M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je souhaite apporter une précision à propos du sous-amendement n° 69, sur lequel j'avais émis un avis défavorable.
Entendons-nous bien. La rédaction qui est proposée par Mme Boumediene-Thiery est différente de la nôtre, mais nous avons bien le même objectif.
M. Michel Charasse. Absolument !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dès lors, puisque le Gouvernement a émis un avis favorable sur ce sous-amendement, nous pouvons le suivre.
Notre volonté était simplement de disposer d'une rédaction commune à tous les textes législatifs. En revanche, il n'y a aucune difficulté sur le fond.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87 et 132.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 69.
Mme Nathalie Goulet. Pour ma part, je ne comprends pas très bien le sens de ce sous-amendement n° 69.
Ce dispositif concerne les enfants qui sont nés dans des familles immigrées. Leur instruction pourrait, nous dit-on, être assurée par les parents ou par toute personne de leur choix.
Or, à mon sens, l'intégration doit s'effectuer par l'école de la République, et beaucoup d'entre nous qui sont nés de familles immigrées ont suivi leur scolarité sur les bancs de l'école de la République. C'est elle qui est, me semble-t-il, garante de l'intégration et de l'égalité.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
Mme Nathalie Goulet. Je ne vois donc pas très bien l'intérêt de remplacer l'obligation scolaire par l'obligation d'instruction. Je suis tout à fait prête à comprendre le sens d'une telle substitution, mais je voudrais que l'on me l'explique.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mon intervention va exactement dans le sens des propos de Mme Goulet.
Avons-nous des ennemis dans ce débat ? Non. Les étrangers qui choisissent de venir en France pour y séjourner régulièrement ne sont pas nos ennemis. Ils sont même les bienvenus. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Avons-nous un ennemi ? Oui. Le communautarisme, voilà l'ennemi. Nous sommes ici dans une institution de la République. Nous voulons une France républicaine, composée de citoyens, où il n'y ait pas de communautés refermées sur elles-mêmes.
C'est pourquoi le sous-amendement n° 69 me gêne, madame Boumediene-Thiery.
En effet, l'une des façons de briser le communautarisme est d'éviter certaines singularités ouvertes à des populations françaises, singularités qui permettent, d'une manière exceptionnelle et très particulière, une instruction, des enseignements, repliés sur eux-mêmes. C'est exactement le contraire que nous souhaitons. Nous voulons l'ouverture. Pour nous, l'école est émancipatrice.
C'est la raison pour laquelle, pour une fois, je suis en désaccord avec vous, monsieur le ministre. Je souhaite que le sous-amendement n° 69 soit repoussé par le Sénat, pour favoriser l'obligation scolaire.
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le terme d'« instruction » me semble tout à fait valable étant donné les difficultés de scolarisation que peuvent rencontrer certaines familles, et je suivrai le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je regrette une telle divergence d'appréciation entre nous.
Certes, voilà plus de cent ans, le code de l'éducation prévoyait effectivement la possibilité que l'instruction soit dispensée à domicile.
M. Gérard Longuet. C'était pour les précepteurs ! Aujourd'hui, c'est dépassé !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En effet, certains enfants avaient alors des précepteurs ou des gouvernantes et n'allaient à l'école - ce fut le cas pour André Gide - qu'une fois les bases de leur éducation déjà acquises en famille. Mais reconnaissons que cette époque est tout de même révolue.
J'ai connu personnellement ce type d'éducation, dans l'ouest de la France, au sein de familles extrêmement conservatrices qui trouvaient qu'aucune institution religieuse de la région n'était suffisamment traditionaliste pour bien éduquer leurs enfants...
M. Gérard Longuet. C'est exact !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ...et qui les gardaient le plus longtemps possible à la maison. Ces familles attendaient la préparation au baccalauréat avant d'oser mettre leurs enfants à Notre-Dame-de-Sion ou dans toute autre institution de la ville parce que celles-ci étaient jugées trop gauchistes !
Je vois bien ce qui se passe dans des familles venues du Maghreb ou d'Afrique, extrêmement réactionnaires, voire obscurantistes. Je n'ai pas envie que des enfants issus de l'immigration aujourd'hui connaissent la même situation que certaines de mes camarades de classe voilà soixante ans.
Le communautarisme est un danger qui menace plus que jamais notre pays ; c'est un danger qui menace ces enfants. Nous voyons bien ce que cela donne en Grande-Bretagne et nous n'avons pas envie d'aboutir au même résultat en France.
Je suis donc totalement hostile à ce sous-amendement. J'estime, à cette occasion, qu'il faudrait envisager de modifier le code de l'éducation. (M. Gérard Longuet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Au-delà des arguments développés par les uns et les autres, je rappelle que, selon la règle posée par Jules Ferry et toujours en vigueur, l'obligation scolaire peut s'accomplir hors de l'école publique et notamment à la maison. Or cette règle n'a jamais été remise en cause par la République. C'est clair !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Michel Charasse. J'ai assisté hier à une partie du débat et j'entendais sans cesse mettre en garde le Gouvernement sur le thème : « Vous allez introduire une discrimination entre les étrangers et les Français ! » Or, si je m'en tiens à l'amendement de la commission exprimé dans son sens strict, les étrangers en situation irrégulière ne pourraient pas satisfaire l'obligation scolaire en éduquant leurs enfants à la maison. Nous créons donc une discrimination entre les Français et les étrangers en situation irrégulière.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mais non !
M. Michel Charasse. La rupture du principe d'égalité, dont on a parlé hier tout l'après-midi, quelquefois même à tort dans certaines circonstances, est ici patente et, si le Conseil constitutionnel n'annule pas, il rendra au moins une décision interprétative en indiquant que l'obligation scolaire peut être satisfaite à la maison pour tout le monde, Français ou étrangers.
Mais, mes chers collègues, quand nous avons dit cela, nous n'avons rien dit si nous ne rappelons pas que le fait de satisfaire l'obligation scolaire à la maison relève d'abord du contrôle et de l'autorisation du maire, et d'aucune autre autorité ! C'est le maire qui doit régulièrement - en principe tous les mois - aller dans la famille pour vérifier les conditions dans lesquelles est respectée l'obligation scolaire.
M. Gérard Longuet. M. Delanoë va être occupé !
M. Michel Charasse. Cela peut peut-être faire rire, mais c'est la loi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne fait pas rire !
M. Michel Charasse. Si le maire constate une défaillance, il doit saisir l'inspecteur d'académie qui exerce le contrôle pédagogique et peut alors mettre un terme à l'expérience familiale si elle lui paraît de nature à compromettre les intérêts de l'enfant.
Par conséquent, mes chers collègues, quel que soit votre choix - l'amendement de M. Buffet modifié ou non par Mme Boumediene-Thiery - il n'empêche que le principe d'égalité est, en France, au-dessus de toute autre considération, et que vous ne pourrez pas obtenir que ce qui est autorisé pour les enfants français ne le soit pas pour les enfants étrangers.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Il vous restera, monsieur le ministre, à envoyer des instructions extrêmement strictes aux préfets et aux maires pour qu'ils fassent respecter normalement l'obligation scolaire dans ces cas-là et pour qu'ils veillent en particulier à ce que le programme de l'enseignement soit bien respecté par les familles, sans que soit mêlé le communautarisme ou le religieux au programme de base enseigné à tous les petits citoyens qui vivent sur le territoire de la République.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très juste !
M. Michel Charasse. Voilà, monsieur le président, ce que je voulais dire.
Je voudrais ajouter un point, si vous me le permettez, ce qui m'évitera de reprendre la parole ultérieurement.
Monsieur le ministre, je sens monter actuellement un certain malaise parmi les maires de France, dont le congrès national ne devrait pas tarder à se faire l'écho : il s'agit de la question des limites à l'action d'un maire pour venir en aide à un étranger en situation irrégulière sans tomber sous le coup de l'aide à séjour irrégulier.
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Il y a plusieurs circonstances.
Qu'en est-il des parrainages ? Sont-ils considérés comme une aide à séjour irrégulier ou pas, étant entendu que je fais la distinction entre les cas dans lesquels le maire sort de sa poche l'argent nécessaire pour aider personnellement l'étranger sur ses deniers et ceux dans lesquels il laisse à l'État le soin de tout payer ?
Ensuite, je voudrais citer la récente affaire de la cantine de Digoin. À partir du moment où les maires acceptent les enfants étrangers à l'école - c'est l'obligation scolaire -, il paraît difficile qu'ils leur interdisent l'accès à la cantine dans les mêmes conditions qu'aux autres enfants français ou étrangers en situation régulière, ainsi que le bénéfice des services sociaux et des subventions de la commune si celle-ci accorde des aides aux familles pour alléger le coût des repas.
M. Jean-Patrick Courtois et Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Dans ce cas, est-ce une aide à séjour irrégulier ou pas ?
Enfin, le bureau d'aide sociale de la commune est fait pour venir en aide aux personnes de toute nationalité et de toute condition qui sont en situation d'urgence. Comment le maire, pour ne pas tomber sous le coup de la loi, peut-il faire l'arbitrage entre la non-assistance à personne en danger et l'interdiction d'apporter un soutien abusif à un étranger en situation irrégulière ?
Monsieur le ministre, cher Brice Hortefeux, je souhaiterais que les préfets reçoivent des instructions claires qui puissent être communiquées aux maires, de façon qu'ils sachent sur quel pied danser et qu'ils ne se trouvent pas soumis localement aux fantaisies de ceux qui voudront faire du zèle et menaceront de les poursuivre, dans des conditions, comme on dit dans notre chère Auvergne, « maltapropos » !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais simplement rappeler que l'obligation scolaire telle qu'elle est prévue dans l'amendement est celle qui s'applique à tout enfant, français ou étranger. Il n'y a donc pas lieu de débattre d'une éventuelle différence de traitement : ce sera exactement le même traitement pour tous, français ou étrangers.
L'amendement s'inscrit bien dans le cadre de l'obligation existante, qui répond à des règles applicables définies depuis longtemps, et ne change rien sur ce point.
J'ajoute que l'instruction dispensée à la maison est placée sous le contrôle de l'inspecteur d'académie.
M. Michel Charasse. Du maire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le respect de l'obligation relève du maire et le contrôle, de l'inspecteur d'académie.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'obligation scolaire, telle que je l'ai proposée dans l'amendement, ne crée aucune distinction entre les enfants. Les principes qui régissent aujourd'hui notre système seraient identiques pour tout le monde. Cet amendement ne présente donc pas de difficulté.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le président, j'ai pris tout à l'heure position sur le sous-amendement n° 69. Les interrogations qu'il suscite montrent bien que la question est loin d'être simple ...
M. Gérard Longuet. En effet, ce n'est pas simple !
M. Brice Hortefeux, ministre. ... et qu'il n'y a pas unanimité au sein même des groupes. J'ai peut-être pris une position un peu rapide en émettant un avis favorable et, compte tenu des précisions qui ont été apportées depuis, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Michel Charasse a abordé un problème qu'il a, je crois, l'intention de soulever dans le cadre de ses responsabilités de président de l'association départementale des maires du Puy-de-Dôme. J'aurai sans doute alors l'occasion de lui répondre.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai oublié de dire tout à l'heure que la scolarisation à domicile - notre collègue Gouteyron, qui a été inspecteur général de l'éducation nationale, connaît le sujet - représente entre 1 % et 2 % des enfants français.
Si vous constatiez un pourcentage supérieur en ce qui concerne les enfants étrangers en situation régulière ou irrégulière, alors, oui, Gérard Longuet, il y aurait lieu de s'en inquiéter et de renforcer les mesures de contrôle de l'exécution de l'obligation scolaire et de la qualité de l'enseignement. Mais cela relève des circulaires adéquates à adresser aux autorités administratives, préfets, maires, inspecteurs d'académie...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'article 3.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce qui frappe dans le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, c'est son aspect à la fois idéologique et coercitif. Aucune des centaines d'études réalisées depuis des décennies sur les conditions d'adaptation, puis d'intégration des millions de familles migrantes - et les bibliothèques du monde entier en sont remplies - n'est prise en compte !
Avec ce type de disposition, nous sommes en train de rendre plus difficile l'intégration des familles au lieu de l'accompagner et de la faciliter.
La Cour des comptes avait indiqué dans son rapport intitulé L'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration, publié en 2004, que la politique d'intégration bénéficiait d'un bien moindre effort financier que la politique de contrôle des flux.
Non seulement nous n'accordons pas des moyens suffisants à l'accueil des immigrants, mais encore le côté coercitif de notre politique est particulièrement nuisible à l'éducation des enfants dans les familles migrantes.
Je vous demande simplement, mes chers collègues, de vous référer à votre propre expérience de parents français en France, qui n'est pas différente de celle des familles de migrants. Tout ce que nous savons sur l'éducation des enfants en général, et sur les enfants de migrants en particulier, milite contre toutes les mesures qui dévalorisent les parents et ruinent leur autorité.
Si la confiance des parents dans leur propre capacité à éduquer est sapée par des mesures coercitives au lieu d'être renforcée par des mesures d'accompagnement, ils cessent de jouer leur rôle, qui est de transmettre des normes de comportements - humains, moraux, sociaux - dans un climat où l'affection et la sanction savent aller de pair.
Si les parents renoncent à ce rôle parce qu'on leur a fait perdre, par des mesures comme celles que vous proposez, toute confiance en leurs capacités, il n'y aura pas d'éducation, en tout cas pas d'éducation réussie. Je me réfère ici, notamment, aux travaux de Mme Claude Halmos, une psychanalyste spécialiste de l'éducation qui traite de manière très sensée de ces problèmes.
J'en appellerai également à notre propre expérience, celle de représentants des Français établis hors de France, celle d'expatriés qui ont dû accomplir un important travail sur eux-mêmes et sur leur famille pour s'adapter à leur pays d'accueil - et je préfère de beaucoup le terme d'adaptation à celui d'intégration.
Nos collègues sénateurs français de l'étranger présents aujourd'hui en séance le savent : nous avons pu vivre à l'étranger pendant des décennies sans jamais nous intégrer réellement mais en nous adaptant et en étant parfaitement à l'aise !
Demandons donc aux migrants qui se trouvent en France de s'adapter, et non de s'intégrer dès leur arrivée, car ce serait absurde : nous, les expatriés, devons accomplir un travail formidable, dont vous semblez d'ailleurs n'avoir aucunement conscience, monsieur le ministre, qui consiste à garder notre fierté et notre dignité, enracinées dans notre vécu, et, simultanément, à accepter d'autres normes, pour nous et, plus encore, pour nos enfants. C'est difficile, parfois même déchirant, mais les millions de migrants qui vivent à travers le monde prouvent tous les jours que c'est possible !
Monsieur le ministre, votre coercition travestie de paternalisme n'aide pas les familles migrantes à réussir l'éducation et l'adaptation de leurs enfants, pas plus qu'elle ne facilite leur propre adaptation à la société française. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
L'article L. 311-9 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la quatrième phrase du deuxième alinéa, les mots : «, le cas échéant, » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - Un décret détermine les situations dans lesquelles le bilan de compétences n'est pas proposé. »
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° de cet article :
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il fixe les situations dans lesquelles le bilan de compétences n'est pas proposé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter
Dans le troisième alinéa de l'article L. 311-9 du même code, les mots : « il peut être tenu » sont remplacés par les mots : « l'autorité administrative tient ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 90 est présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 133 est présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mme Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 90.
Mme Éliane Assassi. Nous l'avons vu, le non-respect du contrat d'accueil et d'intégration peut être sanctionné par le non-renouvellement de la carte de séjour. Lors du débat à l'Assemblée nationale, M. Mariani - encore lui ! - a déposé un amendement visant à rendre systématique la prise en compte par le préfet de ce non-respect du contrat d'accueil. Ce texte a été adopté et il est devenu l'article que nous examinons aujourd'hui.
Comme nous nous sommes efforcés de le démontrer au cours des débats, le contrat d'accueil et d'intégration constitue un concept relativement flou et empreint de jugements de valeur. Son efficacité au bout de deux ans d'existence ne peut être prouvée ; sa compatibilité avec le nouveau contrat d'accueil et d'intégration des familles n'est pas vraiment définie ; les obligations de l'État à l'égard de l'autre partie contractante ne sont pas précisées et les populations immigrées ne disposent d'aucun recours possible pour contester l'application de ce contrat. En revanche, lorsque l'administration a jugé qu'une personne ne respectait pas les termes de ce contrat, la sanction est claire et rapide : on lui retire sa carte de séjour.
L'article 3 ter ne fait que renforcer cet acharnement à l'égard des populations immigrées. Chers collègues, ne nous voilons pas la face : ce contrat d'accueil et d'intégration ne constitue qu'un moyen supplémentaire pour juguler les flux migratoires ! Il est question ici non pas de politique humaniste d'intégration, et encore moins d'action sociale et culturelle, mais de décisions arbitraires et d'une logique purement comptable.
Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 133.
Mme Bariza Khiari. L'article 3 ter, introduit par l'Assemblée nationale, vise à lier plus fortement la compétence du préfet en cas de non-respect du contrat d'accueil et d'intégration manifesté par une volonté caractérisée.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose seulement que le préfet « peut tenir compte » du non-respect du contrat d'accueil et d'intégration au moment du premier renouvellement du titre de séjour.
Aux termes du présent article, l'autorité administrative « tient compte » du non-respect du contrat, et ce qui n'était qu'une faculté devient pour le préfet une obligation. Nous nous opposons à cette systématisation, à laquelle nous préférons une analyse au cas par cas, beaucoup plus humaine.
Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression, car elle considère que le refus de respecter le contrat d'accueil et d'intégration doit nécessairement être pris en compte par l'autorité administrative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet naturellement un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression. Le CAI est d'abord un contrat (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), et il est normal de sanctionner la mauvaise foi manifeste de celui qui ne l'aura pas respecté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais dans ce cas précis, ce n'est pas un contrat !
Mme Bariza Khiari. C'est un contrat qui ne lie qu'une seule des parties ! Au moins, désormais, la chose est dite !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 90 et 133.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter.
(L'article 3 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 3 ter
M. le président. L'amendement n° 198, présenté par MM. Gouteyron, Courtois, J. Gautier et Demuynck et Mme Lamure est ainsi libellé :
Après l'article 3 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 311-9 du même code est complété par la phrase suivante :
« Il en est de même de l'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 5° de l'article L. 313 10 ou à l'article L. 315 1 et de son conjoint. »
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Mes chers collègues, lors de mon intervention au cours de la discussion générale, j'ai annoncé cet amendement, cosigné, entre autres, par Jean-Patrick Courtois, Christian Demuynck et Élisabeth Lamure, que j'associe à mon propos.
L'objet de cet amendement est extrêmement clair et simple. Il s'agit de dispenser du contrat d'accueil et d'intégration certaines personnes, très précisément les salariés en mission et les titulaires de la carte de séjour « compétences et talents », car ceux-ci n'ont pas vocation à rester durablement en France.
J'ai pu constater que, dans certains pays, des cadres et des chefs d'entreprise manifestaient leur inquiétude. J'ai aussi lu récemment dans certains journaux que tel ou tel ambassadeur avait exprimé sa préoccupation. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un problème très concret que nous devons régler en affirmant l'intention du législateur : le contrat d'accueil et d'intégration n'est pas fait pour ces catégories d'étrangers ; il convient donc de les en dispenser très clairement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a accepté la proposition de M. Adrien Gouteyron et a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement émet un avis très favorable.
Comme je l'ai déjà indiqué, les salariés en mission et les bénéficiaires de la carte « compétences et talents » n'ont pas vocation à demeurer durablement sur notre territoire. Si la carte « compétences et talents » est délivrée au maximum pour six ans, c'est d'ailleurs précisément pour que nous, pays d'accueil, ne risquions pas de piller les pays d'origine en les privant durablement de leurs élites.
La dispense du contrat d'accueil et d'intégration se justifie donc totalement dans ces cas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable !
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Gouteyron, je précise que j'avais déjà donné des instructions afin que ces contrats soient gérés avec une grande souplesse, mais l'inscription de cette règle dans la loi constitue à l'évidence une bonne idée.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Est-il nécessaire d'intervenir, tant vos propos, monsieur le ministre, sont extraordinaires ! À vous entendre, les étrangers disposant d'un titre de séjour qui, par définition, est toujours provisoire, seraient censés demeurer durablement sur notre territoire ! On n'y comprend plus rien !
M. le secrétaire d'État qui, tout à l'heure, nous a fait l'honneur de donner l'avis du Gouvernement à votre place a précisé qu'un contrat liait deux parties. Mais lorsque les sanctions s'appliquent à une seule des parties et que l'autre est libre de toute obligation, ce n'est plus un contrat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est un contrat d'adhésion !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos explications sont belles et bonnes, mais les étrangers qui ne respecteront pas le CAI seront sanctionnés, alors que rien n'est prévu en cas de manquement de l'autre partie, qui est censée offrir les prestations nécessaires. Appelez ce dispositif comme vous voudrez, mais ce n'est pas un contrat !
En réalité, personne n'est censé demeurer éternellement sur le territoire national - la preuve, c'est que les longs séjours sont de plus en plus limités. Il est absolument anormal d'opérer une distinction au profit de ceux qui ne resteront pas longtemps en France et qui, comme par hasard, sont notamment des cadres ! Mais, de nos jours, sait-on bien ce qui se passe chez les cadres ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 ter.
Je rappelle que le Sénat a examiné l'article 4 par priorité lors de sa séance du 3 octobre 2007.