M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah!
M. Éric Woerth, ministre. S'il a fallu tout ce temps, c'est parce qu'il a été procédé à la consultation des structures intéressées, ce qui est toujours un peu long, mais cette consultation a largement porté ses fruits puisqu'elle a conduit à un assouplissement des conditions liées à l'ouverture au public, et ce quel que soit le montant des recettes commerciales tirées de l'exploitation du monument, et a permis un financement par le mécénat de la réalisation de travaux d'accessibilité pour les personnes handicapées.
Ces avancées, qui ont fait l'objet d'une concertation très longue avec l'ensemble des associations et organisations concernées, devraient satisfaire le Sénat.
S'agissant de l'amendement lui-même, qui vise donc à inciter les redevables de l'ISF à financer dans le cadre du mécénat la restauration de monuments historiques, nous n'y sommes pas favorables, monsieur le rapporteur général, pour la raison que j'évoquais déjà à propos de l'amendement de M. Arthuis : le Gouvernement et, me semble-t-il, la majorité parlementaire ont souhaité concentrer le dispositif sur l'économique et nous sommes là aux franges de l'économique.
Mme la présidente. Monsieur Arthuis, l'amendement n° I-44 est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu les arguments qui, selon vous, s'opposent à l'adoption de l'amendement que je soumets au Sénat.
S'agissant d'abord de la question de savoir si les entreprises que je vise sont ou non dotées d'une structure juridique capitalistique, puisqu'elles sont sous statut coopératif ou sous statut de SARL, il n'y a pas, à cet égard, d'équivoque, mais vous observez que leur vocation les exclut du dispositif puisqu'il a été prévu que la gestion et la location d'immeubles ne seraient pas éligibles.
Cependant, monsieur le ministre, ce qui a été prévu avait pour objet d'éviter l'abus qui aurait consisté à placer un patrimoine immobilier dans une société qui aurait ainsi servi, en quelque sorte, de réceptacle à l'ISF supposé être payé au trésor public.
Moi, je vise des sociétés d'une nature toute particulière, totalement désintéressées, et dont les promoteurs, d'imprégnation très humaniste, s'efforcent de répondre à une attente de logement social.
Mes chers collègues, dans quelques semaines, il nous faudra tenter de faire vivre le droit opposable au logement. Or, s'il n'y a pas quelques opérateurs dotés d'un statut particulier pour nous y aider - et les entreprises solidaires à vocation sociale, à mon avis, répondent à notre préoccupation -, nous serons confrontés aux pires difficultés et nous devrons mobiliser des fonds publics.
Il me semble donc justifié qu'une petite partie de l'ISF aille au financement de logements sociaux gérés dans ce cadre, qui, certes, n'est pas associatif puisqu'il s'agit de sociétés, mais de sociétés dont l'esprit, incontestablement, n'est pas lucratif.
J'espère faire partager à mes collègues la sympathie que j'ai pour ce type d'entreprise, raison pour laquelle, monsieur le ministre, dans ce cas particulier - et vous savez pourtant à quel point je souhaite aller à la rencontre de vos demandes ! - je maintiens mon amendement afin que le Sénat puisse se prononcer.
M. Michel Sergent. Très bien !
Mme Nicole Bricq. À l'unanimité !
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de modifier l'amendement n° I-17 dans le sens souhaité par M. le ministre ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La question était de savoir si les obligations convertibles pouvaient être considérées comme éligibles. M. le ministre nous répond que, dès lors qu'elles ont été converties en actions, ces obligations sont éligibles.
Je ne sais pas, monsieur le ministre, si c'est réellement une avancée, car, évidemment, dès lors qu'elles ont été converties en actions, ce sont des actions...
La question à laquelle cet amendement vise à répondre se situe en amont, c'est-à-dire au moment du financement des projets. Or, à ce moment-là, il y a bien une dualité d'instruments, et les obligations convertibles vont vivre comme obligations pendant quelques années avant de se dénouer en actions. C'est l'effet de levier.
Je remercie M. le ministre du pas qu'il a fait dans notre direction, mais s'agit-il vraiment d'un pas en avant ? J'ai l'impression qu'il nous redit autrement, avec beaucoup d'amabilité, les dispositions du droit existant, et j'ai donc un peu scrupule à accepter la modification proposée.
Au demeurant, monsieur le ministre, nous reparlerons tout à l'heure, sur l'initiative de Philippe Adnot, d'un facteur de forte limitation de ce dispositif fiscal, ce qui nous amènera à vous demander votre appréciation sur la question de savoir si nous sommes ou non sous le plafond de minimis. Là encore, donner et retenir ne vaut.
Ce dispositif a fait naître beaucoup d'espoirs et il peut nous laisser escompter, comme le disait Pierre Laffitte, que des personnes physiques s'intéresseront réellement à la création d'entreprises. Mais, si tout est trop corseté, je crains que nous n'assistions pas à l'apparition de vrais business angels à la française !
Si une émission d'obligations convertibles porte sur un produit qui ne peut se dénouer qu'en actions, n'est-il pas possible de considérer que les obligations convertibles sont éligibles ou, à la limite, de les prendre en compte à 50 %, et non pas à 100 %, de leur valeur ? Ce serait un geste encourageant en direction des fonds d'investissement de proximité.
Je suis confus, monsieur le ministre, de faire durer la discussion sur ce sujet, mais il me paraît important.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n'est pas favorable à l'intégration dans le dispositif des obligations convertibles. Tant qu'elles sont des obligations, elles restent, d'une certaine façon, des prêts.
En revanche, monsieur le rapporteur général, votre amendement prend tout son intérêt dès lors qu'après leur conversion les obligations deviennent des actions.
Il ne faut pas trop élargir un dispositif auquel l'Assemblée nationale et le Sénat ont donné un cadre de fonctionnement très précis : orienté vers les entreprises commerciales, il concerne les souscriptions au capital. J'imagine qu'une multitude de produits financiers pourraient s'y engouffrer, mais, sous peine de s'effilocher, le dispositif doit rester spécifique pour conserver toute sa puissance.
Nous faisons bien, monsieur le rapporteur général, un pas vers vous, puisque les actions issues de la conversion d'obligations ne sont pas éligibles aujourd'hui. C'est dans cette limite que nous acceptons votre amendement, dont on conçoit bien l'intérêt qu'il pourra présenter pour un investisseur qui souscrit des obligations convertibles.
Ce faisant, le Gouvernement va aussi loin qu'il peut le faire sans fragiliser le dispositif que la Haute Assemblée elle-même a voté. Je suggère donc, monsieur le rapporteur général, que vous remplaciez les mots : « ou d'obligations convertibles » par les mots : « ou de titres reçus en contrepartie d'obligations converties ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est logique !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me résigne et j'accepte la rectification, mais je reviendrai à la charge !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° I-17 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, qui est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa (2°) de cet article, insérer un 1° bis ainsi rédigé :
1° bis Dans le premier alinéa du III, après les mots : « reçus en contrepartie de souscriptions au capital », sont insérés les mots : « ou de titres reçus en contrepartie d'obligations converties » ;
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-18 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le retire, madame la présidente, mais je le représenterai à une autre occasion.
M. Michel Charasse. La menace plane !
Mme la présidente. L'amendement n° I-18 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9 bis
Mme la présidente. L'amendement n° I-223, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 150-0 D ter du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - 1. L'imposition de la plus-value retirée de la cession à titre onéreux des titres mentionnés aux articles L. 225-177, L. 225-179 et L. 225-180 du code de commerce est réduite d'un abattement à due concurrence, dans la limite de 15 %, des versements effectués par le redevable au titre de la participation au financement d'une structure publique ou privée d'incubation d'entreprises, de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l'exercice de l'activité, à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières.
« L'alinéa précédent ne s'applique qu'aux plus-values supérieures à 1 million d'euros.
« 2. La société bénéficiaire des versements mentionnée au 1 doit satisfaire aux conditions mentionnées au deuxième alinéa du 1. du I. de l'article 885-0 V bis. Elle doit en outre satisfaire l'une des conditions suivantes :
« a) Avoir réalisé, au cours des trois exercices précédents, des dépenses cumulées de recherche visées aux a à f du II de l'article 244 quater B d'un montant au moins égal au tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours de ces trois exercices ;
« b) Justifier de la création de produits, procédés ou techniques dont le caractère innovant et les perspectives de développement économique sont reconnus, ainsi que le besoin de financement correspondant. Cette appréciation est effectuée pour une période de trois ans par un organisme ou une agence pour l'aide à l'innovation désigné conjointement par le ministre en charge des finances et le ministre en charge de la recherche.
« 3. Les versements ouvrant droit à l'avantage fiscal mentionné au 1 sont ceux effectués entre la date limite de dépôt de la déclaration de l'année précédant celle de l'imposition et la date limite de dépôt de la déclaration de l'année d'imposition.
« 4. La fraction du versement ayant donné lieu à l'avantage fiscal mentionné au 1 ne peut donner lieu à l'une des réductions d'impôt sur le revenu prévues à l'article 199 terdecies-0-A.
« 5. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné au respect de celles du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le dépôt de cet amendement est motivé par la corrélation entre croissance et innovation.
Le Président de la République et le Premier ministre souhaitent à juste titre 1 % de croissance en plus : c'est possible, à condition de le vouloir et d'innover !
Le développement de l'innovation, qui résulte pour une grande part de l'action des sociétés innovantes, est une priorité absolue pour la croissance, et a été défini comme telle dans le processus de Lisbonne, pour les vingt-sept pays de l'Europe, et pour la France en particulier.
Comment fonctionne l'innovation ?
Les différentes étapes depuis l'idée innovante pour préparer les projets, notamment avec l'aide d'incubateurs publics, privés ou mixtes, jusqu'aux premiers stades de développement des sociétés créées, sont des périodes délicates et les plus négligées. En France, le financement correspondant est rare, qu'il s'agisse d'argent public ou privé. Il est coutume d'appeler ce financement love money, l'argent de l'amour, ou plutôt de l'amitié, car ce sont des parents, des amis, des business angels qui l'assurent, autrement dit, des « investisseurs providentiels », mais, malheureusement, le terme français n'est pas entré dans les moeurs, sans doute au grand dam de notre collègue Jacques Legendre...
On estime à environ 1 000 le nombre de ces business angels en France ; ils seraient 5 000 en Angleterre, 100 000 aux États-Unis, et ils y sont évidemment beaucoup plus riches.
Une entreprise française innovante, qui va donc créer de l'emploi, de la richesse, de la croissance, en quête de financement trouve difficilement 100 000 euros ou 200 000 euros. Aux États-Unis, un projet de même nature est financé facilement à hauteur de 100 ou 200 millions de dollars.
Comment, dans ces conditions, les porteurs de projets très innovants ne concluraient-ils pas qu'ils doivent aller chercher ailleurs de meilleures opportunités de capitalisation, sous peine de voir d'autres se lancer dans cette innovation et la développer nettement mieux et plus vite ?
Il s'agit là d'un phénomène majeur. Il faut développer le financement initial et multiplier le nombre de business angels.
Cet amendement permettrait d'inciter fiscalement les contribuables tirant un bénéfice de la cession de stock-options, par exemple, à investir dans des sociétés innovantes, reconnues comme telles par toutes les autorités de l'État.
Ce processus présenterait l'avantage d'apporter non seulement le financement, mais aussi de mobiliser les compétences et les réseaux de relations des personnes ayant vendu leurs stock-options.
De plus, l'adoption de cet amendement aurait un effet bénéfique en transformant les bénéficiaires de stock-options en business angels. Sur le plan de l'éthique, leur faire prendre de grands risques initiaux compenserait le fait que de nombreuses critiques sont suscitées par certaines pratiques excessives en matière de stock-options. Il importe en effet de favoriser de manière beaucoup plus importante le financement en France des jeunes entreprises innovantes, les JEI. Alors que l'innovation constitue l'enjeu le plus crucial pour notre économie, les moyens en la matière manquent cruellement. Mais leur financement est socialement utile.
Il existe déjà dans notre pays plusieurs procédures en faveur du financement de l'innovation, notamment les fonds communs de placement pour l'innovation, les FCPI. Toutefois, force est de constater que, sur plus de 1 milliard d'euros de crédits collectés grâce à des avantages fiscaux, moins de 50 millions d'euros sont réservés au financement initial, qui est pourtant le stade le plus crucial pour ces entreprises.
Le dispositif que je propose permettrait de tripler, voire de quadrupler, les montants destinés au financement initial, lequel, je le répète, nous fait aujourd'hui le plus cruellement défaut. Pour limiter les risques, j'ai introduit un seuil de 1 million d'euros.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur Laffitte, l'amendement n° I-223 tend à permettre aux contribuables tirant un bénéfice de la cession à titre onéreux de stock-options, pour un montant supérieur à un million d'euros, d'imputer, dans la limite de 15 % de la plus-value, leur imposition au financement de jeunes entreprises innovantes.
Si la commission des finances juge cette démarche intéressante dans son principe, elle estime que son application soulèverait un certain nombre de difficultés.
Tout d'abord, il s'agit bien de ne faire bénéficier d'un tel avantage que les jeunes entreprises innovantes. Comme vous le savez, mon cher collègue, ce statut a été défini voilà deux ou trois ans de manière relativement restrictive.
M. Michel Charasse. Et laborieuse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument, monsieur Charasse !
Pour ma part, je ne dispose d'aucun historique réel sur cette catégorie qui me permette de connaître le nombre de jeunes entreprises innovantes bénéficiant du régime fiscal adéquat ainsi créé en termes d'impôt sur les sociétés.
Monsieur le ministre, il serait utile que l'administration nous éclaire sur ce point, pour que nous soyons en mesure de savoir si une démarche véritablement focalisée sur les seules JEI, au sens du droit fiscal, serait pleinement efficace.
Ensuite, tel que l'amendement est conçu et rédigé, je me demande si le Conseil constitutionnel accepterait, au regard du principe d'égalité devant l'impôt, de réserver ce régime favorable aux seules personnes ayant constaté une plus-value très importante, supérieure à un million d'euros, car l'effet de seuil serait alors extrêmement brutal.
Telles sont les questions que nous nous posons, tout en reconnaissant les mérites de votre démarche, mon cher collègue, et en souscrivant, bien entendu, à la finalité qui est la vôtre. Nous souhaitons donc obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Laffitte, le Gouvernement a pris connaissance de votre amendement avec beaucoup d'intérêt, mais, en l'état, il semble difficilement applicable. Il s'agit donc plutôt d'un amendement d'appel, pour nous inciter à travailler plus en profondeur sur ce sujet. Je tiens néanmoins à saluer votre souci de l'innovation, sur le plan tant scientifique que financier.
En réalité, l'adoption de cet amendement reviendrait à envoyer un signal selon lequel les stock-options bénéficient d'un allégement de fiscalité. Malgré l'objectif, louable, qui est le vôtre, de développer le financement des entreprises innovantes, in fine, la mesure serait perçue comme une nouvelle échappatoire en la matière.
Au demeurant, le régime des stock-options a fait l'objet d'un débat approfondi lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Les conditions retenues, notamment en termes de charges sociales et de taux de cotisation, semblent relativement équilibrées. Après moult discussions, après examen de nombreux amendements, nous avons finalement décidé que ces stock-options donneraient lieu à des contributions patronale et salariale.
Par conséquent, il ne me semble pas judicieux de rouvrir aujourd'hui ce débat, au détour d'une question sur le financement de l'innovation. En outre, nous partageons l'avis de M. le rapporteur général sur le risque probable d'inconstitutionnalité, qu'il ne faut pas mésestimer.
Pour autant, monsieur le sénateur, en complément des dispositifs déjà existants en faveur du financement de l'innovation, que vous avez évoqués, je suis tout à fait prêt à travailler en liaison avec mes collègues de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'une part, et de l'économie, des finances et de l'emploi, d'autre part, pour essayer de trouver des moyens de financement supplémentaires. À mon avis, des possibilités de convergence existent certainement dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le rapporteur général, je suis totalement d'accord avec vous sur le risque d'effet de seuil. Je suis donc prêt à supprimer l'alinéa limitant le dispositif aux plus-values supérieures à un million d'euros, lequel n'avait pour but que de simplifier la tâche des services fiscaux, en restreignant le nombre des personnes susceptibles d'être concernées par une telle possibilité.
Du reste, ce qui me paraît fondamental dans cet amendement, comme, d'ailleurs, dans l'amendement n° I-220 que je défendrai tout à l'heure, c'est le fait de favoriser un contact direct entre les innovateurs et les investisseurs financiers, c'est-à-dire entre des personnes et non pas des structures.
En effet, dès qu'il s'agit de structures, on constate que les sommes prévues pour l'investissement, notamment dans le cadre de fonds communs de placement pour l'innovation, restent bloquées, parfois pendant plus de deux ans.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Pierre Laffitte. De plus, ces fonds ne sont que rarement utilisés dans le cadre du financement initial, qui constitue pourtant, je le répète, un stade absolument crucial.
Si nous parvenions à mettre en place, en France, un système favorisant l'investissement initial par des personnes physiques, qui plus est par des investisseurs connaissant bien le monde industriel et ayant développé des réseaux de relations importants, nous disposerions d'un outil propre à créer un effet de levier extraordinaire en matière de croissance, notamment pour l'ensemble des « capitaux-risqueurs ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr !
M. Pierre Laffitte. Ces derniers, constatant que certaines personnes ont investi dans la société sur laquelle ils ont entamé une procédure de due diligence, pourraient être incités à s'engager beaucoup plus rapidement encore sur le plan financier.
C'est sur cette philosophie de mise en contact direct des individus que j'insiste tout particulièrement, car, à mon sens, c'est par ce biais que se créent les conditions de la croissance et de son développement.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai déposé cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur Laffitte, vous l'avez souligné fort justement, le rôle des individus est essentiel en la matière. C'est d'ailleurs la position de fond adoptée par la commission des finances.
Vous le savez, nous avons résisté aux sollicitations, pourtant puissantes, qui s'exerçaient sur nous pour nous inciter à accepter un système d'intermédiation par le moyen de réseaux bancaires, de dispositifs largement répartis sur le territoire.
La déduction de 50 000 euros au titre de l'ISF, promue par le président de la République, Nicolas Sarkozy, est bien une mesure de cette nature : elle relève de l'affectio societatis, d'un engagement personnel direct.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce contact entre les individus et les entreprises, notamment dans le cadre d'une création d'entreprise technologique, est extrêmement important. Cet élément est au coeur du dispositif, et vous avez mille fois raison de nous le rappeler.
C'est en vertu de cette analyse que nous avons émis un avis favorable sur votre second amendement portant sur les incubateurs, que nous allons examiner un peu plus tard.
Toutefois, le présent amendement, relatif aux JEI, nous pose problème, dans la mesure où le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi ne semble pas être en mesure de nous dire quel a été le succès d'un tel statut juridique.
Je voudrais savoir ce qu'il en est véritablement : on nous parle, selon les années, de JEI, de gazelles ou de je ne sais quoi encore ; il s'agit, à chaque fois, de sous-régimes ou de sous-segments définis dans des conditions toujours assez aléatoires. Cette façon de procéder ne nous satisfait pas.
En revanche, sur votre amendement suivant, que vous n'avez pas encore présenté mais dont vous avez déjà indiqué la substance - il concerne les incubateurs et la création d'entreprises -, nous avons émis un avis favorable, comme j'aurai l'occasion de le dire tout à l'heure.
Cela étant, votre propos me permet d'insister sur le fait que la commission des finances demeure tout à fait hostile aux dispositifs d'intermédiation à portée trop large en ce domaine. Nous y viendrons plus largement dans quelques instants, nous n'avons accepté que les fonds d'investissement de proximité. Pour autant, il serait tout à fait contraire à notre vision des choses d'accepter, par exemple, la diffusion de l'avantage prévu au profit de tous les FCPI.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, tout en remerciant M. Laffitte de nous avoir permis d'avoir ce débat intéressant, je vous précise qu'il existe aujourd'hui en France 1 600 JEI.
Mme la présidente. Monsieur Laffitte, l'amendement n° I-223 est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. J'ai bien entendu les remarques de M. le ministre, notamment sur le régime des stock-options adopté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Les dispositifs visés dans mon amendement, comme par ailleurs ceux des parachutes dorés, ont fait l'objet de vives critiques dans l'opinion publique, en raison de l'ampleur des montants en jeu.
Il s'agit effectivement d'un amendement d'appel destiné à faire réfléchir les responsables économiques, financiers et fiscaux. Il sera à mon sens nécessaire d'évoquer de nouveau cette connexion directe entre les entrepreneurs et les personnes qui ont d'importants moyens financiers, sans pour autant être toujours soumises à l'ISF, car il faut permettre à tous ceux qui le désirent de financer les entreprises innovantes et les incubateurs.
Nous y reviendrons, je vous le promets, mes chers collègues, monsieur le ministre. Cela étant, madame la présidente, je retire l'amendement n° I-223.
Mme la présidente. L'amendement n° I-223 est retiré.
L'amendement n° I-37 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Masson et P. Dominati, Mme Desmarescaux et MM. Darniche et Türk, est ainsi libellé :
Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 1 du II de l'article 885-0 V bis et le IV de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Si les titres sont cédés pendant le délai de conservation, pour cause de cession stipulée obligatoire par un pacte d'associés ou d'actionnaires ou pour cause de toute opération sur le capital entraînant une prise de contrôle majoritaire de celui-ci, cette condition de conservation sera considérée comme remplie, dès lors que le prix de souscription des titres cédés sera intégralement réinvesti, dans un délai maximum de six mois à compter de la réalisation effective de la cession, en souscription de nouveaux titres de sociétés exerçant une des activités mentionnées au b du 1° du I. Les titres ainsi souscrits devront être conservés jusqu'à expiration du délai de conservation qui s'appliquait aux titres cédés. »
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, nous avons adopté cet été un texte extraordinairement important dont nous pouvons espérer beaucoup de résultats en termes de renforcement des fonds propres des entreprises, donc d'investissement, donc de créations d'emplois grâce au gain de parts de marché.
Nous devons donc tout faire pour que le nouveau dispositif fonctionne convenablement et l'objet des amendements que je présente est de le parfaire.
Dans le cadre de ce dispositif, il est prévu que les titres doivent être conservés au moins cinq ans. C'est une excellente mesure, dans le sens où l'argent doit être placé de façon suffisamment stable pour que les entreprises puissent penser à l'avenir.
Cependant, cette règle soulève un léger problème : quand on place des fonds dans une start-up et que l'on passe un pacte d'actionnaires très rapidement, par exemple à l'occasion des premières levées de fonds, s'il apparaît au bout d'un an ou deux que l'entreprise a très bien marché on peut être obligé de dénouer ce pacte à l'occasion de l'arrivée d'un apporteur de capitaux beaucoup plus importants.
Or, si l'on s'en tient à la situation actuelle, ou ceux qui ont favorisé le démarrage de l'entreprise risquent de perdre leurs avantages fiscaux, ou l'entreprise sera empêchée de dénouer le pacte d'actionnaires, résultat qui serait contraire à l'objectif que nous nous sommes donné.
Je propose donc que, dans la mesure où les fonds libérés à l'occasion de la rupture seraient réinvestis dans des sociétés entrant dans la même cible, les avantages fiscaux ne soient pas remis en cause.
Monsieur le ministre, si je comprends la nécessité de faire durer les placements, il me semble que cette proposition constituerait une avancée bénéfique pour les jeunes entreprises innovantes.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission adhère à la démarche, mais s'interroge sur les modalités, car il s'agirait bien de substituer dans l'engagement des titres à d'autres titres, autrement dit on sortirait d'une entreprise pour entrer dans une autre.
Cela étant dit, la commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. C'est une proposition intéressante qui mérite d'être étudiée. Elle a l'avantage de faire tourner l'investissement, mais il faut faire preuve d'une grande vigilance sur l'emploi des fonds qui sont investis.
Je vous propose de poursuivre cette réflexion et, si vous retirez cet amendement, de prendre le temps, d'ici au collectif budgétaire, de déterminer si les inconvénients de votre proposition l'emportent ou non sur ses avantages.
Mme la présidente. L'amendement n° I-37 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Adnot ?
M. Philippe Adnot. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-37 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° I-39 rectifié, présenté par MM. Adnot, Masson et P. Dominati, Mme Desmarescaux et MM. Darniche et Türk, est ainsi libellé :
Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé : I. - Dans le premier alinéa du 1 du III de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, le pourcentage : « 50 % » est remplacé par le pourcentage : « 75 % ».II. - Dans la première phrase du 2 du même III, la somme : « 10 000 euros » est remplacée par la somme : « 50 000 euros ».
III. - La perte de recettes pour l'État résultant des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Vous vous souvenez certainement de la bataille qui a été livrée cet été pour que les fonds d'investissement de proximité puissent voir le jour. À cette occasion, un avantage différentiel a été institué selon que l'on investit directement ou que l'on passe par un fonds d'investissement de proximité.
Comme j'ai entendu dire que d'autres véhicules seraient éligibles, comme un amendement a été déposé à l'Assemblée nationale visant à permettre d'investir directement dans sa propre entreprise, j'ai pensé qu'il était utile de rappeler que le dispositif aurait été plus efficace si les montants retenus avaient été les mêmes.
Cela étant, monsieur le ministre, je ne voudrais pas que les fonds d'investissement de proximité restent en l'état si, à l'occasion de la présentation d'un prochain projet de loi, vous nous soumettiez d'autres véhicules qui présentent les mêmes avantages que l'investissement direct.
Je suis prêt à retirer cet amendement, si vous m'apportez une réponse sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'avantage doit être proportionné au risque. Ainsi doit se concevoir le raisonnement en termes constitutionnels. Cette recherche de proportionnalité a abouti à l'instauration de taux différents entre l'investissement direct et l'investissement intermédié.
Nous avons consacré cet écart dans la loi en vertu du principe de précaution, en quelque sorte, et la mesure est suffisamment sensible pour que l'on ne prenne pas de risque constitutionnel particulier.
La commission des finances, se référant aux débats qui ont déjà eu lieu dans le cadre de la discussion du projet de loi TEPA, ne pense pas que l'adoption de cet amendement soit possible. Néanmoins, elle s'en remet à l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. La proportionnalité est liée au risque, c'est pourquoi les avantages sont moindres si le choix se porte sur l'investissement intermédié, qui dilue le risque. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision d'août dernier sur la loi TEPA, a validé cette interprétation.
Si d'autres véhicules sont reconnus, ils seront soumis aux mêmes principes de droit.
Nous vous demandons donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Adnot.
Mme la présidente. Monsieur Adnot, l'amendement n° I-39 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Je vais le retirer, madame la présidente. Néanmoins, je souhaite au préalable apporter quelques explications complémentaires.
Quand on réalise un investissement direct, on peut déduire de son ISF jusqu'à 50 000 euros à concurrence de 75 % de cet investissement. Quand on investit par le biais d'un fonds d'investissement de proximité, l'avantage est alors plafonné à 10 000 euros à concurrence de 50 % de l'investissement, mais 50 % de 60 %, c'est-à-dire 30 %. Même en adoptant le taux de 75 %, c'est-à-dire 75% de 60 %, on obtient un taux de 45 %, ce qui ménage cet écart dont parlait M. le rapporteur général.
Je peux en témoigner, puisque les levées de fonds ont commencé, ce sera un excellent outil pour le développement économique, sous réserve que l'on adopte l'amendement que je vais vous présenter dans un instant.
Pour l'heure, madame la présidente, je retire l'amendement n° I-39 rectifié.