M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 35 a pour objet d'instaurer une franchise sur le remboursement des médicaments, des actes paramédicaux et des transports sanitaires.
Ces franchises auraient pour vocation de financer les investissements de santé publique en faveur de la maladie d'Alzheimer, des soins palliatifs et du cancer.
Ces trois franchises viendront s'ajouter à une liste de plus en plus longue de contributions supportées par les malades, et eux seuls. En effet, il faut le rappeler, ce sont bien les malades qui paieront !
Ces franchises s'ajouteront non seulement au forfait hospitalier de 16 euros par jour, à la franchise de 1 euro sur chaque consultation chez le médecin, à celle de 18 euros pour un acte médical lourd, mais également aux dépassements d'honoraires de plus en plus fréquents et aux pénalités liées au non-respect des parcours de soins.
En diminuant toujours plus les remboursements, en contraignant les mutuelles à augmenter leur participation, donc leurs tarifs, les assurés sont, une fois de plus, les grands perdants.
Il est inadmissible et révoltant que seuls les malades doivent payer la facture !
On ne peut pas tolérer qu'en France les malades, parce qu'ils sont malades, assument seuls ce qui devrait être pris en charge par la solidarité nationale.
Les franchises constituent une atteinte grave au principe de solidarité entre les malades et les bien portants, principe fort de l'assurance maladie avec lequel elles marquent une rupture importante. Ces nouvelles franchises sont contre-productives en termes de santé publique et sont surtout très injustes socialement.
Inévitablement, les malades hésiteront à se faire soigner et les traitements seront retardés.
Or ignorer ou reporter les soins qui sont nécessaires, c'est prendre le risque d'aggraver l'état de santé des malades, ce qui entraînera, à terme, des soins plus lourds, donc plus onéreux pour la collectivité. C'est l'inverse d'une politique efficace de santé publique et l'antithèse d'une politique de prévention.
Seule une politique de prévention permet de réaliser des économies réelles.
De plus, une telle désorganisation des soins ne peut que contribuer à aggraver le déficit de la sécurité sociale.
Vous voulez « responsabiliser » les malades. En quoi serions-nous « responsables » de nos maladies et des prescriptions médicales ?
Par ailleurs, le fait de payer plus ne réduira pas le nombre de malades. Rappelons que 70 % des dépenses médicales sont engagées par 10 % de patients atteints de lourdes pathologies, parfois en fin de vie.
Aujourd'hui, le résultat est accablant : 13 % de la population renoncent aux soins, faute de moyens financiers. Avec la mise en place de la franchise médicale et les maigres retraites, les personnes âgées malades seront financièrement incapables de se soigner. De plus, cette franchise pèsera également sur les personnes à revenus modestes, ce qui aggravera les inégalités. Notre pays ne doit pas stigmatiser et culpabiliser les plus fragiles, les malades et les pauvres.
Autre contradiction : les malades en soins palliatifs, atteints de la maladie d'Alzheimer ou du cancer, qui devraient pourtant être les premiers bénéficiaires de ces franchises, devront, eux aussi, les payer.
Je comprends les inquiétudes des associations et de nombreux concitoyens face à ce nouveau système. Aujourd'hui, vous proposez un plafonnement du dispositif, mais nous savons que cela n'empêchera pas ces franchises d'augmenter dans le futur. Vous l'avez déjà fait pour d'autres franchises, telles que la franchise sur la consultation du médecin traitant ou le forfait hospitalier en cas de pathologie grave. Accepter aujourd'hui la franchise, c'est accepter qu'elle augmente chaque année.
Je relève une autre injustice : ces franchises médicales portent atteinte au principe de gratuité des soins dont bénéficient les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, en réparation de leurs préjudices. Ces victimes devront prendre à leur charge une partie des frais médicaux causés par l'accident ou la maladie. Les franchises vont, une fois de plus, peser sur les salariés et non sur les entreprises, pourtant responsables devant la loi. C'est, là encore, une atteinte aux droits acquis des victimes du travail.
Comme la majorité de nos concitoyens, nous vous rappelons que d'autres moyens existent pour assurer un financement pérenne de notre protection sociale.
En effet, le rapport de la Cour des comptes indique qu'une cotisation sur les stock-options à hauteur de la cotisation sur le travail rapporterait 3 milliards d'euros. Voilà une piste plus appropriée et surtout plus juste, car équitable.
Nous nous opposons au système de franchises et au démantèlement de la sécurité sociale, qui place progressivement la santé face à des choix économiques et de société.
Pourquoi choisir de mettre en place ce dispositif aujourd'hui, alors qu'un grand débat sur le financement de la santé est prévu en 2008 ? L'urgence est, au contraire, d'organiser au préalable un débat de fond sur les dépenses de santé et leur financement et non d'instaurer par avance et sans concertation des franchises qui sont moralement et socialement inacceptables.
Ainsi, pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression pure et simple de l'article 35. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Il ne nous paraît pas inutile, monsieur le président, de rappeler encore et encore qu'en matière d'assurance maladie le principe fondateur de notre protection sociale est que les bien-portants payent pour les malades. Avec cette taxe sur la maladie, c'est un pan du contrat social entre les Français qui est mis à mal.
Instaurer des franchises que paieront les malades, y compris ceux qui sont atteints du sida, d'un cancer ou de la maladie d'Alzheimer et le faire au nom de la « responsabilisation des patients » est choquant. Cela revient à dire que le malade est responsable de sa maladie et qu'il doit payer pour la prise en charge collective qui en résulte. Ce n'est pas de la responsabilisation, c'est, dans le meilleur des cas, de la culpabilisation, voire une accusation. D'ailleurs, les seules franchises que je connaisse jusqu'à présent sont celles que m'applique mon assurance automobile lorsque j'ai eu un comportement fautif et que je suis responsable de l'accident qui en résulte.
Symboliquement, cette démarche est grave, économiquement, elle est inefficace et, en matière de santé publique, elle est aberrante.
Aujourd'hui, 13 % des Français et un quart des jeunes de moins de vingt-cinq ans se privent d'ores et déjà de soins par manque d'argent. Avec l'instauration des franchises, nul ne doute que ce nombre augmentera. Or, cela a déjà été dit, je le répète, lorsque sont différés des soins nécessaires, souvent, les pathologies s'aggravent, entraînant des interventions bien plus lourdes et bien plus coûteuses.
La mise en place de ces franchises ne peut que renforcer le développement des inégalités en matière de santé. Elle est d'autant moins acceptable qu'elle pèse lourdement sur les plus fragiles, à savoir les malades. Dans le même temps, vous ne taxez qu'à la marge les stock-options et vous laissez courir les dépassements d'honoraires au-delà de toute mesure.
Aujourd'hui même, l'INSEE nous informe que, tandis que les 10 % des Français les plus riches ont vu leurs revenus progresser de 40 % au cours de ces six dernières années, les pauvres sont de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux : 7 millions de Français vivent avec moins de 800 euros par mois et les écarts d'espérance de vie recommencent à se creuser selon les classes sociales, notamment entre cadres et ouvriers.
Pour faire taire toutes les critiques relatives aux franchises, vous usez d'une ficelle d'autant plus voyante que vous ne vous souciez même pas de la rendre crédible. D'après vous, l'argent des franchises servira à financer le plan cancer, les soins palliatifs et le plan Alzheimer. Outre que ces franchises ne sauraient manifestement suffire, tant les besoins auxquels elles sont censées répondre sont lourds, elles viennent en réduction du déficit dans les tableaux comptables qui accompagnent ce PLFSS. Or, si elles participent à la réduction du déficit, elles peuvent difficilement financer dans le même temps des besoins nouveaux.
D'ailleurs, il me semble me souvenir que le candidat Sarkozy avait annoncé la mise en place des franchises pour réduire le déficit de la sécurité sociale, et ce n'est qu'après un tollé général, c'est-à-dire de tous bords, qu'est apparu l'habillage en question.
Franchement, les familles confrontées à la maladie, à la vieillesse et à la mort méritent mieux que cette instrumentalisation. Ne prenez pas prétexte du financement des nouveaux besoins pour justifier vos atteintes aux droits des malades !
Au fil du temps, le financement des soins glisse du cotisant et du contribuable vers le malade, de la prise en charge collective à la prise en charge individuelle, d'un régime solidaire à un régime assurantiel. L'instauration des franchises est un pas supplémentaire qui n'est probablement pas le dernier. Ce glissement est essentiellement idéologique ; vouloir le faire passer pour une démarche de santé publique est à la fois faux et inacceptable.
C'est pour ces raisons que nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes collègues ont pratiquement tout dit mais vous me permettrez d'insister sur quelques points particuliers.
Tout d'abord, je voudrais rappeler que, dans son allocution de politique sociale du 18 septembre dernier au Sénat, le Président de la République a annoncé l'ouverture d'un grand débat sur le financement de la santé. Il a demandé au Gouvernement d'organiser ce débat pour en tirer les conclusions au cours du premier semestre de l'année prochaine. Dans ce contexte, les nouvelles franchises sur les médicaments, les transports sanitaires et les actes paramédicaux contenus dans cet article 35 conduisent à amputer une partie de ce grand débat.
En effet, vous avez décidé de trancher dès aujourd'hui pour une plus grande mise à contribution des assurés sociaux, personnes handicapées, accidentés du travail, personnes souffrant d'une maladie professionnelle et reconnues en affection de longue durée.
Madame la ministre, il est inadmissible que les mesures initialement prévues par le texte en matière d'offre de soins aient finalement été retirées et renvoyées, elles aussi, à un grand débat - on sait dans quelles conditions - pour laisser place à la tenue préalable d'états généraux de la santé. En fait, vous acceptez de discuter de tout avec tout le monde sauf avec les assurés sociaux que vous allez taxer. Il est vrai qu'ils ne peuvent pas bloquer les hôpitaux, comme je l'ai dit à votre collègue M. Woerth ; ils n'ont pas de moyens de pression, ils ne se font entendre malheureusement que dans les centres communaux d'action sociale ou dans des endroits où l'on essaie de leur venir en aide.
Les recettes que vous escomptez de ces mesures - 850 millions d'euros - devraient servir à réduire le déficit. Or vous en faites un moyen de financer une politique, c'est-à-dire que les malades financent une politique pour les malades, ce qui est contraire aux principes de la sécurité sociale. C'est donc un vrai changement.
Mais je voudrais aussi attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait que ce système de franchises est très inégalitaire.
La Cour des comptes, dans son dernier rapport, a émis des propositions. Avec votre collègue M. Woerth, nous avons eu un débat très long sur les stock-options. Croyez-vous qu'il soit normal de prélever 850 millions d'euros sur les assurés sociaux, sauf ceux qui en seront exonérés, j'y reviendrai tout à l'heure, et de dire, s'agissant des détenteurs de stock-options, que l'on ne peut quand même pas trop taxer ces pauvres gens, car ils risqueraient de quitter le pays ? Les travailleurs salariés, ceux qui vont être soumis à votre franchise, eux, ne risquent pas de partir. Ils sont attachés à leur travail, du moins quand on ne le leur enlève pas, quand les entreprises ne ferment pas pour délocaliser ; je pourrais citer de nombreux exemples à cet égard.
Donc, on prélève 250 millions d'euros sur ceux qui ont les moyens de payer et que l'on pourrait taxer davantage, c'est-à-dire comme tout le monde, en les mettant à égalité avec les assurés sociaux. Mais non, pour eux, on prend des mesures dérogatoires. Ainsi, vous faites en sorte que le financement du plan Alzheimer et du plan cancer soit pris en charge par les assurés sociaux, sans qu'on puisse en discuter.
Je voudrais insister sur ces points, madame la ministre, qui me paraissent très importants.
Il suffit de se reporter aux enquêtes de l'INSEE pour constater que, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, ceux qui dépensent le moins pour leur santé sont les ouvriers. Avec votre franchise, ils dépenseront encore moins, ils se soigneront encore moins. Vous allez donc renforcer l'inégalité puisque les classes sociales les plus démunies, qui seront les plus taxées, seront les moins enclines à se soigner.
Vous allez me rétorquer que la franchise sera plafonnée à 50 euros. Mais il faut aussi tenir compte du forfait d'un euro par consultation, du forfait hospitalier, sans compter les dépassements d'honoraires, auxquels on ne s'attaque pas vraiment. Pour les personnes les plus modestes, 50 euros représentent une somme importante, madame la ministre ! Bien sûr, pour ceux qui possèdent des stock-options, ce ne sont que quelques pièces jaunes !
Il y a là véritablement un traitement inégalitaire. Je tenais à attirer votre attention sur ce point, avant le grand débat voulu par le Président de la République.
Sans doute allez-vous nous dire que des exonérations sont prévues. Nous le savons !
Nous avons effectué au Sénat, sous la responsabilité de notre collègue Valérie Létard, un travail sur les minima sociaux. Nous nous sommes aperçus qu'il fallait à tout prix éviter les effets de seuil. Or vous êtes en train d'accroître ces effets de seuil, d'en « remettre une couche », si vous me permettez l'expression. Les travailleurs les plus pauvres, ceux qui font fonctionner les entreprises mais qui n'ont pas de couverture complémentaire, les « travailleurs pauvres » comme on les appelle, vont encore être les plus taxés alors que, pour tous les autres, on prend le temps de réfléchir.
Ces franchises sont contestables sur le plan économique, sur le plan comptable, mais surtout sur le plan humain. Elles instaurent une inégalité de traitement entre ceux qui ont les moyens de payer pour la solidarité nationale et qui sont exonérés et ceux qui n'ont pas beaucoup de ressources et qui sont taxés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues : les hommes ne sont pas des voitures !
M. Guy Fischer. Le mot « franchise », qui est en effet au coeur du langage assurantiel, traduit la réalité de votre projet.
Madame la ministre, la guerre faisait encore rage quand le Conseil national de la Résistance, organe qui dirigeait et coordonnait l'ensemble des mouvements de résistance, adopta en mars 1944 ce qui deviendrait bientôt son programme national.
Pendant que des milliers d'hommes et de femmes combattaient les armes au poing contre l'une des pires démonstrations de haine et de violence que nous ayons eu à connaître, les gaullistes, les communistes, les socialistes, les radicaux et les chrétiens oeuvraient ensemble à construire l'après-guerre.
M. Guy Fischer. Tout à fait, madame la ministre ! Vous exprimez votre mépris, c'est ce qui nous différencie !
Mme Annie David. C'est incroyable !
M. Guy Fischer. Tout est alors à faire : fonder une nouvelle diplomatie pour que plus jamais ne se reproduise cette atrocité, reconstruire les usines détruites par les nazis, bâtir les logements pour accueillir les familles, inventer un nouveau modèle de société. La tâche est grande !
Vous qui vous êtes tant plus à citer Guy Môquet, ce jeune communiste fusillé à Châteaubriant, vous oubliez sans doute que c'est pour cela qu'il se battait et qu'il a été tué ! Madame la ministre, vous venez de l'exprimer d'une manière scandaleuse, il y a, d'un côté, ceux qui le citent et, de l'autre, ceux qui, aujourd'hui, tentent de faire vivre encore plus fortement son héritage, notre modèle de société.
Votre projet de franchises médicales rompt, pour la première fois, avec le principe fondamental dans notre pays selon lequel chacun cotise selon ses moyens et perçoit en fonction de ses besoins. Pour vous, il est clair que les malades, parce qu'ils coûtent à notre société, doivent payer !
Une somme symbolique, avez-vous dit, madame la ministre : qui ne peut pas payer un euro par visite médicale ? Qui ne peut pas payer 50 euros par an ? Ce plafond est d'ailleurs virtuel puisqu'il ne figure pas dans ce projet de loi. Je ne trouve qu'une explication : vous savez que, bientôt, lors du débat sur le « bouclier sanitaire » ou la TVA sociale, vous augmenterez ce plafond. Ce sera le débat du premier semestre 2008.
Cette augmentation ne passera pas inaperçue et viendra accroître le mécontentement des quelque 70 % de Français qui s'opposent à vos franchises. Vous faites donc le choix de l'opacité, du règlement, pour modifier ce plafond à votre guise et en secret, comme vous l'avez fait au mois d'août en élevant le plafond des participations forfaitaires de un à quatre euros.
Ce mépris, doublé d'une incroyable méconnaissance de la situation de millions de nos concitoyens, est inacceptable. Mais aussi intolérable soit-il, il n'en démontre pas moins le caractère néfaste de votre projet.
Vous ne voulez plus du programme du Conseil national de la Résistance, de cette France des solidarités, qui se construisent entre les générations, entre les pourvus et les sans-emploi, entre les malades et les bien portants ! Vous voulez une France tournée sur l'individu, une France du chacun pour soi, à l'image de ce modèle américain que vous vantez tant !
M. Guy Fischer. Qu'importe si, pour ce faire, vous écartez durablement des milliers de nos concitoyens de l'accès aux soins ! Qu'importe si vous faites reculer notre société ! Qu'importe si l'une des conséquences est le retour à une médecine à deux vitesses, l'une pour ceux qui peuvent payer et l'autre pour les pauvres et les indigents !
Ce qui compte pour vous, en simple gestionnaire des comptes sociaux, c'est la réduction des dépenses publiques. Pour vous qui ne comptez qu'en termes de profit, notre système de protection sociale est de plus en plus une anomalie.
Il est pour nous une chance car, en garantissant aux malades et aux retraités des revenus de substitution, il a permis de faire de la France la cinquième puissance mondiale. Parce qu'en garantissant l'accès de tous à la santé, il a permis l'éradication de bon nombres de maladies, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui reviennent !
M. Guy Fischer. ... réduit la mortalité infantile, allongé l'espérance de vie. Il a tout simplement, aurais-je envie de dire, permis l'épanouissement du plus grand nombre.
En instaurant vos franchises, c'est à cela que vous voulez renoncer, c'est cela que vous entendez détruire ! Avec des millions d'hommes et de femmes, nous nous opposons à votre projet de casse généralisée des solidarités.
Vos franchises sont injustes, dangereuses, inefficaces économiquement et profondément inégalitaires ! Pour toutes ces raisons, l'article 35 doit être supprimé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. Nous écouterons ensuite Mme Annie David sur l'article.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est une discussion générale !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Effectivement, monsieur le rapporteur, mais l'article 35 est important et il méritait qu'un certain nombre d'orateurs s'expriment.
Sur le sujet des franchises, on nous tient le discours, entendu mille fois sur la réforme de la sécurité sociale : nous remettrions en cause les principes fondamentaux...
M. le président. Excusez-moi, madame la ministre, je pensais que vous souhaitiez répondre sur un point précis à M. Guy Fischer. Il reste encore un orateur inscrit sur l'article 35, Mme Annie David. Je vous propose de la laisser s'exprimer et vous pourrez ensuite répondre à l'ensemble des orateurs.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je l'ignorais, monsieur le président, car son nom ne figure pas sur le dérouleur qui m'a été remis. Je préfère évidemment répondre à l'ensemble des orateurs, même si je me réserve pour M. Fischer !
M. François Autain. Je vais me le payer ! (Sourires)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame la ministre, vous vous réservez pour M. Fischer mais je pense que, dans la suite du débat, nous nous réserverons également pour quelques interventions. (Nouveaux sourires.)
Je ne reprendrai pas les arguments exposés par M. Fischer et notre groupe depuis le début de cette discussion.
Je ne reviendrait pas sur le caractère constitutionnel du droit à la santé, inscrit dans le préambule de notre Constitution, sauf à vous rappeler la décision du Conseil constitutionnel du 12 août 2004 qui précisait, à propos de la contribution d'un euro décidée à ce moment-là, « que le montant de cette majoration de la participation de l'assuré devait être fixé à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 » qui dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».
Je ne reviendrai pas non plus sur la volonté des dirigeants de notre pays, réunis au sein du Conseil national de la Résistance, qui, à la sortie de la guerre de 1939-1945, ont permis à toutes et tous d'avoir accès aux soins, non plus en fonction de leurs ressources mais de leurs besoins. Ils ont ainsi réalisé cette révolution sociale que représente notre système de protection, fondé sur la solidarité entre malades et bien portants, que vous vous évertuez à détruire avec votre gouvernement, madame la ministre.
Mais je souhaite insister sur l'injustice de cette mesure ! Elle reflète un désintérêt total pour les populations modestes qui ne bénéficient d'aucune mesure protectrice : vous allez faire payer celles et ceux à qui vous prétendez vouloir apporter une réponse, notamment avec la mise en place de votre plan Alzheimer !
Je regrette véritablement que le Président de la République ne retienne de l'expression « assurance maladie » que le terme « assurance ». Madame la ministre, mes chers collègues, je m'inscris en faux contre cette conception. M. Fischer l'a dit avec force, les malades ne doivent pas être traités comme nos voitures. Ce qui différencie les assurances de notre système d'assurance maladie, c'est d'abord et avant tout la nature du risque assuré.
Nous avons assisté au lancement d'une campagne publicitaire lorsqu'il s'est agi de « déconventionner » ou de refuser le conventionnement à certains médecins. Quand on sait que cette campagne est menée notamment par le groupe Médéric - dont je ne puis m'empêcher de remarquer que le délégué général, M. Guillaume Sarkozy, n'est autre que le frère de l'actuel Président de la République -, on peut s'interroger sur la portée réelle de cette menace !
Si je ne doute pas du caractère rentable de l'opération pour ces sociétés privées, je ne suis pas sûre que les citoyens seront, eux, favorisés et que l'égalité d'accès aux soins sera respectée dans ce contexte. Fort heureusement, cette option n'a pas été retenue par votre gouvernement et, bizarrement, la campagne publicitaire s'est aussitôt arrêtée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Vous prétendez, madame la ministre, comme le Président de la République et votre gouvernement, respecter la France qui se lève tôt. Mais quel respect lui accordez-vous lorsque vous décidez de lui faire assumer seule la responsabilité du déficit de la sécurité sociale alors que, par ailleurs, vous en dédouanez d'autres, pourtant bien plus responsables ?
Pour notre part, bien que nous soyons en complète opposition à la mise en place de cette franchise et pour en démontrer l'injustice, nous avons déposé une série d'amendements pour exonérer une grande part des malades. En effet, comment imaginer qu'un malade atteint d'une maladie chronique soit dans l'obligation de payer cette franchise ? Ou bien un accidenté du travail, un malade atteint d'une maladie professionnelle, d'une affection de longue durée ou un bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés ?
Comment pouvez-vous envisager de faire payer par ces femmes et ces hommes, atteints de maladies ou de handicaps à un degré plus ou moins important, une franchise qui permettra prétendument de renflouer la caisse pendant que, dans le même temps, vous maintenez des exonérations aux entreprises et refusez de taxer les produits financiers ? Le débat d'hier sur les stock-options a été très instructif à ce sujet.
Depuis lundi, toutes nos propositions en ce sens ont été rejetées, parfois avec des propos très durs de votre part, notamment lorsque je demandais à notre Haute Assemblée de faire respecter par toutes les entreprises les dispositions législatives relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ! Mais ni M. Fischer, ni mon collègue François Autain, pas plus que moi-même, n'avons réussi à vous faire changer d'avis en matière de recettes nouvelles...
Peut-être arriverons-nous à vous convaincre au cours de la discussion de cet article. En tout cas, je le souhaite car, vous le savez bien, il existe une autre voie que celle que vous proposez pour répondre aux besoins actuels de notre système de santé ! Ce n'est pas celle que vous avez choisie, je le regrette. Je la combattrai et vous proposerai, encore et toujours, de changer d'avis ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions sur le sujet des franchises.
Je souhaite tout d'abord, et j'y reviendrai au cours de mon propos, tordre le cou à un canard : nous connaîtrions une régression par rapport au pacte du Conseil national de la Résistance. Monsieur Fischer, j'y suis attachée autant que vous, sinon plus ! Je suis la fille de deux résistants : mon père était résistant dans un maquis FTP, ma mère dans un maquis FFI...
M. Alain Gournac. Et ils nous donnent des leçons !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ils étaient eux aussi dépositaires de ce pacte du Conseil national de la Résistance. Sur ce sujet, il y a des leçons que j'ai du mal à entendre.
M. Alain Gournac. Ce sont des allégations scandaleuses !
M. Guy Fischer. On aura l'occasion d'en reparler !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le pacte social du Conseil national de la Résistance était très imparfait : il ne concernait que les salariés, les tickets modérateurs étaient extrêmement importants. Faut-il rappeler, pour vous citer un chiffre, que le taux de remboursement des indemnités journalières était, à l'époque, de 50 % d'un tarif salarial très inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, alors qu'il atteint près de 80 % de nos jours ?
Il faut noter que les progrès médicaux de ces dernières années ont permis une amélioration constante de l'espérance de vie des Français, qui nous place d'ailleurs à l'un des niveaux les plus élevés du monde. Mais le vieillissement de la population qui en résulte entraîne également le développement de certaines maladies, comme la maladie d'Alzheimer ou les cancers, ainsi que des besoins renforcés en termes de soins palliatifs.
Il s'agit donc d'assurer le financement de ces besoins nouveaux. Dans le même temps, on ne peut que constater la dérive des comptes de l'assurance maladie. On ne peut sans arrêt stigmatiser, très justement, tout déficit et s'opposer à toute proposition.
Les franchises tendent à répondre à cette double exigence : dégager des recettes nouvelles pour progresser dans la prise en charge de ces besoins et faire preuve de responsabilité en évitant de reporter la charge de ce financement sur les générations futures.
Les franchises que nous proposons de créer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permettent une progression des dépenses de santé au service de tous, sans faire financer ces nouveaux besoins par nos enfants. Dans un contexte difficile, il y va de notre responsabilité.
Pour revenir sur les dérives alléguées, qui consisteraient en déremboursements et moindres prises en charge, madame Schillinger, je veux rappeler que, selon les comptes annuels de la santé, qui sont disponibles et que personne ne met en doute, la part de la sécurité sociale dans le financement des dépenses de santé n'a cessé de croître ! Il faut cesser de faire référence à un bon vieux temps mythique ! C'est faux !
Nous remboursons mieux les dépenses de santé : la part des dépenses de santé remboursées est passée de 50 % en 1950 - à une époque où ces dépenses n'atteignaient pas le niveau actuel - à 55 % en 1960, 74 % en 1970 et 77 % aujourd'hui ! La part des ménages, quant à elle, a décru dans le passé récent. Elle était de 9,6 % en 1995, elle est aujourd'hui de 8,6 %. Tout cela représente un effort collectif et solidaire considérable, d'autant que, sur la même période, la part des dépenses de santé dans le PIB est passée de 2,5 % à 11 %, c'est-à-dire qu'elle a plus que quadruplé.
On constate donc une augmentation continue de la prise en charge solidaire dans un contexte où les dépenses de santé sont de plus en plus importantes. Parler d'un modèle des années quarante-cinq est vraiment une contre-vérité et une offense au bon sens !
Au sein de l'OCDE - comparons avec des pays qui ont des revenus comparables aux nôtres - la France se situe à un haut niveau de prise en charge.
La contribution des ménages aux dépenses de santé est de 7 % en France, alors qu'elle est de 20 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. La part publique des dépenses de santé est de 80 % en France, contre 73 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. Je donne ces chiffres en réponse à Mme Le Texier.
L'instauration des franchises ne modifiera pas ces grands équilibres. Avec un rendement estimé de 850 millions d'euros, elles ne représenteront qu'une très modeste inflexion du taux de remboursement des soins de ville, qui se situera alors à plus de 78 %.
L'effort demandé aux assurés sociaux ne fera que freiner l'accroissement tendanciel de la prise en charge collective des soins. En dix ans, le taux moyen de remboursement des soins de ville a augmenté de plus de 1,5 point, passant de 77,7 % en 1994 à 79,3 % en 2004. Cette forte croissance est due principalement au développement dynamique des soins pris en charge au titre des affections de longue durée.
Sans intervention, cette tendance conduirait inexorablement vers un système à l'américaine où les plus pauvres et les plus âgés seraient pris en charge intégralement par la collectivité, mais où les contraintes financières publiques aboutiraient à laisser de façon croissante la protection contre les « autres risques » aux assurances privées. Cette évolution saperait peu à peu le caractère universel de notre sécurité sociale et l'adhésion de la population à ce système.
Il est donc légitime de vouloir contrer cette dérive. Dans ce cadre, les franchises constituent une participation raisonnable, même si, je le sais, elles peuvent représenter un effort pour certains ménages.
M. Guy Fischer. Quand même !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'effort pèse toujours sur les plus pauvres !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cependant, 25 % de nos concitoyens, les plus fragiles d'entre eux, en seront exonérés. En conséquence, 15 millions de Français ne seront pas concernés par les franchises, dont le montant est limité à 50 euros par an, soit 4 euros par mois.
Enfin, cette participation porte sur des postes de dépenses pour lesquels on constate des dérives. Loin de moi l'idée de stigmatiser ou de culpabiliser qui que ce soit, mais je note, comme tout le monde le fait, que notre taux de prescription de médicaments est le plus élevé d'Europe, 90 % des consultations se terminant par une prescription, alors que ce taux n'est que de 43 % aux Pays-Bas, par exemple.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela est dû aux industries pharmaceutiques, pas aux assurés !
M. Guy Fischer. Ce sont les médecins !
M. François Autain. Il faut agir !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De même, nous constatons une progression des dépenses de transports sanitaires de 8 % chaque année. Est-ce que cela permet une amélioration de la santé publique ? Aucunement.
Il s'agit non pas d'instaurer un ticket modérateur de plus,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si ! Complètement !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... mais de contribuer à une rationalisation collective de nos dépenses de santé.
Comment, en conclusion, peut-on parler de rationnement des soins, alors que nous proposons de fixer le taux d'augmentation de l'ONDAM à 3,2 %, tant pour les soins de ville que pour l'hôpital, soit une progression des dépenses nettement supérieure à l'accroissement de la richesse nationale,...