M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. André Lardeux, rapporteur. Une deuxième manière constructive d'utiliser les excédents de la branche famille pourrait être de réduire les cotisations patronales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bonne idée !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet !
M. André Lardeux, rapporteur. Il s'agirait non pas de développer de nouvelles prestations, mais d'alléger la charge des entreprises en considérant que la survenance d'excédents est, en quelque sorte, une anomalie résultant d'un excès de prélèvement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un principe de bonne gestion !
M. André Lardeux, rapporteur. Cette idée est d'autant plus intéressante que le coût du travail est un facteur déterminant pour la compétitivité économique d'un pays et que le fait de réduire les cotisations patronales entraînerait, selon toute vraisemblance, une baisse de ce coût.
S'il est techniquement possible et économiquement judicieux de réduire ces cotisations sans assécher les ressources de la branche famille et sans porter atteinte à l'autonomie de cette dernière, pourquoi ne pas étudier cette voie ? C'est d'ailleurs l'un des axes privilégiés par notre mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, présidée par M. Alain Vasselle.
Enfin, il existe une troisième option, qui pourrait actuellement avoir ma préférence mais qu'il faut envisager, j'en suis conscient, avec beaucoup de prudence : l'instauration, d'ici à quelques années, d'un droit opposable à la garde d'enfant. Il s'agit là encore d'une promesse de campagne du Président de la République.
Les premières discussions que nous avons eues sur ce point montrent bien que la question est difficile et qu'elle posera des problèmes juridiques et politiques délicats. En effet, à qui ce droit sera-t-il opposable ? À l'État ? Au département ? À la commune ? À la CNAF ? Qui sera responsable devant les familles ?
Cela étant, je suis convaincu qu'un tel droit créerait une incitation très forte au développement des structures d'accueil pour les jeunes enfants, structures qui sont encore insuffisantes et très inégalement réparties sur le territoire. Il va de soi que les nouvelles structures devront être innovantes et peut-être se plier à des coûts et à des contraintes techniques beaucoup moins élevés que ce qui est observé aujourd'hui.
Quelques chiffres confirment l'insuffisance des structures d'accueil proposées actuellement. En 2006, sur les 2,1 millions d'enfants âgés de trois mois à trois ans, 700 000 étaient gardés par leurs parents ou grands-parents, 1 million allant chez une assistante maternelle ou dans une structure d'accueil. Les parents des 400 000 derniers sont quant à eux restés sans réelle solution, contraints de se débrouiller au jour le jour, au détriment de leur enfant ou de leur travail, parfois même des deux.
Pour cette raison, la commission des affaires sociales proposera d'instituer un dispositif de centralisation des informations sur les disponibilités de garde au niveau local. Cela pourrait constituer un premier pas vers ce droit opposable dont nous aurons sûrement à reparler.
Pour conclure, je voudrais souligner en quelques mots la vigueur du taux de fécondité en France, qui est quasiment de deux enfants par femme, soit très proche du seuil de renouvellement des générations. Or c'est loin d'être le cas dans toute l'Union européenne. J'y vois la marque du succès de la politique familiale française. Il nous faut donc continuer à la défendre, et ce PLFSS, que je vous propose d'approuver notamment sur ce point précis de la branche famille, y contribue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Bernard Cazeau applaudit également.)
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole.
M. le président. À quel titre, monsieur Cazeau ?
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, les sénateurs du groupe socialiste doivent recevoir une délégation de manifestants se trouvant actuellement devant le Sénat. Or nous serions désolés de ne pas pouvoir entendre MM. Leclerc, Dériot et Jégou. Nous demandons par conséquent une brève suspension de séance. Si nos travaux ne pouvaient être interrompus, nous serions alors obligés de quitter l'hémicycle.
M. le président. Vous savez bien que je ne peux vous donner satisfaction, monsieur Cazeau ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC quittent l'hémicycle.)
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, hormis l'objectif de dépenses de la branche vieillesse, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ne consacre qu'un seul article aux retraites. Mais cette unique disposition constitue, à mes yeux, la grande et même la vraie réforme que la commission des affaires sociales réclame depuis des années pour mettre fin au recours massif aux préretraites.
Conformément aux engagements pris pendant la campagne électorale, le Président de la République a décidé de mettre un terme à une politique malthusienne qui a totalement échoué : celle qui consiste à généraliser les cessations précoces d'activité pour les seniors.
Ce texte nous propose donc de pénaliser lourdement, sur le plan financier, les préretraites d'entreprise ainsi que les mises à la retraite d'office. Il était grand temps, car ces mécanismes ont littéralement torpillé la réforme des retraites de 2003 et expliquent, pour une bonne part, l'ampleur des déficits actuels de la branche vieillesse.
Nous avions pourtant essayé d'endiguer ce flux : l'an dernier, le Sénat s'était prononcé à l'unanimité contre la prorogation des avantages sociaux accordés aux mises à la retraite d'office, ce qui n'avait malheureusement pas empêché que la version définitive de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 impose leur maintien, sous une autre forme, jusqu'en 2014. J'en conclus que nous avions simplement eu raison trop tôt.
Cela étant, quelle est la situation de la branche vieillesse ? Selon moi, elle est paradoxale. En dépit de la réforme de 2003, son déficit s'est nettement creusé depuis quatre ans. Alors que ce dernier était de 1,9 milliard d'euros en 2006, il s'élève à 4,7 milliards d'euros en 2007 et devrait atteindre 5,7 milliards d'euros en 2008.
Cette évolution défavorable ne s'explique pas uniquement par le facteur démographique lié aux départs en retraite massifs des premières classes d'âge du baby-boom d'après-guerre.
À mon sens, la principale explication est ailleurs. Le succès de la réforme de 2003 supposait, en réalité, la mobilisation de tous les acteurs du monde du travail et l'appel à leur esprit de responsabilité. Or la faiblesse persistante du taux d'emploi des seniors montre la limite de l'exercice, comme vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, madame la secrétaire d'État.
En fait, cette réforme a été confrontée à des obstacles imprévus et considérables. Tout d'abord, la conjoncture économique s'est avérée moins favorable que prévu et la diminution du chômage a été plus tardive que nous ne l'espérions. Ensuite, une accumulation de mesures ponctuelles a, au fil du temps, érodé les équilibres financiers de l'assurance vieillesse.
Tous ces éléments font qu'avec le recul - mais c'est toujours plus facile à dire après - il n'aurait pas fallu limiter l'horizon de la réforme à 2020.
J'ajoute que nous devons aussi avoir la lucidité d'aborder certaines questions dérangeantes. Je veux parler ici du coût, beaucoup plus important que prévu, de la mesure concernant les carrières longues, qui représente plus de 2,3 milliards d'euros chaque année pour le seul régime général.
Est-ce soutenable encore longtemps ? Je n'en suis pas convaincu, d'autant que ce dispositif a été partiellement détourné de son esprit initial. On constate ainsi que les assurés sociaux ont racheté leurs années de cotisations incomplètes ou d'études pour pouvoir accéder à ce dispositif, ce qui n'avait jamais été envisagé à l'origine.
Enfin, nous le savons tous, la politique de promotion de l'emploi des seniors amorcée par les pouvoirs publics à partir de 2003 a été largement vidée de son contenu par les accords conventionnels signés par les partenaires sociaux. Une multitude de dispositifs de cessation précoce d'activité fonctionnent toujours à plein régime et contournent totalement l'esprit de la réforme.
La France reste donc la lanterne rouge en Europe dans ce domaine. Le taux d'emploi des seniors stagne même depuis quatre ans pour les femmes et baisse encore un peu plus pour les hommes.
Il faut donc se féliciter de voir le projet de loi de financement de la sécurité sociale rompre avec l'hypocrisie et les pratiques du passé. La commission des affaires sociales vous proposera d'ailleurs d'aller au-delà des dispositions qu'il propose.
Cela étant, je m'inquiète d'une autre dérive potentielle, liée aux négociations en cours entre les syndicats et le patronat sur la pénibilité. Cette notion est difficile à cerner. La logique voudrait d'ailleurs qu'elle soit prise en compte et compensée durant la vie active, par le salaire et l'amélioration des conditions de travail, et non au moment de la cessation d'activité.
Je vois dans cette négociation un risque élevé de création d'un nouveau mécanisme de préretraite, au moment même où la question de la soutenabilité financière du dispositif des carrières longues est posée.
Telle est la situation. Elle conduit à conclure qu'un ajustement important s'imposera l'an prochain, ne serait-ce que pour préserver le pacte entre les générations.
Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales entend participer activement à la prochaine réforme des retraites en agissant comme une force de proposition. Depuis plus d'un an, nous nous sommes préparés à l'échéance de 2008 et nous avons conclu, à travers plusieurs rapports, à la nécessité de prendre différentes mesures.
Premièrement, il convient de mettre en oeuvre rapidement un ensemble de mesures d'économies.
Deuxièmement, on ne doit pas surestimer les excédents potentiels de l'assurance chômage ou la productivité future de notre économie ; c'est d'ailleurs le reproche que nous avons adressé au dernier rapport du COR dont le scénario s'appuie systématiquement sur l'aspect le plus favorable de chaque paramètre. Ce n'est pas réaliste.
Ttroisièmement, il faut préparer la réforme suivante, celle de 2012, pour qu'elle soit structurelle, fondée, par exemple, sur les comptes notionnels suédois.
Quatrièmement, il faut s'attacher à bien cibler les catégories d'assurés sociaux susceptibles d'être mis à contribution. Les jeunes générations et les actifs du secteur privé ont déjà assumé la charge principale des réformes précédentes. Au contraire, les trois fonctions publiques n'y ont contribué que depuis 2003, et encore de manière très progressive.
Or, on le sait, les fonctionnaires pourraient représenter en 2020 plus de 60 % des besoins de financement de la branche vieillesse, c'est-à-dire trois fois leur part relative dans la population active. C'est donc sur ce point qu'il faudra à mon avis faire porter l'effort principal.
À court terme, un retour à l'équilibre des comptes impliquera d'adopter des mesures courageuses sur le plan financier.
Nous proposons ainsi d'accélérer la mise en oeuvre des mesures d'économies, à commencer par la décote dans la fonction publique qui, à nos yeux, devrait être pleinement effective dès 2012, et non en 2015.
Nous estimerions imprudent d'engager de nouvelles dépenses au-delà des mesures en faveur du minimum vieillesse et des pensions de réversion annoncées par le Président de la République pendant la campagne électorale.
Il faudrait aussi contrôler le dispositif des carrières longues et peut-être envisager de n'en ouvrir le bénéfice qu'à partir de l'âge de cinquante-huit ans.
Enfin, il paraît indispensable, d'une part, de repousser à cinquante-huit ans l'âge auquel les chômeurs sont dispensés de recherche d'emploi, cette mesure devant ensuite être supprimée d'ici cinq à dix ans, et, d'autre part, de demander un nouvel effort aux assurés sociaux sous la forme d'un report à soixante et un ans de l'âge « normal » de départ en retraite. Je mets tous les guillemets nécessaires autour du mot « normal », car nous savons bien qu'actuellement cette normalité est parfaitement extraordinaire.
Une autre option pour l'allongement des carrières pourrait consister à remplacer l'âge légal de la retraite par une fourchette d'âge, comprise, par exemple, entre soixante et soixante-cinq ans, sur la base d'un barème actuariel, comme cela se fait à l'étranger, notamment en Suède.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Au-delà de ces mesures comptables, trois dossiers doivent être traités.
Le premier dossier est celui des pensions compte tenu de la croissance rapide - 6 % par an ! - des dépenses qui y sont affectées dans le budget de l'État.
La réforme du code des pensions civiles et militaires impliquerait de poursuivre le processus d'harmonisation avec le régime général - c'est ce que tous les Français demandent - en agissant cette fois sur les modalités de calcul des pensions, sur les règles de bonifications ainsi que sur les possibilités de départs anticipés.
Le deuxième dossier est celui - question récurrente ! - de la mise en extinction rapide du dispositif des suspensions des fonctionnaires de l'État d'outre-mer...
M. Paul Blanc. Ah !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. ...qui, outre son caractère contestable, donne lieu à des fraudes contre lesquelles il est impossible de lutter.
Catherine Procaccia, André Lardeux et moi-même avons d'ailleurs pris l'initiative de déposer une proposition de loi en ce sens ; elle a été cosignée à ce jour par quatre-vingt-cinq sénateurs et, mes chers collègues, vous pouvez encore vous y associer ! (Sourires.)
Le troisième dossier est celui des régimes spéciaux, dont nous avons abondamment parlé lors du débat du 2 octobre dernier et pour lequel, monsieur le ministre, vous savez pouvoir compter sur le soutien de la commission des affaires sociales.
Nous attendons bien sûr le résultat des négociations dans les grandes entreprises nationales, résultat auquel nous serons très attentifs dans l'hypothèse où certains seraient tentés de tout faire pour vider la réforme de sa substance.
Dès maintenant, nous considérons qu'il faut sécuriser davantage les prochains adossements de la RATP, de La Poste et, le cas échéant, de la SNCF au régime général, et nous proposerons des amendements en ce sens.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. En définitive, ce PLFSS comme le rendez-vous de 2008 seront tous deux dominés par l'urgence ainsi que par la nécessité du retour à l'équilibre des comptes de la branche vieillesse.
Au-delà de ces mesures paramétriques indispensables, la commission des affaires sociales souhaite l'ouverture d'un processus de réflexion pour une réforme, cette fois structurelle, dans la perspective du rendez-vous de 2012.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de lancer une expertise approfondie sur les régimes par points et sur la possibilité de transposer en France le mécanisme des comptes notionnels suédois complété par son système d'ajustement financier ? Je suis convaincu de l'intérêt de cette étude pour l'avenir de notre régime de retraite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que je me propose d'examiner avec vous la situation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale, je constate que ce domaine n'intéresse plus les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC, qui ont quitté l'hémicycle alors qu'était abordé un sujet tout de même primordial et semblant jusqu'à présent « dans leurs cordes » !
La branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite « branche AT-MP », est la plus petite des quatre branches : ses dépenses devraient s'élever, en 2008, à environ 11,8 milliards d'euros, dont 10,5 milliards d'euros pour le régime général, ce qui représente seulement 3 % des dépenses totales de sécurité sociale. Cela ne signifie cependant pas que les risques professionnels soient des questions marginales.
Les statistiques récentes confirment les tendances contrastées précédemment observées.
D'un côté, le nombre d'accidents du travail, qui a déjà baissé de 16 % entre 2000 et 2006, continue de diminuer. Le seul bémol porte sur les accidents de trajet, à l'origine d'un accident mortel sur cinq, qui progressent depuis deux ans. Je crains d'ailleurs que cette tendance ne soit renforcée par la mise en place des Vélibs à Paris, compte tenu de la façon de conduire de certains utilisateurs, dont quelques-uns se rendent sans doute à leur travail !
De l'autre côté, le nombre de personnes reconnues atteintes de maladies professionnelles est toujours en augmentation.
Les cas sont concentrés sur un petit nombre de pathologies : ainsi, 70 % des malades sont atteints d'affections périarticulaires, causées par des gestes ou des postures de travail, et 14 % par des maladies de l'amiante. Les secteurs du bâtiment et des travaux publics, du bois- ameublement et de la chimie accusent la plus grande proportion d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Cette analyse des risques m'amène à vous présenter les principales données financières de la branche AT-MP.
Les prévisions favorables que je vous avais exposées l'année dernière ne se sont malheureusement pas tout à fait vérifiées. On espérait un retour à l'équilibre en 2007 ; le déficit avoisinera en réalité 370 millions d'euros.
Cette erreur de prévision s'explique par une sous-estimation des dépenses et par un excès d'optimisme quant aux recettes. La branche AT-MP n'avait en particulier pas anticipé correctement la progression rapide des dépenses d'indemnités journalières qui a été observée cette année.
Les comptes de 2007 ont également été dégradés par une mesure de provisionnement des déficits accumulés par le FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d'activité des salariés de l'amiante, pour un montant de 170 millions d'euros.
Au cours des deux dernières années, ce fonds n'a pas disposé de ressources suffisantes pour faire face à ses obligations, ce qui a obligé la branche AT-MP à lui consentir des avances ; mais la Cour des comptes ayant douté du remboursement de ces avances, elle a demandé que ces dernières soient comptabilisées comme des charges de la branche.
Cela étant, l'assainissement financier devrait finalement intervenir en 2008 : la branche dégagerait l'an prochain un excédent de 273 millions d'euros, essentiellement grâce à l'amélioration de ses recettes.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit en effet de rétablir les cotisations AT-MP dont les entreprises pouvaient être dispensées au titre de certaines exonérations de charges sociales.
Cette mesure ne concerne pas l'allégement « Fillon », mais elle touche les dispositifs « ciblés » applicables à certains salariés ou sur certaines parties du territoire, les zones franches urbaines ou les zones de revitalisation rurale, par exemple.
On en attend 320 millions d'euros de recettes supplémentaires versées par les entreprises. L'État économisera 140 millions d'euros, puisqu'il n'aura plus à compenser une partie de ces exonérations à la sécurité sociale, et la branche AT-MP disposera de 180 millions d'euros de ressources supplémentaires, au titre des exonérations jusqu'ici non compensées.
La commission des affaires sociales considère que la suppression de ces exonérations est cohérente avec la logique d'incitation à la prévention que vous avez évoquée tout à l'heure, madame la secrétaire d'État, et qui sous-tend le calcul des cotisations AT-MP.
En effet, leur montant varie en fonction du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles recensés dans l'entreprise au cours des trois dernières années. L'incitation à la prévention disparaît, on le comprend aisément, si les entreprises sont exonérées de ces cotisations.
J'en viens aux transferts à la charge de la branche, qui vont augmenter de 50 millions d'euros l'an prochain au profit du FCAATA, dont la situation financière reste très dégradée en raison notamment du faible rendement de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.
Cette contribution devrait rapporter moins de 30 millions d'euros l'an prochain, en dépit de la décision que le Sénat a prise l'an dernier de porter son plafond de 2 millions d'euros à 4 millions d'euros. Ce faible rendement s'explique par les nombreux recours en justice lancés par les entreprises, recours qui ont pour effet de différer ou de diminuer leurs versements.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur le groupe de travail chargé de réfléchir à la réforme du FCAATA dont Xavier Bertrand envisage, comme Mme la secrétaire d'État le disait tout à l'heure, la création ?
Pour conclure sur ce point, je regrette que la contribution de l'État au financement des fonds de l'amiante ne soit pas encore à la hauteur de ses responsabilités. En 2005, la mission sénatoriale d'information dont j'avais l'honneur d'être le rapporteur avait demandé que l'État assume 30 % du financement de ces fonds, ce qui allégerait la charge de la branche AT-MP.
Vous êtes chargé, monsieur le ministre, des comptes publics, et permettez-moi de regretter que l'État n'ait pas consenti, jusqu'ici, d'effort budgétaire en ce sens. Sans doute l'examen du projet de loi de finances pour 2008 nous donnera-t-il l'occasion de faire le point sur cette question. Certes, nous savons que les sommes en jeu sont importantes, mais il conviendrait que les efforts déjà entrepris soient menés jusqu'au bout.
Le deuxième volet de mon propos portera sur les initiatives prises au cours de l'année écoulée en matière de prévention des risques professionnels.
Ces initiatives démontrent que ce dossier reste une priorité pour les pouvoirs publics, notamment pour le ministère du travail.
Le Gouvernement a d'abord décidé de poursuivre la mise en oeuvre du plan « santé au travail » lancé par Gérard Larcher en février 2005.
L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, grâce aux moyens qui lui ont été alloués, est désormais opérationnelle. Elle a rendu en avril 2007 un premier avis consacré aux fibres minérales artificielles, dont certaines présentent des caractéristiques physiques proches de celles de l'amiante. Elle recommande d'améliorer la traçabilité de l'exposition des salariés à ces substances et de renforcer les normes de protection. Il serait intéressant que le Gouvernement nous indique s'il compte donner des suites à cet avis.
Ensuite, dès sa prise de fonctions, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, a souhaité donner une nouvelle impulsion à la politique de prévention.
La conférence sur les conditions de travail, qui s'est tenue le 4 octobre dernier et dont notre collègue Gérard Larcher était le rapporteur, a permis de lancer des actions concrètes.
Il serait trop long de dresser la liste exhaustive des initiatives qui ont été annoncées ; je soulignerai simplement que la commission des affaires sociales approuve l'attention portée à la prévention des troubles psychosociaux, dont plusieurs suicides dans de grandes entreprises ont récemment révélé l'ampleur.
Pour lutter plus efficacement contre ces troubles, il est en effet prévu de transposer, par la voie de la négociation, deux accords européens consacrés, l'un, à la lutte contre le harcèlement et la violence au travail, l'autre, au stress. Pour approfondir notre réflexion, le ministre vient par ailleurs de confier une mission sur ce sujet à deux experts.
L'année 2007 a enfin été marquée par l'achèvement de la négociation engagée par les partenaires sociaux à la fin de 2005 sur la réforme de la branche AT-MP. Deux accords ont été conclus : le premier, en février 2006, porte sur la gouvernance de la branche, le second, en mars 2007, sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels.
Le premier accord réaffirme le caractère strictement paritaire de la gestion de la branche et prévoit d'inscrire dans les textes la règle tacite selon laquelle la présidence de la commission AT-MP de la Caisse nationale d'assurance maladie revient à un représentant des employeurs.
Dans un premier temps, il avait été envisagé de faire figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un article reprenant les conclusions de cet accord, mais cette option a été abandonnée après que le Conseil d'État a fait observer l'absence d'impact financier de cette mesure.
Le second accord tend à renforcer les actions destinées aux PME et aux très petites entreprises en matière de prévention, à réaliser une étude de faisabilité sur la possibilité d'inclure dans le dossier médical personnel des fiches d'exposition professionnelle et de faire bénéficier, à titre expérimental, les salariés des particuliers employeurs d'un suivi médical adapté.
En matière de tarification, il vise surtout à ramener de 200 à 150 salariés le seuil d'application de la tarification individuelle.
En matière de réparation, il prévoit de maintenir le principe d'une réparation forfaitaire, qui serait cependant améliorée et individualisée. La rente des victimes d'AT-MP serait majorée en cas de recours à l'assistance d'une tierce personne, la prise en charge des frais d'appareillage serait renforcée et une allocation temporaire de réinsertion professionnelle serait créée, sous réserve d'une étude de faisabilité.
Si cet accord contient indéniablement des propositions intéressantes, il laisse cependant en suspens certaines questions importantes, et on peut le regretter.
Ainsi, la nécessaire réforme de la tarification, dont chacun connaît pourtant la complexité et le manque de réactivité, est simplement esquissée.
Ensuite, il est prévu de soumettre plusieurs propositions importantes à des études de faisabilité, qui risquent de donner lieu à des interprétations diverses.
Enfin, l'amélioration de la réparation est conditionnée à « la capacité de la branche de les financer ». Cette formulation laisse entendre qu'elle devrait être mise en oeuvre à budget constant, ce qui suppose de réaliser des économies en contrepartie, par exemple au détriment du FCAATA.
En raison de ces incertitudes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit pas de transcrire dans les textes le contenu de ce second accord.
Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales juge utile de poursuivre la concertation et de procéder aux études nécessaires avant d'arrêter des décisions définitives.
Nous pensons également qu'il est nécessaire de réfléchir de façon urgente à la réforme du fonds sur l'amiante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, compte tenu de la gravité du sujet, nous aurions pu imaginer être plus nombreux cet après-midi ; mais l'organisation de la discussion un lundi, au début d'une semaine difficile, n'était peut-être pas particulièrement propice.
Le projet de loi de financement pour 2008 est le premier projet de loi de financement de la législature.
Le socle sur lequel il repose est fragile. En effet, l'année 2007 a été marquée par une dégradation importante des comptes de la sécurité sociale, qui a nécessité, pour la première fois, le déclenchement de la procédure d'alerte au mois de mai 2007.
Le solde du régime général s'est en effet dégradé de 3 milliards d'euros par rapport à 2006, atteignant 11,7 milliards d'euros en 2007, se rapprochant ainsi des niveaux de déficit les plus élevés atteints en 2004 et en 2005. Quant au déficit de l'ensemble des régimes de base et des fonds de financement, il s'élèverait à 14 milliards d'euros en 2007.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 devrait toutefois permettre de corriger de 4 milliards d'euros l'évolution tendancielle des comptes sociaux en 2008 en ramenant le déficit du régime général à 8,8 milliards d'euros et celui de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des fonds à 9,7 milliards d'euros.
La structure du déficit du régime général devrait se modifier en 2008, avec le retour signalé d'un léger excédent pour deux des quatre branches de l'assurance maladie, la branche famille et la branche AT-MP.
Le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, devrait également connaître un excédent en 2008, mais il n'est pas sauvé pour autant, comme M. Leclerc nous l'a rappelé. Il devrait en effet enregistrer un déficit cumulé jusqu'en 2011 inclus si l'on se réfère aux projections pluriannuelles annexées au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En revanche, la branche maladie, en dépit d'une amélioration de sa situation due aux mesures proposées dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, conserverait un déficit très élevé, évalué à 4,1 milliards d'euros.
La branche vieillesse devrait encore connaître une dégradation, malgré de nouvelles recettes liées à la modification du traitement des préretraites. Son déficit devrait ainsi atteindre 5,2 milliards d'euros.
Les projections pluriannuelles annexées au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale constituent un autre élément de préoccupation. Bien que fondées sur des hypothèses économiques assez optimistes, elles ne laissent pas entrevoir de résorption rapide des déficits. Dans le scénario bas, le régime général accumulerait un déficit de 41,6 milliards d'euros pour la période comprise entre 2008 et 2012, contre un déficit cumulé de 27,6 milliards d'euros dans le scénario haut.
Je reste également très préoccupé par la situation du FFIPSA, dont on parle depuis un certain nombre d'années et qui continue de connaître une dégradation très nette avec un déficit annuel de 2,7 milliards d'euros en 2008. À cet égard, l'État s'est engagé, dans le cadre du projet loi de finances rectificative pour 2007, à reprendre le reliquat de la dette alors contractée à l'égard du Budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, soit 619 millions d'euros. Cette opération devra néanmoins faire l'objet d'une évaluation approfondie lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, ainsi qu'en loi de règlement pour 2007. II sera par ailleurs indispensable de rétablir l'équilibre structurel du FFIPSA et de lui assurer un financement pérenne.
Le président du FFIPSA qui, jusqu'à présent, défendait bec et ongles le budget de ce fonds, vient de donner sa démission.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il sera remplacé !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je n'en doute pas, mais le problème demeure.
En tant que membre du conseil de surveillance du FFIPSA représentant le Sénat, je serai très attentif à son équilibre financier.
Cette situation dégradée se retrouve dans l'évolution des plafonds d'avances de trésorerie. Avec 36 milliards d'euros, le plafond fixé pour le régime général en 2008 atteint un record absolu depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, ce qui permet à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, d'être le premier prêteur à court terme au monde. Elle pourrait se passer de figurer en tête de ce genre de classement, qui témoigne des sommets que nous avons atteints.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et à quels taux d'intérêt !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous en reparlerons, monsieur le rapporteur, car le montant des frais financiers pour 2008 s'élève effectivement à plus d'un milliard d'euros.
Compte tenu des difficultés que nous constatons et de la capacité de la CADES à amortir la dette, un nouveau transfert de déficit vers la CADES n'est pas à exclure. Cela supposerait cependant d'accroître ses ressources afin de ne pas allonger la durée d'amortissement. Je vous rappelle que la CADES devrait amortir la dette qui lui a été confiée à l'horizon de 2021.
Comme l'a indiqué M. Alain Vasselle dans le rapport de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, une augmentation de 0,2 point de la contribution pour le remboursement de la dette sociale permettrait de résorber les quelque 30 milliards de dettes suspendues dans le vide, car non attribuées à la CADES. Nous savons que cette dernière a la capacité d'amortir cette dette, puisqu'elle a déjà remboursé quelque 36 milliards d'euros sur les 107 milliards qui lui ont été confiés.
En réalisant cette opération, que l'opinion publique trouverait peut-être désagréable - mais elle pourrait comprendre la nécessité d'y procéder -, on éviterait à l'ACOSS de payer plus de 700 millions d'euros de frais financiers, ce qui permettrait des marges supplémentaires.
Enfin, je relève que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale procède à une certaine clarification des relations entre l'État et la sécurité sociale. Vous l'avez d'ailleurs indiqué, monsieur le ministre, et je partage votre avis à cet égard. Au début du mois d'octobre 2007, l'État a en effet remboursé 5,1 milliards d'euros à la sécurité sociale, soit le montant des créances accumulées par le régime général au 31 décembre 2006.
La Caisse de la dette publique, la CDP, a acheté des billets de trésorerie émis par l'ACOSS et annulé sa créance le 5 octobre 2007. Cette opération d'apurement de la dette apparaît comme une commodité budgétaire, qui devra faire l'objet, comme la LOLF le prescrit, d'un traitement approprié dans le tableau de financement de la loi de finances rectificative pour 2007. Cela nous calmerait quelque peu...