Mme la présidente. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par Mme Sittler et Procaccia, MM. Grignon et Richert, Mme Mélot et Keller et MM. Houel et P. André est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, le mot : « locaux » est supprimé.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Il s'agit, par cet amendement, de rétablir une disposition relative aux établissements publics locaux, que nous avons déjà votée au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 mais qui a été invalidée depuis.
Il s'avère que les chambres de métiers et de l'artisanat, qui gèrent les dispositifs concernés pour le compte des régions, sont juridiquement des établissements publics d'État. Pour lever toute ambiguïté, il convient donc de profiter de la discussion du présent projet de loi pour rétablir une telle précision.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission invite le Sénat à réitérer le vote qu'il a émis le 30 novembre 2005. La suggestion de Mme Procaccia et de ses collègues nous paraît en effet tout à fait justifiée.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet le même avis favorable que celui qu'il avait émis lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006.
M. Jean Desessard. Mais que vient faire une disposition du code général des collectivités territoriales dans ce texte ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 1er bis
Avant le 31 décembre 2007, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités d'intégration des personnes privées d'emploi en outre-mer dans les statistiques nationales relatives aux chiffres du chômage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gélita Hoarau, sur l'article.
Mme Gélita Hoarau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la Réunion est le département de la République où le taux de chômage est le plus élevé : 30 % environ. Même s'il a baissé, ce taux reste inacceptable.
Pourtant, depuis plusieurs années, des mesures particulières ont été mises en place par les différents gouvernements. Ces mesures relèvent de la même inspiration : exonération de charges, défiscalisation, etc. Bien qu'elles exigent un important effort financier de l'État, leurs résultats en termes de création d'emplois sont décevants.
Ont-elles été totalement inopérantes ? Non, car le taux de croissance à la Réunion est relativement soutenu, puisqu'il s'élève à 4 %. Or, malgré ces efforts, le taux de chômage ne saurait baisser de manière significative. Chacun en a conscience, persévérer à recourir aux seuls moyens actuels conduit d'autant plus à l'impasse que, d'ici à vingt ans ou vingt-cinq ans, la population de la Réunion augmentera de 25 %, pour atteindre le million d'habitants.
Sortir des sentiers battus et imaginer des solutions innovantes sont donc d'impérieuses exigences.
Certes, de grands travaux vont doter la Réunion d'importantes et indispensables infrastructures. Ces grands travaux ont été actés dans le contrat de projet État-région, le CPER, dans le programme opérationnel européen et dans les protocoles signés le 19 janvier 2007, à Matignon, entre le Premier ministre et le président de la région Réunion. D'un montant de 4,3 milliards d'euros, ils couvrent une période d'environ dix ans. Tous ces projets généreront des milliers d'emplois nouveaux.
De plus, en concertation avec les autres collectivités et les socioprofessionnels, la région Réunion a élaboré un plan de développement durable. Ce plan vise non seulement le renforcement des productions traditionnelles, mais aussi la conquête des marchés extérieurs, le développement des technologies de l'information et de la communication, des énergies renouvelables, ainsi que la protection de l'environnement pour faire face aux effets du réchauffement climatique.
Cependant, la mise en oeuvre de ce plan durable se faisant dans la durée, ses effets sur l'emploi ne seront perceptibles que dans le futur. En attendant, il s'avère donc indispensable de recourir à des mesures transitoires qui ne soient pas en contradiction avec les mesures durables.
Sur une population totale de 785 000 habitants, notre île compte plus de 71 000 allocataires du revenu minimum d'insertion, soit 185 000 personnes dont la vie dépend de ce complément de revenus.
Comment permettre à la majorité de ces RMIstes de trouver une activité, sachant que, comme le prouve le dispositif de l'ARA, l'allocation de retour à l'activité, le secteur marchand mettra plusieurs années à les intégrer ? Ce dispositif, proche du RSA, le revenu de solidarité active, existe déjà à la Réunion. Mais comme il est tourné essentiellement vers des activités du secteur marchand, le nombre de bénéficiaires est restreint - environ 3 000 en quatre ans - et ne saurait à lui seul répondre aux besoins. Il est donc nécessaire de se tourner vers d'autres secteurs.
Nous pensons à deux secteurs d'activité essentiels pour l'avenir même de la Réunion. Le premier, c'est celui des services d'aide à la personne, qui concernent les personnes âgées, les personnes handicapées - enfants et adultes -, les personnes illettrées, la petite enfance, etc. Le second secteur, c'est l'environnement et le parc national récemment créé.
Pour ces tâches, il est indispensable de recourir à une main-d'oeuvre abondante, disponible et disposant d'une qualification minimale. Dans ces deux domaines, le RSA peut être appliqué rapidement, dans une perspective de pérennisation, et produire ainsi des effets significatifs sur la baisse du chômage et l'élévation du niveau de vie.
Je terminerai mon propos en évoquant le coût de la vie.
À la Réunion, en dix ans, les prix à la consommation ont augmenté beaucoup plus qu'en métropole : 38 %, contre 30 %. Chez nous, le seuil de pauvreté est fixé non pas à 700 euros comme en métropole, mais à 350 euros par personne et par mois. Un Réunionnais sur quatre vit avec moins de 350 euros mensuels. Si le seuil de pauvreté métropolitain était appliqué à la Réunion, un Réunionnais sur deux vivrait dans la pauvreté.
La lutte contre la pauvreté, qui est l'un des objectifs de ce projet de loi, madame la ministre, est un vaste chantier nécessitant non seulement une action sur les prix - je me réjouis, d'ailleurs, de la mise en place de l'Observatoire des prix et des revenus à la Réunion -, mais aussi une action sur les salaires et les revenus. Il est impératif de relever les minima sociaux et les retraites, particulièrement celles des retraités agricoles. Mais la seule solution durable est de mettre en activité le plus grand nombre possible de Réunionnaises et de Réunionnais.
Le RSA peut être un outil utile, mais dans les conditions que je viens d'évoquer précédemment et dans la mesure où la lutte contre le chômage à la Réunion, département particulièrement sinistré dans ce domaine, serait considérée comme une cause sociale nationale et à condition que l'État n'ait pas la volonté de faire financer par les seuls Réunionnais, en l'occurrence le conseil général ou d'autres collectivités, l'effort indispensable pour faire diminuer le taux de chômage dans notre département. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Articles additionnels avant l'article 2 ou après l'article 13
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 161, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 13, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les articles L. 3261-4 et L. 3261-5 du code du travail, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».
La parole est à M. Jacques Muller, à qui je souhaite la bienvenue à l'occasion de sa première intervention dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Muller. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, aujourd'hui, personne, y compris au sein de cette assemblée, ne peut contester la nécessité d'une mobilisation générale contre la production des gaz à effet de serre et l'enjeu que représente la lutte contre le changement climatique.
Cette mobilisation générale a conduit le Président de la République à décider d'un Grenelle de l'environnement, et je m'en félicite.
Dans ce contexte, la problématique des transports est essentielle. Il faut aujourd'hui nous donner les moyens de rendre le transport collectif plus attractif que les autres modes de transports, en particulier l'automobile. Il convient donc de diminuer le prix relatif des transports collectifs.
La participation des entreprises, à cet égard, ne saurait relever de leur libre choix. Elle procède d'une nécessité, d'une obligation morale nationale.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cet amendement, qui vise à rendre obligatoire le chèque-transport collectif, instauré par la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, votée en novembre 2006.
Madame la ministre, vous avez souhaité, au travers du présent projet de loi, améliorer le pouvoir d'achat des salariés. Or ce pouvoir d'achat est précisément grignoté par la dérive des dépenses de logement et de transport ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. L'amendement n° 236 rectifié, présenté par MM. Repentin et Ries, Mme Schillinger et M. Krattinger, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3261-4 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3261-4. - En dehors de la zone de compétence de l'autorité organisatrice des transports dans la région d'Île de France, l'employeur prend en charge le prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements effectués au moyen de transports publics de voyageurs, entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Cette prise en charge est limitée aux parcours identifiés entre le domicile et le lieu de travail compris dans un périmètre de rayon inférieur ou égal à 150 kilomètres. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Dans la région d'Île-de-France, depuis la loi du 4 août 1982 relative à la participation des employeurs au financement des transports publics urbains, les employeurs ont l'obligation de financer, à hauteur de 50 %, les dépenses de transport de leurs salariés, pour autant que les déplacements de ceux-ci s'effectuent au moyen de transports publics.
Aucune disposition similaire n'existe en régions. La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, autorise les entreprises à participer aux frais de transports publics de leurs salariés, mais certaines contraintes techniques et l'absence d'obligation hors de l'Île-de-France rendent hypothétique la généralisation de ces prises en charge.
Malgré le volontarisme affiché au départ par Dominique de Villepin, qui y voyait un excellent moyen de soutenir le pouvoir d'achat des Français alors que les prix du carburant flambaient et un moyen de résoudre l'inégalité entre Paris et la province, la création du chèque-transport, à la fin de l'année 2006, n'a donné aucun résultat.
En plus d'aider les familles les plus modestes, qui sont souvent contraintes d'utiliser les transports collectifs, cette obligation de prise en charge de la moitié, au moins, du prix des abonnements aurait des effets positifs sur la fréquentation des réseaux de transports dans les agglomérations et sur les lignes de train express régional, dites lignes TER. Ce serait un signe annonciateur de volontarisme, une mesure concrète conciliant justice sociale et protection de l'environnement.
Le nouveau code du travail, qui entrera en vigueur à la fin de l'année, n'a pas repris, s'agissant de l'Île-de-France, le taux plafond de 50 %. Est-ce l'augure d'une généralisation de la prise en charge totale, par les employeurs, des frais de transports alternatifs à la voiture de leurs salariés ?
Dans ces conditions, commençons par le commencement. Je vous propose de remédier à une injustice territoriale assez incompréhensible, par l'extension, au reste de la France, de l'obligation de prise en charge par les employeurs des frais de transport collectif, à hauteur de 50 %.
Cette mesure est facile à mettre en oeuvre et elle ne serait pas très douloureuse pour les entreprises. En effet, un abonnement de transport en commun coûte en moyenne 300 euros par an, soit 25 euros par mois. C'est loin de la somme consacrée par l'entreprise pour l'entretien de ses places de stationnement, ou encore pour la prise en charge des frais liés au stationnement du véhicule de ses salariés en ville, qui représentent, en province, entre 600 et 800 euros en centre-ville.
Encourager l'usage des transports en commun, c'est aussi permettre des économies sur tous les plans. À titre de comparaison, l'usage et l'entretien d'un véhicule coûte au moins 500 euros par an, hors frais d'achat. C'est beaucoup plus que les transports en commun. Un trajet en voiture, c'est aussi cinq fois plus de gaz à effet de serre dans l'atmosphère qu'un trajet en bus.
L'avenir des transports publics réside dans l'amélioration de la qualité des réseaux et du service. Pour amorcer le cercle vertueux de la hausse de la fréquentation, il faut un acte symbolique fort. Je propose aujourd'hui de mettre fin à cette exception francilienne et d'étendre la disposition à toutes les entreprises du territoire national, dans un souci de justice sociale et de protection de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai écouté avec grand intérêt les exposés de nos deux collègues du Haut-Rhin, les deux colistiers de notre ancien collègue, désormais membre du Gouvernement, Jean-Marie Bockel. (M. Jean Desessard s'exclame ; sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc. Ce n'est pas une garantie !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Malgré tout l'intérêt que je porte à leur propos, je constate que ces amendements sont assez éloignés des thèmes de ce projet de loi.
M. Alain Gournac. Ce sont des cavaliers !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai l'impression qu'il s'agit, en effet, d'amendements qui galopent ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Tagada, tagada, tagada !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel qu'en soit le fond, dont nous reparlerons sans doute en d'autres occasions, il ne me semble pas possible, pour l'heure, d'émettre un avis favorable sur ces amendements.
Je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, je conseillerai à la majorité de les rejeter.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Il émet un avis défavorable, pour les motifs qui ont été invoqués par M. le rapporteur général.
J'ajoute que, s'agissant de la prise en charge par l'employeur du coût du transport en région d'Île-de-France, la disparition de la référence au taux plafond de 50 % résulte simplement du travail de recodification effectué actuellement. Conformément à la demande du Conseil d'État, cette disposition a été insérée dans la partie règlementaire du code du travail, comme toutes les mesures relatives aux taux. Il ne s'agit en aucun cas, de la part du Gouvernement, d'une quelconque intention de diminuer la prise en charge par l'employeur d'une partie des frais de transport.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 236 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 237 rectifié, présenté par MM. Repentin et Ries, Mme Schillinger et M. Krattinger, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
L'article L. 3261-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés titulaires d'un abonnement de transport public peuvent obtenir le remboursement sur le bulletin de paye de la somme équivalente à la part contributive de l'employeur dans le chèque-transport augmentée, le cas échéant, de la part du comité d'entreprise. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. En novembre 2006, le Gouvernement a souhaité mettre en place un chèque-transport, sur le modèle du chèque-restaurant, pour répondre aux soucis des salariés subissant de plein fouet la hausse des prix du carburant.
Cette mesure, annoncée en grandes pompes par Dominique de Villepin est, depuis, tombée dans les oubliettes. Personne n'a plus jamais entendu parler du chèque-transport et personne n'a pu en toucher un. Et pour cause ! Les imperfections du dispositif étaient de nature à bloquer la mise en oeuvre de celui-ci, comme cela avait d'ailleurs été souligné à la fin de l'année 2006.
Aujourd'hui, de nombreux salariés disposent d'un abonnement annuel payé par prélèvement automatique. Les autres paient souvent leur abonnement dans des distributeurs. La mise en oeuvre d'un chèque papier constitue donc un retour en arrière au regard des pratiques de dématérialisation mises en oeuvre dans les réseaux de transport. Alors que l'on pourra bientôt payer son abonnement avec son téléphone portable, le gouvernement Villepin, il y a moins d'un an, en était encore au papier-monnaie. Et du papier, personne n'en a vu la couleur !
Il existait pourtant une autre solution : décider que les chèques-transport puissent donner lieu à un remboursement direct sur la fiche de paie, comme c'est le cas en Île-de-France. Pourquoi refuser à nos provinces ce qui est possible en région parisienne ?
Mais ne soyons pas trop négatif : les choses avancent. Désormais, le chèque-transport existe, il faut le reconnaître, au moins dans le nouveau code du travail. La formidable machine administrative française est en marche. En effet, un décret publié le 10 février 2007 a précisé les obligations des parties prenantes au dispositif. Un organisme émetteur - un seul - a obtenu l'habilitation en avril 2007. Depuis, il est occupé à négocier avec les entreprises de transport les modalités d'acceptation du chèque-transport.
Franchement, n'eût-il été plus simple et surtout plus efficace de permettre aux entreprises de rembourser directement leurs salariés ? Plus simple, plus efficace, mais aussi - cela compte également beaucoup - moins coûteux.
Le chèque-transport en papier-monnaie va en effet coûter cher.
Cher en frais de gestion pour l'employeur qui octroie cet avantage à ses employés. L'Union des transports publics chiffre à 5 % de la valeur du chèque, auquel il faut ajouter la TVA, le montant des frais supplémentaires de gestion que cela représentera pour l'employeur.
Cher aussi pour les entreprises de transport et les collectivités locales organisatrices. Une estimation du Groupement des autorités responsables du transport, le GART, chiffre à 55 millions d'euros par an le montant des frais de gestion et de maintenance supplémentaires supportés par les opérateurs de transport et donc in fine par les autorités organisatrices.
Comble de l'ironie, l'État s'est appliqué à lui-même le mécanisme que je vous propose aujourd'hui d'adopter. En décembre 2006, au vu de la complexité de la gestion de chèques papiers, il a décidé par décret de rembourser à ses agents leur abonnement de transport directement sur leur fiche de paie. Pourquoi refuser au secteur privé la facilité que l'État s'est octroyée ?
Je vous invite donc aujourd'hui à offrir aux entreprises la possibilité d'être aussi modernes que l'État. Cette ambition est somme toute limitée. Je ne vous propose pas de supprimer le chèque-transport. Pour ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas se déplacer autrement qu'en voiture, il reste une avancée, si toutefois il voit le jour.
Dans la perspective de la généralisation de la prise en charge des frais de déplacements par les employeurs, je vous propose de faire figurer le montant du chèque-transport sur la fiche de paie des salariés. C'est simple et cela fonctionne !
Ne sous-estimez pas « la rupture » que vous entraînerez en votant cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) En effet, le Conseil d'État et l'Inspection générale des finances, dans un rapport de juillet 2007 - c'est-à-dire de ce mois-ci - sur la coordination du travail interministériel, dénoncent, au sujet du chèque-transport, des procédures et dysfonctionnements accablants, une absence totale de concertation et d'étude des impacts de la mesure.
J'ajoute que Le Figaro lui-même titrait la semaine dernière : Chèque transport ou la petite histoire d'un échec programmé.
Pour ne pas rester sur un échec, l'opposition vous propose, dans un esprit constructif, de passer aux actes, de faire mentir les rapports et les titres alarmistes de la presse.
Telle est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement. Il contribuera à améliorer le pouvoir d'achat de tous les salariés utilisant les transports publics, certains n'ayant pas d'autre choix, et à faciliter la mise en oeuvre du chèque-transport.
M. Josselin de Rohan. C'est un cavalier !
M. Alain Gournac. Cela n'a en effet rien à voir avec le projet de loi !
Plusieurs sénateurs socialistes. Le pouvoir d'achat !
M. Jean Desessard. Le choc de la confiance !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai eu le sentiment que l'amendement de M. Repentin était très proche de l'amendement précédent, qui lui-même était éloigné de l'objet du présent projet de loi. (Sourires.)
J'ai vu M. Repentin défendre avec fougue ce brillant coursier qui, je le crains, ne répond pas à la forme habituellement retenue en la matière.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Aussi, quels que soient l'intérêt du sujet, la qualité et le talent de celui qui l'a défendu, je ne peux, à mon grand regret, qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. J'ajoute simplement que le système qui est actuellement en vigueur est plus favorable au salarié : il n'a pas à faire l'avance du prix de son titre de transport pour obtenir ensuite un remboursement, puisqu'il bénéficie du chèque-transport. (M. Bernard Frimat s'exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Monsieur Repentin, ce n'est pas du tout le sujet, vous nous faites perdre du temps !
M. Thierry Repentin. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, nous avons évoqué des questions relevant du code rural, de code du travail. S'agissant du lien avec le texte, les réactions sont à géométrie variable.
Je veux bien admettre que prendre en charge les frais de transport des salariés qui sont obligés d'emprunter les transports en commun et alléger ainsi leur facture mensuelle de déplacement n'a pas de lien avec le pouvoir d'achat, mais il faudra me démontrer la logique de ce raisonnement.
Sur le site du Premier ministre, on pouvait lire, en 2006, que le chèque-transport vise à « pallier la hausse des coûts des transports pour les salariés, notamment due à l'augmentation des prix du carburant [...] à soutenir le pouvoir d'achat des Français. »
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Thierry Repentin. Le 31 août 2006, à Troyes, dans son discours de rentrée, M. Dominique de Villepin indiquait : « Le Gouvernement veut avancer vers davantage de justice économique. [...] Le travail doit apporter une vraie sécurité en matière de pouvoir d'achat. Nous allons donc [...] mettre en place un chèque-transport pour alléger la charge financière des salariés. »
M. Alain Gournac. C'est fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On parle et on écrit toujours trop !
M. Thierry Repentin. Enfin, toujours sur le site du Premier ministre, on trouvait un paragraphe sur le chèque-transport sous l'intitulé générique : « Soutenir le pouvoir d'achat des Français ».
M. le rapporteur général nous a dit que cet amendement n'était pas au coeur du sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est même irrecevable. C'est un cavalier !
M. Alain Gournac. Nous allons voter !
M. Thierry Repentin. Mais lorsque nous avons une occasion de permettre une avancée, il faut s'en saisir. D'autant que les dispositions qui sont présentées dans l'amendement no 237 rectifié ne coûtent pas un centime à l'État et qu'elles sont fondées sur le volontariat.
M. Alain Gournac. Le Conseil constitutionnel les censurerait !
M. Thierry Repentin. Pourquoi interdire à des entreprises d'aider leurs salariés à supporter le coût de leurs déplacements quotidiens ?
Mme la présidente. L'amendement n° 256, présenté par M. Dassault est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 442-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les troisième (2.) et quatrième (3.) alinéas sont supprimés ;
2° Le cinquième alinéa (4.) est ainsi rédigé :
« 4. La réserve spéciale de participation est égale au tiers du bénéfice après impôt. »
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. La participation au bénéfice des entreprises pour les salariés est la meilleure méthode de partage de l'augmentation de richesses entre les salariés et les actionnaires. Comme elle n'alourdit pas le coût de production, elle augmente le pouvoir d'achat sans accroître les prix de vente.
Elle démystifie le profit en démontrant à tous les salariés qu'ils peuvent en bénéficier et elle leur prouve que celui-ci n'est pas uniquement réservé aux actionnaires. Mais, pour cela, encore faut-il que la part des bénéfices réservés aux salariés soit suffisamment importante, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, car elle fonctionne toujours selon des règles définies en 1967 et inchangées depuis lors.
Selon cette formule, seuls 10 % des bénéfices sont dévolus aux salariés, ce qui n'est pas motivant. Voilà pourquoi je propose, par cet amendement, de porter ce montant au tiers du bénéfice après impôt, ce qui sera nettement plus alléchant.
À cet effet, la formule actuelle, obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante personnes, devra être remplacée par une disposition très simple à comprendre et à appliquer, aux termes de laquelle le bénéfice après impôt de toutes ces entreprises sera divisé en trois parties égales : un tiers pour les salariés, avec un plafond de deux mois de salaire, un tiers pour les actionnaires, un tiers pour l'autofinancement de l'entreprise.
Cette formule permettra d'accorder une part non négligeable du bénéfice aux salariés et, surtout, mettra sur un pied d'égalité les salariés et les actionnaires, ce qui est fondamental.
Avec cette nouvelle réserve spéciale de participation, le partage de l'augmentation de richesses des entreprises deviendra équitable pour les salariés.
Je rappelle que cette mesure est appliquée depuis plus de dix ans aux salariés de Dassault-Aviation.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout d'abord, la commission voudrait remercier Serge Dassault (Sourires) ...
M. François Marc. C'est mal parti !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et rendre hommage à la constance de son engagement.
Lors de l'examen de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, dont Serge Dassault était le rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, la même idée a été exprimée.
M. François Marc. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle a même fait l'objet d'un vote.
M. Serge Dassault se fonde sur le principe des trois tiers, selon lequel le bénéfice serait affecté en trois parts égales : pour les salariés, sous forme de participation et d'intéressement, pour les actionnaires, sous forme de dividendes, pour l'entreprise, sous forme d'investissement. Telle est la constance de son credo.
Grâce à l'amendement qui avait été adopté lors de l'examen du texte qui allait devenir la loi du 30 décembre 2006, l'article L. 442-6 du code du travail prévoit que la base de calcul de la réserve spéciale de participation « peut » être le tiers du bénéfice net fiscal.
L'initiative de Serge Dassault a été fructueuse mais elle s'est traduite par une disposition qui est pour le moment facultative.
Sa démarche d'aujourd'hui conduirait à une disposition normative, c'est-à-dire obligatoire pour toutes les entreprises concernées.
La question mérite d'être analysée et il convient d'entendre les réactions du Gouvernement à ce sujet. (Sourires.)
Permettez-moi de rappeler, mais M. Serge Dassault le sait infiniment mieux que moi, que nous vivons dans un monde global où toute législation spécifiquement nationale doit être examinée à l'aune de l'attractivité du territoire.
Dans ces conditions, est-il concevable de mettre dans notre droit interne des dispositions qui ne seraient pas de nature à attirer sur notre territoire le plus grand nombre possible de centres de décision économique, en particulier de sièges de grandes entreprises multinationales ?
Je ne saurais aujourd'hui et seul trancher cette question. Afin de savoir sur quelle voie s'orienter, la commission souhaite entendre le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je tiens moi aussi à remercier M. Dassault de ses propositions qui ont le mérite de prévoir un partage équitable en trois tiers et qui démontrent un souci de persévérance et de pérennité. En effet, lors de la discussion du projet de la loi sur le développement de la participation et l'actionnariat salarié, au mois de novembre dernier, nous avions déjà évoqué ces questions. Je pense que Mme Isabelle Debré, rapporteur de ce texte au nom de la commission des affaires sociales, s'en souvient fort bien. (Mme Isabelle Debré opine.)
Comme je l'ai précisé dans la discussion générale, le Gouvernement reste ouvert à tous les mécanismes qui encourageront un capitalisme plus participatif. En effet, le capitalisme participatif, tel qu'il a été encouragé par les modifications sur le régime de la participation que nous avons adoptées au mois de novembre dernier, est une façon intelligente de faire participer tous les acteurs de l'économie à l'entreprise et à la production de richesses.
Cela étant dit, cet amendement transformerait en obligation ce qui est aujourd'hui une faculté : actuellement, toute entreprise peut déroger à l'article L. 442-2 du code du travail et mettre en place une réserve spéciale de participation qui déroge à la formule inchangée, vous l'avez rappelé, depuis très longtemps.
Faut-il rendre obligatoire un système qui est facultatif et que toute entreprise peut adapter ?
Cela ne me paraît pas souhaitable. D'une part, pour les raisons d'attractivité qui ont été évoquées par M. le rapporteur général. D'autre part, parce que tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne : les entreprises ne fonctionnent pas toutes selon le même mécanisme et les salariés ne sont pas tous rémunérés de la même façon.
Pour toutes ces raisons, et au nom d'un principe de liberté, le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 256.
En revanche, il est favorable à ce que la RSP, dans ses modes de calcul et ses implications, soit examinée par le Conseil supérieur de la participation, présidé par M. Franck Borotra. Le dispositif que vous proposez est une des pistes qu'il devra explorer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous donner lecture de l'amendement déposé par M. Dassault : « L'article L. 442-2 du code du travail est ainsi modifié : ... » Je m'attendais à ce que M. le rapporteur général réponde : nous ne pouvons étudier votre amendement, monsieur Dassault, puisqu'il vise à modifier un article du code du travail.
Au lieu de cela, nous avons entendu (L'orateur esquisse une révérence) : Merci, monsieur Dassault, d'avoir déposé cet amendement. (Sourires.) Certes, le rapporteur général a le droit de remercier M. Dassault. Mais pourquoi ne recevons-nous pas le même traitement quand nous présentons nous aussi des amendements visant à modifier le code du travail ? Merci, monsieur Desessard,...
Mme Catherine Procaccia. Jaloux !
M. Jean Desessard. ...merci les communistes. (Rires.)
Le summum est atteint quand M. Marini et Mme la ministre remercient M. Dassault de la constance de ses engagements, de sa persévérance et de la pérennité de ses propositions. Ils ont raison de le faire ! Mais pourquoi ne font-ils pas de même avec moi ? J'aimerais entendre (L'orateur esquisse de nouveau une révérence) : Merci, monsieur Desessard, d'avoir déposé cet amendement que vous aviez déjà déposé l'an dernier. En le redéposant aujourd'hui, vous faites preuve de constance et de persévérance ! Merci, les communistes, de votre persévérance à défendre les salariés depuis si longtemps.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour le résultat qu'ils obtiennent, c'est effectivement méritoire !
Mme Isabelle Debré. Merci, monsieur Desessard !
M. Dominique Braye. Merci d'arrêter votre cinéma !
M. Josselin de Rohan. En chanson, ce serait mieux !
M. Robert del Picchia. Coluche était quand même plus drôle !
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur général, si vous voulez être objectif, vous devez remercier tout le monde, surtout s'il s'agit de persévérance. Ne critiquez pas nos amendements parce qu'ils sont identiques à ceux de l'an dernier, alors que vous félicitez M. Dassault pour les siens ! Sinon, vous serez vraiment partial !
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Je trouve cette sortie assez désolante. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Quel est mon but dans cette affaire ? Il s'agit d'accroître le pouvoir d'achat des salariés, sans augmenter les coûts de production, ce qui n'est pas forcément idiot et est parfaitement conforme à l'objectif visé par ce projet de loi, à savoir l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés.
Mais si nous augmentons les salaires, nous augmentons également les coûts de production, et les entreprises continuent à ne pas pouvoir vendre leurs produits !
Peut-être, en effet, ai-je été plus remercié de ma proposition que vous-même ne l'avez été au cours du débat, monsieur Desessard. Mais il me semble que, jusqu'à maintenant, nous ne vous avons pas beaucoup entendu défendre vos idées !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous l'avons suffisamment entendu !
M. Serge Dassault. La mesure que je propose, je l'applique moi-même dans mon entreprise depuis plus de dix ans. Et elle fonctionne ! Les salariés sont contents de gagner deux mois de salaire de plus, ce qui n'est pas négligeable ! Dans le cadre des dispositions actuelles, ils ne gagneraient que quinze jours de salaire de plus.
Ma proposition ne serait-elle pas utile à l'ensemble des salariés ? Pourquoi refusez-vous une mesure qui favorise les salariés et, par conséquent, le pouvoir d'achat, sans que cela coûte un centime à l'entreprise ! Il s'agit en effet simplement d'un partage différent des bénéfices : les salariés reçoivent plus, et les actionnaires moins.
M. Jean Desessard. Vous avez raison !
M. Serge Dassault. À gauche comme à droite, personne ne peut considérer qu'une telle proposition soit inutile.
M. Marini craint que l'adoption de ce dispositif ne nuise à l'attractivité du territoire. À mon avis, ce ne serait pas le cas, bien au contraire ! En effet, si la motivation est plus grande, la rentabilité le sera également, parce que chacun travaille pour soi et non plus uniquement pour l'actionnaire. La lutte des classes disparaît, puisque les salariés et les actionnaires reçoivent des sommes identiques. Tout le monde travaille alors ensemble pour le bien de l'entreprise, le développement de son activité et l'enrichissement du salarié.
Madame le ministre, vous savez très bien qu'une mesure facultative n'est pas appliquée. Jusqu'à présent, je n'ai pas vu beaucoup d'entreprises recourir à ce dispositif, qui n'est peut-être pas assez connu. Si une ordonnance de 1959, dont les dispositions étaient facultatives, a institué la participation, c'est l'ordonnance de 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises, promulguée sous l'impulsion du général de Gaulle, qui, en la rendant obligatoire, a permis de poser le problème. Sinon, il n'y aurait ni participation ni intéressement en France.
M. Michel Charasse. Merci, général de Gaulle !
M. Serge Dassault. Si mon amendement n'est pas adopté aujourd'hui, je le déposerai de nouveau, par exemple à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances. Il est cependant dommage que cette proposition, qui favorise tout le monde, les salariés et les actionnaires, et l'activité économique, ne soit pas adoptée. Son adoption permettrait de faire en sorte que les produits fabriqués dans notre pays se vendent un peu mieux. Je rappelle en effet que la croissance résulte non pas du hasard, mais de la vente à l'étranger de produits fabriqués en France.
M. Michel Charasse. Encore faudrait-il ne pas avoir honte de vendre nos avions !
M. Serge Dassault. Augmenter les salaires, cela ne suffit pas ! Pour favoriser la croissance, il faut que l'entreprise soit motivée, tout comme les salariés, qui travaillent et gagnent de l'argent ensemble.
Mes chers collègues, vous choisirez, ou non, d'adopter cet amendement. Pour ma part, j'aurai fait ce que j'ai pu ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. - M. Jean-Jacques Jégou applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisque vous avez mis en cause mon attitude concernant les différents amendements qui ont été déposés, monsieur Desessard, je souhaite bien entendu vous répondre.
M. Josselin de Rohan. C'est lui faire bien de l'honneur !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est vrai que j'ai traité de façon dissymétrique...
M. Jean Desessard. Ah ! Dissymétrique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...les amendements déposés par des membres de l'opposition et celui de M. Dassault, dont je me sens très proche et que je respecte beaucoup. Que voulez-vous ! Chacun doit assumer son histoire et ce qu'il est ! C'est ce que vous faites, monsieur Desessard, et c'est aussi ce que je fais ! Cela se ressent dans les positions que nous sommes amenés à prendre dans cet hémicycle.
M. Serge Dassault, compte tenu de ce qu'il a fait, n'a rien à prouver. Il accepte de consacrer beaucoup de temps à l'intérêt général, dans sa commune, au Parlement, un peu partout, en défendant ses idées. Il n'a rien à y gagner ! Il s'agit d'un engagement complètement gratuit, destiné à défendre l'intérêt général. Il estime en effet que le moment est venu pour lui de livrer son expérience, en toute franchise et très directement. Au sein de notre assemblée, il apporte souvent, j'ose le dire, un souffle rafraîchissant au cours de débats trop convenus.
Au nom de ce qui nous rapproche, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je serais en effet désolé s'il était désavoué sur un amendement au contenu aussi intéressant et reflétant des intentions aussi pures.
À mon avis, madame la ministre, vous devriez aller un peu plus loin dans votre réponse. (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Votez-le, dans ce cas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, vous le savez, le Sénat a récemment remis les conclusions d'une mission commune d'information sur les centres de décision économique. Nous nous intéressons en particulier à une évolution du droit des sociétés commerciales qui permettrait, au moins partout où on le peut et le veut, de s'affranchir de la tyrannique règle anglo-saxonne du « one share-one vote ».
Selon moi, si nous étions capables d'encourager la continuité des entreprises, notamment grâce à des systèmes de fondation comme en Europe du Nord, si nous arrivions à y joindre la constance dans la stratégie, nous pourrions, me semble-t-il, voir émerger des politiques de partage du profit qui seraient de nature à satisfaire les idéaux de Serge Dassault.
M. Jean Desessard. Alors, votez l'amendement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il me semble donc, madame la ministre, que cet amendement ne peut pas être adopté dans l'état actuel de la situation.
M. Jean Desessard. Pourquoi ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais le Conseil supérieur de la participation, dont vous avez parlé, et les experts que vous pourriez charger de travailler sur ces sujets seraient susceptibles de reprendre les idées de Serge Dassault et d'examiner le sort qui pourrait leur être réservé dans le cadre européen.
Madame la ministre, s'agissant du droit des sociétés commerciales, nous ne pouvons pas accepter de nous laisser régir par des concepts anglo-saxons, qui, certes, ont toute leur place sur nos marchés, mais n'ont pas vocation à tout gouverner. Et nous aurions bien tort de nous laisser impressionner par certaines tendances à l'oeuvre au sein de la Commission européenne ! Il faut que, demain et après-demain, nos structures sociétales puissent tenir compte de divers cas de figure, de différentes situations. La place des entreprises à capitaux familiaux doit être valorisée comme il convient.
D'ailleurs, madame la ministre, cette question est en lien direct avec plusieurs sujets traités dans ce projet de loi. Nous allons en effet parler de transmission et de patrimoine. Or il est des patrimoines qui peuvent être, d'une certaine manière, mis au service du bien commun et de l'intérêt général, notamment dans le domaine économique.
C'est donc à toutes ces pistes que je relie l'initiative de Serge Dassault. Toutefois, dans un souci d'efficacité, je souhaite qu'il puisse retirer son amendement, car je ne voudrais vraiment pas que, ce soir, il soit désavoué sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Si je prends la parole, c'est également en tant que membre du Conseil supérieur de la participation, présidé par M. Franck Borotra. Nous avons déjà évoqué ce sujet au moment de l'examen du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, dont j'étais le rapporteur, en particulier au cours d'échanges certes fructueux, mais également quelque peu musclés, avec Serge Dassault, qui est très persévérant. Il a d'ailleurs raison de l'être, puisque les décisions qu'il a prises dans son entreprise ont été couronnées de succès.
Toutefois, il n'est pas possible de rendre obligatoire le calcul de la RSP, la réserve spéciale de participation, qu'il propose. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, en tant que membre du Conseil supérieur de la participation et rapporteur du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, je ne pourrai voter cet amendement. En effet, pour le moment, ce calcul de la RSP doit rester facultatif dans notre pays. (Mme Adeline Gousseau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Bien que je comprenne parfaitement la position des uns et des autres, je trouve tout de même dommage que nous n'essayions pas, sur ce sujet, d'ouvrir un dialogue, même bref, par exemple en commission mixte paritaire, avec l'Assemblée nationale.
En effet, ce type de suggestion est tellement important que nous ne pouvons pas le garder pour nous. Certes, notre ami Serge Dassault a fait voter à l'automne, comme il l'a rappelé, une disposition facultative. Aujourd'hui, il nous propose une disposition à caractère obligatoire. Pour ma part, je serais assez intéressé d'entendre, en commission mixte paritaire, les réactions de nos collègues députés.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Michel Charasse. Mais, pour cela, il faut adopter l'amendement déposé par M. Dassault.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Charasse. J'ai une amitié personnelle assez longue avec Serge Dassault, et il le sait, mais le texte qu'il propose me semble assez brutal. Il faudrait prévoir des modulations. En effet, comme le disait M. le rapporteur général tout à l'heure, toutes les entreprises ne sont pas dans la même situation.
Celle qu'il dirige a pu appliquer son amendement. Mais c'est par égoïsme et indifférence que d'autres qui auraient pu faire de même ne l'ont pas fait. De ce point de vue, l'amendement de Serge Dassault est salutaire. D'autres entreprises sont dans un monde concurrentiel, compliqué, et nous ne pouvons pas l'ignorer.
Par conséquent, il faudrait réfléchir à un système évolutif qui, monsieur Dassault, plutôt que de nous faire passer brutalement de 10 % à 33,33 %, procéderait par étapes, sur quatre ou cinq ans, de façon à ne pas bouleverser totalement le fonctionnement des entreprises.
Il faudrait aussi réfléchir à un système dans lequel l'organe dirigeant de l'entreprise - conseil d'administration ou autre - pourrait, après avis du comité d'entreprise et lorsque l'intérêt impérieux de l'entreprise et les circonstances l'exigent, moduler plus ou moins à la baisse le taux de 33,33 %.
Madame la présidente, je ne sais pas ce que notre collègue Dassault va faire avec son amendement. Mais j'aimerais bien connaître l'opinion de nos collègues de l'Assemblée nationale. Le combat qui est le sien est ancien. Il est sur ce plan l'héritier du gaullisme, qu'avait embrassé son père dans sa jeunesse, dans les souffrances des camps de la mort et à la Libération. On ne peut pas évacuer son amendement comme cela. J'avoue franchement que je serais partisan de l'adopter, ne serait-ce que pour amorcer, sous une forme ou sous une autre, une discussion avec l'Assemblée nationale, même si elle doit être brève et même si elle doit avoir lieu uniquement en commission mixte paritaire.
Mes chers collègues, quoi qu'on en pense, j'ai entendu à deux ou à trois reprises le Président Sarkozy dire qu'il s'inspirait très largement du message du général de Gaulle. Peu importe que ce soit vrai ou que ce ne le soit pas. Chacun sait l'importance que le général de Gaulle accordait à la participation. Et chacun sait ce qu'ont apporté à cette idée les « vieux de la vieille », dont faisait partie la famille Dassault. Pour avoir connu et le père et le fils, je peux en témoigner. Par conséquent, il ne me dérangerait pas du tout de tenter un coup auprès de la commission mixte paritaire. Et l'on verra bien ! Je dis à Serge Dassault que son amendement est trop brutal pour être adopté en l'état et qu'il faudrait ménager une période transitoire de trois ou quatre ans. Le combat qui est celui de Serge Dassault depuis tellement longtemps ne mérite pas d'être évacué d'une façon désinvolte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Nous sommes quelques-uns à considérer que la participation est un mécanisme très intéressant. La proposition de Serge Dassault retient notre attention et nous y sommes extrêmement sensibles.
Il n'en demeure pas moins, c'est un fait, qu'elle ne peut être adoptée en l'état sans qu'ait eu lieu une réflexion préalable.
J'évoquerai l'exemple du groupe Caisse d'épargne. Tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu à cette institution - je me tourne vers Jean-Jacques Jégou - savent qu'une partie de ses résultats annuels - un tiers, me semble-t-il (M. Jean-Jacques Jégou opine.) - est consacrée aux projets d'économie locale et sociale, les PELS, qui sont des actions très utiles. Où trouver de quoi accroître l'intéressement ? Les bénéfices ne comptent pas quatre tiers !
L'amendement de notre collègue Serge Dassault est en effet très intéressant, mais il me paraît en l'état difficile à mettre en oeuvre. Il requiert au préalable une série de coordinations et nous avons besoin du travail indiqué notamment par Isabelle Debré.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je rends hommage à mon tour à Serge Dassault, qui exprime là une conviction très forte,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...d'autant plus forte qu'elle est fondée sur des actes.
Je rappelle la grande affaire qu'a toujours été la participation. Les premiers textes datent de 1959 et de 1967. Il m'est arrivé de penser que, dans notre monde si régulé et si réglementé, la participation et l'intéressement étaient une façon de verser un supplément de salaire en s'exonérant du paiement des cotisations sociales.
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Naturellement, comme ils étaient de nature à porter atteinte à l'équilibre des finances publiques, il fallait les encadrer. Or je trouve qu'on encadre beaucoup trop l'intéressement et la participation. Cet encadrement a un but : il s'agit de savoir si telle fraction est susceptible d'être incluse ou non dans l'assiette des cotisations sociales. De surcroît, les bénéficiaires qui laissent leurs fonds de participation bloqués pendant cinq ans sont exonérés de l'impôt sur le revenu. Là encore, nous sommes victimes de particularismes, de régimes particuliers, et l'on s'enferme dans une réglementation qui bride quelque peu la liberté, la créativité, la capacité d'adaptation.
Nous devrons nous interroger à l'avenir sur un mode de financement de la protection sociale tel qu'il puisse renforcer la compétitivité du travail et de l'économie française.
Le sujet que nous propose Serge Dassault est de première importance. Il mérite un débat plus large que celui dans lequel nous contraint la discussion d'aujourd'hui. (Marques d'approbation au banc du Gouvernement et sur plusieurs travées de l'UMP.)
Il serait pas ailleurs fâcheux de prendre le risque, en la soumettant au vote, qu'une si belle proposition ne soit pas votée. Ce serait une extraordinaire contradiction. Je lance un appel à Serge Dassault pour qu'il veuille bien retirer son amendement.
M. Thierry Repentin. Il faut voter l'amendement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous éviterons ainsi de prendre le risque de nous prononcer par un vote qui irait à l'encontre de nos convictions. Je lui donne rendez-vous pour un autre débat que, je n'en doute pas, le Gouvernement prendra soin d'organiser dans cet hémicycle afin que sa belle idée puisse trouver sa traduction dans le cadre juridique qui lui convient.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Dassault, personne ici ne souhaite être désinvolte à l'égard d'une proposition généreuse fondée sur une pratique intelligente et généreuse de la répartition des profits au sein d'une entreprise prospère à capitaux familiaux.
Mais nous avons fixé le principe selon lequel nous ne souhaitions pas modifier les dispositions du code du travail au détour d'un texte qui est par essence de nature fiscale.
En outre, nous avons débattu ici même en novembre 2006, durant des jours et des nuits, sur la participation et sur les stock-options. Grâce à la commission des affaires sociales, à la commission des lois et à la commission des finances, dont vous étiez le rapporteur, nous avions eu de longs débats, éclairés par les travaux préparatoires du Conseil supérieur de la participation. Nous avions abordé dans le détail toutes ces questions. Dans sa sagesse, la Haute Assemblée n'avait pas souhaité rendre ce processus obligatoire, mais simplement facultatif.
La réserve spéciale de participation des salariés, telle qu'elle est prévue à l'article L. 442-2 du code du travail, est obligatoire. Par la suite, chaque entreprise est libre de compléter cette réserve si elle le souhaite. C'est un principe de liberté.
Enfin, il y va de l'attractivité de notre territoire. Si l'on se met à enfermer dans des règles extrêmement rigides les mécanismes de répartition des profits des entreprises, je crains que l'on ne soit pas particulièrement attractif pour ceux dont la vocation n'est pas de poser des règles de gouvernance au sein des entreprises non plus que dans l'économie en général - je pense en particulier aux Anglo-Saxons. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle a été créée il y a un an la Fondation pour le droit continental, dont l'objet est de soutenir les processus français de gouvernance des entreprises et de réglementation de l'économie.
Monsieur le sénateur, je prends solennellement l'engagement de demander au Conseil supérieur de la participation de réexaminer ces dispositions et de faire part de ses conclusions à la commission nouvellement désignée qui, sous la présidence de M. Jacques Attali, fera des propositions sur la modernisation de notre économie. Je prends l'engagement que ce débat reprendra et que les propositions que vous faites seront examinées dans le cadre de ce débat sur la modernisation de l'économie française.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Mme la présidente. Monsieur Dassault, l'amendement n° 256 est-il maintenu ?
M. Serge Dassault. Cette formule de 1967, que d'ailleurs personne ne comprend, est compliquée. Il faut au moins augmenter le taux et passer de 10 % à 20 %. Il est fondamental en effet que les salariés, au moyen de la participation, touchent une part non négligeable du bénéfice de leur entreprise. Peut-être l'entreprise verra-t-elle sa capacité d'autofinancement se réduire, mais elle y gagnera en motivation et en compétitivité. Et l'entreprise qui appliquera cette formule y gagnera par rapport à celle qui n'applique rien ou qui applique la formule actuelle.
Je conviens que ce n'est pas facile à expliquer. Peut-être est-ce même effectivement un peu brutal. Cette question pourrait être examinée à l'occasion de la discussion d'un projet de loi de finances ou d'un autre texte. Je pourrais déposer une proposition de loi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Serge Dassault. Cette disposition pourrait être étudiée notamment avec mes collègues de gauche qui y sont favorables - apparemment, il y en a ! (Mme Patricia Schillinger opine.)
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Serge Dassault. Il ne faudrait pas que ma proposition reste lettre morte. À tout le moins, ayez à l'esprit qu'il faut absolument augmenter cette réserve de participation, qui est actuellement trop basse et qui n'est pas assez motivante. Qu'on fasse comprendre aux salariés que les bénéfices que réalise leur entreprise grâce à leur travail leur profiteront aussi.
Pourquoi cette règle des trois tiers ? L'idée est de distribuer une part identique aux salariés et aux actionnaires et d'éviter, comme c'est trop souvent le cas, une distorsion entre la part réservée aux salariés - faible - et la part réservée aux actionnaires - importante. Il arrive parfois que la part réservée aux salariés soit nulle et que la part réservée aux actionnaires soit importante parce que ces derniers « piquent » dans les réserves - ce qui n'est pas bien. C'est précisément pour empêcher une telle distorsion que j'avais, il y a quelque temps, déposé un amendement, que j'avais retiré au dernier moment.
La formule que je propose est très simple à appliquer. Néanmoins, on peut en trouver d'autres. Mais puisque vous me le demandez, je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Je compte toutefois sur vous pour qu'une solution satisfaisante pour tout le monde soit trouvée. Au fond, je travaille pour vous. (Sourires.) Nous travaillons ensemble pour l'économie et les salariés. Nous étudierons de nouveau cette question en d'autres occasions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 256 est retiré.
M. François Marc. Je le reprends, madame la présidente.
M. Josselin de Rohan. On aura ainsi une heure supplémentaire de débats !
M. Dominique Braye. Pour ne rien dire !
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 256 rectifié, présenté par M. Marc.
Vous avez la parole pour le défendre, mon cher collègue.
M. François Marc. Ce sujet est fondamental. Il y est question de la valeur travail et de sa reconnaissance. Ce thème a été majeur dans la campagne pour l'élection présidentielle. C'est également la valeur centrale de ce projet de loi.
Mon groupe et moi-même estimons que la proposition de notre collègue Serge Dassault s'inscrit totalement dans cette philosophie qui est aujourd'hui mise en débat, dans cette tentative d'une meilleure reconnaissance de la valeur travail et dans cette recherche d'un équilibre entre les différentes formes de rémunération.
M. Dominique Braye. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. François Marc. J'attire votre attention sur le fait qu'aujourd'hui il y a tout de même 14 milliards d'euros en débat et que, au fond, cette disposition peut également constituer un élément intéressant dans l'ensemble du dispositif.
Nous avons, nous aussi, de la suite dans les idées : nous avions apporté un certain nombre d'arguments en faveur d'un amendement similaire proposé voilà quelque temps par Serge Dassault. Nous avions d'ailleurs participé à un vote que nous avions réclamé sur ce sujet.
M. le rapporteur général a évoqué tout à l'heure la question de l'attractivité. C'est effectivement un sujet majeur. Que demandent aujourd'hui les entreprises ? Des salariés bien formés et motivés. Et quelle meilleure façon de motiver des salariés que de les rémunérer correctement ? Je retiens l'expression de Serge Dassault, qui nous dit que, lorsque l'on répartit correctement le fruit de l'activité de l'entreprise, « ça fonctionne ! » Cette formule est une bonne illustration.
Aujourd'hui, on se trouve face à une situation où le capital revendique une part croissante du profit. Les entreprises sont sous pression, en raison de la recherche d'une rentabilité maximale du capital, 10 %, 12 %, voire 14 %. Depuis quinze ans, - Serge Dassault a raison - une part de plus en plus importante va à la rémunération du capital.
Il est donc important de rééquilibrer la situation et d'obtenir une meilleure motivation des salariés. Je retiens d'ailleurs à cet égard un slogan qui a fait recettes ces derniers temps : « Ensemble tout devient possible ! » Un tiers pour le capital, un tiers pour le travail, un tiers pour l'investissement dans l'entreprise : cette répartition me paraît intelligente. En tout cas, si on ne rend pas cette disposition obligatoire et si on en reste à un système facultatif, j'ai le sentiment - et plusieurs de mes collègues ici présents pensent sans doute comme moi - que le nombre d'entreprises qui appliqueront le dispositif ne sera jamais très important.
En reprenant cet amendement, nous apportons notre soutien à un dispositif qui nous paraît motivant pour les salariés. C'est une rémunération supplémentaire, c'est une reconnaissance de la valeur travail. Mais, bien entendu, il conviendrait que cela ne vienne pas se substituer à la politique salariale au sein des entreprises.
Cette disposition étant bien mise en évidence, je vous demande, au nom du groupe socialiste, de voter en faveur de cet amendement qui va dans le bon sens, et qui constituerait un signe particulièrement fort de reconnaissance de la valeur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce débat, qui est d'ailleurs tout à fait passionnant et instructif. La question de la participation, telle qu'elle a été posée par Serge Dassault, mérite que nous nous y penchions plus longuement dans un cadre plus approprié que ce projet de loi. D'ailleurs, M. le rapporteur général l'a fort bien dit et nous souscrivons tout à fait à ses propos.
J'ai noté avec intérêt ce qu'a dit M. Marc car pendant cinq ans le parti socialiste a toujours combattu les propositions qui ont été présentées sur la participation. (Rires sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je me réjouis beaucoup de cette conversion, mais je la trouve un peu suspecte... (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la présidente, je voudrais appeler l'attention du Sénat sur le fait que, au rythme où nous progressons, nous risquons bien de devoir travailler samedi et peut-être même dimanche...
M. Thierry Repentin. Et alors ? Les salariés le méritent !
Mme Nicole Bricq. Les salariés travaillent bien, eux aussi, le samedi et même le dimanche !
M. Josselin de Rohan. ...et tous ceux qui retardent l'avancement du texte proprement dit...
M. Jean Desessard. Ils ne sont pas là !
M. Josselin de Rohan. ...ne seront pas là au moment de l'examen des articles.
Or il y a manifestement des amendements qui sont étrangers au projet de loi,...
M. François Marc. L'amendement émane de votre groupe !
M. Alain Gournac. C'est vous, monsieur Marc, qui l'avez repris !
M. Josselin de Rohan. ....comme celui qui a trait aux transports.
Il y a même, à l'article 3, un amendement qui, je m'empresse de le dire, n'émane pas des représentants de l'opposition et qui traite des chauffe-eau solaires !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Cela est-il vraiment sérieux ? Est-ce une manière de travailler ? Je lance un appel semblable à celui de M. le rapporteur général, qui nous invitait à la concision. Je souhaite qu'on en vienne à l'examen du texte et qu'on ne se laisse pas égarer par des propositions qui n'ont rien à voir avec son objet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souscris pleinement à l'appel que vient de lancer M. Josselin de Rohan. Ces dispositions sont éloignées du texte en discussion. Certains semblent considérer que c'est un texte portant diverses dispositions d'ordre fiscal et social. Ce n'est pas le cas !
M. Thierry Repentin. Et le revenu de solidarité active ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enfin, je voudrais vous dire que les dispositions relatives à la participation ont été votées dans le cadre de la loi du 30 décembre 2006, qu'il s'agit d'une faculté et qu'il faut arrêter de modifier sans cesse les textes que nous votons sur un thème particulier. Il n'y a rien de pire que l'instabilité législative. Je lance donc un appel pour que l'amendement repris par M. Marc et le groupe socialiste soit rejeté par le Sénat.
M. François Marc. Le texte de référence sur la participation date de 1967 !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. On est reparti !
Mme Marie-France Beaufils. Je considère l'amendement qui a été repris par le groupe socialiste comme un amendement d'appel à la réflexion à laquelle M. Dassault et le Gouvernement nous ont invités. Il s'agit de la question du pouvoir d'achat des salariés et du retour des bénéfices des entreprises vers les salariés.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est évidemment pas la façon dont le Gouvernement aborde ce texte, mais c'est une véritable question de fond qui est ici posée. Aux yeux de Gouvernement, il s'agit non pas de savoir comment les salariés peuvent mieux vivent de leur travail et grâce à lui, mais de créer les conditions pour que les salariés obtiennent quelques bribes supplémentaires, sans véritablement avoir une vraie reconnaissance de leur travail et de la richesse qu'il crée.
Cet amendement soulève un certain nombre de questions, mais, je le répète, je le considère comme un amendement d'appel. (M. Josselin de Rohan s'esclaffe.) M. Dassault fait sa proposition parce que son entreprise est une entreprise familiale. Mais l'évolution du capitalisme, avec le développement des fonds de pension et des fonds d'investissement qui n'ont aucun lien avec l'activité de l'entreprise elle-même, montre bien que l'on détruit la relation des salariés à leur travail. Dans ce domaine, un travail de fond est nécessaire.
Il ne faudrait pas que la proposition de M. Dassault, reprise par le groupe socialiste, soit considérée comme un élément qui permettrait de faire pression sur les salaires et de détourner la possibilité d'avoir des cotisations sociales plus importantes, lesquelles sont pourtant fortement nécessaires pour financer la protection sociale.
Un certain nombre de membres de la majorité ont déclaré que cette question serait examinée dans le cadre du Conseil supérieur de la participation. Mme Debré vient de dire qu'il n'était pas possible d'avancer sur ce sujet maintenant. (Mme Isabelle Debré s'exclame.) Il faut savoir quel est le lieu où on peut le faire.
Mme Isabelle Debré. Chère collègue, le CSP est là pour ça !
Mme Marie-France Beaufils. Nous allons voter cet amendement comme un amendement d'appel à la réflexion, et non parce que nous sommes d'accord avec la totalité de ce qu'il contient. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne veux pas prolonger le débat, mais je fais observer à M. de Rohan qu'il soutient un gouvernement qui fixe l'ordre du jour de nos travaux.
M. Josselin de Rohan. Et alors ?
Mme Nicole Bricq. C'est ce gouvernement qui a choisi de nous faire légiférer à la fin du mois de juillet sur ce projet de loi.
M. Josselin de Rohan. Vos amendements ne sont pas constitutionnels !
Mme Nicole Bricq. Si vous voulez modifier la Constitution et donner au Parlement le droit de fixer son ordre du jour, faites-le ! Mais vous soutenez ce gouvernement qui a choisi cet ordre du jour.
Je ferai remarquer à M. Arthuis et à Mme la ministre que l'intitulé du projet de loi, qu'elle revendique, est le suivant : « travail, emploi et pouvoir d'achat ». Nous sommes au coeur au moins de deux des sujets cités. Alors, si vous n'êtes pas d'accord avec l'intitulé, vous n'aurez qu'à voter l'amendement que nous proposerons à la fin de la discussion en vue de le modifier.
Pour l'heure, nous sommes bien au coeur du sujet et c'est pourquoi nous voterons l'amendement de M. François Marc, qui avait été présenté à l'origine par M. Serge Dassault. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Je voterai l'amendement présenté par M. Marc, avec mes amis radicaux de gauche, dans l'esprit exposé par notre collègue Serge Dassault. (M. Josselin de Rohan s'exclame.) À un moment donné, sur un certain nombre de sujets, ne vous en déplaise, cher collègue de Rohan, cela peut se produire.
Il n'est pas interdit non plus, au Sénat, d'aller un peu au-delà des propositions qui sont faites par le Gouvernement...
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Gérard Delfau. ....ni, surtout, de prendre au pied de la lettre l'intitulé du projet de loi qui nous est soumis !
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Gérard Delfau. Il peut même arriver au Sénat, madame la ministre, de vous rejoindre sur la notion de valorisation du travail.
Voilà autant de raisons qui me font, sans aucune hésitation, voter en faveur de l'amendement qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Je ne reviendrai pas sur la finalité de cet amendement, dont je partage l'intention, mais il y a eu beaucoup d'imprudence, parce que nous sommes à fronts renversés ! (Rires.)
M. Alain Gournac. Ah oui !
M. François Marc. Le bon sens n'a pas de domicile !
M. Joël Bourdin. Depuis longtemps, avec notre collègue Dassault, nous sommes très attachés à la participation. Or, pour une question de forme, nous allons être obligés de voter contre ce texte, qui est devenu l'amendement de M. Marc. Nous allons le faire, non en raison de son auteur - je tiens à rassurer M. Marc ! -, mais parce que cet amendement n'a pas un rapport très étroit avec le texte.
M. François Marc. Mais si !
M. Josselin de Rohan. C'est une manoeuvre politicienne !
M. Joël Bourdin. J'ajoute, me tournant vers les spécialistes de droit constitutionnel, qu'il me paraît entaché d'anti-constitutionnalité. À mes yeux, il s'agit d'un grand cavalier. Je le dis pour que ce soit au moins noté.
Pour ces raisons, avec la majorité de cette assemblée,...
M. François Marc. C'est laborieux !
M. Joël Bourdin. ...je voterai contre cet amendement.
M. Jean Desessard. Vous êtes contre, un point c'est tout !
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Je remercie notre collègue François Marc de nous avoir tiré une épine du pied. Personnellement, pour des raisons sentimentales, d'admiration, j'aurais eu beaucoup de mal à voter contre l'amendement que Serge Dassault vient de retirer. Mais je n'aurai aucune difficulté à voter contre l'amendement de M. Marc, qui n'est manifestement qu'une manoeuvre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 256 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. Gérard Delfau. Les salariés vous remercient, mes chers collègues !