfice des explications que je viens de donner.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. En ce qui concerne l'amendement n° II-74 rectifié, j'indique que la commission des finances n'est pas favorable au maintien des aides visées.

Le recours au dispositif d'aide au remplacement des salariés en formation est d'ailleurs resté très limité, puisque 828 conventions seulement ont été signées en 2006. La situation est comparable à ce qu'elle était avant l'instauration de l'aide, et l'on peut donc considérer que celle-ci est inutile. C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° II-85, il est vrai que l'aide au remplacement des salariés en congé de maternité ou d'adoption n'est véritablement entrée en application que très récemment, comme l'a indiqué Mme Gautier. C'est pourquoi les considérations relatives à son inefficacité ou aux effets d'aubaine qu'elle engendrerait peuvent difficilement être invoquées à l'appui de sa suppression.

Bien que je sois opposé au principe de cette aide, je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la tâche qui m'incombe est évidemment compliquée, car, en tant que ministre et femme, je suis particulièrement sensible à la difficulté de concilier le rôle de mère et une activité professionnelle.

Mon avis sur ces amendements est cependant défavorable. Il ne s'agit pas du tout ici de faire des économies - en effet, si l'application de l'article 54 entraînait une économie de 4,2 millions d'euros, nous lui substituons une mesure qui coûterait 11 millions d'euros -, il s'agit simplement de centrer nos efforts financiers sur la personne plutôt que sur l'entreprise.

Après avoir rendu un vibrant hommage à mon collègue Xavier Bertrand pour l'animation qu'il a su donner à la Conférence sur l'égalité professionnelle et salariale et pour les efforts considérables qu'il déploie en ce domaine, je vais tenter de vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne voter aucun des deux amendements qui vous sont proposés et auxquels nous sommes opposés pour plusieurs raisons.

L'amendement n° II - 74 tend à réserver le bénéfice des dispositions actuelles aux entreprises de moins de vingt salariés. Je voudrais vous faire remarquer que les mesures actuelles sont déjà applicables à ces entreprises, puisqu'elles s'appliquent aux PME de moins de cinquante salariés.

L'amendement n° II - 85 propose le maintien du dispositif.

En fait, il a été constaté que cette possibilité de remplacement des salariés en congé de formation n'a été que peu utilisée. En 2005, seules 776 conventions ont été conclues, 828 en 2006 et 711 en 2007. Il est difficile, dans ces conditions, de parler d'une aide vraiment nécessaire.

Quant au remplacement des salariés partant en congé maternité ou d'adoption, qui est, lui, prévu par la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, cette mesure a pour objectif de lever l'un des freins à l'embauche des jeunes femmes et à contribuer à une gestion active de l'emploi et des compétences dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

L'intention du législateur était clairement établie, mais malheureusement le moyen retenu - l'aide au remplacement des salariés en congé maternité ou d'adoption - se révèle, de notre point de vue, inadapté à l'objectif recherché. La perspective pour une PME de se voir attribuer une aide de 400 euros en cas de remplacement de la personne ne peut constituer - ceux d'entre vous qui sont chefs d'entreprise ou qui l'ont été le savent - un facteur déclenchant de la décision d'embauche de l'entreprise à l'égard d'une femme, comme à l'égard d'un homme d'ailleurs.

Ainsi, dans la volonté de favoriser l'emploi des femmes, le Gouvernement estime beaucoup plus pertinent de développer un autre mécanisme, qui ne serait pas ciblé sur l'entreprise mais sur la femme.

À cette fin, nous souhaitons doper l'ARAF - l'aide à la reprise d'activité des femmes - qui est gérée par l'ANPE. En 2006, 18 000 femmes ont ainsi bénéficié de ce dispositif, pour un coût total de 5,7 millions d'euros. Au premier semestre 2007, 8 500 femmes ont perçu l'aide, pour un montant global de 2,9 millions d'euros.

À l'appui de son avis défavorable, le Gouvernement vous soumet une double proposition.

Nous souhaitons, premièrement, faire passer le nombre de bénéficiaires de l'aide de 18 000 à 36 000, pour un montant global en année pleine de 11 millions d'euros, dont 5 millions d'euros à la charge de l'État dans le cadre de la subvention globale à l'ANPE, puisqu'il s'agit - je vous le rappelle - d'une aide cofinancée par le Fonds social européen, le FSE.

Nous entendons, deuxièmement, associer Mme Gautier et son homologue à l'Assemblée nationale, Mme Zimmermann, à une réflexion commune sur les meilleures modalités à mettre en place pour inciter les PME de moins de cinquante salariés à ne pas avoir de réticence à l'embauche des femmes.

Nous devons à cet égard réfléchir à un mécanisme financier qui soit véritablement efficace et qui ne constitue pas ce simple bonus de 400 euros qui n'a pas fait la preuve de son efficacité.

Au bénéfice de ces explications et de ces deux propositions, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, les chiffres montrent que ces exonérations ne connaissent pas un franc succès.

Je maintiens toutefois qu'il faut veiller à faciliter le départ en formation dans les petites entreprises, notamment dans les entreprises artisanales. Même si les chiffres ne plaident pas en ce sens, les petites entreprises ou les artisans affirment avec certitude que le départ d'un collaborateur ne peut pas être envisagé si ce dernier n'est pas remplacé, car il faut assurer le maintien de son activité.

Cette question demeure donc d'actualité, mais je reconnais que la logique de l'aide au retour que vient de défendre Mme la ministre est aussi convaincante. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° II-74 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Madame le ministre, j'en suis navrée, mais je n'ai pas reconnu votre logique habituelle, et je trouve que vos propos sont quelque peu paradoxaux.

Je vais m'expliquer avec beaucoup de prudence, car je sais combien vous attachez de modération à vos propos. Lors de votre intervention, vous avez qualifié d'inadapté ce nouveau dispositif qui n'existe que depuis six mois seulement.

Votre raisonnement repose sur l'absence de consommation des crédits. Mais, s'il en est ainsi, c'est parce que les entreprises n'ont pas été mises au courant de ce dispositif et qu'elles n'y ont donc pas eu recours.

Je suis cependant d'accord avec vous sur un point : ces deux dispositifs sont très différents, mais, même si les bénéficiaires ne sont pas les mêmes, tous les deux concernent les femmes.

Vous avez raison de souligner que l'ARAF est un dispositif qui marche fort bien, mais il faut souligner aussi qu'il bénéficie d'un apport financier conséquent du FSE, alors que le dispositif que nous venons de mettre en place il y a six mois ne dépend que du soutien de l'État.

Pour ces raisons, je maintiens mon amendement. J'espère qu'il sera adopté afin que nous puissions ultérieurement faire le bilan de ce dispositif pour savoir s'il est effectivement adapté ou non et si l'information est bien passée auprès des entreprises. Après ce constat, si la mesure n'est pas en adéquation avec la demande des entreprises, nous pourrons ne pas voter la reconduction des crédits.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote sur l'amendement n° II-85.

Mme Gisèle Printz. Je suis d'accord avec les propos de Mme Gautier et je voterai cet amendement. Pour une fois qu'il y a une mesure spécifique pour les femmes, je trouve malheureux de la supprimer dès maintenant ! Il me semble impossible de savoir, après six mois d'application seulement, si elle est ou non un succès. Attendons qu'elle soit appliquée pendant un certain temps avant de décider de son maintien ou de sa suppression !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-85.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 54, modifié.

(L'article 54 est adopté.)

Article 54
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Article 56

Article 55

I. - L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après les mots : « cet article », la fin de la première phrase du III bis est ainsi rédigée : « chez les personnes visées au I du présent article ou bénéficiaires de prestations d'aide ménagère aux personnes âgées ou handicapées au titre de l'aide sociale légale ou dans le cadre d'une convention conclue entre les associations ou organismes visés au III et un organisme de sécurité sociale, dans la limite, pour les personnes visées au a du I, du plafond prévu par ce a, sont exonérées des cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales, dans la limite, lorsqu'elles ne sont pas éligibles à une autre exonération mentionnée au présent article, d'un plafond déterminé par décret. » ;

2° Après le III bis, il est inséré un III ter ainsi rédigé :

« III ter. - Les rémunérations des salariés qui, employés par des personnes agréées dans les conditions fixées à l'article L. 129-1 du code du travail, assurent une activité mentionnée à cet article sont exonérées en tout ou partie des cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales si elles ne sont pas éligibles à une autre exonération mentionnée au présent article, dans le cadre d'un barème dégressif déterminé par décret tel que l'exonération soit totale pour une rémunération égale au salaire minimum de croissance et devienne nulle pour les rémunérations égales ou supérieures au salaire minimum de croissance majoré de 140 % à compter du 1er janvier 2008 et de 100 % à compter du 1er janvier 2009. »

II. - Le III ter de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est abrogé à compter du 1er janvier 2010.

III. - Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2008, un rapport relatif aux modalités de mise en oeuvre pratique du présent article et à son impact sur la création et la consolidation des emplois dans le secteur des services à la personne ainsi que sur les finances de l'État.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° II-58 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° II-80 est présenté par M. Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Demontès, San Vicente-Baudrin, Schillinger, Campion et Alquier, MM. Cazeau, Domeizel, Michel, Madec, Gillot, G. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-90 rectifié est présenté par Mmes Payet, Gourault et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-58.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à supprimer l'article 55, qui remet en cause le régime d'exonération applicable aux entreprises du secteur des services à la personne.

Je reprendrai pour le défendre l'argumentation que j'ai développée il y a un instant à propos de l'amendement n° II-57. En effet, il ne nous paraît pas justifié de revenir dès à présent sur un régime d'exonération qui a été voté durant l'été 2005 et qui a contribué au développement rapide des créations d'emploi dans ce secteur.

La commission est en outre peu convaincue par le dispositif voté à l'Assemblée nationale, qui est d'une complexité redoutable puisqu'il instaure des régimes d'exonération différents selon le public auprès duquel le salarié intervient. Comme les salariés de ce secteur interviennent souvent auprès de plusieurs clients, le calcul des cotisations dont doit s'acquitter l'entreprise nécessitera un suivi particulièrement méticuleux.

Je veux bien croire que cela créera des emplois si on met derrière chaque personne quelqu'un pour surveiller... Mais je trouve quand même que c'est aller un peu loin. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° II-80.

Mme Gisèle Printz. Sur cet article, nous sommes de nouveau en accord avec M. le rapporteur pour avis. La rédaction issue de l'Assemblée nationale aboutit à un dispositif parfaitement ingérable.

Les organismes du secteur des services aux personnes travaillent en effet à la fois pour des publics fragiles et non fragiles, et les salariés passent dans la même journée de l'un à l'autre. Pour cette seule raison, l'article 55 mérite d'être supprimé.

Mais, outre cette complexité, nous reprochons au Gouvernement de faire preuve d'incohérence.

En effet, après avoir déclaré il y a deux ans que les services à la personne constituaient un gisement d'emplois sans pareil et avoir mis en place de nouvelles aides, vouloir maintenant supprimer une partie de ces aides à une branche qui se développe, au motif précisément qu'elle s'étend, est pour le moins étonnant !

Cette logique comptable est dangereuse. La branche des services à la personne a besoin d'être stabilisée, les emplois d'être pérennisés et les intervenants d'être de mieux en mieux formés, et ce quelle que soit la classification des publics auprès desquels ils travaillent.

II est pour le moins prématuré de faire revenir ces structures au régime de droit commun, pour une économie attendue de 20 millions d'euros, c'est-à-dire dix fois moins que ce que coûtera à l'État la suppression de l'impôt de bourse.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour présenter l'amendement n° II-90 rectifié.

M. Jean Boyer. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° II-89 rectifié, présenté par M. Seillier, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

I. - Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dernier alinéa de l'article L. 129-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Dans la deuxième phrase, après les mots : « associations intermédiaires, » sont insérés les mots : «, les entreprises » ;

2° Après la deuxième phrase sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Lorsqu'il est délivré à une entreprise qui ne se consacre pas exclusivement aux activités mentionnées au présent article, l'agrément ne concerne que celles-ci. Il est retiré de plein droit en cas d'utilisation en dehors de ce périmètre. ».

II. -Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - 1. La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant des modifications apportées à l'article L. 129.1 du code du travail est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

2. La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Je suis en général favorable aux suppressions des exonérations de charges sociales. Mais, dans le cas présent, le dispositif me semble assez utile.

La commission n'a pu se prononcer sur ces amendements, mais, à titre personnel, j'y suis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Avec cet article 55 du projet de loi de finances tel qu'il a été voté à l'Assemblée nationale, le Gouvernement projette de transférer sur une période de deux années les exonérations spécifiques des structures agréées du secteur des services à la personne vers le régime d'allégements généraux, sauf pour les publics dits fragiles.

Cette exonération ne représente qu'un gain modeste pour l'employeur dans un contexte de montée en puissance des exonérations générales de cotisations sociales. Par ailleurs, cette réforme ne remet pas en cause le soutien financier de l'État au secteur des services à la personne. Au contraire, comme je l'indiquais tout à l'heure dans mon intervention, l'effort budgétaire progresse en 2008 puisque des dépenses budgétaires et fiscales nouvelles, à hauteur de 400 millions d'euros, vont soutenir l'emploi dans les services à la personne.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Charles Josselin, pour explication de vote.

M. Charles Josselin. Madame la ministre, j'ai écouté, comme toujours avec beaucoup d'attention, votre intervention à la tribune. Je ne peux évidemment pas partager la philosophie générale qui la guidait. En outre, je désapprouve le procès qui est fait aux socialistes - avec un peu de lourdeur ! - d'avoir sacrifié la valeur travail, sur je ne sais quel autel d'ailleurs,... la paresse probablement.

Certains de vos propos n'ont pas seulement retenu mon attention, ils ont aussi éveillé mon intérêt. Vous avez dit qu'il valait mieux parfois, au lieu de toujours lancer de nouvelles réformes ou de vouloir modifier les dispositifs, prendre le temps d'évaluer ceux qui existent. Je consulterai le compte rendu de nos débats pour m'assurer que j'ai bien compris vos propos.

Cette phrase rompt en tout cas avec le dogme du Président de la République, qui veut tout réformer tout de suite ! Elle méritait donc d'être relevée, car elle devrait vous conduire à ne pas vous opposer à ces amendements.

En tout cas, les socialistes les voteront, car, comme cela a été dit, le dispositif dont l'article 55 prévoit la disparition a fait la preuve de son efficacité. Les résultats sont au rendez-vous : des milliers d'emplois ont été créés. En outre, on sait la somme de dévouement que représente le travail des salariés concernés, ainsi que le mieux-être qu'ils procurent à un nombre considérable de familles.

Sauf à pratiquer une politique de gribouille et à mettre fin à un dispositif au prétexte qu'il fonctionne, le Sénat doit voter ces amendements de suppression de l'article 55.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-58, II-80 et II-90 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 55 est supprimé.

Article 55
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Article 57

Article 56

L'article 10 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa du I, après le mot : « effectuées », sont insérés les mots : « par l'ensemble de leurs salariés », et sont ajoutés les mots : « et pour les périodes d'emplois effectuées par leurs salariés, à compter du 1er janvier 2008, dans la limite de trente équivalents temps plein salariés et dans le respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis » ;

2° Dans les cinquième et sixième alinéas du même I, les mots : « Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 » sont remplacés par les mots : « À compter du 1er janvier 2007 » ;

3° Dans le septième alinéa du même I, les mots : « Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007, » sont supprimés ;

4° Dans le II, les mots : « du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2007 » sont remplacés par les mots : « postérieure au 1er juillet 2004 ».

M. le président. L'amendement n° II-81, présenté par M. Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Demontès, San Vicente-Baudrin, Schillinger, Campion et Alquier, MM. Cazeau, Domeizel, Michel, Madec, Gillot, G. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les hôtels, cafés et restaurants sont une branche particulièrement importante et méritante de notre économie, tant pour notre quotidien que pour le développement du tourisme.

Sans doute est-ce pour cette raison que l'ancien Président de la République avait imprudemment fait à cette branche la promesse électorale d'abaisser à 5,5 % le taux de la TVA. Il n'a malheureusement pas été en mesure de tenir cette promesse, qui n'engageait pas que lui !

M. le rapporteur spécial de la commission des finances indique dans son rapport - page 64 -, avec l'humour que nous lui connaissons, « qu'il peine à trouver une justification du bien-fondé de cette aide dans son principe ». Il n'est pas le seul !

Nous connaissons tous les péripéties de cette affaire. Cela fait désormais quatre ans qu'une dotation nous est soumise pour aider cette branche : 549 millions d'euros dans la loi de finances pour 2005, 534 millions d'euros en 2006, 648 millions d'euros en prévision d'exécution pour 2007, plus les 151 millions d'euros que coûte l'exonération de l'avantage en nature sur les repas, soit un total de 799 millions d'euros !

Face à de tels chiffres, la question qui se pose est naturellement : pour quel résultat ?

Les représentants de la branche avaient promis, si mes souvenirs sont exacts, la création de 45 000 emplois, des hausses de salaires, ainsi que des baisses de prix pour les clients.

En tant que clients, nous n'avons remarqué aucune diminution des prix !

Concernant les salaires, je ne rappellerai pas, par charité, la laborieuse négociation sur le SMIC hôtelier, qui a abouti à une augmentation de 5 % en brut, soit 68 euros bruts par mois, en y intégrant le prix de deux repas par jour, exonérés de cotisations patronales. Et encore ces chiffres ne concernent-ils que les salariés à temps plein ! Ce n'est pas le cas général dans la profession, qui occupe beaucoup de salariés à temps partiel.

Quant au nombre des créations d'emploi, elles se sont élevées à 1 897 depuis 2006, soit très exactement un coût de 470 830 euros par emploi créé. C'est un record !

Afin d'éviter un débat toujours désagréable, le Gouvernement nous propose cette année de pérenniser cette aide et avance pour cela deux motifs : le plafonnement aux entreprises de trente salariés - mais rien n'empêche un employeur de créer deux entreprises au lieu d'une - et le fait que c'est mieux que si c'était pire ! (Sourires.)

M. le rapporteur spécial nous indique en effet - page 65 de son rapport - que la prorogation, « bien que critiquable », « s'avère toujours moins coûteuse que l'octroi d'un taux de TVA réduit ».

Cet argument, mes chers collègues, pour intéressant qu'il soit, n'est pas recevable. En effet, personne n'a jamais obligé l'ancien Président de la République à faire cette promesse aux représentants de la profession. Et les contribuables français n'ont pas à être ainsi pris en otage pour des résultats en matière de prix, de salaires et de créations d'emplois à peu près inexistants.

L'actuel Président de la République avait déclaré - c'était au mois de décembre 2006 - lors du congrès de la profession : « Ce n'est pas moi qui ai promis, et pourtant, c'est moi qui vais tenir ». On nous dit que la commission européenne a inscrit à son programme de travail un projet de TVA à taux réduit pour les secteurs à fort besoin de main-d'oeuvre. Nous verrons !

Mais pour le moment, mes chers collègues, l'absence de résultat probant, ainsi que le fait que les engagements pris en contrepartie de l'octroi de cette aide n'aient pas été tenus, devrait tous nous inciter, dans l'intérêt des finances publiques, à supprimer l'article 56 du projet de loi de finances.

Je dirai un dernier mot : si la décision est prise au niveau européen d'autoriser un taux réduit de TVA, alors se posera la question du financement des 2,5 milliards d'euros que cette mesure coûtera au budget de l'État, mais c'est une autre histoire...

Pour l'heure, puisque le Président de la République nous dit qu'il n'y a plus d'argent - on veut bien le croire d'ailleurs -, attendons que la profession tienne les engagements fermes qu'elle a pris !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La prorogation de l'aide, bien que critiquable, correspond à un engagement du Gouvernement.

Le plafonnement à trente salariés répond à un impératif de sécurité juridique au regard de la législation européenne et constitue un premier signal de réduction de l'aide dans son principe.

Enfin, cette aide s'avère toujours moins coûteuse que l'octroi éventuel, dans l'avenir, d'un taux de TVA réduit.

Toutefois, ce dispositif pose un problème de calibrage et exclut de l'aide les grandes enseignes de restauration. Cela posera un sérieux problème.

Au nom de la commission des finances, j'émets néanmoins un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Ce sujet se trouve à la jonction de plusieurs questions de droit européen. Il s'agit tout d'abord de savoir si le taux de TVA à taux réduit sera appliqué ou non, et surtout quand il le sera. Ensuite, il s'agit de respecter la règle de minimis si nous proposons de pérenniser cette aide.

Je rappelle que nous avons obtenu de la Commission européenne que la question de la TVA à taux réduit pour l'ensemble des professions à forte intensité de main-d'oeuvre, notamment les hôtels, les cafés et les restaurants, soit évoquée sous la présidence française, c'est-à-dire au cours de la seconde moitié de l'année 2008. Cette décision est à porter au crédit de la France, car il était initialement prévu de n'évoquer cette question qu'en 2010.

Si le Gouvernement propose de pérenniser ces aides, qui n'avaient été accordées que pour une année, c'est tout simplement parce qu'il tient à respecter les engagements qu'il a pris vis-à-vis des professionnels.

Pour ce faire, par respect d'un principe de droit communautaire, nous sommes obligés de placer l'aide aux hôtels, cafés et restaurants sous le régime de minimis. C'est la raison pour laquelle nous introduisons un plafonnement à trente salariés, qui ne concernera que 1,5 % des entreprises du secteur. Toutes les autres entreprises, soit 98,5 % d'entre elles, continueront de bénéficier de cette aide.

Le secteur des hôtels, cafés et restaurants, on le sait, est déterminant pour l'attractivité de notre pays. Il constitue un axe fort du tourisme français. Avec quelque 215 000 entreprises, dont une grande majorité de petites, il représente, je le rappelle, 1 million d'emplois directs sur notre territoire, qui ne sont pas susceptibles d'être délocalisés.

Nous souhaitons donc clairement apporter un soutien à ce secteur d'activité.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous venons d'examiner un article qui remettait en cause un droit des femmes - il a heureusement été modifié - et qui devait permettre de réaliser une économie de 4,2 millions d'euros. Un autre article permettra de réaliser une économie de 6,5 millions d'euros. Avec cet amendement, nous proposons au Gouvernement de réaliser une économie d'un peu plus de 700 millions d'euros !

On s'aperçoit encore une fois que la norme est toujours plus stricte et plus sévère pour les salariés que pour les employeurs. Une fois de plus, nous ne pouvons que le regretter.

Nous voterons donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai écouté les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre. J'aimerais que les choses soient très claires : personne ne nie que certaines branches aient besoin d'aide, le problème est que les engagements qui devaient être respectés en contrepartie ne le sont pas, et ce depuis plusieurs années.

Ce qui motive notre démarche, c'est le non-respect du donnant-donnant car, pour l'instant, on donne d'un côté, mais pas de l'autre. Notre amendement de suppression s'inscrit dans la logique des propos du Président de la République qui a dit que les exonérations de cotisations seraient conditionnées à des discussions salariales. Nous souscrivons à cette démarche.

Quand l'État consent un effort aussi colossal - 750 millions d'euros ! autant, par exemple, que ce que les franchises vont rapporter à la sécurité sociale ! - et qu'en face il n'obtient aucun résultat, il faut mettre le holà.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 56.

(L'article 56 est adopté.)

Article 56
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Article 58

Article 57

I. - Les articles L. 5423-18 à L. 5423-23 du code du travail qui, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprennent les dispositions de l'article L. 351-10-1 du code du travail sont abrogés à compter du 1er janvier 2009.

II. - Les allocataires qui, au 1er janvier 2009, bénéficient de l'allocation prévue par l'article L. 351-10-1 du code du travail continuent à la percevoir jusqu'à l'expiration de leurs droits.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Avec cet article, le Gouvernement complète la série de mesures injustes qu'il accumule depuis l'été : paquet fiscal, taxation sur les préretraites, franchises médicales, pour ne citer qu'elles.

L'article 57 prévoit la suppression en 2009 de l'allocation équivalent retraite, l'AER. Cette allocation, dont le montant s'élève à 953 euros par mois en 2007, s'adresse aux demandeurs d'emplois et aux RMIstes qui ont validé, avant l'âge de soixante ans, cent soixante trimestres d'activité auprès de l'assurance vieillesse.

Cette allocation leur permet, sous conditions de ressources, de bénéficier d'un revenu de remplacement ou de complément, en attendant de pouvoir liquider leur retraite à l'âge de soixante ans.

Il y a quelques semaines, le Gouvernement a lancé différentes pistes : taxation des préretraites, suppression des clauses couperets et suppression du dispositif « carrières longues ». (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Aujourd'hui, il propose de supprimer l'AER. Une fois ces pistes lancées, il jauge les réactions. Si l'opposition est forte, il retire le projet - du moins temporairement -, comme cela a été le cas pour le dispositif « carrières longues ». Si la réaction est plus faible, il force le passage. C'est ce qu'il fait aujourd'hui avec l'AER.

Or, dans les faits, l'AER n'est pas très éloignée du dispositif « carrières longues ». Le public est le même : des salariés, souvent des ouvriers, qui ont accumulé cent soixante trimestres avant d'avoir atteint l'âge légal de départ à la retraite.

L'AER répond à une réalité sociale. Il s'agit de permettre à un salarié usé par sa vie professionnelle de bénéficier d'une allocation en attendant d'avoir atteint l'âge de soixante ans.

Madame la ministre, monsieur le ministre, alors que vous évoquez souvent l'« équité » et que vous souhaitez ouvrir un grand débat sur la pénibilité du travail, vous seriez bien inspirés de retirer cette mesure.

Comme cela ne vous avait sans doute pas échappé, les publics concernés, qui ont 160 trimestres de cotisations validés par la caisse d'assurance vieillesse, ont, par définition, commencé à travailler voilà déjà longtemps, alors qu'ils étaient jeunes et que les conditions de travail étaient rudes. Ils ont été exposés à des poussières comme l'amiante ou le charbon, ont effectué des travaux de force ou, plus simplement, ont travaillé depuis l'âge de 16 ans.

Or, loin de reconnaître leur droit à un repos bien mérité, votre gouvernement souhaite les voir travailler encore plus. Ils ont suffisamment de trimestres de cotisation, mais n'ont pas encore atteint l'âge de soixante ans ? Qu'ils travaillent donc les années restantes !

Supprimer une telle allocation, c'est une nouvelle fois précariser les seniors aux revenus les plus modestes sans favoriser pour autant leur retour à l'emploi. Au contraire, pendant les quelques années qui les séparent de la retraite, ces personnes seront condamnées au chômage, ce qui les fragilisera encore plus !

Finalement, l'article 57 est à l'image de la société que vous voulez nous imposer, une société où les actifs doivent aider leurs enfants et leurs parents en lieu et place de la solidarité nationale ! La suppression à laquelle il vise permettra une économie estimée à 60 millions d'euros seulement, et ce au détriment de salariés ayant pourtant contribué au rayonnement de la France.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous voterons contre l'article 57.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-82, présenté par M. Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Demontès, San Vicente-Baudrin, Schillinger, Campion et Alquier, MM. Cazeau, Domeizel, Michel, Madec, Gillot, G. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Comme l'a rappelé notre collègue Annie David, l'article 57 supprime l'allocation équivalent retraite, qui est destinée aux chômeurs ayant validé 160 trimestres de cotisations au titre des régimes de base, mais n'ayant pas encore atteint l'âge de 60 ans.

Cela mérite d'être souligné, il s'agit de personnes ayant commencé à travailler très jeunes.

L'objectif affiché d'une telle mesure est d'encourager l'emploi des seniors. En fait, on met encore une fois la charrue avant les boeufs. Au demeurant, le plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors, qui a institué un nouveau contrat précaire à destination de ces publics, n'a abouti à aucun résultat. Depuis deux ans, leur taux d'activité a encore diminué.

À cet égard, permettez-moi de vous faire part d'une observation. L'année dernière, le Sénat avait supprimé à l'unanimité la possibilité de mettre à la retraite d'office des seniors. Le Gouvernement l'avait rétablie par un amendement déposé après la réunion de la commission mixte paritaire ! On peut donc difficilement prétendre que nous ne nous préoccupons pas du maintien dans l'emploi des seniors.

En la matière, le Gouvernement propose des mesures non pas incitatives, comme nous le préconisons, mais bien coercitives, et destinées non pas aux employeurs bien sûr, mais aux salariés, de préférence aux plus modestes !

Nous avons déjà dénoncé l'alignement de la CSG pour les petites préretraites sur le taux commun. À présent, on s'en prend aux chômeurs âgés, à ceux qui ont connu la vie professionnelle certainement la plus longue et la plus dure !

Concrètement, que signifie la suppression de l'allocation équivalent retraite ?

Actuellement, le montant de l'AER s'élève à 953 euros par mois. Les chômeurs âgés ayant cotisé 160 trimestres pourraient donc prétendre à la pension de retraite. Or ils seront désormais orientés vers l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, pour les chômeurs en fins de droits, qui est, au maximum, de 435 euros par mois.

Le bénéfice d'une telle opération est lamentable ! Elle représentera peut-être une économie de 60 millions d'euros pour le budget, mais ce sera une perte de plus de 500 euros par mois pour ces personnes ayant durement travaillé.

Mes chers collègues, qui, dans cet hémicycle, serait prêt à vivre avec un revenu mensuel de 435 euros ? C'est pourtant ce qui est imposé à des travailleurs ayant quarante années d'activité derrière eux.

On nous dit que le montant de l'AER n'inciterait pas à la recherche d'emploi. Mais, compte tenu de ce que j'ai évoqué sur le départ en retraite forcé des seniors dans 122 branches, quel employeur embauchera un salarié ayant déjà travaillé 40 années, donc âgé d'au moins 56 ans ?

M. Guy Fischer. Personne !

M. Jean-Pierre Godefroy. Comment peut-on proposer un tel dispositif et parler en même temps du pouvoir d'achat ?

M. Guy Fischer. C'est une question de bon sens !

M. Jean-Pierre Godefroy. Comment peut-on dépenser 260 millions d'euros pour supprimer l'impôt de bourse et aller chercher 60 millions d'euros en 2008 sur le dos des vieux travailleurs les plus modestes ?

M. Guy Fischer. C'est deux poids, deux mesures !

M. Jean-Pierre Godefroy. Et l'on nous annonce que l'économie réalisée serait de 187 millions en 2009 et de 275 millions en 2010, par extinction définitive des allocataires de l'AER. En d'autres termes, comme je l'ai déjà indiqué, cela aura pour effet de diminuer le revenu des personnes les plus modestes.

Bien évidemment, nous demandons la suppression de l'article 57, mais je voudrais aller plus loin.

Madame la ministre, vous avez mentionné tout à l'heure la « valeur travail ». Eh bien, s'agissant de salariés ayant commencé à travailler très tôt - et je sais de quoi je parle ! -, ne pas supprimer l'AER, ce serait précisément reconnaître la valeur travail ! Ces personnes se sont attelées au travail pendant quarante années. Elles y ont apporté tout leur savoir-faire, leur force et leur énergie. Et ce sont elles que vous voulez pénaliser !

Mes chers collègues, la meilleure façon de reconnaître la valeur travail serait précisément de rejeter l'article 57. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-42 est présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-50 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I - Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - L'article L. 351-10-1 du code du travail est abrogé à compter du 1er janvier 2008.

Les articles L. 5423-18 à L. 5423-23 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) sont abrogés à leur date d'entrée en vigueur.

II - Au II de cet article, remplacer la date :

1er janvier 2009

par la date :

1er janvier 2008

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-42.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à reporter au 1er janvier 2009 l'entrée en vigueur de la suppression de l'allocation équivalent retraite. Dès lors, l'article 57 serait dépourvu de tout effet pendant toute la durée de l'exécution de la loi de finances pour 2008.

Le présent amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l'article 57 du projet de loi de finances, qui fixait la date d'entrée en vigueur de la suppression de l'allocation équivalent retraite au 1er janvier 2008.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-50.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales souscrit à l'argumentation de la commission des finances et souhaite que l'article 57 du projet de loi de finances soit rétabli dans sa rédaction initiale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° II-82 et sur les amendements identiques nos II-42 et II-50.

En effet, nous préférons que, conformément au vote intervenu à l'Assemblée nationale, les dispositions de l'article 57 n'entrent en application qu'à compter du 1er janvier 2009. Ce délai supplémentaire d'une année nous permettra d'analyser les effets de l'AER, d'évaluer si cette allocation est véritablement « désincitative » en termes d'emploi des seniors et d'apprécier si sa suppression s'impose ou non.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° II-82.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, si vous souhaitez que la suppression de l'AER soit reportée au 1er janvier 2009, pourquoi l'inscrire dans le projet de loi de finances pour 2008 ?

Dès lors que vous disposerez d'une année pour procéder à des études et évaluer les effets d'une telle allocation, vous pourrez venir nous présenter vos conclusions et vos propositions à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009.

Je ne vois pas l'intérêt de faire figurer dans le projet de loi de finances pour 2008 un dispositif qui ne sera mis en oeuvre qu'en 2009.

Mme Annie David. Exactement ! Autant supprimer l'article 57 !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous voterons naturellement cet amendement de suppression, car la mesure proposée à l'article 57 est profondément inégalitaire.

Mme Annie David. Tout à fait !

M. Guy Fischer. À mon sens, l'attitude du Gouvernement à l'égard des publics concernés relève quasiment du mépris. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Honnêtement, lorsque l'on connaît ces travailleurs, on se dit qu'il y a véritablement deux poids, deux mesures !

Mme Annie David. C'est une honte !

M. Guy Fischer. Vraiment, une telle mesure n'honore pas le Gouvernement. Elle frappera des personnes qui ont travaillé toute leur vie et qui sont usées. Il s'agit d'une génération qui s'inscrit dans la lignée de nos parents, et plus particulièrement de nos pères, puisque nos mères ne travaillaient pas à l'époque. La pénibilité du travail était alors telle que nombre d'entre eux sont morts en n'ayant jamais pu bénéficier de leurs droits à la retraite.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. MM. Godefroy et Fischer ayant évoqué la question des retraites, je me permets d'intervenir.

Monsieur Fischer, j'ai bien entendu vos propos, que vous aviez d'ailleurs déjà tenus par le passé. Vous avez mentionné la pénibilité. En parler, c'est bien, mais se saisir à bras-le-corps du problème, c'est mieux. C'est précisément ce que nous ferons en 2008 dans le cadre du grand rendez-vous qui sera consacré aux retraites.

Aujourd'hui, le Gouvernement propose de reporter d'une année l'entrée en vigueur du dispositif prévu par l'article 57, et ce pour une raison très simple. Nous avons consulté et écouté les partenaires sociaux. Ainsi, deux syndicats, en l'occurrence la CFDT et FO, se sont clairement exprimés sur ce point. Et c'est précisément parce que nous les avons entendus que M. le Premier ministre, Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et moi-même avons soutenu l'amendement déposé à l'Assemblée nationale tendant à reporter d'un an la suppression de l'AER. En effet, selon nous, il est indispensable d'avoir un débat serein sur cette question. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

Nous pourrons évoquer le sujet en 2008, à l'occasion du grand rendez-vous sur l'emploi des seniors au cours duquel sera présenté le plan que Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et moi-même préparons. Ce sujet ne peut pas non plus être déconnecté du rendez-vous sur les retraites qui aura lieu également cette année.

Nous avons voulu veiller à ce que personne ne soit perdant en 2008 ; il n'est pas question que le passage de l'AER à l'ASS entraîne une perte de pouvoir d'achat.

Comme vous le savez, notre logique est de maintenir les seniors dans l'emploi. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a opté pour une position d'équilibre. En effet, si nous sommes défavorables à l'amendement tendant à supprimer l'article 57, nous sommes également opposés aux deux amendements visant à avancer sa mise en oeuvre au 1er janvier 2008.

Nous proposons donc une solution raisonnable et équilibrée, afin de pouvoir débattre sereinement des mesures qu'il convient d'adopter en faveur des salariés les plus éloignés de l'emploi.

C'est pourquoi nous souhaitons le rejet de ces trois amendements.

M. Guy Fischer. Il fallait attendre, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-82.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45 :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 125
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II - 42 est-il maintenu ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Au nom de la commission des finances, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-42 est retiré.

Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-50 est-il maintenu ?

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales ne m'a donné aucun mandat à ce sujet, monsieur le président. Toutefois, compte tenu des explications fournies par M. le ministre, je le retire. (M. Jacques Gautier applaudit.)

M. le président. L'amendement n° II-50 est retiré.

Je mets aux voix l'article 57.

(L'article 57 est adopté.)

Article 57
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 59

Article 58

I. - Le I de l'article L. 322-13 du code du travail et le I de l'article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 9 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) sont ainsi modifiés :

1° Les mots : « dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 % » sont remplacés par les mots : « conformément à un barème dégressif déterminé par décret et tel que l'exonération soit totale pour une rémunération horaire inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 50 % et devienne nulle pour une rémunération horaire égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 140 % » ;

2° La référence : « 1031 » est remplacée par la référence : « L. 741-10 ».

II. - Les dispositions des articles L. 322-13 du code du travail et L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du 1° du I sont applicables aux contrats de travail dont la date d'effet est postérieure au 1er janvier 2008. Les exonérations applicables aux contrats de travail ayant pris effet avant cette date restent régies par les dispositions de ces articles dans leur rédaction antérieure à la présente loi.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-83, présenté par M. Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Demontès, San Vicente-Baudrin, Schillinger, Campion et Alquier, MM. Cazeau, Domeizel, Michel, Madec, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. L'article 58 vise à instaurer un barème dégressif plafonné dans les zones de revitalisation rurale et dans les zones de redynamisation urbaine, pour les rémunérations excédant un SMIC et demi. Le gain attendu de cette opération est de 16 millions d'euros.

Le motif avancé pour justifier l'instauration d'un barème dégressif serait la volonté de cibler les exonérations sur les emplois les moins qualifiés, qui, à défaut d'incitation, ne seraient pas créés.

Or, si l'incitation est effectivement améliorée pour ces emplois, elle n'est pas nécessairement nulle pour les emplois rémunérés à un SMIC et demi et au-delà. Ce sont tous les emplois, qualifiés ou non, dont il convient de favoriser la création dans les zones prioritaires.

En outre, la fixation d'un seuil à un SMIC et demi ne va pas favoriser la revalorisation des salaires intermédiaires ; elle va au contraire favoriser, de nouveau, un nivellement par le bas. L'entreprise aura intérêt à ramener les salaires à un niveau inférieur au seuil pour bénéficier de l'exonération maximale. Nous retrouvons l'effet de trappe à bas salaires que génèrent tous les seuils.

En l'état, cet article aura pour résultat de tasser les rémunérations et de favoriser le départ des salariés les plus qualifiés vers d'autres territoires.

Cet article témoigne d'une vision des zones en difficulté, qu'elles soient urbaines ou rurales, assez particulière. Il semble, en effet, que le Gouvernement et sa majorité considèrent que les salaires des populations qui y résident n'excèdent naturellement pas un SMIC et demi.

Les circonstances actuelles démontrent pourtant avec force à quel point les habitants des zones urbaines en difficulté, principalement, ont besoin de respect et de justice, ainsi que de trouver des emplois correspondant à la qualification qu'un certain nombre d'entre eux a acquise.

Nous trouvons donc cette disposition particulièrement inopportune : nous en demandons la suppression !

M. le président. L'amendement n° II-60 rectifié bis, présenté par M. J. Blanc, Mme Procaccia et M. Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

... - L'article L. 322-14 du code du travail résultant du 2° du II de l'article 19 de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi rédigé :

« Art. L. 322-14.- L'exonération définie à l'article L. 322-13 est applicable, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %, aux gains et rémunérations versés aux salariés embauchés à compter du 1er novembre 2007 dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A du code général des impôts par les organismes visés au 1 de l'article 200 du même code ayant leur siège social dans ces mêmes zones.

« Par dérogation aux dispositions du II de l'article L. 322-13, les embauches réalisées ouvrent droit à exonération même si elles ont pour effet de porter l'effectif total de l'organisme à plus de 50 salariés. »

... - L'article L. 131-4-3 du code la sécurité sociale résultant du 2° du III de l'article 19 de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi rédigé :

« Art. L. 131-4-3.- L'exonération définie à l'article L. 131-4-2 est applicable, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %, aux gains et rémunérations versés aux salariés embauchés à compter du 1er novembre 2007 dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A du code général des impôts par les organismes visés au 1 de l'article 200 du même code ayant leur siège social dans ces mêmes zones.

« Par dérogation aux dispositions du II de l'article L. 131-4-2, les embauches réalisées ouvrent droit à exonération même si elles ont pour effet de porter l'effectif total de l'organisme à plus de 50 salariés. »

... - 1. La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension du dispositif d'exonération spécifique en faveur des organismes d'intérêt général est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

2. La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. L'article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoyait la suppression du dispositif d'exonération des charges sociales de la récente loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui concerne les salariés des organismes d'intérêt général en zones de revitalisation rurale.

À la suite de négociations très difficiles, un accord avait été trouvé avec l'Assemblée nationale sur la rédaction de cet article 12. Il avait été décidé de maintenir le dispositif spécifique aux ZRR jusqu'au bilan de 2009 pour les salariés embauchés jusqu'au 1er novembre 2007 et d'appliquer le dispositif pérenne de droit commun en ZRR pour les salariés embauchés à compter de cette date.

Vous comprendrez qu'un élu rural de la Lozère comme Jacques Blanc considère que cet équilibre est complètement remis en cause.

L'objet de cet amendement est donc de préciser que la dégressivité des exonérations au-delà de 1,5 SMIC ne s'applique pas aux organismes d'intérêt général situés dans ces zones de revitalisation rurale. Cette dégressivité doit être fixée par voie réglementaire.

Il est proposé qu'elle ne s'applique pour ces organismes que lorsque les embauches portent sur des effectifs de plus de 50 salariés.

Je souligne que l'économie réalisée, de l'ordre de 16 millions d'euros, est relativement modeste. De surcroît, la loi remise en cause est récente : votée en 2005, elle prévoyait une évaluation en 2009. Nous pourrions tout de même maintenir le dispositif jusqu'à cette date.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Le plafonnement et l'instauration d'une dégressivité paraissent cohérents dans le double objectif de réduire le niveau des exonérations spécifique que votre rapporteur spécial appelle de ses voeux et de maîtriser les dépenses budgétaires.

Générateur d'une économie prévisionnelle de 16 millions d'euros, le dispositif ne remet pas en cause, dans son principe, le soutien au développement des entreprises en ZRR et ZRU.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° II - 83.

En ce qui concerne l'amendement n° II-60 rectifié bis, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement, car l'extension du champ d'application du régime applicable lui semble contraire à l'objectif de plafonnement et de dégressivité du niveau de ces exonérations spécifiques.

.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. En ce qui concerne l'amendement n°II-83, je voudrais rappeler simplement que l'article 58 vise à organiser le plafonnement des exonérations ciblées en faveur des zones de revitalisation rurale et des zones de redynamisation urbaine. Outre ce plafonnement, il tend à mettre en place un mécanisme de dégressivité des exonérations à partir de 1,5 fois le SMIC.

Cette réforme traduit la volonté du Gouvernement d'encourager la revalorisation des salaires et l'augmentation du pouvoir d'achat, tout en essayant d'éviter les effets de trappes que génère bien souvent l'instauration de seuils.

Le principe de la dégressivité vise précisément à limiter ces effets de seuil en permettant le lissage de la mesure. Nous voulons ainsi concentrer l'intervention sur les salariés les moins qualifiés, les moins productifs, pour lesquels une aide à l'embauche peut faire toute la différence, en permettant de créer des emplois qui ne l'auraient pas été.

L'ensemble des analyses sur l'impact économique des allégements de charge, telle celle qui figure dans le rapport relatif aux aides publiques du Conseil d'orientation pour l'emploi, montrent que ce type de dispositif favorise surtout l'emploi peu qualifié et faiblement rémunéré. Le système de franchise génère un effet d'aubaine. C'est précisément contre cet effet de trappe à l'égard des salariés que nous souhaitons mettre en place un système dégressif, qui ne s'appliquera qu'à partir de 1,5 fois le SMIC.

Dans ces conditions, étant précisé que la réforme ne s'appliquera que pour les embauches effectuées à partir du 1er janvier 2008 et pas avant, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Concernant l'amendement n° II-60 rectifié bis, je voudrais souligner qu'une différence de traitement entre les entreprises et les organismes d'intérêt général créerait un régime d'exonération très complexe qui s'éloignerait de l'objectif premier de l'exonération, à savoir combler un handicap économique, ce qui passe d'abord par une aide au secteur marchand.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote sur l'amendement n° II-83.

M. Paul Blanc. En tant qu'élu du monde rural, je connais les difficultés d'installation et de survie des entreprises, en particulier en zone de revitalisation rurale.

Un effort a été réalisé pour que des entreprises viennent s'installer dans les zones urbaines fragiles, où le problème de l'emploi est particulièrement crucial. Les exonérations ont incité un certain nombre d'entreprises à s'installer, tant dans les zones de revitalisation rurale que dans les zones de redynamisation urbaine.

Le fait de supprimer ces exonérations ne me paraît pas une bonne chose : nous rencontrerons encore plus de difficultés pour que les entreprises s'installent et recrutent sur ces territoires.

Le dispositif devait être évalué en 2009. Je préférerais que l'on en reste là et qu'il ne soit pas supprimé dès cette année. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je voterai pour cet amendement.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Permettez-moi de m'étonner quelque peu de la teneur de nos débats ! Voilà seulement quelques jours, nous avons débattu de cette question, ici même, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'était alors M. Éric Woerth, ministre du budget, qui siégeait au banc du Gouvernement.

Il avait été question, lors de la discussion du PLFSS, de supprimer ces exonérations. À la suite d'un débat difficile à l'Assemblée nationale, l'article 12 a été modifié pour permettre le maintien de ces exonérations jusqu'au bilan prévu en 2009 par la loi du 23 février 2005 relative aux territoires ruraux.

Dans notre assemblée, à la suite d'une discussion animée, le ministre avait donné un avis favorable sur un amendement que je défendais afin que l'ensemble des dispositifs prévus par le PLFSS soient également évalués en 2009.

Or, aujourd'hui, vous nous proposez de nouveau une disposition qui tend, elle aussi, comme dans le PLFSS, à supprimer les exonérations, alors même que les deux assemblées se sont mises d'accord sur le maintien de la mesure en attendant le bilan de 2009. J'ai un peu de mal à comprendre la démarche !

Je sais bien qu'il s'agit d'un gouvernement de rupture (Sourires.), mais il devrait quand même y avoir un peu de continuité au sein d'une même équipe gouvernementale ! Je comprends mal, madame la ministre, votre volonté de supprimer à tout prix ces exonérations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Soyez rassurée, madame David, il y a une parfaite entente au sein du Gouvernement.

Il ne s'agit pas de supprimer ces exonérations, mais d'instaurer un plafond au-delà duquel s'appliquera un barème dégressif. C'est une simple question d'efficacité.

Mme Annie David. Vous revenez sur ce que nous avons voté il y a quelques jours !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-83.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 58 est supprimé, et l'amendement n° II-60 rectifié bis n'a plus d'objet.

Article 58
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Article additionnel après l'article 59

Article 59

I. - 1. L'article L. 351-10-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi. »

2. L'article L. 5423-7 du code du travail qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprend les dispositions de l'article L. 351-10-2 précité est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'allocation de fin de formation est à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi. »

II. - L'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi est ainsi modifié :

1° Après le 5°, sont insérés un 6° et un 7° ainsi rédigés :

« 6° De l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 351-10-2 du code du travail et par l'article L. 5423-7 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) ;

« 7° Des cotisations sociales afférentes aux allocations ci-dessus mentionnées. » ;

2° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Il reçoit la contribution exceptionnelle de solidarité créée par la présente loi. Le produit de cette contribution ne peut recevoir d'autre emploi. Le fonds reçoit également, le cas échéant, une subvention de l'État et de manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. »

III. - Il est institué en 2008, au bénéfice du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi, un prélèvement de 200 millions d'euros sur le fonds national mentionné à l'article L. 961-13 du code du travail et à l'article L. 6332-18 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative). Le prélèvement est opéré en deux versements, le premier avant le 1er juin 2008 et le second avant le 1er décembre 2008. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

IV. - Les I et II s'appliquent à compter du 1er janvier 2008.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-84, présenté par M. Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Demontès, San Vicente-Baudrin, Schillinger, Campion et Alquier, MM. Cazeau, Domeizel, Michel, Madec, Gillot, G. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous demandons la suppression de cet article pour deux raisons.

Tout d'abord, nous rejoignons le rapporteur pour avis, M. Louis Souvet, qui s'étonne dans son rapport que la nouvelle charge confiée au fonds de solidarité ne soit pas accompagnée d'une recette pérenne.

Le Gouvernement procède encore une fois à un bricolage en allant chercher les 200 millions d'euros manquants là où il peut les trouver... Pour le fonds unique de péréquation des OPCA, c'est la deuxième fois que cela arrive, puisque, l'an dernier, 175 millions d'euros avaient déjà été prélevés pour financer l'AFPA. Il s'agit là d'expédients qui ne sont pas la marque d'une bonne gestion budgétaire !

Ensuite, le FUP, le fonds unique de péréquation, s'il abrite les excédents de trésorerie des OPCA, a pour principale mission de remettre à leur disposition ces fonds pour des actions de formation professionnelle. Or on ne peut à la fois prétendre promouvoir la formation professionnelle pour favoriser la compétitivité de nos entreprises et ponctionner les fonds qui lui sont destinés. C'est véritablement obérer l'avenir !

M. le président. L'amendement n° II-103, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le IV de cet article :

IV. - Le I et le 1° du II s'appliquent à l'ensemble des sommes exigibles à compter du 1er janvier 2008 au titre de l'allocation de fin de formation.

La parole est à Mme la ministre pour défendre cet amendement.

Mme Christine Lagarde, ministre. Je donnerai en même temps l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II - 84.

L'article 59 vise à prélever sur le fonds unique de péréquation les soldes non utilisés destinés à la formation professionnelle pour les mettre à la disposition des chômeurs qui retrouvent un emploi dans des métiers dits en « tension ».

L'amendement n° II-84 tend à supprimer ce mécanisme de prélèvement, qui a déjà été utilisé l'an dernier et a fait preuve de son efficacité. Il permet de gérer des excédents financiers qui ne servent pas l'objet pour lequel ils ont été collectés.

Ce prélèvement exceptionnel s'inscrit pleinement dans la finalité du FUP. Il favorise une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de travail : d'un côté, on a des chômeurs et, de l'autre, des métiers « en tension ». On utilise donc les sommes en question afin de faciliter l'accès de ces chômeurs à ces métiers « en tension ».

Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° II-84.

J'en viens à l'amendement du Gouvernement.

L'allocation de fin de formation, l'AFF, permet aux demandeurs d'emploi de poursuivre leur formation dans un métier en « tension » lorsque leur indemnisation par le régime d'assurance prend fin. Cette allocation était jusqu'à présent prise en charge par l'État.

L'article 59 du projet de loi de finances pour 2008 vise à mettre à la charge du fonds de solidarité cette allocation en contrepartie du prélèvement sur le FUP. L'amendement n° II - 103 a pour objet de préciser les modalités techniques de ce transfert.

À compter du 1er janvier 2008, toutes les dépenses liées à l'allocation de formation sont transférées au fonds de solidarité, y compris celles liées à des ouvertures de droits antérieurs. Le prélèvement de 200 millions d'euros sur le FUP prévu au paragraphe III de l'article 59 a été déterminé de façon à permettre la prise en charge de ces dépenses.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L'allocation de fin de formation, d'un montant mensuel de 730 euros, permet aux demandeurs d'emploi de suivre certaines formations afin d'accéder à des métiers dits « en tension », pour lesquels des difficultés de recrutement local sont identifiées. Ce prélèvement sur le fonds unique de péréquation est bien destiné à la formation professionnelle.

La commission est donc hostile à sa suppression. C'est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur l'amendement n° II-84 et un avis favorable sur l'amendement n° II-103.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-103.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 59, modifié.

(L'article 59 est adopté.)

Article 59
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Solidarité, insertion et égalité des chances

Article additionnel après l'article 59

M. le président. L'amendement n° II-43, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 129-8 du code du travail, les mots : « dès lors que ce titre peut bénéficier également à l'ensemble des salariés de l'entreprise selon les mêmes règles d'attribution » sont remplacés par les mots : « dès lors que, dans le cas où l'entreprise dispose de salariés, ceux-ci bénéficient de ce titre selon les mêmes règles d'attribution ».

II. - Le premier alinéa de l'article L. 1271-12 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 est ainsi rédigé :

« Le chèque emploi-service universel, lorsqu'il a la nature d'un titre spécial de paiement, peut être préfinancé en tout ou partie par une personne physique ou morale au bénéfice de ses salariés, agents, ayants droit, retraités, administrés, sociétaires, adhérents ou assurés, ainsi que du chef d'entreprise ou, si l'entreprise est une personne morale, de son président, de son directeur général, de son ou ses directeurs généraux délégués, de ses gérants ou des membres de son directoire, dès lors que, dans le cas où l'entreprise dispose de salariés, ceux-ci bénéficient de ce titre selon les mêmes règles d'attribution. »

III. - Le I du présent article est applicable au chef d'entreprise ou, si l'entreprise est une personne morale, à son président, son directeur général, son ou ses directeurs généraux délégués, ses gérants ou les membres de son directoire au bénéfice des chèques emploi service délivrés depuis le 1er janvier 2007.

IV. - La perte de recettes résultant pour l'État de l'extension aux chefs d'entreprises du chèque emploi service universel est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575-A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Le chèque emploi service universel, le CESU, instauré par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, est un moyen de paiement permettant de rémunérer des services à la personne. Acheté par les entreprises qui le souhaitent, il est revendu au bénéficiaire pour un montant inférieur à sa valeur nominale, constituant ainsi le principe de fonctionnement du CESU « préfinancé », à titre d'aide financière.

Il ouvre droit à une déduction fiscale de l'aide financière au titre des services à la personne, dont le maximum est fixé à 1 830 euros par année civile, de l'impôt sur le revenu ou du bénéfice imposable de l'entreprise individuelle.

L'article 146 de la loi de finances de 2007 a complété la liste des bénéficiaires du CESU prévues par l'article L. 129-8 du code du travail en y incluant les « assurés », les « clients » et les chefs d'entreprise. Or l'application de cet article fait l'objet d'une divergence d'interprétation.

Le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement avait indiqué que « l'entrepreneur individuel, quel que soit son statut juridique, doit en effet pouvoir bénéficier du chèque emploi service ». De fait, depuis le 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur de la loi de finances de 2007, les organismes habilités ont délivré les CESU préfinancés aux chefs d'entreprise qui en ont fait la demande, quel que soit leur statut, y compris en l'absence de salariés.

En revanche, l'administration fiscale, dans une instruction du 17 octobre 2007, considère que cette extension est subordonnée à la condition que l'aide financière bénéficie à l'ensemble des salariés de l'entreprise selon les mêmes règles d'attribution. Elle n'admet que sous cette condition que le chef d'entreprise et les mandataires sociaux puissent être attributaires.

Il convient de rappeler que cette exclusion des chefs d'entreprise n'employant pas de salarié n'est pas posée par la loi, mais résulte d'une interprétation restrictive de l'administration fiscale.

Cet amendement vise à apporter une clarification rédactionnelle du dispositif et à procéder à une validation du bénéfice des CESU préfinancés depuis le 1er janvier 2007.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je vous demanderai d'avoir l'obligeance de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice des explications que je vais vous fournir.

L'article 146 de la loi de finances de 2007 visait bien à inclure dans la liste des bénéficiaires du dispositif l'ensemble des entrepreneurs, quel que soit leur statut. Une instruction fiscale datée du 17 octobre dernier s'est aventurée à apporter une clarification qui n'était pas nécessaire et a ainsi introduit une distinction entre les statuts.

Je vous confirme que l'article 146 inclut tous les entrepreneurs, quel que soit leur statut. Je demanderai donc à mes services fiscaux de bien vouloir corriger l'interprétation qui en a été donnée dans l'instruction du 17 octobre et qui n'est pas conforme à l'esprit de l'article 146.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-43 est-il maintenu ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Au bénéfice de ces explications, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-43 est retiré.

Solidarité, insertion et égalité des chances

Article additionnel après l'article 59
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 49 à 51 bis).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui succède à la mission « Solidarité et intégration », est encore plus interministérielle qu'auparavant, puisque cinq ministres sont désormais compétents.

Au total, les crédits inscrits sur cette mission s'élèvent à plus de 12 milliards d'euros, répartis en sept programmes d'importance inégale.

Ces crédits ne donnent toutefois pas une vision exhaustive de la mission. En effet, les dépenses fiscales sont importantes : elles devraient atteindre 14,6 milliards d'euros en 2008, soit plus que les crédits budgétaires.

De manière générale, l'une des caractéristiques de cette mission tient aux faibles marges de manoeuvre dont paraissent disposer les gestionnaires.

En effet, les dépenses les plus importantes, comme l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, ou l'allocation de parent isolé, l'API, sont difficilement maîtrisables dans la mesure où elles répondent à une logique de guichet au profit des personnes concernées.

Ensuite, ce projet de budget s'inscrit dans un cadre assaini et traduit de réels efforts.

En effet, l'État a remboursé, en octobre dernier, les dettes qu'il avait contractées à l'égard du régime général de sécurité sociale au 31 décembre 2006.

Sur les 5,1 milliards d'euros remboursés, 1,6 milliard d'euros se rattachaient au champ « santé-solidarité », dont 920 millions d'euros pour l'aide médicale de l'État et 409 millions d'euros au titre de l'allocation de parent isolé. Cela souligne les sous-budgétisations récurrentes dont a fait l'objet cette mission dans le passé.

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances tient compte de cette situation et réévalue les crédits consacrés à certaines dépenses. L'exemple le plus clair en est certainement l'aide médicale de l'État : les crédits passent, en effet, de 233,5 millions d'euros en 2007 à 413 millions d'euros.

Pourtant, en dépit de ces efforts, la situation paraît tendue sur plusieurs programmes, sur lesquels je voudrais maintenant insister. Certains points pourront également faire l'objet de développements à l'occasion de l'examen des amendements.

Ma première remarque concerne le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».

Le projet de loi de finances traduit une forte mobilisation en faveur des personnes les plus vulnérables puisque 81,8 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2007 sont inscrits pour trois postes de dépenses : les centres d'hébergement et de réinsertion sociale - 544,5 millions d'euros -, l'hébergement d'urgence - 149,4 millions d'euros - et les maisons-relais - 36,2 millions d'euros.

Cette augmentation fait suite aux engagements pris dans le cadre du plan d'action renforcé pour les sans-abri, le PARSA, et de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Pourtant, ces crédits seront vraisemblablement insuffisants pour atteindre les objectifs définis, notamment en ce qui concerne l'hébergement d'urgence traditionnellement sous-doté en loi de finances initiale.

Je soulignerai également deux autres points.

D'une part, les crédits destinés à l'aide alimentaire diminuent, alors que l'exécution de 2006 témoigne de besoins bien plus importants. Je proposerai donc de majorer ces crédits.

D'autre part, le ministère doit faire face à une dette évaluée, fin 2006, à plus de 20 millions d'euros au titre de certaines dépenses d'action sociale. Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous précisiez l'évolution de la situation en 2007 et que vous nous disiez comment le Gouvernement entend remédier à ce problème.

Ma deuxième remarque concerne deux dépenses importantes de cette mission : l'allocation de parent isolé, qui mobilise plus d'un milliard d'euros en 2008, et l'allocation aux adultes handicapés, qui représente à elle seule plus de 47 % des crédits de la mission, avec 5,4 milliards d'euros.

Dans les deux cas, les hypothèses retenues paraissent volontaristes et les économies attendues devront être au rendez-vous, sans quoi les crédits inscrits ne permettront pas de faire face aux besoins.

Compte tenu des réalisations passées et du caractère ambitieux des hypothèses d'évolution retenues, il n'est pas certain que le montant des crédits inscrits sur cette mission parvienne à satisfaire les besoins.

Je souhaite que le Gouvernement nous apporte des précisions complémentaires sur l'évolution des dépenses, tant au titre de I'AAH qu'à celui de l'API.

Ma troisième remarque porte sur le financement des tutelles et curatelles d'État.

Les crédits ont été fortement réévalués par rapport à l'exercice 2007, ce dont on peut se féliciter.

En effet, les crédits inscrits en loi de finances ont été insuffisants pour faire face aux besoins en 2006 et 2007. Les dettes de l'État atteindraient ainsi 34,5 millions d'euros à la fin de l'année 2007. Le ministère m'a d'ailleurs indiqué que, si aucune mesure n'était prise, la fin de cet exercice pourrait être très difficile.

Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous indiquiez comment vous comptez faire face à cette situation.

Ma dernière remarque portera sur le programme « Protection maladie » au sujet duquel je ferai deux observations.

Premièrement, la dotation prévue pour financer le dispositif de l'aide médicale de l'État est enfin réévaluée, ce qu'il convient de saluer.

Toutefois, je souhaite, madame la ministre, que vous nous précisiez les pistes d'économies que vous entendez mettre en place, ainsi que votre calendrier.

En effet, le projet annuel de performances évoque 102 millions d'euros d'économies pour tenir la dépense, ce qui apparaît un minimum compte tenu des évolutions constatées. Je souhaite donc connaître le chiffrage exact des différentes économies prévues.

Deuxièmement, l'inscription d'une subvention de 50 millions d'euros au profit du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, porte reconnaissance de la responsabilité de l'État dans cette tragédie.

Cela répond, notamment, aux remarques formulées par la mission commune d'information du Sénat sur le drame de l'amiante.

Toutefois, le FIVA devant disposer d'un fonds de roulement de 97 millions d'euros à la fin de 2008, la commission des finances estime qu'une partie de la subvention prévue pourrait être redéployée en cours d'année en cas de besoins trop importants sur l'aide médicale de l'État.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle présentera, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2008, ainsi que les articles rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, les 12 milliards d'euros de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » confortent notre sentiment qu'il s'agit d'un budget d'intervention et d'impulsion puisque, outre 14 milliards d'euros d'aides fiscales, la politique du handicap et de la dépendance mobilise près de 50 milliards d'euros, si l'on tient compte de la contribution des départements, de la sécurité sociale et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, auxquelles s'ajoutent les 6 milliards d'euros consacrés au financement du RMI, compensés aux départements par une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et le Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, le FMDI.

Cette mission permet de financer deux grandes priorités : les politiques relatives au handicap et à la dépendance, qui représentent plus des deux tiers de la mission, et les politiques de solidarité qui s'exercent principalement dans trois domaines - l'accueil des personnes dépourvues de logement, l'amélioration des conditions d'accès aux soins pour les plus démunis et l'incitation au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.

La commission des affaires sociales a relevé plusieurs aspects positifs.

Elle tient d'abord à saluer l'effort de sincérité budgétaire et d'assainissement des comptes publics, qui a conduit l'État à rembourser à la sécurité sociale la dette accumulée au titre de l'AAH, de l'API, du minimum invalidité et de l'aide médicale de l'État, l'AME, et à revaloriser, parfois de façon spectaculaire, les crédits alloués à ces quatre prestations constamment sous-dotées par le passé.

Cela me conduit néanmoins à vous poser la question des mesures correctrices envisagées pour 2007, notamment pour l'AME, l'API et l'AAH.

La commission des affaires sociales a aussi noté les résultats encourageants des politiques de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et de l'API. On observe, en effet, pour la première fois, une diminution du nombre des bénéficiaires de ces deux minima sociaux.

J'attends avec intérêt les résultats de l'expérience du revenu de solidarité active, le RSA, et je me félicite du fait que cela soit une expérimentation, car la commission des affaires sociales est réservée sur une généralisation trop hâtive du dispositif.

J'en viens maintenant à des observations plus critiques : qui aime bien châtie bien ! (Sourires.)

Tout d'abord, les crédits consacrés en 2008 à la veille sociale et à l'hébergement d'urgence seront, à mon sens, insuffisants pour financer les objectifs ambitieux du plan d'action renforcé pour les sans-abri, le PARSA. C'est pourquoi je proposerai un amendement pour transférer des crédits supplémentaires au profit de ces actions.

De même, je regrette qu'aucun crédit ne soit prévu pour assainir la situation financière des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, ainsi que 1'avait préconisé l'audit de 2003. Je présenterai donc un amendement visant à réparer cet oubli.

En ce qui concerne la politique en faveur du handicap qui me tient particulièrement à coeur, je signale une nouvelle fois les dysfonctionnements qui résultent de l'interprétation trop restrictive du décret du 25 mars 2004 relatif aux conseils de la vie sociale institués dans les établissements médicosociaux par la loi du 2 janvier 2002.

En effet, il en découle parfois que des personnes handicapées mentales président ces structures, ce qui peut paraître singulier. Ce texte sera-t-il bientôt modifié ?

Se pose également, dans ces établissements, la question du financement des heures supplémentaires, particulièrement problématique avec la loi sur les 35 heures. Il faudra mettre en application les propos tenus hier soir par le Président de la République !

Pr ailleurs, de lourdes interrogations pèsent sur la compensation du handicap, car la prestation de compensation suscite encore des réticences de la part des personnes handicapées.

C'est pourquoi le maintien transitoire des anciens dispositifs tels que la prise en charge des forfaits d'auxiliaires de vie et la mise en place effective des fonds départementaux de compensation me paraissent indispensables. Or les crédits qui y étaient consacrés sont supprimés dans ce projet de budget pour 2008 et ceux qui sont apportés par fonds de concours n'offrent, me semble-t-il, aucune garantie sur l'avenir de ces dispositifs. Quelles sont les intentions du Gouvernement dans ce domaine ?

Cela me conduit à poser la question des nombreux excédents accumulés au titre de la prestation de compensation du handicap, la PCH, par les départements.

Bien évidemment, cette situation n'est que temporaire, mais la commission des affaires sociales suggère, par souci de bonne gestion, d'utiliser ces fonds pour financer des opérations de mise en accessibilité des bâtiments publics.

Par ailleurs, la création d'une « cinquième branche de la protection sociale » - je préfère, pour ma part, parler de cinquième risque - relative à la perte d'autonomie suscite de nombreuses interrogations : a-t-on déjà des précisions sur sa définition et ses modalités de financement ?

En ce qui concerne l'accessibilité, je m'étonne également de la disparition des crédits alloués au fonds interministériel pour l'accessibilité des personnes handicapées, le FIAH, alors que vous avez avancé au 31 décembre 2008 - je m'en réjouis, monsieur le ministre - l'échéance pour l'établissement des diagnostics d'accessibilité, ce qui répond d'ailleurs à une préoccupation de notre commission. Le financement de ce fonds via un fonds de concours rend en effet son avenir précaire. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?

Enfin, la mise en place laborieuse du fonds « fonction publique » pour l'emploi des handicapés a fait naître des doutes sur la volonté réelle de l'État de mobiliser les moyens nécessaires à l'intégration de ces personnes dans les trois fonctions publiques. La nomination récente d'un nouveau président et d'un nouveau directeur nous permet d'être plus optimistes.

Notre souhait est que le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique se rapproche de l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, et s'inspire des actions exemplaires que celui-ci a menées en ce domaine. Nous avions d'ailleurs plaidé pour la fusion de ces structures ainsi que pour l'extension de leurs missions à l'accessibilité des locaux professionnels. Qu'en est-il exactement ? Le Gouvernement a-t-il progressé sur ce point ?

Je conclus sur une note positive, mes chers collègues. Les crédits consacrés aux politiques de solidarité et aux actions en faveur des personnes handicapées et dépendantes sont de nature à permettre la mise en oeuvre des priorités fixées.

Sous réserve de l'adoption des amendements que je vous présenterai, la commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable sur les crédits de cette mission et sur les articles qui lui sont rattachés.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je concentrerai mon intervention sur les crédits consacrés à l'action publique en faveur des droits des femmes dans le projet de loi de finances pour 2008.

La politique menée pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes bénéficie des crédits d'un programme spécifique au sein de la mission interministérielle « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Les crédits de paiement prévus pour ce programme en 2008, d'un montant total de 28,5 millions d'euros, restent stables par rapport aux crédits votés pour 2007.

En dehors des crédits affectés aux moyens de fonctionnement humains et matériels du service des droits des femmes et de l'égalité, à l'échelon national comme à l'échelon déconcentré, qui progressent faiblement, avec 10,66 millions d'euros et 200 emplois en équivalent temps plein travaillé, ces crédits sont consacrés à des dépenses d'intervention, dont le montant - 17,84 millions d'euros - n'augmente pas cette année. Or les besoins se font de plus en plus croissants, notamment dans le domaine des violences intrafamiliales ou dans celui de l'« imparité salariale » - j'assume le néologisme.

Ces dépenses d'intervention sont pour l'essentiel destinées à deux actions tendant à favoriser respectivement l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et l'égalité en droit et en dignité des femmes et des hommes.

S'agissant de l'égalité professionnelle, je me réjouis que ce sujet ait été retenu comme une priorité pour l'action du Gouvernement, conformément aux engagements pris par le Président de la République, et je remercie M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité de m'avoir invitée à participer à la très enrichissante Conférence sociale tripartite sur l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, qui s'est tenue lundi 26 novembre dernier.

Je déplore que, en dépit des nombreuses lois déjà adoptées pour les résorber, les inégalités salariales restent très importantes, avec un écart moyen de rémunérations entre hommes et femmes supérieur à 20 %. J'approuve donc pleinement les mesures annoncées par le ministre aux fins de parvenir à une égalité effective, en particulier l'annonce de la présentation, l'année prochaine, d'un nouveau projet de loi tendant à instituer, dès 2010, des sanctions financières applicables aux entreprises qui ne se conformeraient pas à l'obligation de négocier prévue par la loi du 23 mars 2006 sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. En effet, nous l'avons déjà évoqué, si l'incitation ne suffit pas, il faut bien en venir à la sanction ! D'ailleurs, les pénalités financières paraissent plus appropriées que les sanctions pénales, j'ai maintes fois exprimé mon sentiment à ce sujet.

Je me félicite également de ce que la nécessité d'améliorer l'orientation ait été reconnue comme une question d'importance majeure par l'ensemble des participants à cette conférence sociale pour lutter contre la ségrégation professionnelle des femmes, qui sont aujourd'hui cantonnées dans un nombre très limité de filières. Cela permettrait de réduire ainsi les facteurs structurels d'inégalité professionnelle et aussi, ne l'oublions pas, de participer à la baisse du chômage.

À cet égard, je tiens à rappeler que la délégation aux droits des femmes du Sénat, après avoir mené de nombreux travaux et sondages sur les inégalités salariales au cours des dernières années, a choisi, dès le début de la présente session, de retenir comme thème d'étude « l'orientation et l'insertion professionnelles », afin de rechercher un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers. Si l'on compte de nombreuses femmes magistrates ou médecins, il est peu de femmes ingénieurs. Je n'insiste pas sur ces éléments, nous les connaissons tous. La délégation a engagé un nouveau cycle d'auditions sur ce thème. Nous pourrons ainsi, madame la secrétaire d'État, travailler en symbiose avec le Gouvernement sur ce sujet, ce dont je me réjouis.

En ce qui concerne l'action « Égalité en droit et en dignité », les crédits qui lui sont affectés permettront notamment de contribuer au financement des centres d'information sur les droits des femmes et des familles, ainsi qu'à celui de la Fédération nationale solidarité femmes, qui est très active et est chargée de gérer le numéro d'appel national « Violences conjugales info 3919 » destiné aux femmes victimes de violences conjugales.

Pour avoir participé dernièrement à la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes, je peux témoigner que cette antenne doit faire face à un nombre grandissant d'appels. Il faudra donc très vite, madame la secrétaire d'État, envisager la régionalisation, pour obtenir une réactivité maximale. Pour cela, des crédits seront nécessaires, nous aurons l'occasion d'en reparler.

Les crédits de cette action serviront également à financer d'autres associations offrant différents lieux d'accueil, d'écoute et d'orientation aux femmes victimes de telles violences.

Ces crédits sont donc indispensables pour assurer la mise en oeuvre du plan de lutte contre les violences faites aux femmes que vous venez de présenter, madame la secrétaire d'État, dans la continuité du plan précédemment mis en place par Mmes Nicole Ameline et Catherine Vautrin, pour permettre aux associations de poursuivre les actions engagées sur le terrain.

À l'occasion d'un récent déplacement à la Réunion, à l'invitation de ma collègue Anne-Marie Payet, j'ai pu apprécier concrètement l'intérêt de certaines expérimentations menées par le réseau associatif, très dense sur ce territoire, pour améliorer la lutte contre les violences à l'égard des femmes.

J'évoquerai par exemple l'hébergement d'urgence des femmes victimes de violences dans des familles d'accueil qui ont peu de ressources et ont reçu une formation spécifique pour accueillir ces femmes en très grande difficulté. Je pense encore à la mise en place de groupes de parole à l'intention des hommes violents, afin que ceux-ci analysent, en présence de leurs familles et même de leurs enfants, leur comportement et les raisons qui les ont conduits à être violents afin de lutter contre la récidive. Par cet acte courageux, avec l'aide de psychologues et de personnels paramédicaux, ils se mettent en situation de ne plus jamais reproduire le même schéma.

Si j'insiste sur ce sujet, c'est parce que je tiens à vous faire part de ma surprise et de mes interrogations devant les amendements présentés respectivement, au nom de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, par mes collègues MM. Auguste Cazalet et Paul Blanc, qui tendent à amputer les modestes crédits - 1 million d'euros - destinés à financer la création de quatre-vingt-cinq places en centres d'hébergement d'urgence, notamment à l'intention de femmes victimes de violences.

Il va de soi que je ne peux qu'être favorable à la création de nouvelles places en centres d'hébergement d'urgence. Pour autant, faut-il réduire les crédits destinés à d'autres actions de lutte contre les violences à l'égard des femmes ? Je le reconnais, le choix est difficile.

Ces crédits n'ont pas été entièrement consommés les années précédentes, en raison de l'application de mesures de « gel », et cette année, pour la première fois, ils ne bénéficient d'aucune augmentation dans le projet de loi de finances.

Au demeurant, les crédits de l'État en faveur des droits des femmes ne se limitent pas aux crédits du seul programme consacré à l'égalité entre les hommes et les femmes. Récapitulé au sein d'un « jaune budgétaire », malheureusement encore lacunaire, l'effort financier de l'État pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes bénéficie des concours d'une dizaine de ministères et s'élève à un montant total évalué à 75,64 millions d'euros pour 2008.

En conclusion, je soulignerai que, au-delà d'une approche strictement budgétaire, l'efficacité de l'action publique en faveur des droits des femmes est aussi affaire de volonté politique, tout le monde le sait. Cela passe par un meilleur suivi des dépenses et des actions engagées, nous en sommes tous convaincus.

Par son rôle de veille sur l'ensemble des sujets intéressant les droits des femmes, la délégation que j'ai l'honneur de présider contribue à ce suivi. Je me félicite à cet égard, madame la secrétaire d'État, de l'étroite coopération que nous avons engagée depuis que vous avez pris en charge ces dossiers au sein du Gouvernement, comme l'ont fait d'ailleurs avec beaucoup de pugnacité vos prédécesseurs auxquels je rends hommage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame le secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, dans le premier budget de ce gouvernement, qui doit mener à bien le programme que le Président de la République a voulu « de rupture », je ne vois que continuité et aggravation des politiques conduites depuis 2002. L'adjectif qui me vient à l'esprit pour qualifier la part allouée à la mission « Solidarité, insertion, et égalité des chances » est « insuffisante », voire « indigente ».

Nicolas Sarkozy, alors qu'il n'était que candidat à la présidence de la République, a beaucoup promis. Il a promis le droit au logement opposable pour toutes et tous, qui n'a d'effet que sur le papier, promis d'accroître de 25 % le montant de l'allocation aux adultes handicapés, promis d'étendre la CMU complémentaire et de la rendre plus généreuse, promis encore de faire de la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes une priorité.

Mais après le temps des promesses, égal à celui de la campagne, voici le temps de la réalisation. Et là, un constat s'impose : il y a un océan entre les promesses et la réalité.

Cette mission, qui revêt un caractère particulier puisqu'elle concerne les politiques de prévention de l'exclusion et d'insertion des personnes vulnérables, n'échappe pas à ce constat. Elle porte pourtant un bien bel intitulé, qui risque fort de ne pas se traduire dans les faits ; j'y reviendrai.

Je n'irai pas jusqu'à dire que votre projet de loi de finances aggravera la situation des plus pauvres et des plus précaires. Je pense aux bénéficiaires de la CMU, de la CMU-C, de l'aide à l'acquisition d'une mutuelle complémentaire, ou encore à ceux de l'AME, dont la situation sera aggravée par l'article 49 du projet de budget. J'interviendrai tout à l'heure sur cet article, mais je ne peux m'empêcher de mettre en regard, dès à présent, les 14 millions d'euros d'économies que permettraient de dégager cette mesure et les 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux octroyés, presque en secret, durant l'été, lors de l'adoption de la loi TEPA. Force est de constater que ce montant est aussi supérieur aux 12,04 milliards d'euros consacrés à cette mission. Le symbole est clair : votre gouvernement a fait le choix de restaurer les privilèges de certains, alors que pour l'immense majorité des Français, la galère et les fins de mois difficiles continuent.

Si votre gouvernement a trouvé les moyens de satisfaire les plus riches, il peine encore à doper la croissance, preuve que votre loi TEPA est inefficace et ne parvient pas à accroître le pouvoir d'achat.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle ne s'applique que depuis un mois !

Mme Annie David. Je sais par avance que vous me répondrez : « heures supplémentaires ! » Mais, croyez-moi, la grande majorité des salariés à temps partiel - en particulier les femmes -, pour qui cette modalité d'emploi est plus une contrainte qu'un choix, préférerait un emploi à temps plein plutôt que d'effectuer des heures complémentaires.

Cela me permet de rentrer dans le vif du sujet par la plus petite enveloppe de cette mission, celle du programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », dont vient de parler Mme Gautier. Avec 28,5 millions d'euros, cette enveloppe est à peine plus fournie qu'en 2007, enregistrant une augmentation bien ténue, de 0,8 % pour être précise.

Là encore, je vous entends déjà me rétorquer que tous les crédits n'ont pas été dépensés. Évidemment, c'est tellement facile de ne pas dépenser ce qui est prévu, surtout lorsqu'il s'agit de faire avancer le droit des femmes !

Vous réussissez même à diminuer certaines actions, comme vient de le dire également Mme Gautier, notamment les actions « Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision » et « Égalité en droit et en dignité ». J'y reviendrai lors de l'examen d'un amendement que soutiendra notre collègue Paul Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, qui vise à prélever certaines sommes d'un côté pour les remettre d'un autre côté. Mon cher collègue, j'ai envie de vous dire que c'est le total de la mission qu'il faut abonder ! Sinon, on ne fait qu'habiller Paul en déshabillant Pierre ! (Sourires.)

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. En l'occurrence, c'est Paul qu'on déshabille ! (Nouveaux sourires.)

Mme Annie David. Pourtant, quelle est la situation vécue par encore de trop nombreuses femmes de notre pays ? Insultes et comportements sexistes, violences conjugales, violence verbale, règne du patriarcat, exploitation sexuelle, discrimination à l'embauche et dans la rémunération. Même s'il ne restait qu'une femme victime de tels traitements, ce serait encore une de trop !

À ce propos, l'étude réalisée par l'INSEE en 2005, mise à jour au mois de juillet 2007, vient confirmer cette donnée dont, pour ma part, je ne doutais pas : à travail égal, les femmes demeurent moins bien payées que les hommes, et cela se vérifie dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Alors qu'un ouvrier gagne 17 290 euros en moyenne par an, une ouvrière perçoit 14 357 euros. Alors qu'un employé gagne 16 772 euros, une employée perçoit 15 755 euros. L'écart est encore plus grand pour les cadres : les femmes perçoivent en moyenne 37 253 euros par an quand leurs collègues masculins gagnent 48 421 euros.

Cette inégalité se vérifie évidemment dans l'étude réalisée par l'INSEE en 2005 et réactualisée au début de cette année sur le nombre et le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Dans toutes les catégories d'âges, il y a plus de femmes que d'hommes.

Je sais qu'une conférence sociale sur l'égalité professionnelle et salariale s'est tenue le 26 novembre. Pour autant, les réponses apportées me semblent bien minces au regard de l'enjeu. Certaines me satisfont, notamment celles qui concernent les pénalités financières. Mais je regrette le temps perdu pour légiférer. En effet, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, j'avais, avec mon collègue Roland Muzeau, défendu l'idée de telles pénalités. Mme Nicole Ameline, alors ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, m'avait « renvoyée dans les cordes » !

Je me réjouis que votre sagesse vous ait permis de me rejoindre sur ces points et j'espère qu'en ce qui concerne les temps partiels - M. Xavier Bertrand a dit qu'il allait entamer des tables rondes sur ce sujet -, vous pourrez reprendre les propositions de mon groupe !

S'agissant des contrats d'égalité professionnelle, je rappelle qu'on en compte vingt-quatre. Ce chiffre, dérisoire, est d'ailleurs le même qu'en 2006. On ne peut pas vraiment dire que votre gouvernement redouble d'effort lorsqu'il s'agit de promouvoir des actions exemplaires en faveur de l'égalité professionnelle !

Cette mission présente encore un caractère insuffisant pour ce qui concerne le programme 157, « Handicap et dépendance ».

Je m'attarderai sur l'allocation aux adultes handicapés, dont le montant, 621,37 euros, demeure très en dessous du seuil de pauvreté, alors même que les bénéficiaires de cette allocation ne peuvent travailler. M. Nicolas Sarkozy, alors qu'il n'était que candidat, avait promis une augmentation de cette aide de 25 %. Elle ne sera, au final, que de 1,1 %. Certes, une revalorisation de 1 % interviendra au mois de septembre, mais l'augmentation ne s'élèvera qu'à 2,1 %, soit plus de dix fois moins que la hausse promise.

Nous avions pourtant, lors de l'examen du PLFSS pour 2008, déposé un amendement visant à exonérer les bénéficiaires de l'AAH de l'assiette de contribution aux franchises médicales. Vous l'avez refusé. Nous vous avions alors suggéré d'augmenter le plafond de ressources de la CMU afin de permettre à ces allocataires d'en bénéficier et donc de les exonérer des franchises. Votre réponse, d'une grande violence, nous a choqués, comme elle a choqué bon nombre d'associations. Souvenez-vous : vous aviez alors justifié votre refus par le fait que le gouvernement Jospin, créateur de la CMU, ne les avait pas intégrés. Vous justifiez donc votre refus par une mesure initialement insuffisante ! Mais, si elle était insuffisante, ce que nous croyons, il aurait mieux valu faire cesser cette situation et permettre aux adultes handicapés de bénéficier de la CMU. Voilà une mesure qui aurait été respectueuse des personnes handicapées !

Insuffisance toujours : le programme 177 est en diminution par rapport à l'an dernier. C'est pourtant dans ce programme qu'il est question du logement et donc de la loi DALO du 5 mars 2007. Cette dernière a fait naître de très nombreux espoirs parmi les mal-logés et les sans-logement de notre pays. Vous avez fait croire que votre gouvernement construirait plus de logements sociaux, qu'il répondrait aux besoins d'urgence et de stabilité. Vous faisiez de cet engagement un droit opposable aux citoyens. Mais nous savions que ce droit serait, en fin de compte, opposable non à l'État, mais aux maires. Nous le dénoncions d'emblée : la loi DALO ne répond pas à l'exigence de logements sociaux et à la crise du logement dans notre pays ; elle répond à peine à celle des logements d'urgence.

J'ai dit « insuffisant », mais j'aurais dû dire « indigent » puisque les crédits destinés à satisfaire à cette exigence, qui se montent à 855 millions d'euros pour 2008, enregistrent en fait une baisse de 3 %. En effet, vous avez dissimulé, sans doute par erreur, les 94 millions d'euros destinés au plan d'action renforcé en direction des personnes sans abri, le PARSA, qui doivent donc être ajoutés aux 788 millions d'euros inscrits dans la loi de finances initiale de 2007. Le budget passe alors à 882 millions d'euros pour 2007, montant supérieur aux 855 millions d'euros prévus pour 2008. Il y a les discours, l'affichage, d'une part, et la réalité, d'autre part. Mais cela, les mal-logés et les non-logés ne le savent que trop.

Pourtant, une mesure concrète pourrait être prise, à savoir la réquisition des logements laissés vacants pour cause de spéculation. En lieu et place, vous envoyez les CRS et délogez parfois brutalement les familles, comme vous l'avez fait pour celles de la rue de la Banque.

La situation est pourtant loin de s'améliorer : sur les 27 000 places d'hébergement ou de logement prévues en 2007 pour les sans-abri, seules 14 000 devraient être réalisées Je regrette vraiment que vous ne preniez pas la mesure de l'urgence.

Je ne reviendrai pas sur la polémique sur la proposition de parlementaires de l'UMP qui visait à exclure les étrangers des centres d'hébergement. Sous la pression des associations, cette proposition a fait long feu. Il n'en demeure pas moins qu'elle emblématique d'une ambiance générale, celle qui est née de la création du ministère de l'identité nationale et des tests ADN. J'y reviendrai lors de la discussion sur l'article relatif à l'AME.

Récemment encore, une chaîne de télévision du service public interrogeait un candidat à la mairie d'une ville. La ville, c'est Neuilly-sur-Seine et le candidat, c'est M. Martinon. Celui-ci se satisfaisait du pourcentage de logements sociaux dans cette commune, allant même jusqu'à préciser : « Il n'y a pas à Neuilly que des gens très riches, il y a aussi des gens moyennement riches. » Il est sûr qu'à Neuilly il n'y a pas de pauvres ! Avec 2,45 % de logements sociaux, soit moins de 400 logements au total, comment pourrait-il en être autrement? Et encore faut-il préciser que, sur ces 400 logements, tous ou presque sont éligibles au prêt locatif social, le PLS, ce mode de financement destiné à des loyers importants que des familles modestes ne peuvent payer.

Mesdames les ministres, madame le secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, je vous suggère une mesure que vous pourriez prendre pour répondre à l'urgence, qui ne coûterait rien à l'État et qui serait efficace : demander aux préfets de se substituer aux maires qui violent la loi SRU afin d'entamer, sous leur direction, les opérations nécessaires à la construction des logements sociaux qui font cruellement défaut.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen ne voteront pas ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame le secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente un budget de 12,12 milliards d'euros, soit une somme importante. Pourtant, malgré une augmentation des crédits, les dépenses sont supérieures puisqu'elles s'élèvent à 14,64 milliards d'euros.

Par ailleurs, ces 12 milliards d'euros devront couvrir un grand nombre de programmes : la prévention de l'exclusion, les actions en faveur des familles vulnérables, le handicap et la dépendance, la protection maladie et l'égalité entre les hommes et les femmes.

J'insisterai plus particulièrement sur le programme « Handicap et dépendance ». Bien qu'il s'agisse du plus important de la mission, on ne peut que déplorer l'insuffisance de sa dotation. Pourtant, l'une des priorités affichées par le candidat Sarkozy, devenu le Président de la République, en matière de politique de solidarité concernait les personnes handicapées. En avril dernier, il déclarait : « Je considère que l'allocation aux adultes handicapés ne permet pas de vivre décemment, elle n'atteint même pas le seuil de pauvreté, et, au nom de la solidarité la plus élémentaire, je propose d'en revaloriser le montant de 25 %. ».

Qui n'approuverait cette déclaration ?

Malheureusement, je constate que ce projet de budget ne prévoit qu'une augmentation de 2,1 %, ce qui ne représente que 13,05 euros en plus par mois. On est très loin des 25 % promis !

Or la grande majorité des handicapés n'ont que l'AAH pour vivre, à savoir 621,27 euros par mois, soit 200 euros en dessous du seuil de pauvreté ! Il est urgent de mettre fin à cette situation d'extrême pauvreté et d'engager un effort substantiel de revalorisation.

La question des ressources des personnes handicapées est cruciale, et il est nécessaire de la résoudre pour permettre à ces hommes et à ces femmes de vivre dans la dignité. Comment, madame la secrétaire d'État, pensez-vous respecter l'engagement présidentiel ? Les 800 000 bénéficiaires de cette allocation attendent avec impatience votre réponse, même si nous savons bien que la progression ne saurait être aussi rapide qu'ils le souhaitent, du reste légitimement.

La question de l'insertion professionnelle des personnes handicapées est tout autant préoccupante. Certes, le rapport d'évaluation de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 remis par Patrick Gohet souligne que de réels progrès ont été accomplis puisque le nombre de travailleurs handicapés en recherche d'emploi a baissé de près de 10 % depuis la parution de la loi.

Toutefois, les objectifs fixés par la loi de juillet 1987, réaffirmés par celle de février 2005, ne sont aujourd'hui toujours pas atteints, tant dans la fonction publique - et c'est le plus étonnant - que dans les entreprises privées. Ainsi, dans la fonction publique, le taux moyen d'emploi des personnes handicapées est de 4,5 % et, selon les derniers chiffres de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, près de la moitié des entreprises françaises n'atteignent pas le quota de 6 %, malgré les incitations financières et les campagnes de sensibilisation.

Je rappelle ce constat accablant : le taux de chômage est deux fois plus élevé que chez les autres salariés, les périodes de chômage sont plus longues et les difficultés à s'insérer et à se maintenir dans un emploi sont trop nombreuses.

Cette situation mérite d'être rapidement améliorée. Je suggère donc qu'une nouvelle opération de mobilisation des élus locaux et des décideurs économiques soit organisée, région par région, pour accélérer cette prise de conscience.

Le Gouvernement a décidé de renforcer les dispositifs d'emploi et d'insertion des personnes handicapées dans les trois fonctions publiques. Je souhaite, de tout coeur, que cette annonce ne reste pas lettre morte et soit suivie de mesures financières incitatives.

Un autre sujet me préoccupe : le malaise qui s'étend au sein des établissements du secteur médico-social, notamment celui qui est sous tutelle de l'État.

Il se résume en deux constats : d'une part, il existe trop peu de places dans les MAS, les maisons d'accueil spécialisées, dans les IME, les instituts médico-éducatifs, et les CAT, les centres d'aide par le travail, notamment ; d'autre part, des budgets souvent en diminution tirent vers le bas la qualité de l'accueil et des soins dispensés dans ces structures.

Récemment, une étude chiffrait à 117 000 le nombre de places qu'il faudrait créer pour satisfaire les besoins ; or on en compte actuellement 370 000 pour un coût de 10 milliards d'euros. Même si un effort substantiel a été consenti ces dernières années, ce qui reste à faire est considérable. Tous les présidents d'association, tous les directeurs d'établissement vivent ces entretiens émouvants, éprouvants même, au cours desquels, ayant devant eux les parents d'un enfant ou d'un adulte handicapé, ils doivent leur répondre qu'il n'y a pas d'accueil possible faute de place ou de personnel spécialisé. L'angoisse est alors palpable chez ces hommes et ces femmes.

L'insuffisance des budgets entretient en outre un climat conflictuel entre l'administration et les associations gestionnaires.

Les règles du jeu n'étant pas claires, les budgets étant insuffisants, le recours au contentieux par le biais du tribunal administratif se développe. C'est alors l'impasse. Trop souvent, en effet, l'État refuse d'appliquer la sentence du juge en matière de prix de journée.

Tant que cette situation était exceptionnelle, elle était seulement regrettable. Si elle se généralisait, elle témoignerait d'une crise de la puissance publique, incapable d'assurer les arbitrages nécessaires.

Il faut stopper cette dérive et redonner de la visibilité aux associations gestionnaires, qui se sentent parfois menacées dans leur existence même.

Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, peser de tout votre poids pour rapprocher les points de vue et restaurer la capacité de dialogue de vos services déconcentrés avec nombre d'acteurs locaux du secteur médico-social qui se sentent aujourd'hui marginalisés, surtout s'ils appartiennent à des petites et moyennes associations ?

Le Sénat pourrait sans doute vous y aider, tout particulièrement grâce à M. Paul Blanc, l'excellent rapporteur de la loi de 2005, et de surcroît acteur infatigable sur ce chantier.

S'agissant, enfin, de la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents handicapés, quelques progrès ont été réalisés cette année, selon le voeu du Président de la République, même si la relation entre l'éducation nationale et l'ANPE demeure difficile.

Reste pourtant une question de fond : l'absence de formation pour un métier qui exige de solides qualités humaines et psychologiques et quelques notions plus techniques sur le handicap.

En réalité, c'est une nouvelle profession qu'il faut créer à terme. Dans l'immédiat, ne pourriez-vous avoir une concertation avec le ministre de l'éducation nationale pour assurer, dès le début de la prochaine année, une présélection des candidats à qui serait dispensée une formation de base ?

Au total, si, dans le domaine du handicap, ce projet de budget apporte une certaine stabilité des moyens, ce qui n'est pas négligeable en ces temps de disette, ces moyens restent néanmoins loin des attentes légitimes. C'est pourquoi je ne pourrai le voter en l'état.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j'interviendrai sur deux points : la scolarisation des enfants handicapés, d'une part, la compensation du handicap et le revenu des personnes handicapées, d'autre part.

La nécessité et le devoir d'intégrer en milieu scolaire ouvert les enfants présentant une situation de handicap sont partagés par tous.

Apprendre avec les autres est un droit des enfants handicapés. Énoncer ce droit est une évidence, mais, sans nier les progrès réalisés, force est de constater que l'état des lieux est consternant. En effet, de nombreux enfants handicapés ne sont pas scolarisés : certains restent à domicile faute de solution, d'autres sont accueillis en établissement spécialisé, mais ne bénéficient pas de scolarité.

La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a suscité beaucoup d'attente et d'espoir, mais les réponses tardent à venir.

Le projet de loi de finances pour 2008 reste dans cette même tonalité : volonté affichée, mais peu de garanties pour l'avenir.

Certes, 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration sont créées, 166 dans l'enseignement public et 34 dans l'enseignement privé ; 2 700 auxiliaires de vie scolaire ont été recrutés par anticipation à la rentrée 2007 et 1 700 autres devraient être chargés en 2008 d'un accompagnement collectif, tandis que 7 800 contrats aidés qui assurent l'accompagnement d'élèves handicapés seront reconduits en 2008.

Cependant, plusieurs difficultés ont été mises en avant, portant notamment sur l'information sur les droits, la formation des personnels enseignants et non enseignants, la mise en place d'un enseignant référent. Aucun moyen nouveau pour la formation des enseignants n'est prévu dans ce projet de budget. Cette formation demeure facultative et optionnelle dans les instituts universitaires de formation des maîtres.

Le nombre des enseignants référents reste insuffisant. Chacun d'entre eux suit en moyenne 200 à 300 enfants répartis sur plusieurs établissements scolaires, ce qui ne permet pas d'assurer un suivi de qualité des situations individuelles. De nombreuses études montrent que l'intégration d'un enfant handicapé est réussie lorsque celle-ci a été auparavant préparée avec les accompagnements et les soutiens nécessaires.

Il faudrait également des auxiliaires de vie scolaire en nombre suffisant, formés et présents dans tous les départements. Or les postes d'auxiliaire de vie scolaire ne sont qu'en très légère progression pour 2008. Leur statut est peu attractif, ce qui entraîne une rotation importante de ces personnels.

De plus, beaucoup de nouveaux contrats sont attribués aux emplois « vie scolaire ». Leur création répond avant tout à une volonté de lutter contre le chômage et de remettre sur le chemin du travail des demandeurs d'emploi de longue durée, plus qu'à apporter une réponse aux besoins des écoles et des établissements scolaires en termes d'emplois qualifiés pérennes.

Il s'agit, en effet, d'un contrat à durée déterminée renouvelable dans la limite de vingt-quatre mois, ce qui limite les possibilités d'investissement et ne règle en rien la précarité.

Certes, les textes évoquent une formation des emplois de vie scolaire, mais aucune précision n'est donnée sur ce que pourrait être une formation d'adaptation à l'emploi.

À la différence des auxiliaires de vie scolaire, les emplois « vie scolaire » constituent à l'origine une aide attribuée à l'équipe pédagogique et non pas une aide individuelle apportée à l'enfant. Or, dans la pratique, les tâches de ces différents personnels ont tendance à se rapprocher, voire à se fondre, alors que rien n'est mis en place pour les former à cet accompagnement.

Une évaluation de ce dispositif est réclamée par les associations. Le Gouvernement a-t-il l'intention de répondre à cette attente ?

L'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire est un vrai métier. Il doit être reconnu, valorisé et pérennisé.

J'en viens à la compensation du handicap.

La participation de l'État, déjà marginale, connaît de surcroît une forte baisse en 2008.

Les crédits demandés au titre de la compensation des conséquences du handicap s'élèvent à 22,42 millions d'euros d'autorisation d'engagement et à 15,75 millions d'euros de crédits de paiement, soit une diminution de plus de 75 % pour les autorisations d'engagement et de plus de 81 % pour les crédits de paiement.

Ainsi, les crédits finançant les forfaits d'auxiliaires de vie, qui s'établissaient à 56 millions d'euros en 2007, n'ont pas été reconduits pour 2008.

Bien que la prestation de compensation du handicap ait vocation à couvrir le coût de ces services, son dispositif tel qu'il fonctionnait lors de sa mise en oeuvre ne permettait pas à lui seul de couvrir l'intégralité des coûts. Cet état de fait aurait justifié le maintien, au moins à titre transitoire, de cette aide forfaitaire et il nécessite que l'on s'assure à l'avenir de l'absence de reste à charge pour la personne handicapée.

Je me permets d'ouvrir une parenthèse, pour revenir sur un article paru dans les Échos de mercredi et dans lequel il est fait allusion à la « cagnotte » des départements, concernant cette prestation de compensation du handicap, la PCH.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est vrai !

Mme Claire-Lise Campion. Je m'élève contre ce terme de « cagnotte ».

Effectivement, comme l'a observé M. Paul Blanc dans son rapport pour avis, la mise en oeuvre pleine et entière de la PCH est plus lente que prévue,...

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !

Mme Claire-Lise Campion. ... principalement en raison de la complexité des modalités d'attribution fixées par la loi de février 2005 et de la nécessité de mettre en place les commissions d'attribution.

Cependant, il faut prendre un autre élément en considération : la prestation de compensation du handicap n'a pas remplacé automatiquement l'allocation compensatrice pour tierce personne...

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. D'accord !

Mme Claire-Lise Campion. ... et les bénéficiaires de celle-ci ont plutôt tendance à ne pas opter pour le nouveau dispositif, essentiellement par crainte d'une diminution de la prestation.

On ne peut donc parler de « cagnotte » pour les départements : les crédits sont affectés et l'on peut même craindre qu'à l'horizon de trois ou quatre ans, les départements ne connaissent la situation rencontrée avec l'APA.

Enfin, nombre de départements vont bien au-delà de leurs compétences concernant le handicap et ont déjà utilisé une partie de leurs excédents pour financer, par exemple, des aménagements destinés à améliorer l'accessibilité des bâtiments publics ou le développement de transports à la demande grâce à la mise en place de centrales de réservation.

Nous sommes donc très loin d'une « cagnotte », et plutôt très près d'une priorité budgétaire pour de nombreux départements dans notre pays. Je referme là ma parenthèse.

Une autre de mes inquiétudes porte sur la modification du support de financement pour les fonds départementaux de compensation du handicap.

Les engagements du Gouvernement pour 2008 passeront, en effet, par un fonds de concours. Qu'en sera-t-il de la pérennité de ce fonds ? D'où proviendra-t-il ? S'agira-t-il d'un nouveau prélèvement sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ? Une telle option ne peut nous satisfaire.

L'évolution de l'allocation pour adulte handicapé nous inquiète tout autant. Alors que le Président de la République avait annoncé une évolution de 25 % de cette allocation pour son quinquennat, l'AAH sera revalorisée de 1,1 % au 1er  janvier 2008, et de nouveau de 1,1 % au 1er septembre 2008. Nous sommes donc bien loin du compte ! Je ne vois pas comment, à ce rythme-là, la revalorisation pourra atteindre 25 % dans quatre ans.

Certes, je comprends et partage le souci du Gouvernement de mettre en avant le retour à l'emploi, mais qu'en est-il exactement ?

Les personnes handicapées embauchées avec un contrat avenir ne peuvent bénéficier de la prime de retour à l'emploi instituée par la loi du 23 mars 2006. Pis, à l'issue du contrat, le travailleur handicapé dont l'incapacité est comprise entre 50 % et 79 % n'est plus en mesure de percevoir l'AAH puisqu'il se heurte à la condition de ne pas avoir travaillé depuis un an. Il ne pourra la solliciter de nouveau que si, durant une année, il n'exerce pas d'activité professionnelle.

Nous sommes encore bien loin de permettre aux personnes handicapées de vivre dignement et de sortir de la position d'« assisté de fait » que nous leur imposons, et c'est inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Monsieur le président, j'ai été mis en cause à trois ou quatre reprises à propos du terme « cagnotte ». Or je n'ai jamais, personnellement, utilisé ce mot ; ce sont les journalistes qui l'ont employé.

Il n'en demeure pas moins que les départements ont perçu, de la part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, des sommes supérieures à ce qu'ils ont dépensé pour le handicap. Je m'inscris donc en faux contre l'affirmation de leurs représentants selon laquelle la prise en charge du handicap leur coûte cher et n'a pas été compensée, même si je suis d'accord avec vous, ma chère collègue, sur le fait qu'une montée en puissance du dispositif doit avoir lieu.

En tout cas, pour l'instant, les départements ont, au titre du handicap, reçu plus qu'ils n'ont versé.

M. le président. C'est sûrement pour cette raison que le département du Bas-Rhin verse 10 millions d'euros de plus que ce qu'il reçoit !

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, votre département est particulièrement en avance, et je l'en félicite ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin.

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Si vous le permettez, monsieur le président, je commencerai par préciser à M. Blanc que ma collègue Claire-Lise Campion ne l'a pas mis en cause personnellement.

Mme Claire-Lise Campion. Absolument, j'ai simplement cité l'article paru dans Les Échos !

M. le président. D'ailleurs, notre rapporteur pour avis est parfait ! (Nouveaux sourires.)

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le programme « Handicap et dépendance » affiche 8,105 milliards d'euros de crédits, soit 67 % du budget total de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il est à noter que la ligne budgétaire correspondant à l'action « Ressources d'existence » augmente de manière mécanique, tandis que celle qui porte sur l'action « Compensation des conséquences du handicap » baisse, comme l'a très justement souligné Mme Campion.

M'étant souvent exprimée sur ce sujet, je ne l'aborderai donc pas ce soir, d'autant que la dernière lettre d'information publiée par M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, contient un excellent dossier sur ce thème. Outre les difficultés qui y sont « pointées », les défis à relever pour assurer la pleine intégration des travailleurs handicapés sont connus : lever les contraintes liées aux problèmes de mobilité, lutter contre la sous-qualification, assurer la réussite des politiques publiques, entre autres.

Les établissements et services d'aide par le travail concentrent des activités créatrices d'emplois et remplissent parfaitement leurs missions. Les besoins en termes de création de places sont toujours aussi importants, le taux de chômage des personnes handicapées étant quatre fois supérieur à celui de la population. (M. le rapporteur pour avis fait un signe de dénégation.)

Le projet de loi de finances pour 2008 ne prévoit aucune création de poste et les crédits sont maintenus au même niveau qu'en 2007. En tenant compte de la revalorisation du SMIC, les subventions spécifiques baissent également de 5 millions d'euros, ce qui ne correspond qu'à 17 811 places, contre 20 099 cette année.

Les conséquences risquent d'être dramatiques, et la pérennité des entreprises concernées est menacée.

Faut-il, en outre, considérer le nouvel indicateur prévu en 2009 comme un autre dispositif subordonné, dans le futur, à la révision des accompagnements financiers de l'État ?

Les adultes handicapés sont éligibles à tous les contrats aidés, tels que les CAE, les contrats d'accompagnement dans l'emploi, les CIE, les contrats initiative emploi, les contrats d'avenir, mais pas au nouveau dispositif du RSA, le revenu de solidarité active, contrairement, d'ailleurs, à ce qu'avait déclaré - un peu vivement ! - M. Vasselle, lors des débats sur le PLFSS pour 2008. Nous aimerions en connaître la raison.

En deux petites phrases, l'article 49 du projet de loi de finances restreint de nouveau l'accès à la CMU-C, alors même que les déclarations de l'inspecteur général des affaires sociales et directeur du fonds CMU ne laissent place à aucune ambiguïté de gestion concernant ce fonds : « Ni en valeur absolue ni en augmentation, la couverture maladie universelle complémentaire ne peut faire l'objet de reproche. Le rapport coût/efficacité de cette prestation, qui en est à sa septième année d'existence, mérite, sans risque de contradiction, le qualificatif d'"excellent" ».

Cette mesure pourrait sembler purement technique, sinon qu'elle présente un défaut majeur : l'alignement se fait sur la fourchette la plus élevée du forfait. L'économie attendue est ainsi estimée à 14 millions d'euros, ce qui correspond à l'exclusion de plus de 40 000 bénéficiaires potentiels, et cela est d'ailleurs en totale contradiction avec l'engagement pris en 2005 par le gouvernement précédent d'admettre 300 000 enfants supplémentaires dans ce dispositif.

Le non-recours à une complémentaire est peut-être dû au manque d'information, mais la raison principale tient à ce que les demandeurs ne savent plus comment faire valoir leurs droits tant la procédure est devenue compliquée. Cette « harmonisation » écartera encore davantage de personnes du système.

La CMU-C, qui fournit une couverture supplémentaire gratuite, a remplacé au fil du temps l'aide médicale de l'État, qui a un double objectif, humanitaire et sanitaire. Depuis 2002, l'AME a systématiquement été sous-budgétisée, cependant que les conditions d'accès ont sans cesse durci. En la matière, le présent budget ne fait pas exception à la règle !

Cette énième réforme repose, bien évidemment, sur l'hypothèse de nouvelles économies, avec, notamment, la mise en place d'un ticket modérateur, l'extension des contrôles médicaux et les génériques. Les crédits sont, en outre, principalement consacrés aux remboursements des dépenses de soins prises en charge par les caisses primaires d'assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale des départements d'outre-mer.

Notre collègue Paul Blanc nous présentera tout à l'heure, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement visant à assainir la situation financière des CHRS, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Vous allez finir par me convaincre de le retirer !

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Mais non, monsieur le rapporteur pour avis !

Toutefois, savez-vous que, dans le Pas-de-Calais, ces centres accueillent notamment les migrants non expulsables ? La dépense afférente aux déplacements effectués à ce titre avoisine 600 000 euros, quand le budget alloué à la police atteint, quant à lui, 2 millions d'euros pour le seul Calaisis. Et tout cela pour un piètre résultat ! Il faut bien le reconnaître, les étrangers sont toujours aussi nombreux et toutes les sources s'accordent à dire que le nombre de clandestins en errance est en train de revenir au niveau de l'époque de Sangatte. En outre, parmi eux, on trouve une proportion croissante de mineurs étrangers non accompagnés.

Les mineurs étrangers isolés de moins de seize ans peuvent bénéficier des mesures générales de protection de l'enfance et de l'aide médicale de l'État. Le coût de leur prise en charge équivaut à 1 % des recettes fiscales de mon département, le Pas-de-Calais, que Mme la secrétaire d'État connaît bien ! Il n'est pas le seul concerné, bien sûr ! De notre point de vue, à partir du moment où ces jeunes migrants sont pris en charge par les services de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, il convient de considérer que leur situation est « en cours d'examen ».

Puisque l'AME est un dispositif d'État, nous considérons également qu'il appartient à ce dernier de prendre en charge l'accueil de ces jeunes étrangers. Hélas ! nous avons constaté que le programme « Accueil des étrangers et intégration » a été transféré vers la mission « Immigration, asile et intégration », la notion d'accueil disparaissant au passage. Cette modification n'est évidemment pas sans signification !

Il est clair que le dispositif d'accueil et le partenariat entre l'État et le département, à l'instar de ce qui a été retenu en région parisienne, ne sont pas près d'être généralisés.

Le chef de l'État a déclaré son intention de « mettre le paquet » pour « bousculer » le modèle social, affirmant, dans le même mouvement, son refus d'une « politique d'assistanat généralisé ».

De manière plus feutrée, certes, Jean-Louis Borloo avait esquissé une telle stratégie dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale : ainsi sont nés les CAE et les contrats d'avenir. Or leur arrêt brutal a stoppé net le parcours de milliers de personnes, parfois en pleine formation : 12 % de contrats non renouvelés au niveau national, 48 % dans mon département ! Ces contrats souffraient, paraît-il, de l'usage opportuniste qu'en faisaient les pouvoirs publics.

Pour autant, monsieur le haut-commissaire, cette question de fond reste posée pour le revenu de solidarité active, qui, croit-on savoir, « ne sera pas uniforme, mais modulable en fonction de l'employeur et du salarié ». Cela ne signifie-t-il pas, en d'autres termes, « au gré des besoins » ? Les obligations financières, voire les compétences des uns et des autres, sont loin d'être définies précisément.

Lors de l'examen, cet après-midi, des crédits de la mission « Travail et emploi », M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a reproché à la gauche d'avoir abandonné la « valeur travail ».

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Je tiens à le rassurer : nous ne l'avons pas abandonnée, bien au contraire ! Mais nous savons, et vous semblez l'oublier, que la répercussion d'un véritable revenu d'existence sur le coût du travail dépend d'abord du financement qui a été retenu.

Nous n'avons décidément pas la même lecture de ce budget. À mon avis, nous ne devons pas vivre dans le même le monde !

Mme Annie David et M. Guy Fischer. Absolument !

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Bien entendu, nous ne pourrons pas voter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, il est presque vingt heures trente. La question se pose de savoir s'il convient d'interrompre nos travaux pour les reprendre après le dîner ou de mener, sans suspension, l'examen de cette mission jusqu'à son terme.

Je sais que beaucoup inclinent pour cette dernière solution.

Mme Annie David. Il ne faudrait pas non plus tout bâcler !

M. le président. Mais je sais aussi que les quatre membres du Gouvernement auront bien du mal à faire tenir leurs interventions dans les trente minutes qui leur sont globalement accordées.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Personnellement, monsieur le président, je ne prendrai que la moitié des dix minutes qui sont prévues pour mon intervention.

M. le président. Alors, nous continuons !

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, mon intervention portera également sur le programme « Handicap et dépendance », dont le budget, qui s'élève à 8,1 milliards d'euros, n'est pas à la hauteur des attentes.

En matière d'emploi, tout d'abord, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a fixé un seuil de 6 % d'emploi de personnes handicapées parmi le personnel des entreprises.

Où en est-on aujourd'hui ?

Le taux de chômage des handicapés est quatre fois supérieur à la moyenne nationale, tout comme l'ancienneté au chômage. Trop rares sont les entreprises qui veulent bien s'adapter, la grande majorité préférant payer l'amende prévue en cas de manquement.

Il est indispensable d'amplifier la politique d'insertion sociale des handicapés, de proposer une réelle adéquation des trop rares offres de formation, de faire respecter les obligations légales d'embauche. Mais, pour cela, il faut être plus volontariste.

La situation est analogue dans la fonction publique, où ce fameux seuil de 6 % n'est pas encore atteint. On en est même encore loin ! Pourtant, l'État doit être exemplaire, pour que les entreprises, petites et moyennes, fassent les efforts requis et parviennent à atteindre l'objectif fixé.

Madame la secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous prendre pour instaurer des contrôles efficaces et garantir l'application et le respect de la loi ?

J'ai eu l'occasion de rencontrer des jeunes gens handicapés, en fauteuil roulant. Ils ont énormément d'attentes, ils veulent des formations, du travail, ils tiennent à être considérés comme des citoyens à part entière. Quelles réponses pouvez-vous leur apporter ?

En ce qui concerne les ressources, les personnes qui sont dans l'impossibilité de travailler n'ont toujours aucune garantie quant à l'attribution d'un revenu d'existence décent. Aujourd'hui, l'allocation aux adultes handicapés maintient bon nombre de personnes sous le seuil de pauvreté et dans la précarité. C'est inacceptable, et le Président de la République lui-même l'a reconnu.

Or, que nous propose-t-on aujourd'hui ?

Mme Annie David. Pas mieux !

Mme Gisèle Printz. Une revalorisation de l'AAH de seulement 1,1 % au 1er janvier 2008 et une autre, dans les mêmes proportions, au 1er septembre 2008. Faisons un petit calcul : le montant maximum de l'AAH est actuellement de 621 euros par mois ; avec une double hausse de 1,1 %, elle s'élèvera à 635 euros à la fin de 2008, soit même pas 15 euros supplémentaires. Le montant de l'AAH sera donc encore très en deçà du seuil de pauvreté, évalué à 817 euros par mois par l'institut Eurostat.

De plus, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le Gouvernement s'est prononcé contre un de nos amendements, pourtant de bon sens, qui visait à exonérer des franchises médicales les personnes handicapées percevant l'allocation aux adultes handicapés.

Si l'on ajoute les difficultés liées à la baisse du pouvoir d'achat, dont ils sont aussi victimes, on peut considérer que l'augmentation que vous proposez ne couvre même pas celle du coût de la vie des personnes handicapées ; elles seront même plus pauvres à la fin de l'année 2008 qu'au début. C'est aberrant !

Le Président de la République avait annoncé une revalorisation de 25 % de l'AAH échelonnée tout au long de son quinquennat. Avec une augmentation de seulement 2,2 % la première année, on se demande comment un tel objectif pourra être atteint !

Espérons que cette ambition affichée ne sera pas qu'un slogan. Au demeurant, il conviendrait de viser plus haut et d'obtenir la parité entre l'AAH et le SMIC. C'est essentiel si l'on veut que les personnes handicapées puissent avoir des projets de vie et d'indépendance, comme des citoyens ordinaires, et cette aspiration est très forte chez les jeunes que j'ai rencontrés.

S'agissant de l'accompagnement à l'insertion à travers les établissements spéciaux d'aide par le travail, les ESAT, on nous annonce un effort de 71 millions d'euros de crédits supplémentaires, mais de nombreuses associations représentatives soulignent que ces crédits sont insuffisants, car ils progressent moins vite que l'inflation. De plus, les entreprises aidées en 2007 bénéficiaient de 20 012 postes aidés ; or le projet de budget pour 2008 n'en prévoit que 19 625.

Pour que le handicap ne soit plus un frein à l'égalité des chances, il faut mener une politique volontariste et ambitieuse. La loi du 11 février 2005 a donné beaucoup d'espoir mais, avec du recul, on constate que son bilan est en demi-teinte et qu'il faut de toute urgence rouvrir le chantier du handicap.

Je souhaite évoquer certains points, même s'ils ne concernent pas directement budget.

Nous constatons que les sociétés de transport public n'ont pas pris la mesure des efforts à accomplir pour permettre l'accès des personnes handicapées dans les gares, les stations de métro et les véhicules de transport.

Les maisons départementales des personnes handicapées devaient être des lieux de réponse personnalisée, concrète et rapide, mais le constat fait apparaître qu'elles ne remplissent que très imparfaitement leurs missions.

La politique de compensation, quant à elle, doit être réaménagée. Les associations dénoncent le fait que la prestation de compensation du handicap, la PCH, n'est pas appliquée de façon uniforme sur le territoire. En outre, elle reste insuffisamment attractive. De nombreux bénéficiaires potentiels de l'allocation compensatrice hésitent à la solliciter ou refusent d'y accéder car, trop souvent, le passage à la PCH se traduit par une diminution des allocations qu'elles perçoivent. Certains besoins ne sont d'ailleurs pas pris en compte par la PCH : tâches domestiques, parentalité, accès aux loisirs, etc. Ces lacunes constituent autant de freins à une vie quotidienne ordinaire et épanouissante.

Enfin, la scolarisation des enfants handicapés laisse encore à désirer. Les associations pensent que le nombre de contentieux pourrait croître si les moyens continuaient à faire défaut. Une évaluation de la mise en place de 2 700 auxiliaires de vie scolaire, depuis la rentrée, est indispensable et un effort concernant les enseignants généralistes reste à faire.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est vrai !

Mme Gisèle Printz. De nombreuses études montrent que l'intégration d'un enfant handicapé est réussie lorsque celle-ci a été bien préparée. Donnons-nous en les moyens !

Madame la secrétaire d'État, avec des crédits s'élevant seulement à 8,1 milliards d'euros, vous n'envoyez pas de message fort aux personnes handicapées. Nous le regrettons, et c'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais, tout d'abord, remercier MM. les rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Le programme « Protection maladie » regroupe les interventions de l'État au titre de trois dispositifs : la couverture maladie universelle complémentaire, l'aide médicale de l'État, et la contribution de l'État au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA.

Le financement de la CMU-C est assuré par le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, dit Fonds CMU, dont les ressources proviennent : premièrement, d'une recette propre, à savoir le produit de la contribution due par les organismes de protection complémentaire sur leur chiffre d'affaires « santé », qui devrait atteindre 693 millions d'euros en 2007 ; deuxièmement, de la contribution sur les alcools de plus de 25 degrés, dont le produit s'est élevé à 404 millions d'euros en 2006, troisièmement, d'une part de 4,34 % de droits de consommation sur les tabacs, dont le rendement est évalué à environ 400 millions d'euros en 2007 et en 2008 ; enfin, quatrièmement, d'une dotation budgétaire de l'État destinée à équilibrer les comptes du fonds et qui s'élève à 50 millions d'euros en 2008, sur la base des prévisions d'équilibre du fonds CMU.

La dotation de l'État étant bien une dotation d'équilibre, sa baisse en 2008 est uniquement liée à la hausse des autres recettes du Fonds CMU.

La dotation au titre de l'aide médicale d'État s'élève à 413 millions d'euros en 2008. Cette hausse de 180 millions d'euros par rapport à 2007 participe d'une plus grande sincérité des relations financières entre l'État et la sécurité sociale.

De même, le Gouvernement a procédé à l'apurement de l'intégralité de la dette vis-à-vis de l'assurance maladie à la fin de 2006, dette qui s'élevait à 920 millions d'euros au titre de l'AME.

Ce rattrapage s'accompagnera de mesures de rationalisation de la prestation afin d'en maîtriser le coût, mesures dont le point commun est de tendre le plus possible vers un alignement des droits et devoirs des bénéficiaires de l'AME sur ceux des assurés sociaux, ainsi que vers un contrôle et gestion améliorée de l'ouverture des droits au dispositif.

Sont notamment prévues la non-prise en charge des médicaments en cas de refus du bénéficiaire de l'AME d'accepter la substitution par un produit générique, mesure proposée dans le projet de loi de finances, et l'extension du contrôle médical aux bénéficiaires de l'AME, mesure votée lors de l'examen du PLFSS.

Pour 2008, le montant prévisionnel de crédits au titre de l'AME de droit commun s'élève à 348 millions d'euros. Il est obtenu par déduction, à un tendanciel de dépenses de 450 millions d'euros de l'impact financier, estimé à 102 millions d'euros, d'une série de mesures d'économie.

La prévision de dépenses à législation constante est issue du rapport d'audit IGAS-IGF. Elle correspond à la dépense totale moyenne constatée sur les années 2003 à 2006, légèrement réévaluée compte tenu de l'évolution observée à la fin de 2006.

Monsieur le rapporteur spécial, les 102 millions d'économies attendues sont liés à l'instauration d'une participation des bénéficiaires de l'AME à leurs dépenses de soins, à la non-prise en charge des médicaments en cas de refus des médicaments génériques par le bénéficiaire de l'AME, dont l'impact financier est estimé à une dizaine de millions d'euros, et à l'extension du contrôle médical aux bénéficiaires de l'AME, dont l'impact est évalué à environ 5 millions d'euros.

D'autres mesures de lutte contre la fraude, recommandées par l'audit IGAS-IGF, compléteront ce dispositif, avec un meilleur contrôle des pièces justificatives et des conditions administratives d'ouverture des droits. Il s'agira, notamment, de la mise en oeuvre d'attestations standardisées non photocopiables et de l'harmonisation des pratiques de gestion des caisses.

Le deuxième poste de dépenses de l'action « AME » est une dotation forfaitaire versée par l'État à la CNAM, au titre des dépenses de soins urgents des étrangers résidant en France en situation irrégulière, mais ne justifiant pas d'une résidence ininterrompue depuis plus de trois mois. Compte tenu des dépenses constatées par la CNAMTS à ce titre, le montant du concours forfaitaire de l'État a été doublé pour 2008, passant à 40 millions d'euros.

Enfin, un dernier poste de dépenses de l'action « AME » regroupe les délégations de crédits faites aux préfets, via les DDASS, pour le paiement des hospitalisations de patients évacués par l'hôpital de Mayotte vers des établissements de santé de La Réunion - 20 millions d'euros -, et pour le remboursement direct et ponctuel de prises en charge exceptionnelles de personnes françaises ou étrangères ne résidant pas en France, ce que l'on appelle l' « AME humanitaire ».

Face à la complexité des dispositifs, les remboursements par la procédure papier, que ce soit pour l'AME ou les assurés sociaux, se sont grandement améliorés. On constate un délai moyen de traitement des feuilles de soins AME de moins de sept jours dans 90 % des cas.

Il importe donc avant tout d'informer les médecins sur l'ensemble des dispositifs existants. C'est pourquoi un dépliant d'information sur la CMU-C, destiné à éviter les refus de soins, a été élaboré par le ministère de la santé avec les associations. La confiance des praticiens dans le remboursement des soins par l'AME dépend également de l'amélioration de leur connaissance du dispositif. À cet égard, le titre d'admission standardisé et sur papier non photocopiable constituera un support plus fiable. Il authentifiera, à l'intention du praticien, la garantie d'une prise en charge.

Enfin, la solidarité s'exprime au sein du programme « Protection maladie » à travers la dotation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Ce fonds permet aux personnes victimes de pathologies liées à l'exposition à l'amiante et à leurs ayants droit d'obtenir une réparation intégrale de leur préjudice. Il est financé par une dotation annuelle de l'État et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

Le FIVA dispose d'un fonds de roulement très excédentaire, qui avoisinait les 700 millions d'euros à la fin de 2003. Les dotations de l'État et de l'assurance maladie ne sont donc pas fixées à hauteur du montant des dépenses de l'année, pour permettre une consommation progressive de ce fonds de roulement.

Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2007 fait ainsi apparaître un résultat net de l'exercice 2006 de plus de 10 millions d'euros et un résultat cumulé de plus de 261 millions d'euros. Pour 2007, le rapport estime le montant des charges à 454 millions d'euros et celui des produits à 399 millions d'euros. Il s'en déduit un déficit, pour l'exercice 2007, de 56 millions d'euros et un résultat cumulé du fonds encore excédentaire de 205 millions d'euros.

Pour 2008, compte tenu de la dotation assurance maladie, fixée à 315 millions d'euros, et des prévisions de dépenses, la dotation du budget de l'État a été établie dans le projet de loi de finances à 50 millions d'euros. Cela conduira à une nouvelle diminution du fonds de roulement, qui devrait tout de même s'élever à prés de 97 millions d'euros à la fin de 2008.

Monsieur Cazalet, vous avez souligné dans votre rapport que, si la dotation de l'État portait reconnaissance de la responsabilité de celui-ci dans la tragédie de l'amiante, elle n'était pas forcément nécessaire d'un point de vue budgétaire. Je conclurai en relevant à l'inverse que, même si cette dotation n'est pas strictement nécessaire d'un point de vue budgétaire, elle témoigne précisément de la reconnaissance de sa responsabilité par l'État. Son maintien me semble donc impératif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces dotations reposent, bien entendu, sur des hypothèses financières qui devront être confirmées. Cependant, chacun, de bonne foi, peut convenir que ce budget témoigne, de notre part, d'un réel effort de sincérité des comptes de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie. Soyez assurés que nous poursuivrons, dans l'avenir, sur cette voie vertueuse ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier les rapporteurs, qui ont réalisé un travail de grande qualité, d'avoir bien voulu souligner l'effort très significatif qui est consenti en faveur des personnes vulnérables.

En effet, les crédits du programme augmenteront, cette année, de 81,81 millions d'euros pour les trois postes de dépenses suivants : CHRS, hébergement d'urgence et maisons relais.

Messieurs les rapporteurs, vous avez cependant fait part de votre inquiétude sur les crédits de l'hébergement.

Pour ce qui est des ouvertures de places, le plan d'action renforcé en direction des personnes sans abri, le PARSA, a été réalisé dans son volet hébergement d'urgence et CHRS. Il s'agit d'un effort considérable pour améliorer les conditions d'accueil des personnes sans abri, qui ne sont plus remises à la rue chaque matin.

J'entends bien vos inquiétudes sur le niveau des crédits consacrés à ces dépenses. Mais on ne peut comparer directement les 149 millions d'euros de crédits au titre de l'hébergement d'urgence prévus pour 2008 et le montant résultant des abondements effectués durant l'exercice 2007.

En effet, une partie des crédits qui sont liés au PARSA a concerné non l'hébergement d'urgence, mais les CHRS, les maisons relais, les expérimentations et les chambres d'hôtel, qui permettent de faire la transition pendant la transformation des structures.

De même, quelque 20 millions d'euros étaient prévus pour financer, en 2007, l'extension horaire des structures d'hébergement d'urgence. Le besoin baisse mécaniquement en 2008 dès lors qu'une portion importante des places financées à ce titre aura été transformée, en 2007, en hébergement de stabilisation ou CHRS, dont le financement est assuré pour les lignes correspondantes.

J'en profite pour dire à Mme Gisèle Gautier que j'ai d'ores et déjà donné des ordres afin que des places de CHRS en nombre significatif soient réservées et conçues pour les femmes.

De plus, les crédits inscrits au titre de l'hébergement d'urgence reposent sur l'hypothèse d'une accélération de la fluidité du dispositif, grâce aux mesures prises dans le cadre du PARSA et de la loi DALO, ce qui diminuera naturellement la pression sur l'hébergement d'urgence.

L'objectif est de privilégier les structures qui permettent une réinsertion et de limiter celles d'urgence, en particulier l'hébergement en hôtel, qui ne peut être pas être considéré comme satisfaisant, je pense que chacun, parmi vous, en sera d'accord.

D'une façon générale, il faut raisonner non plus sur la seule ligne hébergement d'urgence, mais sur l'ensemble des structures, en particulier les CHRS et les maisons relais, dans le cadre de la fongibilité des crédits permis par la LOLF.

Le projet de loi de finances pour 2008 reflète la volonté de privilégier la dotation CHRS, qui a été nettement accrue, de près de 11 %, après une hausse de 4,1 % dans le budget de 2007. Cette enveloppe devrait permettre de financer les places ouvertes cette année, conformément à l'objectif du PARSA.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous posez la question de l'assainissement de la situation des CHRS.

À la suite du rapport IGAS-IGF, 6 millions d'euros ont été consacrés au « rebasage » lors de l'exercice 2006, ce qui a permis un assainissement déjà significatif de la situation des CHRS. En 2007, 2 millions d'euros de crédits ont contribué à la poursuite de cette action et à la mise en place de contrats d'objectifs et de moyens avec plusieurs établissements, ce qui a favorisé l'amélioration et la rationalisation de l'offre de services des établissements concernés.

L'objectif est de poursuivre cet effort de restructuration à travers la démarche des contrats d'objectifs et de moyens, notamment en donnant la priorité aux établissements dont le coût à la place est très inférieur au coût moyen national. Cela améliorera la qualité de l'offre de services : c'est, je le crois, notre but à tous.

La revue générale des politiques publiques qui est en cours devra nous permettre d'affiner le diagnostic et de valider la démarche.

Monsieur Cazalet, vous m'avez d'abord interrogée sur l'insuffisance de financement des dépenses d'aide sociale prévisibles d'ici à la fin de 2008.

Pour vous répondre, il faut faire un peu d'histoire et rappeler qu'en 2004 le financement de l'aide sociale de l'État avait été amputé de 13,8 millions d'euros afin d'utiliser en urgence cette somme au financement d'une intervention d'aide aux personnes âgées victimes de la canicule.

Un transfert comptable a permis de compenser cette perte financière pour 2004. En revanche, ces 13,8 millions d'euros n'ont pas été intégrés en 2005 dans le financement du programme expérimental de la LOLF, qui a précédé le programme 177.

Depuis lors, les crédits d'aide sociale ont été strictement reconduits, ce qui crée un déficit de financement estimé à 6 millions d'euros environ par an compte tenu de la lente décélération des dépenses. C'est un point sur lequel je veillerai tout particulièrement.

Les crédits nécessaires seront recherchés en gestion, en faisant jouer la fongibilité au sein du programme, comme cela a déjà été le cas en fin de gestion 2007 pour solder les dettes les plus anciennes.

Vous m'avez ensuite fait part, monsieur le rapporteur spécial, de votre préoccupation à propos de l'aide alimentaire, sujet que je vous remercie d'avoir abordé, car il est très important pour moi. Je veille de très près à maintenir le niveau de l'aide en quantité de repas servis malgré les fluctuations des prix alimentaires. Je serai d'ailleurs avec l'association des Restos du coeur lundi prochain, pour le lancement de la campagne d'hiver.

En 2008, l'Europe maintiendra son effort pour le PEAD, le programme européen d'aide aux plus démunis.

Par ailleurs, la loi de finances rectificative que vous examinerez prochainement prévoit, comme en 2006, de compléter l'aide européenne à hauteur de 10 millions d'euros pour 2007 dans la mesure où il s'agit d'un ajustement aux besoins non couverts par le PEAD, ce qui explique le décalage que vous évoquez avec l'exécution 2006.

Enfin, je veux dire à Mme David, qui a été très critique et parfois même un peu caricaturale, qu'en ce qui concerne la mise en oeuvre du droit au logement opposable le calendrier est parfaitement respecté et que tout est en ordre : ce matin, j'ai installé la commission de médiation départementale pour Paris - en avance donc par rapport à la date du 1er janvier 2008 prévue par la loi - et le dispositif se met progressivement en place dans tous les départements de France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État, que nous retrouvons toujours avec plaisir dans cet hémicycle.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Je vous remercie, monsieur le président.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord excuser l'absence de Xavier Bertrand dans ce débat. Il vous a présenté en début d'après-midi les crédits de la mission « Travail et emploi », mais, appelé par d'autres obligations, il m'a chargée de vous apporter, dans le champ du ministère de la solidarité, les éléments de réponse aux interrogations que vous avez soulevées.

Ces questions ont été nombreuses, et je me permettrai pour répondre avec le plus de clarté possible de les regrouper par programme.

Vous vous êtes interrogés, messieurs les rapporteurs, sur l'analyse des dotations inscrites au titre de l'API, l'allocation de parent isolé, et des tutelles et curatelles de l'État.

Je vous remercie d'avoir salué l'effort du Gouvernement pour réévaluer les crédits inscrits au titre de l'API, qui progressent de plus de 110 millions d'euros entre les deux lois de finances. C'est pourquoi, me semble-t-il, la dotation prévue pour la couverture de la dépense peut vraiment être qualifiée de sincère et de réaliste.

Pour 2008, une revalorisation de 1 % de l'AAH et une progression de 1,9 % du nombre des bénéficiaires sont anticipées.

À l'inverse, ont été retranchées, d'une part, les économies attendues du fait de la pleine application du principe de subsidiarité par rapport à l'allocation de soutien familial qu'est l'API et aux créances alimentaires auxquelles ses bénéficiaires peuvent prétendre, d'autre part, les économies qui seront obtenues grâce à l'efficacité améliorée des actions de contrôle et de lutte contre les fraudes en application de l'article 51 du présent projet de loi de finances.

S'agissant des tutelles, monsieur le rapporteur spécial, vous avez émis des doutes sur notre capacité à gérer la fin de l'exercice 2007 avec une dotation pour financer les tutelles et curatelles.

Il n'est naturellement pas question de laisser se creuser la dette de l'État auprès des associations tutélaires, qui sont souvent fragiles sur le plan financier. C'est pourquoi un effort exceptionnel a été réalisé ces jours derniers pour octroyer à cette ligne budgétaire un supplément de crédits supérieur à 20 millions d'euros par réallocation depuis les autres actions du programme.

Cet effort permettra, nous nous en sommes assurés, de passer la fin d'année sans rupture de financement pour nos partenaires et de déboucher sur un exercice budgétaire 2008 assaini.

J'aborderai maintenant la question du handicap, sujet qui constitue l'un des programmes les plus importants de cette mission.

Vous vous êtes interrogés, messieurs les rapporteurs, sur le niveau de la dotation destinée à couvrir en 2008 l'AAH.

Pour 2008, nous prévoyons une progression du nombre des bénéficiaires de 0,5 %. Ce chiffre s'inscrit dans la continuité de la décélération observée en 2007, année pendant laquelle le taux de progression a été de 0,6 %.

Le montant de l'allocation sera par ailleurs revalorisé, d'abord de 1,1 % en janvier, puis de 1 % au 1er septembre. Cet effort est en partie compensé par les économies attendues, d'une part, d'un contrôle strict de la subsidiarité pour les allocataires de plus de soixante ans et, d'autre part, d'une amélioration de la lutte contre les fraudes.

La dotation de 5,41 milliards d'euros pour 2008 est donc tout à fait réaliste.

Madame Campion, Madame San Vicente-Baudrin, monsieur Delfau, vous avez mis l'accent sur les attentes des personnes handicapées s'agissant de leurs ressources ; je suis pleinement consciente de ces attentes.

Il est absolument nécessaire d'avoir une approche d'ensemble de la question des ressources des personnes handicapées. Or l'AAH ne constitue qu'un aspect de cette question. Nous avons donc souhaité adopter une démarche globale sur le pouvoir d'achat des personnes handicapées.

Outre la revalorisation qui interviendra cette année, j'ai pris l'initiative de mettre en place dans le cadre du comité de suivi de la réforme de la politique du handicap que j'ai installé le 23 octobre dernier un groupe de travail spécifique, chargé du chantier sur les ressources et l'emploi. Les personnes handicapées, par l'intermédiaire de leurs associations représentatives, seront naturellement associées à ces travaux, ainsi que des représentants du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Ce groupe de travail étudiera la façon d'articuler certains types de contrat avec l'AAH pour éviter un effet « désincitatif » et pénalisant, et s'assurer qu'au contraire le revenu global enregistre bien un « plus ». Bien sûr, il sera également attentif à la situation des personnes qui n'auront pas accès à l'emploi. C'est à cette approche globale, d'ores et déjà mise en oeuvre, que nous entendons nous consacrer en 2008, en lien avec Martin Hirsch puisque nous avons, à cet égard, un volet commun de compétences.

S'agissant des outils de la politique de l'emploi que sont l'AGEFIPH et le FIPHFP, je sais, monsieur le rapporteur pour avis, que nous partageons le souhait de permettre à ces organismes d'intervenir dans de nouveaux domaines, en particulier celui de l'accessibilité des locaux professionnels.

Quant au rapprochement de ces deux institutions que vous appelez de vos voeux, cette éventualité est examinée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques dont les travaux s'achèveront au printemps prochain. Il est certain qu'il faudra faire bénéficier le FIPHFP des outils et des bonnes pratiques développées depuis vingt ans par l'AGEFIPH.

En ce qui concerne l'avancée en matière d'accessibilité des locaux professionnels, 2008 sera l'année de la mise en oeuvre de la convention d'objectif et de gestion dans laquelle devront en être précisées les modalités.

Toujours en matière de handicap, vous abordez, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames Campion et Printz, la question de la compensation. Je vous répondrai sur deux points : la prise en charge des forfaits d'auxiliaires de vie et la mise en place effective des fonds départementaux de compensation.

Comme nous l'avons indiqué devant la commission des affaires sociales, nous avons bien entendu prévu, sur les fonds de concours, les crédits nécessaires, soit 15 millions d'euros, pour assurer la transition entre le dispositif des forfaits d'auxiliaires de vie et la PCH, en faisant en sorte que l'ancienne prestation s'éteigne sans difficulté pour les bénéficiaires.

Quant aux fonds de compensation du handicap, l'État s'est engagé à leur transférer les sommes qu'il consacrait auparavant aux sites pour la vie autonome, soit 14 millions d'euros.

En réalité, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque vous vous inquiétez du financement des fonds de compensation, vous soulevez la question du reste à charge pour la personne et sa famille, et cette question se pose tout autant pour le handicap que pour la dépendance des personnes âgées : nous y répondrons dans le cadre de la réflexion sur le « cinquième risque », chantier voulu par le Président de la République.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur pour avis, je vous confirme que le fonds interministériel pour l'accessibilité des bâtiments publics aux personnes handicapées disposera en 2008 d'une enveloppe de 11 millions d'euros.

Madame Campion, vous vous êtes inquiétée de la scolarisation des enfants handicapés. Dans ce domaine, un effort considérable a été fait : 160 000 enfants ont été accueillis en milieu scolaire ordinaire à la dernière rentrée et 2700 auxiliaires de vie scolaire ont été recrutés. Je précise que ces recrutements sous contrat de droit commun de l'éducation nationale ne correspondent pas aux renouvellements des emplois aidés de l'année précédente, mais constituent bien des emplois supplémentaires à part entière.

Monsieur Delfau, je peux vous affirmer que le ministère de l'éducation nationale se mobilise pleinement pour le chantier, déjà ouvert en collaboration avec M. Darcos, de la formation des auxiliaires de vie scolaire : 410 millions d'euros ont été inscrits dans le PLFSS pour 2008, 2 200 places supplémentaires étant prévues pour les enfants et 4 925 pour les adultes.

J'en viens aux interrogations sur le programme 137 de Mme Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes, dont je tiens tout d'abord à saluer le travail, et de Mme David.

Je donne l'assurance à tous les membres de la délégation que le Gouvernement a pris toute la mesure de l'importance de la question de l'égalité salariale et professionnelle. La conférence qui s'est tenue le 26 novembre a permis de dégager des pistes d'action tout à fait innovantes.

L'État, vous le savez, souhaite accompagner les entreprises dans la mise en place d'un plan de résorption des écarts salariaux. Toutes les entreprises de plus de cinquante salariés devront l'avoir appliqué d'ici au 31 décembre 2009. À défaut, des sanctions financières seront mises en place dès le début de l'année 2010.

À côté de ces mesures en faveur de l'égalité salariale, nous devons aussi lutter contre les facteurs structurels des inégalités professionnelles, ce qui implique de faire évoluer les mentalités.

Je voudrais surtout m'attarder sur les actions que nous engageons en matière de lutte contre les violences envers les femmes ; c'est pour nous une priorité, à laquelle nous consacrerons en 2008 plus de 3 millions d'euros sur notre budget.

Les violences au sein du couple concernent une femme sur dix dans notre pays et le recensement national des morts violentes survenues au sein du couple réalisé par le ministère de l'intérieur révèle qu'au cours de l'année 2006 une femme est décédée tous les trois jours sous les coups de son compagnon.

Le deuxième plan que j'ai présenté le 21 novembre portera sur la période 2008-2011. Il révèle un changement de prisme : nous passons des violences conjugales aux violences faites aux femmes.

Dans ce cadre, toute une série d'actions ont été déclinées qui se traduisent par douze mesures, dont l'une prévoit de développer le numéro d'appel 39-19, sujet sur lequel nous reviendrons tout à l'heure à l'occasion des amendements déposés par la commission des finances et par la commission des affaires sociales.

Il faut savoir que 59 000 appels ont été passés à ce numéro depuis sa mise en place en mars 2007 : cela permet de mesurer qu'une réduction des crédits de 1 million d'euros mettrait en péril non seulement son développement, mais tout simplement son maintien.

Telles sont, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les informations que je souhaitais vous apporter, à ce stade de la discussion, en réponse à vos interrogations. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tenter de vous présenter brièvement le programme 304, qui peut se résumer de la façon suivante : petites sommes, grandes ambitions, nouvelles méthodes et partenariats loyaux.

Le revenu de solidarité active, que le Gouvernement vous a présenté dans le cadre de la loi TEPA, définitivement adoptée par votre assemblée le 1er août 2007, commence à être expérimenté. Le programme 304 y consacre 25 millions d'euros, destinés à financer 50 % des dépenses engagées au titre des programmes expérimentaux dans les départements où ceux-ci seront menés.

D'ores et déjà, nous honorons les premières conventions et, comme vous le savez, nous avons proposé à l'Assemblée nationale d'aller plus loin, de manière à pouvoir prendre en compte l'ensemble des départements candidats. En effet, pour une fois, alors que nous proposions d'adhérer à un nouveau dispositif social sur une base volontaire, nous avons eu plus de candidats que nous ne nous y attendions. C'est la preuve que la loi que vous avez votée allait dans le bon sens.

Je tiens à rassurer les sénateurs et les sénatrices qui ont demandé que l'on n'aille pas trop vite dans la généralisation. Nous ne nous engagerons pas dans cette voie sans vous présenter un rapport d'évaluation, qui sera élaboré avec les conseils généraux.

Si le Sénat suit notre proposition, les crédits prévus à ce titre se monteront, non plus, donc, à 25 millions d'euros, mais à 30 millions d'euros, ce qui nous permettra d'honorer la parole de l'État.

Les conseils généraux, quelle que soit leur orientation politique, ont fait confiance à ce système : ils savent que nous tiendrons nos engagements. Ils savent également que, au-delà, il y a une perspective : que moins de gens survivent grâce aux minima sociaux et que plus nombreux soient ceux qui peuvent vivre de leur travail, sans être pour autant exclus du bénéfice de la solidarité.

Nous souhaitons également pouvoir mener d'autres expérimentations dans le domaine de l'insertion. Nous avons engagé, il y a une semaine, un processus baptisé « Grenelle de l'insertion », auquel des parlementaires sont associés. Nous avons lancé à cet effet un appel à projets assez original puisque nous demandons aux collectivités territoriales, aux associations, aux équipes universitaires de recherche de joindre leurs efforts pour expérimenter des méthodes nouvelles. Nous ne pourrons décider de poursuivre qu'en les évaluant. Nous souhaitons consacrer 15 millions d'euros à ces expérimentations.

Depuis que nous avons lancé l'appel, nous avons reçu 850 projets, dont beaucoup sont de qualité. Nous ne sélectionnerons qu'une minorité d'entre eux, mais nous vous garantissons que, ces crédits, si vous nous les accordez, seront utilisés jusqu'au dernier centime d'euro dans des conditions parfaitement évaluées.

Je vous remercie de faire confiance aux conseils généraux, aux localités, aux équipes de recherche, à tous les élus qui ont répondu à cet appel, et qui placent de grands espoirs dans ces nouvelles méthodes expérimentales. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Solidarité, insertion et égalité des chances
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 49

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Solidarité, insertion et égalité des chances

12 122 197 380

12 043 518 656

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

1 043 322 100

994 310 042

Lutte contre la pauvreté : expérimentations

45 000 000

45 000 000

Actions en faveur des familles vulnérables

1 294 032 000

1 294 032 000

Handicap et dépendance

8 121 849 891

8 106 183 225

Protection maladie

513 000 000

513 000 000

Égalité entre les hommes et les femmes

28 297 290

28 297 290

Dont titre 2

9 637 181

9 637 181

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1 076 696 099

1 062 696 099

Dont titre 2

786 331 813

786 331 813

M. le président. L'amendement n° II-48, présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

4 780 000

 

4 780 000

 

Lutte contre la pauvreté : expérimentations

 

 

 

 

Actions en faveur des familles vulnérables

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Protection maladie

 

 

 

 

Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2

 

4 780 000

 

4 780 000

TOTAL

4 780 000

4 780 000

4 780 000

4 780 000

SOLDE

0

0

 

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à transférer 4,78 millions d'euros de l'action « État-major de l'administration sanitaire et sociale » du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers l'action « Actions en faveur des plus vulnérables » du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».

Comme l'a dit Mme la ministre, les deux tiers des crédits nécessaires au « rebasage » des CHRS ont été utilisés en 2005-2006 ; il reste à trouver encore 4 millions d'euros. La commission des affaires sociales propose de le faire en adoptant cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Sans remettre en cause la proposition faite par M. Paul Blanc d'augmenter la dotation des CHRS, je veux formuler les remarques suivantes.

Avec cet amendement, ce sont 4,70 millions d'euros qui seraient amputés du programme de fonctionnement du ministère. Or ce programme soutient une administration qui est au service de cinq ministres. Un effort constant permet à nos frais de fonctionnement courants de baisser chaque année de 2 %à 3 % ; ils baisseront d'ailleurs de 3 % en 2008.

La hausse du taux de réserve de précaution en 2008 viendra diminuer de 1 % supplémentaire nos crédits disponibles. La situation est tendue à un point tel qu'aucune dépense d'investissement immobilier n'a pu être provisionnée en 2008.

L'objet de l'amendement fait référence à la hausse des crédits de communication du ministère par rapport à la loi de finances de 2007. Il faut préciser que cette remise à niveau de 1 million d'euros était nécessaire par rapport à la baisse de 2 millions d'euros que les mêmes crédits de fonctionnement avaient subis en 2007. Elle ne conduira pas à engager des dépenses de confort, mais tout simplement à assurer un niveau minimal indispensable à l'action dans le domaine des violences faites aux femmes, de l'écoute téléphonique pour les cas de maltraitance de personnes âgées et de personnes handicapées.

Nos budgets de fonctionnement ne laissent donc pas de marge de manoeuvre suffisante pour supporter une telle baisse de crédits, d'autant que l'essentiel de la dépense est engagé par avance et pour plusieurs années, dans le cadre de marchés publics.

Enfin, annuler 4,78 millions d'euros, revient à annuler la moitié des crédits que nous consacrons à la validation des acquis de l'expérience des professions sanitaires et sociales, ou les deux tiers des dépenses d'action sociale menées à l'intention des personnels du ministère, ou encore près de la moitié de la subvention versée à l'École des hautes études en santé publique, soit 11 millions d'euros.

Pour ces diverses raisons, je suis défavorable à cet amendement et je demande à M. Blanc de bien vouloir le retirer.

M. le président. Monsieur Blanc, l'amendement n°  II-48 est-il maintenu ?

M. Paul Blanc. Je suis particulièrement sensible aux arguments développés par Valérie Létard, notamment en ce qui concerne les crédits nécessaires à la validation des acquis, car je me suis beaucoup battu pour que cette démarche entre dans les faits.

Je retire donc cet amendement.

M. le président. L'amendement n° II-48 est retiré.

L'amendement n° II-5, présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

2.000.000

 

2.000.000

 

Lutte contre la pauvreté : expérimentations

 

2.000.000

 

2.000.000

Actions en faveur des familles vulnérables

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Protection maladie

 

 

 

 

Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

2.000.000

2.000.000

2.000.000

2.000.000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de limiter l'augmentation de la subvention prévue au profit du fonds d'innovation et d'expérimentation sociale, soit 13 millions d'euros. Le projet annuel de performance se montre lacunaire sur la finalité et l'efficacité de ces crédits. La cible retenue pour 2008, à savoir 33 %, dans le cadre de l'indicateur de performance « Part des expérimentations d'actions publiques innovantes luttant contre la pauvreté évaluées positivement au regard des objectifs fixés » est médiocre et ne semble pas justifier l'augmentation constatée des crédits.

Les crédits de l'action n° 2 passeraient ainsi de 11 millions d'euros en 2007 à 13 millions d'euros en 2008, au lieu de 15 millions d'euros.

En conséquence, et compte tenu des besoins existant par ailleurs, je vous propose de transférer 2 millions d'euros vers le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », afin de financer l'aide alimentaire, qui connaît une baisse de crédits en 2008, alors que l'exécution 2006 fait apparaître une consommation très supérieure aux crédits inscrits en loi de finances initiale.

Je tiens à rappeler que 17,5 millions d'euros ont été consommés en 2006 au titre de l'aide alimentaire et du secours d'urgence.

Le projet de loi de finances rectificatives pour 2007 majore de 10 millions d'euros les crédits destinés à l'aide alimentaire, les portant à 15,5 millions d'euros.

Il est donc illusoire de penser que les 5,1 millions d'euros inscrits suffiront à satisfaire les besoins en 2008.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Monsieur le rapporteur spécial, nous partageons votre volonté de ne pas tomber dans la médiocrité.

Vous avez indiqué que le taux d'évaluation retenu était médiocre et que, pour cette raison, vous souhaitiez retirer 2 millions d'euros à ces programmes, auxquels on nous a reproché récemment de ne pas consacrer suffisamment d'argent...

Je tiens à dire que 100 % des actions qui seront conduites avec ces programmes, 100 % des euros qui leur seront consacrés donneront lieu à évaluation.

Nous avons installé un comité d'évaluation composé de présidents de conseils généraux, d'élus, de scientifiques, qui examinent ces programmes, les sélectionnent, les suivent et les évaluent.

Pourquoi ce taux d'évaluation, dont la médiocrité vous surprend ? La réponse est simple : nous expérimentons et nous n'allons pas généraliser l'ensemble de ce que nous expérimentons. Nous ne retiendrons que les projets qui auront fait leurs preuves. Voilà ce qui justifie notre évaluation.

Tout le monde l'a souligné, c'est la première fois que, dans ces domaines, la rigueur et l'exigence d'évaluation sont portées à un tel niveau. Il serait dommage de décourager toutes celles et tous ceux qui ont déposé des projets en se soumettant à notre exigence, à savoir que ne seraient sélectionnés que les projets liés à une équipe de recherche et d'évaluation.

Christine Boutin a parfaitement répondu à votre inquiétude relative aux programmes d'aide alimentaire. Elle vous a indiqué comment, par d'autres modes de financement, il allait être répondu en 2007 et en 2008 aux préoccupations des différents acteurs. Je trouverais paradoxal que l'attention portée à ceux qui procurent l'aide alimentaire conduise à pénaliser des programmes permettant de sortir des gens de la pauvreté et, donc, de les faire moins dépendre de l'aide alimentaire.

Je souhaite par conséquent, monsieur le rapporteur spécial, que vous retiriez cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Bien que la commission des affaires sociales n'ait pas été saisie sur cet amendement, je tiens à dire que j'en comprends la motivation et que je suis sensible à la nécessité d'abonder les crédits de l'aide alimentaire.

Je crois cependant que le Président de la République a voulu mettre en place, sous l'autorité de Martin Hirsch, une nouvelle politique sur des problèmes extrêmement sérieux auxquels les politiques menées jusqu'alors n'avaient pas apporté de réponses qui fussent à la hauteur de l'enjeu.

Je souhaite donc, monsieur le rapporteur spécial, que l'on donne toutes leurs chances à ces expérimentations. C'est pourquoi je me permets, à titre personnel, de faire écho aux propos de M. le haut-commissaire en souhaitant que vous vouliez bien retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-5 est-il maintenu ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. J'ai compris vos préoccupations, monsieur le haut-commissaire, monsieur le rapporteur pour avis. Je regrette simplement qu'il n'y ait pas plus d'argent pour tout le monde ! (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° II-5 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-3, est présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-49 rectifié, est présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission des affaires sociales.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

1 000 000

 

1 000 000

 

Lutte contre la pauvreté : expérimentations

 

 

 

 

Actions en faveur des familles vulnérables

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Protection maladie

 

 

 

 

Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000 

  1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-3.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de transférer 1 million d'euros de crédits du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » au programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».

Cet amendement a été élaboré après ma récente visite dans un centre de l'association Aurore, destiné à l'accueil des femmes victimes de violences, où j'ai pu juger de l'utilité de ces crédits, qui permettent d'apporter une protection à ces femmes et à leurs enfants.

En outre, cet amendement vise à donner suite au plan global de lutte contre les violences faites aux femmes, qui recommande de poursuivre l'effort d'hébergement des femmes concernées.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-49 rectifié.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comment le médecin que je suis pourrait-il ne pas être sensible au problème des femmes battues ? J'en ai suffisamment vu venir consulter à mon cabinet dans un état de détresse épouvantable pour savoir ce qu'il en est ! Or il m'a souvent été très difficile de trouver des places d'hébergement pour ces femmes. C'est pourquoi, à travers cet amendement, je souhaitais que ce million d'euros de crédits puisse être transféré de façon à créer davantage de places d'accueil.

Toutefois, Mme la ministre du logement et de la ville a annoncé qu'elle accorderait une attention particulière à la construction de nouvelles structures d'hébergement.

En outre, je n'ignore pas que, si des établissements sont nécessaires pour que l'on puisse accueillir ces femmes, celles-ci ont aussi besoin d'être écoutées et qu'il faut pour cela des structures d'appel spécifiques qu'elles doivent pouvoir joindre à tout moment.

Pour ces deux raisons, monsieur le président, je retire mon amendement, au sujet duquel la commission des affaires sociales était d'ailleurs divisée.

M. le président. L'amendement n° II-49 rectifié est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-3 ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, je comprends bien qu'en présentant cet amendement vous souhaitiez offrir plus de places d'accueil aux femmes victimes de violences conjugales.

Toutefois, vous proposez de prélever 1 million d'euros sur la ligne de crédits permettant de financer la plate-forme d'appel nationale, que nous sommes en train de développer à l'échelon départemental, tant le nombre de coups de fil qu'elle reçoit est en train d'exploser ; je le rappelle, elle a enregistré quelque 59 000 appels depuis le mois de mars dernier.

Or, en transférant ces crédits vers l'accueil et l'hébergement d'urgence, nous ôterions aux femmes victimes de violences la possibilité de joindre le réseau associatif de proximité, qui peut justement les mener jusqu'aux structures que vous entendez développer.

Ces dispositifs forment un tout. S'il faut mobiliser des moyens supplémentaires pour lutter contre les violences conjugales, nous devons les trouver ailleurs. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le rapporteur spécial.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-3 est-il maintenu ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Mme la secrétaire d'État plaide si bien que je ne peux que le retirer, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° II-3 est retiré.

L'amendement n° II-4, présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

 

 

 

 

Lutte contre la pauvreté : expérimentations

 

 

 

 

Actions en faveur des familles vulnérables

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Protection maladie

 

 

 

 

Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2

 

500.000

 

0

 

500.000

 

0

TOTAL

500.000

500.000

SOLDE

- 500.000

- 500.000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Le présent amendement a pour objet de réduire de 500 000 euros, à titre conservatoire, les crédits du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».

En effet, deux évolutions retracées par les indicateurs de performance paraissent inacceptables.

Tout d'abord, l'objectif de dépassement moyen du délai de transposition des directives communautaires serait maintenu à dix-neuf mois, soit un niveau plus élevé qu'en 2006, où il était de onze mois et demi.

Ensuite, le délai moyen d'application des lois et des ordonnances s'allongerait.

Alors que la France prendra la présidence du Conseil de l'Union européenne au second semestre 2008, il est essentiel qu'elle soit exemplaire en matière d'application du droit communautaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Cet amendement s'explique par le niveau de performance affiché par le ministère sur deux des indicateurs de son programme annuel de performance : d'une part, le délai de transposition des directives, et d'autre part, le délai d'application des lois.

L'indicateur de retard moyen de transposition, qui affiche un objectif de dix-neuf mois, est en réalité une prévision élaborée à la fin de l'année 2006. Depuis lors, la France a accompli un effort considérable de transposition des directives pour lesquelles elle accusait un retard, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne : compte tenu du travail important réalisé par le ministère en 2007, nous n'enregistrons plus aujourd'hui plus aucun retard de transposition dans le domaine de la solidarité, de l'insertion et de l'égalité des chances.

Si je devais actualiser aujourd'hui la prévision faite à la fin de l'année 2006 et présentée dans ce document, j'écrirais que le retard moyen de transposition est nul. Cette amélioration se reflétera d'ailleurs dans les indicateurs qui figureront dans le rapport annuel de performance de 2007.

L'indicateur de retard moyen d'application des lois et ordonnances, quant à lui, constitue également une prévision, qui a été établie au vu de la situation du ministère de la santé et des solidarités à la fin de la précédente législature, donc en avril 2007.

Cette prévision d'application des textes en dix mois tient compte de deux données : tout d'abord, la constitution d'un nouveau gouvernement ralentit nécessairement de manière temporaire la production normative dans tous les ministères ; ensuite, la mise en place d'un nouveau gouvernement se traduit toujours par l'adoption d'un certain nombre de dispositions jugées prioritaires, qui peuvent retarder la publication d'autres textes.

Il s'agit donc pour moi d'un objectif transitoire, et le Gouvernement estime qu'il pourra être plus ambitieux dès l'année prochaine.

Pour ces diverses raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le rapporteur spécial.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-4 est-il maintenu ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Mme la secrétaire d'État m'a complètement convaincu, et je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-4 est retiré.

L'amendement n° II-78, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

 

 

 

 

Lutte contre la pauvreté : expérimentations

 

 

 

 

Actions en faveur des familles vulnérables

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Protection maladie

 

 

5 000 000

 

Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2

 

 

 

5 000 000

TOTAL

 

 

5 000 000

5 000 000

SOLDE

 

0

 

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai vainement tenté de soumettre à la discussion un amendement identique lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Je le présente de nouveau dans le cadre du présent projet de loi de finances, car les nouvelles possibilités offertes par la LOLF me laissent l'espoir que cette proposition soit enfin débattue.

Cet amendement a pour objet d'augmenter de 5 millions d'euros la participation de l'État au financement du FIVA, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Vous le savez, madame la ministre de la santé, le rapport d'information du Sénat sur l'amiante, publié en octobre 2005, préconise d'appliquer une clef de répartition stable entre l'État et la sécurité sociale pour le financement du fonds amiante. Il propose que la contribution de l'État soit fixée à 30 %, afin de tenir compte de la double responsabilité de celui-ci dans le drame de la contamination par l'amiante : d'une part, en tant qu'employeur, et d'autre part, au titre de ses pouvoirs régaliens.

Je le rappelle, la branche AT-MP, accidents du travail et maladies professionnelles, a financé en quasi-totalité les dépenses du FIVA depuis sa création en 2001. Comme la montée en charge du fonds était très progressive, les dotations élevées qu'il a reçues au moment de sa mise en place lui ont permis de constituer des réserves, qui ont autorisé une diminution de la contribution de la branche AT-MP après 2001. Depuis cette date, toutefois, l'épuisement des réserves précédemment constituées a rendu nécessaires de nouvelles augmentations de la contribution de la branche AT-MP, notamment en 2008, où elle atteindra 315 millions d'euros.

Pendant ce temps, la dotation de l'État a évolué de manière aléatoire. Nulle en 2004, elle a été fixée à 52 millions d'euros par la loi de finances pour 2005, à 48 millions d'euros pour 2006, et à 50 millions d'euros pour 2007. Avec une dotation de 50 millions d'euros prévue par le présent projet de loi de finances, la part de l'État dans le financement du FIVA sera de 13,7 % en 2008.

Mes chers collègues, l'amendement que je vous propose d'adopter permettrait de faire monter cette part à 14,8 %. Nous sommes encore loin des 30 %, et même des 17 % que mon collègue Gérard Dériot avait proposés l'année dernière. Ce dernier taux avait d'ailleurs été adopté à l'unanimité par la Haute Assemblée, puis, malheureusement, censuré par le Conseil constitutionnel, car nous avions prévu une programmation de dépenses sur trois ans, contrairement à la règle de l'annualité budgétaire.

Pour atteindre ce niveau de 17 % aujourd'hui, il aurait fallu trouver 15 millions d'euros, mais il ne m'a pas semblé raisonnable de diminuer d'une telle somme les crédits des autres programmes et actions de la mission, d'autant qu'un tel transfert aurait des conséquences majeures. Je propose donc de prélever seulement 5 millions d'euros sur l'action « Statistiques, études et recherches ».

L'adoption de cet amendement permettrait d'adresser un signal positif quant à l'implication de l'État dans la pérennisation du FIVA. Comme j'ai eu l'occasion de le souligner lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, bien d'autres questions restent en suspens en ce qui concerne l'amiante en général et le FIVA en particulier.

Les rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale, celui de l'IGAS, mais aussi celui de la Cour des comptes ont permis d'établir un diagnostic partagé et de dégager des pistes d'évolution. Je crois qu'il est temps de passer à l'étape suivante, à savoir faire en sorte que l'État apporte sa contribution à concurrence de la responsabilité qui lui incombe.

Je veux insister sur un dernier point. L'objectif initial du FIVA était d'éviter des recours devant les tribunaux, afin de garantir une bonne indemnisation des victimes. Or le fonds ne remplit plus ce rôle, pour la bonne raison qu'il n'en n'a pas les moyens techniques et financiers. Les victimes de l'amiante, qui auraient dû normalement passer par le FIVA, se retrouvent aujourd'hui devant la justice, dont les décisions varient d'un tribunal à l'autre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Je comprends la préoccupation de Jean-Pierre Godefroy, qui a été rapporteur de la mission commune d'information du Sénat sur le drame de l'amiante. Toutefois, ce transfert de crédits n'apparaît pas nécessaire.

Mon cher collègue, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai déjà évoqué cette question dans mon intervention liminaire.

Monsieur le sénateur, vous préconisez de prélever 5 millions d'euros sur la ligne de crédits n° 124. C'est totalement inutile car, je le répète, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante dégagera un solde positif de 100 millions d'euros à la fin de 2008.

D'ailleurs, les rapporteurs ont signalé que, en bonne gestion budgétaire, nous aurions même dû réduire encore la dotation, mais je m'y suis opposée, tenant à ce que la responsabilité de l'État en ce domaine soit reconnue.

En revanche, monsieur le sénateur, pour mener à bien les importantes réformes de l'assurance maladie et de notre système de santé qui doivent être engagées, il nous faut absolument disposer d'informations et d'éléments statistiques ; les parlementaires sont d'ailleurs souvent les premiers à nous les réclamer.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° II-78 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-78.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 119
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » figurant à l'état B.

J'ai été saisi, dans le délai limite, d'une demande d'explication de vote de la part de Mme Annie David.

Mme Annie David. Il est bien tard, et l'hémicycle est bien peu rempli... Faire une explication de vote dans cette enceinte dépeuplée me paraît dérisoire, mais, après tout, en tant que parlementaires, nous ne sommes pas maîtres de l'ordre du jour de cette assemblée. Nous avons fait l'effort d'être présents, depuis quinze heures cet après-midi, pour participer à la discussion budgétaire, qui est pour nous un moment très important de la vie parlementaire. Cela n'est apparemment pas le cas pour tous.

Ainsi, je regrette, madame Bachelot, que vous nous ayez répondu aussi rapidement, à la vitesse d'un TGV (Protestations sur plusieurs travées de l'UMP), et que vous nous ayez donné des informations dont nous disposions déjà. Nous avons eu le sentiment que les réponses ne venaient pas de vous, contrairement à celles que vous avez su nous apporter lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et que vous ne faisiez, à la tribune, que lire vos notes sans véritablement répondre aux sénateurs présents.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai répondu à toutes les questions !

Mme Annie David. Tout à l'heure, Mme Boutin m'a reproché de caricaturer les choses, notamment à propos de la loi sur le droit au logement opposable. Il me semble que, là non plus, la réponse n'est pas à la hauteur des attentes des parlementaires présents dans cet hémicycle.

Peut-être est-ce parce que nous examinons les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » que nous sommes si peu nombreux ce soir. Ce sont pourtant de bien jolis mots accolés les uns aux autres, et ils justifient l'importance que cette mission revêt à nos yeux. C'est pourquoi je regrette que nous ne puissions, ce soir, voter les crédits de cette mission, mais ils ne sont vraiment pas à la hauteur de son intitulé ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 49 à 51 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 50

Article 49

La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Les aides personnelles au logement sont prises en compte à concurrence d'un forfait, identique pour les premières demandes et les demandes de renouvellement. Ce forfait, fixé par décret en Conseil d'État, est déterminé en pourcentage du montant du revenu minimum d'insertion à concurrence d'un taux qui ne peut être inférieur à celui applicable en vertu de l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles. »

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Cet article a pour objet d'inclure les aides personnelles au logement dans les ressources prises en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire en matière de santé.

Cela aura une conséquence inévitable : la baisse importante du nombre des bénéficiaires de la CMU-C, puisque, pour certains foyers, les plafonds de revenus seront dépassés.

Nous comprenons d'autant moins cette mesure que le Président de la République, lors de son discours du 18 octobre dernier au Sénat, devant la presse spécialisée, avait annoncé au contraire que la CMU-C devrait être à l'avenir plus généreuse et plus étendue. À moins de considérer que la meilleure manière d'étendre une mesure est de diminuer le nombre de ses bénéficiaires, on comprend ici qu'il y a les discours et les faits.

Je sais pertinemment que cette mesure vient « harmoniser », comme vous le dites, une situation antérieure puisque, depuis l'entrée en vigueur de l'article 155 de la loi de finances de 2006, les APL des primo-demandeurs sont pris en compte dans le calcul du revenu. Ainsi, après avoir, en 2006, exclu 60 000 familles de ce dispositif, ce sont environ 40 000 nouvelles familles que vous excluez, pour les faire basculer dans le système d'aide à la complémentarité. Ces familles vivent pourtant sous le seuil de pauvreté.

Cette mesure doit faire économiser 14 millions d'euros et vous n'hésitez pas, pour cela, à précipiter ces ménages, avec leurs enfants, dans une plus grande précarité face aux soins. Finalement, vous en revenez au dispositif initialement prévu dans le projet de loi de finances pour 2006 tel qu'il avait été adopté en conseil des ministres. Une nouvelle fois, votre gouvernement perd l'occasion d'une harmonisation par le haut, ce qui est regrettable. On en déduira donc que, pour vous, l'équité est un concept qui n'a d'intérêt que lorsqu'il nivelle par le bas.

M. le président. L'amendement n° II-59, présenté par Mmes San Vicente-Baudrin, Le Texier, Printz, Demontès et Schillinger, MM. Domeizel, Godefroy, Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin.

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Mme David a, par avance, exposé les arguments qui motivent cet amendement, dont l'objet est de revenir, par la suppression de l'article 49, à la modalité de calcul antérieure à la loi de finances de 2006.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. La commission des finances étant favorable à l'adoption de l'article 49, elle est défavorable à l'amendement n° II-59.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame David, le fait de respecter le temps de parole imparti en vertu de l'organisation des débats n'empêche pas d'apporter des explications complètes. Je me suis conformée à la structuration de la séance telle qu'elle a été définie par la conférence des présidents de votre assemblée. J'essaie toujours de ne pas excéder mon temps de parole, car je suis très respectueuse de la représentation nationale.

Je vais donc, à cette heure tardive, saisir l'occasion qui m'est donnée par cet amendement pour vous apporter, ainsi qu'à Mme San Vicente-Baudrin, bien sûr, une explication complète.

Quelle est la situation actuelle ?

Les aides personnelles au logement sont prises en compte dans les ressources des demandeurs de la couverture maladie universelle complémentaire à concurrence d'un forfait déterminé mensuellement en pourcentage du revenu minimum d'insertion, ce pourcentage variant en fonction de la composition du foyer.

Depuis l'entrée en vigueur de l'article 155 de la loi de finances de 2006, les règles applicables au calcul du forfait logement de la CMU-C sont différentes selon que le demandeur est un nouvel entrant dans le dispositif ou qu'il en sollicite le renouvellement.

Mme Annie David. Nous savons tout cela !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour les demandes initiales de CMU-C, ce forfait reprend intégralement les règles appliquées pour la détermination du droit au RMI. Il est compris entre 12 % et 16,5 % du RMI, en fonction du nombre de personnes prises en compte pour l'aide personnelle au logement et en fonction de la taille et de la composition du foyer, celui-ci étant entendu au sens de la législation sur le RMI.

Inversement, pour les demandes de renouvellement de CMU-C, les pourcentages appliqués sont plus favorables aux demandeurs. Le forfait varie entre 12 % et 14 % du RMI, en fonction de la composition du foyer, mais au sens cette fois de la législation sur la CMU-C. La définition du foyer diffère selon les deux législations. En particulier dans la réglementation du RMI, on distingue le conjoint et les enfants, alors que cette distinction n'existe pas pour la CMU-C.

En outre, lorsque les ressources d'un enfant sont supérieures à la majoration de RMI à laquelle il ouvre doit, cet enfant est sorti du foyer tel qu'il est défini pour le RMI.

Vous conviendrez donc avec moi que cette rédaction n'est pas satisfaisante puisqu'elle conduit à traiter différemment les titulaires de la CMU-C selon qu'ils demandent un renouvellement ou veulent entrer dans le dispositif.

Mme Annie David. Prenez la plus favorable des dispositions ! Pourquoi retenir la moins bonne !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle est aussi source de complexité dans la gestion au quotidien par les caisses d'assurance maladie, qui doivent gérer des taux différents et des définitions différentes du foyer, alors que l'application de la législation sur le RMI relève des caisses d'allocations familiales.

La mesure proposée vise donc à unifier les règles...

Mme Annie David. Par le bas, évidemment !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... pour tous les demandeurs de CMU-C, qu'il s'agisse d'une première demande ou d'un renouvellement, en appliquant les pourcentages prévus dans la réglementation du RMI à tous les demandeurs et en retenant une définition du foyer unique qui est celle de la réglementation sur la CMU-C.

Il s'agit donc d'une mesure de bonne administration et de simplification.

J'ajoute que cet alignement permet en outre de dissiper le sentiment d'injustice que peuvent éprouver des personnes qui se voient refuser le bénéfice de la CMU-C du fait qu'elles sont primo-demandeurs, alors que, à ressources identiques, les demandeurs d'un renouvellement y auraient accès.

Mme Annie David. Donnez satisfaction à tout le monde !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame David, cessez de m'interrompre constamment ! Ayez un peu de respect pour le Gouvernement, qui s'efforce de vous donner les explications les plus complètes possibles !

Enfin, même si, à la suite de cette mesure, un nombre limité de demandeurs de la CMU-C ne peuvent plus y prétendre du fait qu'ils passent au-dessus du seuil de ressources, ils resteront éligibles à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé - j'y reviendrai dans un moment puisque vous avez abordé ce point dans votre propos liminaire -, qui permet de réduire très sensiblement le coût d'achat d'un contrat de prévoyance santé.

Mme Annie David. Nous sommes au courant de tout cela ! Ce ne sont pas des explications !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. À ce titre, je rappelle que les montants individuels d'aide annuelle par bénéficiaire ont été revalorisés à compter du 1er janvier 2006.

Afin de permettre à tous ceux qui le souhaitent de disposer d'une couverture santé complémentaire - objectif qui est prioritaire, ainsi que j'ai eu l'occasion de l'indiquer lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale -, une aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé sous condition de ressources a été mise en place dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie.

Cette aide se traduit, pour les organismes de protection complémentaire, par un crédit d'impôt sur les contrats et, pour les bénéficiaires, par une réduction sur le montant payé de prime d'assurance complémentaire. Elle est ouverte pour tous les contrats individuels d'assurance complémentaire santé, pourvu qu'il s'agisse de contrats responsables, c'est-à-dire qu'ils respectent certaines obligations et interdictions de prise en charge liées au parcours de soins coordonné. Elle est attribuée, comme la CMU, sous condition de résidence en France régulière et stable et sous condition de ressources ; à l'origine, le niveau de ressources devait être compris entre le plafond de la CMU complémentaire et ce plafond majoré de 15 %.

Pour répondre à votre préoccupation, j'ajoute que ce dispositif a été substantiellement amélioré depuis sa création. Le montant annuel a été fortement revalorisé : il s'élève à 100 euros par personne âgée de moins de vingt-cinq ans, 200 euros par personne âgée de vingt-cinq à cinquante-neuf ans et 400 euros par personne âgée de plus de soixante ans. Avant la revalorisation, l'aide couvrait 40 % du prix moyen d'une assurance complémentaire santé ; la revalorisation devrait permettre, selon les prévisions, de couvrir la moitié du montant moyen de la prime.

Par ailleurs, le plafond de ressources a été relevé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Il est à présent fixé à 20 % au-dessus du plafond de la CMU complémentaire, ce qui représente, mensuellement, 727,25 euros pour une personne seule, 1 527,17 euros pour un couple avec deux enfants. Ce plafond est majoré de 10,8 % dans les départements d'outre-mer.

M. Guy Fischer. Merci, madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Enfin, l'accès au dispositif est facilité par diverses mesures.

En premier lieu, un effort d'information sur l'accès au dispositif est fourni par le réseau des caisses de sécurité sociale et les organismes de protection complémentaire. Des brochures et des affiches sont disponibles ou apposées à l'accueil des caisses de sécurité sociale, notamment, car beaucoup de personnes qui peuvent prétendre à cette aide ne la demandent pas tout simplement parce qu'elles ne sont pas informées de leurs droits. Le réseau des caisses d'allocations familiales, en particulier, a reçu pour mission d'orienter vers les caisses d'assurance maladie les personnes qui se présentent à elles lorsqu'elles sont susceptibles de bénéficier de l'aide à la complémentaire santé.

En second lieu, et j'y tiens beaucoup, les démarches sont facilitées. Un nouveau formulaire de demande, différent de l'actuel formulaire de demande conjointe de CMU-C et d'aide à la complémentaire santé, vient d'être élaboré. Les personnes qui ne souhaitent pas faire simultanément une demande de CMU-C pourront utiliser ce nouveau formulaire qui vient d'être mis en ligne sur le site de la CNAMTS - ameli.fr - et qui peut être rempli directement sur écran.

Un chèque santé sera prochainement joint à l'attestation de droits à l'aide par les caisses d'assurance maladie pour que les bénéficiaires visualisent immédiatement le montant de l'aide qui leur est consentie.

Des courriers ciblés vers les bénéficiaires du minimum vieillesse et des prestations familiales dont le niveau de ressources correspond approximativement aux publics éligibles - je sais bien que nous rencontrerons toujours des difficultés pour toucher toutes les personnes concernées, mais nous voulons vraiment aller à la rencontre de ces publics - ont été transmis par les caisses d'assurance vieillesse en octobre 2007 et le seront au début de l'année 2008 par les CPAM, à partir des informations transmises par les caisses d'allocations familiales, de manière à inciter ces personnes à formuler une demande d'aide auprès de leur caisse d'assurance maladie.

Je vous assure, madame la sénatrice, que l'accès à ce droit trop peu connu des publics qui pourraient en bénéficier est un axe fondamental de ma politique !

Mme Annie David. Alors, pourquoi toujours niveler par le bas ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'ensemble de ces mesures doit permettre le plein essor de ce nouveau droit social. En 2005, grâce à cette aide, 177 000 personnes ont pu bénéficier de la réduction de la prime d'assurance complémentaire santé. Ce chiffre devrait avoisiner 310 000 en 2007, et je souhaite qu'on atteigne progressivement, mais à échéance assez rapprochée, celui de 2 millions.

Sous le bénéfice de ces explications, dont j'espère qu'elles ont été assez complètes, madame David, je demande au Sénat de ne pas voter l'amendement n° II-59, présenté par Mme San Vicente-Baudrin et tendant à la suppression de l'article 49.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 49.

(L'article 49 est adopté.)

Article 49
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 51

Article 50

L'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La prise en charge mentionnée au premier alinéa est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l'acceptation par les personnes mentionnées à l'article L. 251-1 d'un médicament générique, sauf :

« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;

« 2° Lorsqu'il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;

« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique. »

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article 50.

Mme Annie David. Cet article s'inscrit dans la continuité du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vient d'être adopté : même esprit de suspicion, même acharnement à combattre seulement une partie des fraudeurs et certains types d'abus, même stigmatisation des plus précaires, surtout lorsque ceux-ci ont le mauvais goût d'être étrangers.

Vous ne serez donc pas étonnés que le groupe communiste républicain et citoyen vote contre cet article.

Que prévoit-il précisément ? Il soumet le remboursement des médicaments aux bénéficiaires de l'AME à la condition de délivrance d'un générique. En clair, un bénéficiaire de l'AME ne pourra voir ses médicaments intégralement pris en charge que s'il accepte la délivrance d'un générique. Cette mesure revient tout simplement à imposer aux bénéficiaires de l'AME des conditions de remboursement qui ne sont pas imposées à l'ensemble des assurés sociaux.

De deux choses l'une : soit il s'agit là du prélude à ce que sera demain le remboursement de tous les patients, soit c'est un traitement spécifique appliqué aux étrangers, ce qui est encore plus grave.

Je m'interroge donc sur la nature de cette mesure et sur ses fondements politiques. Pourquoi cibler ainsi particulièrement les bénéficiaires de l'AME ? J'y vois la résurgence de la vielle rhétorique xénophobe selon laquelle les étrangers sont responsables de tous les malheurs. Nous avions compris, durant la campagne pour l'élection présidentielle, que l'UMP voulait capter les voix de l'extrême droite. Nous comprenons maintenant comment elle l'a fait : en captant aussi ses idées.

J'en veux pour preuve les propos tenus par le député Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial, qui précisait lors de l'examen de cet article : « Comment admettre que les bénéficiaires de l'aide médicale d'État puissent exiger un médicament princeps [...], alors qu'il existe un générique ? ». Je voudrais vous retourner la question : comment admettre que l'on applique une règle plus contraignante aux bénéficiaires d'un système de protection sociale - fût-il consacré aux étrangers en situation irrégulière - alors que les bénéficiaires des autres régimes ne se la voient pas appliquer ?

C'est un nouvel exemple de la stigmatisation des étrangers, accusés de tous les maux. Cette fois-ci, on leur reproche, en filigrane, de piller la sécurité sociale ! Car les exonérations patronales n'ont évidemment rien à voir avec les difficultés de celle-ci !

Cette discrimination est naturellement inacceptable et l'« équité » que vous proclamez a bon dos. C'est une équité tirée vers le bas, vers le très bas même, pour une mesure qui doit permettre une économie de 5 millions d'euros...

Il est dommage que cette fameuse équité que vous invoquez chaque jour ne vous ait pas incités à taxer les stock-options, ces éléments importants de revenu indirect, à la hauteur la taxe créée sur les préretraites.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je voudrais dire à Mme David que des efforts de rationalisation, d'efficience, doivent être obtenus dans tous les secteurs et de tous les publics qui sollicitent la solidarité nationale.

La politique du générique est une excellente politique et je sais, par ailleurs, que vous la défendez.

Mme Annie David. Oui, mais pour tous !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Un certain nombre de mesures contraignantes s'adressent à l'ensemble des publics. Nous préconisons effectivement que les bénéficiaires de l'aide médicale de l'État, s'ils refusent ces génériques, c'est-à-dire entraînent une dépense supplémentaire totalement injustifiée pour la collectivité, ne soient pas pris en charge.

Franchement, je cherche où se trouve l'injustice ! Je ne veux absolument pas stigmatiser ces publics ! Vous me ferez la grâce de reconnaître, madame la sénatrice, que je défends toujours ces dispositifs. Nous nous sommes engagés à les protéger, nous sommes aussi engagés à ce que l'État rembourse ses dettes dans ce domaine, dans un effort de sincérité tout à fait remarquable, et qui n'avait jamais été réalisé. Cela ne nous dispense pas de rationaliser nos dépenses dans le cadre d'une solidarité bien comprise !

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, sur l'article.

M. Gérard Delfau. J'avoue ma gêne, madame la ministre, parce que cette mesure a un air de discrimination. Je suis d'autant plus gêné que je suis très favorable à la généralisation des génériques ; je souhaite même qu'elle se fasse très rapidement !

Mais je ne vois pas ce que cette mesure vient faire ici. En tout cas, je n'y reconnais pas, madame la ministre, ce qui a jusqu'ici inspiré votre action dans ce domaine. Sans doute ai-je mal compris vos motivations, bien que je vous aie écoutée attentivement.

Cette mesure peut être interprétée comme le symbole d'orientations que, j'en suis sûr, vous n'approuvez pas, non plus que quiconque au sein du Gouvernement ou de notre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'article 50.

(L'article 50 est adopté.)

Article 50
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 51 bis (début)

Article 51

 I. - Le troisième alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« L'allocation de parent isolé est attribuée, sous réserve des traités et accords internationaux ratifiés par la France, aux ressortissants étrangers remplissant des conditions de durée de résidence en France qui sont fixées par décret.

« Elle bénéficie aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen qui en font la demande et qui résident en France depuis plus de trois mois, dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette condition de séjour de trois mois n'est toutefois pas opposable :

« - aux personnes qui exercent une activité professionnelle déclarée conformément à la législation en vigueur ;

« - aux personnes qui ont exercé une telle activité en France et soit sont en incapacité temporaire de travailler pour raisons médicales, soit suivent une formation professionnelle au sens des articles L. 900-2 et L. 900-3 du code du travail, soit sont inscrites sur la liste visée à l'article L. 311-5 du même code ;

« - aux ascendants, descendants et conjoints des personnes mentionnées aux deux alinéas précédents.

« Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen, entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre, ne bénéficient pas de l'allocation de parent isolé. »

II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 821-1 du même code, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« L'allocation mentionnée au premier alinéa bénéficie aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen qui en font la demande et qui résident en France depuis plus de trois mois, dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette condition de séjour de trois mois n'est toutefois pas opposable :

« - aux personnes qui exercent une activité professionnelle déclarée conformément à la législation en vigueur ;

« - aux personnes qui ont exercé une telle activité en France et soit sont en incapacité permanente de travailler pour raisons médicales, soit suivent une formation professionnelle au sens des articles L. 900-2 et L. 900-3 du code du travail, soit sont inscrites sur la liste visée à l'article L. 311-5 du même code ;

« - aux ascendants, descendants et conjoints des personnes mentionnées aux deux alinéas précédents.

« Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés. »

III. - Dans le premier alinéa du II de l'article 25 de la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « neuvième ».

IV. - Dans la première phrase du huitième alinéa de l'article L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « dixième ». - (Adopté.)

Article 51
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 51 bis (interruption de la discussion)

Article 51 bis

Les trois derniers alinéas du II de l'article 21 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sont supprimés. - (Adopté.)

M. le président. Mesdames les ministres, monsieur le haut-commissaire, avant de donner lecture de l'ordre du jour de la prochaine séance, permettez-moi de remercier l'ensemble des participants à ce débat, les membres du Gouvernement comme les parlementaires, mais aussi, tout particulièrement, les personnels des services du Sénat. Ce sont eux en effet qui ont subi plus directement les conséquences de l'absence de suspension de séance à l'heure du repas : je les remercie de leur compréhension.

Article 51 bis (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale

8

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au samedi 1er décembre 2007

À neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

- Action extérieure de l'État

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 1) ;

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome I) ;

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome I) ;

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome II).

À quinze heures et le soir :

- Sécurité sanitaire

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 30) ;

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome V) ;

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome VIII).

- Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ article 41 quater)

M. Charles Guené, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 5) ;

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome I).

- Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Compte spécial : avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 14) ;

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome II).

- Remboursements et dégrèvements

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 26).

- Provisions

M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 22).

- Régimes sociaux et de retraite

Compte spécial : pensions.

MM. Bertrand Auban et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux (rapport n° 91, annexe n° 24) ;

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome III) ;

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome VII).

- Engagements financiers de l'État

Compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l'État

Compte spécial : participations financières de l'État

M. Paul Girod, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 12) ;

M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome XI).

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD