M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Sincèrement, la décision qui a été adoptée par la commission des lois est, je le crois, une décision sage. (MM. Philippe Dallier et Dominique Braye s'exclament.)
Mes chers collègues, à cette heure-ci, vous devenez un peu paranoïaques...
M. Dominique Braye. Et vous, ce n'est pas seulement à cette heure-ci ; c'est tout le temps !
M. Philippe Dallier. Cessez vos insultes et vos insinuations, monsieur Assouline !
M. David Assouline. Calmez-vous, monsieur Dallier !
Vous venez juste de nous expliquer que nos propos n'avaient pas d'importance...
Selon vous, la suppression de l'article 21 serait destinée à permettre à une personne en situation irrégulière d'intégrer un parcours lui permettant d'obtenir le droit non seulement à un hébergement d'urgence, mais également à un logement stable.
La réalité est plus simple. Il est un élément qui nous a émus, tout comme il a ému les associations, les humanistes et tous les membres de la Haute Assemblée, y compris vous-même, monsieur Dallier : en France, même lorsque l'on n'a pas de papiers, la Soupe populaire est ouverte.
M. Dominique Braye. Mais elle le sera toujours si l'article 21 entre en vigueur ! Cessez de prétendre le contraire !
M. David Assouline. Même lorsque l'on n'a pas de papiers, l'hébergement d'urgence reste ouvert.
C'est tout simplement le principe de l'assistance à personne en danger, qui nous est imposé par le code pénal.
M. Philippe Dallier. Là-dessus, nous sommes d'accord !
M. David Assouline. Or les injonctions qui sont faites aux élus - je les ai évoquées cet après-midi - pour les inciter à ne pas accorder de prestations sociales d'urgence aux personnes en situation irrégulière entrent directement en contradiction avec ce principe.
Pour le reste, nous savons bien que les sans-papiers n'auront pas accès au logement, car il n'existe aucun droit opposable au logement pour eux. Au mieux, pourra-t-on demander à une instance judiciaire de garantir le droit au logement de ceux qui sont régulièrement installés et qui peuvent en bénéficier.
Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Dallier, si les deux amendements de suppression sont adoptés, la presse ne parlera pas de « recul » ou de « défaite ». Elle constatera simplement que le Sénat, à la différence de l'Assemblée nationale, a réfléchi, écouté, et ne veut pas donner l'impression que des sans-papiers peuvent être laissés à la rue pendant l'hiver.
M. le ministre peut très bien expliquer les choses - ses propos figureront au Journal officiel - et faire en sorte qu'il n'y ait aucune autre interprétation possible de la suppression de l'article 21.
À mon sens, la Haute Assemblée s'honorerait en émettant un vote unanime sur cette question.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 124 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 178 est présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Alquier, Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 124.
Mme Éliane Assassi. Ne nous leurrons pas : compte tenu des antécédents de M. Mariani, personne ne peut croire que son dispositif soit une mesure conciliante à l'égard des étrangers !
Sur le fond, l'article 21 peut changer en profondeur la nature même de l'hébergement d'urgence, dont le propre est d'accueillir toute personne sans discrimination et sans aucune condition. Il peut supprimer un tel principe.
Par conséquent, et sans esprit polémique, j'en appelle à la sagesse du Sénat pour supprimer, ce soir, cet article et prendre le temps de revenir sur une véritable question de fond.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'hébergement d'urgence n'a rien à voir avec le regroupement familial !
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 178.
Mme Michèle André. Cet amendement a été longuement étudié et débattu par la commission des lois, dans la sérénité et dans un souci d'attention aux plus démunis. À la fin de cette discussion, nous avons fait le choix de proposer la suppression de l'article 21, qui est le fait non pas du Gouvernement, mais de l'Assemblée nationale, par le biais d'un amendement qu'elle a adopté.
Pour ma part, s'agissant de l'accueil des personnes en détresse, je rejoins Mme Assassi.
Mon cher collègue Dominique Braye, nous serons très bientôt au début de l'hiver et, dans ce contexte, maintenir un tel dispositif serait, me semble-t-il, un très mauvais signal adressé aux Emmaüs ou aux structures d'hébergement.
Certes, nous devons harmoniser le présent projet de loi avec la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Pour autant, nous nous grandirions en supprimant cet article 21, afin de préserver la sérénité de nos grandes associations, qui sont également l'honneur de notre pays.
Si, comme moi, vous avez visité les Emmaüs, vous avez pu constater le travail de fond qu'ils accomplissent et comment ils permettent la reconstruction de certains individus, qui retrouvent ainsi l'espérance et la capacité de vivre, même en-dehors de telles structures. Nous devons donc également porter une attention à ces acteurs.
M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir !
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié sexies, présenté par MM. Seillier et Laffitte, Mme Desmarescaux, M. Portelli et Mme Bout et Procaccia est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...- Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les structures d'hébergement ne sont pas contraintes d'apprécier ou de contrôler la régularité de la situation des personnes qu'elles accueillent. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet. La commission a très majoritairement émis un avis favorable sur les amendements identiques nos 124 et 178, qui tendent à supprimer l'article 21.
Quant à l'amendement n° 30 rectifié sexies, il n'aurait plus d'objet si ces deux amendements de suppression étaient adoptés. En revanche, dans le cas contraire, la commission a également émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Au nom du Gouvernement, je propose de modifier la rédaction prévue à l'article 21 pour l'article 4 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, en précisant que toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer dès lors qu'elle le souhaite et qu'elle peut « justifier de la régularité d'un séjour continu sur le territoire ».
Une telle rédaction répondrait, me semble-t-il, à l'objectif exprimé par les différents orateurs. Ensuite, un débat en commission mixte paritaire pourrait avoir lieu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, la rédaction que vous proposez aurait pour conséquence d'exclure les sans-papiers des hébergements d'urgence.
M. Philippe Dallier. Mais non ! Relisez l'article !
Mme Bariza Khiari. Mais si ! (Brouhaha.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme le soulignait M. Seillier, d'un côté, nous devons régler le problème, mais, de l'autre, nous devons faire attention à ne pas remettre en cause l'hébergement d'urgence.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Or, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, l'article 21 peut être interprété comme étant destiné à rendre impossible l'hébergement d'urgence des personnes en situation irrégulière.
M. Dominique Braye. Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je sais lire, monsieur Braye !
M. Dominique Braye. Moi aussi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n'ai sans doute pas votre expérience en matière de logement, mais j'ai tout de même présidé un office HLM de 15 000 habitants pendant 5 ans ! Présider la commission des lois ne m'interdit nullement de m'intéresser aux autres problèmes.
Au nom de la majorité de cette commission, je me suis engagé à ce que l'on règle le problème en commission mixte paritaire.
Mme Isabelle Debré. Oui ! C'est cela qu'il faut faire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Or je ne suis pas convaincu par votre suggestion, monsieur le ministre. En effet, la rédaction que vous proposez reviendrait à durcir le texte de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non. Cela ne susciterait pas le débat, car cela ne correspond pas aux finalités de l'article 4 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
À l'heure actuelle, nous ne pouvons plus proposer d'amendements. Il y aurait bien une solution, mais vous seul pouvez en décider, monsieur le ministre.
Je propose que nous réfléchissions ensemble à un nouvel amendement. Il s'agirait de faire en sorte que la disposition selon laquelle la personne hébergée doit « justifier de la régularité de son séjour sur le territoire » soit placée non plus après les mots : « qu'elle le souhaite », mais après les mots : « jusqu'à ce que qu'une orientation lui soit proposée. »
En effet, en déplaçant les termes, nous modifierions le texte dans le sens souhaité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le président, afin d'étudier sereinement la suggestion de M. le président de la commission des lois, je demande une suspension de séance de quelques instants.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatre heures trente, est reprise à quatre heures trente-cinq.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai bien entendu les objectifs des uns et des autres. Il me semble qu'il convient de déplacer la condition de régularité du séjour au niveau de l'orientation. En effet, quelqu'un n'a pas à être orienté s'il est en situation irrégulière ; il ne va pas bénéficier d'un hébergement définitif ni d'un logement !
Mme Éliane Assassi. Eh oui, c'est la loi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je propose donc de placer la régularité du séjour de la personne - « si elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans les conditions définies par décret en Conseil d'État » - à la fin de la première phrase de l'article 4 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses dispositions en faveur de la cohésion sociale.
En conséquence, on ne proposera une orientation à la personne que si elle est en situation régulière. Cette rédaction me semble correspondre parfaitement à ce que m'a appris le remarquable rapport de François-Noël Buffet...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...et devrait nous permettre d'approfondir le dialogue avec l'Assemblée nationale.
Je demande la priorité pour cet amendement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 218, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
À la fin de la première phrase de l'article 4 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale sont insérés les mots :
« si elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement et sur cette demande de priorité ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement ainsi qu'à son examen par priorité.
M. le président. La priorité est de droit.
La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Nous demandons un scrutin public sur les amendements nos 124 et 178. Nous ne voulons pas entrer dans ces contorsions. Nous souhaitons purement et simplement la suppression de l'article 21 !
M. le président. Le président Hyest a demandé la priorité sur l'amendement n° 218 qui vient d'être déposé ; ayant été acceptée par le Gouvernement, elle est de droit. Si cet amendement est adopté, les amendements nos 124, 178 et 30 rectifié sexies n'auront plus d'objet.
M. Louis Mermaz. Nous tenons à voter contre l'article 21. Nous ne voulons pas d'un texte ambigu, qui a l'air de dire que les sans-papiers ne peuvent pas être acceptés dans les centres d'urgence, c'est tout !
Mme Éliane Assassi. Nous non plus !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mais c'est faux !
M. Louis Mermaz. Ce texte « tortillé » peut être interprété dans tous les sens : nous ne sommes pas là pour vous sortir d'un mauvais pas ! Vous avez accepté que la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale vote l'article 21, qui est une honte. Nous nous y opposons fermement ! Nous voterons contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. Tant mieux !
M. le président. En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé et les amendements nos 124, 178 et 30 rectifié sexies n'ont plus d'objet.
M. David Assouline. Les sans-papiers ne seront donc plus accueillis dans les centres d'urgence !
M. Louis Mermaz. Ce texte est monstrueux !
M. Philippe Dallier. Votre mauvaise foi est évidente !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Quelle honte !
M. Dominique Braye. Nous en sommes fiers !
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, M. Cambon, Mmes Papon, Bout, Debré, B. Dupont, Mélot, Brisepierre, Sittler, Hummel, Rozier et Troendle, MM. Cornu et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l'article 21, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I - La section 2 du chapitre II du titre IV du livre I de la troisième partie du code du travail telle qu'elle résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section 12
« Congé pour acquisition de la nationalité
« Article L. 3142-116. - Tout salarié a le droit de bénéficier, sur justification, d'un congé non rémunéré d'une demi-journée pour assister à sa cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. »
II - Le chapitre V du titre II du livre II du code du travail est complété par une section ainsi rédigée :
« Section 8
« Congé pour acquisition de la nationalité
« Article L. 225-28. - Tout salarié a le droit de bénéficier, sur justification, d'un congé non rémunéré d'une demi-journée pour assister à sa cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. La cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française a été introduite dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, dont le rapporteur pour le Sénat n'était autre que François-Noël Buffet.
Or rien n'est prévu dans le code du travail pour cette cérémonie. C'est pourquoi je vous propose de prévoir le droit pour tout salarié concerné de bénéficier d'un congé d'une demi-journée pour y assister. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi. Non rémunéré !
M. Louis Mermaz. Mascarade !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié ter.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC vote contre.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
L'amendement n° 217, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 21, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 9 quinquies de la présente loi est applicable à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
II. L'article 20 de la présente loi est applicable à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Je n'entrerai pas dans le détail de cet amendement de coordination très technique, qui doit permettre de rendre applicables dans les collectivités d'outre-mer un certain nombre de dispositions introduites par voie d'amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j'émets un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Monsieur le président, il est bien tard et les derniers moments que nous venons de vivre ont été quelque peu déroutants. Notre débat fut long et émaillé d'échanges intenses. À cette heure, on pourrait croire que le vote que nous allons émettre est banal et, pourtant, tel n'est pas le cas.
Le groupe socialiste a apprécié la qualité du travail fourni par notre commission, ses efforts pour trouver d'impossibles accords. Malgré les quelques avancées, ou plutôt faudrait-il dire les absences de recul, si l'on considère « l'amendement Pelletier », le retour du recours à la CRR à un mois et d'autres occasions ratées qui sont le fait de nombreux articles introduits à l'Assemblée nationale, nous ne pourrons pas vous suivre sur ce projet de loi.
Nous l'avons largement expliqué au fil des articles, des amendements : le durcissement des conditions de regroupement familial nous inquiète sous tous ses aspects ; la mise en place des tests génétiques suscite des protestations émanant de tous horizons.
Les autorités laïques et religieuses, les associations, les scientifiques, les intellectuels, les citoyens français, tout simplement, mais aussi les chefs d'État étrangers et les autorités africaines s'interrogent sur l'état de la France et les raisons de cette peur devant la mondialisation, dès lors qu'il s'agit de la circulation des personnes.
Monsieur le ministre, relisez soigneusement l'avis n° 100 du CCNE, le comité consultatif national d'éthique ! Je vous en prie, ne participez pas au rétrécissement du sens de la famille, telle que nous avons réussi à la faire évoluer en France depuis des décennies.
Nous n'adhérons donc pas, sur le fond, à votre projet de loi. La forme prise par l'action des pouvoirs publics, qui consiste désormais à mobiliser les forces de police plus pour rechercher des étrangers en situation irrégulière que pour poursuivre les délinquants, ce qui constitue tout de même un paradoxe, nous inquiète.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre - il y en aurait bien d'autres, mais il est ou trop tôt, ou trop tard, pour les énoncer -, le groupe socialiste votera contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ferai remarquer que les membres du groupe CRC ont contribué à l'accélération des débats, en élaguant beaucoup leurs présentations d'amendements ; de même vais-je abréger mon explication de vote sur l'ensemble.
Cela dit, je crois que, dès avant la discussion des articles et pendant toute la durée de nos débats, nous avons développé toutes les raisons pour lesquelles nous étions farouchement opposés à ce texte - à l'ensemble de ce texte, je le précise, et pas seulement à l'infâme mesure relative aux tests génétiques.
À l'issue de discussions dont il faut tout de même reconnaître qu'elles ont été fort intéressantes, nous sommes toujours opposés à ce projet de loi, et avec autant de véhémence.
Nul ici n'a le monopole du coeur, et moi pas plus que quiconque. Toutefois, force est de constater que ce texte s'attaque frontalement à la dignité de la personne étrangère. Pis, il tend à opposer cette dernière à la personne française.
Il s'agit là d'une stratégie que je pourrais illustrer à l'envie, tant elle est évidente. Elle sous-tend le projet de société du Président de la République, que vous partagez pleinement, monsieur le ministre, et que nous rejetons.
Pour toutes ces raisons, notre détermination à voter contre ce texte est proportionnelle à l'acharnement du Gouvernement à imposer une loi discriminante, stigmatisante, inhumaine, bref contraire aux principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au préalable, je veux moi aussi saluer la richesse et la profondeur de ce débat, qui a été très intéressant en dépit d'échanges parfois difficiles.
Néanmoins, comme d'autres de nos collègues, je n'ai eu de cesse, depuis le début de notre discussion, de rappeler le caractère discriminatoire et parfois vexatoire de ce projet de loi. J'ai insisté sur les conséquences, à court ou à long terme, de la stigmatisation des étrangers qu'il institutionnalise.
Nous l'avons souligné, ce projet de loi vise avant tout à « caresser » dans le bon sens, sans beaucoup de scrupules, l'électorat d'une certaine droite. Malheureusement, il va alimenter les peurs, les phantasmes, les suspicions.
Bien que nous ayons tenté d'en limiter les dégâts sur le papier, je crains que ce texte ne provoque un véritable revirement dans la conception qui a toujours été celle de la France en matière de politique migratoire.
Hélas ! les quelques amendements de l'opposition qui ont été adoptés ne changeront pas grand-chose à l'esprit général d'un texte qui, je le répète, reste profondément discriminatoire, vexatoire et provocateur.
Nous voterons contre ce projet de loi, parce qu'il porte en lui, me semble-t-il, les germes d'une défiance, parfois même agressive, à l'égard des étrangers, en opposant souvent le pauvre à celui qui l'est encore plus.
Dans ce projet de loi, il est acté que l'étranger doit être contingenté, fiché, comptabilisé, parfois même réduit à un numéro, en oubliant sa dignité et son droit au respect.
Ce projet de loi est révélateur de la nouvelle démarche du Gouvernement. Pour vous, monsieur le ministre, l'étranger devient presque une marchandise, comme le montre la référence qui est faite aux quotas, comme si l'on parlait de blé, de lait ou d'un bien que la France ferait entrer sur son territoire selon ses besoins, ses envies et les nécessités d'un marché que j'éprouve, d'ailleurs, des difficultés à identifier !
La France souhaite s'inscrire dans une concurrence internationale des biens et des services. Si l'on vous suit, monsieur le ministre, il faudra donc désormais compter une nouvelle catégorie de biens : l'étranger.
Visiblement, l'obsession du fichage ne s'arrête ni à la question de l'ADN ni à celle du regroupement familial. J'en offrirai un exemple concret, avéré et révélateur de la traque qui s'organise aujourd'hui autour des étrangers : les 14 mai et 20 septembre derniers, la chancellerie a adressé aux chefs de cour et de juridiction des notes les obligeant à comptabiliser les décisions civiles prises en matière de contentieux des étrangers. Comme l'a souligné tout à l'heure Mme Assassi, il s'agit de recenser des données nominatives, afin de nourrir on ne sait quel fichier.
La traque aux étrangers que j'évoquais n'est plus une vue de l'esprit : nous entrons dans une spirale infernale qui m'inquiète et qui implique non pas seulement les autorités administratives, mais aussi, désormais, les magistrats.
Monsieur le ministre, que vous soyez ou non en cause dans cette affaire, je rappelle, à toutes fins utiles, que les principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice mériteraient que l'on s'interroge à ce sujet !
En effet, dans quel désastre humain et social veut-on précipiter la France ? Permettez-moi de rapprocher cette action de la chancellerie des objectifs assignés par votre ministère : plus qu'une conception de l'immigration, c'est un statut de l'immigré que vous dessinez, qui se définit par la précarité, l'absence de dignité et la marchandisation.
Pour conclure, après les instructions chiffrées données aux préfets en matière de reconduite à la frontière, que la presse a récemment rapportées, après les chiffres relatifs à l'immigration économique imposés par le Président de la République, je me demande jusqu'où ira l'arithmétique de votre Gouvernement !
Au nom de l'humanisme, du respect du droit à la dignité des étrangers, du principe d'égalité et du droit à une vie familiale normale, les Verts voteront contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme de débats passionnants, et quelquefois passionnés, nous venons d'achever l'examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous rendre hommage, au nom de l'ensemble de mes collègues du groupe UMP. Je ne peux que me réjouir de constater votre très forte détermination à conforter et à poursuivre la politique d'immigration choisie et concertée que les Français ont appelée de leurs voeux lors de l'élection présidentielle.
La politique que vous nous proposez est équilibrée, et nous la soutenons avec détermination. Elle est équilibrée, car elle est à la fois ferme et juste : ferme à l'endroit de ceux qui ne respectent pas les règles de la République ; juste et humaine à l'égard de ceux qui accomplissent les efforts nécessaires pour s'intégrer et réussir leur installation durable sur notre territoire.
Je tiens également à saluer le travail remarquable de la commission des lois du Sénat, qui, sous l'impulsion de son éminent président, M. Jean-Jacques Hyest, et de notre excellent rapporteur, M. François-Noël Buffet, a permis d'enrichir le contenu de ce texte.
Monsieur le ministre, il s'agit d'un bon projet de loi car, conformément à l'engagement du Président de la République, il améliore le processus d'intégration des immigrés en situation régulière et renforce les instruments juridiques d'une politique volontariste de l'immigration.
Il est un bon projet de loi car, loin de restreindre leurs droits, il offre aux demandeurs d'asile de nouvelles garanties juridictionnelles.
Il est un bon projet de loi, enfin, car il s'inscrit dans une véritable stratégie de codéveloppement.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP votera ce texte avec la conviction qu'il répond aux problèmes posés par l'immigration et l'intégration, une immigration choisie par un contrôle rigoureux des entrées constituant le pendant légitime des mesures qui tendent à une intégration réussie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 135 |
Le Sénat a adopté.