M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le président, ma présentation de l'amendement no 45 vaudra pour l'amendement n° 48, puisque tous deux ont le même objet.
La convergence des établissements publics doit être organisée dans une perspective pluriannuelle et les différentes étapes de ce processus, qui s'achèvera en 2012, doivent être portées à la connaissance des gestionnaires des établissements.
Depuis le début de la réforme, ils me répètent de manière constante et récurrente à chaque audition qu'ils souhaitent disposer d'une meilleure visibilité sur les objectifs, le calendrier retenu et sur les tarifs. C'est la condition indispensable pour leur permettre d'adapter leurs établissements aux contraintes de la réforme. Cette exigence peut se comprendre de la part d'un directeur d'établissement. Il est bien évident que, si l'on change les règles en cours de route, il devient difficile de maîtriser les budgets.
M. François Autain. C'est pourtant le cas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. On peut changer la règle. Mais, pour être lisible, il faut se donner une perspective dans le temps et définir des objectifs : où veut-on aller, quelles sont les étapes à suivre pour respecter les engagements qui ont été pris ?
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 organise la convergence au sein du secteur public, mais ce processus ne peut être mené à terme sans tenir compte de l'objectif final, qui prévoit, je le rappelle, sous certaines conditions, une convergence des tarifs des secteurs publics et privés.
À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a confirmé cet objectif en apportant deux précisions.
D'une part, il a indiqué que le tarif des prestations nouvellement créées - c'est un plus qui va dans le sens de la convergence - serait identique pour les établissements publics et privés. Il y a donc convergence immédiate pour les nouvelles prestations.
D'autre part, le Gouvernement a précisé que le processus de convergence serait orienté vers les tarifs des établissements les plus efficients, qu'ils soient privés ou publics.
Aujourd'hui, le passage d'une convergence intrasectorielle à la convergence définitive est retardé par l'absence d'études relatives à l'analyse des écarts de coûts entre le secteur public et le secteur privé. Je m'en suis inquiété auprès de Mme Aoustin, directrice de la mission T2A au ministère de la santé. Pendant une trop longue période - il semble que ce ne soit plus vrai aujourd'hui -, faute de moyens humains et budgétaires suffisants, la mission T2A n'a pu conduire ses études dans des délais raisonnables et acceptables. Les nouveaux moyens accordés à la mission devraient nous permettre d'avoir des résultats dans le courant de l'année 2008. Ces études ont pris du retard dans leur réalisation et ne seront disponibles, nous dit-on, que dans un an.
Dans ces conditions, la question qui se pose à nous se résume à l'alternative suivante : devons-nous suspendre toute initiative dans ce domaine pendant encore douze mois, au risque d'être dans l'impossibilité de mener à bien la réforme avant 2012, ou bien devons-nous prendre les devants en renforçant les exigences de productivité qui pèsent sur les établissements de santé ?
Je considère pour ma part, conformément aux préconisations faites par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie dans son rapport de 2005 consacré à l'hôpital, que nous pouvons avancer sans attendre les résultats de ces études. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé ces amendements à la commission des affaires sociales qui, dans sa majorité, les a acceptés. Leur objectif est double : d'une part, renforcer les conditions de convergence internes au secteur public, d'autre part, prévoir que le taux de progression des tarifs du secteur public sera inférieur de 3 % au taux de progression des tarifs du secteur privé.
Ces amendements ont été rendus publics, ils ont provoqué des réactions de la part de la Fédération hospitalière de France, la FHF. Des communiqués de presse assassins ont accusé votre rapporteur de vouloir la mort de l'hôpital public.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. François Autain. C'est ce que je crois !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Soit ils ont une mauvaise lecture de ces amendements, soit ils sont de mauvaise foi.
M. Guy Fischer. Non !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Gouvernement a bien précisé que, pour atteindre la moyenne, il jouera sur des coefficients correcteurs qui permettront d'atténuer les effets négatifs de la réforme pour les petits établissements hospitaliers qui ne peuvent parvenir à l'équilibre budgétaire avec la tarification à l'activité.
Pour y parvenir, il dispose donc d'un outil, d'un levier, qui lui permet d'atténuer les effets de la convergence intrasectorielle plus rapide que je vise en proposant un coefficient de 0,9.
Les grands établissements crient au loup. Monsieur Fischer, vous avez relayé leur protestation en faisant valoir à plusieurs reprises que la tarification à l'activité pénaliserait les établissements publics, qui supportent un surcoût compte tenu de leurs missions générales.
Je veux bien entendre cet argument, mais il faut savoir que, là encore, le Gouvernement dispose de leviers d'action. En complément de la tarification à l'activité, deux sources de financement existent : avec la mission d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, MIGAC, d'une part, et la mission enseignement, recherche, référence, innovation, MERRI, qui prend en compte, pour les CHU, le coût de l'enseignement et de la recherche universitaire, d'autre part.
Monsieur Fischer, je reconnais avec vous qu'il faut être vigilant afin d'éviter que des effets d'aubaine ne soient utilisés par les établissements privés. Les risques d'effets pervers et d'abus existent aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, il faut en être conscient. C'est la raison pour laquelle il me paraît souhaitable de renforcer les contrôles et la lutte contre les fraudes. Il faut donc donner à la CNAM les moyens d'organiser ces contrôles, lesquels sont actuellement réalisés par les ARH, qui entretiennent un dialogue régulier et permanent avec la CNAM.
Nous devons donc, parallèlement à la mise en place de la nouvelle tarification, renforcer les contrôles et lutter contre la fraude.
Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les précisions qu'appelaient ces deux amendements.
En conclusion, permettez-moi de revenir sur un sujet sur lequel j'ai été interpellé, mais sur lequel je suis dans l'incapacité de répondre dans l'immédiat.
Certains établissements privés soutiennent que les tarifs actuels ne couvrent pas leurs coûts.
M. François Autain. Tiens, tiens !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils affirment que, si l'on continue à ce rythme, la plupart des établissements privés pratiquant l'obstétrique disparaîtront progressivement faute de pouvoir assurer la couverture de leurs coûts.
M. François Autain. Ce n'est pas rentable !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne prétends pas qu'ils ont raison, mais je souhaite avoir des éclaircissements sur ce point. Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons entendu des sons de cloche différents selon que nos interlocuteurs représentaient le secteur public, le secteur privé, le Gouvernement ou même la mission T2A, en la personne de Mme Aoustin. Il devient dès lors très difficile de savoir où se trouve la vérité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, il n'est pas inutile, à ce point de notre débat, de revenir aux fondamentaux. Cela me permettra de répondre à Mme Le Texier, à M. Fischer et d'expliquer la philosophie de ce très important article 42, relatif au passage à 100 % de la T2A. Ces explications me dispenseront d'expliciter les avis, favorables ou défavorables, que j'émettrai sur les autres amendements.
L'article 42 a deux objets consubstantiellement liés : le passage à la tarification à l'activité à 100 % et le maintien et la précision du cadre de la convergence tarifaire intersectorielle.
La convergence tarifaire intersectorielle implique à terme une identité des tarifs « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs ». Cette convergence doit s'effectuer vers les tarifs des cliniques privées, ainsi que le précise le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
La baisse des tarifs est un exercice qui peut paraître aisé, un simple arrêté suffit et fait apparaître une réduction de la dépense d'assurance maladie. Cependant, ce n'est pas si simple. Il faut parvenir à réduire progressivement les coûts hospitaliers et ajuster les tarifs en conséquence. Sinon, nous serons confrontés à une dégradation de la situation financière des établissements de santé.
La maîtrise des coûts des établissements du secteur public implique différents moyens d'action. Il s'agit d'abord de l'organisation territoriale. Le processus de réexamen de l'offre de soins doit se poursuivre avant tout - et c'est la politique que je défends -, pour des raisons de qualité des soins et de sécurité sanitaire.
La commission sur les missions de l'hôpital, présidée par M. Gérard Larcher - et ce n'est pas pour rien que cette mission a été confiée à un sénateur - doit, d'ici à la fin du mois, achever de dresser un état des lieux de la situation actuelle de l'hôpital. Après une période de large concertation, des propositions seront faites au Gouvernement au printemps prochain. J'en attends une contribution essentielle pour le recentrage de l'hôpital sur ses missions essentielles.
La mise en place des agences régionales de santé, les ARS, amplifiera et renforcera le dispositif de pilotage sur le plan régional. Le Gouvernement reviendra au cours de l'année 2008 devant la représentation nationale pour traiter ce sujet qui est actuellement dans une phase de concertation.
Comme vous pouvez le constater, les chantiers de réorganisation sont nombreux et structurels.
La maîtrise des coûts à l'hôpital passe en premier lieu par le retour à l'équilibre des établissements en situation de déficit. M. le rapporteur a déposé un amendement très constructif concernant les contrats de retour à l'équilibre financier des établissements du secteur public en articulant mieux plan de redressement et contractualisation avec les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH. Il ne faut pas que les hôpitaux soient mis dans une situation où les déficits récurrents sont toujours, in fine, compensés, sans véritable plan de retour à l'équilibre. Cette pratique peu convenable fait pourtant l'objet d'un certain nombre de démarches, parfois d'origine parlementaire. Inutile de vous dire qu'elle est contraire à ma vision de la responsabilité.
La mise en place de la tarification à 100 % accélérera la restructuration hospitalière. La totalité des ressources finançant les activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique, dites MCO, seront proportionnelles à l'activité réelle des établissements. Cela impliquera des efforts d'adaptation pour un certain nombre d'établissements. C'est la raison pour laquelle, M. le rapporteur l'a rappelé, un mécanisme de transition est prévu à travers les coefficients de transition.
Il convient également de s'interroger sur le cadre de gestion de l'hôpital, tant en termes de gouvernance, de règles comptables que de ressources humaines. J'attends là encore les propositions de la commission présidée par M. Gérard Larcher sur les missions de l'hôpital.
L'article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 sur les groupements de coopération sanitaire, les CGS, par le renforcement du cadre des coopérations entre établissements, contribuera à une amélioration de leur efficience.
Nous avons examiné, cette nuit, l'article 40 et les moyens du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP, qui assure actuellement le financement de la Mission nationale d'appui à l'investissement hospitalier, la MAINH, et de la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitalier, la MEAH.
Je vous annonce mon intention de clarifier dès 2008 leur situation administrative et comptable, et vous avez constaté que je vous ai proposé des dispositions en ce sens.
Le plan Hôpital 2012, avec un programme de 10 milliards d'euros d'investissements hospitaliers, dont 5 milliards financés par l'assurance maladie et 2 milliards par des prêts de la Caisse des dépôts et consignations à des taux préférentiels, est animé par la volonté de recherche d'efficience afin que ces moyens financiers contribuent efficacement à l'amélioration de l'organisation de l'offre de soins.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la convergence tarifaire intersectorielle, je voudrais évoquer quelques points.
Il s'agit là d'un processus qui est difficile, bien sûr, parce qu'il met en évidence ce qui fait la richesse, mais également la diversité et la complexité de notre offre de soins hospitalière.
La difficulté de l'exercice tient à ce que les établissements de santé sont, en termes d'activité, de statut, d'obligations et de santé financières, dans des situations différentes et que cette diversité n'oppose pas seulement les secteurs public et privé, mais vaut également au sein de chaque secteur : même le secteur public n'est pas homogène.
Les tarifs que nous comparons, ceux du secteur public et ceux du secteur privé, se caractérisent par un écart apparent important. Comment, dans ces conditions, parvenir à ce que, pour une prestation donnée, les prix payés, à savoir le tarif pour l'hospitalisation et, le cas échéant, la rémunération du professionnel de santé, soient les mêmes ? D'ailleurs, le prix à retenir est-il celui qui est à la charge de l'assurance maladie ou bien celui qui est à la charge de l'assurance maladie et du patient, ou de sa mutuelle complémentaire ? J'évoque ce point devant vous parce qu'au-delà de l'identification du prix se pose la question de l'accès de tous aux soins.
Je voudrais également souligner que l'écart est très variable d'un tarif à l'autre. Les tarifs des deux secteurs sont différents parce qu'ils reposent sur des logiques historiques différentes, que je ne vous ferai pas l'injure de rappeler.
Compte tenu de cette complexité, des travaux ont été engagés dans deux domaines. D'une part, une étude nationale de coûts, avec une méthodologie commune aux établissements publics et privés, est en cours de réalisation sur les coûts de 2007 d'un échantillon d'une centaine d'établissements ; ses résultats seront disponibles en 2008. D'autre part, des études complémentaires doivent porter sur les principaux paramètres de coût des établissements, en premier lieu sur les charges de personnel.
Sans vouloir préjuger le résultat de ces travaux, j'ai pour ambition que nous parvenions à ajuster le modèle de financement actuel en identifiant au sein des tarifs ce qui relève d'obligations spécifiques, telles les obligations de permanence.
Deux options sont concevables : soit on fixe des éléments tarifaires correspondant à ces spécificités, et n'y seront éligibles que les établissements, publics ou privés, assumant celles-ci ; soit on assure un financement sous forme de dotation au titre des missions d'intérêt général, les fameuses MIG.
À l'inverse, il faudra se demander si certaines activités n'auraient pas vocation à être durablement financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et si l'outil tarifaire ne serait pas davantage adapté. Je vous rendrai compte à l'automne prochain des évolutions prévues.
Dès 2008, les nouvelles prestations qui seront créées le seront à tarifs identiques.
Vous le constatez, la tâche à accomplir est de grande ampleur. Elle nécessitera la mobilisation de tous : de mes services, des ARH avec le concours de l'assurance maladie, des dirigeants et des personnels médicaux et non médicaux des établissements. J'entends également que les fédérations représentatives des établissements de santé soient associées aux travaux.
J'indiquerai pour conclure que, bien évidemment, ces réformes se font non pas contre, mais pour les acteurs du système de soins.
M. François Autain. Ils n'en ont pas pris conscience !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elles représentent une chance pour l'hôpital. Elles doivent permettre d'assurer un financement plus juste. Il faut donc qu'elles soient réalisées avec détermination, mais également à un rythme soutenable pour le secteur.
Cette notion de rythme soutenable me ramène aux amendements nos 45 et 48.
L'amendement n° 45 a pour objet de fixer à 0,9 la valeur que le coefficient de transition devra atteindre en 2012. Cette proposition, qui paraît purement technique, signifie concrètement que la convergence intrasectorielle va réduire, globalement, les ressources allouées aux établissements de santé des secteurs public et privé non lucratif.
Je ne peux pas, à ce point de notre débat, être d'accord avec cette proposition.
Le mécanisme de transition inscrit par le Gouvernement dans le PLFSS pour 2008 tend à ce qu'en 2012 chaque établissement de santé, pour une activité identique, bénéficie d'un tarif identique fixé au niveau national, d'où la valeur 1 du coefficient ; il est strictement neutre pour l'assurance maladie, les gains que la réforme permettra à certains établissements de réaliser compensant les pertes des autres, tout le monde l'avait compris.
L'amendement implique que le coefficient de chaque établissement atteindrait en 2012 la valeur 0,9 du tarif national, ce qui reviendrait à assigner pour objectif à la réforme d'abaisser les tarifs nationaux du secteur public de 10 %. On introduirait donc dans le dispositif de transition une différence de traitement entre les établissements du secteur privé et ceux du secteur public.
M. François Autain. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les gains d'efficience des établissements du secteur public sont une priorité pour le Gouvernement, et la mise en oeuvre de cet objectif repose sur plusieurs mesures qui, je le reconnais, seront particulièrement exigeantes pour les établissements du secteur. Je citerai le retour à l'équilibre financier des établissements actuellement déficitaires, comme l'a demandé le Président de la République ; les gains d'efficience des établissements qui sont perdants à la T2A, c'est-à-dire des établissements dont le coefficient de transition est supérieur à 1 ; les recompositions hospitalières ; la mise en oeuvre de la convergence tarifaire intersectorielle, qui suppose l'objectivation des différences de coûts entre les secteurs public et privé et passant par l'identification des spécificités et contraintes inhérentes à l'hôpital public.
Or, l'amendement présuppose l'existence, en dehors de toute objectivation préalable, d'un surtarif de 10 % du secteur public.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement.
M. François Autain. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'amendement n° 48 vise, quant à lui, à faire évoluer les tarifs des établissements publics de santé et des établissements privés participant au service public hospitalier de 3 % de moins que ceux des établissements privés lucratifs.
Une telle disposition, monsieur le rapporteur, anticiperait sur les conclusions des études qui ont été engagées pour connaître l'origine et l'ampleur des écarts de coûts entre les deux secteurs et dont les résultats, je l'indiquais tout à l'heure, ne seront connus que dans le courant de l'année 2008.
Tant que nous ne disposons pas de chiffres objectifs, il ne nous est pas possible d'évaluer l'ampleur des écarts à réduire. Je n'affirme pas, monsieur le rapporteur, que vous avez tort, et peut-être ces études montreront-elles que vous avez raison ; pour l'instant, cependant, nous ne travaillons qu'à partir de présupposés.
De surcroît, l'évolution que vous souhaitez aurait pour conséquence de pénaliser lourdement les établissements de santé publics et privés participant au service public hospitalier.
M. Guy Fischer. Je crois que c'est l'objectif !
M. François Autain. C'est pourtant bien vu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'amendement n° 48 entraînerait la diminution du financement par les tarifs de 870 millions d'euros dès l'année 2008. Vous conviendrez, monsieur le rapporteur, que l'ampleur des masses en jeu nécessite des études approfondies !
Aussi, tout en réitérant mon accord sur les objectifs que vous vous êtes fixés - auxquels nous souscrivons absolument, comme je l'ai rappelé au début de mon intervention -, je vous invite, monsieur le rapporteur, à retirer les amendements nos 45 et 48, d'autant que nous aurons dans la suite du débat l'occasion d'examiner un certain nombre d'autres propositions qui iront dans votre sens.
Enfin, dernier point, je voudrais répondre à la question très précise que m'a posée M. le rapporteur à propos des tarifs dans l'obstétrique. La campagne 2006-2007 s'est accompagnée de revalorisations qui ont apporté 50 millions d'euros supplémentaires au secteur ; bien entendu, ces tarifs seront réexaminés au cours de la prochaine campagne tarifaire.
M. François Autain. Ah ! Quel soulagement !
M. le président. Monsieur le rapporteur, les amendements nos 45 et 48 sont-ils maintenus ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'alternative qui s'offre à moi est simple : ou bien je retire tout de suite ces amendements, pour être agréable à Mme le ministre, et le débat est clos ; ou bien je les laisse encore un instant en discussion afin que le débat puisse aller à son terme.
Nous sommes en train de travailler pour l'avenir, et le sujet est important puisque la question est de savoir à quel rythme nous voulons avancer et quels moyens nous nous donnons pour tendre vers cette convergence entre le public et le privé. Aussi, il me paraît plus pertinent, bien que cela prenne effectivement un peu de temps, que nos collègues puissent s'exprimer. J'indiquerai ensuite la position de la commission sur le retrait ou le maintien de ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je remercie M. le rapporteur de bien vouloir qu'enfin s'engage un débat sur les problèmes liés à la convergence.
On peut critiquer l'article 42, qui vise à aller à marche forcée...
M. François Autain. Oui, à marche forcée, puisque la tarification à l'activité passera brutalement à 100 % dès le 1er janvier 2008 pour l'ensemble des hôpitaux publics, alors qu'était prévue jusqu'à présent une progression beaucoup plus lente. Il me semble même, madame la ministre, que vos prédécesseurs avaient envisagé d'observer une pause : il aurait certainement été intéressant, avant de passer à la phase que vous allez engager à partir de 2008, de procéder à l'évaluation...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De quoi ? De ce que l'on n'a pas fait ?
M. François Autain. ... des conséquences qu'a pu entraîner l'application de 50 % de tarification à l'activité, afin de déterminer s'il fallait aller plus loin ou, au contraire, en rester là.
Mon ami Guy Fischer l'a rappelé tout à l'heure, nous sommes aujourd'hui le seul pays en Europe où les hôpitaux sont financés à 100 % par la tarification à l'activité. Nous allons donc vers l'inconnu. Je pense qu'il aurait été nécessaire, avant d'aller plus loin, de mener une étude portant non seulement sur les écarts entre les prix pratiqués respectivement par le privé et par le public et sur les raisons de cette différence de 40 %, mais aussi sur les conséquences de l'application de la méthode de la tarification à l'activité sur l'activité des hôpitaux.
On l'a dit, mais je crois qu'il faut le répéter, les hôpitaux assument un certain nombre de missions que n'accomplissent pas les cliniques. Pour y faire face, ils bénéficient bien sûr d'un certain nombre de subventions au titre de la dotation MIGAC et des MERRI, missions enseignement, recherche, référence, innovation, mais ces moyens ne sont pas forcément suffisants.
Je ne reviendrai pas sur les effets pervers de la tarification à l'activité, qui expliquent que nous nous opposions depuis le début à son application aux hôpitaux : ceux-ci tendent alors à se transformer en une entreprise dont l'objectif n'est plus tant de préserver la qualité des soins que de devenir compétitive, d'obéir à des critères de productivité et, de surcroît, de sélectionner les patients en fonction de la rentabilité de leur maladie. Nous ne pouvons pas souscrire à une telle méthode.
En ce qui concerne la convergence, je pense que, surtout à l'allure précipitée où vous voulez la mener, elle est mortifère pour l'hôpital. Déjà, le passage brutal à 100 % de la T2A sera très déstabilisant. N'oublions pas que l'hôpital et les cliniques commerciales privées ne font pas pour ainsi dire le même métier !
C'est si vrai que je citerai les propos d'une experte, Mme Rose-Marie Van Lerberghe, qui a été directrice générale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, après avoir exercé des fonctions de responsabilité chez Danone et qui déclarait récemment dans Le Nouvel Observateur : « Si c'est un problème grave, pas d'hésitation. Je conseille l'hôpital public. - elle est donc claire - C'est là qu'on soigne le mieux les cas compliqués. Si c'est un problème plus classique, comme une opération de la cataracte, pourquoi pas le privé ? » En effet, on constate, à la lecture des statistiques, que 80 % des opérations de la cataracte sont effectuées dans le privé.
À partir d'une telle constatation faite par une personne dont on ne peut soupçonner un défaut d'objectivité à l'égard de l'hôpital public, il est évident que l'on ne peut en effet pas pratiquer la même tarification pour l'hôpital et pour la clinique.
Dès lors, vouloir aller à marche forcée vers une convergence est, à mon sens, complètement irréaliste. C'est faire preuve d'une démarche purement idéologique et non pragmatique.
Si l'on ajoute à cela les amendements que vous proposez, monsieur le rapporteur, c'est la mort de l'hôpital public que vous souhaitez ! C'est la raison pour laquelle je voterai contre ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai écouté très attentivement Mme la ministre tant sur les deux amendements déposés par la commission des affaires sociales qu'en réponse aux interventions de nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC tendant à supprimer le dispositif de 100 % de tarification à l'activité.
Vos propos ont été utiles de ce point de vue, madame le ministre, il est clair que de nombreux chantiers ont été lancés sur votre initiative prolongeant d'ailleurs l'action de votre prédécesseur dans ce domaine ; il ne faut en effet pas sous-estimer le travail réalisé précédemment, si ce n'est que, au Sénat, nous considérons que le rythme d'engagement de ces réformes n'a pas été aussi soutenu que nous pouvions l'espérer.
Ces deux amendements avaient notamment un objectif pédagogique à l'intention non pas du Gouvernement - il a bien conscience de ce qu'il faut faire - mais des établissements publics, lesquels considèrent aujourd'hui que le seul problème à régler pour leur permettre d'appliquer la tarification à l'activité comme dans les autres établissements est de leur donner les moyens de gérer le personnel avec autant d'aisance et de facilités sur le plan juridique que dans les établissements privés.
J'entends encore les propos tenus par le directeur de la FHF : vous ne pouvez pas les comparer - c'est son principal argument -, au-delà de la spécificité de certains actes et du caractère de service public qu'ils apportent, aux services apportés par les établissements privés. De toute façon, le statut de la fonction publique hospitalière est tel aujourd'hui que nous ne pouvons pas mener les réformes, les actions de restructuration et de reconversion des établissements tant que nous serons cadenassés par le statut de la fonction publique hospitalière (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyons clairs !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...et tant que nous sommes liés par des rémunérations qui viennent peser sur le budget des établissements.
Mais je ne pense pas vous avoir appris quelque chose,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On aime l'entendre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...car le directeur de la FHF s'est ouvert publiquement de cette question dans la presse.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai pris l'initiative de déposer un amendement tendant à permettre aux établissements - je ne sais pas quelle sera la position du Gouvernement -, pour certaines missions de l'hôpital, notamment les missions liées à l'hôtellerie et à l'intendance, de procéder à une externalisation, afin de leur donner la souplesse qui leur manque.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'en reviens à la référence aux nombreux chantiers que vous mettez en place.
Ce qui nous manque pour accélérer le processus, au-delà de l'initiative que vous prenez, madame le ministre, c'est l'étude de l'échelle commune des coûts à laquelle vous avez fait référence. Normalement, le résultat de cette étude devrait nous être communiqué au mois d'octobre 2008, avez-vous dit. Il est clair, monsieur Autain - je le répète de nouveau pour qu'il n'y ait aucun malentendu entre nous, mais cela fait sans doute partie du jeu politique -, qu'il n'a jamais été question d'une gestion purement comptable des tarifs de l'hôpital.
M. François Autain. Ah !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous ne retiendrons les tarifs les plus bas que si nous avons l'assurance qu'ils correspondent à une véritable efficience et une véritable qualité des soins. Il n'est pas question pour nous, comme vous le laissez sous-entendre et comme vous semblez vouloir le dénoncer, d'accompagner la dérive telle qu'elle peut être constatée dans certains établissements.
Enfin, avant de retirer les amendements nos 45 et 48, j'aborderai un autre problème qui n'a pas été évoqué, celui de la comptabilité analytique dans les établissements.
Si nous n'avons pas avancé aussi rapidement que nous le souhaitions sur l'étude de l'échelle commune des coûts, c'est parce que les établissements, privés comme publics, sont incapables aujourd'hui de nous donner une connaissance précise des coûts. La comptabilité analytique n'est pas encore en vigueur dans ces établissements. Il faut avancer beaucoup plus rapidement dans ce domaine pour accompagner les établissements, madame le ministre, et peut-être pourrions-nous investir un peu plus dans cette direction pour permettre que, demain, la convergence puisse devenir effective à l'échéance que nous nous sommes fixée.
Pour toutes ces raisons, madame le ministre, j'accepte de retirer l'amendement n° 45, ainsi que l'amendement n° 48 ; mais je vous donne rendez-vous pour faire le point lors de l'examen du PLFSS pour 2009, lorsque nous aurons une meilleure connaissance des différents éléments ; nous pourrons alors éventuellement reprendre les amendements que nous avions déposés aujourd'hui.
M. le président. L'amendement n° 45 est retiré.
L'amendement n° 46, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales est ainsi libellé :
Dans le G du texte proposé par le 3° du I de cet article pour le V de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, remplacer les mots :
dans les hôpitaux du
par les mots :
pour le
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 164 est présenté par MM. Cazeau, Godefroy et Domeizel, Mme Demontès, Le Texier, Campion, Jarraud-Vergnolle, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Le 5° du I de cet article est ainsi rédigé :
5° Le VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 est abrogé.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Rompant un peu avec cette ambiance de logorrhée de la part de quelques-uns, qui se développe depuis trois jours dans cet hémicycle,...
M. François Autain. Des noms ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. ...mon intervention, qui portera à la fois sur l'amendement n° 164 et sur l'ensemble de l'article 42, sera brève.
M. Autain a très bien résumé tout à l'heure...
M. François Autain. Un peu longuement certes !
M. Bernard Cazeau. ...- je ne pensais pas à vous, monsieur Autain (Nouveaux sourires.) - notre position sur l'article 42 et sur les problèmes actuels de l'hôpital.
Monsieur le président, l'amendement n° 164 aurait peut-être dû être examiné plus tôt, avec l'amendement n° 347 de M. Fischer, puisque tous deux tendent à une suppression.
Nous sommes tout à fait d'accord sur l'ensemble de ces problèmes liés à la démarche « mortifère » - pour reprendre le mot de M. Autain - que l'on fait subir à l'hôpital aujourd'hui. Il suffit d'ailleurs de reprendre les commentaires de la Fédération hospitalière de France pour en être convaincu.