M. le président. Le Sénat a précédemment supprimé l'article 30.
L'amendement n° A-2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Les droits et obligations afférents aux contrats d'emprunt figurant au bilan de l'établissement public dénommé « Charbonnages de France » sont transférés à l'État à compter de la date de dissolution de cet établissement prévue par l'article 146 du code minier et, au plus tard, le 31 janvier 2008. Les intérêts afférents à cette dette ou au refinancement de celle-ci seront retracés au sein du compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État », en qualité d'intérêts de la dette négociable.
Ce transfert n'ouvre droit ni à remboursement anticipé ni à la modification des conditions auxquelles les contrats d'emprunt ont été conclus.
Est en outre autorisé, à l'issue de la liquidation de l'établissement, le transfert à l'État des éléments de passif subsistant à la clôture du compte de liquidation, des droits et obligations nés de l'activité de l'établissement ou durant la période de liquidation et non connus à la fin de celle-ci, et du solde de cette liquidation.
II. - Le transfert, au profit de l'État, des biens immobiliers et des droits et obligations qui s'y rattachent, résultant de la dissolution de l'établissement public « Charbonnages de France » prévue par l'article 146 du code minier, ne donne lieu à aucune indemnité ou perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit, ni à aucun versement, au profit des agents de l'État, d'honoraires ou des salaires prévus à l'article 879 du code général des impôts.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. À l'occasion de la discussion de l'article 30, qui prévoyait la reprise par l'État de la dette de Charbonnages de France de 2,4 milliards d'euros, vous vous êtes interrogé, monsieur le rapporteur général, sur la justification du versement à Charbonnages de France de 60 millions d'euros avant la fin de l'année par l'intermédiaire du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
La dissolution de Charbonnages de France doit intervenir avant le 1er janvier 2008. Elle ouvre une période de liquidation de trois ans, au cours de laquelle le liquidateur aura pour mission de traiter les derniers éléments d'actif et de passif.
Le produit de la cession des dernières participations de Charbonnages de France - avec la SOFIREM et la SNET - devrait normalement plus que couvrir les coûts de la liquidation sur cette période.
Concrètement, ce versement de 60 millions d'euros correspond à une avance de trésorerie, qui sera remboursée dès que possible au compte d'affectation spéciale.
Ce montant a été calibré pour combler le besoin de trésorerie de la cellule de liquidation. Cette estimation a été prévue pour couvrir la période de liquidation, en retenant l'hypothèse prudente que les actifs de Charbonnages de France ne seraient éventuellement cédés qu'à la fin de ladite période.
Cette hypothèse est donc extrêmement prudente à deux titres et, sans faire peser de risque excessif sur la liquidation de Charbonnages de France, ce montant peut, me semble-t-il, être ramené à 40 millions d'euros.
En tout état de cause, le Gouvernement prendrait les mesures nécessaires à la poursuite de l'activité du liquidateur si la dotation de 40 millions d'euros ne se révélait pas suffisante pour couvrir les besoins.
Au bénéfice de ces précisions, le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rétablir l'article 30 du projet de loi de finances dans la rédaction qu'il vous propose.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, et je remercie vivement Mme la ministre des explications qu'elle vient de nous fournir. Il me semble effectivement qu'un versement de 40 millions d'euros réponde aux besoins de la liquidation.
En conséquence, la commission vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'article 30 est rétabli dans cette rédaction.
Avec cette seconde délibération, nous avons achevé l'examen des articles constituant la première partie du projet de loi de finances pour 2008.
Vote sur l'ensemble de la première partie
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2008, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui me l'ont demandée pour expliquer leur vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour ces explications de vote, la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos travaux ont été très fructueux sur cette première partie. (M. Bernard Frimat s'exclame.)
M. François Marc. On ne vous le fait pas dire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons créé près de vingt-cinq articles, en avons supprimé une demi-douzaine et en avons modifié une vingtaine. Tel est le bilan quantitatif que nous pouvons faire, mais là n'est pas l'essentiel.
En effet, je tiens avant tout à relever le caractère très fructueux du dialogue qui s'est instauré au sein de notre assemblée. Mme la ministre de l'économie et M. le ministre du budget ont été à l'écoute du Sénat.
M. François Marc. Pas de l'opposition !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Gouvernement a été à l'écoute de l'ensemble des sénateurs ! Mais, bien évidemment, il y a une majorité et une opposition, et chacun prend ses responsabilités ! Nous nous écoutons avec respect, mais nous ne pouvons pas toujours être d'accord !
Mme la ministre de l'économie et M. le ministre du budget ont été, je le répète - et vous confirmerez sans doute mes propos, mes chers collègues - d'une extrême courtoisie et ils se sont efforcés de travailler au mieux pour tenir compte de nos préoccupations.
Comme vous le savez, nos votes n'ont pas aggravé le déficit.
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourtant, ce ne fut pas chose aisée.
Afin d'atténuer certaines difficultés qui nous semblaient particulièrement inquiétantes pour les finances locales, nous avons trouvé des ressources susceptibles de financer le surcoût consécutif à l'ajustement du droit à compensation des collectivités territoriales.
Au demeurant, l'opposition sénatoriale serait mal fondée à se plaindre, car plusieurs de ses initiatives ont été retenues par le Sénat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit des amendements relatifs aux centres de gestion agréés tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 2 bis, ainsi que de l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 11 relatif à l'affectation d'une part de la taxe sur les spectacles aux réunions sportives. J'ajoute que notre collègue François Marc a obtenu des engagements très nets de la part du Gouvernement quant à l'information du Parlement sur les bénéficiaires du régime du bénéfice mondial consolidé.
Toutes ces mesures prouvent que le Sénat, et la commission des finances tout particulièrement, a eu, comme à l'ordinaire, une approche objective.
Je tiens à saluer quelques contributions individuelles, notamment celle d'Alain Lambert, qui a beaucoup enrichi le texte grâce à sa connaissance des liens complexes qui existent entre le droit fiscal et le droit civil, mais aussi celles de Philippe Adnot, de Pierre Laffitte ou encore d'Yves Fréville, qui ont été à l'initiative de plusieurs amendements tendant à faire progresser notre législation sur différents sujets.
Pour sa part, la commission des finances a obtenu des avancées importantes, que je rappellerai brièvement.
En ce qui concerne la fiscalité de l'épargne et des marchés financiers, elle a obtenu la suppression, dès 2008, de l'impôt de bourse ; la suppression de l'article relatif au régime des rémunérations différées, dites « parachutes dorés », au regard de l'impôt sur les sociétés ; le relèvement, à partir de 2009, du seuil d'imposition des cessions de valeurs mobilières à 25 000 euros et la fixation du prélèvement libératoire à 18 % au-delà de ce seuil ; l'accès au bénéfice du prélèvement libératoire pour les dirigeants d'entreprises non salariés, quelle que soit l'importance de leur participation au capital.
S'agissant des dotations aux collectivités territoriales, la commission des finances est parvenue, non sans difficultés, après un travail assidu, à aménager les nouvelles règles d'indexation des dotations de l'enveloppe normée, afin de concilier deux objectifs : le maintien d'une indexation de l'enveloppe normée égale à l'inflation prévisionnelle et la limitation des baisses des variables d'ajustement grâce à un redéploiement au sein de l'enveloppe normée et à un apport extérieur de 40 millions d'euros environ, venu abonder, il faut le souligner, l'ensemble des concours aux collectivités territoriales.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur tout ce que nous avons fait, mais je tiens à remercier de nouveau M. le ministre du budget, ainsi que ses collaborateurs, car nous avons passé de nombreuses heures à élaborer ce montage assez complexe, pour le faire évoluer et aboutir.
Enfin, madame la ministre de l'économie, je voudrais revenir sur un sujet qui concerne les marchés financiers et l'activité économique, à savoir le régime des sociétés immobilières.
Le Sénat a adopté plusieurs amendements visant à préserver la vitalité de ce secteur économique et financier et à en favoriser le développement.
L'article 11 du projet de loi de finances a été modifié et le taux de taxation des plus-values de cession des titres des sociétés cotées à prépondérance immobilière est fixé à 16,5 %. Le régime des SIIC 2 et SIIC 3 a été étendu aux cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière, quel que soit leur forme ou leur régime fiscal.
En outre, le régime de la libre réévaluation des biens immobiliers contre une exit tax et un engagement de conservation des biens a été prorogé de deux années, jusqu'à la fin de 2009. Il en résultera des ressources supplémentaires significatives, qui nous permettent d'ores et déjà de présenter un bilan équilibré à l'issue de cette première partie.
Une mesure technique a réglé le cas des dividendes engendrés par la fusion d'une SIIC française et d'une société étrangère. Il fallait prévoir une disposition législative spécifique pour faciliter une opération, dont le secteur immobilier français et la place de Paris peuvent être fiers.
Enfin, une refonte des dispositions relatives au régime d'imposition des plus-values immobilières des non-résidents a été également adoptée, ce qui se traduira par un rendement significatif.
Nous avons oeuvré de la meilleure manière possible, en tenant compte des différentes exigences.
Après avoir dressé ce bilan, je tiens bien entendu à remercier M. le président de la commission des finances, dont le soutien a été extrêmement précieux à tous les stades de la discussion ; nous avons, comme d'habitude, cheminé ensemble.
Je tiens également à remercier la présidence qui a veillé, comme il se doit, au bon déroulement des travaux et au respect de la procédure pour que nos échanges soient constructifs.
Je remercierai aussi l'ensemble de nos collègues, non seulement ceux de la majorité,...
M. Charles Revet. Merci, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général.... qui ont bien voulu soutenir la commission et participer très activement à nos débats, mais aussi ceux de l'opposition, auxquels nous nous sommes efforcés de répondre de la manière la plus constructive possible,...
M. Michel Moreigne. Et la plus courtoise !
M. Philippe Marini, rapporteur général.... et ce dans le respect de nos légitimes différences.
Enfin, je tiens à remercier de nouveau Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, car ce projet de loi de finances, dont l'examen ne fait que commencer - plusieurs étapes importantes nous attendent encore -, exige un partenariat. Nous avons fait preuve d'une grande écoute mutuelle et avons recherché les solutions empiriques les plus appropriées pour résoudre les difficultés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc au terme de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.
Je partage la satisfaction que vient d'exprimer le rapporteur général, Philippe Marini, car nous avons bien travaillé. À cet égard, je tiens à saluer l'effort consenti par le Gouvernement pour renforcer la sincérité du budget de 2008, et nous avons bien noté ses engagements.
Lors de l'examen des crédits des différentes missions, nous attendrons certaines innovations de sa part. Nous attendons ainsi qu'il nous propose des amendements de nature à mieux doter les OPEX et à améliorer la contribution de l'État français aux organisations internationales. Nous ne pouvons que vous encourager à avancer dans cette voie, madame la ministre, et je ne doute pas que vous trouverez d'excellents gages pour tendre vers ce surcroît de sincérité.
La sincérité, nous l'avons un peu « payée » ici, au Sénat, puisque vous avez apporté des correctifs à la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers ainsi qu'à la taxe spéciale sur les conventions d'assurance pour compenser les charges sociales liées au transfert aux départements et aux régions des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS. Cela a dégradé d'une centaine de millions d'euros le solde budgétaire.
En dépit de cet effort coûteux de sincérité, nous sommes parvenus à un meilleur équilibre : le Sénat a réduit le solde de 7 millions d'euros.
Mes chers collègues, je vous rends attentifs à l'engagement que nous avons pris de dégager au moins 20 millions d'euros d'économies lors de l'examen des crédits des différentes missions. C'est une condition de l'équilibre quelque peu subtil auquel nous sommes parvenus pour atténuer les conséquences néfastes, et même assez violentes, des variables d'ajustement qui avaient permis de maîtriser l'évolution de la DGF sur la base du pacte de stabilité et de croissance. Je fais confiance aux rapporteurs spéciaux et aux rapporteurs pour avis pour que cet engagement soit tenu. Peut-être irons-nous même au-delà de ces 20 millions.
Pour conclure, permettez-moi d'exprimer des remerciements, en commençant par vous, monsieur le président, sans oublier celle et ceux qui se sont succédé au fauteuil de la présidence depuis le début de la discussion budgétaire.
Je remercie également les services de la séance et des comptes rendus, qui font un travail extrêmement délicat et subtil, et à qui je tiens à rendre hommage.
Mes remerciements vont aussi, bien sûr, aux membres du Gouvernement. Je sais, madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, que vous avez vécu un vrai déchirement puisque vous avez dû accompagner le Président de la République en Chine. Mais nous avons compris que ce voyage avait été fructueux ; aussi, nous ne vous en tiendrons pas rigueur ! (Sourires.)
Je remercie également M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Je ne saurais oublier Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui est venue hier après-midi nous encourager à trouver des réponses équitables aux difficultés des collectivités territoriales.
Les membres du Gouvernement ont manifesté une totale disponibilité, se sont montrés à l'écoute et ont toujours fait preuve de la plus grande courtoisie, ce qui nous a permis d'avancer dans un climat de partenariat et de vraie confiance. Cela me paraît tout à fait prometteur.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je remercie aussi vos collaborateurs et vos services, ainsi que ceux du ministère de l'intérieur. Tous ont également témoigné d'une parfaite disponibilité, notamment en multipliant les simulations - je pense en particulier à la direction générale des collectivités locales -, qui nous ont beaucoup aidés.
Je remercie enfin l'ensemble de mes collègues qui ont pris part à ces débats, et au premier chef le rapporteur général, Philippe Marini. Chaque année, nous pensons qu'il est arrivé au meilleur niveau, mais il progresse encore ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avec talent et un sens aigu de la pédagogie, il a bien souvent éclairé nos délibérations. De plus, il n'est pas suspect de complaisance à l'égard du Gouvernement, ce qui est, je crois, une vraie marque de considération et de soutien à ce dernier.
Je veux dire aussi ma gratitude aux rapporteurs spéciaux qui ont déjà été mis à contribution.
Je pense particulièrement à M. Michel Mercier, pour les collectivités territoriales. La tâche était particulièrement difficile. Au total, les dispositions que nous avons réussi à mettre au point sont le fruit d'une belle imagination et traduisent un souci de rendre plus acceptable cette avancée brutale dans la rigueur budgétaire pour les collectivités territoriales. Que M. Michel Mercier en soit très sincèrement remercié.
Je pense encore à Denis Badré, qui est intervenu ce matin dans le débat sur la participation de la France au budget des communautés européennes, et à Paul Girod, qui s'est exprimé ce soir dans le débat sur l'évolution de la dette.
Monsieur le rapporteur général, vous serez d'accord avec moi pour remercier nos propres collaborateurs de leur dévouement absolu et de leur extrême professionnalisme. (M. le rapporteur général fait un signe d'assentiment.) Vraiment, nous avons beaucoup de chance de pouvoir nous appuyer sur des femmes et des hommes aussi compétents.
J'espère que le Sénat est désormais en mesure de voter, dans la satisfaction et la confiance, l'article d'équilibre. Cela nous permettra, dès demain, de passer à l'examen des crédits des différentes missions. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, je vais rompre l'harmonie qui régnait jusqu'à présent ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Tous les grands indicateurs économiques sont alarmants. Cela n'a pas empêché Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi d'annoncer devant le Sénat, au début de la discussion de cette première partie de la loi de finances : « Tous les moteurs de la croissance sont opérationnels. »
Nous, nous constatons pourtant que le supersonique annoncé par le président de la République voilà sept mois ne décolle pas !
En fait, le Gouvernement persévère dans sa faute originelle, son acte premier et majeur, je veux parler de la loi estivale dite TEPA. Il s'est mis dans l'incapacité d'utiliser efficacement l'arme budgétaire pour remettre à niveau notre appareil productif et assurer les solidarités nécessaires à la cohésion nationale.
Voici un catalogue, rapide mais révélateur, des mesures adoptées en première partie de la loi de finances et des choix du Gouvernement et de sa majorité : assouplissement et extension des pactes d'actionnaires visant à contourner l'impôt - que ce soit l'impôt sur le revenu ou l'impôt de solidarité sur la fortune -, prélèvement libératoire étendu aux dividendes, -vous vous acharnez encore une fois sur le seul impôt progressif et redistributif de notre fiscalité, l'impôt sur le revenu ! -, suppression de l'impôt de bourse proposé pour 2009 par les députés, mais avancé par la majorité sénatoriale au 1er janvier 2008 avec l'accord complice du Gouvernement.
Dans le même temps, la majorité n'a pas craint de supprimer deux mesures votées par les députés sur l'initiative de M. Didier Migaud, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale : l'une en faveur de l'épargne solidaire - là, la majorité a fait montre d'une mesquinerie assez inventive ! -, l'autre visant à réduire l'avantage fiscal du régime dit des « parachutes dorés ».
Il faut réserver un sort particulier - qui a retenu nombre d'entre nous et longuement au cours de la discussion - au doublement du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt. Cela ne correspond ni aux besoins de tous ceux qui ne trouvent pas à se loger décemment à un prix compatible avec leurs revenus ni à l'état de nos finances publiques. En année pleine, ce sont tout de même, je le rappelle, 800 millions d'euros qui partiront en fumée !
Vous renoncez à utiliser le budget pour répondre à une demande populaire d'augmentation du pouvoir d'achat, alors que vous auriez pu le faire au travers de la prime pour l'emploi. En juillet, vous avez misé sur les heures supplémentaires avec la loi TEPA, mécanisme trompeur qui se révèle être une fiction. Dans son propos liminaire, Mme Lagarde nous a dit qu'il fallait compter sur les règles de la concurrence pour faire baisser les prix. Au moment où matières premières, denrées alimentaires et énergies fossiles flambent, ce n'est plus de l'optimisme, c'est, ni plus ni moins, de l'autisme !
Quant au sort réservé aux collectivités locales, vous vous êtes livrés à des contorsions pour amoindrir quelque peu - mais si peu ! - les effets du sérieux coup de canif porté par le Gouvernement au contrat de stabilité et de croissance en ce qui concerne les dotations d'ajustement venant compenser la taxe professionnelle et l'exonération de taxe sur le foncier non bâti. Le choc sera néanmoins brutal pour les communes, et vous ne pouvez pas l'ignorer.
Pour ce qui est de la dotation de solidarité urbaine, c'est carrément un coup de couteau que vous lui avez porté en ne respectant pas la norme de progression à laquelle le précédent gouvernement s'était engagé jusqu'en 2009 auprès des communes de banlieue. Les tragiques événements de Villiers-le-Bel devraient tous nous faire réfléchir !
Gaspillages, injustices, inconséquences, prévisions artificielles concernant le déficit et la dette... La potion sera amère pour les Français ! Nous le regrettons pour eux et, en votant contre cette première partie du projet de loi de finances, nous sommes dans notre rôle d'opposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2008 a permis au Gouvernement et au groupe UMP de réaffirmer et de concrétiser leur engagement en faveur de l'emploi, du pouvoir d'achat et de la croissance.
Le projet de budget pour 2008 intègre ainsi les mesures fiscales votées l'été dernier dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.
Nous avons aménagé et complété certaines de ces dispositions, comme celles qui sont relatives aux intérêts d'emprunts immobiliers et à l'investissement dans les PME.
Notre groupe tient à souligner le pragmatisme dont a fait preuve notre commission des finances dans ce domaine. Nous saluons en particulier le souci du rapporteur général, Philippe Marini, de faire en sorte que les dispositifs adoptés soient bien compris, bien encadrés et bien appliqués.
Comme lui, nous considérons que l'esprit de transparence et de performance de la LOLF ne doit pas se limiter aux dépenses inscrites dans les missions et les programmes ; il doit aussi s'étendre aux dépenses fiscales.
Grâce à lui et au président Jean Arthuis, ainsi qu'au Gouvernement, dont nous saluons l'esprit d'ouverture, nous avons pu améliorer et compléter un certain nombre de dispositions touchant aussi bien à la fiscalité des personnes qu'à la fiscalité des entreprises.
Nous nous félicitons, par ailleurs, de la reconduction de la prolongation des dispositifs de remboursement partiel de TIPP et de TICGN, la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, au profit des exploitants agricoles. Cette mesure était très attendue par la profession, qui doit, chacun le sait, faire face à l'augmentation du coût des carburants.
En matière de biocarburants, l'aménagement du dispositif de défiscalisation proposé par la commission des finances nous est apparu comme un compromis équitable.
Dans un domaine très différent, le Sénat a adopté un amendement du groupe UMP qui vise à permettre au pouvoir réglementaire de fixer les conditions financières des redevances de téléphonie mobile de troisième génération. Nous l'avons souligné à cette occasion, l'arrivée d'un nouvel opérateur ne peut que renforcer la concurrence et donc avoir des effets bénéfiques sur le pouvoir d'achat, sujet qui est actuellement au coeur des préoccupations du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.
Enfin, nous avons longuement évoqué la question des ressources des collectivités locales.
Dans le cadre contraint du nouveau contrat de stabilité, nous avons préservé la dotation globale de fonctionnement, qui continuera de progresser au rythme de l'inflation plus la moitié du taux de croissance prévisionnel, soit 2,08% en 2008.
En outre, sur proposition de la commission des finances, nous avons limité les baisses des dotations de compensation, en particulier pour les départements les moins favorisés.
Le dispositif présenté par le rapporteur général est complexe, mais il est équitable et évite une mise en cause brutale de l'équilibre global des budgets locaux. Il marque ainsi un progrès réel par rapport au projet de loi soumis à notre Haute Assemblée. Toutefois, il révèle également les limites d'un système de financement à bout de souffle qu'il faudra songer à réformer en profondeur.
M. François Marc. C'est vrai !
M. Bernard Fournier. Les collectivités territoriales sont soumises à des contraintes financières et réglementaires croissantes. Elles doivent aussi faire face à une forte augmentation de leurs dépenses pour répondre à leurs obligations et aux besoins de la population, notamment en matière sociale et médico-sociale.
Madame la ministre, monsieur le ministre, nous avons noté avec satisfaction la volonté du Gouvernement de clarifier les relations entre l'État et les collectivités territoriales, et de réformer la fiscalité locale.
Soyez assurés de l'attention que le groupe UMP portera aux travaux qui seront menés en ce sens au sein de la conférence nationale des exécutifs et dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires.
Cette RGPO sera aussi l'occasion de remettre à plat notre politique fiscale dans sa globalité, afin de lui redonner du sens, de la cohérence et de l'efficacité.
C'est dans cette perspective que le groupe UMP votera la première partie du projet de loi de finances pour 2008 telle qu'elle résulte des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, un quotidien économique a titré ces jours derniers : « Le Sénat fait bouger les lignes sur le budget ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien vrai !
M. Bernard Vera. À l'examen du projet de loi, ce que nous relevons surtout, au fil des articles modifiés ou ajoutés par notre assemblée, ce sont des dispositions aussi prioritaires que la suppression de l'impôt de bourse, de nouveaux aménagements de la fiscalité des transmissions, qui n'ont bien entendu de sens que lorsque les transmissions engendrent de la fiscalité, ou encore la possibilité, pour un opérateur de téléphonie privé, de se voir attribuer une licence UMTS.
S'agissant du pouvoir d'achat, la seule disposition significative concerne la possibilité qui est laissée aux salariés percevant la prime pour l'emploi de demander le versement mensuel de cette prime, dont le niveau moyen annuel est, je le rappelle, de 400 euros par foyer fiscal.
Enfin, nous n'observons pas de « bougé » significatif concernant les collectivités locales. Le dispositif qui a été voté par le Sénat sur proposition de la commission des finances, et dont le coût est d'environ 100 millions d'euros, présente un double caractère. D'une part, il s'agit d'un enrobage légèrement sucré de l'amère pilule de la réduction des concours budgétaires aux collectivités locales ; d'autre part, il atteste sans équivoque la grande inquiétude des élus locaux de toutes tendances sur l'évolution des rapports entre l'État et les collectivités locales. C'est l'amendement du moindre mal !
Mais ce dispositif ne change rien à l'objectif que poursuit le Gouvernement avec ce projet de loi de finances : faire supporter à d'autres une partie de son déficit.
Les élus locaux, avec ce texte, se voient présenter la facture de la loi TEPA et des cadeaux fiscaux votés cet été !
Mais, dans la démarche du Gouvernement, les salariés et les retraités sont les grands oubliés !
Alors qu'un sondage récent vient de montrer que, pour 85 % des Français, la baisse de la TVA est la mesure prioritaire pour renforcer le pouvoir d'achat et que, pour 83 % d'entre eux, il est nécessaire de baisser la TIPP, que fait-on ? On supprime l'impôt de bourse, on aménage le régime des plus-values, on allège la fiscalité des patrimoines !
Que pèse, alors, la réduction d'impôt sur les emprunts immobiliers, qui permettra manifestement aux établissements prêteurs de relever leurs taux d'intérêt ?
Priorité donc au pouvoir d'achat, mais uniquement à celui des hauts revenus, et aux choix de gestion des plus grandes entreprises !
La France est en faillite, selon le Premier ministre, et pourtant la majorité ne songe qu'à poursuivre avec obstination ce qu'elle fait depuis cinq ans, c'est-à-dire offrir des cadeaux et des exonérations en tout genre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour les riches !
M. Bernard Vera. Aucune proposition porteuse de changement n'est inscrite dans ce texte en direction des salariés et des retraités.
Si le Sénat avait vraiment voulu faire « bouger les lignes », il aurait voté la baisse du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ; il aurait voté le plafonnement des réductions d'impôt cumulatives, qui constituent un cadeau aux plus hauts revenus ; il aurait voté la suppression du bouclier fiscal et n'aurait pas adopté le super-cadeau fiscal s'appliquant aux dividendes, qui va « plomber » tous les ans les comptes publics de 400 millions d'euros à compter de 2009 !
Dans le droit fil de la loi TEPA, ce projet de loi de finances est un texte libéral qui fait payer au plus grand nombre la facture des cadeaux accordés à une minorité de privilégiés et aux grands groupes financiers et industriels.
En effet, la première partie de ce projet de loi de finances masque avec peine le fait que la deuxième partie, relative aux dépenses, est particulièrement amère ! Une bonne partie des cadeaux jusqu'ici votés trouve une traduction concrète : baisse des crédits accordés à la politique de la ville, baisse des dépenses d'action sociale, baisse des crédits destinés au développement des transports collectifs, ce qui va à l'encontre des engagements du Grenelle de l'environnement, sans oublier la diminution des effectifs de l'État, la fusion-destruction de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, c'est-à-dire du Trésor public, ou encore la coûteuse et désastreuse réforme de la carte judiciaire !
Fiscalité détournée en première partie, mépris des besoins collectifs annoncés en deuxième partie : rien ne peut nous conduire à autre chose qu'à un rejet sans ambiguïté de la partie consacrée aux recettes du projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2008 est le premier de la législature censé traduire les engagements de campagne du nouveau Président de la République. Or force est de constater qu'en réalité ce budget n'est que la poursuite de la politique menée depuis 2002.
La loi TEPA, votée cet été, en est également l'illustration. Elle prive nos finances publiques de 15 milliards d'euros, le Gouvernement faisant le pari très risqué que les contribuables « allégés » réinjecteront leur argent dans la consommation. Mais le taux d'épargne des Français, qui devrait atteindre cette année plus de 15 %, est l'un des plus élevés de l'Union européenne, nos concitoyens ayant un comportement d'accumulation patrimoniale. Il s'agit pour eux, en quelque sorte, d'« épargner plus pour dépenser moins » : c'est le risque que vous prenez, madame le ministre.
Le choc de croissance que le Gouvernement espère pourrait ne pas être au rendez-vous. D'ores et déjà, les prévisions pour 2008 sont contestées par de nombreux instituts indépendants. Le projet de loi de finances est bâti sur l'hypothèse d'une croissance de 2,25 %, alors que les conjoncturistes s'accordent plutôt sur le chiffre de 2 %. La flambée du pétrole et, dans une moindre mesure, la crise des subprimes aux États-Unis affecteront notre économie. La croissance pour 2007 devrait se contracter pour n'atteindre que 1,8 %, alors que vous annonciez ici même, l'année dernière, madame la ministre, un taux de 2,25 %.
Au terme de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, que constate-t-on ? Finalement, il ne s'y trouve que peu de mesures nouvelles puisque le « paquet fiscal » avait été voté en juillet. Ce qui est certain, c'est que les choix du Gouvernement sont constants ! Les diminutions d'impôt ciblent toujours les mêmes catégories de personnes, comme en témoignent les aménagements de l'ISF adoptés ces derniers jours par votre majorité. Quant à la fiscalité des entreprises, la suppression de l'impôt de bourse était-elle vraiment opportune ?
Doit-on poursuivre dans une voie, qui, depuis cinq ans, n'a pas donné les résultats escomptés ? Certes, nous pouvons en convenir, la norme « zéro volume » limite les marges de manoeuvre budgétaires et donc financières de l'État. Mais la diabolisation du déficit ne doit pas être le prétexte, dans notre pays, à la rationalisation de nos services publics.
Je ne suis pas en train de remettre en cause le pacte de stabilité et de croissance, qui nous oblige depuis 1997, mais je regrette que celui-ci soit avant tout une question de discipline. À force de discipline, en effet, notre politique budgétaire n'est plus suffisamment réactive. Déjà, l'année dernière, j'invitais le Sénat à méditer sur les travaux de la délégation pour la planification, que préside notre excellent collègue Joël Bourdin. Celle-ci recommandait alors la nécessaire coordination des politiques financières et budgétaires européennes.
Aujourd'hui plus que jamais, nous pensons que la conduite de politiques nationales de compétitivité et d'attractivité, au détriment de politiques coopératives, nuit à la croissance de la zone euro.
De plus, est-il durablement supportable que l'Europe n'ait pas plus d'influence sur sa banque centrale, s'agissant des taux d'intérêt, des taux d'inflation et des taux de change ?
Cette politique monétaire, dont on perçoit l'absence de réactivité aux évolutions de l'euro, par contraste avec la politique menée par les États-Unis, est d'autant plus préoccupante que le niveau et la variation du taux de change pénalisent notre tissu industriel.
Contrairement à une idée reçue, plus que la mondialisation, c'est la rigidité des règles de gouvernance que s'imposent les États membres qui affaiblit l'économie européenne. Contraints par le principe de l'unanimité, nous nous interdisons la possibilité de décisions immédiates qui nous permettraient de répondre rapidement aux aléas monétaires.
Actuellement confrontées au problème d'un euro fort, nos entreprises perdent chaque jour en compétitivité. Même l'Allemagne, qui semblait jusqu'alors moins pénalisée, souhaite aujourd'hui un assouplissement des règles monétaires. Il est urgent, madame la ministre, que l'Europe se dote d'outils permettant véritablement de coordonner sa politique pour plus d'efficacité.
En attendant, puisqu'il ne s'agit ici que de l'échelon national, je jugerai le projet de loi de finances à l'aune de ce que nous propose le Gouvernement. Les conditions ne me semblent pas réunies pour donner à nos concitoyens, sinon un choc de confiance, au moins un peu d'espérance. C'est la raison pour laquelle mes collègues radicaux de gauche et moi-même ne voterons pas cette première partie du projet de loi de finances. Mais je tiens à préciser que les autres membres du RDSE, qui en font sans doute une autre lecture, accorderont leur confiance au Gouvernement.