M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme M. Détraigne, je me réjouis que le Sénat, de manière efficace et responsable, ait inscrit, aussi rapidement après son examen à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi à l'ordre du jour.
J'ose dire que la réciproque n'est pas toujours vraie, comme l'attestent des textes en attente ; je pense à la proposition de loi relative à la législation funéraire ou encore à la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.
Il est vrai que le Sénat, par l'intermédiaire du rapporteur général, M. Philippe Marini, a toujours été attentif à l'assurance vie et à la protection des assurés.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui touchant à l'utilisation de données personnelles, c'est la commission des lois et son excellent rapporteur, M. Henri de Richemont, qui apportent aujourd'hui leur contribution à ce sujet complexe.
Il est complexe, car il touche le domaine des secrets des familles et génère sur le montant des sommes concernées de nombreux fantasmes que les orateurs précédents ont évoqués.
Il est complexe, car tous les ingrédients sont réunis pour intéresser la presse ou des personnalités en recherche de notoriété. Qui n'a pas rêvé de recevoir, un jour, un héritage inespéré d'un parent perdu de vue, voire inconnu ? (Sourires.)
Notre tâche de législateur n'est donc pas aisée en la matière ; c'est pourquoi je me réjouis que nous ayons progressé, sagement mais sûrement, par étapes.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, est très équilibré.
Les assureurs et les mutuelles se voient autorisés à consulter le fichier INSEE des personnes décédées, afin de savoir précisément quand rechercher les bénéficiaires des contrats d'assurance vie. En contrepartie, deux obligations sont mises à leur charge : l'obligation de rechercher les bénéficiaires, mais surtout l'obligation de verser le montant du contrat dans le mois suivant la réception des pièces nécessaires au paiement. Je ne peux qu'approuver ces dispositions.
M. le rapporteur pour avis et M. Détraigne l'ont rappelé, lorsque, en octobre 2005, nous avons examiné le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, dit DDAC, nous avions déjà évoqué l'idée de permettre l'accès au fichier INSEE et une définition plus fine du bénéficiaire. Mais, à l'époque, nous nous sommes heurtés à trois problèmes.
Le premier réside dans la nature des contrats d'assurance vie, pour lesquels le souscripteur a le droit de ne pas voir révéler à n'importe qui l'identité du bénéficiaire de son contrat.
Le deuxième problème réside dans les difficultés techniques et éthiques de la constitution d'un fichier unique des contrats d'assurance vie.
Enfin, le troisième problème réside dans l'impératif de ne pas transformer ce sujet en aubaine commerciale pour des entreprises de généalogie, plus soucieuses de chiffre d'affaires que de l'intérêt des héritiers qui, souvent très heureux de toucher un héritage inattendu, se laissent imposer une commission parfois énorme.
De ces réflexions est né un interlocuteur unique pour les citoyens en matière d'assurance vie : AGIRA. Après neuf mois d'existence, cet organisme a permis de faire verser aux demandeurs 12 millions d'euros, ce qui est loin d'être un détail.
Le fonctionnement de l'AGIRA mais aussi les travaux des compagnies d'assurance, dans le cadre de la Fédération française des sociétés d'assurances ou FFSA, pour se doter avant la fin de l'année d'un code de bonnes pratiques en matière de recherche des bénéficiaires d'assurance vie, donnent un cadre suffisant pour envisager aujourd'hui avec succès l'accès au fichier INSEE des personnes décédées.
Pourtant, malgré des avancées notables, ce texte me paraît insuffisant.
D'abord, il n'oblige pas à une plus grande précision sur le bénéficiaire au moment de la souscription. L'accès au fichier INSEE ne résout que la première partie du problème : l'assureur découvre que son client est décédé, mais il lui faut identifier et localiser le bénéficiaire.
Si celui-ci n'est pas un ascendant ou un descendant en ligne directe du défunt, la tâche peut se révéler compliquée, le seul nom ne suffisant pas.
C'est pourquoi je défendrai un amendement modifiant le code des assurances et le code de la mutualité, afin qu'un bénéficiaire soit dit « déterminé » si figurent au contrat les mentions de ses nom, prénoms, date de naissance et adresse. Il n'y a aucune obligation, mais comment retrouver le bénéficiaire sans cette possibilité ?
Je proposerai également un amendement obligeant les entreprises d'assurance à entrer en contact avec leurs souscripteurs de contrat d'assurance vie au minimum tous les dix ans, afin de vérifier l'actualité des coordonnées de ces derniers, mais aussi celles du bénéficiaire ou des bénéficiaires. La loi du 1er août 2003 de sécurité financière n'est pas une réponse suffisante. En effet, elle a rendu obligatoire une information annuelle, mais seulement pour les contrats de plus de 2 000 euros et elle concerne le seul souscripteur et non le bénéficiaire.
La deuxième limite du texte concerne les risques de l'acceptation, sujet sur lequel j'aimerais, après le rapporteur, M. Henri de Richemont, expliciter ma position.
L'acceptation devrait pouvoir être aménagée dans certains cas, puisque le souscripteur ne peut, tout au long de sa vie, effectuer de retrait sans l'accord du bénéficiaire. Cette notion de blocage « ad vitam æternam » me paraît incompatible avec l'allongement de la durée de la vie et ses aléas.
Je suis consciente que, M. Henri de Richemont me l'a dit, l'acceptation est une solution très protectrice pour le bénéficiaire et découle directement du droit des libéralités puisque le contrat d'assurance vie est une stipulation pour autrui. J'ai bien compris qu'en agissant ainsi on crée une sorte d'étanchéité qui met le bénéficiaire à l'abri des créanciers, du fisc ou des héritiers du souscripteur.
Toutefois, il existe une exception à ce principe : lorsque le souscripteur souscrit un contrat après soixante-dix ans. Le bénéficiaire n'est alors pas à l'abri, en particulier du fisc.
Vous allez, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, me rétorquer que l'assuré n'est aucunement obligé d'informer le bénéficiaire de l'existence d'un contrat et qu'il peut aussi, grâce à ce texte, refuser que le contrat soit accepté. Je reconnais qu'il s'agit-là d'une grande avancée. À l'occasion de ce texte, j'ai découvert que, dans les procédures de divorce, l'une des premières démarches du notaire consiste à conseiller au conjoint de se précipiter pour accepter le contrat d'assurance vie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui ! Mais le notaire ou l'avocat ?
Mme Catherine Procaccia. Effectivement, l'avocat plutôt que le notaire !
Vous avez raison ou plutôt vous auriez raison si les assurances vie n'étaient vendues que par des professionnels de l'assurance capables de bien informer le souscripteur des conséquences de certaines dispositions. Mais, vous le savez, ces contrats sont parfois vendus dans un package, comme une carte d'achat dans un hypermarché, ou avec un prêt, parfois même par correspondance ou par Internet. Et ce n'est pas le délai de réflexion qui permet à la personne de tout comprendre.
En attendant que le devoir d'information impose à tous une formation adéquate, combien de souscripteurs vont être clairement informés des conséquences inaliénables de l'acceptation ? Qui peut imaginer que son conjoint, son enfant, bénéficiaire acceptant refusera un jour, en cas de difficulté, de nous laisser exercer notre faculté de rachat ? Toutefois, dans trente ans, on aura peut-être divorcé ; on aura peut-être eu des enfants d'un autre mariage ou le PACS aura été rompu. Preuve en est qu'aucun des sénateurs - hormis notre excellent rapporteur naturellement et le président de la commission des lois -, aucun des membres des cabinets ministériels auxquels j'ai soumis cet amendement, aucun ne mesurait les conséquences de cette contrainte sur l'acceptation !
Si vous refusez cet amendement, j'aurai au moins fait preuve de pédagogie et peut-être ferez-vous désormais très attention, dans cette assemblée et au-delà, à propos de l'acceptation d'un contrat d'assurance vie, car on ne sait pas ce que réserve la vie.
Comprenez bien que c'est le principe même de l'acceptation du contrat d'assurance vie que j'aurais voulu remettre en cause, puisqu'il existe, M. le rapporteur l'a dit, une donation, acte clair et net. Cependant, consacrer à une assurance vie de l'argent qui est bloqué durant dix, vingt, trente ou quarante ans, sans que l'on puisse effectuer de retrait en cas de besoin, cela me paraît être une aberration juridique.
Par conséquent, je vous proposerai des sous-amendements aux amendements de la commission, pour introduire ces cas d'exception. Pour ce faire, je me suis calée, je le précise, sur des dispositifs qui existent déjà, comme celui des retraits effectués avant le terme de cinq ans sur un plan d'épargne entreprise ou PEE, et pour des motifs qui sont donc déjà reconnus par la réglementation, mais qui iront moins loin que ceux qui avaient été introduits par un ministre de l'économie et des finances dénommé Nicolas Sarkozy...
Cette proposition de loi permet, j'en suis consciente, de réelles avancées, et je félicite sincèrement mes collègues députés MM. Yves Censi et Jean-Michel Fourgous de leur initiative. Toutefois, depuis plusieurs années, le dossier des contrats non réclamés est pollué par des polémiques qui ne tiennent pas compte des avancées que l'on doit au Parlement, et particulièrement au Sénat.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Absolument !
Mme Catherine Procaccia. Je suis intimement convaincue que le texte ne va pas assez loin et j'estime qu'il serait dommage d'attendre encore deux ans pour aller plus loin. C'est ainsi que nous voyons arriver cette année des amendements qui avaient été déposés par MM. Marini et Détraigne en 2005 à l'occasion de l'examen du projet portant DDAC. On a toujours tort d'être en avance ! Si mes sous-amendements ne sont pas adoptés, je suis très profondément persuadée qu'un jour nous irons plus loin et que, dans deux ans, soit une loi soit des dispositions jurisprudentielles reprendront de telles propositions.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux imaginer, vous qui avez si bien défendu, en tant que député, les consommateurs, que vous restiez insensible à mes arguments et vous contentiez d'écouter la seule position technique de votre administration. (M. le secrétaire d'État s'exclame.)
Quant à vous qui m'avez écoutée, mes chers collègues, lorsque vous signerez un contrat d'assurance vie, j'espère que vous penserez à moi avant de le faire accepter. Alors j'aurai fait aujourd'hui un grand progrès ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Françoise Henneron. Bravo !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Très bonne intervention, madame Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. C'est parce que je suis convaincue !
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est nécessaire pour assainir des pratiques contestables des organismes assureurs proposant des contrats d'assurance sur la vie.
En effet, la question des encours des contrats d'assurance vie non réclamés et de la recherche de leur bénéficiaire en cas de décès du souscripteur tente d'être résolue depuis quelques années.
Jusqu'à présent, dans les faits, elle est restée sans réponse et l'on peut se demander si ce n'est pas en raison de l'importance des sommes qui restent ainsi captées par les compagnies d'assurance, alors qu'elles auraient dû être, conformément à la volonté des défunts, reversées à des bénéficiaires.
Selon les sources d'information, les chiffres varient du simple au quadruple : le montant des encours des contrats d'assurance vie non réclamés s'élèverait à 1 milliard ou 2 milliards d'euros selon le Gouvernement, à seulement 950 millions d'euros selon les assureurs et à près de 4 milliards d'euros selon certaines associations.
Chacun le sait, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne sont pas favorables au principe de l'assurance vie. Nous ne pouvons en effet approuver un produit d'épargne utilisé pour effectuer des donations exonérées, jusqu'à 152 500 euros, de droits de succession et quasiment défiscalisées, puisque les produits et les intérêts capitalisés ne sont pas imposés durant toute la vie du contrat et que les rachats et retraits effectués sont exonérés d'impôt après huit ans.
Néanmoins, nous ne cautionnons pas une seconde les pratiques des compagnies d'assurance qui profitent depuis bien longtemps des capitaux non réclamés par les bénéficiaires de contrats d'assurance sur la vie.
Le législateur a pourtant tenté, à plusieurs reprises, d'améliorer le dispositif d'information des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie et de préciser, en matière de recherche des bénéficiaires, les obligations des organismes assureurs en cas de décès de l'assuré.
La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a instauré l'obligation, pour les assureurs, d'envoyer chaque année au souscripteur une information relative au contrat, favorisant ainsi la transmission de l'information à l'égard des personnes ayant accès aux documents en cas de décès de l'assuré.
Mais c'est la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance qui a le plus renforcé le dispositif encadrant les contrats d'assurance sur la vie non réclamés par leurs bénéficiaires.
Elle a tout d'abord prévu que le contrat doit comporter une information sur les conséquences de la désignation du bénéficiaire et sur les modalités de cette désignation. Par ailleurs, l'assureur, informé du décès de l'assuré, est tenu d'aviser le bénéficiaire de la stipulation effectuée à son profit, mais seulement si ses coordonnées sont portées au contrat. Mais le champ de l'obligation à laquelle est soumise l'assureur s'arrête là, et c'est l'une des insuffisances de la loi du 15 décembre 2005.
Si l'identité ou les coordonnées ne sont pas connues de l'assureur, ou si ce dernier n'a pas connaissance du décès, il se trouve dégagé de toute obligation d'effectuer des démarches de recherche du bénéficiaire.
Enfin, toujours dans le cadre de la loi du 15 décembre 2005, il est prévu que toute personne physique ou morale peut s'adresser aux organismes professionnels du secteur de l'assurance ou de la mutualité pour s'informer de l'éventuelle existence d'une stipulation à son profit, à condition d'apporter la preuve du décès du souscripteur.
Ces organismes ont, dans ce cadre, créé l'Association pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance, l'AGIRA, qui est chargée de centraliser les demandes, avant de les adresser aux organismes assureurs pour traitement.
Ce dispositif, a priori intéressant, n'est pourtant pas totalement satisfaisant, car il fait reposer l'ensemble de la démarche sur le seul bénéficiaire potentiel et non sur l'organisme assureur. Or il existera toujours des personnes ou des associations qui ne peuvent imaginer être bénéficiaires d'un contrat d'assurance sur la vie.
La législation actuelle, bien que de plus en plus complète, n'a pas réellement réglé la situation des contrats restés en déshérence après le décès du souscripteur en cas de non-réclamation du bénéfice de l'assurance vie.
Si cette proposition de loi comporte indéniablement, sur le principe, des avancées, nous considérons que celles-ci mériteraient d'être renforcées.
Les articles 1er et 2 visent à créer la possibilité, pour les organismes assureurs et mutualistes, de consulter les données figurant au répertoire national d'identification des personnes physiques, le RNIPP, et relatives au décès des personnes qui y sont inscrites.
Certes, cette possibilité constitue une innovation intéressante ; elle était d'ailleurs attendue par des associations de défense des consommateurs. Mais les articles 1er et 2, tels qu'ils sont issus des travaux de l'Assemblée nationale, en ne posant pas le principe d'une obligation de consultation du RNIPP, font toujours dépendre du bon vouloir des assureurs le versement des capitaux non réclamés à une personne qui ignore en être bénéficiaire.
La commission des lois propose donc, à juste titre, de transformer la faculté prévue dans ces deux articles en une obligation. Mais encore faudrait-il que soient précisés le type de contrat auquel s'applique cette obligation et la fréquence à laquelle les assureurs devront consulter le RNIPP. En effet, si le législateur n'encadre pas assez strictement les pratiques dans le secteur de l'assurance vie, le sort des capitaux non réclamés dépendra toujours plus ou moins de la bonne volonté des organismes assureurs.
La commission des lois propose également de restreindre l'accès au RNIPP aux seules mutuelles et unions susceptibles de proposer à leurs adhérents des opérations sur la vie humaine ou des opérations de capitalisation. Nous approuvons cette position, que nous soutiendrons.
Néanmoins, j'espère que les démarches entreprises par les assureurs resteront à la charge de ces derniers et que la création d'un traitement de données nominatives relatives aux décès ne donnera pas lieu, à l'avenir, à son utilisation à des fins commerciales.
L'économie générale de cette proposition de loi semble équilibrée, à condition toutefois que les amendements de la commission des lois soient adoptés.
Ma dernière remarque concernera un point qui n'est pas directement abordé dans ce texte, à savoir l'affectation des capitaux non réclamés au Fonds de réserve pour les retraites, le FRR. La loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoit en effet que les montants des contrats d'assurance sur la vie non réclamés par leurs bénéficiaires au terme d'un délai de trente ans sont, depuis le 1er janvier 2007, théoriquement affectés au Fonds de réserve pour les retraites. Il est regrettable que la proposition de loi ne raccourcisse pas ce délai, qui nous semble excessivement long, alors que le FRR aurait bien besoin de ces capitaux non réclamés.
Le Gouvernement estimait d'ailleurs que cette ressource du FRR s'élèverait à 15 millions d'euros en 2007. Malheureusement, aucun versement n'interviendra en 2007, les premiers versements étant prévus au début de l'année 2008.
Nous proposerons donc un amendement visant à réduire le délai d'affectation des capitaux non réclamés de trente ans à dix ans. Il nous paraît plus juste de faire profiter relativement rapidement le FRR de ces importantes sommes d'argent en lieu et place des organismes assureurs.
D'une proposition de loi constituée au départ d'un article unique, nous aboutissons aujourd'hui à un ensemble de mesures, globalement attendues et souhaitées par des associations de défense des consommateurs. Pour notre part, nous les approuvons également.
Pour conclure, je vous ferai tout simplement remarquer, mes chers collègues, que toutes ces mesures auraient tout aussi bien pu résulter d'une généralisation des bonnes pratiques au sein même des organismes professionnels concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Mme Catherine Procaccia applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'assurance vie est devenue le principal instrument de placement de nos concitoyens. Elle est susceptible de répondre à de nombreuses préoccupations, qu'elles soient d'ordre successoral, patrimonial ou assurantiel.
Toutefois, faute d'avoir connaissance du décès de l'assuré, faute de savoir, pour le bénéficiaire, s'il possède précisément cette qualité - il faut en effet rappeler que le souscripteur n'est pas obligé d'informer le bénéficiaire qu'il a désigné - de nombreux contrats, pour des sommes non négligeables, ne sont pas réclamés. Ces derniers se trouvent alors in fine en situation de déshérence.
Le montant des avoirs d'assurances sur la vie non réclamés pourrait atteindre un à deux milliards d'euros. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a prévu que, au terme d'un délai de trente ans, les fonds concernés viendraient abonder le Fonds de réserve pour les retraites.
Déjà, la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance avait renforcé les obligations des assureurs et amélioré l'information du souscripteur au moment de la rédaction des clauses de désignation du bénéficiaire, obligeant l'assureur, lorsqu'il a connaissance du décès de l'assuré, d'avertir le bénéficiaire, si les coordonnées de ce dernier figurent au contrat, de la stipulation effectuée à son profit.
Cependant, les coordonnées du bénéficiaire ne sont pas toujours portées au contrat par le souscripteur soit que ce dernier ne le souhaite pas, soit que l'assureur ne l'y ait pas invité.
Il est donc essentiel que le souscripteur ait été informé des conséquences de la désignation des bénéficiaires. C'est ce que prévoit l'article 8 de la loi du 15 décembre 2005, qui précise que le contrat doit comporter une information sur les conséquences de la désignation du ou des bénéficiaires et sur les modalités de cette désignation.
Le souscripteur est averti qu'il doit désigner de la façon la plus précise et la plus complète possible le bénéficiaire - nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, adresse - et qu'il doit faire connaître à l'assureur tout changement de ces coordonnées en cours de contrat.
L'engagement que prend l'assureur d'avertir le bénéficiaire au moment du décès doit également être indiqué dans le contrat.
Enfin, l'assureur doit mentionner dans le contrat que, si le souscripteur fait connaître au bénéficiaire la stipulation à son profit, la clause risque d'être rendue irrévocable, ce qui interdit tout rachat ultérieur. Cette mention devrait permettre d'attirer l'attention du souscripteur sur l'enjeu de la désignation du bénéficiaire.
Le cas où l'assureur n'est pas informé du décès de l'assuré ou ne connaît pas les coordonnées du bénéficiaire a également été envisagé. Désormais, toute personne peut demander par lettre à un organisme professionnel représentatif si elle est bénéficiaire d'un contrat souscrit par une personne dont elle apporte la preuve du décès. L'organisme représentatif dispose alors de quinze jours pour transmettre la demande aux entreprises agréées pour proposer des contrats d'assurance sur la vie. Ces dernières ont ensuite un mois pour avertir la personne dans le cas où il existerait une stipulation à son bénéfice.
Pour répondre à cette obligation légale, les professionnels du secteur se sont regroupés dans une association dénommée AGIRA, qui, depuis le 1er mai 2006, répond à toutes les demandes des bénéficiaires potentiels et les transmet, en principe, aux organismes gestionnaires des contrats. Néanmoins, comme cela a été évoqué, ce dispositif n'a permis de dénouer qu'un nombre relativement faible de contrats, puisque, sur près de 10 500 demandes, un peu moins de 700 contrats ont été soldés, pour un montant légèrement supérieur à 12 millions d'euros, ce qui est insuffisant.
Ce constat a conduit le Médiateur de la République, auquel il faut rendre hommage, à préconiser, dans son rapport d'activité pour l'année 2006, la modification de la loi, afin d'instaurer une obligation générale d'information et de recherche des bénéficiaires à la charge des assureurs. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
En effet, le bénéficiaire ne sachant pas nécessairement qu'il a été couché sur un contrat d'assurance sur la vie, et l'assureur ne sachant pas nécessairement que le souscripteur d'un contrat est décédé, il faut permettre aux organismes qui gèrent des contrats d'assurance sur la vie de savoir de manière relativement simple si l'assuré dont ils n'ont plus de nouvelles est décédé ou encore en vie.
Pour ce faire, la proposition de loi autorise les assureurs à accéder au répertoire national d'identification des personnes physiques géré par l'INSEE, ce qui paraît de bonne méthode, dès lors que les renseignements qui seront collectés sont strictement nécessaires à la finalité du traitement mis en oeuvre.
Ainsi, initialement circonscrite à la question des contrats d'assurance non réclamés par leurs bénéficiaires à la suite du décès de l'assuré, la proposition de loi a vu, lors de son examen par l'Assemblée nationale, son champ s'étendre plus généralement aux droits des bénéficiaires, ainsi qu'aux conditions et aux effets de l'acceptation du contrat par ces derniers. Le travail important réalisé par l'Assemblée nationale a été amplement amélioré par le rapporteur de la commission des lois de notre assemblée, M. Henri de Richemont.
Nous avions pensé à déposer un amendement pour sanctionner les assureurs qui ne rechercheraient pas les bénéficiaires d'un contrat d'assurance sur la vie. M. le rapporteur nous a répondu en commission que les assureurs engageraient alors leur responsabilité.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Des sanctions sont prévues !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'état actuel, cette réponse nous satisfait.
Nous ne présenterons donc qu'un seul amendement, à nos yeux constructif, qui tend à la mise en place d'une base de données de tous les contrats d'assurance sur la vie, comme cela existe en Colombie-Britannique, sous le nom d'Axa Pacific Insurance Company, conformément à un Unclaimed Property Act, nom du site web.
Afin de tenir compte de la discussion qui a eu lieu ce matin en commission des lois, nous avons rectifié cet amendement et nous proposons désormais la création d'un registre accessible sur Internet, mais consultable seulement par les notaires et les juges aux affaires familiales, conformément à la suggestion d'un membre de la majorité.
Tout à l'heure, la commission des lois est convoquée pour examiner précipitamment un amendement du Gouvernement au projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux et visant, conformément à la volonté du Président de la République, à porter à dix ans d'emprisonnement la peine maximum applicable aux propriétaires de chiens mordeurs.
J'ignore ce que pense le Président de la République du texte que nous examinons en ce moment. M. le secrétaire d'État pourrait peut-être nous le dire, ou le lui demander ; je suis certain que cela éclairerait la majorité.
En tout cas, en ce qui concerne le groupe socialiste, sous réserve de l'adoption de son amendement, comme ma collègue et amie Nicole Bricq l'a dit, une fois n'est pas coutume, il votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er A
I. - L'article L. 132-5 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat d'assurance comportant des valeurs de rachat précise les conditions dans lesquelles, en cas de décès, la revalorisation du capital garanti intervient à compter au plus tard du premier anniversaire du décès de l'assuré jusqu'à la réception des pièces mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 132-23. »
II. - Après l'article L. 223-19 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 223-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 223-19-1. - L'opération d'assurance comportant des valeurs de rachat précise les conditions dans lesquelles, en cas de décès, la revalorisation du capital garanti intervient à compter au plus tard du premier anniversaire du décès du membre participant jusqu'à la réception des pièces mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 223-22. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - À la fin du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 132-5 du code des assurances, remplacer les mots :
au dernier alinéa de l'article L. 132-23
par les mots :
à l'article L. 132-23-1
II.- À la fin du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article L. 223-19-1 dans le code de la mutualité, remplacer les mots :
au dernier alinéa de l'article L. 223-22
par les mots :
à l'article L. 223-22-1
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 3 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III.- Le présent article entre en vigueur un an après la date de publication de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à différer l'entrée en vigueur de l'article 1er A un an après la date de la publication de la présente loi.
C'est un amendement de simplification, destiné à permettre aux compagnies d'assurance de prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les nouvelles dispositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est sensible à l'argument développé par M. le rapporteur. En effet, si la présente proposition de loi est adoptée, la révision de certaines clauses figurant dans les contrats nécessitera le réexamen de l'ensemble des contrats. Il peut donc être utile d'accorder un délai aux assureurs pour y procéder.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable.