M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Un tel audit a déjà été demandé à de nombreuses reprises, par vous-même, monsieur Desessard, ou par d'autres.
Je le rappelle une fois encore, la Cour des comptes, dans un rapport particulier de 2005 que je tiens à votre disposition a mis en évidence le fait que les coûts de démantèlement et de gestion des déchets étaient pris en compte dans les prix de l'électricité. À cette occasion, elle a précisé qu'EDF avait provisionné, à la fin de 2004, environ 14 milliards d'euros pour la gestion de la fin de cycle du combustible et plus de 12 milliards d'euros pour la déconstruction, et que les actifs dédiés à cet effet s'élevaient à 2,7 milliards d'euros et devraient atteindre 15 milliards d'euros en 2010.
Par ailleurs, vous savez que nous avons légiféré en détail sur ce point lors de l'examen du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.
Dans l'article 20 de cette loi, qui créé un cadre juridique spécifique relatif au démantèlement, il est prévu, notamment, que les exploitants doivent constituer des provisions afférentes à ces charges.
Cette même loi a instauré une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.
Cette commission, au sein de laquelle siègent d'ailleurs des parlementaires, doit remettre un rapport tous les trois ans. Aucun n'est encore paru, puisque le premier rapport doit nous être présenté en juin 2008.
Ces dispositions répondent à votre attente, mon cher collègue. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 22.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Desessard, vous rouvrez un débat qui, comme l'indiquait M. le rapporteur, a déjà eu lieu lors de l'examen au Parlement du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. Certes, je ne suis pas un aussi éminent spécialiste de ces questions que M. Longuet. Je rappelle, faisant écho aux propos de M. le rapporteur, que l'article 20 de cette loi comportait des dispositions de sécurisation du financement du démantèlement des centrales, et un premier rapport sur cette question, transmis au Gouvernement avant l'été, est actuellement en cours d'examen.
Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit lors de la discussion générale, j'ai le sentiment que votre amendement n'a pas de lien direct avec la proposition de loi que nous examinons, qui a pour objet d'apporter une réponse aux incohérences de la loi actuelle à l'égard des consommateurs domestiques.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je m'inscris en faux contre la dernière remarque de M. le secrétaire d'État. Les tarifs réglementés ne sont admis par Bruxelles que s'ils prennent en compte le coût réel. Je conteste l'estimation qui est faite aujourd'hui du coût réel du nucléaire, car elle n'intègre pas le coût du démantèlement des centrales et de l'enfouissement des déchets. Cela concerne donc directement les prix réglementés. Aussi mon amendement s'inscrit-il tout à fait dans le cadre du texte que nous examinons cet après-midi.
S'agissant du rapport de la Cour des comptes de janvier 2005, je remercie M. le rapporteur de m'avoir répondu avec précision. Toutefois, je me permets de le rappeler, il y est indiqué que le coût du stockage profond comporte des incertitudes et que ces diverses estimations ne constituent que l'une des incertitudes qui pèsent sur le financement futur de la gestion de ces déchets. On ne peut être plus vague !
Aujourd'hui, nous sommes incapables de chiffrer ces dépenses futures ; du coup, nous ne les chiffrons pas, ou si on le fait, on retient des montants très faibles. C'est pourquoi le prix du nucléaire peut être présenté comme étant plus concurrentiel que celui d'autres énergies. Or, si nous anticipons, si nous tenons compte du coût du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets radioactifs, nous nous apercevons que le nucléaire est loin d'être aussi rentable que d'aucuns le prétendent !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Je ne partage pas totalement l'appréciation de M. Desessard, mais j'estime que, pour être acceptée, l'énergie nucléaire exige une totale transparence. Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc en faveur de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Un consommateur final domestique d'électricité qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010 bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité pour la consommation d'un site, à condition qu'il n'ait pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 précité. »
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, insérer un paragraphe I ainsi rédigé :
I. - Après l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un article 30-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-1-1. - Tout consommateur final domestique d'électricité bénéficie pour le site pour lequel il en fait la demande à son fournisseur du dispositif relatif au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché prévu par l'article 30-1. Ce tarif ne peut être supérieur de plus de 3 % au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site présentant les mêmes caractéristiques. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement, que l'on pourrait qualifier de « TaRTAM bis », est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 1.
En cas de forte hausse du prix de l'électricité sur le marché, une clause de sécurité permettrait aux consommateurs domestiques ayant quitté le tarif régulé de bénéficier d'un dispositif semblable à celui dont jouissent les entreprises par le biais du TaRTAM. Il n'y a aucune raison pour que les entreprises qui ont choisi la concurrence puissent profiter de mécanismes de rattrapage alors que les ménages qui auraient basculé dans le « non-régulé » ne le pourraient pas.
Nous souhaitions que les ménages puissent revenir totalement au tarif régulé, mais cela nous a déjà été refusé en commission. Dès lors, il convient de prévoir que le tarif dont ils pourraient bénéficier ne peut être supérieur de plus de 3 % au tarif réglementé de vente d'électricité, ce qui n'est pas négligeable, compte tenu de l'inflation actuelle.
Il s'agit d'un simple dispositif de sauvegarde, visant, le cas échéant, à préserver le pouvoir d'achat des ménages.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous souhaitez que, à défaut de bénéficier d'une réversibilité totale, les ménages ayant abandonné les tarifs régulés et qui regretteraient leur décision puissent revenir à une forme de tarif réglementé sans changer de site de consommation. En d'autres termes, vous proposez un TaRTAM majoré de 3 %.
Comme je le précise dans mon rapport écrit, les offres alternatives au tarif bleu formulées par les concurrents d'EDF comportent aujourd'hui un niveau de prix inférieur d'environ 10 %. Or, il est peu probable qu'à court terme le prix des offres libres dépasse le niveau du TaRTAM, même majoré de 3 %, d'autant que les fournisseurs alternatifs se sont engagés, auprès de leurs clients, à une certaine stabilité des prix proposés.
Vous évoquez des cas très théoriques, mon cher collègue. En effet, il faudrait que les prix proposés par les opérateurs alternatifs augmentent de plus de 13 % pour rendre attractive la faculté que vous suggérez. Ces fournisseurs éprouvant déjà des difficultés à séduire une clientèle, je doute fort que leur intérêt commercial ne les conduise à une telle stratégie. C'est d'ailleurs vous qui avez rappelé que très peu de Français avaient souscrit à cette récente ouverture du marché.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le tarif de retour a été mis en place par la loi de 2006 pour répondre à une situation particulière rencontrée par les professionnels qui, après avoir opté pour le marché libre, avaient eu à subir des augmentations très importantes du tarif de l'électricité à partir de 2005. Il s'agit d'une disposition transitoire, puisque les entreprises doivent en avoir fait la demande avant le 1er juillet 2007.
Ce dispositif est en fait du sur-mesure pour une situation particulière qui n'est pas celle que connaissent aujourd'hui les consommateurs domestiques. Aussi, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour le IV de l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, après les mots :
Un consommateur final domestique d'électricité
insérer les mots :
ou un consommateur final non domestique souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Par cet amendement, il s'agit d'élargir le bénéfice de la proposition de loi aux petits consommateurs professionnels d'électricité ayant souscrit une puissance inférieure ou égale à 36 kilovolts-ampères.
En effet, ces petits consommateurs relèvent du même tarif réglementé de vente que les consommateurs domestiques, c'est-à-dire du tarif bleu. En effet, à ce jour, ni la Commission européenne, ni notre Commission de régulation de l'énergie n'ont contesté que ce tarif bleu couvre correctement les coûts correspondants.
L'application de ce tarif à un consommateur professionnel ne pose donc pas de difficulté juridique au regard de ce que pourrait nous opposer la Commission européenne, à savoir le droit à la concurrence, les aides publiques, les subventions, les aides de l'État.
M. Michel Sergent, qui est un fin connaisseur de ces questions, nous a parfaitement expliqué la situation et j'adhère à ses propos sur le ticket bleu.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure. La Commission, lorsqu'elle s'exprime sur nos positions, critique moins le fait qu'il puisse y avoir des subventions publiques et que le coût réel ne soit pas mentionné que l'écart entre le tarif régulé et le tarif de marché, d'autant que le fonctionnement de Powernext est très complexe, puisqu'il s'agit bien souvent d'un marché de gré à gré.
De plus, l'article 3-3 de la directive européenne du 26 juin 2003 relative au marché intérieur de l'électricité autorise les États membres à étendre aux petites et moyennes entreprises le service universel, dont elle prévoit la mise en place pour les consommateurs résidentiels.
Dans ces conditions, il me semble légitime d'étendre aux consommateurs professionnels relevant du tarif bleu le bénéfice du dispositif prévu par le texte que nous soumet notre commission des affaires économiques.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Poniatowski, Emorine et Pintat est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« V. Le IV du présent article est applicable aux consommateurs finals non domestiques souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, la commission des affaires économiques n'a examiné que les trois propositions de loi qui ont été déposées au Sénat, c'est-à-dire celles que M. Raoul, M. Pintat et moi-même avons respectivement déposées avec certains de nos collègues.
Il se trouve que nos collègues députés se sont eux aussi penchés assez longuement sur cette question des tarifs réglementés. Ainsi, M. Patrick Ollier, par ailleurs président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, a, le 2 août dernier, également déposé avec certains de ses collègues une proposition de loi en la matière.
Toutefois, cette dernière diffère de la nôtre dans la mesure où nos collègues députés ont prévu d'autoriser le retour aux tarifs réglementés en cas de changement de site de consommation non seulement pour les ménages, mais aussi pour les « petits » consommateurs professionnels, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les artisans, les commerçants et les professions libérales, lesquels, M. Pintat vient de le souligner, bénéficient du même régime tarifaire que les particuliers, à savoir le « tarif bleu ».
Après réflexion et après discussion avec M. Ollier, j'ai été convaincu par les arguments que celui-ci a présentés. En effet, la situation des petits consommateurs professionnels s'apparente plus à celle des ménages qu'à celle des grandes entreprises : ne disposant pas nécessairement de services spécialisés dans les achats, ils peuvent rapidement être perdus devant la complexité des différentes offres qui leur sont proposées.
Au total, de telles similarités m'ont conduit à déposer avec mon collègue Jean-Paul Emorine un amendement visant à étendre à ces petits consommateurs professionnels la solution que nous vous proposons pour les ménages s'agissant du tarif électrique. Son adoption permettrait de répondre pleinement aux préoccupations exprimées par les auteurs de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale.
Cette solution est au demeurant conforme aux dispositions que nous avions défendues en 2006 lors de l'adoption du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, puisque le texte, avant la censure du Conseil constitutionnel, distinguait, d'un côté, les « gros » consommateurs professionnels et, de l'autre, les ménages et les petits consommateurs professionnels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 1 de M. Pintat vise à atteindre exactement les mêmes objectifs que l'amendement que je viens de présenter. Seules les rédactions diffèrent, et j'ai naturellement une préférence pour celle de l'amendement n° 19 rectifié, qui présente l'avantage de consacrer un paragraphe spécifique à la situation de chaque catégorie de clients.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à notre collègue de s'associer à nous en cosignant notre amendement.
M. Jean Desessard. Quel diplomate !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Par conséquent, je lui demande aujourd'hui de bien vouloir retirer le sien.
M. le président. Monsieur Pintat, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, j'accepte bien volontiers de retirer cet amendement puisqu'il importe avant tout de satisfaire les petits consommateurs non domestiques. La rédaction de l'amendement n° 19 rectifié, dont l'adoption permettra effectivement de réserver un paragraphe spécial à la situation de chaque catégorie de clients, me semble en outre plus appropriée.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19 rectifié ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je profite de l'examen de cet amendement pour saluer le travail effectué par la commission des affaires économiques, notamment par son rapporteur, qui a privilégié la concertation pour essayer de faire converger les positions exprimées par différents groupes de la Haute Assemblée. Je n'oublie pas non plus les discussions qui ont eu lieu au Palais-Bourbon et qui ont abouti notamment aux propositions de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues.
J'attire cependant votre attention sur le fait que le dispositif prévu à l'amendement n° 19 rectifié sort du cadre que le Sénat s'était initialement fixé. En effet, cela a été souligné à plusieurs reprises depuis le début de l'après-midi, il s'agit aujourd'hui, après la censure du Conseil constitutionnel, d'aménager le dispositif à la marge, pour les clients domestiques, afin de le rendre plus juste et plus cohérent.
Le marché des clients professionnels est, lui, ouvert depuis 2004, quel que soit le niveau de consommation. Avec cet amendement, monsieur Poniatowski, vous allez donc au-delà de l'objet initial de votre proposition de loi.
Le Gouvernement comprend votre préoccupation et est sensible à votre argumentation ainsi qu'à celle de M. Pintat. Les petits artisans sont effectivement dans une situation qui se rapproche en quelque sorte de celle que connaissent les consommateurs domestiques.
Je tiens toutefois à insister devant la Haute Assemblée sur la nécessité de ne pas contrevenir à l'objectif général de l'ouverture des marchés, rappelé par le Conseil constitutionnel.
Je le répète, le Gouvernement est également soucieux de respecter ses engagements européens. La Commission européenne s'est montrée très préoccupée par la bonne transposition des directives au sujet des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz pour les professionnels, et elle a pris, ces derniers mois, l'initiative d'engager divers contentieux et de mener plusieurs enquêtes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si le Gouvernement estime que le maintien des tarifs réglementés, en parallèle d'une ouverture progressive des marchés à la concurrence, est une solution équilibrée et pertinente, il importe selon lui de ne pas modifier un tel équilibre. C'est la raison pour laquelle, au regard de ces éléments, je ne peux pas émettre un avis favorable sur l'amendement n° 19 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Nous allons évidemment soutenir l'amendement n° 19 rectifié. Monsieur le secrétaire d'État, vos explications relèvent tout de même - je m'excuse du terme employé - d'un TOC, un trouble obsessionnel compulsif ! (Mme Isabelle Debré s'esclaffe.) Vous ressortez à chaque fois les mêmes arguments et, pour ma part, je ne suis toujours pas convaincu de leur bon sens !
M. Jean Desessard. Oh là là, monsieur le secrétaire d'État !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour compléter l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, après les mots :
un consommateur final domestique d'électricité
supprimer les mots :
qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le secrétaire d'État, je tiens à vous rassurer, dans ce domaine, les troubles obsessionnels convulsifs cessent aussitôt que l'on s'approche de la vérité ! Plus sérieusement, monsieur le président, pour gagner du temps, je présenterai simultanément les amendements nos 6 et 7.
À nos yeux, tout consommateur domestique doit pouvoir continuer à bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel, y compris s'il emménage dans un logement où l'éligibilité a déjà été exercée. Nous tenons à le souligner, dans le respect même de la directive, l'exercice de l'éligibilité doit demeurer une faculté et non devenir une obligation.
Ainsi, monsieur le rapporteur, il n'y a aucune raison de fixer une date butoir, qui cautionnerait la vision unilatérale de la Commission européenne et programmerait, de fait, la fin des tarifs réglementés. Rien ne justifie aujourd'hui une telle position et la France doit marquer sa ferme volonté de préserver les tarifs réglementés de vente d'électricité, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même réaffirmé aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État. Cela étant, il importe de ne pas affaiblir notre position avant d'entamer la négociation.
C'est la raison pour laquelle il nous semble impératif de supprimer la date butoir du 1er juillet 2010, laquelle ne manquerait pas de donner des gages à la Commission européenne, qui conteste la compatibilité de la réglementation tarifaire française avec les textes communautaires. En outre, je le répète, elle programmerait d'emblée la disparition des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz à cette même date.
Or, comme le soulignent les rapporteurs - parmi lesquels notre éminent collègue Jean-Marc Pastor, qui remplace aujourd'hui le président de la commission des affaires économiques - de la mission commune sénatoriale d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, il « appartient à la seule Cour de justice européenne de préciser et, en particulier, de savoir dans quelle mesure des tarifs réglementés sont compatibles » avec les directives. Toujours selon eux, « les directives ne s'opposent pas à l'existence de tarifs dès lors qu'ils couvrent les coûts. » Cela correspond d'ailleurs à l'une des caractéristiques mêmes de la notion de service public.
Force est de reconnaître également qu'avec son parc nucléaire la France est capable de produire une électricité bon marché, et ce même si l'on intègre les investissements à réaliser dans le moyen ou le long terme, à savoir principalement le démantèlement et le traitement des déchets. C'est ce qu'indique d'ailleurs la Cour des comptes dans son rapport, qui a été cité tout à l'heure.
L'abandon des tarifs réglementés réclamé par la Commission européenne se traduirait a contrario par une hausse des prix préjudiciable à l'ensemble des consommateurs.
Par ailleurs, nous n'oublions pas la récente polémique déclenchée par le Conseil de la concurrence, lequel a annoncé la fin des tarifs réglementés d'électricité pour 2010. Monsieur le rapporteur, s'agit-il donc d'une coïncidence ou d'une anticipation de votre part ?
Quant au gaz, l'existence de contrats à long terme entre Gaz de France et les différents producteurs permet de lisser les prix dans le temps. Il n'y a donc aucune raison aujourd'hui d'avancer une telle date butoir, qui pèserait comme une épée de Damoclès sur les tarifs réglementés.
Tel est donc le sens des amendements nos 6 et 7.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Raoul, la date butoir prévue par mes collègues et moi-même dans notre modeste proposition de loi n'est en aucun cas un gage que nous donnons à la Commission européenne. C'est même l'inverse : il s'agit d'une arme dont nous nous dotons pour négocier, c'est tout !
Si nous ne l'inscrivons pas dans la loi, nous ne nous retrouverons peut-être pas devant des interlocuteurs « butés », mais nous aurons, à n'en pas douter, à négocier avec un front uni, et nous n'obtiendrons rien. Il est donc tout à fait indispensable de conserver cette date avant d'entamer les discussions.
M. le secrétaire d'État a répété tout à l'heure dans l'hémicycle ce que Mme Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, avait précisé la semaine dernière, à savoir que les tarifs réglementés n'ont pas vocation à disparaître après le 1er juillet 2010, dans la mesure où les arguments sur lesquels nous nous appuyons pour défendre notre système de tarification demeureront valables après cette date : évoqués par les uns et par les autres cet après-midi, ils portent sur un tarif sur lequel on ne triche pas, sur un tarif qui n'est pas subventionné par l'État et qui traduit, au contraire, la réalité du coût de production.
Prenons donc garde à ne pas débuter la période à venir dans de mauvaises conditions, d'autant que la dernière directive qui a été déposée, c'est-à-dire le nouveau « Paquet énergie », ne manquera pas de venir alourdir les négociations prévues. La discussion durera donc de nombreux mois, pour ne pas dire plusieurs années.
Le débat auquel nous allons nous attaquer s'annonce difficile. Si le nouveau « paquet » n'a pas prévu de volet « tarifs », il est bien évident que la question sera abordée dans le cadre de ces échanges, qui porteront ainsi en même temps sur la directive gaz, sur la directive électricité et sur au moins deux ou trois règlements complémentaires.
Ce n'est donc pas le moment de partir en position de faiblesse. C'est la raison pour laquelle le dispositif d'ensemble de la proposition de loi s'appuie, c'est vrai, sur une date butoir. Par conséquent, il s'agit d'un texte « provisoire ».
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 6 ainsi que sur l'amendement n° 7 déposé à l'article 2, puisque l'argumentation pour le gaz vaut également pour l'électricité.
M. Daniel Raoul. C'est une arme pour nous faire hara-kiri !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Raoul, ces deux amendements visent à rendre pérennes les dispositions proposées par M. Poniatowski, qui souhaite, comme il l'a indiqué à plusieurs reprises, un aménagement adapté et limité dans le temps, pour faire face à un dispositif dont la complexité freine aujourd'hui l'ouverture du marché des consommateurs domestiques.
À nos yeux, la période transitoire permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de mieux connaître progressivement les offres des fournisseurs alternatifs. Ainsi, tout en étant protégés, les consommateurs domestiques pourront faire le jeu de la concurrence, permettant ainsi au marché de se développer et aux fournisseurs alternatifs de proposer, à terme, des offres compétitives pour leurs clients.
De plus, le Conseil constitutionnel a précisément reproché aux dispositions de la loi du 7 décembre 2006 de ne pas être limitées dans le temps.
En outre, le choix de la date limite du 1er juillet 2010 pour ces dispositions transitoires est tout à fait cohérent par rapport à la limite introduite par la loi sur le droit au logement opposable pour l'accès aux tarifs réglementés des nouveaux sites raccordés au réseau électrique.
Enfin, je l'ai dit tout à l'heure et Mme Christine Lagarde l'a précisé récemment : cette échéance de 2010 ne signifie en rien que les tarifs réglementés vont disparaître. Il s'agit là d'un point essentiel.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Vous l'aurez compris, je vais bien sûr voter ces deux amendements.
Vos propos ne nous rassurent guère, monsieur le secrétaire d'État. J'ai bien compris que nous étions protégés jusqu'au 1er juillet 2010. Or nous sommes quasiment à la fin de 2007. Il ne reste donc que deux ans et demi pour bénéficier de la protection des tarifs réglementés. Vous ne nous donnez aucune assurance sur l'après-2010.
Vos positions ont tellement changé sur la question, en comptant celles du président Chirac, celle de Mme Fontaine un mois seulement avant qu'elle n'accepte, à Bruxelles, la libéralisation du marché de l'électricité, ou encore celle de M. Sarkozy promettant, quand il était ministre de l'économie, de ne pas privatiser Gaz de France, qu'on ne sait plus quelle promesse croire et quand vous faire confiance ! (M. Desessart s'esclaffe.)
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Pintat est ainsi libellé :
Après les mots :
pour la consommation d'un site
supprimer la fin du second alinéa de cet article.
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Par cet amendement, il s'agit d'autoriser la réversibilité pour les consommateurs bénéficiant des tarifs bleus.
La proposition de loi présentée par M. Poniatowski et reprise par la commission des affaires économiques permet d'éviter qu'un consommateur ne bascule dans le marché sans le vouloir. Toutefois, ce texte subordonne l'application de ce dispositif à la condition que le consommateur n'ait jamais exercé son exigibilité. Il introduit, ce faisant, une confusion entre l'éligibilité par site et l'éligibilité à la personne, qui, dans la pratique, rendra le respect de cette condition très difficile.
Je ne trahis pas un secret, car la presse s'en est fait l'écho : il suffira, par exemple, à un couple ayant exercé son éligibilité antérieurement sous le nom de l'un des conjoints ou concubins de souscrire un contrat au tarif règlementé sous le nom de l'autre pour bénéficier d'une réversibilité pour le même site et pour contourner les dispositions restrictives prévues dans la loi.
M. Thierry Repentin. Oh les coquins !
M. Xavier Pintat. Personne, et surtout pas les opérateurs de la fourniture ou du réseau de distribution d'électricité, n'aura les moyens de mettre en place les lourdes procédures de contrôle permettant d'éviter ou de limiter ce type de dérive.
En plus du règlement de la difficulté que je viens d'évoquer, la réversibilité pour les tarifs bleus représenterait, pour le petit consommateur, un garde-fou contre l'emballement excessif des prix et lui permettrait de tester le marché. Loin de constituer un frein à l'ouverture des marchés, elle encouragerait les consommateurs relevant des tarifs bleus à exercer leur éligibilité.
La réversibilité peut d'ailleurs être analysée comme un mécanisme d'application du service universel de l'électricité, que la directive européenne de 2003 impose aux États membres de mettre en place. Elle permet en effet à un consommateur ayant exercé son éligibilité et qui, en cas de difficultés économiques, par exemple, ne trouverait plus sur le marché de fournisseur acceptant de lui vendre de l'énergie à des conditions raisonnables de revenir s'approvisionner auprès du service public aux conditions du tarif bleu.
La réversibilité ne peut donc en aucun cas être suspectée, s'agissant des consommateurs relevant des tarifs bleus, de contrevenir aux objectifs assignés par la directive de 2003 sur l'électricité, d'autant plus qu'elle est limitée dans le temps, avec l'échéance de 2010. Ce dispositif ne peut donner lieu à contestation. Il ne compromet pas la position française et me semble tout à fait euro-compatible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'insistance avec laquelle notre collègue Xavier Pintat revient à la charge sur la question de la réversibilité m'embarrasse. Si nous revenons au principe d'une réversibilité quasi-totale, même au terme de six mois, Bruxelles risquerait de l'interpréter comme une déclaration de guerre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et je pèse mes mots ! Nous avons déjà suffisamment de contentieux dans le domaine de l'électricité, il ne serait pas habile d'en ajouter. Nous nous mettrions en position de faiblesse.
La mise en place de la réversibilité pour les ménages serait une erreur. Ce que nous leur accorderions, l'ensemble des professionnels et des grandes entreprises nous le demanderaient aussitôt : ils attendent derrière la porte ! Le TaRTAM et les autres systèmes, contestés par Bruxelles, que nous avons mis en place ne leur paraîtront pas suffisants.
Vous regrettez, monsieur Pintat, que je ne sois pas allé plus loin dans la proposition de loi que j'ai présentée. Vous avez raison dans l'absolu. Mais peut-être le Gouvernement obtiendra-t-il, au cours de la négociation qui interviendra, une plus grande souplesse ?
Lors de la discussion générale, vous avez montré un tableau concernant les États européens dans lesquels la réversibilité existe. Cependant la situation dans ces pays n'a rien à voir avec la nôtre. En effet, l'écart entre tarifs libre et réglementé y est infime.
M. Daniel Raoul. Et alors ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est pourquoi Bruxelles les laisse en paix.
Le problème que nous connaissons est beaucoup plus crucial. Comme l'écart entre tarifs libre et régulé est important chez nous, Bruxelles a les yeux rivés sur la France, nous sommes dans le collimateur. Nous devons donc faire attention.
C'est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, afin de tenir compte de ces éléments conjoncturels, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. M. Pintat a soulevé un vrai problème. Le Gouvernement considère cependant que l'application de la règle « site/personne », qui a prévalu dans l'élaboration de l'architecture générale de la proposition de loi, constitue la réponse appropriée.
Aujourd'hui, le Parlement s'apprête à apporter une réponse précise à l'important problème du logement. La réversibilité limitée nous semble une réponse adaptée aux problèmes rencontrés par les consommateurs à cet égard. En revanche, comme l'a rappelé M. le rapporteur, la réversibilité permanente nous placerait dans une situation difficile au moment d'entamer les négociations sur le troisième paquet énergétique.
Aussi, je vous demande à mon tour, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Pintat, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?