Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
2. Dépôt d'un rapport en application d'une loi
3. Organismes extraparlementaires
4. Démission d'un membre d'une commission et candidatures
5. Travail, emploi et pouvoir d'achat - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Discussion générale : Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; MM. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.
MM. le président de la commission, le président.
Mme Nicole Bricq, MM. le président de la commission, Michel Mercier, Jean-Pierre Fourcade, Aymeri de Montesquiou, Philippe Adnot, Mmes Marie-France Beaufils, Raymonde Le Texier, MM. Ladislas Poniatowski, Gérard Delfau.
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
MM. Bernard Cazeau, Serge Dassault, Rémy Pointereau.
Mme la ministre, M. le haut-commissaire.
Clôture de la discussion générale.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
6. Nomination de membres de commissions
7. Travail, emploi et pouvoir d'achat - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Motion no 58 de M. Thierry Foucaud. - Mme Annie David, M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; M. Bernard Vera. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendements identiques nos 59 de Mme Annie David et 162 de Mme Raymonde Le Texier. - Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 154 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 165 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 163 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Patricia Schillinger, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 164 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Patricia Schillinger, M. le rapporteur général, Mme la ministre, M. Jean Desessard. - Rejet.
Amendement n° 166 rectifié de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur général, Mme la ministre, M. Gérard Delfau, Mme Annie David. - Rejet.
Mmes Annie David, Bariza Khiari, M. Jean Desessard, Mmes Nicole Bricq, Marie-France Beaufils.
Amendements identiques nos 60 de Mme Annie David et 102 de Mme Nicole Bricq. - Mmes Annie David, Gisèle Printz, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement n° 69 de Mme Annie David. - MM. Robert Bret, le rapporteur général, Mmes la ministre, Marie-France Beaufils, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Rejet.
Amendement n° 61 de Mme Annie David. - MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 62 rectifié de Mme Annie David. - MM. Annie David, M. le rapporteur général, Mmes la ministre, Annie Jarraud-Vergnolle. - Retrait.
Amendement n° 63 de Mme Annie David. - Mme Annie David, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 64 de Mme Annie David. - Mme Annie David, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 65 de Mme Annie David. - Rejet.
Amendement n° 66 de Mme Annie David. - Mme Annie David, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Dépôt de rapports d'information
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Dominique Maraninchi, président du conseil d'administration de l'Institut national du cancer, le rapport d'activité pour l'année 2006 de cet organisme, établi en application de l'article L. 1415-2 du code de la santé publique.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
3
Organismes extraparlementaires
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :
- d'un sénateur appelé à siéger comme membre titulaire au sein du conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ;
- d'un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein du conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ;
- d'un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein de l'Observatoire national des zones sensibles.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires sociales à présenter une candidature pour chacun de ces organismes.
La nomination au sein de ces organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
4
Démission d'un membre d'une commission et candidatures
M. le président. J'ai reçu avis de la démission de M. Alain Le Vern, comme membre de la commission des affaires économiques.
Le groupe intéressé a fait connaître à la Présidence le nom du candidat proposé en remplacement.
Il a en outre communiqué à la Présidence le nom du candidat proposé pour siéger à la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Jean-Marie Bockel, dont le mandat de sénateur a cessé
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du règlement.
5
Travail, emploi et pouvoir d'achat
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (nos 390,404, 406).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous soumettant ce projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, le Gouvernement souhaite d'abord provoquer un choc de confiance. Je suis heureuse de défendre ce texte aujourd'hui devant votre Haute Assemblée.
La confiance, c'est d'abord celle que le pays doit retrouver dans la valeur du travail. (M. Alain Gournac applaudit.)
M. Guy Fischer. Attendez, la discussion commence à peine !
Mme Christine Lagarde, ministre. La confiance, c'est aussi celle que la majorité de nos concitoyens a accordée au Président de la République sur la foi de son programme. Ce que le Président de la République a promis, nous allons nous donner les moyens de le réaliser.
Notre projet n'est pas un simple « paquet fiscal » ; il constitue le premier wagon d'une véritable réforme économique et sociale, sans pour autant modifier d'une quelconque manière les dispositions intrinsèques du code du travail.
Le Président de la République et le Premier ministre ont fixé les grandes lignes de la mission qui m'est confiée dans une lettre qui m'a été adressée le 11 juillet dernier.
Mon objectif principal, c'est le plein-emploi et l'augmentation du pouvoir d'achat, ainsi que la mise en place d'une stratégie économique globale pour notre pays dans la mondialisation. Cela supposera de réviser les politiques publiques pour les rendre plus efficaces, de lever les blocages ou les freins à la croissance, de moderniser notre économie, notamment notre marché du travail, de réformer notre fiscalité et de revoir la gouvernance économique de l'Europe, et peut-être celle de l'Eurogroupe.
En accrochant tous ces wagons les uns aux autres dans les semaines, les mois et les années qui viennent, je suis convaincue que notre pays retrouvera le train de la croissance et qu'il pourra se lancer à pleine vitesse dans la course de la modernité.
Laissez-moi vous exprimer d'abord toute ma fierté d'avoir aujourd'hui une mission claire, une mission qui m'est confiée par le Président de la République et par le Premier ministre, une mission tout simplement au service de la France, dont le présent texte constitue une première étape.
Remettre à l'honneur la valeur travail, c'est un impératif à double face, à la fois moral et économique.
S'agissant tout d'abord de l'impératif moral, trop de défiance pèse aujourd'hui sur le travail. Cette défiance est encouragée par des biais inacceptables qui faussent le marché de l'emploi. Lorsque, d'un côté, certains bénéficiaires de minima sociaux perdent de l'argent en retrouvant un travail et que, de l'autre, certains dirigeants d'entreprise reçoivent des indemnités sans aucun rapport avec leurs performances, comment ne pas s'indigner ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. C'est de la provocation !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous voulons au contraire que le travail redevienne ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : une valeur démocratique, un vecteur d'intégration, une vérité dans notre existence.
Oui, le travail est une valeur démocratique : il nous place tous, les hommes et les femmes de ce pays, sur un pied d'égalité. Victor Hugo, l'un des plus illustres de vos pairs,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est facile !
Mme Christine Lagarde, ministre. ...appelait les marins des « travailleurs de la mer ». (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Christine Lagarde, ministre. Que nous soyons des intellectuels, des ruraux, des travailleurs de la terre, des travailleurs indépendants ou des travailleurs au service d'une entreprise, nous savons tous ce que signifie une journée de travail.
Oui, le travail est un vecteur d'intégration : il permet à chacun de trouver sa place dans la société.
Oui, le travail est une vérité dans notre existence : un travail, c'est souvent bien plus qu'un salaire, c'est une manière de se sentir bien dans son existence.
Cette loi est faite pour que le travail n'exclue personne, ...
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. ... qu'il nous rassemble tous et pour qu'il paie.
S'agissant, ensuite, de l'impératif économique, aujourd'hui plus que jamais, le travail constitue pour notre pays la clé de son avenir dans le jeu de la mondialisation.
Nous sommes, certes, dans une société industrielle, mais aussi, de plus en plus, dans une société de services, une société d'innovation et de création, une société où le développement de la haute technologie s'accompagne d'un besoin critique et grandissant de compétences, d'expériences, d'expertise.
Nous sommes dans un monde hautement concurrentiel, où il nous faut faire le pari de l'excellence. Les femmes et les hommes de l'Inde, du Brésil, de l'Afrique du Sud et de la Chine ne ménagent pas leur peine. Ils connaissent des taux de croissance souvent bien plus élevés que le nôtre. Ils sont engagés dans le train de l'excellence dans des domaines que, parfois, nous ne soupçonnons pas encore. La course est lancée ! Nous ne devons pas rester les bras croisés, à observer leurs taux de croissance à deux chiffres, taux qui s'envole à 11 % pour la Chine, laquelle maintient cet objectif pour les années à venir et devient la troisième puissance économique mondiale.
Pour la première fois, en 2006, la diminution de la quantité d'heures travaillées en France n'est plus compensée par des gains de productivité horaire. Comment peut-on encore croire, dans ces conditions, que travailler moins permet de travailler mieux ? Les chiffres nous prouvent que ce n'est plus possible aujourd'hui.
À nous de prouver que travailler plus permet non seulement à chacun de gagner plus, mais aussi à la France de gagner le pari de la mondialisation.
Confiance, croissance, emploi : tels sont les trois principes qui guideront notre action et qui permettront à notre pays de regagner le sens du travail.
Contrairement à ce que l'on a pu lire ici ou là, sous la plume des uns ou des autres, ces principes concernent tout le monde.
S'agissant des plus défavorisés, bénéficiaires des minima sociaux, nous allons mettre en place un revenu de solidarité active, le RSA, destiné à rendre attractif le retour au travail : un travailleur ne doit plus jamais être traité de « travailleur pauvre » ; une mère célibataire en situation difficile, qui parvient à se remettre au travail, doit voir ses revenus augmenter réellement, et non pas diminuer car elle perdrait le bénéfice de revenus versés au titre des minima sociaux. M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, vous présentera le détail de ce dispositif.
Bien au-delà du RSA, ce projet de loi, je veux le répéter ici, s'adresse à tous, et particulièrement aux classes moyennes, à ces quatre cinquièmes de la population qui ont vu leur niveau de vie stagner ces dernières années.
Les principales mesures de ce texte que nous soumettons à votre sagacité couvrent les différentes étapes du travail tout au long de la vie. Car travailler, c'est d'abord étudier, puis gagner de l'argent avec son travail, ensuite dépenser l'argent gagné et, enfin, transmettre les fruits d'une vie de travail.
Ces quatre étapes, je vais les parcourir avec vous.
La première étape, c'est étudier. Mes collègues de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur s'emploient déjà à faire du système éducatif un véritable vecteur de l'égalité des chances.
M. Guy Fischer. Moins 17 000 emplois !
Mme Christine Lagarde, ministre. Mon ministère a sa contribution à y apporter, en améliorant la situation des étudiants qui travaillent pour financer leurs études.
Voilà pourquoi l'article 2 du projet de loi prévoit d'étendre l'exonération d'impôt sur le revenu, actuellement limitée aux « jobs d'été » exercés par des jeunes de moins de 22 ans, à tous les salaires perçus par les élèves ou étudiants âgés de moins de 26 ans. Cette exonération pourra aller jusqu'à 3 800 euros de revenus par an, soit trois fois le SMIC.
Afin de préserver, le cas échéant, les droits à la prime pour l'emploi, la PPE, qui sont calculés sur les seuls revenus imposables, les étudiants concernés pourront naturellement choisir de ne pas profiter de cette exonération si le gain de la PPE est supérieur à celui qui résulte de l'exonération d'impôt. Le coût de cette mesure est estimé par nos services à 40 millions d'euros.
Je vais vous donner, mesdames, messieurs les sénateurs, pour chacune des quatre étapes que j'ai évoquées, un ou deux exemples concrets, afin que vous puissiez bien mesurer l'effet des mesures qu'il vous est proposé d'adopter.
Prenons tout d'abord l'exemple d'un étudiant qui gagne 250 euros par mois en faisant du service aux personnes ou en donnant des cours particuliers. S'il est à la charge de ses parents et que ceux-ci ont un revenu de 1 400 euros net, soit 1,4 SMIC, la mesure prévue leur permettra d'économiser plus de 500 euros d'impôt.
Les étudiants sont déjà soumis à des épreuves de fin d'année. Essayons d'alléger celles de leurs fins de mois ! Travailler en poursuivant ses études n'a rien d'indigne. Ces jeunes sont notre « capital humain », la matière première de nos économies de demain et l'intelligence de nos sociétés, dont ils feront la réussite. Nous nous devons d'investir dans ce capital ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
La deuxième étape, c'est celle qui consiste à gagner de l'argent avec son travail. L'article 1er du projet de loi vise à encourager le développement des heures supplémentaires, c'est-à-dire les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail, qui est de trente-cinq heures. C'est évidemment notre mesure phare : elle couvre près de la moitié du coût global de la loi, soit 49 % de l'investissement que nous vous proposons de réaliser pour l'économie française.
Les employeurs bénéficieront, sous forme d'abattements, d'une réduction de leurs cotisations sociales, dont nous envisageons de fixer le montant, par décret, à 50 centimes d'euros par heure supplémentaire pour les grandes entreprises, et à 1,50 euro pour les entreprises de vingt salariés au plus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pour ceux qui font des heures supplémentaires non déclarées ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Par ailleurs, les heures supplémentaires n'entraîneront plus une diminution des allégements de charges sociales patronales pour les bas salaires.
Quant aux salariés, ils bénéficieront eux aussi d'une réduction de leurs cotisations sociales, sous forme d'exonérations, ainsi que d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007.
De plus, le taux de majoration des heures supplémentaires dans les petites entreprises passera de 10 % à 25 %. Il s'agit bien évidemment d'anticiper l'entrée en vigueur des textes précédents, lesquels fixaient au 1er janvier 2009 l'application, pour toutes les catégories d'entreprise, de cette majoration de rémunération.
Ce dispositif s'étendra à l'ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, et à l'ensemble des salariés, qu'ils exercent un travail à temps partiel ou à temps plein. Pour éviter les abus, la réduction des cotisations patronales ne s'appliquera pas aux heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel.
Selon la formule désormais célèbre, travailler plus permettra à chacun de gagner plus. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRC.)
Le coût de cette mesure est estimé à 6 milliards d'euros. C'est le poste principal de notre investissement.
Je vous citerai un nouvel exemple : un salarié payé 1 400 euros net dans une petite entreprise de moins de vingt salariés et effectuant quatre heures supplémentaires par semaine, c'est-à-dire travaillant trente-neuf heures au lieu de trente-cinq heures, verra ainsi ses revenus annuels augmenter de 2 500 euros, soit près de deux mois de salaire supplémentaires sur l'année. Il s'agit non plus d'un treizième mois, mais presque d'un quatorzième mois !
Tel est l'élément phare de ce projet de loi : permettre de travailler plus, dans un cadre facilitant le recours aux heures supplémentaires.
La troisième étape a pour objet de faciliter la dépense de l'argent gagné. Il s'agit de mettre en place un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d'emprunt supportés pour l'acquisition d'une résidence principale. Pourquoi encourager ceux qui acquièrent une résidence principale ? Tout simplement parce que c'est une façon d'ancrer chacun de nos concitoyens dans une parcelle de France et de s'assurer que l'attachement au pays passe aussi par la propriété. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Et ceux qui choisissent d'être locataires ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Aujourd'hui, à peine plus de 50 % des ménages français sont propriétaires de leur résidence principale, alors qu'une grande majorité d'entre eux souhaite accéder à la propriété. Dans un certain nombre de pays européens, ce pourcentage atteint plus de 70 %. Nous souhaitons réduire cet écart.
C'est la raison pour laquelle l'article 3 vise à mettre en place un crédit d'impôt sur le revenu représentant, je l'ai dit, 20 % des intérêts d'emprunt supportés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale.
Cette mesure concerne, bien sûr, les emprunts à venir, mais aussi les emprunts en cours. Elle est destinée aussi bien à ceux qui deviennent propriétaires pour la première fois qu'à ceux qui, pour des raisons familiales ou professionnelles, sont amenés à changer de résidence. Elle s'articulera avec le mécanisme du prêt à taux zéro, sans pour autant le remettre en cause.
L'Assemblée nationale a étendu cette mesure au cas de mobilité professionnelle : le crédit d'impôt s'appliquera pour la nouvelle résidence, dans la mesure où la précédente est laissée vacante.
Nous avons choisi de mettre en place ce crédit d'impôt pour les cinq premières années du remboursement, car c'est la période durant laquelle se concentrent en moyenne 40 % des intérêts du prêt. Les intérêts pris en compte iront jusqu'à 7 500 euros par an pour un couple et 3 750 euros pour une personne célibataire, et pourront être majorés de 500 euros par personne à charge.
Certains redoutent que ces mesures ne contribuent à « tendre » encore plus le marché de l'immobilier, entraînant ainsi une augmentation des prix.
M. Gérard Delfau. Ils n'ont pas tort !
Mme Christine Lagarde, ministre. Toutefois, les professionnels du secteur, notamment la FNAIM, la Fédération nationale de l'immobilier, nous ont assuré que, eu égard au niveau actuel des taux d'intérêt et à la stagnation du marché dans la plupart des agglomérations, ce crédit d'impôt ne devrait pas avoir d'effet inflationniste sur les prix de l'immobilier.
M. Gérard Delfau. Ben voyons !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le coût de cette mesure est estimé à 3,7 milliards d'euros, soit 28 % du coût total de l'investissement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous donnerai deux exemples pour illustrer mon propos.
Premier exemple : un jeune ingénieur célibataire...
M. Guy Fischer. C'est pour les cadres supérieurs !
Mme Christine Lagarde, ministre. ... qui souscrit un emprunt de 100 000 euros sur quinze ans à un taux de 4 % pour s'acheter un appartement réalisera un gain de 3 500 euros, ce qui représente une réduction de 10 % du total de son crédit.
Second exemple : un couple avec deux enfants qui souscrit un emprunt de 200 000 euros sur vingt ans au même taux pour acheter une maison familiale, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une petite maison en ruine !
Mme Christine Lagarde, ministre. ... réalisera, sur cinq ans, un gain de plus de 7 000 euros, soit une réduction de 8 % du coût total de son crédit.
Telle est la troisième mesure que nous vous proposons. Elle concernera un grand nombre de nos concitoyens soit parce qu'ils décident d'acquérir une résidence principale, soit parce qu'ils en changent.
Après avoir évoqué l'étudiant qui travaille, le salarié qui souhaite effectuer des heures supplémentaires que son employeur peut lui proposer parce qu'il a le volume d'affaires le lui permettant, et l'allégement de la dette de celui qui acquiert sa résidence, j'aborderai la quatrième étape. : transmettre les fruits d'une vie de travail. Il est bien naturel de vouloir transmettre à la génération suivante ou à des collatéraux les fruits d'une vie de travail.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas à la portée de tout le monde !
Mme Christine Lagarde, ministre. C'est la raison pour laquelle l'article 4 entend alléger de manière significative les droits de succession et de donation.
Entre époux ou partenaires liés par un PACS, les droits de succession sont tout simplement supprimés. Nous voulons en finir avec ces situations tragiques où le conjoint survivant, souvent âgé, est contraint de vendre la résidence principale pour payer les droits de succession. L'Assemblée nationale a étendu cet avantage aux frères et soeurs vivant sous le même toit. Pour les enfants, l'abattement personnel sur la succession est relevé de 50 000 à 150 000 euros, tandis que l'abattement global de 50 000 euros sur la succession est supprimé en conséquence.
Par le biais de ces mesures, 95 % des successions seront ainsi transmises aux héritiers, enfants ou conjoint sans que l'État prélève un seul euro. Je précise que les abattements que je viens d'évoquer sont communs aux successions et aux donations.
Pour ce qui est des donations en numéraire au profit de tout descendant en ligne directe, elles seront exemptées d'impôt entre un même donateur et un même bénéficiaire, dans la limite de 30 000 euros. Ce seuil a été relevé à la suite de l'adoption de l'amendement déposé par M. Louis Giscard d'Estaing à l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Cette mesure, qui avait déjà connu un grand succès pendant une période limitée - en 2004 et 2005 -, sera désormais applicable sans limitation de temps.
Par ailleurs, un amendement adopté par l'Assemblée nationale permettra de tripler l'abattement spécifique en faveur des personnes handicapées, qui passera de 50 000 à 150 000 euros, en cas de succession comme de donation. Le coût total des mesures concernant la transmission est estimé à 2,2 milliards d'euros.
Prenons l'exemple d'une veuve avec deux enfants, qui possède un patrimoine de 300 000 euros. Après son décès, chacun des enfants recevra 150 000 euros nets d'impôt. Aujourd'hui, ils auraient à payer l'un et l'autre 13 000 euros d'impôt, soit près de 10 % de leur héritage !
Ces quatre mesures, qui sont parfois décriées, représentent l'essentiel du coût de la loi, à savoir 93 %. Vous aurez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n'ai pas encore utilisé les mots « bouclier fiscal » ou « ISF » !
Mme Nicole Bricq. Ça va venir !
Mme Christine Lagarde, ministre. S'agissant des droits de succession, les mesures proposées concerneront 95 % de nos concitoyens. Pour l'acquisition d'une résidence principale, les dispositions du texte intéresseront bien plus de la moitié des Français.
M. Guy Fischer. On ne vous croit pas !
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour ce qui concerne le recours aux heures supplémentaires, qui, nous l'espérons, sera supérieur aux 900 millions d'heures supplémentaires aujourd'hui effectuées, la nouvelle législation concernera de très nombreux salariés.
Neuf euros sur dix des sommes que l'État vous propose de dépenser iront aux étudiants, aux salariés, aux futurs propriétaires et à tous ceux qui héritent. En effet, si 95 % des successions sont exonérées, les plus importantes d'entre elles, qui atteignent la somme critique prévue par la loi, continueront bien entendu à être taxées, sans que le barème qui leur est appliqué soit modifié.
Un sénateur de l'UMP. C'est dommage !
Mme Christine Lagarde, ministre. J'en viens maintenant aux 7 % du financement que je n'ai pas encore eu l'occasion d'évoquer.
Revaloriser le travail suppose aussi de retrouver la confiance dans le succès ; cela fera l'objet d'une deuxième série de mesures.
Il s'agit tout d'abord de rendre notre territoire plus attractif pour les succès d'aujourd'hui et de demain. Il convient ensuite de rétablir, aux yeux de nos compatriotes, le lien entre succès et mérite. Il faut enfin faire profiter les autres de son succès, en mettant la richesse acquise au service de l'intérêt général, par exemple en apportant les financements nécessaires à notre économie par le biais des petites et moyennes entreprises.
Aujourd'hui, contrairement à la situation qui prévalait encore au XIXe siècle, les plus riches d'entre nous ne doivent pas l'essentiel de leur fortune à la rente. Leur argent ne fructifie pas parce qu'ils dorment ! Aujourd'hui, les plus riches d'entre nous doivent l'essentiel de leur richesse à leur travail et au succès qu'ils y ont rencontré. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Pierre Hérisson. Très bien !
M. Alain Gournac. Elle a parfaitement raison !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce sont avant tout des gens qui ont gagné leur vie en travaillant, et souvent en travaillant dur. Ils méritent notre confiance. Selon l'INSEE, les revenus des 10 % de Français les plus fortunés proviennent pour environ 80 % du travail, et pour seulement 7 % du capital. (Mme Nicole Bricq proteste.)
M. Guy Fischer. De l'exploitation du travail !
Mme Christine Lagarde, ministre. Confiance, croissance, emploi, disais-je en ouverture C'est évidemment cette confiance en soi-même et cette confiance en autrui que nous devons contribuer à développer, quel que soit le revenu de chacun.
Tout d'abord, nous souhaitons rendre le territoire attractif pour le succès. On ne peut pas, d'un côté, encourager le travail, comme nous souhaitons le faire, et, d'un autre côté, surtaxer l'argent gagné, ce qui provoque ce triste phénomène de « l'exil fiscal ».
Nous avons besoin d'attirer et de conserver chez nous les créateurs de richesse. Aussi l'article 5 de ce projet de loi abaisse-t-il le bouclier fiscal de 60 % à 50 % des revenus. Nous vous proposons d'y inclure toutes les impositions, y compris les prélèvements sociaux - la CSG et la CRDS -, car il s'agit bien d'impôts, qui pèsent directement sur le revenu. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Sur l'initiative de l'Assemblée nationale a été adapté le mécanisme de refacturation aux collectivités territoriales, pour tenir compte de ces nouvelles dispositions.
Ce seuil de 50 % est symbolique. Il instaure un véritable partenariat, juste et équitable - 50-50 - entre l'individu et l'État : c'est la formule de notre contrat fiscal. En outre, il crée une saine et directe concurrence avec d'autres pays de l'Union européenne en matière de taux d'imposition.
C'est également dans le but de redonner confiance à nos concitoyens que j'ai accepté la proposition de l'Assemblée nationale de porter l'abattement de l'ISF sur la résidence principale de 20 % à 30 %.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr...
Mme Christine Lagarde, ministre. Cette mesure permettra de corriger des injustices croissantes. En effet, l'augmentation des prix de l'immobilier a fait tomber dans le champ de l'ISF, de manière artificielle, certains contribuables aux revenus modestes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
Mme Christine Lagarde, ministre. La dernière évaluation que nous avons effectuée à Bercy montre que le nombre de déclarations d'ISF s'établit à plus de 518 000, soit une augmentation de 17 % par rapport à l'an dernier. Car la valeur du parc immobilier ayant augmenté de manière substantielle dans un certain nombre de lieux bien identifiés, les propriétaires concernés sont devenus redevables de l'ISF.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui en profite ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Notez bien que le bouclier fiscal n'est pas spécifiquement destiné aux Français les plus aisés.
M. Guy Fischer. Cela nous avait échappé...
Mme Christine Lagarde, ministre. C'est pourquoi je le souligne !
Il prend en compte les impôts locaux, par exemple. Ainsi, le principe des 50 % vaut notamment pour un entrepreneur aux revenus déficitaires, qu'il soit chef d'entreprise, artisan ou créateur de start-up : il se verra intégralement remboursé de ses impôts locaux.
Faut-il qu'en contrepartie - j'espère que votre Haute Assemblée ouvrira ce débat - la loi prévoie un impôt minimal en fonction du revenu ? C'est une possibilité, déjà mise en oeuvre dans d'autres pays, notamment aux États-Unis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus de 40 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté aux États-Unis !
Mme Christine Lagarde, ministre. Elle mérite d'être étudiée dans notre pays. Ainsi, j'ai donné mon accord à l'Assemblée nationale pour que soit soumis au Parlement un rapport d'analyse et de prospective sur ce sujet d'ici au 15 octobre prochain.
Le coût de l'abaissement du bouclier fiscal est estimé à 600 millions d'euros, soit 4 % du coût total de la loi.
Prenons l'exemple d'un médecin gagnant 100 000 euros par an, dont la femme ne travaille pas. En additionnant l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la taxe foncière, les contributions et prélèvements sociaux ainsi qu'un ISF de 40 000 euros - en supposant qu'il en soit redevable -, le couple aurait dû acquitter plus de 75 000 euros d'impôt. Avec notre bouclier fiscal, et compte tenu du montant de son revenu imposable, sa note fiscale sera réduite et toutes les sommes payées au-delà de 50 000 euros lui seront restituées.
Par ailleurs, il est nécessaire de rétablir aux yeux non seulement de la population, mais encore des entreprises, le lien entre mérite et succès
S'il est entendu que tout travail mérite salaire, eh bien ! tout salaire mérite travail. Il est choquant pour nos compatriotes et pour tous ceux d'entre nous qui considèrent que l'équité passe aussi par la rémunération juste que soient parfois versées des rémunérations sans rapport avec le mérite. Les indemnités de départ seront donc soumises, en vertu des dispositions de l'article 7, à des conditions de performances strictes, dont le respect sera contrôlé par le conseil d'administration de l'entreprise. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Jusqu'à présent, cela a très bien fonctionné !
Mme Christine Lagarde, ministre. En outre, l'assemblée générale des actionnaires pourra procéder à un vote spécifique sur l'attribution de ces indemnités.
Toutes ces procédures se dérouleront dans la plus grande transparence, ce qui devrait mettre fin à la série de scandales qui ont écorné, dans l'opinion publique, le prestige légitime des chefs d'entreprise, et restaurer la confiance nécessaire entre tous les acteurs de l'économie.
Si le chiffre d'affaires d'une entreprise s'est dégradé durant le mandat d'un président-directeur général peu attentif à la vie de son entreprise, le conseil d'administration pourra, légitimement et sur la base de critères objectifs, ne pas lui accorder de rémunération supplémentaire lorsqu'il sera mis fin à son mandat.
Enfin, nous voulons inciter ceux qui ont du succès, qui sont donc rémunérés à ce titre et qui accumulent un patrimoine, à en faire profiter les autres. Ainsi, l'article 6 du projet de loi encourage nos concitoyens redevables de l'ISF à investir dans le capital des PME ou à effectuer des dons au profit d'organismes d'intérêt général. (Mme. Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Ils bénéficieront alors d'une réduction de l'ISF égale à 75 % du montant des dons effectués, dans la limite de 50 000 euros par an, 25 % de l'investissement restant à la charge de l'investisseur en tant que participation au risque.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bonne mesure !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général.
Regardons la réalité en face ! Aujourd'hui, en France, certains se plaignent que leur impôt est trop élevé et confiscatoire. Parallèlement, des PME, souvent extrêmement dynamiques, cherchent de l'argent frais pour se financer, se moderniser et embaucher.
Eh bien ! grâce à l'article 6, chacun de ces deux problèmes devient la solution de l'autre. D'autant qu'il ne manque bien souvent aux PME qu'un petit coup de pouce financier pour transformer leurs projets en réalité.
Comme l'a dit Hervé Novelli (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) : « Mieux vaut pour certains d'entre eux payer l'entrepreneur plutôt que le percepteur. »
M. Alain Gournac. Très belle citation !
Mme Christine Lagarde, ministre. Vous pourrez en parler avec vos électeurs !
Prenons l'exemple d'un architecte qui effectue une souscription de 40 000 euros au capital d'une usine de biomatériaux située à côté de chez lui. Il bénéficiera d'un avantage fiscal à hauteur de 30 000 euros. Une telle somme suffit, dans bien des cas, à débloquer la situation d'une PME en lui permettant d'effectuer les investissements dont elle a besoin. En outre, notre architecte prend un risque personnel supplémentaire de 10 000 euros. Par conséquent, il sera nécessairement amené à s'intéresser à la vie de cette entreprise.
Le développement de liens directs entre l'entreprise et le citoyen répond à une logique que les Anglo-Saxons appellent love money (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), expression que je traduirais volontiers par « l'argent de proximité ». Il ne remplacera pas, bien sûr, l'amour que l'on peut avoir du bien public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus de 13 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, au Royaume-Uni !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Votre modèle à vous est mort !
Mme Christine Lagarde, ministre. Un contribuable peut aussi décider d'investir tout ou partie de son ISF, à concurrence de 50 000 euros, dans une fondation reconnue d'utilité publique ou dans une entreprise d'insertion.
Le coût de cette mesure a été estimé à 410 millions d'euros.
J'ai essayé aujourd'hui de vous présenter cette loi aussi concrètement que possible, afin de vous montrer l'effet qu'elle aura au quotidien sur la vie de nos concitoyens.
M. François Marc. Du déficit et de la dette !
Mme Christine Lagarde, ministre. Les quatre premières mesures auxquelles j'ai fait allusion concentrent 93 % du coût total de ce projet de loi. Les trois autres en représentent seulement 7 %. Les unes et les autres ont pour vocation de restaurer la valeur travail et de fonder notre action sur le triptyque suivant : confiance, croissance, emploi.
Je voudrais appeler à la rescousse tous ceux que je viens d'évoquer au travers des différents exemples. Si je leur demandais de former un cercle autour de nous, on y retrouverait un jeune étudiant qui donne des cours particuliers, un couple modeste qui veut s'acheter une maison, un salarié de PME cherchant à gagner un ou deux mois de salaire en plus, un créateur de start-up, un médecin pestant contre les impôts, une mère célibataire qui fait face à de grandes difficultés et qui veut s'en sortir, un jeune ingénieur, un frère et une soeur héritant d'un appartement dans une ville de province et un architecte convaincu de l'avenir des biomatériaux.
M. Michel Charasse. Et Nicolas Sarkozy, parce qu'il est partout ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre. N'est-ce pas là un bon échantillon de la population française ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est à toute cette population que s'adresse notre projet de loi.
L'ensemble de ce dispositif coûtera à l'État entre 10 et 11 milliards d'euros en 2008, et environ 13,8 milliards d'euros en régime de croisière.
Pourquoi la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi utilise-t-elle ce mot épouvantable « environ » en matière de prévision ? Tout simplement parce qu'un certain nombre de ces mesures sont fondées sur des hypothèses et des estimations : tout dépendra de l'ampleur avec laquelle les uns et les autres auront recours aux heures supplémentaires, procèderont à des donations ou contribueront au financement de PME ou de fondations reconnues d'utilité publique.
Comment financerons-nous ce dispositif ? Comme l'a rappelé hier, ici même, mon collègue Eric Woerth, nous diminuerons les dépenses publiques en divisant par deux, nous l'espérons, leur rythme d'évolution ; nous militons pour cela et nous revoyons actuellement à la baisse les prévisions budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2008. Nous devrions ainsi pouvoir économiser 10 milliards d'euros dès 2008.
Par ailleurs, nous espérons que ces mesures créeront un choc de confiance qui, lui-même, induira en 2008 une croissance supplémentaire de 0,25 %, je l'espère, de 0,5 %, je le rêve. Cette croissance supplémentaire aura des effets positifs sur l'emploi et nous permettra de dégager des recettes fiscales.
Si l'on veut en analyser la composante économique, ce projet de loi joue à la fois sur l'offre et la demande. En effet, il est dépassé d'imaginer que l'on puisse jouer uniquement sur l'offre ou uniquement sur la demande. En 2007, je ne pense pas que l'on puisse être strictement keynésien ou strictement friedmanien. Il n'y a pas de fatalité à n'utiliser que l'une ou l'autre de ces deux méthodes ; leur panachage peut parfaitement se révéler efficace.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Soyons lagardiens, c'est-à-dire pragmatiques ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre. Je fais mienne votre suggestion, monsieur le rapporteur général ! (Nouveaux sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne regretterez pas l'investissement que la France fait aujourd'hui. .Il influera évidemment sur la demande, notamment pas le biais des heures supplémentaires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Attendons de voir !
Mme Christine Lagarde, ministre. Et en allégeant le coût du travail par un abattement sur les cotisations de sécurité sociale patronales, nous tentons de gagner en compétitivité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Heureusement !
Mme Christine Lagarde, ministre. Cette politique du travail, ambitieuse, généreuse, dépend évidemment, en aval, de ce que j'évoquais en introduction : la confiance, la croissance et l'emploi.
Cette loi, que l'on surnomme « paquet fiscal », compte tenu des rapports d'investissement - 93 % sur les premières mesures et 7 % sur les autres - n'est ni un paquet cadeau pour les riches, comme certains voudraient la décrire élégamment,...
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Eh oui !
Mme Christine Lagarde, ministre. ...ni un paquet piégé qui nuirait à la croissance, ni un paquet surprise dont on ne contrôlerait pas les conséquences. Il s'agit bien plutôt d'une boîte à outils dans laquelle celles et ceux de nos concitoyens qui veulent travailler pourront trouver les moyens de le faire et les revenus qu'ils cherchent.
Ce texte combine à la fois l'ambition de la réforme et l'exigence de la rigueur. Le train de la croissance que j'évoquais tout à l'heure, je vous propose qu'avec un peu de foi, un peu d'optimisme, un peu de positivisme, nous y montions tous ensemble ! Je compte bien sûr sur la richesse des débats que nous aurons au sein de cette Haute Assemblée pour améliorer ce projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un sujet très familier à votre Haute Assemblée que je vais aborder, celui des minima sociaux et du retour à l'emploi.
La Haute Assemblée a eu, à plusieurs reprises, l'occasion de se pencher sur ces sujets, qui ont été à l'origine de rapports importants et de contributions fondamentales aux réformes que nous souhaitons conduire. Je citerai le rapport de Philippe Marini sur l'activation du RMI en 2002, le rapport de Bernard Seillier qui, comme parlementaire en mission en 2003, avait proposé un contrat unique d'insertion pour unifier des mécanismes qui, à l'époque, effrayaient déjà par leur complexité, le rapport de Michel Mercier et de Henri de Raincourt sur les minima sociaux, le rapport de Valérie Létard sur les droits connexes - je le connais particulièrement bien, puisqu'on m'a demandé, au même moment, de présider une commission sur des sujets analogues -, enfin, le rapport encore plus récent sur les contrats aidés de M. Serge Dassault, qui faisait l'analyse critique des contrats aidés au regard de la politique de l'emploi.
Nous sommes des lecteurs attentifs de ces rapports, et nous avons eu, au cours de ces dernières années, des échanges nourris avec leurs auteurs. Nous espérons que la démarche que nous poursuivons, et qui devrait prendre de l'ampleur au fur et à mesure des premiers résultats, répondra aux constats formulés, aux dysfonctionnements constatés et aux propositions émises par vous en tant que parlementaires, mais également en tant qu'élus et responsables d'exécutifs locaux qui, au quotidien, constatent l'inefficacité des solutions proposées depuis des années.
La qualité de ces travaux est liée à l'implication personnelle de nombre d'entre vous sur les questions de minima sociaux, certains en leur qualité de président de conseil général ou en raison de leur responsabilité au sein de l'Assemblée des départements de France - je pense particulièrement à Bernard Cazeau ou à Louis de Broissia - d'autres au titre de leur implication dans différentes instances comme le comité national de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Ces travaux, mesdames, messieurs les sénateurs, ont plusieurs vertus ; permettez-moi de les souligner. Ils ont permis de sortir de certains clichés, de certaines idées reçues, des sentiers battus, et ont tous eu pour ambition de pouvoir aider la politique d'insertion, en alliant une vision sociale, une approche pragmatique et le souci de la bonne utilisation des moyens publics.
Je remarque aussi que ces rapports ont dépassé - mais c'est une tradition dans la Haute Assemblée - les clivages partisans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Enfin, ces rapports ont parfois débouché sur des amendements ou des propositions de loi ; je pense notamment à celle qui a été présentée par la commission des affaires sociales au début de l'année sur la question des droits connexes.
Au total, on peut retrouver dans les différents travaux qui ont été conduits plusieurs lignes directrices, qui sont aussi les nôtres dans les dispositions que nous allons évoquer.
La première ligne directrice est celle de la simplification et de la lisibilité. C'est ce qui a conduit à proposer la fusion de certains minima sociaux ou de certains contrats aidés. C'est ce qui a conduit à proposer de revoir les différents droits connexes, dans un souci d'harmonisation.
La simplification et la lisibilité sont essentielles. Le revenu de solidarité active y contribuera grandement. Mais nous savons qu'il n'y a rien de plus difficile que de faire la transition entre un système complexe et un système plus simple. Il est facile de simplifier sur le papier, dans les discours. Il est beaucoup plus ardu de le faire sur le terrain, sans créer d'autres injustices, d'autres effets pervers, sans léser certains ou laisser filer les dépenses pour d'autres.
C'est pourquoi nous nous engageons à passer de l'imbrication que nous subissons à une plus grande simplification au travers des différentes étapes que nous franchirons, pas à pas et de manière extrêmement concrète, au cours des prochains mois. Quand on dénombre une cinquantaine d'aides dont peuvent bénéficier les allocataires des minima sociaux, la première chose qui vient à l'esprit est de dire qu'il y en a cinquante en 2007, qu'il y en aura quarante en 2008, trente en 2009, vingt en 2010 et qu'il n'y en aura plus qu'une ou deux en 2012. Mais, au passage, on oublie toute une catégorie de personnes, celles et ceux dont la situation spécifique doit être prise en compte. Cela ne peut pas être la bonne méthode !
La bonne méthode, c'est de mettre en place un autre système, qui soit d'emblée conçu pour être plus simple, plus juste et capable, au fur et à mesure de sa montée en charge, de supprimer ou de modifier ces mécanismes. C'est exactement ce que nous proposons !
Ce qui se conçoit bien pour les personnes en difficulté doit s'énoncer clairement dans les textes, dans les pratiques, dans les procédures. Et les moyens pour s'en sortir viendront alors plus aisément.
La deuxième ligne directrice est celle de l'articulation entre les dispositifs décentralisés et une politique de solidarité de la nation. C'est une question fondamentale ! Nous sommes attachés à la fois à ce que l'État soit garant de la solidarité, comme il l'est des grands équilibres économiques, et à ce que l'initiative locale trouve toute sa place. Dans ce domaine, nous sommes à la croisée des chemins ; nous devons passer d'un déséquilibre instable, avec des compétences enchevêtrées, à un équilibre stable.
C'est pourquoi nous avons choisi d'inscrire le dispositif dans le cadre d'une modification de la Constitution, qui avait été souhaitée par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. L'objectif est de faire en sorte que les collectivités territoriales puissent expérimenter, à l'échelle de leur territoire, des modifications par rapport aux lois générales, de façon transitoire et évaluée, et que ces expérimentations puissent être étendues ou généralisées si elles ont fait leurs preuves.
M. Guy Fischer. C'est la source de nouvelles inégalités !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il convient également de faire en sorte que l'État puisse, de la même manière, tester sur une partie de territoire un dispositif nouveau avant de passer directement à la règle générale. Cela évitera de constater, trois ans plus tard, que ce n'est pas ce qu'il fallait faire.
L'État, pour être garant de la solidarité, n'a pas à définir dans le moindre détail des règles qu'il imposera aux différents acteurs, à commencer par les collectivités locales. Au contraire, il doit leur fixer un cadre clair leur permettant d'exercer leurs responsabilités et d'adapter leurs politiques à des réalités différentes.
C'est déjà ce que l'on commence à constater ! Lorsque l'on discute avec les présidents de conseils généraux, ils nous expliquent les difficultés auxquelles ils sont confrontés selon leur territoire, leur population et les différents acteurs économiques. Ils nous exposent les premières démarches qu'ils ont réussi à entreprendre pour y répondre et nous montrent ensuite les obstacles devant lesquels ils se trouvent lorsque, pour modifier la situation, quelquefois pour quelques centaines de personnes dans un canton, il faut réformer la loi générale.
Les collectivités territoriales, qui sont devenues les acteurs-clés de la solidarité, seront les « coconceptrices » de la réforme que nous allons engager. Elles le seront d'abord, et dès maintenant, par leurs programmes expérimentaux. Elles le seront ensuite, et tout au long de l'année, parce que nous les associerons, dans un partenariat étroit, à la conception de l'étape suivante : la généralisation.
La troisième ligne directrice est celle de la réciprocité des droits et des devoirs. C'est une notion à laquelle je suis particulièrement attaché, à condition que cette clause de réciprocité ne pèse pas seulement sur les plus faibles, ne soit pas déséquilibrée, mais engage l'ensemble des acteurs, y compris l'État, les employeurs et les personnes en difficulté.
Les droits et les devoirs de l'État, les droits et les devoirs des collectivités territoriales, les droits et les devoirs face au service public, les droits et les devoirs des acteurs économiques, les droits et les devoirs des citoyens, c'est le fondement de la vie en société, le fondement réel de la cohésion sociale et de la cohésion économique.
J'ai appris d'années de militantisme dans un mouvement associatif, qui m'est cher à jamais, le mot « estime », cette manière de redonner de la valeur aux personnes, celles qui sont dévalorisées parce que l'on considère qu'elles n'ont pas leur place dans la société. La plus belle marque d'estime vis-à-vis des personnes les plus en difficultés, c'est de pouvoir à la fois faire preuve de solidarité et d'avoir des exigences adaptées à leurs capacités. Élever le niveau d'exigence au moment même où on les aide à acquérir de nouvelles capacités, c'est ce que nous allons essayer de mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Au début de cette semaine, je suis allé avec le Premier ministre dans un département, le Val-d'Oise, qui s'apprête à participer à la démarche d'expérimentation dont nous allons parler aujourd'hui. Ce déplacement à Argenteuil...
M. Guy Fischer. Un grand succès populaire !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ...a été l'occasion d'un échange avec un groupe de personnes, certaines bénéficiaires du RMI, d'autres de l'allocation de parent isolé.
Le premier constat, c'est la qualité des échanges remarquables. Cela n'étonne en général que ceux qui n'ont jamais pris le temps, la peine, et j'allais dire le plaisir de discuter avec des personnes que l'on traite de bénéficiaires de ceci, d'assistés de cela, et que l'on ne considère jamais comme des interlocuteurs valables.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Tous les départements qui se lancent dans un tel processus le savent : la condition pour mener à bien l'expérimentation, c'est d'abord de mettre en place des groupes de travail impliquant ceux pour lesquels les programmes sont conçus. Il faut travailler avec eux afin de savoir si ce que l'on fait correspond à leurs attentes et à leurs besoins. Ce sont eux qui connaissent le mieux les défauts du système, les difficultés auxquelles ils font face, les améliorations, certaines très pratiques, d'autres beaucoup plus fondamentales, qu'il faut apporter.
Nous aurons l'occasion, tout à l'heure, d'examiner un amendement qui pose le principe de l'association des bénéficiaires à la conduite des expérimentations. Le Gouvernement y est très favorable, car cela permettra de systématiser cette approche.
Le deuxième constat, c'est que nous avions devant nous l'illustration vivante et concrète de la nécessité des dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui.
L'une des personnes que nous avons entendues travaillait dans l'hôtellerie avec des horaires difficiles : le samedi, le dimanche, tôt le matin. Elle avait arrêté son emploi à la naissance de son enfant, bénéficiait de l'allocation de parent isolé, et exprimait la volonté de pouvoir reprendre un travail compatible avec sa charge parentale. Il lui fallait travailler dans un autre secteur professionnel. Tous les emplois proposés se traduisaient par une baisse de ses ressources.
Si nous ne faisons rien, cette personne fera partie de la majorité des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé qui basculent dans le RMI. Si vous votez ce texte, nous répondrons très précisément à ce cas de figure dans les territoires d'expérimentation : à partir du mois d'octobre, une telle personne qui reprendra le travail aura plus de ressources à la fin du mois. (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
Une autre personne s'était vue proposer un contrat d'avenir. Les calculs étaient simples : pas un centime de plus, un contrat limité en nombre d'heures, la perte de l'intéressement, des dépenses supplémentaires. Le droit actuel ne permet pas de répondre à cette situation. Pire, dans le droit en vigueur - nous sommes allés à l'ANPE, la semaine dernière, le constater -, nombre de personnes qui reprennent un travail se voient réclamer, au titre des indus, plusieurs centaines d'euros deux ou trois mois après leur reprise d'emploi.
Lorsque ces personnes se rendent à l'ANPE, on leur dit de reprendre un travail avec un contrat d'avenir. Elles acceptent, même si leurs ressources n'augmentent pas, pour ne plus être au chômage.
Au deuxième ou au troisième mois, on leur réclame le remboursement des quelques centaines d'euros qu'elles ont perçus de bonne foi. On pourrait se poser la question de savoir pourquoi ces personnes interrompent leur contrat pour repartir à la case départ !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Si vous votez ce texte, les territoires d'expérimentation ne connaîtront plus cette situation, que l'on peut qualifier tous ensemble, me semble-t-il, d'inique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une situation absurde !
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il nous faudra notamment évaluer si ce dispositif diminue la proportion de ceux qui abandonnent un emploi après deux ou trois mois. Et cette évaluation ne demande pas dix ans ; il suffit de quelques mois ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski. Nous avons tous intérêt à ce que cela réussisse !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je citerai un troisième cas. Pardonnez-moi de vous « ennuyer » avec ces illustrations, mais ce sont ces situations auxquelles nous nous efforçons d'apporter une réponse...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est essentiel et concret, au moins !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il concerne une femme travaillant dans le secteur de l'aide à la personne. Elle avait plusieurs employeurs et connaissait de fortes fluctuations de son nombre d'heures de travail, pour des raisons pratiques : l'une des personnes qu'elle aidait avait quitté son domicile pour entrer dans une maison de retraite et une autre était décédée. Le salaire total qu'elle percevait désormais était inférieur au RMI. Or, la totalité de ses ressources tirées du travail était déduite du montant de son allocation. Le résultat est qu'elle ne gagnait pas un centime de plus que si elle ne travaillait pas !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. Oui !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ..., en appliquant dans les territoires d'expérimentation le revenu de solidarité active à l'ensemble des allocataires du RMI, le travail de cette femme - tout comme celui de dizaines de milliers d'autres personnes - ne sera plus un travail gratuit.
M. Guy Fischer. Combien va-t-elle toucher exactement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'espère que vous allez voter cette disposition, mon cher collègue !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous répondrons tout à l'heure à vos questions et nous vous l'indiquerons très précisément, au centime d'euro près...
Le calcul sera effectué selon une règle très simple : chaque fois que les revenus du travail augmenteront de cent, nous garantirons une augmentation des ressources de soixante. Actuellement, je le rappelle, lorsque les revenus du travail augmentent de cent, les ressources peuvent diminuer de vingt !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est une situation absurde !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Vous le voyez, les dispositions qui vous sont soumises ne sont ni théoriques ni déconnectées de la réalité.
D'ailleurs, comme je l'ai souligné à travers ces quelques récits - mais il en existe des centaines de semblables -, les meilleurs avocats du revenu de solidarité active, ses experts les plus qualifiés, ce sont non pas les économistes ou nous-mêmes, mais les personnes directement concernées, celles qui sont habituées, avec leur calculette, à calculer leur « reste à vivre »...
M. Alain Lambert. C'est vrai !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ..., les quelques euros par jour et par personne dont elles disposent !
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Celles que nous avons entendues sont représentatives de cette demande.
M. Guy Fischer. Il n'y a pas besoin de calculette !
M. Michel Charasse. Et tout cela fait 25 millions d'euros !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Comme l'a dit le Premier ministre, après avoir entendu tous ces témoignages, ce ne sont pas ces personnes qu'il faut stigmatiser, c'est le système ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu'est-ce que vous avez fait ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C'est donc ce système que nous vous proposons de réformer. C'est tout l'intérêt de la démarche expérimentale que de pouvoir ajuster le dispositif au plus près des besoins des personnes concernées.
Au moment où ce texte a été présenté, il n'y a pas très longtemps, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui l'avez fait !
M. Charles Pasqua. Il était sur les rails !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ... on nous a reproché d'être timorés, d'avoir peu d'ambition, de ne pas aller assez loin ni assez vite. C'est tout le contraire, puisque le revenu de solidarité active est inscrit dans l'un des tout premiers textes de la mandature.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Si cela marche, nous irons plus loin, nous irons même jusqu'au bout !
M. Jean-François Voguet et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jusqu'au plein emploi !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. J'assume personnellement et totalement, ne voulant la faire porter sur aucun autre, la responsabilité du choix de cette démarche par étapes et j'assume la modestie avec laquelle nous allons avancer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Guy Fischer. Vingt-cinq millions d'euros !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ce n'est pas un sujet qui se prête aux fanfaronnades. Nous parlons d'hommes et de femmes aux prises avec des difficultés multiples.
M. Jean-Pierre Raffarin. Oui !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous réformons un système d'une complexité redoutable, dont nous connaissons les enchevêtrements, les dispositifs imbriqués les uns dans les autres.
Nous sommes conscients de l'importance de l'implication des acteurs dans ces changements, qu'il s'agisse des élus, des travailleurs sociaux, des services publics, des entreprises ou des personnes intéressées.
Mieux vaut une démarche se fondant sur des programmes limités lors du démarrage plutôt que sur des chamboulements brutaux ne produisant pas d'effet, ou bien des effets inverses de ceux qui étaient attendus.
Toutefois, cette modestie ne vaut que si elle va de pair avec une grande ambition : celle de renverser une tendance, de faire en sorte que les dépenses sociales produisent des effets, de rendre le travail rémunérateur, mais aussi accessible. Ce seront de grands chantiers à ouvrir. Pendant toute l'année, nous travaillerons sur deux fronts complémentaires.
Le premier concerne les expérimentations. Nous allons les suivre, les encourager, les accompagner et les évaluer. Les maîtres d'oeuvre en seront les conseils généraux dans le domaine du RMI et l'État pour ce qui concerne l'allocation de parent isolé, l'API. Néanmoins, dans les deux cas, l'État sera présent, puisqu'il contribuera à l'évaluation et qu'il la cofinancera.
Nous le ferons dans un esprit partenarial, à l'écoute des projets qui seront portés par les conseils généraux pour répondre à leurs problèmes spécifiques : par exemple, mettre l'accent sur les zones rurales, sur les travaux saisonniers, sur les questions de mobilité et de transport, sur une implication plus grande des acteurs économiques dans cette démarche.
Nous essaierons, à chaque fois, de faire en sorte que les programmes puissent être ajustés à ces demandes spécifiques, tout en veillant à ce que les enseignements tirés puissent être mutualisés.
Nous souhaitons que ces expérimentations soient mises en oeuvre sans tarder. Les premières entrées dans les programmes expérimentaux devraient avoir lieu dès cet automne. Il importe que nous puissions constater, mois par mois, les progrès, les pannes, les difficultés, les obstacles ou les embûches, afin que nous puissions corriger le dispositif au fur et à mesure, et le plus vite possible.
Sur l'autre front, nous nous emploierons à dessiner l'architecture d'une future réforme d'ensemble. Dans cette perspective, différents chantiers seront à mener.
Premièrement, il importe de faire le lien avec les travailleurs pauvres, dont vous avez vu qu'ils ne sont pas directement concernés par les expérimentations.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Guy Fischer. Pourquoi n'avez-vous rien fait ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Dès septembre, nous nous mettrons au travail pour articuler le dispositif avec notamment la prime pour l'emploi et les discussions sur les bas salaires. (Mme Marie-France Beaufils s'exclame.)
Deuxièmement, le lien doit être fait avec l'ensemble des minima sociaux. Faut-il intégrer ces derniers, y compris l'allocation adulte handicapé, dans le revenu de solidarité active ou envisager une articulation avec ce dernier ?
Troisièmement, nous nous interrogerons sur le lien avec les droits connexes. Comment faire en sorte que ces derniers soient fonction non plus du statut, mais du revenu ?
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Non !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ... ou, au contraire, aider les collectivités territoriales à harmoniser les droits pour atteindre cet objectif ?
Quatrièmement, il convient d'étudier le lien avec les aides au logement, avec la couverture maladie universelle, qui peuvent elles-mêmes être à l'origine d'effets de seuil.
Cinquièmement, nous devons nous préoccuper du lien avec d'autres obstacles à l'emploi que rencontrent les personnes éloignées du travail et pour lesquelles il ne sert à rien de construire un dispositif si l'on ne peut pas leur garantir un accompagnement adapté.
Il convient de réfléchir à des réponses très concrètes, par exemple, aux problèmes de surendettement, de garde d'enfants, de transport, qui ne sont pas forcément des aides en tant que telles, mais qui évitent à la personne de se trouver confrontée à trois obstacles - véritables freins à main serrés -, alors même que le quatrième a été levé.
Sixièmement, un lien doit être établi avec la réforme des contrats aidés que certains départements s'apprêtent, d'ailleurs, à expérimenter par le biais des articles concernant le contrat unique d'insertion.
Septièmement, je pense également au lien avec les acteurs économiques, qu'il s'agisse des entreprises classiques ou de celles du secteur de l'insertion économique.
Enfin, il nous faudra également travailler sur la question de la répartition des compétences dans le cadre du revenu de solidarité active, qui nous conduira à avoir une approche globale. Les départements seront consultés, afin de déterminer s'ils veulent être les porteurs du dispositif ou s'ils préfèrent que ce soit l'État qui le mette en oeuvre.
Voilà quelques chantiers qu'il faudra coordonner, traiter quant au fond, de manière concertée avec de nombreux acteurs. Nous reviendrons régulièrement devant vous, tout au long de cette phase préparatoire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays a les moyens de réduire considérablement la pauvreté sur son territoire ; il a la possibilité de ne plus reléguer aux marges de la société une partie de sa population ; il peut redonner une place digne et utile à l'ensemble de ses membres ; il peut faire confiance à celles et ceux qui expriment la volonté de redevenir les acteurs d'un modèle social renouvelé.
Ce modèle social se mesure non pas à l'aune des milliards dépensés, mais à celle du taux de pauvreté. Il faut savoir d'où l'on part et où l'on veut aller : l'objectif en ligne de mire du Haut-commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté est bien la réduction de la pauvreté. Il y travaille et compte sur vous pour dire s'il n'y est pas parvenu.
Comme le démontrent un certain nombre de simulations, y compris celles émanant des ordinateurs du ministère des finances, le revenu de solidarité active peut contribuer à réduire considérablement le taux de pauvreté, à condition, bien entendu, qu'il soit coordonné avec d'autres politiques d'accompagnement. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
En tant que responsable associatif, j'ai connu l'époque où l'on nous regardait de haut, où l'on nous traitait de cadres « caritatifs », où l'on déclarait que ce que nous faisions était « gentil », mais que notre action, à petite échelle, était sans aucune influence sur les politiques publiques menées tant par les collectivités locales que par l'État. (M. Robert Bret s'exclame.). On nous tapait alors gentiment dans le dos pour nous encourager néanmoins à continuer.
J'ai connu, ensuite, l'époque où l'on nous affirmait que nos rapports allaient directement sur l'étagère où ils étaient condamnés à prendre la poussière.
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est plus le cas ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Puis, à la suite du rapport que nous avons élaboré, certains ont prôné une expérimentation, par le biais d'un tout petit bout de loi que nous avait été octroyé. Il s'agissait « d'articulets », dont on nous promettait qu'ils seraient rapidement balayés, oubliés. (Mme Eliane Assassi s'exclame.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui dites cela ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Alors, quand nous avons persévéré, on nous a dit : « Ce n'est pas suffisant ! Le dispositif ne prend pas en compte toutes les personnes concernées ! »
Aujourd'hui, j'émets le voeu que, ensemble, nous puissions connaissions l'époque où vous constaterez que les premiers programmes expérimentaux fonctionnent et où vous estimerez qu'il faut les étendre à des catégories plus larges et, enfin, passer à la généralisation du dispositif, à sa réalisation concrète.
Je suis intimement convaincu que, à force de ténacité, d'opiniâtreté de notre part, vous reconnaîtrez la nécessité de mettre en oeuvre ces idées que nous partageons tous, parce qu'elles sont justes et répondent à des situations concrètes. Il importe que nous vivions dans un pays dont on ne pourra plus dire qu'il compte plus de travailleurs pauvres et de chômeurs que la moyenne européenne, un pays parmi ceux qui réalisent les meilleures performances sociales. C'est pour cela que nous sommes là ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. Mmes Bariza Khiari et Raymonde Le Texier applaudissent également. )
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous voilà arrivés au troisième temps de la trilogie budgétaire et financière de l'été : après la loi de règlement, socle pour le nouveau mandat, après le débat d'orientation budgétaire, qui a ouvert des perspectives pluriannuelles balisant le retour à l'équilibre de nos comptes publics, nous est soumis cet après-midi un projet de loi qui va conduire à la mise en oeuvre des engagements du Président de la République en matière de politique fiscale.
Oui, mes chers collègues, ce projet de loi est la transcription fidèle des engagements qui ont été pris devant les Françaises et les Français ! Oui, mes chers collègues de la majorité,...
M. Henri de Raincourt. Nous sommes là !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... nous avons gagné les élections ! (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.) Oui, mes chers collègues de l'opposition,...
Plusieurs sénateurs de l'UMP. ... vous les avez perdues !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... vous avez perdu les élections !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jusque-là, nous sommes d'accord !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Consensus jusque-là, tout va bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est après que les choses vont se gâter !
M. Philippe Marini, rapporteur général. À partir de là, nul ne peut être surpris que nous fassions ce que nous avons annoncé.
M. François Marc. Vous n'y croyez pas vous-mêmes !
M. Roland Ries. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nul non plus ne peut feindre de s'étonner devant des mesures qui ne sont que la mise en oeuvre des engagements sur lesquels le candidat Nicolas Sarkozy a été élu et la majorité législative reconduite.
Mme Bariza Khiari. La roue tournera !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous semblez être de mauvaise humeur, mes chers collègues de l'opposition ! Mais pourquoi donc ? (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Pas du tout !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La discussion qui s'ouvre va nous donner l'occasion d'opposer nos arguments pendant des heures et des heures. Si vous souhaitez m'interrompre, c'est bien volontiers que j'écouterai les vôtres dès la discussion générale !
M. Robert Bret. Vous n'avez encore rien dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous répétez que vous avez gagné les élections : on le sait, vous pouvez abréger !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est que j'avais le sentiment, tout à l'heure, que vous n'aviez pas vraiment pris la mesure de la situation politique de cet été !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr que si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'il me soit donc permis de rappeler que le projet de loi dont nous entamons l'examen comporte trois rubriques essentielles.
La première, c'est la mise en valeur du travail.
M. Bernard Vera. Vous voulez dire la mise en valeur du capital ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. La deuxième vise à favoriser la constitution et la fluidité des patrimoines.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Du capital !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, nous le voulons, nous le revendiquons, ce texte comporte un volet patrimonial.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, nous souhaitons que, grâce à la troisième rubrique, ce texte serve l'image de l'entreprise dans l'opinion publique, et ce pour toute une série de raisons.
Il est important que l'on comprenne bien qu'il n'est de richesse que d'hommes,...
Mme Nicole Bricq. Cela ne figure pas dans le texte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... mais aussi qu'il n'est de richesse que d'entreprises, et venant des entreprises.
L'activité d'un pays, sa compétitivité, son attractivité dépendent de différents facteurs.
Mme Nicole Bricq. Il n'en est pas question dans le texte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elles dépendent de la quantité de travail qui est à l'oeuvre, mais aussi de la qualité de l'initiative et de l'ambition de celles et de ceux qui font les entreprises, la vie économique et l'économie de marché. Car, mes chers collègues, dans le monde d'aujourd'hui, il n'est d'autre économie que l'économie de marché. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. On peut évidemment vivre dans la nostalgie d'un ordre d'autrefois, mort en 1989 avec la chute du mur de Berlin. On peut vivre dans l'illusion de systèmes administrés dont l'échec a été manifeste et dramatique partout où l'on a eu l'illusion de les mettre en oeuvre. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
Encore une fois, mes chers collègues, si vous voulez me démontrer le contraire, j'accepte bien volontiers que vous m'interrompiez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si c'est pour faire de la propagande caricaturale, ce n'est pas la peine que vous parliez !
M. André Dulait. Vous êtes pourtant orfèvres en la matière, chers collègues !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez des convictions, je ne les mets pas en doute. J'en ai pour ma part, permettez-moi de les exprimer et d'aller au bout de ma démonstration !
Inciter les Français à travailler plus, cela se traduit, dans le texte, par deux catégories de dispositions.
Mme Annie David. Permettez-leur de travailler tous !
M. Charles Pasqua. Monsieur le président, serait-il possible que seul l'orateur s'exprime ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ma chère collègue, vous aurez amplement l'occasion de vous exprimer : vous avez déposé de nombreux amendements, que nous examinerons avec patience. Souffrez alors que j'aille au terme de mon propos, puisque je dispose d'un temps de parole et que la vie démocratique et le pluralisme le veulent !
M. Éric Doligé. Ils ne savent pas ce que c'est !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je reprends.
En ce qui concerne la valeur travail, deux axes apparaissent : la défiscalisation et l'exonération de charges sociales des heures supplémentaires, d'une part, la mise en oeuvre, monsieur le haut-commissaire, du revenu de solidarité active, d'autre part. Ce sont les deux dispositions symétriques qui, dans ce projet de loi, permettent de valoriser l'idée de travail.
M. Michel Charasse. La symétrie ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. En ce qui concerne la défiscalisation des heures supplémentaires et la réduction des charges sociales, les avantages sont apportés tant aux salariés qu'aux entreprises qui les emploient.
Je ne suis pas, je le reconnais, un grand orfèvre du droit du travail.
M. Bernard Vera. Ça se soigne ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Heureusement, la commission des affaires sociales a désigné un excellent rapporteur pour avis, qui nous fera part de son analyse de l'article 1er.
M. Paul Blanc. C'est bien vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'observe toutefois, car j'aime bien les choses concrètes, que dans l'agglomération de la région de Compiègne, dans un grand établissement de 1 200 salariés qui appartient à un groupe à capitaux allemands, se met en oeuvre dès maintenant une négociation pour que les agents postés puissent passer à 40 heures, ce qui va se traduire par une sensible amélioration du niveau de rémunération de ces agents postés et, par ailleurs, par l'embauche de 115 intérimaires supplémentaires d'ici à la fin de l'année.
La situation sociale de cette entreprise était jusqu'ici bloquée et la direction allemande considérait que, si cela devait se poursuivre, le plan d'investissement serait gelé - et le site, à terme, condamné. Eh bien, même si je ne suis pas un grand orfèvre du droit du travail, je peux dire, dès maintenant, que le fait que nous examinions ce projet de loi, défendu par Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a débloqué la situation et a permis de trouver une solution. D'ailleurs, les interlocuteurs syndicaux eux-mêmes le reconnaissent - y compris, mes chers collègues, vos amis de la CGT.
M. Michel Charasse. Tout fout le camp ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui parle-t-il ?
M. Robert Bret. Rendez-vous le 31 juillet !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit bien là d'éléments concrets qui montrent que notre pays, où la réglementation des horaires de travail était bloquée, sait assouplir intelligemment la règle du jeu au sein des entreprises.
Cela est un appel à la négociation d'entreprise, à la négociation de branche et à la recherche, de bonne foi, d'un bien commun au sein de l'entreprise ; cela va donc dans le bon sens.
Bien entendu, cette mesure - qui, je l'espère, sera un grand succès économique et social - coûtera d'autant plus cher qu'elle sera un succès. Toutefois, madame le ministre, si, comme je le pense et l'espère, la loi est un succès et si le volume actuel des heures supplémentaires et complémentaires est dépassé, théoriquement, elle aggravera le coût des exonérations, mais, pratiquement, elle créera du travail supplémentaire qui n'aurait pas existé et entraînera l'apparition d'assiettes fiscales et de charges sociales qui n'auraient pas davantage eu d'existence : c'est une loi qui permet d'entrer dans une dynamique et de l'entretenir.
De la même façon, le Sénat réfléchit depuis de nombreuses années à la si difficile transition entre le non-travail et le travail, entre l'assistanat et la reprise de l'emploi. Je suis particulièrement sensible à la démarche qui vient de nous être exposée par M. Martin Hirsch. Il a bien voulu rappeler qu'Alain Lambert et moi-même, en 2000, avons défendu ici même une proposition de loi portant création du revenu minimum d'activité, le RMA, lequel avait les mêmes objectifs, la même finalité, la même logique que le revenu de solidarité active.
M. Alain Lambert. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous nous sentions un peu voces clamantes in deserto. Cela étant, nous avons tout de même été suivis par nos collègues de la majorité sénatoriale de l'époque - les autres, bien entendu, étaient contre -, et nous pouvons être heureux d'être enfin rejoints dans cette volonté par un gouvernement qui a une véritable ambition sociale. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C'est un comble !
M. Michel Charasse. Déjà Sarkozy...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une expérimentation, c'est une démarche prudente. Espérons qu'elle débouchera sur le réexamen de la prime pour l'emploi ; car, pour ma part, je voudrais le rappeler, je n'imagine pas que coexistent le RSA pérenne et généralisé et la prime pour l'emploi dans sa conception et ses contours actuels.
M. le haut-commissaire a raison de le souligner : il faut procéder pas à pas, il faut démontrer le mouvement en marchant et tirer ensuite toutes les conclusions nécessaires des expériences, dans le respect notamment des orientations pluriannuelles de nos finances publiques.
J'en viens au pôle suivant : la constitution et la fluidité des patrimoines.
Bien entendu, la majorité de la commission des finances est favorable à inciter les Français à acquérir une résidence principale. Accroître la part de nos concitoyens qui sont propriétaires de leur résidence principale est une nécessité sociale, c'est aussi un facteur de cohésion sociale. Nous, les maires, savons bien que celles et ceux qui sont attachés à leur commune, à leur terroir, à leur quartier, sont des citoyens actifs sur qui l'on peut compter, notamment pour les tâches collectives.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les autres, on ne peut pas compter sur eux ! Il faut les chasser ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. De ce point de vue, encourager l'accession à la propriété est une excellente chose.
Là aussi, nous verrons en temps utile comment ce nouveau dispositif peut et doit coexister avec le prêt à taux zéro tel qu'il a été institué et étendu ces dernières années.
Pour ce qui est de l'allégement des droits de mutation à titre gratuit, je voudrais rappeler que la commission des finances a publié, en 2002, un rapport d'information sur la fiscalité des mutations à titre gratuit. Y étaient mis en lumière l'absurdité du barème actuel, son aspect passéiste, la nécessité de le réformer de manière profonde.
Une première réforme est intervenue en 2004, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mais dans des conditions bien entendu limitées, ses marges de manoeuvre étant alors réduites.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Raffarin, Villepin... C'était un mauvais gouvernement, à l'époque !
M. Philippe Marini, rapporteur général. À présent, nous sommes en mesure d'examiner un texte dont la portée est beaucoup plus large puisqu'il va notamment permettre, je ne citerai que cet exemple, d'exonérer totalement le conjoint survivant. Mes chers collègues, en toute franchise, n'est-ce pas un progrès social que d'éviter le cumul de la douleur et d'une taxation qui fait obstacle à la poursuite du mode de vie du conjoint survivant ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est la double peine !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Prenez-nous par les sentiments, j'adore !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pouvez-vous, vis-à-vis de vos concitoyens, dans vos communes, dans vos départements, assumer le point de vue selon lequel l'exonération du conjoint survivant ne serait pas un progrès social ?
Ce progrès, nous allons donc le réaliser. La commission, tout en restant dans le sens des dispositions que défend le Gouvernement, proposera d'ailleurs quelques améliorations de portée à vrai dire tout à fait limitée.
J'aborderai maintenant la question de l'impôt sur le patrimoine : l'impôt de solidarité sur la fortune. Plusieurs dispositions déjà votées par le Sénat se trouvent, madame le ministre, dans le texte que vous défendez. Qu'il s'agisse de l'intégration de la CSG-CRDS dans le calcul du bouclier fiscal, du relèvement de 20 % à 30 % de la déduction afférente à la résidence principale, de l'impôt choisi, c'est-à-dire de la capacité de souscrire au capital de petites et moyennes entreprises ou d'abonder financièrement des oeuvres d'intérêt général, nous avions imaginé, proposé et, pour une part, voté de tels dispositifs.
La commission des finances et moi-même sommes heureux que ces initiatives soient remises en perspective dans votre projet de loi et que l'on se réfère enfin, en la matière, à un principe clair : pas de taxations cumulées au-delà de 50 % du revenu imposable. C'est un principe qui devrait d'ailleurs être de portée encore plus générale, mais c'est aussi un principe d'attractivité car le fait de traiter correctement, équitablement, les détenteurs de patrimoines et d'épargne, le fait d'encourager la mise en oeuvre des projets d'entreprise au sein des très petites, des petites et des moyennes entreprises, se justifient du point de vue de l'attractivité du territoire, de la compétitivité de la France. Or, tel est bien l'objectif que nous visons.
Trop de patrimoines se sont expatriés et les mesures que vous nous soumettez, madame le ministre, vont, je l'espère, interrompre cette hémorragie, voire assurer le retour de celles et de ceux qui vont réaliser qu'en France, désormais, prévaut un état d'esprit différent, que l'esprit d'entreprise est respecté, que le dynamisme et l'initiative sont de vraies valeurs reconnues par la société. Tout cela figure, me semble-t-il, dans les dispositions que vous nous présentez.
La commission des finances est très attachée à la relation directe entre les redevables de l'ISF et les entreprises dans lesquelles on va les encourager à souscrire des parts. Nous ne souhaitons pas que le dispositif des 50 000 euros devienne un dispositif d'épargne financière...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un dispositif de gestion d'épargne !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...qui se traduirait par la mise à disposition du public, de manière générale, dans les guichets bancaires, de produits qui mutualiseraient les risques et que les gérants professionnels et les grandes maisons proposeraient de manière très large à leur clientèle.
Nous avons voulu, en adoptant ce matin un amendement visant à encourager les cercles d'investisseurs, que le dynamisme de notre pays puisse s'exprimer par cette relation directe entre les contributeurs à l'ISF et les responsables de projets d'entreprise. Il s'agit aussi d'une question de cohésion sociale, qui ne me semble pas négligeable. Au lieu de raisonner en termes de lutte des classes, en termes d'opposition factice et d'un autre temps, il faut savoir conjuguer des complémentarités. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Oui, bénéficier d'un patrimoine important, cela crée des devoirs, qui s'expriment, bien sûr, par le versement de l'impôt, mais qui doivent aussi se manifester par la participation à des activités d'intérêt général et par l'accompagnement et la réussite de projets d'entreprise.
Mes chers collègues, telles sont, pour l'essentiel, les mesures qui figurent dans ce projet de loi.
Il me reste à évoquer, en conclusion, les dispositions relatives à l'image de l'entreprise pour ce qui est de certains aspects de moralisation de la vie économique, qu'il s'agisse des parachutes dorés ou des gains d'acquisition liés à l'exercice d'options sur titres même en cas de donation. Nous souscrivons bien volontiers à ces dispositions et la commission ne présentera pas d'amendement sur cette partie du texte.
Par ailleurs, je voudrais faire allusion aux travaux qui nous attendent très probablement d'ici à la fin de cette année.
En effet, nous aurons, avec l'examen du projet de loi de finances mais aussi avec les prochaines étapes que vous allez nous proposer, à traiter de nouveau des questions d'attractivité et de compétitivité.
Vous avez indiqué, madame le ministre, qu'un texte spécifique sur la compétitivité était en cours d'élaboration.
Nous avons voulu, par avance, contribuer à votre réflexion, notamment en imaginant un régime fiscal attractif pour faire venir en France de nouveaux talents, de nouvelles compétences, au niveau des universités ou des grandes entreprises, notamment. Ce régime, vous le savez, est issu d'une expérience britannique particulièrement efficace. Nous ne devons pas hésiter à aller chercher là où elles marchent les formules qui existent et qui peuvent permettre à notre pays de tenir toute sa place et d'améliorer sa compétitivité dans la concurrence internationale.
En outre, nous aurons sans doute à prendre part à de grands débats sur les prélèvements obligatoires, sur le système fiscal et peut-être, je l'espère, à participer à une évolution décisive de notre système des prélèvements obligatoires et de notre système fiscal. Un système fiscal est le reflet d'une société et des valeurs qu'elle véhicule.
Madame le ministre, puisque vous avez commencé par de très belles citations, je voudrais terminer moi aussi par une citation, que j'ai trouvée dans la conclusion du Projet d'une dîme royale, ouvrage rédigé par le maréchal de Vauban, et que la bibliothèque a bien voulu exceptionnellement me prêter. Je me bornerai à lire la principale phrase de cette conclusion, à titre d'introduction à nos futurs débats fiscaux.
« Au surplus, comme toutes les conditions de ce monde sont mêlées de gens de bien et d'autres qui ne le sont pas, il est aisé de concevoir que ce ne sont pas les premiers que ce chapitre attaque, mais bien ceux qui, sous de fausses apparences, n'affectionnent rien tant que leurs intérêts, sans se beaucoup soucier de celui du public, pour lequel ils ne voudraient pas faire un pas qui pût leur porter le moindre préjudice, quand même ils sauraient à n'en pouvoir douter que cela pourrait produire un très grand bien à l'État. »
J'espère donc, madame le ministre, monsieur le haut- commissaire, messieurs les secrétaires d'État, que nous saurons nous inspirer de ces principes tout à fait excellents lorsque nous aurons à participer à l'élaboration de futures législations fiscales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Ladislas Poniatowski. C'est un bon choix !
M. le président. C'est une très belle phrase, monsieur le rapporteur général !
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, permettez-moi de noter au début de mon intervention que ce texte, comme vient de le souligner M. le rapporteur général, a trouvé largement ses inspirations dans les travaux du Sénat, pour ce qui concerne tant le volet fiscal que le volet social.
Le Gouvernement et vous-mêmes, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, ne pouvez pas mieux faire pour rendre hommage au rôle éminent qu'est l'institution sénatoriale et au travail de qualité qu'elle effectue depuis des décennies. Le Sénat a démontré combien sa place dans nos institutions était devenue incontournable tant à vos yeux qu'à celui de nos concitoyens.
La commission des affaires sociales, pour ce qui la concerne, s'est intéressée, comme l'a rappelé M. le rapporteur général, à l'article 1er et aux articles 8 à 13 relatifs au RSA, dont M. le haut-commissaire vient de nous parler. Ce dernier a, avec les propos choisis qui ont été les siens, convaincu - je n'en doute pas - une très large partie de la Haute Assemblée et, je l'espère, au-delà des limites mêmes des rangs de la majorité.
Ces dispositions, qui s'inscrivent dans le droit-fil des engagements du Président de la République, ont pour objectif de réhabiliter le travail, en desserrant les contraintes qui pèsent sur notre économie en raison de la législation sur les trente-cinq heures et en encourageant le retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux.
Ce projet de loi, vous en conviendrez, marque une rupture franche avec la logique de « partage du travail » qui a longtemps servi de fil directeur à notre politique de l'emploi, avec les résultats peu convaincants que l'on connaît.
Il se justifie par une analyse économique simple : un plus grand nombre d'heures travaillées signifie plus de création de richesses, donc davantage de consommation, d'investissements et, finalement, d'emplois. Autrement dit, le travail crée le travail.
Il entend favoriser le développement des heures supplémentaires en réduisant leur coût pour l'employeur et en les rendant plus rémunératrices pour les salariés, afin que travailler plus permette réellement de gagner plus.
Permettez-moi, madame le ministre, mes chers collègues, d'émettre un voeu : celui que nos concitoyens, en bénéficiant de cette mesure qui doit améliorer leur pouvoir d'achat, achètent « français » et contribuent au dynamisme et à la relance - si besoin était - de notre économie française, et qu'ils ne soient pas trop tentés par ces produits d'importation fabriqués en Chine ou en Inde qui, certes, contribueront par le biais de la TVA à alimenter le budget de l'État, mais qui ne permettront pas pour autant de donner un coup de fouet aux entreprises françaises qui produisent sur notre territoire.
M. Guy Fischer. Ils achètent en fonction de leur pouvoir d'achat !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Je souhaite que la réalisation de cet objectif, que vous attendez ainsi que le Président de la République, et les espoirs qu'il suscite se trouvent au rendez-vous.
Madame le ministre, vous proposez donc un dispositif équilibré, sur une base « gagnant-gagnant » : d'un côté, une déduction forfaitaire des cotisations patronales, majorée pour les plus petites entreprises, celles de moins de vingt salariés, afin de compenser le tarif plus élevé des heures supplémentaires qui s'appliquera désormais ; de l'autre, un surcroît de salaire pour les employés grâce â l'exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions salariales sur ces heures, et grâce aussi au tarif majoré de 25 % de l'heure supplémentaire pour tous.
Nous avons bien noté, madame le ministre, que des garde-fous sont prévus afin d'éviter un recours abusif au dispositif, notamment pour éviter la substitution d'heures supplémentaires à d'autres éléments de rémunération.
Au total, nous attendons de ce mécanisme un impact positif sensible. Vous avez donné des exemples concrets dans votre intervention ; j'en citerai un également : un salarié payé 1,2 SMIC pour trente-cinq heures percevra un revenu net en hausse de 4,5 % s'il fait une heure supplémentaire par semaine et de 17,8 % pour quatre heures.
Pour les entreprises, l'impact sur le coût du travail devrait être d'autant plus élevé que l'employeur pourra combiner à la fois la réduction forfaitaire et l'allégement « Fillon ».
Ma seule réserve - s'il en est une - concerne peut-être -mais l'effet négatif, je pense, ne sera que transitoire ; nous nous en sommes ouverts dans le cadre de la réunion conjointe de la commission des finances et de la commission des affaires sociales - les entreprises employant au plus vingt salariés lorsqu'ils sont rémunérés au-delà de 1,45 SMIC, en raison de la revalorisation anticipée du taux de majoration applicable dans ces entreprises.
Dans ce contexte, vous comprendrez que je me préoccupe aussi de la compensation des charges pour les comptes de la sécurité sociale ; c'est devenu pour moi une seconde nature ! Vous y avez peu fait allusion, mais je sais que vous avez évoqué ce sujet à plusieurs reprises ainsi que M. Éric Woerth, qui s'est exprimé devant nous hier dans le cadre du débat d'orientation budgétaire. Ce dispositif aura un coût élevé, puisqu'il devrait représenter en année pleine une dépense de 6 milliards d'euros, soit environ la moitié de la dépense publique résultant de ce projet de loi, et dont l'essentiel constitue un manque à gagner pour la sécurité sociale.
Encore s'agit-il d'un minimum établi sur la base des heures supplémentaires effectuées aujourd'hui, à savoir cinquante-cinq heures en moyenne par salarié. Il ne prend donc pas en compte une éventuelle dynamique créée par le dispositif et qui, nous l'espérons, sera au rendez-vous. Dans le cas contraire, nous risquons de dépasser les 6 milliards d'euros.
Le Gouvernement a officiellement indiqué que l'État compenserait les exonérations de cotisations sociales aux régimes concernés. Je me permets néanmoins d'insister sur la nécessité de mener une action rapide en la matière. À défaut, les mesures proposées risquent d'aggraver la situation financière de la sécurité sociale, qui est déjà tendue : le panier de recettes fiscales censé compenser les allégements de charges en vigueur se révèle en effet insuffisant, et la trésorerie de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui approche de son plafond de découvert autorisé, risque de rencontrer des difficultés majeures d'ici à la fin de l'année.
Éric Woerth nous a confirmé hier que le Gouvernement envisageait de rembourser à la sécurité sociale la dette qui est la sienne, à hauteur de 5,1 milliards d'euros. Certes, cela permettrait, au minimum, de passer le cap du 31 décembre 2012, mais le problème se posera de nouveau en 2008.
La commission des affaires sociales souhaite donc, madame le ministre, que vous puissiez confirmer à la Haute Assemblée que ces exonérations seront bien compensées à l'euro près.
J'en viens maintenant au RSA, le revenu de solidarité active.
Ce dispositif vise à encourager l'augmentation de l'activité professionnelle ou le retour à l'emploi des allocataires de minima sociaux ainsi qu'à améliorer le niveau de leurs revenus, qui se situe le plus souvent, comme vous l'avez rappelé, monsieur le haut-commissaire, au-dessous du seuil de pauvreté.
Mes chers collègues, nous n'ignorons pas que 7 millions de nos concitoyens sont concernés, dont 2 millions d'enfants et plus de 3,5 millions de bénéficiaires d'un minimum social, le solde étant représenté par ceux que l'on qualifie de « travailleurs pauvres ». Il est donc urgent d'agir.
Le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux, celui de faire reculer de 30 %, en cinq ans, le niveau de pauvreté en France. Bien entendu, nous ne pouvons que souscrire à cet objectif, et nous soutenons l'idée d'un revenu garanti pour les allocataires d'un minimum social lorsqu'ils reprennent ou augmentent leur activité professionnelle.
La méthode retenue, celle de l'expérimentation, correspond d'ailleurs à celle que notre commission avait elle-même préconisée, dans le cadre d'un groupe de travail consacré aux minima sociaux, présidé par Valérie Létard, et dont j'avais l'honneur d'être le premier vice-président.
Cette méthode renforcera l'expérimentation en cours de dispositifs innovants d'insertion pour les allocataires du RMI, le revenu minimum d'insertion. Deux départements s'y consacrent déjà : la Côte d'Or - notre collègue Louis de Broissia le sait bien -, qui expérimente un contrat unique d'insertion, et l'Eure, qui teste en avant-première le revenu de solidarité active. Le président de son conseil général, membre de l'opposition, que nous avons auditionné, ainsi que certains de ses collaborateurs, nous a convaincus de la pertinence de ce dispositif. Toutefois, il nous a également parlé de l'approche tout à fait pragmatique qui avait été la leur en le mettant en place ...
M. Ladislas Poniatowski. Dans la ville de Louviers !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Tout à fait ! Dans un bassin d'emploi plutôt favorable pour que l'expérience réussisse !
J'ajoute que le dispositif avait été adopté non seulement par la commission des affaires sociales, mais également par la Haute Assemblée. (M. le haut-commissaire fait un signe d'approbation.)
Cette démarche nouvelle pour nos politiques publiques, qui a déjà cours dans de nombreux pays voisins, a montré ses vertus, bien que le coût du dispositif expérimenté soit relativement élevé avec des résultats particulièrement aléatoires.
En effet, sa réussite dépendra avant tout de l'amélioration de la situation du marché du travail : sans emploi, le RSA ne pourra être mis en oeuvre. En outre, plusieurs conditions doivent être réunies pour faciliter cette expérimentation.
Tout d'abord, l'État, les collectivités territoriales, les associations d'insertion et les organismes de protection sociale et de formation devront conjuguer leurs efforts pour créer les conditions de ce succès, en accompagnant et en soutenant les allocataires de minima sociaux dans leur démarche d'insertion ; notre commission y tient tout particulièrement.
À cet égard, je souligne, monsieur le haut-commissaire, que le supplément de revenu qu'offrira le RSA, auquel vous avez fait référence tout à l'heure, ne suffit pas à lui seul à garantir un emploi pérenne. C'est pourquoi il doit, à mon sens, s'accompagner d'actions de formation. Un volet insertion et formation existe d'ores et déjà pour les bénéficiaires du RMI, ce qui n'est pas le cas des allocataires de l'API, l'allocation de parent isolé, sauf si la région ou le département dans lesquels ils se trouvent ont prévu une telle mesure.
Nous devrons débattre de cette question lors de l'examen des amendements, pour apaiser les inquiétudes des uns et des autres et pour nous assurer que toutes les conditions sont réunies afin de faciliter l'insertion des titulaires de l'API.
Ensuite, il faut également que le Gouvernement accepte de prendre le temps de l'expérimentation, en la conduisant à son terme. L'annonce de la généralisation du dispositif pour la fin de l'année 2008, c'est-à-dire bien avant l'échéance de 2010 fixée par le texte, me conduit à m'interroger sur les intentions du Gouvernement. J'aimerais que vous puissiez nous apporter quelques éclaircissements sur ce point, monsieur le haut-commissaire.
En outre, l'État doit assumer financièrement la part qui lui revient, mais je ne doute pas que cet aspect du financement est un sujet qui retiendra tout particulièrement l'attention de la Haute Assemblée, notamment celle des présidents de conseils généraux.
M. Guy Fischer. Ils ont déjà été échaudés !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. En tant qu'instigateur, l'État est responsable des politiques engagées.
Vous avez annoncé, monsieur le haut-commissaire, que l'État prendra en charge 50 % du coût estimé de l'expérimentation, soit 25 millions d'euros annuels. Le texte n'offre pourtant aucune garantie à ce sujet, ni sur le montant ni sur la période concernée.
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. L'Assemblée des départements de France, que nous avons auditionnée, s'est inquiétée de cette situation, qui pourrait décourager les départements volontaires. L'article 40 de la Constitution, que la commission des finances et le Gouvernement lui-même ne manquent pas d'invoquer quand ils le jugent utile et nécessaire, ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si c'est justifié !
M. Michel Charasse. C'est incontournable !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. ..., nous interdit de clarifier ce point par voie d'amendement. J'en appelle donc au Gouvernement pour qu'il nous donne des assurances en la matière.
Enfin, le système doit être conçu de telle sorte que les effets pervers ou les effets d'aubaine soient contrôlés.
Le projet de loi retient quelques principes généraux pour le calcul du revenu garanti qui servira à déterminer le RSA : tenir compte de la composition de la famille, des revenus d'activité et du nombre d'heures travaillées, quand celles-ci augmentent.
Sur ces bases, les départements pourront fixer le niveau du revenu garanti - le texte ne prévoit aucun plafond - et définir les modalités de calcul du RSA.
Or, l'Agence nouvelle des solidarités actives, l'ANSA -vous la connaissez bien, monsieur le haut-commissaire, tout comme notre collègue Bernard Seillier -, qui participe activement à la mise en oeuvre de cette expérimentation, a formulé quelques recommandations complémentaires, notamment celle de prendre en compte les droits connexes auxquels vous avez fait allusion dans votre propos liminaire. Il s'agit, en l'espèce, des différentes aides légales souvent liées au statut des bénéficiaires de minima sociaux, telles que, par exemple, une tarification sociale téléphonique ou de l'électricité, ou bien encore une exonération de la taxe d'habitation ou de la redevance audiovisuelle. Il s'agit aussi des prestations versées par les collectivités locales ou certains organismes et associations pour la prise en charge des frais de cantine ou de transport.
Or, nous le savons bien, ces droits connexes peuvent paradoxalement figer les titulaires de minima sociaux dans leur situation d'inactivité professionnelle. Le département de l'Eure l'a d'ailleurs bien compris, puisqu'il intègre dans le calcul du revenu des bénéficiaires l'ensemble des droits connexes. Il en a recensés cinquante et un, et il n'est pas certain que la liste soit exhaustive !
Nous soutenons l'idée selon laquelle les modalités de calcul du RSA peuvent varier d'un département à l'autre, car c'est tout l'intérêt de l'expérimentation que d'en tester l'efficacité selon les paramètres qui seront retenus.
Toutefois, dans l'optique d'une réforme future du système des minima sociaux et des droits connexes, il serait très utile de recenser dès à présent ces derniers dans les territoires choisis pour l'expérimentation. J'y verrais l'avantage d'un traitement plus équitable des travailleurs pauvres non éligibles au RSA expérimental par rapport aux personnes qui en seront bénéficiaires et d'un calcul plus juste du RSA par les départements.
Mes chers collègues, comment allez-vous expliquer à la caissière d'un supermarché qui travaille un tiers temps ou à mi-temps ...
M. Guy Fischer. Elle travaille tout de même 29 heures !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. ... et qui, compte tenu de son statut professionnel, ne bénéficie ni du RMI ni du différentiel du RMI ni des droits connexes, que sa voisine de palier ou de quartier, qui, avec un quart temps, bénéficie du RMI ou du différentiel, aura au final, avec le RSA, un revenu supérieur au sien?
Certes, nous pouvons admettre cette situation parce que nous serons dans une phase expérimentale, mais celle-ci ne devra pas durer trop longtemps, et il sera nécessaire de dresser un bilan le plus rapidement possible.
C'est pourquoi l'initiative prise par l'Assemblée nationale de présenter au Parlement un rapport d'évaluation dès la première année me paraît tout à fait digne d'intérêt. Comme vous l'avez souligné, monsieur le haut-commissaire, il nous permettra de corriger le tir en tant que de besoin afin d'éviter des situations inéquitables ou des disparités trop flagrantes entre un travailleur pauvre et un futur bénéficiaire du RSA.
Cela étant, cette expérience constitue un premier pas. Certains la jugeront somme toute modeste, car elle laisse de côté les travailleurs pauvres et les bénéficiaires de certains minima sociaux.
Monsieur le haut-commissaire, vous avez dit tout à l'heure que vous pourriez tirer les fruits de cette expérience et étendre ce dispositif aux bénéficiaires de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, ou ...
MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Guy Fischer. L'ASS !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. ... d'autres minima sociaux. Quoi qu'il en soit, cette expérience prépare les esprits à une réforme d'ensemble de notre système de solidarité nationale.
Nous ne pouvons qu'y souscrire, d'autant que les départements volontaires auront un rôle décisif à jouer : leur engagement et leur créativité pourront être efficacement mis au service des spécificités de leur territoire et des difficultés particulières qu'ils rencontrent. Il sera important de veiller à ce que l'expérience prenne en compte les bénéficiaires de minima sociaux, dans toute leur diversité.
L'expérience du département de l'Eure est certes intéressante, mais le président du conseil général ne s'est pas privé de nous dire qu'il avait choisi le bassin d'emploi le plus porteur pour mettre toutes les chances de son côté, ce en quoi il avait raison, et qu'il avait sélectionné les bénéficiaires des minima sociaux dont le taux d'employabilité était le plus élevé. Ce raisonnement a conduit à faire en sorte que l'expérience ne concerne environ que 2 000 allocataires, sur les 8 000 que compte le département.
Si les vingt-cinq départements déjà candidats pour conduire l'expérimentation choisissent les sites où les chances de réussite sont les plus grandes, le bilan ne pourra évidemment qu'être positif. Mais lorsque le dispositif sera généralisé aux départements ruraux ou plus pauvres, peut-être serez-vous conduit, monsieur le haut-commissaire, à observer une certaine déception, au lieu de l'espoir que vous espériez susciter.
L'adoption d'un amendement déposé par l'Assemblée nationale, et visant à conforter un article du projet de loi, devrait permettre d'éviter cette situation en prévoyant d'associer la part la plus forte d'allocataires du RMI comme critère de sélection des départements candidats. La commission des affaires sociales ne peut que se rallier à la pertinence de cette initiative.
En conséquence, elle a émis un avis favorable sur les dispositions de ce projet de loi, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous présentera.
Permettez-moi enfin, monsieur le président, de remercier la commission des finances, saisie au fond sur ce texte - et dont je reconnais la grande compétence en la matière - d'avoir accepté que la commission des affaires sociales vienne « mettre son grain de sel » dans ce débat. Je tiens, en particulier, à remercier Philippe Marini d'avoir reconnu que nous avions, nous aussi, quelques compétences en matière de protection sociale et de droit du travail. Comme tous les membres de la Haute Assemblée, nous savons les partager... (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut travailler ensemble !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis est admirable : il vise complémentairement à traiter de l'impôt sur la fortune et à lutter contre la pauvreté avec le revenu de solidarité active. Il est légitime, puisqu'il transcrit les engagements électoraux du Président de la République.
Madame la ministre, vous aurez la tâche délicate et certainement exaltante de présenter dans quelques mois au Sénat le projet de loi de finances pour 2008. À cet égard, le débat d'orientation budgétaire que nous avons eu hier était très intéressant et éclairant.
Je ne doute pas que vous parviendrez à trouver l'équilibre entre ces mesures, qui doivent créer un choc pour améliorer la confiance et la croissance, et qui dégageront sans doute quelques plus-values fiscales. Cependant, il m'arrive de penser que certaines d'entre elles sont peut-être coûteuses par rapport aux effets attendus, notamment celles qui s'inscrivent dans une logique de politique de la demande.
Il est sûr que le soutien de la demande crée de l'emploi, mais, à l'heure de la mondialisation, ces emplois sont quelquefois davantage créés hors de France que dans notre pays. C'est pourquoi j'ai personnellement une prédilection pour les mesures favorisant l'offre. Je soutiendrai donc sans réserve le dispositif ayant trait aux heures supplémentaires, même s'il aurait pu engager une rupture plus radicale avec la conception malthusienne de partage du temps de travail.
En outre, je pense que les mesures visant à soutenir le capital des PME sont également excellentes.
J'aimerais faire trois observations.
Ma première observation, inspirée de la conclusion du maréchal de Vauban dans son ouvrage intitulé Projet d'une dîme royale, vise à dire que nous ne réglerons pas tout par la loi. Tous les gens de bien, tous ceux qui détiennent de la fortune doivent adopter un comportement répondant à une exigence éthique. De ce point de vue, puisque vous avez évoqué la mondialisation, je ne suis pas sûr qu'avec l'article 7, qui vise les parachutes dorés et qui s'efforce d'encadrer les rémunérations différées des dirigeants de sociétés cotées, le législateur ne se donne pas bonne conscience à bon prix...
M. Ivan Renar. Le Gouvernement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans une économie globalisée comme la nôtre, je doute que les dispositions législatives franco-françaises aient un réel effet sur les pratiques que nous voulons encadrer. Ne nous payons donc pas de mots !
Madame la ministre, puisque vous avez la charge de l'économie et des finances, peut-être pourriez-vous inviter les autorités du monde de l'économie, je pense au MEDEF ou à d'autres organisations patronales, à insister sur les règles de bonne conduite. Il ne suffit pas de multiplier les rapports Viénot ou Bouton pour régler ces questions. Les autorités patronales doivent à un moment donné sortir le carton jaune, voire le carton rouge. Je pense donc que toutes les mesures normatives que nous pourrons adopter à ce sujet relèveront de la gesticulation.
Ma deuxième observation a trait à l'ISF.
M. le rapporteur général a, une nouvelle fois, brillamment exposé la question : il faut absolument développer les PME. Ce sont elles qui constituent en effet, je parle sous le contrôle de M. Novelli, un potentiel de croissance et d'emploi.
Mais les PME ont besoin de capitaux pour assurer le financement de leur projet de développement et l'enraciner un peu plus dans le territoire. C'est donc une belle et bonne mesure que de permettre aux redevables de l'ISF de se libérer de l'impôt en souscrivant des actions de PME. Mais, de grâce, ne tombons pas dans la financiarisation anonyme, dans l'intermédiation, qui rompraient l'affectio societatis !
Nous souhaitons que ce dispositif soit une formidable occasion de rétablir le lien direct entre le souscripteur au capital de l'entreprise et la PME. Nous voulons également que les chambres consulaires, les organisations patronales, les clubs de réflexion, le centre des jeunes dirigeants d'entreprise - le CJD - et d'autres encore se mobilisent afin de faire comprendre aux redevables de l'ISF qu'ils peuvent se libérer de l'impôt en participant aux risques et en favorisant le développement d'une PME.
Que l'on ne vienne pas nous dire que l'on veut gérer ce projet comme on gère de l'épargne. En l'occurrence, il s'agit de se libérer de l'impôt. Cette démarche fait donc appel à un minimum de sens de l'intérêt général et suppose une prise de risques. Grâce à ces dispositions, peut-être pourra-t-on rendre un peu plus populaire l'esprit d'entreprise.
Sur ce point, nous serons donc certainement exigeants, madame la ministre. En effet, nous ne pouvons pas manquer ce rendez-vous.
Cela étant, j'ai conscience que cette mesure créera une niche fiscale supplémentaire. J'en viens donc à ma troisième observation, qui est relative au bouclier fiscal.
Il est légitime de sortir d'un impôt qui représente une spoliation. C'est parce que l'impôt a toujours été pratiqué avec des barèmes très élevés en France que les gouvernements successifs ont multiplié les niches fiscales. Ils tentaient ainsi de se faire pardonner cet excès d'imposition.
Or voilà que, avec le bouclier fiscal, on ramène le curseur à un niveau équitable. Cette pratique, d'autres pays - je pense à l'Allemagne - l'ont inscrite dans leurs principes constitutionnels. Pour autant, nous n'aurons pas encore véritablement touché aux niches fiscales. Par conséquent, si vous pouviez nous faire part de vos intentions à ce sujet, madame la ministre, vous nous permettriez de voter en faveur du bouclier fiscal avec un confort de conscience supplémentaire. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je voudrais maintenant intervenir sur l'organisation de nos travaux.
Ce texte suscite des passions et un intérêt très soutenu, en témoignent les nombreux sénateurs présents dans cet hémicycle, ce dont je me réjouis.
Nous avons plus de 270 amendements à examiner. Deux articles font l'objet d'une attention particulière : l'article 1er, qui porte sur les heures supplémentaires, et l'article 6, qui a trait à l'ISF. Sur l'article 1er, 50 amendements ont été déposés ; sur l'article 6, 40 amendements doivent être débattus.
Afin de faciliter la discussion, la commission des finances a exprimé ce matin le souhait que les amendements de suppression soient appelés en priorité. Viendraient ensuite les amendements de rédaction globale, puis les amendements spécifiques.
Je le précise, la commission a adopté cette proposition à l'unanimité - je parle sous le contrôle des autres commissaires présents -, et tous les groupes étaient représentés. Telle est la proposition que la commission des finances soumet au Sénat.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ? ...
Il en est ainsi décidé.
Discussion générale (suite)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, je veux tout de suite vous rassurer : c'est vrai, vous avez gagné les élections, et nous les avons perdues !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le contraire aurait pu être vrai !
Mme Nicole Bricq. Plus la session extraordinaire avance, plus les textes qui nous sont soumis par la nouvelle majorité nous laissent mesurer à quel point c'était les élections à ne pas perdre.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, avec ce texte, indûment intitulé « projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat », nous soldons en quelque sorte la séquence électorale. Nous ne sommes plus tout à fait dans le slogan, mais nous sommes encore dans la promesse. Il faudra attendre quelques mois pour entrer dans la dure réalité des faits et des chiffres.
Après le débat d'orientation budgétaire d'hier, nous voyons à peu près, malheureusement, où nous allons. J'invite donc mes collègues de la majorité comme de l'opposition à lire attentivement le rapport de M. Marini concernant les finances publiques et à se reporter à la page 57. Ils mesureront l'étendue prévisible des dégâts.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j'aurais la cruauté de rappeler les déclarations continues, sous des majorités précédentes, visant à dénoncer les textes comportant des mesures fiscales hors loi de finances. Cette pratique relève, je cite, « d'une très mauvaise manière de légiférer ». Son auteur se reconnaîtra ...
M. Gérard Delfau. Qui est-ce ?
Mme Nicole Bricq. Or c'est ce que nous nous apprêtons à faire. À cet égard, M. le président de la commission vient de me tendre la perche, si j'ose dire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ici, c'est une quasi-loi de finances : c'est une loi fiscale !
Mme Nicole Bricq. Alors que vous avez toujours dénoncé les niches fiscales, vous vous apprêtez encore une fois à les étendre. Les gouvernements changent et les mauvaises habitudes perdurent. Mais on comprend bien pourquoi !
La facture, que nous ne pourrons qu'établir au fur à mesure des lois de finances à venir, sera lourde. Elle se répercutera sur la majorité des Français et profitera à un petit nombre, qui n'en avait vraiment pas besoin, sans forcément relever notre économie.
Mes collègues socialistes et moi-même interviendrons dans le débat article par article, aussi voudrais-je limiter mon propos dans la discussion générale à trois réflexions concernant vos choix, à savoir la rupture, l'économie et les moyens pour la stimuler.
La rupture, c'est le positionnement qu'a choisi le Président de la République, avec habileté et ambiguïté.
Habileté, parce qu'il faut bien convenir que cela a plutôt réussi au candidat qu'il était naguère, et qu'il continue à être si j'ai bien compris. Ambiguïté, car on ne sait pas avec qui ou avec quoi s'opère cette rupture. S'agit-il de rupture avec l'ancienne majorité, à laquelle vous étiez pourtant parties prenantes et dont vous êtes comptables des résultats, ou bien s'agit-il plus profondément de rupture avec ce qui fait, depuis le compromis du Conseil national de la résistance, le fond commun qui lie les Français entre eux ? Les deux sans doute, si l'on en juge par le contenu du projet de loi. En effet, si le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale le qualifie de « fondateur », il faut le regarder comme les prémices funestes du quinquennat.
Pour l'heure, force est de constater que l'on trouve dans ce texte tout ce que la majorité précédente n'a pas osé accomplir, mais qu'elle avait néanmoins commencé à faire : s'attaquer au temps de travail légal, accroître les privilèges de ceux qui en ont déjà beaucoup, contourner le tabou de l'ISF, encourager les plus hauts patrimoines à travers la baisse des droits de succession et le bouclier fiscal, favoriser ce qu'on appelle pudiquement « l'optimisation fiscale » pour ceux qui sont déjà les mieux conseillés en la matière. Tout cela sur fond d'explosion des inégalités des revenus patrimoniaux et des écarts salariaux !
La combinaison des deux nous fait dévier, ayons-en au moins conscience, vers une croissance des inégalités à l'anglo-saxonne. Ainsi, dans l'allocation des revenus primaires, les inégalités se créent à la racine, et vous allez encore les aggraver ! Même la redistribution par transferts fiscaux et sociaux n'y remédierait pas.
Il s'agit d'un débat essentiel. Il n'intéresse peut-être pas la majorité, mais c'est le débat de la France, et il nous intéresse. Il s'agit pour nous, selon une formule très juste de Jean-Paul Fitoussi dans un article du Monde d'avant-hier, de parvenir à « l'égalité réelle dans l'espace des biens publics ». Nous aurons ce débat au moment de notre reconstruction face à votre offensive.
M. Alain Gournac. Il y a du travail !
Mme Nicole Bricq. Oui, mais j'y reviendrai.
Vous nous proposez un texte sur la finalité duquel nous nous interrogeons.
S'agit-il de faire revenir quelques expatriés ? Comptez sur nous pour vous en demander le détail dès l'année prochaine. De toute façon, ce sera cher payé pour une catégorie de la population qui hésite à bénéficier du bouclier fiscal déjà existant, de peur que l'administration ne soit trop curieuse. C'est le beurre et l'argent du beurre !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et le sourire de la crémière ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Et vous parliez tout à l'heure, madame la ministre, de morale !
S'agit-il de créer des emplois ? M. le rapporteur général lui-même ne semble pas convaincu puisqu'il concède, dans son rapport écrit, qu'il est « difficile de distinguer les créations d'emplois de l'augmentation du nombre d'heures supplémentaires ».
S'agit-il de créer ce fameux choc de confiance que vous appelez de vos voeux pour renouer avec la croissance ? C'est l'objet de ma deuxième réflexion au sujet de l'économie.
Nous ne contestons pas au Président de la République nouvellement élu et à la majorité qui le soutient de tenter un « pari » économique. Il est normal qu'en politique on sache prendre un risque. Encore faut-il qu'il soit mesuré et non hasardeux.
Du reste, le terme « pari » me paraît inapproprié, car il renvoie à la notion de jeu. À l'heure de l'interpénétration des économies, d'une mobilité des capitaux jamais atteinte, d'une masse de liquidités phénoménale - fonds souverains, private equity, fonds d'investissements, fonds de pensions -, dans un monde sans aucune régulation, l'expression de « guerre économique », si elle n'avait été autant galvaudée, m'aurait paru mieux convenir.
En effet, nous voyons s'affronter des continents, des État, des entreprises. Pour finir, des millions d'hommes et de femmes sont laissés sur le côté du chemin, car les hommes et les femmes, à la différence des capitaux ou même des machines, ne peuvent se déplacer, ni à la même vitesse ni sur la même superficie.
De surcroît, madame la ministre, dans cette guerre économique, vos propositions ne sont pas à la hauteur de l'enjeu.
Il ne me revient pas ici de décider du qualificatif qui s'attache à ce « paquet fiscal ». Est-ce une politique de l'offre ou de la demande ? Je pense que ces éléments fiscaux hétéroclites ne constituent pas une politique économique.
M. François Marc. C'est du clientélisme !
Mme Nicole Bricq. Au moment où tous les indicateurs sont au rouge, à l'exception de celui de la consommation, qui du reste s'essouffle, car les Français tirent sur leur épargne, ...
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. ... on aurait pu penser que, sans tarder, vous vous préoccuperiez des mesures propres à restaurer la compétitivité de notre appareil productif.
Il est déjà bien tard pour ce faire.
Je rappelle, à titre d'exemple, parce qu'il me paraît significatif, que la dégradation de nos échanges extérieurs nous a fait perdre 3 points de croissance depuis 2003.
Le diagnostic est connu : insuffisance de grosses PME, insuffisance d'innovation, mauvais segments de marché, mauvaise orientation de nos exportations.
Cependant, aucune des propositions de ce texte ne contribue à remédier à ces problèmes.
On nous dit que ces mesures viendront, mais avec quelle marge de manoeuvre ? Vous vous employez, en effet, à affaiblir l'intervention publique au travers des exonérations fiscales et sociales - il faudra bien les compenser -, et des baisses d'impôts - elles se chiffrent en année pleine à 15 milliards ou 16 milliards d'euros.
S'agit-il d'aller chercher ce fameux point de croissance que nous promettait encore le Président de la République avant les élections législatives ?
Le rapporteur général chiffre entre 0,25 et 0,5 point de croissance le coût de ce choc fiscal. Il serait sans doute plus raisonnable de prévoir 0,7 point du PIB pour un gain de croissance final et hypothétique de 0,5 point. Le compte n'est pas bon !
Quant au choc de confiance attendu, à qui s'adresse-t-il ? Certainement pas aux salariés, qui ne croient déjà plus à votre slogan « travailler plus pour gagner plus », si j'en juge par la très intéressante enquête - elle n'est pas suspecte - émanant de l'Observatoire des acteurs du travail, actualisée en juillet 2007 et portant comparaison avec mars 2007. Elle établit que, si le pouvoir d'achat reste la préoccupation majeure des salariés - du privé comme du public -, ils ne croient guère à une évolution positive pour l'avenir.
M. Guy Fischer. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Il n'est même pas sûr que votre message s'adresse aux entreprises. Elles ne sont pas concernées par ce texte.
Vous ne vous êtes même pas penchée sur l'impôt sur les sociétés, dont on sait qu'il est, au sein même de l'Union européenne, un problème pour les entreprises françaises.
Ce n'est certainement pas le fléchage de l'ISF vers les petites et moyennes entreprises qui résoudra les problèmes de croissance auxquels ces dernières sont confrontées. Il s'agit beaucoup plus d'une mesure d'optimisation fiscale.
J'aurais compris que vous vous penchiez sur l'impôt sur les sociétés et sur des mesures propres à accroître la compétitivité. Mais il n'en est rien. La stratégie choisie, en fait de modernité, rappelle celle de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher en Royaume-Uni il y a vingt-cinq ans !
M. Robert Bret. C'est ringard !
M. François Marc. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Laisser filer la dette à travers les baisses d'impôt pour les plus aisés, c'était la stratégie choisie par ces deux pays, et elle leur a coûté cher ! (Mme la ministre sourit !)
Mme Nicole Bricq. Dès lors, on peut s'interroger : s'agit-il d'opérer une pression telle qu'elle justifierait des coupes fortes dans les dépenses publiques, particulièrement en s'attaquant aux dépenses d'intervention et aux crédits d'investissement, comme l'a laissé entendre hier M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ? Ce serait une première dans notre économie ! On comprendrait alors mieux pourquoi, lors du débat sur l'autonomie des universités, vous n'avez pas voulu vous engager dans un collectif budgétaire.
Ma troisième réflexion a trait aux moyens budgétaires, et plus largement aux finances publiques.
Que n'a-t-on entendu dire, sur ces travées, au sujet de la nécessité de s'engager fermement pour atteinte ce double objectif : revenir durablement en-dessous des 3 % de déficit et ramener la dette en-dessous de 60 % du PIB !
L'habile communication du Président de la République lors de sa participation à l'Eurogroupe, au début du mois de juillet, ne peut faire oublier que, à l'issue des négociations, la France s'est engagée par écrit à revenir à l'équilibre budgétaire d'ici à 2010 et qu'elle ne pourra se prévaloir de la clause permettant à un pays engageant des réformes structurelles pour renforcer sa croissance potentielle de bénéficier des dérogations.
Du côté gauche de l'hémicycle, nous comprenons trop bien ce que cela signifie ! Non seulement vous privez la puissance publique de toute marge de manoeuvre pour financer l'avenir, mais, d'ici peu, quand il faudra remettre la feuille de route à Bruxelles, nous savons que la facture se paiera par une augmentation des prélèvements, notamment des prélèvements sociaux. Que vous les rebaptisiez « franchises » ne changera rien à l'affaire !
Nous n'oublions pas, par ailleurs, la promesse du candidat de l'UMP en début de campagne présidentielle de baisser le taux des prélèvements obligatoires de 4 points. Cela représenterait quatre fois le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche ou une réduction de 50 % des dépenses de santé.
Au demeurant, aucun pays n'a atteint cet objectif, pas même le Royaume-Uni de Mme Thatcher !
Nous pressentons que les coupes dans les budgets se traduiront par une baisse des services publics, qui sont la seule richesse des pauvres. C'est pour cela que la dette est leur ennemi ; en l'aggravant, vous les pénalisez une fois encore.
Alors, restent les ventes d'actifs que vous avez engagées et celles que vous ne voulez pas encore avouer ; je pense aux entreprises du secteur énergétique.
M. Robert Bret. EDF !
Mme Nicole Bricq. Reste également le relèvement de la TVA.
J'accepte, monsieur le président de la commission des finances, d'engager ce débat. Cependant, je vous demande en préalable de ne pas prendre en otages les pays européens qui ont relevé leur taux de TVA, ni l'Allemagne, qui a su, sous le gouvernement du chancelier Schröder, un social démocrate, prendre les moyens de restaurer la compétitivité, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
Mme Nicole Bricq. ... ni le Danemark, qui a su conserver un haut niveau de protection sociale ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
Mme Nicole Bricq. ... lui permettant d'être tout à la fois très compétitif et très protecteur à l'égard des salariés dans leurs parcours individuels. Un chômeur dispose, en effet, là-bas de quatre fois plus d'aides pour retrouver un emploi qu'un chômeur dans notre pays.
En France, moins de 10 % des chômeurs bénéficient d'une formation professionnelle. Je vous renvoie sur ce point à l'étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, qui a été publiée ces jours-ci.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Bricq, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme Nicole Bricq. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'oratrice.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ai bien entendu votre propos, madame.
Si nous voulons avancer, il faut qu'ensemble, au-delà des clivages politiques, nous puissions briser un certain nombre de tabous.
La mondialisation est là, incontournable et assez largement irréversible. Quels enseignements en tirons-nous ?
Laissons de côté les a priori. Vous évoquez la TVA : une fois encore, je veux qu'il soit bien clair qu'il ne s'agit pas d'engager une réforme pour financer les déficits. Cette réforme, si elle doit se faire, se fera à prélèvements constants.
Quoi qu'il en soit, débattons-en !
Mme Nicole Bricq. On a déjà commencé !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite que nous puissions, sans attendre, créer les conditions pour que ce débat ait lieu !
M. Michel Charasse. Il ne faut pas rêver !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. J'en arrive à ma conclusion.
En réalité, si c'est un pari de votre part, madame la ministre, il est d'abord d'ordre idéologique.
Vous pouvez bien promettre un rapport sur un impôt forfaitaire pour les plus hauts revenus afin de satisfaire à la mauvaise conscience de vos soutiens plus que pour répondre à notre indignation, mais, au fur et à mesure que le voile se lève sur vos projets législatifs, nous sommes fixés quant à vos intentions réelles !
Dans ce contexte, monsieur le haut-commissaire, le revenu de solidarité active nous paraît davantage être une concession obligée que l'expression d'une franche volonté de réinsérer dans l'emploi ceux qui en sont les plus éloignés.
J'ai lu, dans votre lettre de mission, que vous étiez chargé de réformer en profondeur la prime pour l'emploi. M. le rapporteur général en a dit un mot tout à l'heure et je m'y arrêterai un instant.
J'ai bien compris en trois jours de débats que la majorité, par la voix du rapporteur général, a posé le problème de la coexistence de ce système avec celui de la prime pour l'emploi qui, si j'en crois mes informations, s'élèvera à 2 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh, non, c'est plus que ça !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s'agit de 4,2 milliards d'euros !
Mme Nicole Bricq. J'étais encore loin du compte ! C'est un montant considérable !
Le dispositif de la prime pour l'emploi a été créé, il faut le rappeler, monsieur le haut-commissaire, puisque vous êtes remonté à un passé qui n'est pas si lointain, par le gouvernement Jospin.
Il a été instauré, précisément, pour permettre à ceux qui voulaient retrouver un emploi de ne pas perdre le bénéfice d'un certain nombre d'avantages. C'est dans le même esprit que vous créez aujourd'hui le revenu de solidarité active. Or c'est la majorité sortante qui a détourné cette prime pour l'emploi de son objectif ! Evidemment, quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne veut pas le tuer, on veut le soigner !
Mme Nicole Bricq. Aujourd'hui, compte tenu de la montée en puissance du revenu social d'activité, compte tenu également du fait que la clé de répartition - M. Vasselle l'a rappelé - n'est pas claire entre les départements et l'État, ...
M. Guy Fischer. Pas claire du tout !
Mme Nicole Bricq. ... vous allez « tuer » la prime pour l'emploi, ce qui vous permettra d'offrir une obole aux départements.
On sait comment les choses se passent la première année et on sait également comment elles finissent, à savoir toujours mal pour les collectivités territoriales ! C'est une pratique constante, quels que soient, du reste, les gouvernements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Charasse. Droite et gauche confondues, d'ailleurs !
Mme Nicole Bricq. Quoi qu'il en soit, au vu de la globalité de ce « paquet », le revenu social d'activité ne fera pas oublier le cynisme qui sous-tend l'ensemble des mesures à l'égard de ceux qui sont déjà les mieux pourvus face à la globalisation et à la marchandisation qui l'accompagne.
Madame la ministre, je terminerai en évoquant vos propos hardis, à l'Assemblée nationale - j'avais déjà pu apprécier, lorsque vous étiez ministre déléguée au commerce extérieur, votre intelligence -, et je note que vous les avez quelque peu atténués devant la Haute Assemblée.
Je ne trancherai pas ici la question de savoir si la lutte des classes doit être renvoyée aux livres d'histoire, comme vous le souhaitez. Ce que je sais, c'est qu'en France, en 2007 - c'est vérifiable - un ouvrier a cinq fois plus de risques de tomber gravement malade qu'un cadre supérieur !
Sans doute faut-il que nous, socialistes, nous rénovions profondément notre compréhension de la société et du monde pour entrer dans le XXIe siècle, afin de permettre à ceux que nous prétendons représenter d'affronter les périls de ce siècle.
M. Alain Gournac. Les ouvriers n'ont pas voté pour vous !
Mme Nicole Bricq. En revanche, votre compréhension me paraît dater du XIXe siècle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la ministre, attendez-vous donc à ce que nous combattions vigoureusement ce texte à l'intitulé trompeur ; c'est notre droit d'opposition, c'est notre message, c'est notre devoir envers l'opinion ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la ministre, permettez-moi d'emblée de vous faire part de la perplexité de mon groupe devant le projet que vous nous soumettez aujourd'hui et des interrogations qu'il suscite dans nos rangs.
M. Michel Mercier. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention votre intervention et lu très attentivement ce qu'a écrit le président de la commission des finances. Nous avons également été très attentifs aux magnifiques explications de M. le rapporteur général, qui a d'ailleurs parlé de bien d'autres choses que du texte lui-même, (Sourires.)...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une discussion générale, nous y viendrons lors de l'examen des articles !
M. Michel Mercier. ... et nous avons quelques interrogations.
Madame la ministre, nous nous posons une première question, à laquelle j'aimerais que vous puissiez nous apporter des réponses claires, susceptibles d'entraîner notre adhésion, car, si nous ne manquons pas de bonne volonté, encore faut-il la nourrir : ce texte sera-t-il efficace ?
M. Michel Mercier. Eh oui, monsieur le secrétaire d'État, lorsque l'on est aux affaires, c'est l'efficacité qui compte !
Madame la ministre, les mesures que vous nous présentez seront-elles de nature à entraîner un sursaut de croissance ? Dans l'affirmative, nous n'avons évidemment aucune raison de faire la fine bouche. Mais s'il s'agit simplement de doper la consommation sans conséquences réelles sur la croissance, nous sommes conduits à nous interroger sur le bien-fondé de ce texte.
Je ne reprendrai pas en détail tout ce qui a déjà été excellemment dit. Néanmoins, je souhaite revenir sur un certain nombre de mesures, auxquelles d'ailleurs nous n'avons pas d'opposition de principe. Il est, en effet, arrivé à nombre d'entre nous, notamment lors de la campagne pour l'élection présidentielle, de développer des idées voisines, sinon identiques.
S'agissant, par exemple, des heures supplémentaires, nous sommes d'accord pour dire que ceux qui veulent travailler plus afin de gagner plus d'argent doivent pouvoir le faire. Le système proposé peut susciter des interrogations dans ses modalités, non dans son principe.
On peut toutefois se demander s'il n'est pas un peu compliqué dans sa gestion quotidienne, s'il ne va pas entraîner un certain nombre de difficultés, si des arbitrages ne devront pas intervenir à l'intérieur de l'entreprise entre hausses de salaires ou créations d'emplois et heures supplémentaires.
Nous savons bien qu'il faut travailler plus en France, mais notre souci premier est que plus de gens aient un travail. Si la notion de partage du travail nous a conduits, parce qu'elle a échoué dans son application, à abandonner un peu trop vite l'idée qu'il faut mettre plus de gens au travail, elle reste - ne l'oublions pas ! - une réalité fondamentale pour relancer la croissance.
Je ne suis pas persuadé que le mécanisme qui nous est proposé puisse le permettre, mais nous sommes d'accord sur la nécessité d'aller au-delà de ce qui existe aujourd'hui en matière d'heures supplémentaires. Peut-être aurait-il, d'ailleurs, été plus simple de supprimer la loi sur les 35 heures plutôt que de la contourner ! Nous serions arrivés à un résultat similaire. ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. Guy Fischer. Cela aurait été moins hypocrite !
M. Michel Mercier. Il vaut mieux dire les choses et les faire que de toujours tourner autour du pot !
M. Guy Fischer. Pour une fois, nous sommes d'accord ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Il faut bien que cela arrive !
S'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, nous souscrivons également aux mesures que vous proposez, qui visent à inciter les redevables à payer leur impôt en investissant dans les PME. J'espère simplement qu'on ne sera pas un jour tenté d'augmenter l'impôt afin d'assurer plus d'investissements dans les PME...
M. Gérard Delfau. Mais si !
M. Michel Mercier. Ce serait pousser le système à son paroxysme et donc y mettre fin.
Là encore, supprimer l'ISF serait plus clair et plus simple. Mais nous n'avons pas de problème philosophique ni d'hostilité de principe sur la proposition formulée. Nous vous suggérerons un certain nombre d'amendements visant à élargir le champ des bénéficiaires de l'investissement ou le choix des investissements réalisés.
Nous sommes un peu plus dubitatifs sur plusieurs autres mesures, même si leur objectif est clair et louable, puisqu'il s'agit d'augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Ainsi, pour ce qui est de l'instauration d'un crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunts, la prise en compte des emprunts antérieurs à la publication de la future loi est-elle vraiment justifiée ? L'application de cette mesure pour des emprunts déjà réalisés n'est sûrement pas de nature à inciter plus de gens à devenir propriétaires, puisque ceux qu'elle concerne ont déjà acheté et déjà emprunté. Sur ce point, nous pouvons donc nous interroger.
Sur les droits de succession, nous souscrivons à l'exonération des droits de succession entre conjoints.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Michel Mercier. Il faut, en effet, que les biens acquis ensemble puissent ensuite profiter au conjoint survivant.
Nous sommes plutôt favorables aux mesures visant les donations. Si l'on peut ainsi apporter une aide aux jeunes générations, qui en ont bien besoin, notamment pour acquérir un appartement, c'est une très bonne chose.
J'ai dit ce que nous pensions du bouclier fiscal à propos de l'ISF. Toutefois, si l'impôt ne doit pas devenir confiscatoire, il faut aussi trouver des formules qui permettent aux classes moyennes de s'y retrouver.
Concernant ces deux mesures, qui sont assez proches, notamment pour ce qui est de la prise en compte de l'habitation principale, il me semble qu'un abattement en pourcentage peut poser problème et qu'un abattement forfaitaire serait de nature à mieux aider les classes moyennes. Nous proposerons d'y réfléchir.
En tout état de cause, l'ensemble de ces dispositions représente un coût important - 15 milliards d'euros en 2010 - et on assistera à une montée en charge, comme l'ont excellemment rappelé le président de la commission des finances et le rapporteur général.
Il faudra bien que vous nous expliquiez, madame la ministre, comment va pouvoir être comblé ce déficit budgétaire et comment vous comptez économiser 80 milliards d'euros d'ici à 2012 ; cela ne sera ni évident ni facile !
La relance de la croissance passe, selon nous, par une politique d'investissements massifs, notamment dans la recherche et dans l'enseignement supérieur. À cet égard, la loi récemment adoptée nous a laissés un peu sur notre faim.
Il faut à l'évidence revoir notre fiscalité, qui pèse trop sur la production dans notre pays...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Mercier. ..., et aller vers d'autres formes, ainsi que Jean Arthuis - qui en a parlé plus savamment que je ne saurais le faire - et Nicole Bricq l'ont souligné.
Stimuler la croissance nous semble essentiel et nous voudrions - j'y insiste - êtres sûrs que les mesures contenues dans ce projet vont aller dans ce sens. Sinon, le seul argument - il est loin d'être sans valeur - en faveur de ce texte sera celui que M. le rapporteur général a exprimé au début de son intervention : le respect d'engagements politiques pris au cours de la campagne électorale. En votant, les Français ont approuvé ces mesures et ils ont bien le droit de les voir maintenant mises en oeuvre.
C'est un argument fort, qui a son poids, mais je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez ajouter à cet argument de nature exclusivement politique des justifications économiques pour que la satisfaction ne soit pas seulement immédiate mais qu'elle soit pérenne.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Michel Mercier. Je voudrais maintenant évoquer brièvement le revenu d'activité, présenté par M. le haut- commissaire.
Je suis d'accord avec sa proposition, mais je tiens à lui rappeler - il le sait parfaitement - qu'il faut se méfier en ce domaine de tout angélisme. Il lui faudra accepter de « mettre les mains dans le cambouis » afin que la décentralisation qui a été mise en place fonctionne.
Dans le département que Mme Dini, M. Fischer et moi-même avons l'honneur d'administrer, le nombre d'allocataires du RMI a diminué, en un an, de 3 454, soit d'un peu plus de 10 %, ce qui n'est pas négligeable.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Michel Mercier. Or nous payons, chaque mois, à la caisse d'allocations familiales 20 % de plus, sans qu'il soit possible de savoir pourquoi !
Tous les mois, nous recevons ce type de facture (M. Michel Mercier brandit un document.), et il nous est demandé de payer 10 millions d'euros dans les trois jours. Quand vous êtes élu local et que vous devez achetez une livre de pointes à la serrurerie du coin pour que le cantonnier puisse réparer un banc, il faut un ordre de service, une délibération du conseil municipal et trois certificats attestant que le service a été rendu, et, lorsqu'il s'agit de payer, on vous dit que c'est n'est pas possible parce que la facture est mal faite ! (Sourires.)
Mme Raymonde Le Texier. C'est du vécu !
M. Michel Mercier. En ce qui concerne la CAF, nous recevons tous les mois une facture de 10 millions d'euros - ce qui correspond quand même à trois points d'impôt ! - et quand nous demandons pourquoi nous devons payer plus alors que nous comptons 3 454 bénéficiaires du RMI en moins, on nous répond que les liaisons informatiques sont rompues depuis 2004 entre l'UNEDIC et la Caisse nationale d'allocations familiales, qu'on ne peut entrer qu'une fois par an dans le système informatique des services fiscaux et que, pour le reste, on n'en sait rien du tout !
M. Pierre Fauchon. Quel département !
M. Michel Mercier. Eh oui, monsieur Fauchon, ce n'est pas le Loir-et-Cher, sinon tout irait mieux, nous le savons bien, n'est-ce pas ? (Sourires.)
Je suis d'accord pour que toutes sortes d'expérimentations soient faites.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a des économies de gestion à réaliser, c'est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. Fischer va s'en occuper ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier. Néanmoins, je vous conjure, monsieur le haut-commissaire, de vous préoccuper aussi de ce genre de détails !
Je suis favorable au RSA, à tel point que nous l'avons déjà mis en oeuvre dans mon département, sans avoir le droit de l'expérimenter. Nous le faisons en vertu d'une règle simple : quand on travaille, on perçoit plus d'argent que quand on ne travaille pas.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellente règle !
M. Michel Mercier. Cela fait longtemps que nous appliquons cette règle et nous nous y tiendrons. Mais il faut aussi que, derrière, toute l'ingénierie fonctionne, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et cela ruine tous les efforts qui sont entrepris.
Nous sommes candidats à l'expérimentation. Mais nous avons bien compris que notre département avait peu de chances d'être retenu puisque, si l'article 10 est bien fait, l'article 11 prévoit que, pour être autorisé à participer à l'expérimentation - dans le cas où le nombre des candidatures reçues excède dix, ce qui va sûrement arriver - il faudra avoir un revenu fiscal faible et de nombreux RMIstes.
Cela signifie que les seuls départements expérimentateurs seront les départements pauvres. Pour ma part, je les plains, madame la ministre ! En effet, ils devront en plus participer au financement du RSA. Je vous suggère donc de retenir également quelques départements qui ne soient pas trop pauvres, afin de donner corps à l'expérimentation que nous sommes prêts à effectuer.
Telles sont nos interrogations, mais nous ne demandons qu'à être convaincus. Madame la ministre, il vous appartient donc de nous apporter des réponses et de nous démontrer que ce projet de loi, qui coûtera tout de même 15 milliards d'euros, permettra effectivement de relancer la croissance. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - M. Gérard Delfau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, après les critiques de Mme Bricq et la perplexité interrogative de M. Mercier, je suis porteur...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'une approbation totale !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... du soutien du groupe de l'UMP au présent projet de loi (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP), et ce pour deux raisons.
D'une part, comme l'ont rappelé M. le rapporteur général et M. le rapporteur pour avis, ce projet constitue la transcription législative des promesses formulées par le candidat à l'élection présidentielle que nous avons soutenu et qui a été élu par les Français. D'autre part, et cela a été moins évoqué, si l'on considère le contexte international, on constate que l'économie française est à la traîne. À l'heure actuelle, nous avons un faible taux de croissance, qui est inférieur à 2 %. Cela tient à toute une série de facteurs et de blocages, en particulier la défiance des chefs d'entreprise, des salariés, des professions intermédiaires, des fournisseurs et de l'ensemble de nos partenaires.
Ces différents acteurs craignent que nous ne parvenions pas à remettre en place notre système de finances publiques et - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général l'ont souligné - que les formalités administratives ne soient de plus en plus compliquées.
À cet égard, les différentes mesures de simplification que nous avons adoptées depuis une dizaine d'année n'ont, en réalité, fait qu'alourdir les procédures. De ce point de vue, permettez-moi de mentionner le récent changement de jurisprudence du Conseil d'État sur les marchés publics. Désormais, n'importe quel citoyen pourra attaquer tout marché public passé par l'État ou les collectivités locales.
M. Alain Gournac. C'est intelligent, cela !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà typiquement une décision de nature à faciliter les investissements et à accélérer le renouveau de notre pays ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Vous l'avez compris, une telle évolution jurisprudentielle me semble tout à fait malvenue.
Après la période électorale, qui a été longue, difficile et ponctuée de nombre de débats, le contexte international exigeait un choc de confiance. Ce choc de confiance, c'est le texte législatif qui nous est présenté. Nous le soutenons, car il correspond aux orientations qui sont les nôtres et comporte des dispositions axées sur le renouveau et la redynamisation de l'ensemble des acteurs économiques et sociaux de notre pays.
Madame la ministre, vous avez fait une excellente présentation, à la fois pragmatique et très concrète, du projet de loi. Certes, vous êtes souvent attaquée pour des raisons idéologiques, au nom de débats sans cesse recommencés ; c'est encore le cas pour ce texte législatif. Mais, si vous me le permettez, je souhaiterais vous adresser des félicitations « confraternelles » pour votre brillante intervention. (Mme la ministre salue et sourit.) Je salue également M. le haut-commissaire, dont je connais la compétence et la connaissance précise du dossier qu'il a abordé.
À mon sens, le présent projet de loi appelle quatre observations.
Ma première observation concerne l'aspect le plus important, et également le plus coûteux, du projet de loi : la revalorisation du travail dans notre société. (Murmures ironiques sur les travées du groupe CRC.) Comme M. le rapporteur général le soulignait - je le précise, nous ne nous étions pas concertés (Sourires) -, cette volonté est présente à la fois dans le dispositif relatif à l'expérimentation du revenu de solidarité active et dans les mesures de défiscalisation des heures supplémentaires.
En effet, le revenu de solidarité active peut, me semble-t-il, représenter un élément important pour le retour au travail de plusieurs centaines de milliers de personnes. Si cet objectif est atteint, je suis persuadé que le choc de confiance sera positif et que les résultats seront satisfaisants.
Quant à la défiscalisation des heures supplémentaires, je souhaiterais, mes chers collègues, que ne ressuscitions pas de faux débats. Estimer, comme certains le font, qu'il faudrait bloquer les heures supplémentaires pour favoriser la création d'emplois traduit une méconnaissance de la situation réelle des entreprises. Lorsque l'on sollicite des professionnels pour effectuer des travaux de menuiserie ou de réfection d'appartement ou d'immeuble, on tombe souvent sur des entreprises qui n'arrivent pas à recruter du personnel, parce que notre système de formation n'est pas efficace. Dans ces conditions, le recours aux heures supplémentaires est la seule solution.
En conséquence, les dispositions visant à débloquer le mécanisme malthusien de surtaxation des heures supplémentaires constitueront certainement un élément d'augmentation de l'activité et du pouvoir d'achat, ce qui pourra ensuite déboucher, et de manière tout à fait « capillaire », sur de nouvelles créations d'emplois dans notre société.
Mme Raymonde Le Texier. Mais non ! Les 220 heures supplémentaires qui sont déjà autorisées ne sont pas utilisées !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le dispositif relatif au revenu de solidarité active et les mesures de défiscalisation des heures supplémentaires sont donc tout à fait de nature à dynamiser notre économie. Pour moi, c'est la première qualité du projet de loi.
Toutefois, monsieur le haut-commissaire, avec votre permission, j'aimerais vous adresser une très légère observation.
M. Jean-Pierre Fourcade. Certes, notre pays est composé de 100 départements. Mais certains sont petits, d'autres grands.
Dans ces conditions, pour remettre au travail un certain nombre de personnes aujourd'hui en inactivité et en assistanat, il ne faut pas hésiter à décentraliser au maximum, notamment en transférant des compétences des départements vers les communautés urbaines, les communautés d'agglomération ou les communautés de communes, voire les communes.
En effet, c'est sur le terrain que l'on arrive à connaître les problèmes concrets des personnes en situation de difficulté ou de pauvreté. Je le crains, figer le système au niveau départemental risquerait, comme c'est le cas pour le RMI - j'avais beaucoup travaillé sur ce dossier lors de la création du dispositif -, de créer un blocage ne permettant pas d'appréhender la réalité du terrain.
Essayez donc de décentraliser au maximum, afin que l'on puisse établir des conventions, par exemple au niveau des communautés d'agglomération. Cela permettra de mobiliser tous les travailleurs sociaux et les acteurs de terrain pour favoriser le retour à l'emploi de personnes qui le demandent et qui peuvent y parvenir.
Ma deuxième observation concerne un sujet sur lequel vous n'avez peut-être pas suffisamment insisté, madame la ministre, mais M. le rapporteur général s'en est chargé.
L'instauration d'un crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour l'acquisition ou la construction de la résidence principale, dispositif qui a d'ailleurs été élargi par l'Assemblée nationale aux déménagements pour raisons professionnelles, et la suppression à 95 % des droits de succession sont deux mesures extrêmement importantes, et ce pour deux raisons.
D'abord, ce sont deux mesures pérennes. Il s'agira donc non pas d'une simulation immédiate qui serait sans lendemain, mais bien d'un dispositif dont les effets seront permanents pendant les cinq ans qui viennent. Le crédit d'impôt se traduira par une réduction des prélèvements obligatoires pour les personnes désirant acquérir leur appartement ou leur maison. Quant à la réforme des droits de succession, elle permettra, selon moi, de relancer la demande. Je trouve donc qu'il s'agit d'une très bonne mesure. Lors de l'examen des articles, nous aurons l'occasion de débattre des modalités de mise en oeuvre de ces deux dispositifs.
Ensuite, peut-être faudra-t-il un jour envisager un système plus avantageux pour les primo-accédants à la propriété, notamment les jeunes ménages désireux d'acquérir un bien immobilier, par exemple en conciliant le crédit d'impôt et le prêt à taux zéro.
C'est, me semble-t-il, de cette façon que nous pourrons favoriser les primo-accédants à la propriété, ce qui est notre objectif général, en tout cas au sein de la majorité présidentielle. En effet, selon nous, il n'est pas normal que notre pays soit en retard par rapport aux Allemands, aux Espagnols, aux Belges - ces derniers sont beaucoup plus avancés que nous en matière d'accession à la propriété -,...
Mme Marie-France Beaufils. Mais à quel prix !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... aux Anglais ou aux Autrichiens. À mon sens, il s'agit d'un sujet très important.
Ma troisième observation porte sur le fameux « boulier fiscal », qui ne mérite pas tout le battage dont il a fait l'objet.
Madame la ministre, vous avez essayé, et je tiens à vous en féliciter, de rendre l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, un peu plus intelligent qu'il ne l'est. Autrefois, j'ai entendu des chefs d'État qualifier tel ou tel prélèvement obligatoire d'« impôt imbécile ». L'ISF n'est pas un impôt imbécile, mais il a pour caractéristique d'inciter les détenteurs de gros patrimoines, qu'il s'agisse d'artistes, de footballeurs, de tennismen ou de grands entrepreneurs, à s'expatrier.
Il est donc, je le crois, nécessaire d'afficher clairement que les prélèvements acquittés par un contribuable ne peuvent excéder 50 % de ses revenus. Je trouve ce chiffre très important.
D'ailleurs, les pays jadis sociaux-démocrates - je pense notamment à la Suède, à la Finlande et au Danemark -, qui avaient des fiscalités très confiscatoires avec des taux d'imposition très élevés, sont tous revenus à des taux inférieurs à 50 %, car ils ont compris la nécessité de fixer un plafond.
Mme Nicole Bricq. Mais leurs taux d'imposition sont supérieurs aux nôtres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces pays ont supprimé l'impôt sur la fortune ou sont en voie de le faire !
M. Jean-Pierre Fourcade. De même, la cour constitutionnelle allemande a estimé qu'un taux de prélèvement supérieur à 50 % était confiscatoire. C'est, me semble-t-il, une décision de bon sens.
L'Assemblée nationale a complété le dispositif proposé dans le projet de loi en augmentant l'abattement d'ISF sur la résidence principale. Je ne sais pas si cela aura un effet, mais je pense que qu'il s'agit d'une mesure positive.
L'élément fondamental de ce projet de loi est la possibilité d'affecter une partie de l'impôt exigible à des investissements dans les PME. À cet égard, je partage l'avis de la commission des finances : il ne faut pas qu'une telle déduction fiscale, qui est importante - vous avez fixé, madame la ministre, des objectifs relativement élevés -, serve à faciliter des opérations purement bancaires ou des placements financiers classiques.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Au contraire, il faut stimuler la création et la survie de petites ou de moyennes entreprises. En effet, nous le savons tous, l'un de nos problèmes actuels est l'insuffisance de PME exportatrices capables de créer des emplois.
Au cours de la discussion des articles du projet de loi, nous trouverons, je le crois, une formule pour faciliter le développement des PME par la déductibilité de l'ISF.
Mes chers collègues, souvenons-nous qu'une telle faveur fiscale n'est qu'un substitut à la grande erreur du gouvernement Jospin, l'interdiction pour la France d'avoir des fonds de placement. Lorsque l'on voit comment fonctionnent dans notre pays les fonds de placement, qu'ils soient espagnols, allemands, anglais, néerlandais, on ne se rend bien compte que l'absence de dispositif similaire constitue une faiblesse pour la France. Je souhaite donc que la déductibilité en matière d'ISF soit un élément de substitution et permette de financer la recherche, les institutions d'utilité publique et les PME, parce que nous devons absolument les développer.
Enfin, j'en viens à ma quatrième observation.
Tout comme M. le président de la commission des finances, je suis un peu plus réservé sur l'encadrement des pratiques salariales des grandes entreprises. En effet, on ne peut pas à la fois constater que la mondialisation est là, prétendre vouloir développer la compétitivité de nos entreprises et faire jeu égal en matière d'offres publiques d'achat avec l'ensemble des entreprises mondiales, tout en instituant un dispositif législatif d'encadrement des rémunérations ou des bonus de sortie et des parachutes qui serait trop réglementaire ou trop précis.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De toute façon, le système sera contourné : les entreprises auront leur siège à Amsterdam !
M. Jean-Pierre Fourcade. On ne peut pas mener une politique et son contraire. Plus exactement, c'est le fait d'avoir mené des politiques contradictoires dans de nombreux domaines qui explique les difficultés rencontrées par notre pays en matière de croissance et d'attractivité de notre économie.
Si une entreprise importante nouvellement installée en France apprend qu'elle sera soumise à un encadrement législatif pour la rémunération des membres de son conseil d'administration et de son président, elle aura tout intérêt - d'ailleurs, c'est ce qu'elle fait - à établir son siège social aux Pays-Bas, en Autriche ou ailleurs. (M. le président de la commission des finances acquiesce.) C'est donc un élément de notre faiblesse en matière de développement économique qui sera pérennisé.
C'est la raison pour laquelle je m'en tiendrai au texte initial du Gouvernement. Je ne soutiens pas l'amendement qui a été adopté à l'Assemblée nationale. En effet, fort de mon expérience passée en matière de direction d'entreprises, je ne partage pas ce souci moraliste consistant à raisonner à tout prix dans un cadre franco-français tout en affirmant que la mondialisation est là et que l'on ne peut pas s'y opposer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, monsieur le haut-commissaire, par son caractère global et ses orientations, et malgré les perplexités qu'il suscite - je comprends très bien les réserves de M. Mercier -, votre projet de loi correspond à ce que le groupe UMP attendait pour stimuler notre économie et améliorer le pouvoir d'achat d'un très grand nombre de nos concitoyens. Il ne s'agit pas du tout d'une opération en faveur de quelques riches, comme le disent la presse ou les gens mal informés. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas gentil pour les journalistes !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce projet de loi intéresse au contraire un très large public : combien de jeunes ménages veulent acquérir un logement, combien de nos concitoyens attendent la réduction des droits de succession et l'augmentation des heures supplémentaires !
Je ne dois pas cacher, pour conclure, que beaucoup se demandent si ce projet de loi n'est pas trop coûteux. Pourrez-vous l'intégrer dans la perspective budgétaire et fiscale que nous devons suivre au cours des prochaines années, madame la ministre ? Nous attendons votre réponse.
Mes chers collègues, si nous observons, vers la fin de l'année prochaine, que le taux de croissance a nettement augmenté et se situe entre 2 % et 3 %, et non pas entre 1 % et 2 % comme aujourd'hui, si le chômage continue de reculer comme il le fait depuis un certain nombre de mois et si notre balance commerciale cesse de se dégrader, ce qui prouverait que la stimulation de la demande ne profite pas qu'aux importations, nous serons alors unanimes à constater que le Président de la République et le Gouvernement ont eu raison de croire au dynamisme retrouvé des acteurs économiques et de l'ensemble des Français ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Frimat. Quel optimisme !
M. Jean Desessard. Presque béat...
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la campagne présidentielle a permis d'affirmer entre autres une évidence, « travailler plus pour gagner plus », qui sonnait auparavant comme une incongruité. Nous avions oublié que notre pays s'est bâti sur le travail. Notre fiscalité donne-t-elle aujourd'hui envie de travailler ? Il faut restaurer l'envie en tant que vertu fondatrice !
Réhabiliter le travail comme moyen d'enrichissement individuel et collectif, récompenser l'initiative et l'esprit d'entreprise, favoriser la constitution et la transmission des patrimoines, stimuler la compétitivité : voilà vos objectifs, ambitieux, mais nécessaires, et nous ne pouvons qu'y souscrire.
Si la rupture fut le thème spécifique de la campagne présidentielle, il apparaît que la méthode du contournement a souvent été choisie.
Le Président de la République vient de prendre l'engagement devant l'Eurogroupe de ramener le déficit de la France à 2,4 % du PIB d'ici la fin de l'année et à 2,3 % à la fin de 2008. A contrario, votre « paquet fiscal » contribue sans conteste à alimenter substantiellement la spirale des dépenses de l'État. Son coût est estimé aujourd'hui à 13 milliards d'euros en année pleine, et à 1,5 milliard d'euros rien qu'en 2007. Encore s'agit-il là d'un calcul provisoire.
La mesure la plus coûteuse, la défiscalisation des heures supplémentaires dans le secteur privé, est actuellement estimée à 6 milliards d'euros. Mais cette évaluation n'inclut que les heures supplémentaires effectuées dans le secteur privé, soit 800 millions d'heures. Ce coût prévisionnel n'intègre pas les heures supplémentaires du secteur public - 100 millions d'heures -, ni les heures complémentaires - entre 100 et 200 millions d'heures - ni les effets induits, soit une centaine de millions d'heures supplémentaires. On peut estimer le coût global de cette défiscalisation à 10 milliards d'euros. (M. Jean Desessard approuve.)
Puis-je vous rappeler, madame la ministre, que votre gouvernement s'est engagé à faire disparaître en quatre ans le déficit de fonctionnement de l'État, qui s'élève à 22 milliards d'euros en 2007 ? Cet engagement suppose une réduction du déficit de 5 milliards d'euros par an, sans dépenses nouvelles. Le présent texte n'en prend pas le chemin.
Votre collègue, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique l'a dit dans cet hémicycle, lundi dernier : la rigueur budgétaire passe d'abord par la réduction des dépenses.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. J'y ajouterai la compensation des dépenses nouvelles que j'avoue avoir du mal à discerner dans votre texte, madame la ministre. Si vous prônez la rupture, voici une proposition : économisons les 15 milliards d'euros payés aux entreprises pour qu'elles travaillent moins. Abrogeons cette dépense absurde !
La comparaison internationale nous est clairement défavorable : notre taux global de prélèvements obligatoires sur les entreprises - 17,8 % - est le plus élevé de la zone euro après la Suède ; notre taux effectif moyen d'impôt sur les sociétés est le plus élevé de l'Union européenne, avec 34,8 % ; le poids des cotisations sociales à la charge de nos entreprises est le plus élevé de l'Union européenne, avec 11,1 %.
Nous devons totalement revoir notre fiscalité en la replaçant dans le cadre de la mondialisation : donnons envie aux investisseurs, aux chercheurs, aux inventeurs, aux cadres supérieurs, aux entrepreneurs, à tous, de travailler en France ! L'envie est un moteur essentiel de l'activité.
Une des mesures d'allégement fiscal que vous proposez d'instituer va permettre à nos compatriotes de transmettre leur patrimoine dans des conditions justes. Il était cruel que des époux ne puissent se transmettre la maison, chargée des souvenirs d'une vie, dans laquelle ils avaient vécu, sans que l'État vienne ponctionner le prix du deuil à son profit. Désormais, 93,8 % des successions seront exonérées de droits : parmi elles, beaucoup de patrimoines construits à partir de rien ou de très peu. Nous sommes bien loin de l'image réductrice du rentier oisif !
L'article 6 du projet de loi, qui concerne l'ISF, essaie d'atténuer les conséquences plutôt que d'attaquer les causes. Où est la rupture ? L'idée de permettre à un contribuable d'affecter 75 % de son ISF à une PME ou à un organisme d'intérêt général est très subtile et stimulante pour l'économie. Mais vous nous démontrez ainsi, madame la ministre, que nous sommes parmi les meilleurs au monde dès lors qu'il s'agit de trouver un remède complexe à une pathologie que nous avons nous-même créée ! Plus les revenus sont élevés, plus le devoir d'impôt est grand. Mais l'État a un devoir d'efficacité. Il a été calculé, et non contesté, que la suppression de l'ISF doublerait la recette résultant de son maintien !
Le bouclier fiscal n'était jusqu'à aujourd'hui que le dernier avatar de cet impôt. Or, au 30 juin 2007, sur les 93 000 contribuables éligibles à ce dispositif, seules 1 750 restitutions avaient été réalisées, pour un montant de 100 millions d'euros. Il est souhaitable que vous nous expliquiez pourquoi ce chiffre est aussi faible, alors que le Gouvernement tablait, en 2006, sur 80 000 demandes. Au final, ce bouclier a-t-il fait et fera-t-il revenir les capitaux expatriés ? Endiguera-t-il les fuites envisagées ? Je crains que non. Ne serait-il pas plus simple, madame la ministre, d'éradiquer la source de ces débats et ajustements sans fin ?
La seule véritable réforme économique d'ampleur ne peut être que structurelle. Votre politique de relance de la consommation ne s'adresse qu'au court terme et ne dispense en rien de l'effort de transformation profonde de l'État qui s'impose. Le courage est nécessaire pour réaliser des économies vitales, gageons que vous n'en manquerez pas !
En conclusion, les mesures de ce projet de loi vont dans le sens d'une heureuse réhabilitation du travail, de l'envie d'entreprendre et du désir de consommer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Je souhaite, madame la ministre, qu'il ne s'agisse que d'une première étape qui annonce une réforme en profondeur de toute notre structure économique. Vous instillez un nouvel esprit, alors que nous attendions un nouveau souffle qui s'appelle enthousiasme, esprit de conquête, confiance dans l'avenir !
Dans l'espoir de cet avènement, la majorité du groupe RDSE vous apportera son soutien. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, le temps imparti aux non-inscrits étant extrêmement restreint, je renoncerai à toute fioriture pour aller droit au but !
Monsieur le haut-commissaire, je suis président de conseil général. J'ai demandé lundi dernier à mes services pourquoi notre département ne pouvait pas mettre en oeuvre l'expérimentation du revenu de solidarité active. (M. le rapporteur pour avis sourit.)
On m'a expliqué que ce dispositif coûterait plus cher au département et que, dans un certain nombre de cas, il pourrait avoir pour effet pervers d'assurer aux bénéficiaires du RMI et autres allocations des revenus supérieurs à ceux des salariés rémunérés au niveau du SMIC.
Comprenez qu'il est un peu difficile, pour un président de conseil général, d'aggraver l'impôt sur les ménages - nous n'avons plus désormais la faculté de faire évoluer la taxe professionnelle -, quand beaucoup de contribuables ont des revenus très modestes, pour donner à ceux qui perçoivent le RMI plus qu'aux salariés qui sont rémunérés au SMIC.
L'idée de garantir une réelle amélioration de leurs revenus aux personnes qui reprennent un travail est intéressante, c'était d'ailleurs un engagement de campagne du Président de la République, mais il insistait également sur les devoirs qu'impliquent ces nouveaux droits. Or, plus personne ne parle de ce deuxième volet !
En tant que président de conseil général, je peux vous assurer qu'il est impossible de faire reprendre le chemin du travail à ceux qui s'en étaient écartés sans poser un certain nombre d'exigences, sauf à laisser les personnes dans l'idée qu'elles ont des droits, mais aucune obligation, comme c'est hélas ! le cas pour l'instant. Lundi dernier, quand je posais cette question à mes collaborateurs, l'un des participants à la réunion m'a expliqué qu'il avait proposé un travail à un bénéficiaire du RMI qui lui aurait répondu : « Laisse-moi d'abord finir mes deux chantiers »...
Je souhaite simplement que tout le monde se souvienne, comme l'avaient d'ailleurs rappelé les deux candidats à l'élection présidentielle, Mme Royal et M. Sarkozy, que l'on ne saurait affirmer des droits au bénéfice de certaines personnes sans préciser les obligations qui en découlent à l'égard de la collectivité.
Madame la ministre, j'en arrive à l'essentiel de mon propos, qui vous concerne. J'adhère à la ligne de fond de votre texte : il faut effectivement encourager le travail par une meilleure valorisation financière et la création d'un espace de liberté à l'intention de ceux qui ont l'envie de travailler.
M. Bernard Frimat. Augmentez les salaires !
M. Philippe Adnot. Je crois qu'il faut « booster » notre économie, et la manière dont vous souhaitez utiliser l'ISF me paraît particulièrement intelligente, car il est vital pour le renouvellement de notre économie d'encourager l'éclosion de nouvelles entreprises. Favoriser la transmission de nos entreprises en réduisant les droits de mutation va également contribuer au maintien de l'emploi local. Je partage donc les préoccupations qui sous-tendent votre texte, mais je souhaite contribuer à améliorer votre dispositif sur certains aspects particuliers.
S'agissant des heures supplémentaires, je dois vous avouer que je n'ai pas totalement compris ce que vous nous proposez. (Hilarité sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Personne n'a compris !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est assez complexe, en effet !
M. Philippe Adnot. Je suis d'accord avec le principe « travailler plus pour gagner plus ». Je ne suis pas sûr cependant, et je le dis avec toute la modestie qui s'impose en la matière, que vos mesures ne créeront pas d'effet d'aubaine, ni que la complexité de l'approche ne nuise au succès de notre entreprise. Faisons l'expérience et je suis persuadé que vous saurez éventuellement en tirer les enseignements pour modifier le dispositif et, peut-être, le simplifier davantage.
Pour que tout le monde s'y retrouve, il conviendrait vraisemblablement de fusionner certaines mesures afin d'harmoniser le régime des heures complémentaires, des heures supplémentaires et des heures incluses dans les accords d'entreprise, de filière ou de branche.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La solution, c'est de revenir à 39 heures ou à 40 heures !
M. Philippe Adnot. Personnellement, et même si je n'ai pas tout compris, je vous fais confiance et je vous soutiens : nous verrons bien comment tout cela fonctionne ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Cela étant, chers collègues, je suis prêt à prendre au mot ceux qui prétendent avoir tout compris et pouvoir tout expliquer !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des affaires sociales a tout compris !
M. Philippe Adnot. Cela me réconforte ! (Sourires.)
Booster notre économie, madame la ministre, c'est un peu ma spécialité, je l'avoue quitte à paraître immodeste. Je bénéficie en effet d'une expérience concrète, pour avoir créé une technopole, une pépinière d'entreprises, un hôtel d'entreprises, notamment.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et une université de technologie !
M. Philippe Adnot. Je me suis inspiré en cela de votre exemple, monsieur le rapporteur général !
Cette expérience me permet de dire, aujourd'hui, que vous devez diversifier l'offre des dispositifs d'incitation pour que ceux-ci puissent pleinement remplir leur rôle.
Votre texte accorde à ceux qui paient l'ISF la faculté d'investir dans les entreprises : c'est parfait, n'y changez rien ! Mais ce n'est pas suffisant.
La commission des finances, dans sa grande sagesse, a pris une option consistant à permettre d'aider les business angels groupés à investir dans les PME. C'est excellent, mais cela ne correspond cependant pas à toute la palette de nos entreprises. Il faudra faire en sorte d'ouvrir cette possibilité aux start-up, aux PME en croissance et aux PME en développement.
La commission des finances a également estimé qu'elle pouvait adopter un amendement que je présenterai et qui devrait permettre de compléter votre panoplie, madame la ministre. Notre pratique régulière, quotidienne, de ces questions nous permet de connaître exactement les problèmes qui se posent lors des premiers tours de table. Il faut permettre la croissance des PME qui, demain, devront accéder à l'innovation pour gagner des parts de marché.
Je souhaite donc que vous nous fassiez confiance à cet égard : il ne s'agit pour nous que de vous aider à réussir.
Je voudrais aussi que vous preniez en considération une autre de nos propositions, visant à encourager l'investissement dans la matière grise. Dans sa rédaction actuelle, le texte permettra surtout, à mon avis, de développer la capitalisation des entreprises. C'est une excellente chose, mais il faut également que de l'argent soit orienté vers la recherche et le financement de la preuve du concept.
Il se trouve que je rédige actuellement, au nom de la commission des finances, un rapport sur le financement de la preuve du concept. Sur ce plan, nous sommes faibles en comparaison des autres pays européens. Si nous prévoyons d'allouer spécifiquement à cette fin une part du produit de l'impôt de solidarité sur la fortune aux universités, nous pourrons être particulièrement efficaces, car c'est la preuve du concept qui permettra à de nombreux projets de déboucher, et donc à de nombreuses entreprises de naître.
Une telle mesure n'est pas coûteuse, mais permettrait de marquer une direction, une indication. L'avenir de nos entreprises, la conquête des parts de marché dépendent de notre capacité à mobiliser la matière grise au profit de l'innovation. C'est là un point essentiel.
En conclusion, madame la ministre, retenez que notre démarche vise simplement à vous aider. Nous vous faisons confiance a priori sur certains aspects du texte que nous n'appréhendons pas parfaitement ; peut-être pourriez-vous, à votre tour, nous faire confiance en acceptant quelques-uns de nos amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons la discussion est un texte « de la plus haute importance et d'une portée inégalée » : c'est en tout cas ainsi que vous avez voulu le présenter, madame la ministre.
Le « paquet fiscal », dites-vous dans la presse, « va permettre de créer, comme l'a souhaité le chef de l'État, un choc de confiance. Son financement à hauteur de plus de 10 milliards d'euros, dès 2008, illustre notre volonté de redonner du pouvoir d'achat aux ménages tout en menant une politique claire de l'offre, comme l'allégement du coût des heures supplémentaires ou la possibilité offerte aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune d'investir jusqu'à 50 000 euros dans les petites et moyennes entreprises. Nous tenons les promesses de Nicolas Sarkozy, faisant le pari qu'un environnement fiscal plus favorable aux entreprises et l'allégement des contraintes pesant sur le travail feront surgir et se développer des forces créatrices de valeurs. »
Ainsi donc, pour favoriser l'emploi, le travail et développer le pouvoir d'achat, vous auriez miraculeusement découvert la solution : baisse des impôts, réduction des prélèvements obligatoires, accumulation des incitations fiscales et sociales les plus diverses !
Ces prétendues solutions me semblent relever étrangement de la reprise d'une sempiternelle rengaine : le coût du travail - ce terme recouvre, bien sûr, les salaires et les charges sociales - serait trop élevé, ce qui limiterait la compétitivité de nos entreprises. Pourtant, les exonérations de charges sociales existantes sont déjà importantes, et la Cour des comptes elle-même considère qu'elles n'ont pas eu d'effet sur l'emploi.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Vous employez aussi une formule différente de la rengaine que j'évoquai à l'instant, mais proche : il faut que les heures travaillées soient moins chères pour l'entreprise, mais sans que cela implique de créations d'emplois.
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme Marie-France Beaufils. Je ne vois pas en quoi vous apporteriez ainsi une réponse à l'ambition inscrite dans le titre du projet de loi.
Pendant la campagne électorale, nous avons régulièrement entendu des appels à la sagesse. Le spectre de la dette publique a souvent été agité pour expliquer l'impossibilité de répondre à certaines exigences des électeurs, en particulier de ceux d'entre eux qui n'en peuvent plus de vivre avec des salaires de misère.
Aussi n'est-il pas étonnant, dans ce contexte, que vous nous présentiez aujourd'hui un projet de loi qui, faisant fi de cette réalité pourtant prégnante, prévoit ni plus ni moins de consacrer entre 10 milliards et 15 milliards d'euros par an à l'allégement des impositions pesant, pour l'essentiel, sur les revenus et patrimoines les plus élevés, et au développement des modalités les plus éculées d'organisation du travail.
Dans le cadre de la communication, ou plutôt de la propagande qui accompagne depuis le début la présentation de ce projet de loi, vous avez, madame la ministre, fait particulièrement fort. Sur une chaîne de télévision, vous avez ainsi déclaré :
« Moi, je suis en faveur de l'indépendance, de la liberté et de la responsabilité. Quand une entreprise a une grosse charge de travail, une grosse commande, un surcroît d'activité, il faut quelle puisse, sans contrainte excessive, recourir à plus de travail de la part de toute l'équipe. [...] C'est pour ça que le carcan des 35 heures me paraît désuet et daté d'époque. »
Bien évidemment, vous avez atténué votre propos en ajoutant ces mots : « Il faut bien entendu qu'il y ait un chiffre maximal [...], il ne faut pas dépasser les heures maximales prévues au niveau européen [...]. »
Si l'on suit votre raisonnement, le salut de notre pays passerait donc par une flexibilité accrue des horaires de travail, qui seraient systématiquement adaptés aux variations d'activité.
La précédente législature a déjà profondément modifié les conditions générales d'organisation du temps de travail, notamment par le biais de la loi du 17 janvier 2003, texte qui fut défendu par un ministre des affaires sociales nommé François Fillon. Les 35 heures, madame la ministre, ne sont pas le lot commun des personnels des entreprises de moins de vingt salariés, elles ne sont pas le quotidien des travailleurs du secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, elles ne sont pas la réalité vécue par les cadres moyens et supérieurs, soumis au régime du « forfait jours » !
Quant au manque de flexibilité et de souplesse de notre droit du travail, faut-il encore mettre en exergue, madame la ministre, la part des contrats de travail à durée déterminée dans l'ensemble des emplois proposés aux salariés comme aux chômeurs ? Avez-vous oublié le contrat première embauche, dispositif auquel vous et vos amis avez été contraints, sous la pression du mouvement social, de renoncer ? Rappelez-vous aussi l'instauration du contrat nouvelles embauches, dont toute la jurisprudence la plus récente souligne le caractère dérogatoire au regard des normes fixées par l'Organisation internationale du travail !
Faut-il rappeler que, dans le domaine du travail, le premier carcan dont nous souffrons est celui d'un chômage de masse touchant, à des degrés divers, plus de quatre millions de nos compatriotes, si l'on en croit les travaux les plus sérieux en la matière, notamment ceux de l'Observatoire des inégalités ou du collectif « Les Autres Chiffres du chômage » ?
Cette vision du monde que vous défendez n'est pas moderne, madame la ministre. Le salut de la France, sa croissance, son développement économique résideraient, si l'on vous suit bien, dans la généralisation d'une flexibilité des horaires de travail et, de fait, dans la soumission complète des salariés aux seuls impératifs de la production.
Mais regardons la réalité en face, notamment celle des petites et moyennes entreprises. Si bien souvent elles cherchent à recourir davantage aux heures supplémentaires, si elles demandent plus de flexibilité, c'est pour mieux répondre aux exigences de leurs donneurs d'ordre.
Dans cette affaire, il n'y a donc pas de liberté ou de responsabilité, madame la ministre, il n'y a aucun véritable choix : il s'agit soit d'accepter les règles du jeu d'une libre concurrence forcenée mettant en danger, en permanence, la situation des salariés et celle de l'entreprise, soit de mettre la clé sous la porte. Comment peut-on appeler cela un choix ? Les risques imposés ainsi aux toutes petites entreprises permettent la plupart du temps aux grands groupes commanditaires de bénéficier d'une rentabilité bien supérieure à celle qu'ils obtiendraient par eux-mêmes. Les établissements bancaires en profitent pleinement et n'apportent que fort rarement l'accompagnement dont les entreprises de production, les petites entreprises, les artisans auraient besoin. Ce sont pourtant des secteurs créateurs d'emplois.
Un autre volet de votre projet de loi concerne l'allégement de la pression fiscale au profit des plus hauts patrimoines, allégement qui serait, selon vous, porteur d'espoir pour l'investissement dans l'économie de notre pays. Vous vous attaquez, avec la prolongation de la réforme des droits de mutation, celle de l'impôt de solidarité sur la fortune et l'extension du bouclier fiscal, à ce que vous appelez une « fiscalité confiscatoire ».
Le Président de la République a clairement expliqué qu'il voulait inciter les expatriés pour raisons fiscales à revenir dans notre pays. Vous nous dites qu'ainsi les plus favorisés de nos compatriotes pourraient, grâce à votre texte, investir directement le fruit des divers allégements fiscaux dont ils bénéficieront dans l'activité et la croissance. Or une telle expérience a déjà été tentée : en 2004, le ministre des finances de l'époque, M. Sarkozy, présentait un projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement qui comportait, entre autres mesures, la défiscalisation des dons manuels dans la limite de 20 000 euros par opération, la création d'un crédit d'impôt pour les intérêts des prêts à la consommation ou encore une aide au secteur de l'hôtellerie et de la restauration, sous forme d'une nouvelle compensation des cotisations sociales.
Je me permettrai tout simplement de rappeler ce que disait alors le Sénat :
« Les diverses mesures que ce plan met en oeuvre, bien que non négligeables d'un point de vue macroéconomique, sont adaptées à notre faible marge de manoeuvre budgétaire. Ce sont autant de signaux positifs de nature à rétablir la confiance. Le coût global pour l'État serait compris entre 0,4 milliard et 1 milliard d'euros sur deux ans.
« Le point central sur lequel ce texte veut agir est la relation entre épargne et investissement. De ce point de vue, les mesures potentiellement les plus efficaces consistent, d'une part, à inciter les générations âgées à transférer une partie de l'épargne vers les plus jeunes dans l'espoir que celles-ci consommeront plus et, d'autre part, à permettre le déblocage des réserves de participation.
« Bien que l'on ne puisse exclure qu'une partie des sommes ainsi libérées reste épargnée, on a de bonnes raisons d'espérer qu'elles viendront contribuer à la consommation des ménages et donc stimuler la croissance. »
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci de cette citation !
Mme Marie-France Beaufils. Que doit-on constater ? Ces mesures n'ont pas eu les effets annoncés.
En 2004, le déficit budgétaire était de 44 milliards d'euros ; il a atteint une somme équivalente en 2005. Quant à la croissance économique, elle n'est pas davantage au rendez-vous, avec un taux de 1,7 % pour l'année 2005, contre 2,5 % en 2004 et 2 % en 2006.
Il me semble que tirer les leçons de l'expérience devrait être une règle de bonne gestion, en tout cas contribuer à nourrir la réflexion de notre assemblée.
Cependant, sur le fond, nous savons tous que ces propositions sont essentiellement un habillage qui, une fois de plus, permettra de faire profiter les plus riches d'une énième loi visant à priver l'impôt de solidarité sur la fortune de sa portée d'origine. Pourtant, l'impôt doit contribuer à assurer la solidarité nationale, à servir l'intérêt général.
Comme je vous le disais, madame la ministre, lors de votre audition au Sénat, je trouve votre projet de loi particulièrement immoral. Vous allez permettre aux plus riches d'augmenter leur patrimoine sans effort. Parallèlement, vous exigez des salariés qu'ils travaillent plus pour accéder à un salaire décent. Vous avez même refusé de donner un « coup de pouce » au SMIC cette année...
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Pendant la période électorale, vous avez opposé ceux qui vivent mal de leur travail et ceux qui survivent avec les minima sociaux. Vos projets, y compris le revenu social d'activité, ne leur ouvrent aucune perspective d'avenir.
M. Guy Fischer. C'est la vérité ! Deux poids, deux mesures !
Mme Marie-France Beaufils. Vous l'aurez compris, madame la ministre, les choix que vous faites au travers de ce texte ne sont pas les nôtres. Vous nous dites que ce projet de loi est présenté dans le respect du vote des Français. Les législatives ont toutefois permis de montrer que l'adhésion dont vous vous targuez est probablement moins large que vous ne voulez le croire. Je pense que votre texte montrera vite à ceux qui voudraient travailler mais ne trouvent pas d'emploi que le bluff autour du thème « travailler plus pour gagner plus » n'amènera pas la création de nouveaux emplois pour eux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
En revanche, ces personnes seront probablement victimes de la réduction d'une intervention publique qui est essentielle à leur vie mais que vous vous apprêtez à décider dès le budget de 2008. Pour cela, vous allez prendre prétexte de l'affaiblissement des recettes de l'État que vous aurez vous-même organisé ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention, et j'ai également pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du discours que vous avez précédemment prononcé à l'Assemblée nationale. Il était plus explicite que les propos que vous avez tenus devant nous ; il l'était même sans doute trop, et une « plume » en a corrigé les aspérités, tant il révélait l'idéologie qui sous-tend votre démarche.
Vous dites vouloir réhabiliter la valeur « travail », mais, dans le texte que vous nous présentez, le travail est en réalité le grand absent. Son invocation ne sert qu'à masquer vos objectifs réels, à savoir l'instauration du bouclier fiscal et l'exonération des droits de succession.
D'ailleurs, la presse ne s'y est pas trompée, puisqu'elle a rebaptisé votre loi « paquet fiscal ». C'est bien vu !
Force est de constater que le travail n'a été encensé tout au long de votre intervention que pour stigmatiser le salarié, dont la paresse serait la cause principale des difficultés comme de celles que traverse le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Le fumeux « travailler plus pour gagner plus » illustre parfaitement cette vision.
C'est ainsi qu'à vous entendre le monde du travail est un pays merveilleux où, par l'accomplissement de soi, on atteint la réussite, un monde qui met l'ensemble des professions sur un pied d'égalité : le grand patron comme le petit employé savent l'un et l'autre ce qu'est une grosse journée de travail, avez-vous dit. Dommage que leur feuille de paye n'en tienne pas compte et que la journée du petit employé vaille trois cents fois moins que celle du grand patron, ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle démagogie !
Mme Raymonde Le Texier. ... compte non tenu, bien sûr, des stock-options.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est merveilleux...
Mme Raymonde Le Texier. Et ce n'est pas terminé, cher collègue !
L'égalité a ses limites, mais le cynisme, lui, n'a pas de bornes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel archaïsme !
Mme Raymonde Le Texier. À l'Assemblée nationale, vous avez déclaré...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Révisez vos concepts économiques !
M. Bernard Frimat. Laissez-la parler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Moi aussi j'ai été interrompu !
Mme Raymonde Le Texier. Vous allez devoir me supporter quelques instants de plus à cause de vos interruptions incessantes, cher collègue !
Madame la ministre, vous avez donc déclaré à l'Assemblée nationale : « J'entends dire parfois à propos du travail et de la concurrence qu'il engendre : c'est la guerre de tous contre tous. Voilà un véritable contresens. Car à la guerre, le plus fort soumet le faible tandis que, dans les rapports de travail, le plus fort communique de la force au plus faible. »
Franchement, madame la ministre, on frôle le ridicule ! L'actualité, hélas, oppose un démenti cruel à cette vision idyllique : le technocentre Renault, à Guyancourt, a connu trois suicides coup sur coup. Il y a quelques jours, un ouvrier s'est pendu sur son lieu de travail à l'usine Peugeot de Mulhouse ; c'est le sixième suicide qui frappe le groupe cette année !
La centrale EDF de Chinon a vu, quant à elle, quatre ouvriers mettre fin à leurs jours en deux ans.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle démagogie !
M. Gérard Delfau. Un peu de pudeur, s'il vous plaît !
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr, les causes d'un suicide sont multiples, mais la récurrence du phénomène est significative et traduit la violence du critère de rentabilité quand il devient l'unique référence pour organiser la vie au travail.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que les entreprises fassent des pertes !
M. Gérard Delfau. Un peu de respect pour les victimes de ce drame !
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur Marini, vous n'aimez pas ce que je dis, mais, moi, je n'aime pas ce que vous faites ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Madame Le Texier, poursuivez votre propos, s'il vous plaît.
Mme Raymonde Le Texier. À Mulhouse, pour certaines activités, le nombre de salariés a été divisé par quatre alors qu'une même productivité est exigée. Chez IBM, le rapport des médecins du travail livre une photographie glaçante du mal être au travail : course à la productivité, pression accrue aux résultats, harcèlement moral, individualisation des carrières, multiplication des objectifs parfois contradictoires...
On est bien loin de votre utopie, madame la ministre, mais sans doute plus près du quotidien de millions de salariés.
Vous dites encore que, pendant que « nous voguons sur nos vagues à l'âme, [...] les hommes et les femmes de l'Inde, de la Chine, du Brésil ou de l'Afrique du Sud ne ménagent pas leur peine. »
Ils la ménagent tellement peu qu'ils vont jusqu'à faire travailler les enfants dès l'âge de quatre ans ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. C'est du Zola !
Mme Raymonde Le Texier. À vous entendre, on pourrait croire que, si les entreprises délocalisent dans ces pays, ce n'est pas uniquement parce que les salaires sont dérisoires, la protection sociale inexistante et le droit du travail absent, mais parce qu'au moins, là-bas, quand on est exploité, on dit encore merci !
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Jospin aurait dû fermer les frontières en son temps !
Mme Raymonde Le Texier. Toujours selon vous, madame la ministre, l'égalité des chances « nous offre à tous les mêmes outils pour réussir », le travail « nous départage » et « Entre l'égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l'arrivée, le travail fait de l'individu le seul responsable de son propre parcours. » À bon entendeur salut ! Vous êtes pauvre ? C'est parce que vous êtes fainéant ! Vous êtes chômeur ? C'est votre faute ! Vous n'êtes pas millionnaire ? Pourtant, vous aviez au départ les mêmes chances que les autres d'y arriver...il suffisait de décroiser les bras !
Vous ignorez visiblement, madame la ministre, qu'on ne peut parler d'égalité sur la ligne de départ quand certains font la course en moto, tandis que les plus nombreux la font à pied et un nombre conséquent en traînant des boulets. Il a dû vous échapper que, dans notre pays, le mérite explique moins les résultats à l'arrivée que l'origine sociale.
Nous vous avons également entendue dire que la France « est un pays qui pense [...] Assez pensé, assez tergiversé, retroussons tout simplement nos manches ! ». Madame la ministre, si la destinée du boeuf est de porter le joug, celle de l'homme a toujours été de penser sa condition. C'est le genre de détail qui nous distingue de l'animal. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
D'après vous, cette loi, consiste « à valoriser tout au long de leur vie, depuis leurs études jusqu'à l'organisation de leur succession, les femmes et les hommes de France les plus courageux, les plus entreprenants ». Et vous avez cité des exemples, montrant que, pour vous, quand on parle de patrimoine, la référence de base, c'est un patrimoine de 800 000 euros, soit celui qui est transmis par les 5 % des Français les plus riches.
Un tel montant est-il le fruit d'une vie de labeur ou plutôt l'héritage de successions ou de donations passées ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Faisons les partir à l'étranger ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Les études le montrent : lorsque des parents sont deux fois plus riches que la moyenne de leur génération, leurs enfants sont en moyenne une fois et demie plus riches que leurs contemporains, et on retrouvera les mêmes écarts à la génération suivante. Grâce à vous, le phénomène devrait encore s'accentuer.
Quelle escroquerie que de faire croire qu'une telle loi vise à protéger le fruit de « toute une vie de labeur » quand elle ne sert que les plus privilégiés !
Alors que vous justifiez toutes vos mesures par la nécessaire revalorisation du travail, vous ne favorisez qu'une économie de rentiers, et le travail n'est abordé, ici, que par le biais des heures supplémentaires.
Vouloir faire travailler plus ceux qui travaillent déjà dans un pays qui compte des millions de chômeurs et de salariés à temps partiel est une aberration économique ! Ne penser l'augmentation du pouvoir d'achat qu'à travers les heures supplémentaires et mettre fin ainsi à toute une politique de revalorisation des salaires est une aberration sociale ! Surtout quand on sait que ce ne sont pas les besoins des salariés qui déterminent la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires, mais bien le carnet de commandes du patron, défiscalisation ou pas !
Si le salarié croit vraiment améliorer son pouvoir d'achat par ce biais, le retour à la réalité risque d'être cruel. Augmenter son salaire grâce aux heures supplémentaires n'offre aucune garantie dans la durée, et ne permet pas de compter sur cette rentrée d'argent pour faire des projets ou pour investir. C'est un complément de salaire aléatoire, fluctuant, non garanti et qui ne sera pas pris en compte pour le calcul de la retraite ou du chômage.
Et si cela devient la seule manière d'augmenter aujourd'hui les salaires, on court le risque de voir les cadences de travail devenir de plus en plus infernales, avec les conséquences que l'on connaît pour la santé et la sécurité des salariés. Le tout, bien souvent, pour un salaire qui, heures supplémentaires comprises, ne nous ferait peut-être pas sortir de notre lit le matin.
Si votre objectif est réellement de revaloriser le travail, commencez donc par le payer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Gautier. Bravo !
Mme Raymonde Le Texier. Et ne faites pas semblant d'ignorer qu'aujourd'hui un grand nombre d'heures supplémentaires ne sont pas payées. Au nom de la survie de leur entreprise ou simplement du fait de l'impossibilité de se les faire payer, nombre de salariés ne touchent qu'une partie des heures supplémentaires effectuées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non déclarées !
Mme Raymonde Le Texier. Madame la ministre, je vous invite moi aussi à vous rendre gare du Nord, non pas, comme vous l'avez proposé dans votre discours à l'Assemblée nationale, à la sortie de l'Eurostar ou du Thalys, pour voir arriver tous ces « exilés fiscaux », comme les banquiers de la City. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui, tous ces banquiers qui arrivent gare du Nord !
Mme Raymonde Le Texier. Je vous propose de descendre deux étages plus bas, au départ des trains de banlieue, ces mêmes trains que j'ai empruntés quotidiennement pendant les quarante années de ma vie professionnelle.
Vous apprendrez beaucoup plus sur les réalités de votre pays en voyant tous ces gens qui rentrent, épuisés, d'un travail qui ne leur permet souvent même pas de subvenir correctement aux besoins de leurs enfants.
Comme chacun ici, j'aimerais que le travail paie selon le mérite. Cette loi est cependant à mille lieues d'en tracer le chemin. Votre paquet fiscal, madame la ministre, n'est pas un cadeau pour notre économie, il est coûteux, inégalitaire, dangereux pour les comptes publics et sera sans effet sur la croissance.
Nous sommes un certain nombre ici à penser qu'il faudrait donner du capital public à ceux qui n'ont pas de capital privé. Mais, une fois de plus, vous ne faites, à travers ce texte, que donner plus à ceux qui ont déjà tout. Il est donc de notre devoir de combattre ce projet de loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en tant que sénateur membre de l'UMP, je voudrais apporter mon soutien total à l'ensemble du projet de loi.
Je centrerai mon intervention sur deux sujets qui concernent directement la commission des affaires économiques, dont je suis membre. Il s'agit d'abord du dispositif de soutien à l'accession à la propriété, ensuite des injustices créées par l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence depuis le 1er juillet 2007.
Contenu à l'article 3 du projet de loi, le dispositif de soutien à l'accession à la propriété, qui constitue l'un des engagements pris par le Président de la République au cours de la campagne électorale, est une excellente nouvelle pour tous les Français, puisque cette mesure va permettre à la fois d'accroître leur pouvoir d'achat et de faciliter les opérations d'accession à la propriété.
Un chiffre a déjà été cité abondamment, mais il mérite que l'on s'y arrête quelques instants : la France ne compte que 56 % de propriétaires occupants alors que, pour prendre des exemples chez nos voisins, on compte 70 % de propriétaires en Italie, 78 % en Belgique, et 84 % en Espagne.
Ces différences de situation ne sont pas le fruit du hasard, mais elles procèdent bel et bien d'une volonté politique forte dans chacun de ces pays : nombreux sont les États qui ont assez largement aidé l'accession à la propriété des ménages sous la forme d'aides directes, de bonification de taux ou de mécanismes fiscaux.
À leur tour, les gouvernements néerlandais et britanniques ont, au cours de l'année 2006, renforcé leur politique d'aide à l'accession à la propriété afin de réduire la charge financière pesant sur les ménages.
Je note au demeurant qu'il s'agit également, avec cette disposition, d'une pierre supplémentaire à l'action que notre majorité a mise en oeuvre, sous la législature précédente, pour favoriser l'accession à la propriété.
Je vous rappelle l'ambitieuse réforme du prêt à taux zéro que nous avons menée à bien en 2005, qui permet de soutenir les opérations d'accession de près de 250 000 ménages chaque année. Il faut continuer cet effort, madame la ministre.
Je vous rappelle aussi qu'un volet entier de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement est consacré à l'accession à la propriété et a instauré de nombreuses mesures, comme un taux de TVA à 5,5 % sur les opérations d'accession sociale à la propriété ou la création d'une décote sur le prix des logements HLM vendus à leurs occupants.
Plus généralement, ce crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt doit être mis en perspective avec les autres dispositions de ce texte afin de favoriser l'accès à la propriété de nos concitoyens et de nous rapprocher d'un objectif de 75 % de propriétaires.
Cela ne signifie pas, et loin s'en faut, qu'il faille réduire la politique du logement de notre pays à cette seule composante. Le secteur locatif, qu'il s'agisse du parc privé ou du parc social, doit lui aussi faire l'objet d'une attention particulière.
Comme notre commission des affaires économiques l'a rappelé à de nombreuses reprises dans les travaux qu'elle a consacrés à cette question, le logement est une chaîne : pour sortir de la situation de crise dans laquelle se trouve aujourd'hui notre pays, il convient d'en stimuler tous les maillons afin de fluidifier les parcours résidentiels.
Nous n'avons pas oublié le locatif social, puisque, comme le Premier ministre l'a rappelé lors de sa déclaration de politique générale, un objectif de 120 000 logements locatifs sociaux par an est fixé pour la législature.
Je rappelle, au passage, que nous avons renoué, depuis 2002, avec des niveaux de construction du parc locatif social plus conformes à la réalité des besoins de nos concitoyens, plus de 80 000 par an, quand ce chiffre stagnait entre 40 000 et 50 000 entre 1997 et 2002.
De même, nous n'avons pas oublié le locatif privé, qui bénéficie lui aussi de mesures favorables à son développement, grâce au mécanisme d'amortissement fiscal, les fameux régimes Robien puis Borloo.
De plus, la mise en place progressive d'une garantie contre les risques locatifs, qui prémunira les propriétaires contre les risques d'impayés et permettra aux locataires les plus modestes d'avoir accès au parc privé, devrait également contribuer à fluidifier le marché du logement.
Je n'oublie pas, mes chers collègues, les quelques difficultés sur lesquelles va venir se heurter la mise en oeuvre de cette stratégie ambitieuse de développement de l'offre de logements au cours des cinq prochaines années.
Je vois, pour ma part, deux écueils majeurs auxquels il conviendra d'attacher une grande attention.
Le premier écueil tient à la pénurie de ressources foncières sur tout le territoire, encore plus cruciale dans les régions où le marché de l'immobilier est très tendu comme l'Île-de-France, Rhône-Alpes, ou Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Des mesures innovantes devront être définies à brève échéance pour libérer des terrains constructibles, en particulier à des prix compatibles avec les contraintes pesant sur les opérations immobilières ayant vocation à bénéficier aux plus modestes de nos concitoyens.
Le second écueil vient de l'insuffisance de la main-d'oeuvre dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il n'est pas rare désormais de constater que la réalisation de nombreuses opérations immobilières prend du retard, faute de main-d'oeuvre disponible. Il nous faudra donc rendre ce secteur plus attractif, car il constitue un important gisement d'emplois, tout en luttant contre le travail au noir, qui reste assez largement de mise dans ce domaine.
J'en arrive à ma seconde préoccupation, c'est-à-dire aux injustices qui sont nées de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie le 1er juillet 2007 pour tous les particuliers.
Je suis conscient que ce sujet n'a pas tout à fait sa place dans ce texte,...
M. Ladislas Poniatowski.... mais il est d'actualité. La preuve en est que vous en avez longuement débattu à l'Assemblée nationale la semaine dernière. Il est donc normal que nous en discutions également ici.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est légitime !
M. Ladislas Poniatowski. Merci, monsieur le rapporteur général.
Comme vous le savez, depuis le 1er juillet dernier, les 26 millions de particuliers consommateurs d'électricité et les 11 millions de consommateurs de gaz naturel ont la possibilité de quitter les fournisseurs historiques que sont Électricité de France et Gaz de France et de faire appel à un concurrent. C'est bien !
Mais j'attire votre attention, madame la ministre, sur le fait que, lorsqu'un consommateur abandonne le fournisseur historique et le tarif régulé pour le marché libre, sa décision s'impose définitivement au propriétaire de son logement, qui, lui, n'aura jamais donné son avis. En outre, sa décision s'imposera également, et de manière définitive, à l'occupant suivant dudit logement, même si ce dernier était, lui, au tarif régulé.
Il y a là une double injustice, madame la ministre.
Lors de l'adoption en décembre 2006 de la loi relative au secteur de l'énergie, dont j'étais le rapporteur, nous avions veillé à laisser à tout nouvel occupant d'un logement la liberté de choisir entre le tarif régulé et un tarif libre. Malheureusement, le Conseil constitutionnel a considéré que cette mesure était contraire à l'esprit de la directive européenne sur l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence.
M. Thierry Repentin. Mais que fait Jean-Louis Debré ?
M. Ladislas Poniatowski. J'ai donc transformé, pour aujourd'hui, une proposition de loi que j'ai déposée en amendement afin de répondre à la très vive inquiétude de nombreuses associations de défense des consommateurs, à celle des promoteurs, des agents immobiliers et de tous les propriétaires bailleurs.
Mon amendement tient compte des observations du Conseil constitutionnel et respecte l'esprit de la directive européenne. Il n'est malheureusement que provisoire : il vise simplement à garantir la liberté de choisir son tarif jusqu'au 1er juillet 2010, date limite prévue dans la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Vous savez, mes chers collègues, puisque nous en avons débattu à plusieurs reprises ici, que les commissaires européens respectivement responsables de la concurrence et de l'énergie conduisent actuellement une réflexion sur ce sujet. Ils auditionnent tous les acteurs du secteur, c'est-à-dire les producteurs, les distributeurs, les nouveaux entrants sur le marché, ainsi que les consommateurs et les régulateurs, que ces acteurs soient français ou de nos pays voisins.
Madame la ministre, si la Commission européenne mène une telle réflexion, c'est parce qu'elle a constaté que l'ouverture du marché s'est traduite non par une baisse des prix de l'électricité, mais par une hausse.
M. Robert Bret. Tiens donc !
M. Ladislas Poniatowski. Cela étant, je m'empresse d'ajouter que cette augmentation s'explique non par l'ouverture du marché elle-même, mais, notamment, par la hausse du prix du pétrole.
Mme Marie-France Beaufils. Pas seulement !
M. Ladislas Poniatowski. J'ignore à quoi aboutira cette réflexion, mais je souhaite que la directive soit assouplie et que le gouvernement français pousse dans ce sens.
M. Thierry Repentin. Ah, ces libéraux !
M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, je vous ai écoutée lors du débat à l'Assemblée nationale, où des propositions allant dans le même sens que la mienne vous ont été faites. Vous avez déclaré y être favorable, tout en souhaitant, et c'est normal, vérifier au préalable leur constitutionnalité et leur compatibilité avec la directive européenne. (Mme la ministre fait un signe d'approbation.) Je partage votre préoccupation.
Mon seul objectif est de mettre fin au plus vite à une double injustice. J'avais prévu d'y remédier à l'occasion d'une « niche parlementaire » en octobre prochain, mais, si nous pouvions le faire aujourd'hui - le marché est ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet -, ce serait encore mieux.
M. Thierry Repentin. Nous nous rejoignons !
M. Ladislas Poniatowski. Je suis impatient de vous écouter sur ce sujet, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, votre projet de loi « en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat » - cet intitulé est sans doute une antiphrase ! - étonne par la brutalité des mesures qu'il préconise et inquiète par les risques qu'il fait courir en termes d'équilibre des finances publiques.
Ce constat sévère n'est pas seulement celui des parlementaires de l'opposition. Il a également été formulé à mi-voix par une partie de votre majorité à l'Assemblée nationale. Et il ne s'est trouvé aucun économiste de renom pour défendre cette politique s'inspirant à la fois de celles de Reagan et de Berlusconi, politique dont les effets à moyen terme sont malheureusement prévisibles.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Gérard Delfau. L'Europe, ébahie, nous regarde et désapprouve. Au sein de la classe politique, le malaise est palpable. Le patronat lui-même se garde de triompher... Pourquoi tant d'aveuglement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que de certitudes !
M. Gérard Delfau. Pourquoi tant d'acharnement contre les classes populaires et les classes moyennes, à qui le Président de la République a pourtant promis des lendemains radieux ? (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Est-ce cela, la rupture tant de fois annoncée par le candidat Sarkozy ? À vrai dire, j'y vois plutôt une continuité avec la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et, dans une moindre mesure, avec celle du gouvernement de Dominique de Villepin, avec un effet d'accélération soudaine qui en change la nature.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si je comprends bien, vous regrettez Raffarin et de Villepin ?
M. Gérard Delfau. D'une politique classiquement conservatrice, on passe à une politique franchement rétrograde en matière économique, sociale et fiscale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Le tout est évidemment enrobé d'un discours idéologique ronflant - il est question de « sens de l'effort », de « valorisation du travail », de « goût de la morale » -, mais qui ne saurait donner le change.
Ces valeurs, madame la ministre, ne sont ni de droite ni de gauche. Elles constituent le fonds commun de la nation. Et, tout autant que vous, dans la lignée de Jean Jaurès, que cite si bien le Président de la République, nous nous y référons dans nos choix politiques. En revanche, nous n'y mettons pas le même contenu !
Ainsi, nous ne pensons pas que les exonérations d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales sur les heures supplémentaires pourront remplacer la hausse régulière du SMIC pour augmenter le pouvoir d'achat des salariés.
Avec les experts du droit du travail, nous craignons les effets d'aubaine et, plus encore, la multiplication des fraudes que le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires va immanquablement susciter au sein des entreprises.
Quant à la quasi-disparition des droits de succession, à laquelle s'ajoute un nouvel affaiblissement de l'impôt sur le revenu, elle nous ramène au XIXe siècle ou, plus près de nous, elle nous aligne sur l'Amérique de Reagan et de Bush.
La défiscalisation des intérêts d'emprunt pour l'achat d'un logement destiné à l'habitation principale est, en soi, une mesure moins critiquable.
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout de même !
M. Gérard Delfau. Monsieur Fourcade, je suis capable d'apprécier les textes qui nous sont proposés à leur juste mesure et selon mes convictions.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Attendons la suite !
M. Gérard Delfau. Malheureusement, cette défiscalisation intervient à contretemps, selon l'avis de tous les experts du marché immobilier. Elle va en effet relancer la hausse des prix des logements, ...
M. Robert Bret. Bien sûr !
M. Gérard Delfau.... au moment où, après tant d'années de spéculation, ceux-ci connaissaient une timide décélération,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est fait exprès !
M. Gérard Delfau. ...tant attendue par les classes moyennes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est étudié pour !
M. Gérard Delfau. J'évoquerai également le bouclier fiscal, qui accroît les exonérations d'impôt et de cotisations sociales.
Au passage, j'observe que vous privez ainsi les collectivités territoriales d'une partie de leurs ressources - mes collègues devraient y être plus sensibles -, au mépris du principe d'autonomie financière que le Sénat a pourtant fait inscrire dans la Constitution.
Mme Nicole Bricq. J'ai déposé un amendement à ce sujet.
M. Gérard Delfau. Deux mesures du projet de loi sont d'une autre nature. Sans doute ont-elles été placées dans ce texte pour tenter d'en atténuer le caractère de classe.
Tout d'abord, deux articles visent à limiter les profits scandaleux, voire immoraux, réalisés par quelques grands patrons du CAC 40. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont été conçus pour être inopérants et ne pas chagriner le MEDEF, qui, d'ailleurs, se garde bien de manifester la moindre inquiétude !
Trois articles, enfin, nous proposent d'expérimenter, monsieur le haut-commissaire, un « revenu de solidarité active ». Sur ce sujet, ma position sera différente.
Cette mesure a pour objectif de favoriser le retour à l'emploi des personnes percevant une allocation chômage, le revenu minimum d'insertion ou l'allocation de parent isolé.
Certes, le dispositif me semble complexe, lourd à mettre en oeuvre et difficile à contrôler. Il risque, en outre, d'entraver l'évolution générale des bas salaires, ce qui serait très dommageable. Enfin, il sera pour moitié à la charge des conseils généraux, ce qui ne manquera pas de pénaliser un peu plus les départements pauvres, comme l'Hérault, où le faible niveau des ressources fiscales se combine avec un taux de chômeurs et de RMIstes élevé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce département n'est pas si pauvre que cela !
M. Gérard Delfau. Néanmoins, ce dispositif présente l'avantage de traiter sous une forme expérimentale un sujet préoccupant : comment mettre un terme à l'augmentation continue du nombre de bénéficiaires du RMI, qui, le plus souvent malgré eux, ne parviennent plus à se réinsérer sur le marché du travail ?
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Gérard Delfau. Partant de ce constat, en 1997, ayant présidé pendant dix ans les comités de bassin d'emploi, j'ai écrit un ouvrage intitulé Droit au travail : manifeste pour une nouvelle politique, dans lequel je préconisais la transformation, en dix ans, de toutes les aides à l'emploi en postes à temps plein, rémunérés au moins au SMIC. Je préconisais également que les titulaires de ces emplois bénéficient d'un statut et d'une formation.
Utopie m'a-t-on dit, tant à gauche qu'à droite ! Peut-être, mais le mal s'est aggravé depuis. Les 35 heures, malgré des résultats positifs - je tiens à le souligner ici - en matière de création d'emplois, n'ont pas permis d'inverser la tendance à la hausse du nombre de bénéficiaires des minima sociaux. Alors pourquoi ne pas essayer le dispositif qui nous est proposé dans le projet de loi, quitte à l'améliorer au terme de l'expérimentation ? En ce qui me concerne, j'y suis prêt.
Je reviens maintenant à ce qui constitue le noyau dur du projet de loi : une panoplie de mesures en faveur des riches, des héritiers et des rentiers, dont le coût, exorbitant (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), aggravera encore le déficit budgétaire de l'État et de la sécurité sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est satanique !
M. Gérard Delfau. Nous avons déjà eu cette discussion hier à l'occasion du débat d'orientation budgétaire.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ne nie pas cette perte sèche de recettes, qu'il prétend compenser par une diminution équivalente des dépenses de l'État. En clair, cela signifie un désengagement dans les politiques de solidarité, d'éducation et dans les services publics.
À vrai dire, il y aura - heureusement ! - des résistances légitimes, et des mouvements sociaux freineront cette tendance. Quant à nos partenaires européens, à bon droit, ils nous presseront de ramener le ratio de la dette en dessous des 60 % du PIB.
Pour renflouer les caisses de l'État, se produira alors l'inévitable : l'instauration d'une dose supplémentaire de TVA, impôt inégalitaire par excellence.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !
M. Gérard Delfau. À force d'en appeler à la TVA sociale - je vous écoute toujours avec beaucoup d'attention, monsieur le président de la commission des finances -, nos collègues de la majorité au Sénat auront obtenu un peu plus de TVA tout court et ils endosseront la responsabilité d'une mesure impopulaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous devriez vous en réjouir !
M. Gérard Delfau. Je pourrais faire la même prédiction s'agissant de la sécurité sociale : là, ce seront les franchises médicales qui permettront de colmater la brèche.
Vous m'avez compris : à une exception près - le RSA -, j'argumenterai tout au long de ce débat contre ce texte, qui prévoit une politique dangereuse et immorale, déséquilibrée et idéologique.
Dans un an, le mirage des présidentielles se sera dissipé. Les Français auront éprouvé au quotidien les effets des choix économiques que vous faites. La majorité d'entre eux aura perdu en pouvoir d'achat et en services de proximité. Alors, mes chers collègues, viendra le temps de l'alternative ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Réjouissez-vous ! Soyez heureux ! Votez le projet de loi !
(Mme Michèle André remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j'interviendrai essentiellement sur le RSA, au nom du groupe socialiste et en tant que membre de la commission des affaires sociales.
La discussion du revenu de solidarité active aurait pu débuter, monsieur le haut-commissaire, sous de meilleurs auspices. Pour cela, il eût fallu que le Gouvernement prenne le soin de la distinguer de l'importante ristourne fiscale qu'il opère en direction des plus aisés de nos concitoyens.
Comment en effet réfléchir sereinement aux moyens du retour à l'emploi des allocataires de minima sociaux lorsqu'on procède parallèlement à une vaste opération de redistribution à l'envers ?
Vous aurez beau le nier, il y a bien une logique contradictoire à vouloir donner quelques dizaines d'euros de plus par mois au plus grand nombre tandis que l'on s'apprête à rembourser plusieurs milliards d'euros à une infime fraction de notre population. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Nous tâcherons malgré tout d'aborder la question du RSA et de son expérimentation de façon constructive.
La réduction de la pauvreté par l'emploi que vise le RSA est une logique que nous pouvons partager. Nous savons tous, en effet, que l'accès à l'emploi est la voie souhaitable de sortie des minima sociaux, car l'emploi est synonyme d'intégration sociale et d'estime de soi.
Pour autant, du fait de la précarité croissante du marché du travail, bien des emplois ne garantissent plus un revenu décent. Nous avons vu réapparaître des travailleurs pauvres, qui travaillent, certes, mais trop peu pour générer un revenu suffisant. Selon une étude de la DRESS, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, 20 % des actifs employés perçoivent un revenu inférieur à 75 % du SMIC.
Aux bas salaires désormais chroniques s'ajoutent d'autres obstacles à l'emploi. Dans certaines configurations familiales, notamment, l'emploi partiel n'améliore pas la situation du ménage. Dès lors, l'idée qu'une rémunération de remplacement peut venir compléter de trop faibles revenus du travail présente un intérêt.
Avec le RSA, il nous est proposé d'orienter la redistribution autour de deux variables essentielles : la quantité d'activité et la situation familiale. À ce titre, la formulation est digne d'intérêt.
Elle reconnaît tout d'abord le rôle des transferts sociaux dans la réduction de la pauvreté ; c'est une idée plutôt progressiste, la seule dans ce projet de loi, d'ailleurs.
Le RSA se veut ensuite un dispositif adaptable aux situations vécues et non plus défini en fonction de grilles administratives uniformes, prenant ainsi en compte la pluralité des bénéficiaires des minima sociaux.
Enfin, le RSA donne la priorité aux emplois de droit commun dans le secteur marchand, loin des dispositifs parfois illusoires de contrats aidés, dont les plus récents n'ont d'avenir que le nom ou qui, tel le RMA, le revenu minimum d'activité, font effectivement le minimum.
Bref, les perspectives du RSA sont intéressantes. Encore faut-il faire d'un principe intéressant une réussite pratique. Pour cela, il importe de lever quelques zones d'ombre : en particulier, comment construire un dispositif opérationnel sur la base de mécanismes complexes et parfois contradictoires entre eux ?
Cette difficulté n'a d'ailleurs pas échappé aux concepteurs du projet, qui ont voulu l'essayer avant de l'adopter, en l'occurrence avant de l'étendre. Une certaine prudence est de mise tant d'aspects de la mesure étant encore imprécis.
Les questions qui demeurent sont de deux ordres.
Elles concernent, en premier lieu, l'expérimentation. Les départements doivent s'y investir sans réserve pour qu'elle soit couronnée de succès. Cela passe par l'instauration d'une relation de confiance avec l'État.
Les conseils généraux ont en effet été échaudés par la gestion antérieure de la décentralisation du RMI. Tous les comptes ne sont pas encore soldés et les départements attendent toujours, madame la ministre, le remboursement d'une part non compensée des dépenses des années passées, estimée à près de 1 milliard d'euros.
Il ne faudrait pas que des ambiguïtés similaires s'immiscent dans l'expérimentation du RSA. Pour cela, il convient d'être clair sur la participation de l'État au financement de l'expérimentation, qui doit être précise et pérenne, ce qui n'est pas dans le texte. Je note que le rapporteur pour avis, M. Alain Vasselle, est en accord avec cette requête et présentera un amendement en ce sens.
En deuxième lieu, il nous faut une définition plus aboutie des mesures à mettre en oeuvre. L'expérimentation ne saurait se résumer à un simple tâtonnement. Les conseils généraux, qui sont certes de bons connaisseurs de la politique sociale de proximité, doivent être aiguillés quant à la prestation qu'ils devront servir. Nous comprenons bien que le RSA est tout autant une méthode qu'un barème d'aide, il importe néanmoins que les départements disposent d'un cadre dans lequel bâtir leurs politiques.
Il faudra donc que soit précisée rapidement, au moins de façon indicative, la notion de « revenu garanti » figurant aux articles 8 et 9, que l'on retrouve sous le vocable « niveau de ressources » garanti par le RSA aux termes de l'article 10.
En ce sens, la variabilité du seuil selon les départements, explicitée par M. le rapporteur pour avis, paraît une échappatoire précaire. Je n'ai d'ailleurs pas bien compris si M. Vasselle évoquait le système proposé ou un système différent de minima sociaux, mais il aura certainement l'occasion de nous le préciser.
N'est-on pas là, tout simplement, dans une refonte des dispositifs d'intéressement votés en mars 2006, fondée sur une majoration des montants et un prolongement dans le temps ?
Ou alors penchez-vous pour un rehaussement inavoué des barèmes des aides sociales aux travailleurs pauvres, en somme une forme d'impôt négatif à durée déterminée ? Si tel est le cas, la question de la durée de vie de l'allocation RSA est posée. Car si ce nouveau revenu complémentaire aide à passer le seuil de pauvreté, comment ne pas imaginer que sa cessation entraînera le retour à l'état de pauvreté ?
Comme vous pouvez le constater, monsieur le haut-commissaire, nous attendons des clarifications de votre part.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Bernard Cazeau. En conclusion, conscients que le RSA sera un outil et non une solution miracle, nous voulons rappeler qu'il ne peut, selon nous, être distinct de la question de l'emploi. En l'état, le RSA est socialement acceptable en ce qu'il est une politique ciblée de solidarité, orientée vers l'activité professionnelle. S'il devait se muer en une politique de l'emploi déguisée, alors il deviendrait problématique.
La question de la précarité du marché et des moyens de la réduire demeure primordiale. Le RSA ne doit pas être l'occasion d'entériner l'une des tendances préoccupantes de la mondialisation : la décrue de la part du salaire direct dans le revenu des personnes les moins qualifiées.
Le RSA n'est donc pas, semble-t-il, la révolution espérée, il constitue une évolution modérée. S'il permet, à terme, d'améliorer la vie de plusieurs milliers de travailleurs pauvres, alors il aura réussi.
Partagés entre la confiance et le doute, nous nous abstiendrons sur les articles 8 à 13 correspondant à votre projet, monsieur Hirsch. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Madame la ministre, permettez-moi de vous faire quelques observations et propositions.
Premièrement, vous proposez de réduire les charges sur les heures supplémentaires, patronales et salariales, ce qui va permettre d'en réduire le coût pour les entreprises et d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés : c'est excellent.
En revanche, si le manque à gagner de la sécurité sociale est payé par l'État, cela va aggraver le déficit budgétaire...
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Serge Dassault. ...et obliger l'État à emprunter, ce qui est moins excellent, surtout quand il s'agit de dépenses de fonctionnement.
Pourquoi, au fond, voulez-vous que l'État paye à la place des entreprises ? L'État n'a qu'à ne pas payer, ...
Mme Bariza Khiari. Et le déficit de la sécurité sociale ?
M. Serge Dassault. ...ce qui évitera l'augmentation des dépenses budgétaires, et vous laissez les sommes correspondantes à la charge de la sécurité sociale. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela aggravera son déficit, mais vous admettrez que l'on ne se soucie pas tellement de réduire le déficit actuel. (Vifs applaudissements et rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel succès !
M. Roland du Luart. Même lui veut l'ouverture !
M. Serge Dassault. En effet, l'équilibre de la sécurité sociale est un autre problème qu'il faut régler en dehors du budget de l'État et des politiques visant à diminuer les charges sur les salaires.
M. Thierry Repentin. Quel glissement à gauche !
M. Serge Dassault. J'ai une solution à vous proposer pour cela, différente de la TVA sociale, mais qui, je pense, pourrait régler bien des problèmes. Je suis à votre disposition pour vous la présenter, madame la ministre.
Ainsi, le déficit budgétaire ne sera pas aggravé, et les entreprises et les salariés pourront profiter de cette mesure pour travailler plus et gagner plus.
Deuxièmement, s'agissant des réductions de droits de succession, qui ne concernent que 95 % des contribuables (Sourires), je voudrais vous proposer pour les autres, dont on ne se préoccupe pas outre mesure, de limiter le taux maximal d'imposition en ligne directe à 20 %, au lieu de 40 % aujourd'hui, ce qui nous ramènerait à avant 1983.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avant M. Mauroy, c'est vrai !
M. Serge Dassault. Eh oui, c'est grâce à Mauroy et à Mitterrand ! Mais, depuis, nous ne sommes pas revenus sur ces dispositions.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vraiment dommage !
M. Serge Dassault. Dans tous les autres pays européens, et d'ailleurs dans le monde entier, non seulement l'imposition au titre de l'ensemble des droits de succession ne dépasse pas 20 %, mais on tend de plus en plus à la suppression totale des droits pour tout le monde. Je ne vois pas pourquoi nous nous singularisons en la matière, de surcroît sans nous soucier des conséquences néfastes pour les intéressés...
M. Thierry Repentin. Les pauvres ! (Sourires.)
M. Serge Dassault. ...et pour notre économie.
Troisièmement, madame la ministre, vous cherchez à augmenter le pouvoir d'achat des salariés, ce qui est normal, mais il ne faut pas pour autant aggraver notre déficit budgétaire ou augmenter nos coûts de production. Je voudrais pour cela vous proposer une solution facile à appliquer et qui aurait une grande portée sociale. Il s'agit simplement d'utiliser la loi sur la participation et de modifier la part réservée aux salariés en l'augmentant.
En effet, la formule actuellement appliquée n'a pas varié depuis 1967 et ne prévoit qu'à peine 10 % pour les salariés, ce qui est insuffisant.
Ma proposition, que j'ai déjà présentée à l'occasion de l'examen de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, consiste à répartir le bénéfice après impôts de toutes les entreprises de plus de cinquante salariés en trois tiers : un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires, un tiers pour l'autofinancement des entreprises, avec un maximum de deux mois et demi de salaire pour les salariés.
Cette formule, simple à calculer et à mettre en oeuvre, peut éviter un grand nombre de conflits sociaux, car elle met à égalité les salariés et les actionnaires.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Serge Dassault. Certes, cette proposition ne permet d'augmenter le pouvoir d'achat que pour les salariés des entreprises qui font des bénéfices, mais cela motivera les autres pour améliorer la rentabilité de leur propre entreprise, car ils sauront qu'ils en profiteront. C'est toute la différence avec ce qui se passe aujourd'hui.
Pour vous donner un exemple personnel, j'applique cette formule aux salariés de Dassault Aviation depuis longtemps. Ces dernières années, comme nous faisons des bénéfices - cela ne durera peut-être pas toujours -, nous distribuons deux mois et demi de salaire de participation par an, ce qui, ajouté aux treize mois de salaire, permet aux salariés de disposer de plus de quinze mois de salaire par an !
C'est bien une augmentation de leur pouvoir d'achat que nous réalisons ainsi. Pourquoi ne pas généraliser cette formule qui ne vous coûte rien et qui a des conséquences sociales considérables ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas pour les salariés de Mme Le Texier !
Mme Raymonde Le Texier. Ce ne sont pas les mêmes !
M. Serge Dassault. Quatrièmement, pour compenser les pertes que supporterait l'État en conséquence de ces propositions, je vous suggère de réduire la compensation des charges sur les salaires, jusqu'à 1,5 SMIC, au lieu de 1,6 SMIC aujourd'hui. Cela devrait permettre une économie de plus de 2 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une excellente idée !
M. Serge Dassault. Et si vous commenciez à réduire la compensation des 35 heures aux entreprises, qu'il faudra bien arrêter un jour, vous pourrez économiser plus de 15 milliards d'euros. Cela vaut la peine d'y songer !
Je ne comprends pas que l'on ne fasse pas une telle proposition, même si elle provoque des réticences de la part des entreprises et du MEDEF. Lorsque l'on n'a pas d'argent, on ne paie pas et, surtout, on n'emprunte pas pour payer des dépenses de fonctionnement. C'est la règle d'or de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Serge Dassault. Madame la ministre, telles sont les suggestions que je souhaitais vous présenter et qui font l'objet des amendements que j'ai déposés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, ce projet de loi est la traduction de trois thèmes principaux de la campagne du Président de la République, Nicolas Sarkozy : la valeur « travail », l'emploi et le pouvoir d'achat.
Chacun de nous, qu'il soit de droite, du centre ou de gauche, aspire à plus d'équité, plus de liberté, plus de fraternité, et à l'amélioration générale du niveau de vie. Mais nous savons que toutes les idéologies, tous les dogmatismes ont échoué, y compris l'ultralibéralisme.
À côté de tous ces écueils, il existe une voie, celle du pragmatisme, du volontarisme, de la détermination, en d'autres termes, la voie d'un libéralisme social régulé.
Avec l'émotion et l'humanité nécessaires en politique, il faut redonner de la dignité, de l'espoir et de la confiance à ceux qui sont dans la précarité, qui sont sans emploi, à condition qu'il y ait, bien sûr, une contrepartie par un travail et par une activité. Et c'est précisément l'objet du revenu de solidarité active, dont la création nous est proposée dans ce texte, que de rendre le retour au travail plus attractif.
Dans les départements volontaires pour en faire l'expérimentation, les allocataires de minima sociaux pourront ainsi se voir attribuer un revenu de solidarité active leur garantissant que toute heure travaillée leur apportera des ressources supplémentaires, et non le contraire, comme cela a été dit précédemment. L'objectif reste le même : valoriser et encourager le travail, favoriser l'insertion grâce à un vrai travail, exercé en entreprise ou dans une collectivité, et pas uniquement dans le monde associatif, comme on peut le voir dans certaines collectivités.
À l'heure actuelle, trop de RMIstes renoncent à occuper un emploi à temps partiel qui les priverait de minima sociaux leur permettant tout juste de vivre Or, un emploi à temps partiel peut être la porte ouverte sur un emploi à temps plein et sur l'autonomie.
Le système, ainsi organisé, n'est pas motivant. Le RSA a pour but de modifier cette situation en intégrant les moins favorisés et en les tirant vers le haut dans un élan collectif. C'est là, à mon sens, que réside la vraie solidarité. Je tiens à saluer ici le travail déterminé de M. le haut-commissaire, Martin Hirsch, sur ce dossier fondamental pour l'avenir de notre pays en termes d'emploi.
Réhabiliter le travail, c'est encourager les entreprises à proposer des heures supplémentaires à ceux qui souhaitent travailler plus afin de leur permettre d'augmenter leur pouvoir d'achat.
La France qui travaille doit être encouragée, récompensée, rémunérée, montrée en exemple.
Il est bien évident que les 35 heures ont affaibli notre pays sur le plan économique, notamment en termes de compétitivité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) L'idée, fausse et démagogique, selon laquelle la réduction autoritaire du temps de travail serait un moyen de lutter efficacement contre le chômage et garantirait la croissance a vécu. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Thierry Repentin. Mais supprimez donc les 35 heures !
Mme Raymonde Le Texier. Du courage !
M. Bernard Frimat. Ils n'en ont pas !
M. Rémy Pointereau. Toutes les études montrent que, bien au contraire, la politique de réduction du coût du travail est infiniment plus efficace pour assurer la croissance.
M. Guy Fischer. Que des cadeaux aux riches !
M. Rémy Pointereau. Elles montrent aussi que ce sont les pays où le nombre d'heures travaillées est le plus important qui connaissent le taux de chômage le plus faible.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est excellent !
M. Guy Fischer. Pour quel type d'emploi ? Il y a 13 millions de travailleurs pauvres !
M. Rémy Pointereau. Or la France est en queue de peloton des pays de l'OCDE pour le nombre moyen d'heures travaillées, avec 1 546 heures par an, contre 1 699 heures en Allemagne, 1 758 heures au Royaume-Uni, 1 703 heures en Espagne. (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà un rappel très utile.
M. Rémy Pointereau. L'article 1er du projet de loi est donc la traduction du fameux « travailler plus pour gagner plus » qui présente le double intérêt d'accroître la compétitivité de l'économie française et d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Thierry Repentin. Mais déposez donc un amendement tendant à supprimer les 35 heures !
M. Rémy Pointereau. Je vais évoquer en quelques mots le nouveau régime des heures supplémentaires qui nous est soumis.
Il s'agit, pour résumer, d'une part, d'exonérer de charges les entreprises et, d'autre part, de défiscaliser les heures supplémentaires des salariés afin de les encourager à travailler plus pour gagner plus, soit environ 2 150 euros nets annuels pour un salarié au SMIC qui passerait de 35 à 39 heures et 664 euros nets annuels pour un salarié au SMIC qui travaillerait déjà 39 heures.
Travailler doit payer !
Mais si nous voulons atteindre ce résultat, il faut également que le nouveau régime soit incitatif pour les entreprises. Je dois à cet égard regretter que, l'objectif étant d'inciter les entreprises à offrir des heures supplémentaires, nous ne soyons pas allés plus loin dans la baisse des charges patronales. Pour les encourager, sans doute aurait-il fallu faire davantage, surtout dans quelques secteurs spécifiques où la main-d'oeuvre est plus en compétition qu'ailleurs, je pense notamment à l'agriculture ou au textile.
En effet, à terme, ce sont bien les entreprises qui, par leur vitalité, leur créativité, leur prise de risques, créent durablement des richesses et des emplois, et ce sont elles qui décideront, ou non, de proposer des heures supplémentaires.
C'est dans cet esprit que j'ai déposé un amendement visant à éviter aux PME et aux PMI de voir leurs charges alourdies par la présente loi. Dans ce domaine, les calculs sont assez compliqués et, je le dis au passage, il conviendrait sans doute de simplifier le dispositif. Néanmoins, selon les projections, les petites entreprises de vingt salariés et moins supporteraient, après l'entrée en vigueur de la loi, un surcoût pour les salariés qu'elles rémunèrent au-delà de 1,27 SMIC. L'allégement dit Fillon, applicable au 1er juillet 2007, ne suffirait pas, semble-t-il, pour compenser le passage de 10 % à 25 % des heures majorées.
Madame la ministre, pouvez-vous me donner des assurances sur les compensations prévues pour les rémunérations dépassant 1,27 SMIC ? J'aurai l'occasion d'apporter des éléments chiffrés lors de la discussion des amendements.
L'application du nouveau régime des heures supplémentaires aux employés du secteur public constitue bien entendu une bonne mesure, qui va dans le sens de l'implication de tous. Elle contribue aussi à combler le fossé, dont on parle souvent - trop souvent, peut-être -, qui existerait entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé. Par ailleurs, les services publics auront ainsi alors la capacité de mieux s'organiser, dans l'intérêt de tous.
Ce texte vise également à supprimer des prélèvements antiéconomiques.
Le renforcement du bouclier fiscal, dont le seuil de déclenchement passe de 60 % à 50 %, est une excellente mesure. L'objectif est que ceux qui créent des richesses et qui les font circuler dans l'économie ne soient plus dissuadés de travailler en France.
L'évasion fiscale doit être combattue par des mesures attractives pour le contribuable français. Une avancée a été certes faite avec l'abattement de 30 % sur la résidence principale pour le calcul de l'assiette de l'ISF, mais on peut s'interroger sur le fait même d'intégrer la résidence principale dans le calcul de cette assiette.
Prenons l'exemple d'un couple qui vit à Paris, dans un appartement de cent mètres carrés dont il est propriétaire. Compte tenu du prix de l'immobilier dans la capitale, peut-on considérer que ce couple est riche ? Par analogie, je pense au paysan de l'île de Ré (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) qui, du fait de l'importante augmentation du prix du foncier, avait été assujetti à l'ISF alors qu'il vivait chichement et ne pouvait pas s'acquitter de cet impôt. Ce propriétaire était-il riche ?
M. Thierry Repentin. Il suffit de rendre le terrain inconstructible !
M. Rémy Pointereau. La défiscalisation du travail des étudiants est une autre mesure très positive. Il en est de même de l'allégement des droits de succession, je devrais plutôt dire leur quasi-suppression puisque 95 % des successions seront désormais exonérées. Il s'agit d'une mesure utile et juste, surtout pour les ménages des classes moyennes qui se donnaient beaucoup de mal pour constituer leur capital, qui étaient taxés de nombreuses fois déjà...
M. Guy Fischer. Oh là là !
M. Rémy Pointereau. ... au titre de l'impôt sur le revenu, ...
Mme Annie David. Quelle honte !
M. Rémy Pointereau. ...du foncier bâti et non bâti, de la taxe d'habitation,...
Mme Gisèle Printz. Oh !
M. Rémy Pointereau. ... et qui devaient encore payer des droits lorsqu'ils faisaient une donation à leurs enfants. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Gautier. Supprimons tout cela !
M. Rémy Pointereau. Toutes ces mesures sont véritablement de nature à créer une vraie motivation, un choc de confiance chez nos concitoyens. Ils n'auront pas à craindre de travailler pour rien.
Il s'agit, avec ce projet de loi, de soutenir l'effort des jeunes sans les décourager, de pouvoir transmettre les fruits de son travail au conjoint survivant et à ses enfants, d'aider les plus faibles en leur garantissant des minima sociaux sans les dissuader de retrouver un emploi.
Quant au crédit d'impôt appliqué aux intérêts d'un emprunt immobilier contracté pour l'achat de sa résidence principale, il est destiné à encourager l'accession à la propriété. Voilà encore une mesure annoncée, attendue - et réalisée - pour permettre à chacun de devenir propriétaire.
Je n'omettrai pas une autre mesure qui me paraît aller dans le bon sens, c'est-à-dire la possibilité ouverte aux redevables de l'ISF, donc aux personnes qui ont un patrimoine et qui paient leurs impôts en France, de verser le montant de cet impôt, dans la limite d'un plafond de 50 000 euros, non pas au percepteur, mais à une PME ou à une fondation reconnue d'utilité publique. Lorsque l'on connaît les difficultés des PME, principales créatrices d'emplois, à obtenir des financements du fait de la frilosité de certains organismes bancaires, on ne peut que se féliciter d'une telle mesure.
D'aucuns affirment que la facture sera lourde pour des finances publiques déjà passablement contraintes. Oui, c'est indéniable, la facture est lourde pour le pays, mais il s'agit non seulement d'une dépense pour l'immédiat, mais aussi et surtout d'un investissement pour l'avenir.
Nous vivons dans un monde en mouvement auquel il nous faut nous adapter. Nous devons donc changer de rythme, savoir admettre la mondialisation et ses effets, en tirer le meilleur parti pour notre pays et pour nos enfants.
En conclusion, il ne s'agit pas seulement de travailler plus pour gagner plus. Il s'agit aussi de travailler plus pour créer plus de croissance, donc plus d'emplois.
On ne répond pas à l'échec des uns en bloquant la réussite des autres. La réussite des uns doit au contraire entraîner la réussite des autres, et le choc de confiance entraînera un choc de croissance. C'est précisément l'esprit de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté très attentivement toutes vos interventions et je me suis abstenue de tout commentaire cynique sur celles qui m'ont parfois le plus surprise.
Je tiens tout d'abord à saluer le travail formidable effectué par les rapporteurs. Le brillant exposé de M. le rapporteur général m'aurait sans aucun doute convaincue - si je ne l'avais déjà été - du bien-fondé de ce texte, de l'efficacité de son dispositif et du fait que le Gouvernement a raison de croire en ses vertus.
Je vais bien entendu m'efforcer de convaincre ceux d'entre vous qui restent sceptiques, car je ne désespère jamais.
Monsieur le rapporteur général, vous avez comparé vos appels à ceux de Jean-Baptiste. Eh bien, je vous rassure d'emblée : vous avez été entendu. D'ailleurs, le Sénat tout entier a été entendu. Le Gouvernement s'est en effet inspiré des rapports successifs élaborés par vos différentes commissions dont il a emprunté certaines des recommandations et des prescriptions ; elles figurent dans le présent projet de loi. Soyez donc ici tous remerciés.
Je suis par ailleurs rassurée et heureuse de pouvoir compter sur le soutien sans faille de notre majorité. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général, la majorité présidentielle a été reconduite à l'Assemblée nationale et j'ai plaisir à voir qu'au Sénat elle soutiendra sans faille le projet qui est soumis à sa sagacité.
Monsieur le président de la commission des finances, je partage dans une large mesure, et pour ma plus grande satisfaction, votre sentiment sur la plupart des points que vous avez évoqués, qu'il s'agisse de vos commentaires sur l'économie ouverte, de vos craintes sur les perspectives d'une éventuelle aggravation du déficit de la balance commerciale, de votre inquiétude, partagée par M. Mercier, que, sur les trois moteurs de la croissance, seule la consommation soit encouragée.
Je voudrais aussi vous rassurer, car ce projet de loi, me semble-t-il, est véritablement destiné à redonner de la compétitivité à nos entreprises, et de l'attractivité à la France.
L'exonération des cotisations sociales patronales, que j'aurai l'occasion d'expliquer le plus clairement possible - je m'y engage, monsieur Mercier - au moment de l'examen de l'article 1er et des différents amendements qui s'y rapportent, prendra la forme d'un abattement forfaitaire, selon que l'entreprise comptera plus ou moins de 20 salariés.
Cette mesure sera de nature à améliorer la compétitivité de nos entreprises, puisqu'il s'agit de réduire le coût des heures supplémentaires pour elles, mais sans mettre en cause le bénéfice qu'en tirent les salariés, bien au contraire !
De la même manière, la possibilité, pour les redevables de l'ISF, de s'acquitter de l'impôt, certes, mais sous la forme d'un « impôt choisi » - c'est une belle formule, monsieur le rapporteur général ! - aura aussi pour effet de fluidifier les mouvements de capitaux. Les petites et moyennes entreprises en ont bien besoin, comme certains d'entre vous l'ont dit de manière très claire, pour créer des emplois et participer aux efforts en matière de recherche et de développement.
Je vous rejoins tout à fait, monsieur le président de la commission des finances, à propos de la moralisation de la vie économique. En revanche, je ne vous rejoins pas lorsque vous émettez des doutes sur l'effet que produira l'article 7.
Peut-être ne sera-t-il pas suffisant pour entraîner un comportement moral chez tous les dirigeants, mais il participera, de toute évidence, à la réflexion actuellement engagée par la Commission européenne sur la nécessité de mieux réguler la rémunération des mandataires sociaux.
Par ailleurs, je suis favorable, comme vous, au développement des codes de bonne conduite en matière de gouvernance d'entreprise. Les exemples étrangers - je pense en particulier aux États-Unis, à l'Allemagne ou à la Grande-Bretagne - peuvent nous instruire utilement dans ce domaine. Je crois à l'efficacité des codes de bonne conduite, qui sont d'ailleurs prônés par un certain nombre d'entreprises ; ils ne sont pas du tout incompatibles avec les dispositions de l'article 7.
J'observe au passage que l'AMF, l'Autorité des marchés financiers, joue un rôle important dans ce domaine, en contrôlant l'application de ces codes dans son rapport annuel sur le gouvernement d'entreprise.
Je vous rejoins enfin, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, sur vos réticences concernant l'intermédiation, et je partage profondément votre goût pour l'affectio societatis et la nécessité de créer, de développer ou, tout simplement, d'améliorer le lien entre l'entreprise et l'investisseur que chacun peut devenir.
Quant au problème des niches fiscales que vous avez soulevé, il conviendra impérativement de l'évoquer dans le cadre du rapport sur l'impôt minimum, que nous soumettrons au Parlement avant le 15 octobre prochain. Par ailleurs, nous devrons également traiter ce problème dans le cadre d'une autre réforme qui figure dans ma lettre de mission, celle qui concernera l'ensemble des prélèvements obligatoires.
J'en viens maintenant à des réponses plus spécifiques sur différents points techniques, en m'excusant par avance de ne pouvoir tous les aborder. En effet, les amendements déposés sur les articles 1er et 6 sont si nombreux que je préfère m'en expliquer à l'occasion de leur examen.
En ce qui concerne l'articulation entre le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt et le prêt à taux zéro, je tiens à préciser que les deux dispositifs sont parfaitement complémentaires ; simplement, ils s'adressent à deux catégories de propriétaires.
Le prêt à taux zéro est destiné à faciliter l'accession à la propriété aux ménages à revenus modestes, tandis que le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt s'adresse à tous les publics, c'est-à-dire à tous les électeurs, à tous les électeurs de vos électeurs, mesdames, messieurs les sénateurs, sans aucune condition de ressources.
Certains d'entre vous ont affirmé que ces mesures concernaient plus spécifiquement les hauts revenus. Je le dis et le redis, 93 % du financement prévu bénéficieront à une très large majorité de contribuables, de salariés et d'héritiers, leur patrimoine fût-il modeste.
M. Thierry Repentin. Sûrement !
Mme Christine Lagarde, ministre. La moitié des dépenses proposées concernera les millions de salariés qui effectuent aujourd'hui des heures supplémentaires, afin - c'est en tout cas ce que nous espérons - qu'ils en effectuent encore plus. Par ailleurs, l'allégement du coût des intérêts d'emprunt et l'exonération des droits de succession pour 95 % des Français touchent évidemment un public très large.
Dès lors, en vous acharnant à concentrer vos commentaires et vos observations sur 7 % de l'investissement prévu, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, j'ai peur que vous ne détourniez, au détriment des Français, la portée réelle de ce projet de loi, qui présente certes, un coût pour la collectivité, mais qui est aussi un investissement dans la collectivité.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. S'agissant de la compensation, au bénéfice de la sécurité sociale, des exonérations de cotisations sociales, je veux vous rassurer, monsieur Vasselle. Je vous confirme les propos que vous a tenus hier Éric Woerth dans le cadre du débat d'orientation budgétaire : la compensation aux régimes sociaux, qui sera intégrale, sera prévue dans le projet de loi de finances pour 2008 et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Cet engagement, qui émane de l'ensemble du Gouvernement, vaut pour toutes les dispositions qui figurent dans ce texte. (Marques d'incrédulité sur les travées socialistes.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela ne change rien au financement prévu !
Mme Christine Lagarde, ministre. S'agissant des heures supplémentaires, vous avez raison, monsieur Fourcade, de parler de la levée d'un blocage malthusien.
Monsieur Vasselle, pour ce qui concerne le problème des heures supplémentaires dans les petites entreprises et de la suppression du taux dérogatoire, je vous rappelle que ces entreprises auront droit en contrepartie à une déduction forfaitaire majorée des cotisations sociales patronales.
J'entrerai, veuillez m'en excuser, dans les détails un peu techniques de cette disposition : au lieu d'un abattement forfaitaire de 0,50 euro, elles bénéficieront, de manière pérenne, c'est-à-dire au-delà du 1er janvier 2009, d'un abattement de 1,50 euro destiné à compenser le désavantage compétitif consécutif à l'effort que nous leur demandons. En d'autres termes, au 1er octobre 2007, au lieu du 1er janvier 2009, le taux de majoration légal de la rémunération des heures supplémentaires passera à 25 %.
Parce que nous souhaitons encourager les petites et moyennes entreprises, en particulier les très petites entreprises, à croître et à se développer, cet avantage pérenne - l'abattement forfaitaire de cotisations - lisse le léger inconvénient qu'elles subissent, pour les salariés rémunérés à 1,45 SMIC mensuel.
J'ajoute que ce désavantage compétitif ne concerne que les entreprises, par le biais des cotisations patronales, puisque les salariés bénéficient, quant à eux, dans tous les cas de figure, d'une déduction de leurs cotisations sociales et d'une exonération fiscale pour l'intégralité des rémunérations versées au titre des heures supplémentaires.
Monsieur de Montesquiou, je vous assure que le chiffrage tient compte de toutes les heures supplémentaires effectuées. Les 6,6 milliards d'euros que j'ai évoqués tout à l'heure représentent 47 % du financement de notre investissement. Ce calcul prend en compte toutes les heures supplémentaires, secteur privé et secteur public confondus.
Nous avons fait une estimation d'un recours plus important aux heures supplémentaires, par rapport aux heures comptabilisées sur l'exercice 2006. Nous obtenons un total de 70 millions d'heures, ce qui est peut-être un peu faible, et nous espérons évidemment qu'elles soient plus nombreuses encore.
Comme vous l'indiquiez tout à l'heure, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, si cette mesure fonctionne, son coût sera important. Mais, plus ce coût augmentera, plus cette mesure s'autofinancera, puisqu'une partie de l'augmentation de la consommation engendrée par ce gain de pouvoir d'achat sera bien évidemment recyclée, notamment par le biais de la TVA.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un coût apparent !
M. Aymeri de Montesquiou. Nous sommes d'accord !
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Mercier, le problème de l'emploi me préoccupe également, mais nous n'avions pas l'ambition de le régler en totalité avec ce seul projet de loi.
Le projet de loi sur la modernisation de l'économie, que j'évoquerai rapidement tout à l'heure, sera davantage consacré à l'emploi, sans parler de l'ensemble des négociations entre les syndicats et le patronat, que nous encourageons vivement et qui se tiendront préalablement au cycle de réunions prévues avec les partenaires sociaux, notamment sur les questions d'emploi et de retour à l'emploi.
Par ailleurs, il nous faut sortir, je tiens à le dire, d'une vision statique du marché du travail. Aujourd'hui, ce n'est pas l'État qui peut, soudain, créer du travail ex nihilo. Ce sont les entreprises, en particulier le secteur marchand, qui peuvent créer le travail. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Nous espérons ensuite entrer dans un cercle vertueux dans lequel les chiffres du chômage s'infléchissent, grâce à la valorisation du travail et au dynamisme de la croissance.
La question du financement des mesures prévues semble susciter - c'est bien légitime - la vigilance du plus grand nombre d'entre vous.
L'année prochaine, comme Éric Woerth s'y est engagé, et comme l'ensemble du Gouvernement y est tenu dans le cadre des préparatifs budgétaires auxquels nous nous livrons actuellement, ces dépenses seront intégralement compensées et elles le seront, pour l'essentiel, par la réduction des dépenses publiques.
Comme toute autre disposition volontariste tendant à une reprise de la croissance, ce projet de loi est fondé pour une part sur un pari. Nous espérons que la hausse de la croissance et les recettes fiscales que nous attendons nous emmèneront au-delà du cadre prévu.
Certains d'entre vous ont évoqué la réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles. Le Président de la République - j'étais à ses côtés, je peux donc légitimement en parler - s'est très clairement engagé en faveur de la réduction des déficits publics et d'un projet de loi de finances pour 2008 reposant sur une hypothèse de croissance des dépenses publiques de 1 % en volume.
M. François Marc. Cela ne fait jamais que cinq ans que l'on nous tient le même discours !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je parle de l'ensemble des dépenses publiques, et donc de toutes les dépenses à caractère « maastrichien ». Or 1 % en volume, c'est bien peu, et en réalité c'est certainement beaucoup moins encore, puisqu'il est question de 0 % en valeur pour l'ensemble des dépenses de l'État, hors dépenses des collectivités territoriales et dépenses sociales.
Cela devrait permettre, si la croissance est au rendez-vous, de parvenir à un niveau d'endettement, je le réaffirme ici, de 60 % du produit intérieur brut et à un déficit de 0 % en 2010. Je reviens sur le pari que j'ai évoqué tout à l'heure : si la croissance n'était pas au rendez-vous, l'engagement a été pris de parvenir à cette situation en 2012.
On ne peut pas, me semble-t-il, être plus clair. Je ne doute pas que vous gloserez les uns et les autres sur ce sujet.
M. Charles Gautier. Nous gloserons !
Mme Christine Lagarde, ministre. Certains ont dit que nos partenaires européens ont été consternés. Rassurez-vous, j'y étais, et je peux témoigner qu'il n'en était rien. Les membres de l'Eurogroupe ont, au contraire, réaffirmé leur soulagement, d'une part, et leur satisfaction, d'autre part. Soulagement de voir que la France, enfin, s'engage sur le chemin des réformes...
M. Bernard Frimat. Idéologie libérale !
Mme Christine Lagarde, ministre. ... auquel l'agenda de Maastricht, nos partenaires européens eux-mêmes et l'ensemble des organismes, à commencer par l'OCDE et la Banque mondiale, nous engagent. Il s'agit tout simplement de faire sauter un certain nombre des verrous qui condamnent notre pays à une croissance inférieure de 1 à 1,5 point à celle de la Grande-Bretagne, du Danemark, des États-Unis ou d'un certain nombre de pays de l'OCDE et à un chômage supérieur de 3 points à celui de ces mêmes pays.
M. Charles Gautier. L'héritage est lourd !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je souhaiterais évoquer deux autres points d'ordre technique avant de conclure.
Monsieur Delfau, la mesure d'exonération concernant les intérêts d'emprunt ne déclenchera pas, nous l'espérons vivement, une hausse des prix immobiliers.
M. Thierry Repentin. Vous l'espérez !
Mme Christine Lagarde, ministre. Oui, bien sûr, je n'ai pas de boule de cristal !
Nous avons diligenté un travail de vérification auprès des experts du marché de l'immobilier. J'ai cependant cru comprendre toute l'estime que vous avez pour eux... (Protestations sur les travées socialistes.) Pour ma part, je les respecte, car ils font leur métier.
La FNAIM, HSBC, Natixis, qui observent le marché immobilier, estiment que, même s'il est incitatif, l'avantage fiscal ici proposé n'est pas de nature inflationniste. « Il est de nature à favoriser la consommation et à créer des effets directs sur la croissance », d'après les études que ces organismes ont réalisées dans le courant du mois de juillet.
Monsieur Dassault, je vous remercie de l'ensemble des propositions que vous nous avez faites. J'espère qu'un certain nombre de mes propos vous ont rassuré, en particulier s'agissant des finances publiques.
Faire basculer le coût de la mesure sur les seules finances de la sécurité sociale ne me semble cependant pas de nature à résoudre l'ensemble des problèmes, bien au contraire ! Dans la mesure où cette dette est également incluse dans la dette maastrichienne, nous serions de toute manière tenus à la même rigueur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
Mme Christine Lagarde, ministre. Sur la suppression des droits de succession, l'engagement du Président de la République, visant à exonérer 95 % des successions en France, crée un équilibre juste qui, certes, conduira à faire peser sur 5 % des successions le poids de ces droits. Effectivement, les successions les plus importantes continueront d'être imposées au taux du barème en vigueur, sans que nous proposions de modifier celui-ci d'une quelconque manière.
Vous avez raison, monsieur Fourcade, le déficit de croissance que notre pays connaît aujourd'hui est dû, pour l'essentiel, à une situation de défiance.
C'est la raison pour laquelle je souhaite évoquer le « choc de confiance » auquel j'appelle les acteurs économiques de ce pays. Ce choc, madame Bricq, nous l'observons déjà autour de nous, comme tendent à le prouver un certain nombre de chiffres publiés par l'INSEE sur le climat des affaires dans le domaine des services et de l'industrie.
Mme Nicole Bricq. J'ai de bonnes lectures, moi aussi !
Mme Christine Lagarde, ministre. Mais je ne doute pas que vous en ayez pris connaissance, car vous êtes consciencieuse, compétente et fort intelligente. Je vous remercie d'ailleurs du compliment que vous m'avez adressé tout à l'heure, que je ne pense d'ailleurs pas mériter. (Sourires.)
Le climat des affaires est clairement en nette amélioration dans le secteur des services, qui représente les deux tiers de notre économie. Ce sont les meilleurs chiffres depuis octobre 2000 !
J'y vois là le signe précurseur d'une série d'autres améliorations, même si le phénomène n'est pas exclusivement lié au climat actuel ni au choc de confiance que nous entendons déclencher dans ce pays.
Sans doute les indicateurs qui avaient été préconisés n'étaient-ils pas les bons. Néanmoins, si nous observons dans douze, dix-huit ou vingt-quatre mois une augmentation régulière de la croissance dans notre pays, une décrue constante du chômage - identique à celle que nous observons depuis vingt-quatre mois, à méthode de calcul et à système statistique inchangés -, si nous observons, sinon une résorption complète de notre déficit du commerce extérieur - un certain nombre de facteurs endogènes et exogènes ne nous permettront pas d'y parvenir -, à tout le moins une forte augmentation de nos exportations et un développement soutenu des investissements étrangers en France, alors ce pari, notre pari, aura été gagné.
Enfin, certains d'entre vous se sont référés pour le commenter à un discours que j'ai prononcé il y a quelques jours devant une autre assemblée et aux citations dont je l'ai ponctué.
Je crois pouvoir me targuer d'avoir sinon le goût du renouveau, à tout le moins celui du nouveau. Aussi, à ceux d'entre vous qui ont fait quelques commentaires sur ce discours, dont je revendique néanmoins les termes, je tiens à dire aujourd'hui que, pour notre pays, je crois à une économie pragmatique et pas nécessairement idéologique, ...
M. Henri de Raincourt. Voilà !
Mme Christine Lagarde, ministre. ...à une économie au service de l'individu et de son développement, à une économie et à un capitalisme participatifs - je partage là votre point de vue, monsieur Dassault -, à une économie et à un capitalisme régulés où l'État joue son rôle, tout son rôle, mais rien que son rôle, pour éviter les abus.
Enfin, ce projet de loi est aussi l'expression d'un certain nombre de libertés.
Nous n'avons pas souhaité modifier la loi sur les 35 heures. Ceux qui veulent rester dans le cadre des 35 heures le peuvent. Ceux qui veulent rester dans des accords de modulation le peuvent. Mais que ceux qui veulent aller au-delà, ceux qui veulent recourir à des heures supplémentaires, alors, qu'ils aient la liberté de le faire, qu'ils y soient incités par des conditions favorables.
Chacun doit pouvoir être libre de choisir entre la prime pour l'emploi et l'exonération fiscale pour les étudiants ; chacun doit pouvoir être libre d'utiliser le prêt à taux zéro ou le crédit d'impôt ; chacun doit pouvoir être libre de s'acquitter de l'ISF ou d'investir à la place dans une PME ; enfin, chacun doit pouvoir être libre de donner à ses proches.
Sur la base de cette liberté et de cette responsabilité, sur la base du triptyque confiance, croissance et emploi, nous pensons que ce projet de loi ainsi que tous ceux qui viendront à sa suite dans l'objectif de moderniser l'économie, de réformer les prélèvements obligatoires et les politiques publiques, remettront notre pays sur la voie de la croissance et le replaceront dans la course mondiale pour une économie plus efficace. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le président de la commission des finances et le rapporteur général du soutien qu'ils apportent à ce texte.
On a remarqué à plusieurs reprises que les dispositions relatives au RSA étaient incluses dans un texte de plus large portée. J'y vois pour ma part un avantage, qui n'a pas été souligné : le RSA fera ainsi l'objet d'une discussion qui dépassera le strict cadre dans lequel s'insère en général la question des minima sociaux. De la sorte, les parlementaires spécialistes d'autres sujets, par exemple l'économie ou les finances, pourront s'intéresser à ces questions et apporter leur contribution au débat. Ce sera extrêmement important pour la mise en oeuvre des futurs dispositifs.
Je remercie en outre le rapporteur pour avis, M. Alain Vasselle, d'avoir lui-même apporté, et sollicité, un certain nombre de précisions. Il est, comme M. Marini, élu d'un des premiers départements qui mèneront cette expérimentation.
Monsieur le rapporteur pour avis, je tiens à vous rassurer sur un point : vous avez souhaité que le choix des futurs territoires d'expérimentation ne soit pas limité à ceux des départements où tout va pour le mieux et où il n' y aurait plus qu'à réinsérer les gens dans l'emploi.
Tel ne sera pas le cas, malheureusement, si je puis dire. D'abord, et c'est une question de responsabilité politique, nous avons pour principe, dans les départements avec lesquels nous travaillons - je pense au Nord, au Val-d'Oise, mais je pourrais en citer bien d'autres - de donner sa chance à un territoire confronté à de nombreuses difficultés. Mais surtout, cela tient à la méthode d'évaluation. En effet, le comité d'évaluation, qui est présidé par François Bourguignon, chef économiste à la Banque mondiale, et composé de personnalités exceptionnelles, dont de très nombreux universitaires, posera toute une série d'exigences, notamment le choix de territoires témoins faisant pendants aux territoires expérimentaux, eux-mêmes tirés au sort afin d'éviter tout biais.
Nous nous plaçons donc dans les meilleures conditions. La preuve en est que les membres du comité, que je réunissais la semaine dernière, m'ont affirmé que c'était la première fois qu'une politique sociale de cette nature était conduite selon une méthode aussi rigoureuse. Ce n'est d'ailleurs pas par plaisir ou par caprice : notre objectif est de disposer de données fiables et vérifiables, pouvant faire l'objet d'un débat argumenté, lorsque, aussi rapidement que possible, nous viendrons vous rendre compte du déroulement de cette première phase avant de passer aux étapes suivantes.
Vous m'avez également demandé comment je pouvais concilier ma volonté de revenir d'ici un an devant le Parlement avec le fait que ces expérimentations seront conduites sur une période de trois ans. D'autres orateurs - je pense à M. Adnot et à Mme Beaufils - se sont inquiétés des éventuelles inégalités qui pourraient résulter de ce programme.
C'est bien la raison pour laquelle il n'est pas possible que les expérimentations durent trop longtemps, au risque de faire se côtoyer en une même région des populations qui seraient bénéficiaires du dispositif et des travailleurs pauvres qui ne le seraient pas - c'est ce qu'a souligné M. Cazeau, notamment. Donc, il faut aller assez vite. Mais les territoires expérimentaux seront autorisés à s'engager vis-à-vis des bénéficiaires pendant trois ans. Ce faisant, les personnes ont une certaine visibilité et la garantie que leur sera appliqué le dispositif pendant une durée au moins égale à cette période. Parallèlement, les données que nous aurons recueillies des différents chantiers qui auront été lancés nous permettront d'aller plus loin lorsque nous rendrons compte au Parlement de l'avancement de l'expérimentation. Nous pourrons donc revenir vers vous. Mais sa généralisation ne signifiera pas que le processus sera figé. La loi permettra aux territoires qui conduiront cette expérimentation de la prolonger, s'ils considèrent que c'est mieux ainsi. Quand ils s'estimeront prêts, ils pourront rejoindre le courant principal.
Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais nous avons estimé qu'il était utile de conjuguer deux nécessités, celle de faire vivre les expérimentations et celle de passer assez rapidement à l'étape suivante.
Mme Bricq a évoqué la prime pour l'emploi. Compte tenu de sa « dilution », celle-ci se monte en moyenne à 39 euros par personne et par mois.
Mme Nicole Bricq. Elle a été détournée ! Elle est devenue un simple élément de pouvoir d'achat !
M. Aymeri de Montesquiou. Dissoute !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ses règles d'attribution n'ont pas changé !
Je suis mandaté par la lettre de mission que m'a adressée le Président de la République pour transformer en profondeur la prime pour l'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. L'objectif est de l'intégrer dans le RSA de telle sorte qu'elle retrouve sa vocation originelle.
Mme Nicole Bricq. Il faut qu'elle vienne en plus, pas en moins !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. La Cour des comptes a très bien montré l'écart insupportable - nous tenterons de le réduire - qui existe entre son coût budgétaire et son effet sur le pouvoir d'achat des plus faibles.
M. Guy Fischer. Dites clairement que l'on va la supprimer !
Mme Nicole Bricq. Oui, il faut le dire !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. On la supprimera à partir du moment où l'on parviendra à l'intégrer de manière satisfaisante dans le RSA. Mais nous y reviendrons avec vous.
M. Adnot, en tant que président de conseil général, a souligné les difficultés qui peuvent exister dans les relations contractuelles entre les départements et les allocataires du RMI.
On a parlé d'engagements financiers. On a dit que des dizaines voire des centaines d'euros devaient être versées en complément pour garantir un gain net aux personnes qui reprennent un travail. Mais nous n'avons pas parlé de ce sur quoi on ne légifère pas, mais qui se vit au quotidien, à savoir les conditions d'accompagnement des RMIstes.
Dans de nombreux départements, j'ai rencontré des RMIstes qui n'avaient pas été vus depuis deux, trois ou quatre ans, à qui la logique des droits et des devoirs n'avait jamais été rappelée. J'en ai aussi rencontré à qui cette logique n'était explicitée que trois ou quatre mois après le début du versement de l'allocation. Rien donc, ou de manière tardive, sur la logique des droits et devoirs, mais beaucoup de temps passé à vérifier que les personnes étaient bien éligibles au RMI et non à l'allocation de parent isolé - quelques dizaines d'euros de plus -, au motif que les uns avaient droit aux mécanismes d'insertion et pas les autres !
Quatre mois pour trier, classer, alors que les personnes attendent.... Quand notre ordinateur ou notre téléphone portable est en panne, il ne faut pas plus d'une heure pour que nous soyons vraiment énervés. Vous imaginez alors la situation des personnes quand la vie est difficile et que les revenus sont faibles : au bout de trois ou quatre mois, on a eu le temps de désespérer des droits et des devoirs !
Le RSA est un mécanisme financier qui est non seulement plus direct et plus fluide, mais également plus favorable, puisque l'accompagnement des personnes est déclenché dès le premier jour, ce qui leur permet de parler emploi et avenir dès la mise en place de la mesure. Il me semble que cela méritait d'être dit.
Je remercie M. Delfau, car je sais que son département a montré son volontarisme en la matière, et son pragmatisme, puisqu'il a mis en place le « RMA+ ». Ce dispositif nous intéresse beaucoup, puisqu'il s'agit pour le conseil général de donner un certain nombre d'aides aux entreprises, à condition que les temps de travail inclus dans les contrats se situent au-dessus d'un certain niveau. Cela donne des résultats tout à fait dignes d'intérêt.
Cet exemple est l'illustration d'une des vertus de l'expérimentation, qui permet de mutualiser les enseignements tirés des initiatives qu'ont prises sans nous attendre les uns et les autres, pour le bénéfice du plus grand nombre.
Madame Le Texier, vous n'avez pas parlé de nous, et j'en ai déduit que le dispositif sur ce point vous convenait. (Sourires.) Nous étions d'ailleurs tout près de chez vous récemment pour le présenter.
M. Cazeau a évoqué un certain nombre d'inquiétudes, de doutes, et nous a fait part de zones d'ombre et de lumière. J'espère que nous saurons en tirer un bénéfice. À ce propos, je souhaiterais formuler deux observations.
La première concerne le financement, entre l'État et les conseils généraux, du revenu de solidarité active. Je prends devant vous, au nom du Gouvernement, l'engagement que nous jouerons franc jeu, que nous serons fair-play et que les promesses seront tenues.
Chacun pourra le vérifier, car la somme sur laquelle nous nous sommes engagés, soit 25 millions d'euros pour l'année prochaine, figurera dans un programme spécifique. Vous pourrez d'ailleurs surveiller, du premier au dernier euro, que les crédits ayant trait au revenu de solidarité active seront bien affectés aux départements. Et, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, tous les départements qui s'engageront dans le processus pourront en bénéficier. Nous sommes d'ailleurs favorables à un amendement qui permet de le vérifier.
La seconde observation a trait à l'étape suivante. Nous aurons effectivement à revoir avec nos différents interlocuteurs, en premier lieu les conseils généraux, les nouvelles règles dont nous devons nous doter. Si nous commencions par vous gruger au passage, nul doute que la deuxième étape se passerait mal. Nous avons tous intérêt, les uns et les autres, à respecter la transparence sur des sujets qui sont d'une extrême complexité. Sinon, les zones d'ombres - pour reprendre votre expression, monsieur Cazeau - se développeront au détriment de ces politiques d'insertion, qui sont, elles, la lumière. Si l'on se dit qu'il est trop compliqué de bouger les choses et de s'occuper des minima sociaux et des politiques d'insertion, la situation peut rester en suspens pendant de longues années !
Je vous le redis, il nous faut avancer d'une certaine manière à marche forcée, sans agir de façon artificielle, mais en mobilisant fortement les différents acteurs. Déjà, dans les premiers départements, cent difficultés se présentent à nous. C'est la raison pour laquelle doivent être présents autour de la table les associations, les différents services publics, les travailleurs sociaux et les élus.
En fait, et vous l'avez dit les uns et les autres, vous croyez à ce dispositif, comme les acteurs de terrain et moi-même y croyons. Voilà pourquoi nous pourrons franchir rapidement une autre étape, afin que les minima sociaux ne soient plus des maxima pour le plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, le Gouvernement venant de déposer plusieurs amendements (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), la commission des finances se réunira à vingt et une heure quarante-cinq pour les examiner.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des commissions des affaires économiques et une candidature pour la commission des affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :
- M. Alain Le Vern membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Jean-Marie Bockel, dont le mandat de sénateur a cessé ;
- M. Jacques Muller membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Alain Le Vern, démissionnaire.
7
Travail, emploi et pouvoir d'achat
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à l'examen de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Foucaud, Mme Beaufils, MM. Vera et Fischer, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 58, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, avant de commencer à défendre cette motion tendant à opposer la question préalable, j'aurais pu vous proposer d'observer, dans le cadre de nos travaux, une minute de silence.
En effet, peu de temps après que l'Assemblée nationale a adopté le présent projet de loi, un sixième salarié de l'entreprise PSA Mulhouse mettait fin à ses jours, victime du stress lié à sa vie professionnelle. Le lendemain, une salariée du siège social d'AREVA se suicidait à son tour. Un salarié de la centrale nucléaire de Chinon s'était également supprimé voilà quelques mois. Son suicide fut reconnu comme un accident du travail.
La multiplication de ces événements devrait appeler de notre part un instant de recueillement, parce qu'elle illustre à quel point certains discours portant sur l'insuffisant engagement des salariés dans leur vie professionnelle sont frappés d'une méconnaissance des réalités !
Le débat qui nous occupe est à replacer, de manière tout à fait politique, dans le débat idéologique sur le travail, l'emploi et la croissance. Les cercles libéraux bien pensants, qui semblent avoir inspiré le contenu de ce texte, quoi que vous nous en disiez, madame la ministre, estiment que la flexibilité du travail, associée à la réduction des prélèvements obligatoires et de la dépense publique, constitue la solution la plus adaptée à la situation économique internationale. À leurs yeux, pour être compétitifs sur le plan international, nous devrions aller plus loin encore dans la précarisation des contrats de travail, en attendant le contrat unique en lieu et place du contrat à durée indéterminée, dans l'allégement de la fiscalité et dans le démembrement de notre système de protection sociale.
En réalité, nous sommes purement et simplement confrontés à un texte idéologique, un texte de classe, répondant aux attentes de l'infime catégorie de privilégiés qui soutient politiquement le nouveau président de la République.
À dire vrai, la première impression qui se dégage est que les dispositions annoncées se positionnent dans le droit-fil de ce qui s'est déjà fait ces cinq dernières années. Pour le coup, je ne vois pas de rupture !
Tout se passe en effet comme si s'était creusé encore plus profondément le sillon ouvert par la réforme de l'impôt sur le revenu, dont tous les déclarants se rendent bien compte qu'elle n'a que peu d'impact pour les salariés modestes ou moyens et beaucoup d'effets pour les titulaires de très importants revenus de capitaux.
Le choix d'alléger les droits de succession, par exemple, est l'illustration parfaite de ce que l'on voulait faire, de longue date, dans les cercles les plus rétrogrades de la bourgeoisie française. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Quelle modération...
Mme Annie David. En effet, les mesures portant sur la fiscalité des successions et donations ont été multiples depuis plusieurs années et ont visé, notamment en favorisant les donations, à permettre aux plus gros revenus et fortunes de ce pays de procéder à une judicieuse optimisation de leurs biens.
M. Jean Desessard. Quelle bonne analyse !
Mme Annie David. Les droits fiscaux perçus par l'État en matière de successions et de donations sont pourtant aujourd'hui une composante non négligeable, et d'ailleurs dynamique, des recettes fiscales.
En 2005, les réseaux comptables du Trésor et des impôts ont ainsi collecté 1 428 millions d'euros au titre des donations et 7 338 millions d'euros au titre des successions. Ces sommes sont surtout recueillies sur des parties du territoire national bien déterminées : on perçoit ainsi, en Île-de-France, 530 millions d'euros de droits sur les donations et 2 388 millions d'euros de droits de succession. Autrement dit, respectivement 37 % et 32 % des droits de mutation perçus par l'État sont fournis par la région capitale, dont l'essentiel par la capitale elle-même.
Le palmarès de la répartition des droits de mutation est d'ailleurs sans la moindre équivoque. S'agissant des donations, les dix premiers départements de collecte sont Paris, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, le Rhône et les Alpes-Maritimes, les Yvelines, le Var, la Gironde, la Haute-Savoie et l'Isère.
Quant aux droits sur succession, l'ordre est le suivant : Paris, les Hauts-de-Seine, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, les Yvelines, le Rhône, le Val-de-Marne, le Var, le Nord et la Gironde.
Il est donc évident que la fortune et les gros patrimoines sont clairement identifiables dans des endroits bien précis du pays, huit départements étant communs aux deux classements.
Cette répartition de la fortune, qui recoupe évidemment celle de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, est bien entendu à apprécier, dans chaque cas, au regard des réalités locales.
La concentration à Paris de très hauts patrimoines ne peut faire oublier qu'elle n'est pas la même selon que l'on considère le quartier de la Goutte d'Or ou celui du Palais Royal, le quartier de Belleville ou celui de la Muette. Et ne vous inquiétez pas, mes chers collègues, nous vous indiquerons, au besoin, les données pour 2006...
Ce qui est en revanche certain, c'est que l'allégement des droits de succession va profondément favoriser des ménages n'ayant déjà pas besoin de tant de sollicitude.
Rappelons en effet que, sur 540 000 décès enregistrés dans notre pays, 350 000 conduisent à l'ouverture d'une succession et moins de 120 000 au paiement de droits par les héritiers ou les conjoints survivants. Cela signifie que le montant moyen des droits acquittés par succession effectivement imposée est d'un peu plus de 60 000 euros. Une réduction de moitié des droits concernés, comme cela semble être la logique du dispositif gouvernemental, revient donc à accorder en moyenne un cadeau de plus de 30 000 euros.
Plus concrètement, il semble cependant pratiquement acquis que la formule choisie, qui passera par un relèvement des abattements par part de patrimoine transféré, visera à exonérer de droits les patrimoines les plus faiblement imposés, c'est-à-dire, de manière générale, ceux qui sont transférés par les couches moyennes, dont le patrimoine découle pour l'essentiel de l'activité professionnelle.
Autre chose est la situation des fortunes de caractère dynastique, qui bénéficieront évidemment des mesures de relèvement des abattements et qui, si elles ne parviennent pas à l'exonération, obtiendront une très sensible réduction de l'imposition alors que leur capacité contributive est singulièrement importante.
Pour être clair, il n'y aura plus de droits à payer pour un grand nombre des successions aujourd'hui faiblement ou moyennement imposées, mais il y aura surtout beaucoup moins de droits à payer pour les grosses successions. Où se situe, dans ce contexte, l'égalité de tous devant l'impôt et la prise en compte de la charge publique ?
Poursuivant cette démarche, le Gouvernement réforme l'ISF - une fois encore ! - en créant un crédit d'impôt imputable sur la cotisation de 50 000 euros pour financement direct des petites et moyennes entreprises. Un examen de la réalité de l'impôt de solidarité sur la fortune montre le véritable caractère de la mesure : c'est une disparition quasiment programmée de cet impôt, disparition évidemment inavouée parce qu'elle ferait mauvais effet aujourd'hui.
Si l'on prend en compte le nombre de contributeurs à l'ISF, on constate qu'il s'élevait à un peu moins de 400 000 à la fin de l'année 2005. Ces contributeurs ont acquitté un impôt global de 3 076 millions d'euros, soit un impôt moyen d'un peu moins de 8 000 euros... En clair, la mesure qui nous est présentée n'est ni plus ni moins qu'une mesure de liquidation pure et simple de l'ISF. Pour atteindre la somme de 50 000 euros à payer au titre de l'ISF, il faut tout de même disposer d'un patrimoine de l'ordre de 5,7 millions d'euros !
De fait, cette disposition, comme la précédente, tend à répondre aux angoisses des nouveaux et petits contributeurs à l'impôt de solidarité sur la fortune tout en réservant, bien entendu, la pleine mesure de ses effets aux contribuables les plus riches et les moins nombreux. Elle est donc une mesure d'affichage politique destinée aux couches moyennes nouvellement touchées par l'application du barème de l'ISF, même si l'essentiel du produit de cet impôt est évidemment perçu auprès de ses plus importants contributeurs.
Dans l'hypothèse où tous les contributeurs à l'impôt concerné se délesteraient de leur cotisation grâce au crédit d'impôt institué, l'apport de fonds pour les PME serait d'environ 3,2 milliards d'euros, montant bien éloigné d'une véritable solution de financement des entreprises...
Mais pourquoi avancer masqué ? Pourquoi ne pas avoir proposé par voie d'amendement une disposition plus simple ? Elle pourrait être formulée ainsi : « Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés. » Cela signifierait la fin de l'ISF !
M. Henri de Raincourt. Déposez-le !
M. Josselin de Rohan. Ne vous gênez pas !
Mme Annie David. Mais peut-être allez-vous bientôt le faire vous-mêmes !
La mesure sur l'ISF s'avère d'ailleurs quelque peu redondante avec celle qui touche le bouclier fiscal, ramené à 50 % des revenus. Là, c'est un peu le beurre et l'argent du beurre !
L'examen des dossiers des premiers contribuables ayant bénéficié du bouclier fiscal est sans équivoque : ce n'est pas d'autre chose que d'une réduction de leur impôt de solidarité sur la fortune qu'ils ont bénéficié. Quand le taux maximal d'imposition sur le revenu est de 40 % du revenu net global imposable, il faut effectivement consentir encore un gros effort pour parvenir au fameux seuil de 60 % avec la taxe d'habitation, la taxe foncière touchant l'habitation principale et l'impôt de solidarité sur la fortune. Cet effort, c'est évidemment celui qui découle de l'existence de l'impôt sur la fortune !
Le bouclier fiscal, dans la pratique, revient tout de même à un allégement de la fiscalité pesant sur l'immobilier de rapport, alors même qu'il est à peu près évident que cela n'a pas fait baisser le moins du monde le niveau des loyers ! Ce fut un cadeau pour les multipropriétaires immobiliers de Paris, de la Côte d'Azur ou des beaux quartiers de Lyon ou Bordeaux, comme pour les heureuses héritières des grandes familles du commerce et de l'industrie.
En abaissant le bouclier fiscal à 50 % des revenus et en ajoutant au panier des impositions prises en compte la CSG et la CRDS, on risque fort de placer les plus riches de nos concitoyens en situation de se faire rembourser leur contribution légitime au financement de la sécurité sociale !
Là est peut-être la rupture qui m'avait échappé : effectivement, c'est une rupture caractérisée de l'égalité des citoyens devant l'impôt, c'est une rupture avec le pacte républicain lui-même. Le bouclier fiscal, c'est un peu comme si on rétablissait, au détour de quelques articles anodins d'un pseudo-collectif budgétaire, les privilèges abolis voilà maintenant plus de deux cents ans !
On notera d'ailleurs que la mesure portant sur le bouclier fiscal est annoncée sans être accompagnée de la moindre évaluation quant à la mise en oeuvre de sa première mouture, contrairement au revenu de solidarité active de M. Martin Hirsch, qui, lui, est expérimental. Ce qui est désormais connu, c'est le faible nombre de contribuables qui en ont pour le moment sollicité le bénéfice, si bien que l'administration fiscale, dans un effort quasi surréaliste, va bientôt être contrainte d'écrire aux bénéficiaires potentiels de la mesure pour qu'ils fassent valoir leur droit à restitution !
Que pèsent dans ce contexte les deux autres mesures phares qui nous ont été annoncées, portant l'une sur la déductibilité des intérêts d'emprunts immobiliers, l'autre sur la défiscalisation des heures supplémentaires ? Et je n'évoquerai pas les quelques millions d'euros consacrés à l'expérimentation du revenu de solidarité active, laquelle a été étonnamment raccrochée au paquet fiscal pour former avec lui un ensemble à première vue pour le moins incohérent ! Ce n'est sans doute pas autre chose qu'une forme d'affichage politique visant à masquer la nature profonde de la politique annoncée, qui accorde une indécente primauté aux mesures les plus favorables aux hauts revenus et aux plus gros patrimoines.
À la stupéfaction générale, le Gouvernement se serait en effet rendu compte qu'il n'y avait que 120 000 successions imposables par an et 400 000 contributeurs à l'ISF, mais 20 millions de salariés. Peut-être faudrait-il faire quelque chose pour ces derniers ; mais quoi ? Tout simplement mettre en place un dispositif poussant à l'intensification et au développement de la pénibilité du travail, occultant la réalité de la productivité actuelle, et un autre dispositif visant à asservir un peu plus les ménages salariés à leurs obligations envers les établissements financiers ! Ce n'est pas du pouvoir d'achat qui va être distribué aux salariés, c'est de l'exploitation renforcée sur leur lieu de travail et une dépendance accrue à l'égard des banques !
C'est un magnifique choix de société que celui qui nous est proposé : une société où l'impôt devient léger au possible pour ceux qui ont déjà tout et plus qu'il n'en faut, et où les contraintes de la vie pèsent toujours plus lourd pour le plus grand nombre !
Nous ne voulons pas que notre pays connaisse une telle évolution. Aussi, nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à voter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, je pourrais reprendre chacun des arguments exprimés par Mme David.
M. Charles Gautier. Faites-le !
M. Jean Desessard. Chiche !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être certains d'entre vous le souhaitent-ils ?
M. Gérard César. Surtout pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il me paraît plus simple de souligner que la commission a correctement fait son travail, qu'elle a examiné le texte article après article, qu'elle a adopté des amendements de nature à l'améliorer encore et qu'elle souscrit, comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, à l'orientation de ce projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Nous nous tenons loin des caricatures d'un autre temps que vous nous avez présentées, ma chère collègue, et je ne veux pas tomber dans le piège d'une controverse idéologique que nous pouvons fort bien faire prospérer par ailleurs. Qu'il me suffise de dire au nom de la commission que je suis très impatient que nous puissions nous engager dans le concret des choses, c'est-à-dire dans l'examen de chacun des articles du texte.
M. Gérard César. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour en arriver là, mes chers collègues, il faut naturellement commencer par rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable, et c'est ce à quoi la commission vous invite.
M. Charles Gautier. Cela manque d'arguments !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Même avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, je voudrais, au nom du groupe CRC, évoquer quelques points complémentaires.
Le choc fiscal que nous préparerait ce projet de loi consisterait à redonner de la confiance, à pousser plus avant les potentiels de croissance de notre économie.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le doute est largement répandu sur la pertinence de l'ensemble du dispositif !
Dans le quotidien La Tribune, Patrick Artus indique notamment ceci : « La défiscalisation des heures supplémentaires fait apparaître à la fois des effets d'aubaine et d'éviction. Des heures supplémentaires qui auraient été de toute manière effectuées vont être défiscalisées (charges sociales pour les entreprises, impôts sur le revenu pour les salariés) : ceci est bien un effet d'aubaine. La substitution d'heures supplémentaires aux nouvelles embauches, à laquelle à la fois les entreprises et les salariés sont incités par la défiscalisation, est bien un effet d'éviction. Dans le cas de la déductibilité des intérêts d'emprunt, il apparaît potentiellement un important effet d'aubaine pour tous les achats immobiliers qui auraient été réalisés sans cette mesure. »
Quant à Thomas Piketty, professeur à l'École d'économie de Paris,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un illustre économiste, celui-là !
M. Bernard Vera. ...il indique ceci : « Le paquet fiscal coûte extrêmement cher, probablement 15 à 20 milliards d'euros, et ne se justifie pas du point de vue économique. »
M. Philippe Marini, rapporteur général. Illustre conseiller de Mme Royal !
M. Bernard Vera. « On va dépenser 6 milliards d'euros en pur effet d'aubaine sur les heures supplémentaires, tout en créant une énorme niche fiscale. »
M. Jean Desessard. Énorme !
M. Bernard Vera. « Notre système fiscal, déjà injuste et opaque, n'en avait pas besoin. »
Enfin, Jacques Le Cacheux précise pour sa part ceci : « Ne pas taxer le patrimoine nuit à la mobilité sociale ». Il souligne « le caractère néfaste pour le dynamisme de l'économie de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers ».
M. Charles Gautier. Très bien !
M. Bernard Vera. En effet, le projet de loi dont nous débattons peut être porteur des plus grandes désillusions pour la croissance, comme pour les comptes publics...
Ce qui est clair, dans l'esprit du Gouvernement, c'est qu'il convient, plutôt que de créer les conditions d'une croissance économique saine et durable, de répondre dans l'immédiat aux attentes d'une frange extrêmement limitée de la population, la frange la plus fortunée.
Ce paquet fiscal, et les mesures qu'il contient, est à mille lieues d'une véritable réforme fiscale faisant de la fiscalité l'un des outils de la croissance.
À ce propos, comment ne pas souligner que les mesures d'allégements fiscaux figurant dans ce texte ont un coût immédiat, celui .de la réduction drastique de la dépense publique ?
Le rapport général est sans équivoque là-dessus : les moins-values de recettes doivent être compensées par des réductions de dépenses à due concurrence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument, c'est leur grande vertu !
M. Robert Bret. Cela dépend pour qui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour la réduction de la dépense publique !
M. Bernard Vera. D'autant qu'avec les sommes annoncées, nous sommes peut-être loin du compte.
Imaginez, monsieur le rapporteur général, que l'effet d'éviction joue à plein et que les entreprises décident d'utiliser le plafond existant en matière d'heures supplémentaires, au bénéfice des dispositions contenues dans l'article 1er !
Ce seraient non pas 6 milliards d'euros de moins-values fiscales et sociales que nous enregistrerions mais bien plutôt 12 milliards, 15 milliards, voire 20 milliards d'euros pour cette seule mesure !
Où trouver l'argent pour un tel effet d'éviction ?
M. Michel Charasse. Jouez au loto !
M. Bernard Vera. Mes chers collègues, allez expliquer que, pour réduire l'impôt sur la fortune de quelques milliers de privilégiés et restaurer la rentabilité financière des entreprises, il faudra réduire les crédits pour rénover les cités HLM de nos quartiers sensibles,...
M. Josselin de Rohan. Ça commence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pleurons ensemble !
M. Bernard Vera. ...fermer les écoles rurales, dissoudre les juridictions d'instance dans un certain nombre de sous-préfectures, diminuer les crédits destinés au financement des transports ferroviaires de voyageurs,...
M. Henri de Raincourt. Bien sûr !
M. Bernard Vera. ...remettre en cause les aides directes à l'agriculture ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Votez ce texte, mes chers collègues de la majorité, mais ne venez pas ensuite vous plaindre amèrement de la réduction de la dépense publique au détriment de tous ceux qui n'auront pas fait jouer le bouclier fiscal ou la défiscalisation des heures supplémentaires, tout simplement parce que leur salaire est trop faible pour qu'ils soient concernés par ces dispositifs !
Posez-vous d'ailleurs simplement cette question :...
M. Josselin de Rohan. Ce n'est plus une explication de vote, c'est un discours !
M. Bernard Vera. Si, c'est une explication de vote !
M. Robert Bret. C'est une explication de texte !
M. Bernard Vera. ...combien cela va-t-il coûter à la collectivité nationale de laisser 40 000 jeunes sans emploi, du fait du non-remplacement des départs à la retraite dans la fonction publique ?
En conclusion, je voudrais citer le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, lors du débat d'orientation budgétaire d'hier : « En l'état, j'exprime un doute sérieux sur le "choc de confiance et de croissance" que le Gouvernement attend de son projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat que nous discuterons à partir de demain. » Nous y sommes !
MM. Henri de Raincourt et Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Bernard Vera. Ce doute, vous le réitérez, monsieur le président de la commission des finances, dans l'entretien accordé à un quotidien économique où vous vous affirmez « réservé » sur la déductibilité des intérêts d'emprunt contenue à l'article 3 du présent projet de loi, sur la défiscalisation massive des mutations prévue par l'article 4 ou encore sur l'extension et le renforcement du bouclier fiscal figurant à l'article 5.
M. Michel Charasse. C'est une explication de vote à 15 milliards d'euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général. À 13 milliards d'euros !
M. Bernard Vera. Avec cette motion tendant à opposer la question préalable, nous vous offrons, monsieur le président de la commission - et cette remarque s'adresse également à d'autres élus de la Haute Assemblée - l'opportunité d'appliquer le principe de précaution.
En adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable, vous permettrez de renvoyer à la discussion budgétaire l'examen de la faisabilité de certaines promesses électorales, et vous donnerez ainsi un autre sens au débat budgétaire de 2008. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 58, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voilà rassurés !
M. Jean Desessard. Gaspilleurs de l'argent public !
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 162 est présenté par Mme Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne, Bricq et Khiari, MM. Massion, Godefroy, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent, Cazeau, Repentin, Frimat, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 59.
Mme Annie David. Un tel débat sur l'emploi et le travail ne peut se dispenser d'aborder la question essentielle de la qualité des relations contractuelles de travail.
Créé par ordonnance au milieu de l'été 2005, le contrat nouvelles embauches, le CNE, participe d'une entreprise de destruction sans précédent du code du travail.
Il nous semble nécessaire d'écarter durablement tout risque de modification du code du travail, dans le sens d'une précarisation accrue.
Le contrat nouvelles embauches contient en effet des dispositions permettant que le salarié recruté se voit imposer une période d'essai de deux ans durant laquelle il peut être licencié sans que l'employeur ait à justifier le motif du licenciement.
Une telle disposition contrevient directement aux législations et règlements internationaux, dont la Charte sociale européenne ou encore la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Or on sait depuis aujourd'hui même que la Cour de cassation s'est estimée compétente pour apprécier cette convention. Et le récent jugement de la cour d'appel de Paris sur ce sujet va dans le même sens.
De plus, ce contrat fait de la France le pays européen où le marché du travail est le plus déréglementé et le moins protecteur pour ses salariés.
Le contrat nouvelles embauches, en vigueur depuis plus de deux ans désormais, n'a pas fait la preuve de son effectivité économique, puisqu'il s'est uniquement substitué, dans un premier temps, à des embauches qui auraient été effectuées de toute façon.
Par ailleurs, il n'a eu pour effet que d'augmenter les recours devant les conseils de prud'hommes pour contestation de licenciement abusif. Les entreprises elles-mêmes témoignent à présent de plus en plus de leur méfiance à l'égard d'un contrat qu'elles jugent peu opérant et qui risque de démultiplier les contentieux.
La très sensible réduction du nombre de contrats signés - moins 13 % depuis le début de l'année - atteste sans la moindre équivoque de cette méfiance.
Comment justifier encore le maintien d'une même disposition, au regard de la fragilisation sans précédent que cette dernière opère dans le monde du travail ?
Le CNE méconnaît certains droits élémentaires du travailleur, allant même jusqu'à les mépriser. Une période d'essai étendue change en effet considérablement la nature de la relation salariale, en limitant par exemple toute capacité d'expression du salarié, rendant impraticable le droit de grève et très difficile l'exercice du droit syndical.
Le CNE contribue également à renverser la norme centrale du travail salarié en France, le contrat de travail à durée indéterminée, le CDI, au profit d'autres formes de contrats, qui étaient devenues l'exception.
En permettant un retour au contrat journalier qui dominait jusqu'au début du XXe siècle, le CNE balaie deux siècles de progrès en matière de droit du travail, deux siècles qui avaient d'abord vu disparaître le contrat de louage de services, puis reculer le contrat journalier au profit de contrats plus longs, jusqu'à ce que le contrat à durée indéterminée soit instauré comme norme en 1979.
Le CNE est non pas une mesure supplémentaire, mais bel et bien une rupture radicale dans notre tradition politique et sociale.
Cette désorganisation sans précédent des rapports salariaux, au profit exclusif des entrepreneurs, est inacceptable. C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement abrogeant le contrat nouvelles embauches, et ce en cohérence avec la proposition de loi que nous avions déposée le 4 avril 2006 et qui visait déjà à supprimer cette disposition.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 162.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous n'avons pas voulu risquer de décevoir le Sénat en omettant de saisir l'occasion qui nous est offerte de demander l'abrogation du contrat nouvelles embauches.
En son temps, nous avions indiqué l'ensemble des raisons juridiques et sociales qui nous faisaient rejeter ce nouveau type de contrat. La situation nous a alors donné raison : le gouvernement de M. de Villepin, puis celui de M. Fillon vont de déboires en déconvenues sur cette affaire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Réjouissez-vous !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. La création du CNE a été une décision purement politicienne, précipitée et autoritaire. Personne - pas même le MEDEF - ne demandait officiellement l'introduction de cet OVNI dans notre droit. Vous n'avez d'ailleurs été soutenu que du bout des lèvres par le patronat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le patronat n'est pas toujours courageux !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le CNE n'a fait l'objet d'aucune concertation, alors que le gouvernement de M. Fillon, comme le précédent, se dit officiellement partisan acharné du dialogue social. Le CNE a suscité l'opposition des syndicats unanimes. Il a provoqué, sur des bases incontestables, des recours devant les tribunaux, qui ont abouti aux décisions que chacun connaît.
La ville de Longjumeau y a d'ailleurs gagné une nouvelle célébrité, puisqu'elle est désormais connue non seulement pour son postillon mais pour son conseil de prud'hommes. (Sourires.)
Malgré les manoeuvres du précédent gouvernement visant à ce que le contentieux relatif au CNE relève du juge administratif, le tribunal des conflits a donné compétence au juge judiciaire. Aujourd'hui, la cour d'appel de Paris confirme que le CNE est contraire à la convention 158 de l'OIT : « L'employeur doit justifier d'un motif valable de licenciement et le salarié doit avoir la possibilité de se défendre. »
Il est permis de licencier un salarié durant sa période d'essai, pourvu que celle-ci « soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable ». Or, la période de deux ans durant laquelle un salarié embauché en CNE peut être licencié sans motif n'est pas nommée par l'ordonnance de 2005. Vous ne pouviez le faire : une période d'essai ne peut à l'évidence durer deux ans, on est au-delà d'une durée « raisonnable » ! C'est ce qui nous avait amenés à qualifier ces deux ans de période « innommable ».
Le CNE doit donc être requalifié en CDI, et, « en l'absence de lettre de licenciement, le salarié est licencié sans cause réelle et sérieuse ». Faut-il encore attendre que la Cour de cassation confirme les jugements des conseils de prud'hommes et l'arrêt de la cour d'appel ?
Voilà pour le droit ! Mais nous dirons aussi un mot des faits et de la brillante réussite de cette opération. Selon l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, il y a eu au total en France, en 2006, près de 17 millions d'intentions d'embauche, dont 505 000 en CNE.
Au final, le CNE a représenté 7,3 % des embauches dans les petites entreprises l'an dernier. Mais - et c'est tout le problème - sur ces 7,3 %, le CNE ne correspond qu'à 10 % de créations nettes de postes.
De surcroît, 50 % des salariés embauchés en CNE ne sont plus dans l'entreprise un an après.
Autrement dit, le CNE couvre à 90 % des embauches de substitution de CDI ou même de contrat de travail à durée déterminée, des CDD, puisqu'il permet de se débarrasser à tout moment et sans justification des salariés.
Sur le plan de l'emploi, il n'a rien apporté. Il n'est qu'un contrat précaire, encore plus précaire que toute la panoplie préexistante. II serait donc plus « raisonnable » de l'abroger purement et simplement. Si une réflexion sur le contrat de travail doit avoir lieu, elle ne peut être engagée, c'est évident, que par un vrai dialogue social, avec l'ensemble des syndicats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon commentaire vaudra également pour toute une série d'amendements qui vont venir en discussion.
Le texte qui nous est soumis vise à élaborer une loi fiscale.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne s'agit pas de modifier le droit du travail.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y aura éventuellement, un jour ou l'autre, des véhicules juridiques spécifiques prévus à cet effet.
La commission des finances émettra donc un avis défavorable sur tous les amendements, quels que soient d'ailleurs leurs auteurs, visant à modifier le droit du travail, comme c'est le cas des deux amendements identiques qui viennent d'être présentés.
Par ailleurs, j'ajoute que quelques dizaines de milliers de personnes sont actuellement sous le régime du CNE. Si l'on abrogeait aussi brutalement qu'il est suggéré le texte de référence de ces contrats, ces personnes se retrouveraient sans emploi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Sans contrat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Être social, c'est d'abord donner du travail aux gens, avant de les mettre dans la précarité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Gautier. Vous fabriquez des otages !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je rejoins la position de M. le rapporteur général en ce que le caractère de ce texte est non pas social, mais bien fiscal.
Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés par M. Marini, le Gouvernement sera défavorable à tous les autres amendements de même nature qui seront présentés ultérieurement, et ce quels que soient leurs auteurs.
En outre, pour procéder à une éventuelle modification des dispositions du code du travail, il conviendrait au préalable de respecter les dispositions prévues par la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, aux termes de laquelle des discussions préalables avec les partenaires sociaux sont nécessaires avant toute modification du code du travail.
J'ajoute que le Bureau international du travail a été appelé à statuer sur cette disposition à la lumière de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail. Il convient donc d'attendre la position du Bureau international du travail. Par ailleurs, l'autorité de la chose jugée d'un arrêt de cour d'appel n'a d'intérêt que si elle a d'abord été examinée par la Cour de cassation, dans l'hypothèse où un pourvoi est exercé.
Enfin, je vous rappelle que des négociations sont actuellement en cours entre les partenaires sociaux : elles ont commencé le 4 juillet dernier, se sont poursuivies le 16 juillet et reprendront dès le mois de septembre, tous les vendredis matin. Elles permettront d'évoquer notamment la sécurisation du parcours professionnel des salariés ; y seront nécessairement abordés, d'une part, le nombre et la nature de tous les contrats de travail, et, d'autre part, leurs vertus et inconvénients.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 et 162.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 154, présenté par M. Desessard, Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'exécuter des heures supplémentaires à l'initiative de son employeur ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à ce que le régime des heures supplémentaires - le « travailler plus » - ne soit pas contraignant ou pénalisant pour le salarié.
Le code du travail actuel précise que « le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Il en est de même, à l'intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues. »
Cet amendement tend donc à élargir le champ de liberté du salarié de refuser toute heure supplémentaire. La campagne de Nicolas Sarkozy ayant été focalisée sur la liberté de travailler, je n'imagine pas que cet amendement puisse être repoussé, dans la mesure où il permet justement soit de travailler, soit de ne pas travailler.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il ne faut pas confondre heures supplémentaires et heures complémentaires !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement ayant pour objet de modifier une disposition du droit du travail, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
J'observe, par ailleurs, que les heures supplémentaires ainsi que l'organisation du travail dans l'entreprise relèvent évidemment des prérogatives du chef d'entreprise.
M. Charles Gautier. Vous avez oublié de le dire tout à l'heure, madame la ministre !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le code du travail prévoit déjà un certain nombre de dispositions permettant de protéger le salarié en cas de demandes d'heures supplémentaires injustifiées ou répétées à tel point qu'elles présentent un caractère permanent. Le salarié peut alors refuser de les effectuer.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 165, présenté par Mme Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne, Bricq et Khiari, MM. Massion, Godefroy, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent, Cazeau, Repentin, Frimat, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-6-1 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Bien que cet amendement, qui tend à supprimer le dispositif des heures choisies, fasse référence au droit du travail, je le défendrai tout de même.
Les heures choisies sont, tout d'abord, une bizarrerie sur le plan du droit puisqu'elles sont théoriquement réalisées au moyen d'un accord entre l'employeur et chaque salarié. Nous nous interrogeons sur le point de savoir si les salariés; notamment dans les PME, sont préalablement informés par leur employeur de la différence existant entre les heures supplémentaires, qui leur sont imposées, et les heures choisies. Dans les faits, chaque salarié a-t-il connaissance de ces subtilités ? Nous en doutons.
L'autre question qui se pose est celle de l'utilité de ce dispositif.
Madame la ministre, en 2004, le contingent annuel des heures supplémentaires a été porté à 220, sachant que celui-ci peut être augmenté par accord collectif. Or, seulement 35 % des salariés font des heures supplémentaires. Le nombre moyen annuel par salarié s'élève à 55 heures ; on est donc fort loin des 220 heures légales.
De plus, c'est dans certaines branches que sont effectuées le plus grand nombre d'heures supplémentaires, à savoir, entre autres, le secteur du bâtiment et des travaux publics, la restauration et les transports.
Une question se pose donc : à quoi sert le dispositif des heures choisies ? N'a-t-il été conçu que pour certaines branches qui, compte tenu des salaires et des conditions de travail, ne parviennent pas à recruter ? Les employeurs n'ont-ils alors pour seul recours que d'utiliser le volant maximum des heures supplémentaires et, pour éviter de demander à l'inspection du travail l'autorisation d'aller au-delà, de signer un accord d'entreprise pour faire effectuer les heures dites choisies ? Je rappelle que ces heures choisies ne font pas obligatoirement l'objet d'un repos compensateur, celui-ci n'étant prévu que « le cas échéant ». Au demeurant, la seule limite du temps de travail est celle de 48 heures par semaine ou de 44 heures sur douze semaines.
La seule existence de cette disposition dans notre code du travail fait courir aux salariés un risque réel pour leur santé et leur sécurité. Elle se conjugue à la précarité des contrats, aux conditions de travail dangereuses dans certaines branches et à la pénibilité des travaux. Il est avéré que la fatigue causée par un temps de travail trop long sur la journée, a fortiori cumulé sur plusieurs jours ou plusieurs semaines, augmente considérablement le nombre d'accidents et de maladies professionnelles.
Je le dis au passage, cette disposition est néfaste pour la branche accidents du travail de la sécurité sociale, tout au moins quand les accidents du travail sont déclarés comme tels. De plus, ce sont les employeurs qui financent la branche accidents du travail-maladies professionnelles.
Dans le même temps, de nombreux demandeurs d'emploi ne parviennent pas à s'insérer professionnellement, et perçoivent des allocations chômage ou le RMI, financé par la collectivité. L'incohérence de ce système montre encore une fois qu'il relève non pas d'une politique réfléchie de l'emploi, mais d'une idéologie et d'un bricolage précipité.
Il convient donc d'abroger ce dispositif inutile, incohérent et néfaste.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à modifier le code du travail. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 163, présenté par Mme Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne, Bricq et Khiari, MM. Massion, Godefroy, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent, Cazeau, Repentin, Frimat, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 220-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours au sens du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail bénéficient d'un repos quotidien d'une durée de treize heures consécutives. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. La France a été reconnue à deux reprises en infraction avec la Charte sociale européenne, qu'elle a pourtant ratifiée.
En effet, le comité européen des droits sociaux a clairement indiqué que les salariés soumis au forfait annuel en jours ne peuvent bénéficier, en l'état actuel du droit, d'une durée équilibrée de travail et de repos, ni de conditions de travail équitables garanties par la Charte sociale européenne.
Or, madame la ministre, votre projet de loi va aggraver la situation en obligeant ces salariés, sur injonction de leur employeur, à effectuer des jours de travail supplémentaires.
De plus, pour bénéficier du dispositif que vous mettez en place, ces jours devront dépasser le plafond légal de 218 jours.
Afin de garantir une durée compatible avec des conditions de travail et de vie tolérables pour la santé et la sécurité des personnes, nous proposons de porter le repos quotidien à treize heures consécutives, au lieu de onze heures actuellement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'étonnerai personne en disant que cet amendement vise aussi à modifier le code du travail.
Dans ces conditions, à mon grand regret, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. C'est un bon débat ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 164, présenté par Mme Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne, Bricq et Khiari, MM. Massion, Godefroy, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent, Cazeau, Repentin, Frimat, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du deuxième alinéa de l'article L. 221-4 du code du travail est rédigé comme suit :
« Les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours au sens du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail,... (le reste sans changement)
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement, complémentaire du précédent, vise à permettre aux salariés soumis au forfait annuel en jours de bénéficier de deux jours de repos consécutifs, soit 48 heures au lieu de 36 heures aujourd'hui.
Nous sommes ici devant un problème de santé public, né directement de l'aggravation des conditions de travail et de la régression sociale.
Depuis 2003, l'objectif du Gouvernement a été non seulement de combattre la réduction du temps de travail, mais également d'allonger la durée du travail et de flexibiliser les horaires. Ainsi, le champ des forfaits, qui étaient, au départ, réservés aux cadres autonomes, a été considérablement étendu. Aujourd'hui, le nombre de salariés soumis aux forfaits en heures et en jours, c'est-à-dire tous ceux dont le temps ne peut être décompté à l'avance, est de plus en plus élevé.
Avec le développement des nouvelles technologies, nous voyons se généraliser un travail nomade, dont la durée s'étend très au-delà des horaires théoriques. Chacun peut aussi observer que la journée de travail de ces salariés est nettement supérieure à sept heures ou huit heures par jour.
Avec cet empilement de mesures, nous arrivons aux limites du système. La sinistre actualité des usines automobiles nous démontre que la pression sur les salariés devient insupportable.
Or, le Gouvernement souhaite aller encore plus loin, en faisant miroiter l'espérance illusoire d'une augmentation du revenu. Que vaut une telle augmentation face à la perte de la santé, au stress permanent, à la ruine de la vie familiale et sociale ? De nombreux salariés, notamment parmi les cadres, « décrochent » d'un système qui les exploite et ne leur accorde plus aucune reconnaissance.
II y a là, pour notre économie, une perte d'investissement humain considérable. Vous refusez de le voir, préférant continuer dans la voie idéologique consistant à insinuer que nos compatriotes sont des fainéants et que toute solution réside dans une augmentation de la durée individuelle du travail, doublée d'une stagnation, c'est-à-dire d'une baisse en valeur absolue du salaire net.
Cette politique est simplement l'un des volets d'une politique de régression sociale. Il s'agit d'amener les salariés à travailler au-delà de leurs capacités physiques et psychiques pour se voir accorder une aumône, tandis que certains bénéficient de 15 milliards de cadeaux fiscaux au détriment de la collectivité nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. -Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les intervenants de l'opposition ont tort d'oublier les réactions populaires qui se sont exprimées en 2002 : de très nombreux Français ont voulu montrer à ceux qui avaient soutenu le gouvernement de Lionel Jospin que la perte de pouvoir d'achat, directement due aux 35 heures et au corsetage des horaires dans les entreprises, était une puissante source de mécontentement. Mes chers collègues, cet aspect a été pour beaucoup dans l'échec qui a été le vôtre lors de l'élection présidentielle et des élections législatives de 2002. Je le répète, vous avez vraiment tort d'oublier cette leçon !
Les arguments que vous développez aujourd'hui vont totalement à l'encontre des principes d'initiative et de responsabilité auxquels nous croyons. En cherchant à nous tirer les larmes aux yeux en usant d'accents à la Zola - un sous-Zola, pardonnez-moi de vous le dire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) -, vous ne favorisez pas la tenue d'un véritable débat.
Je le rappelle, notre ambition est ici non pas de modifier le code du travail, mais de créer un contexte économique et fiscal propice au développement des entreprises et à l'adaptation des horaires de travail en fonction de leurs besoins et de leur plan de charge.
En vertu de cette analyse, qui, je le reconnais, est de nature politique - mais la majorité assume totalement cette position -, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Ma réponse concernant l'amendement n° 164 sera un peu technique, mais elle vaudra également pour l'amendement n° 163, qui visait à instaurer une mesure comparable.
Tout d'abord, cet amendement aurait pour effet de modifier le code du travail.
Ensuite, il introduirait une forme de discrimination entre les salariés qui sont au forfait et ceux qui ne le sont pas, puisque les uns comme les autres sont soumis aux dispositions de l'article L. 220-1 du code du travail, qui dispose que « tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ».
De plus, selon l'article L 221-4 du même code, « le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu à l'article L. 220-1 ».
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le rapporteur général a daigné nous faire une réponse, mais elle est de nature politique. Je l'ai écouté avec attention, et, à vrai dire, je suis partiellement d'accord avec lui.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !
M. Jean Desessard. Le partage du temps travail tel qu'il a été mis en place n'a effectivement pas été bien compris par les classes populaires.
En fait, il manquait le partage des richesses, qui aurait dû être couplé avec le partage du temps de travail ! En effet, quand les gens n'ont pas assez d'argent, ils ne peuvent pas utiliser leur temps libre !
M. Josselin de Rohan. Qui a bloqué les salaires ?
M. Jean Desessard. Comme, depuis une vingtaine d'années, l'écart entre les revenus des plus pauvres et ceux des plus riches continuait à augmenter, il aurait fallu décider de partager les richesses. Le partage du temps de travail est donc extrêmement lié à la réforme fiscale qui permet le partage des richesses.
Puisqu'il y a, selon nous, un lien entre l'organisation du temps travail et la fiscalité, nous défendons aujourd'hui des amendements visant à modifier le code du travail dans le cadre d'une loi fiscale.
Sur ce point, nous sommes donc en total désaccord. Il faut bien évidemment faire le partage du temps de travail, mais en l'accompagnant de mesures fiscales, et pas celles que vous nous proposez avec ce texte !
M. le président. L'amendement n° 166 rectifié, présenté par Mmes Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne, Bricq et Khiari, MM. Massion, Godefroy, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent, Cazeau, Repentin, Frimat, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % pour les huit premières heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire ou pour les trente-quatre première heures de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % ».
II. 1° La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2° La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Je connais le sort qui sera réservé à cet amendement, monsieur le rapporteur général, mais, vous le savez, aucun combat ne peut être gagné s'il n'est pas mené !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le sais, j'ai moi aussi été dans l'opposition !
Mme Bariza Khiari. Je vais donc essayer de le défendre, d'autant que j'ai deux atouts à cet égard.
Tout d'abord, cet amendement se situe dans le droit-fil de votre rhétorique « travailler plus pour gagner plus ».
Par ailleurs, il s'appuie sur les conclusions d'un rapport d'information qui a été présenté par notre collègue Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Il n'existe aucune justification à ce que les heures complémentaires des salariés à temps partiel ne bénéficient pas de la même majoration que les heures supplémentaires des salariés à temps complet, d'autant que les salariés à temps partiel sont, dans leur grande majorité, des femmes - à 80 % - qui assument souvent des charges de famille très lourdes. Elles travaillent à temps partiel contraint et souhaitent allonger leur temps de travail afin de gagner plus.
II serait regrettable que, dans ce cas précis, où le slogan « travailler plus pour gagner plus » ne rencontrerait aucune opposition, le projet de loi ne soit pas plus audacieux. Par cet amendement, nous proposons d'y remédier. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne vais pas innover dans ma réponse. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Cet amendement va à l'encontre des objectifs du projet de loi. En outre, il vise à modifier une disposition du code du travail.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, que je vais justifier techniquement.
Je voudrais corriger l'impression selon laquelle le régime des heures supplémentaires que le Gouvernement met en place ne s'appliquerait pas aux heures complémentaires des salariés à temps partiel soumis aux dispositions de l'actuel article L. 212-4-4 du code du travail.
Le régime dont nous discutons s'applique, mais au-delà du temps complémentaire de 10 % prévu par l'article L. 212-4-4. Mais les 10 % prévus par l'article L. 212-4-4 sont du temps complémentaire associé au régime du temps partiel.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Avant tout, je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu sur le fond.
En tant que membre de cette assemblée, je regrette que M. le rapporteur général n'ait pas voulu entendre que cet amendement était indissolublement lié au débat qui nous occupe. La Haute Assemblée doit donc l'examiner, même si je ne me fais guère d'illusion sur le sort qui lui sera réservé.
Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que votre réponse illustre l'extraordinaire complexité de cet article 1er, que nous avons presque tous soulignée à la tribune. Après vous avoir écoutée, n'étant pas un grand spécialiste du code du travail, je suis incapable de mesurer la pertinence de votre argumentation.
Cela étant, j'ai le sentiment profond que la question que nos collègues viennent de poser est importante et qu'elle devra trouver une solution dans le cadre soit de ce texte de loi, soit du projet de loi auquel vous nous avez dit avoir songé.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, si j'ai bien compris votre explication, les heures complémentaires des salariés à temps partiel, au-delà de 10 %, seront rémunérées à 25 % jusqu'à la limite de 35 heures. (Mme la ministre acquiesce.) Un salarié ayant un contrat de travail de 20 heures, par exemple, aura donc ses deux premières heures complémentaires payées à 10 % et les suivantes à 25 % ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. C'est tout à fait cela !
Pour reprendre votre exemple, le salarié dont le contrat de travail fixe une durée de 20 heures par semaine verra les deux premières heures complémentaires, soit 10 % du temps de travail initialement prévu au contrat, rémunérées selon le barème habituel, c'est-à-dire sans majoration. À partir de la vingt-troisième heure, les heures complémentaires seront payées 25 % de plus.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
I. - Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. - I. - Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies au premier alinéa des articles L. 212-5 du code du travail et L. 713-6 du code rural, au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail, au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural et au I et au premier alinéa du II de l'article L. 212-9 du code du travail, des heures choisies mentionnées aux articles L. 212-6-1 du même code et L. 713-11-1 du code rural, des heures considérées comme des heures supplémentaires en application du cinquième alinéa de l'article L. 212-7-1 du code du travail et du cinquième alinéa de l'article L. 713-8 du code rural, et, pour les salariés relevant du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application du troisième alinéa de l'article L. 212-4-7 du même code.
« L'exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours mentionnées au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné au premier alinéa du même III, à des jours de repos dans les conditions prévues à ce même alinéa ; elle s'applique de même, dans les entreprises de vingt salariés au plus, aux salaires versés en application du II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, permettant aux salariés de renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos accordées en application de l'article L. 212-9 du code du travail ou du III de l'article L. 212-15-3 du même code ou d'effectuer des heures au-delà de la durée prévue par la convention de forfait conclue en application des I ou II de l'article L. 212-15-3 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-4-3 et au premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail ou définies à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 212-4-3 du même code applicable à la date de publication de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles et par les articles L. 773-1 et suivants du code du travail au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures ou au titre des heures complémentaires, au sens de la convention collective qui leur est applicable, qu'ils accomplissent ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent.
« II. - L'exonération prévue au premier alinéa du I s'applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :
« - pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus aux I de l'article L. 212-5 du code du travail et de l'article L. 713-6 du code rural ;
« - pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« - pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue au II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait ;
« - pour les forfaits mentionnés au second alinéa du 1° du I du présent article, de 25 % de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait ;
« 2° Aux rémunérations mentionnées au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. - Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, elles ne sont pas applicables :
« - à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens du septième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail et ne sont pas intégrées de manière définitive à l'horaire contractuel de travail ;
« - à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 27 juin 2007, de la durée maximale hebdomadaire ou du plafond mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail et au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural ou du plafond mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 212-9 du code du travail ;
« - à la rémunération d'heures supplémentaires mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail ou au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural et effectuées, le cas échéant, au-delà du plafond fixé par un accord d'entreprise ou d'établissement et en deçà de 1 607 heures dans des entreprises ou des établissements pour lesquels ces accords ont été conclus après le 27 juin 2007.
« IV. - Supprimé. »
II. - Dans le troisième alinéa du 1 de l'article 170 et dans le c du 1° du IV de l'article 1417 du même code, avant la référence : « 81 A », est insérée la référence : « 81 quater, ».
III. - Après le e du 3° du B du I de l'article 200 sexies du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les revenus exonérés en application de l'article 81 quater sont retenus pour l'appréciation du montant des revenus définis au a. »
IV. - Après l'article L. 241-16 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux articles L. 241-17 et L. 241-18 ainsi rédigés :
« Art. L. 241-17. - I. - Toute heure supplémentaire ou complémentaire ou toute autre durée de travail effectuée, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Le premier alinéa est applicable aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.
« II. - La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.
« III. - Le cumul de la réduction prévue au I avec l'application d'une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale ou avec l'application de taux réduits, d'assiettes forfaitaires ou de montants forfaitaires de cotisations ne peut être autorisé, dans la limite mentionnée au premier alinéa du I, que dans des conditions fixées par décret compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les salariés concernés.
« IV. - Le bénéfice de la réduction prévue au I est subordonné à la mise à la disposition des agents du service des impôts compétent ou des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle de l'application des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-5-3, L. 133-5-5, L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code et à l'article L. 812-1 du code du travail, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret.
« Art. L. 241-18. - I. - Toute heure supplémentaire ou toute autre durée de travail, à l'exception des heures complémentaires de travail définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-4-3 et au premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 du présent code, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. - Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du code général des impôts.
« II bis. - Les déductions mentionnées aux I et II sont imputées sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural, pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peuvent dépasser ce montant.
« III. - Les déductions mentionnées aux I et II sont cumulables avec des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I du présent article est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. - Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17. »
V. - L'article L. 241-13 du même code est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa du III est complétée par les mots : « les heures supplémentaires étant prises en compte en majorant leur nombre par le taux de la majoration qui est appliqué à leur rémunération, dans la limite des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article L. 713-6 du code rural » ;
2° Le V est ainsi modifié :
a) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Avec les déductions forfaitaires prévues à l'article L. 241-18 ; »
b) Le 4° est abrogé ;
c) Dans le dernier alinéa, le mot et la référence : « et 2° » sont remplacés par le mot et la référence : « à 3° ».
V bis. - 1. L'article L. 131-4-1 du code de la sécurité sociale, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, devient l'article L. 131-4-2 du même code.
2. Le dernier alinéa du IV de l'article L. 131-4-2 du même code, tel qu'il résulte du 1, et la dernière phrase du III bis de l'article L. 241-10 du même code sont complétés par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».
3. Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-6-4 du même code, après les mots : « à l'exception », sont insérés les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 et ».
4. Le dernier alinéa de l'article L. 241-14 du même code est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».
5. Le IV bis de l'article L. 752-3-1 du même code est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».
V ter. - Le sixième alinéa de l'article L. 981-6 du code du travail est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».
V quater. - 1. Le deuxième alinéa du VI de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et le VI de l'article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) sont complétés par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».
2. Le neuvième alinéa du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».
VI. - Le livre VII du code rural est ainsi modifié :
1° Dans l'article L. 741-4, le mot et la référence : « et L. 241-13 » sont remplacés par les références : «, L. 241-13 et L. 241-18 » ;
1° bis Le troisième alinéa de l'article L. 741-5 est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale » ;
2° Dans l'article L. 741-15, les mots : « de l'article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18 » ;
3° Dans le dernier alinéa des articles L. 741-15-1 et L. 741-15-2, la référence : « L. 241-13 » est remplacée par la référence : « L. 241-18 ».
VI bis. - Le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel sont informés par l'employeur de l'utilisation du volume d'heures supplémentaires effectuées par les salariés de l'entreprise ou de l'établissement. Un bilan annuel portant sur l'utilisation du contingent annuel d'heures supplémentaires et de son évolution est transmis à cet effet.
VII. - Le I de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise est abrogé, ainsi que le III en tant qu'il s'applique au I.
VII bis. - Le décret mentionné au I de l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale peut prévoir une majoration, jusqu'au 31 décembre 2008, du montant de la déduction forfaitaire qu'il fixe pour les entreprises de plus de vingt salariés auxquelles est applicable le régime dérogatoire prévu au II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
VIII. - Les I à V et le VI sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er octobre 2007. Le VII entre en vigueur à la même date.
IX. - Le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'évaluation de l'application du présent article avant le 31 décembre 2008. Ce rapport rendra notamment compte :
- de l'évolution du nombre d'heures supplémentaires, complémentaires et choisies constatée à l'échelle nationale et par branche d'activité ;
- de l'impact sur l'économie nationale et les finances publiques de cette évolution ;
- de l'évolution des salaires dans les entreprises selon l'importance de leur recours aux heures supplémentaires, complémentaires et choisies ;
- des conséquences du présent article pour l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en tant qu'employeurs.
X. - Les IV, V, VI, VII et VIII s'appliquent de façon identique à Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article 1er consacre le slogan de l'élection présidentielle « travailler plus pour gagner plus » ! Quoi de plus normal que, en travaillant plus, les salariés gagnent plus ?
En réalité, cet article n'est qu'un leurre, qui plus est hypocrite, puisque vous prétendez ne pas toucher aux 35 heures. Il est destiné à faire croire aux salariés les plus modestes que vous leur offrez un cadeau inespéré, un véritable pont d'or.
En premier lieu, vous présentez la défiscalisation des heures supplémentaires comme juste alors qu'elle est au contraire profondément injuste : cette loi n'est pas « destinée à tous ceux qui travaillent, quels que soient leurs revenus ». En effet, elle écarte d'emblée tous les contrats précaires et les salariés qui perçoivent un faible salaire et qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu. Il est vrai que, en commission, M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a rétorqué à cette remarque que ces salariés auraient aussi un gain, puisqu'ils n'auront pas à payer leurs cotisations sociales sur leurs heures supplémentaires. Quel gain formidable !
Mais ces allégements seront d'autant plus faibles que les salaires seront bas, privilégiant ainsi les plus hauts salaires, creusant d'autant plus les inégalités salariales.
Même la Cour des comptes ne vous suit pas sur le terrain des exonérations ! Dans son rapport destiné à la commission des finances de l'Assemblée nationale, non publié mais révélé par la presse le 24 août 2006, elle dénonce la surenchère des politiques d'allégement des charges patronales depuis 2005, les jugeant très coûteuses et incontrôlées, et pointe le manque d'évaluation quant à leurs véritables effets sur l'emploi.
En deuxième lieu, le choix de « travailler plus pour gagner plus » n'appartient pas au salarié. Je vous rappelle que, dans certains secteurs d'activités, le quota d'heures supplémentaires prévu par la loi n'est pas utilisé en totalité ! À cet égard, le scénario Kronenbourg ne devrait-il pas vous inciter à plus d'humilité ?
S'agissant des salariés à temps partiel, l'article 1er, vu sa complexité, m'a induite en erreur. À première vue, il m'avait semblé que leurs heures complémentaires ne seraient pas rémunérées à 25 %. Cette mesure paraissait inégalitaire. Toutefois, je veux bien tenir compte de la réponse que vous m'avez faite, madame la ministre.
En troisième lieu, vous affirmez multiplier l'emploi en faisant travailler plus celles et ceux qui ont déjà un emploi. Autre tromperie ! Et nombreux sont ceux qui vous l'ont dit : syndicats, membres du Conseil d'analyse économique, économistes,... Contestant cet article, ils le jugent contre-productif pour l'emploi, affirmant que vous encouragez les employeurs à avoir recours aux heures supplémentaires plutôt que d'embaucher !
En commission, M. Vasselle nous a indiqué « que c'est en augmentant la durée moyenne de travail que l'on parviendra à une baisse durable du chômage et à un taux de croissance plus élevé », tout en prétendant qu'il ne s'agissait pas d'une quelconque idéologie.
Si M. Vasselle n'exprime pas là la pensée soutenue par les tenants du libéralisme néoclassique, cela y ressemble bigrement !
Je tiens à rappeler que, d'après un rapport de l'INSEE, concernant les 35 heures, « le processus de RTT a conduit sur la période 1998-2002, selon les estimations, à un rapide enrichissement de la croissance en emplois de près de 350 000 postes, et ceci, semble-t-il, sans grand déséquilibre financier pour les entreprises ».
Même le MEDEF admet que 200 000 emplois ont été créés par les 35 heures !
Enfin, autre tromperie, vous dites faire du salarié « le grand gagnant » de la mesure. Or vous savez que le gain de pouvoir d'achat de quelques-uns sera illusoire et de courte durée !
En effet, les euros supplémentaires, gagnés en travaillant plus, seront aussitôt perdus en raison non seulement du blocage du salaire de base, mais également de l'augmentation du coût de la vie, avec notamment de nouvelles franchises médicales : la mise en place d'un « bouclier sanitaire » n'est-elle pas évoquée ?
M. Thierry Repentin. Absolument !
Mme Annie David. Vous nous l'avez dit, ces heures supplémentaires viendront abonder le revenu fiscal de référence. Mais avez-vous prévu une étude d'impact pour en vérifier les effets auprès des salariées en termes d'augmentation de leur quotient familial ou encore de leur exonération de taxe d'habitation ?
Le pouvoir d'achat de nos concitoyens sera, de plus, « rogné » par des augmentations fiscales inéluctables, car personne ne croit plus au retour de la croissance - à part peut-être vous, madame la ministre, qui, dans vos rêves, voyez la croissance revenir grâce à cette future loi !
Vous restreignez les recettes de l'État de 6 milliards d'euros sur trois ans pour ce seul article en tablant sur un même volume de travail, et de plus de 13 milliards d'euros par an sur l'ensemble du texte. Ce n'est donc qu'en diminuant les dépenses ou en créant de nouvelles recettes que le Gouvernement parviendra à limiter les dégâts !
Ainsi, malgré l'impopularité de votre projet de TVA sociale qui vous contraint à avancer masquée, nous ne sommes pas dupes de ce que vous nous réservez ! Par ailleurs, les diminutions des personnels de la fonction publique ne sont pas sans lien avec ce texte !
Inévitablement, celles et ceux qui auront cru en vos belles promesses et auront réalisé des efforts démesurés au regard de leur gain paieront ces défiscalisations ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. La défiscalisation des heures supplémentaires que vous nous proposez serait donc la traduction dans le droit fiscal de ce leitmotiv simple, voire simpliste : travailler plus pour gagner plus.
Derrière ce slogan se cachent un leurre grossier et un danger réel.
Tout d'abord, cette mesure - et vous le savez ! - ne redonnera pas de pouvoir d'achat aux salariés. La possibilité d'effectuer des heures supplémentaires existe déjà, mais elle est peu utilisée.
Votre majorité a déjà élevé le contingent légal d'heures supplémentaires. Pourtant, la durée hebdomadaire du travail est restée stable, et il y a fort à parier que les heures supplémentaires ne seront pas plus utilisées demain.
Vous essayez également de faire croire aux Français qu'ils pourront choisir de travailler plus. Vous savez bien que c'est faux et que la possibilité de faire des heures supplémentaires dépendra toujours de l'employeur.
Le pouvoir d'achat supplémentaire, qui sera déjà très faible, sera ainsi fortement dépendant de l'activité économique et donc extrêmement précaire.
Si vous aviez voulu redonner du pouvoir d'achat aux Français, la mesure la plus simple et la plus juste aurait été un réel coup de pouce au SMIC, ce que vous avez obstinément refusé.
M. Josselin de Rohan. Qu'a fait Jospin ?
Mme Bariza Khiari. Vous savez qu'un coup de pouce au SMIC aura une incidence par effet de système sur la grille des salaires des plus modestes.
Votre objectif réel n'est donc pas d'augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs. Non, il est de mettre en place des processus de contournement pour mettre fin aux 35 heures.
En tout état de cause, cette apparente nouvelle flexibilité ne créera pas d'emplois. Au contraire, les employeurs ne seront pas incités à embaucher, et les conditions de travail des employés et des ouvriers, déjà difficiles, s'en trouveront encore dégradées.
Votre dispositif est également contraire au principe d'égalité. Il crée une discrimination flagrante entre les salariés selon qu'ils auront eu ou non la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires.
En plus d'être inefficace et inégalitaire, ce nouveau dispositif fera l'objet de fraudes. Il sera coûteux : les économistes parlent de 6 milliards d'euros à volume constant d'heures supplémentaires.
Vous ne pourrez donc pas continuer à ignorer les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques.
À terme, il ne fait aucun doute que tous les cadeaux fiscaux que vous faites aujourd'hui devront, d'une manière ou d'une autre, être compensés, soit par une hausse de la TVA que vous avez déjà évoquée, soit par de nouvelles restrictions des dépenses, et donc par une attaque en règle contre les services publics.
Votre dispositif sera, je le répète, coûteux et inefficace.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Réjouissez-vous-en !
Mme Bariza Khiari. Vous savez très bien qu'une politique de l'emploi digne de ce nom devrait être fondée sur des objectifs d'insertion dans le marché du travail des populations les plus fragiles, à savoir les jeunes, les seniors et les femmes.
Pour ces populations, vous nous proposez d'affecter 25 millions d'euros au revenu de solidarité active quand vous consacrez 6 milliards d'euros aux heures supplémentaires !
Cet article est donc révélateur de la rhétorique simpliste de votre majorité. En conséquence, madame la ministre, nous ne pouvons y adhérer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, je vous ai entendu défendre la défiscalisation des heures supplémentaires sous un double motif.
Premièrement, vous avez évoqué l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise. Cela reste encore à vérifier.
Deuxièmement, vous avez parlé de l'amélioration de la condition des salariés, analyse contre laquelle je m'inscris en faux.
L'incitation aux heures supplémentaires aura pour effet de creuser le déficit budgétaire. Cela signifie qu'il y aura moins de services publics, et que le citoyen salarié disposera de moins de pouvoir d'achat collectif.
Elle aura également pour effet de creuser le déficit des comptes sociaux. L'usager salarié perdra de son pouvoir d'achat collectif ; il bénéficiera de moins de prestations maladie et de services offerts par l'hôpital public.
De plus, cette incitation aux heures supplémentaires aura pour effet d'accroître la pénibilité et la souffrance au travail, ainsi que de décourager l'embauche.
Faire des heures supplémentaires ne revalorise pas le travail. Certes, on peut avoir cette impression dans un premier temps, mais, dans un second temps, on se rend compte au contraire que les heures supplémentaires dévalorisent le travail. En effet, faire des heures supplémentaires signifie que les heures normales de travail ne suffisent pas à vivre !
Faire des heures supplémentaires ne réduit pas le chômage : au lieu d'embaucher, une entreprise qui ferait face à un surcroît d'activité augmenterait son volant d'heures supplémentaires. Faire des heures supplémentaires n'augmente pas le travail effectué : cela augmente le chômage !
Ces derniers temps, la durée du travail pour un emploi normal a très peu baissé : avec les heures supplémentaires, la durée réelle du temps de travail est aujourd'hui de 38,8 heures en moyenne pour un emploi à plein-temps, d'après les chiffres de l'INSEE du mois de juillet 2003.
C'est donc un partage du travail assez sauvage qui s'est mis en place aujourd'hui : 3 millions de personnes travaillent zéro heure par semaine - les chômeurs-, 19 millions de personnes travaillent « à plein pot », souvent trop, et 4 millions de personnes sont employées à temps partiel, via les contrats à durée déterminée ou l'intérim.
Faire des heures supplémentaires peut être dangereux, car l'état de santé au travail se dégrade du fait de l'intensification du travail.
L'allongement de la durée de travail ne peut qu'amplifier le phénomène, d'autant que les personnes ayant le plus besoin d'une augmentation de leur salaire sont celles qui effectuent les métiers les plus difficiles, les plus usants physiquement. On sait très bien que ce sont les travaux les plus pénibles qui sont les moins payés !
Par ailleurs, les écologistes ne peuvent cautionner une politique productiviste. Le travail n'est pas une fin en soi. (Oh ! sur les travées de l'UMP.) Parfaitement ! Plutôt que de travailler plus, les Français ont besoin de travailler tous ! La croissance ne pourra pas être exponentielle : la planète nous impose des limites. Il y a les discours au forum de Grenelle, et les discours qui s'appuient sur la réalité. Il faudra bien que l'on arrive un jour à faire coïncider les deux.
M. Josselin de Rohan. Dites-le à vos camarades !
M. Jean Desessard. Plutôt que de gagner plus, les Français ont besoin de vivre mieux !
Il y a des augmentations de salaires qui ne rapportent pas grand-chose aux salariés, surtout si elles sont synonymes de stress, de dégradation des conditions de travail, de dégradation des comptes publics, de trou de la sécurité sociale, d'abandon des services publics et d'épuisement des ressources naturelles.
M. Henri de Raincourt. Ben voyons !
M. Jean Desessard. Derrière ce débat, il y a aussi la question de la définition de la richesse. M. Philippe Marini nous a désigné ce qui était pour lui le paradis européen du « travailler plus » : la Grèce, et ses 2 053 heures de travail par an !
À quand la Chine et ses 10 points de croissance annuelle en ligne de mire, avec toutes les conditions de travail qui vont de pair ?
À l'inverse, nous devrions nous éloigner à tout prix de ce modèle repoussoir et tire-au-flanc qu'est l'Allemagne, avec ses 1 437 heures de travail !
Or, la vraie richesse, le vrai confort, c'est quand même de travailler moins !
La première action à mettre en oeuvre pour que le « travailler plus » aboutisse au « gagner plus », c'est avant tout de rémunérer les heures supplémentaires déjà effectuées qui ne sont pas payées. Ce n'est pas la loi qui peut le permettre, c'est l'intervention des inspecteurs du travail sur le terrain, avec des moyens adéquats. Or, aujourd'hui, il n'y a que 1 400 inspecteurs du travail, qui ont besoin de faire des heures supplémentaires pour inspecter les 2,5 millions d'entreprises de ce pays !
Il serait sain qu'une partie des milliards d'euros aujourd'hui distribués soit mise à profit pour doubler ou tripler le nombre d'inspecteurs du travail.
Je souhaite également dire un mot de toutes les heures supplémentaires non payées qui sont faites par les médecins et par les infirmiers dans le secteur hospitalier. Il faudrait également prévoir la formation et anticiper sur les besoins de santé.
En conclusion, madame la ministre, cette mesure vise à affranchir les entreprises de la loi sur les 35 heures. Comme vous l'avez dit cet après-midi, ce qui est en jeu, c'est la remise en cause des 35 heures, à la carte, en toute liberté, selon le choix du chef d'entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, dans votre intervention liminaire, vous avez beaucoup insisté sur la valeur du travail.
Je ne refuse pas du tout ce débat, mais je ne pose pas le même diagnostic que vous.
Votre majorité et vous-même êtes obnubilées par le contournement de l'horaire légal des 35 heures - c'est quand même de cela dont il est question depuis des semaines. Il s'agit selon moi d'un mauvais diagnostic.
Nous savons très bien quel est le problème du facteur « travail » au sein de notre appareil productif. Il a été en effet plusieurs fois démontré que le volume global du travail était tout simplement insuffisant et qu'il ne s'agissait pas d'un problème d'heures travaillées.
Nous savons très bien qu'il y a un problème à l'entrée de la vie active, et un autre à la sortie.
Mme la ministre a fait référence à ceux qui s'expatrient pour chercher du travail, notamment en Grande-Bretagne. Parmi ceux-ci, il n'y a pas que des traders. Je connais nombre de jeunes gens, pas forcément très diplômés, qui s'expatrient parce que l'appareil productif français ne veut pas leur faire confiance, surtout lorsque leur couleur de peau est un peu moins blanche que la mienne... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ils sont très nombreux : on estime que 400 000 Français environ travaillent en Grande-Bretagne. Beaucoup de jeunes quittent notre pays parce que, en France, les entreprises n'ont pas voulu les accueillir !
De l'autre côté, l'ancienne majorité a mis en place, alors que vous étiez déjà ministre, madame Lagarde, le contrat senior.
C'est un échec, car les entreprises n'y ont pas eu recours par manque de confiance. Dans une entreprise, dès que vous avez plus de quarante-cinq ans - et je sais de quoi je parle -, on ne vous forme plus !
De plus, dès que l'on peut, on négocie pour vous un départ anticipé à la retraite, car on estime que vous coûtez trop cher !
Nous savons bien, madame la ministre, qu'il faut étendre le travail dans notre pays ; mais il ne faut pas le faire de la manière dont vous vous y prenez.
Je souhaite dire à nouveau un mot au sujet du coût de la disposition que vous nous proposez.
Le périmètre de la mesure n'étant pas connu à l'heure actuelle, on ignore également son impact budgétaire.
À ce jour, nous n'avons pas le détail des éléments que vous prendrez en compte, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires. Comment allez-vous comptabiliser les stocks d'heures supplémentaires qui sont réclamés en paiement par un certain nombre de corps de la fonction publique d'État ou de la fonction publique hospitalière ?
Les évaluations auxquelles vous avez procédé de manière successive ont beaucoup varié.
Pendant la campagne électorale, l'UMP parlait de 3 milliards d'euros. Sur le fondement de votre évaluation du stock de 900 millions d'heures supplémentaires actuel, vous annoncez maintenant 6 milliards d'euros sur trois ans, mais vous ne comptez là que les heures supplémentaires.
Le ministère des finances, plus circonspect, prend en compte les heures supplémentaires, les heures complémentaires et les forfaits en jours. Si le total augmente de 20 %, on arrivera, selon un conseiller qui a été cité par un grand journal du soir, à 7,2 milliards d'euros.
Si votre mesure remporte le triomphe que vous escomptez avec l'apparition de 30 % d'heures supplémentaires, le coût sera de 8 milliards d'euros,...
M. Jean Desessard. C'est cher !
Mme Nicole Bricq. ... sans compter, comme l'ont notamment souligné tout à l'heure nos collègues du groupe CRC, les effets d'aubaine et, ainsi que cela a également été démontré, les risques de fraude, qui conduiraient employeurs et salariés à s'entendre sur des volumes d'heures supplémentaires fictifs.
L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, s'inquiète d'un manque à gagner pour la trésorerie de la sécurité sociale qui pourrait atteindre deux mois en raison du délai de mise en place de la compensation.
Dans le même temps, le ministre des comptes publics annonce - et il l'a redit hier devant nous - que l'État va enfin payer sa dette de 5,1 milliards d'euros à la sécurité sociale d'ici à la fin de l'année, ce dont on ne saurait trop le féliciter. Mais, si tel est le cas, ne s'agit-il pas de boucher un trou avant d'en creuser un autre plus profond ?
M. Henri de Raincourt. Le Sapeur Camember ?
Mme Nicole Bricq. Tout cela relève d'un pilotage à vue. Vous ne savez pas quelles seront les conséquences budgétaires exactes du slogan de campagne, mais il vous faut bien mettre en place ce que l'on ne peut appeler autrement qu'une « usine à gaz ».
Vous nous avez reproché de mettre en place, avec les 35 heures, quelque chose d'unique en Europe ; or vous faites exactement de même avec l'usine à gaz que vous construisez autour des heures supplémentaires. Seule la France aura un tel dispositif !
J'ajouterai, en conclusion, que la plus grande perversité de votre slogan « travailler plus pour gagner plus » et de ce système réside dans la dissimulation des conséquences réelles et voulues.
À l'Assemblée nationale, vous avez déclaré ceci en commission : « On peut parler d'incitation pour les employeurs à recourir aux heures supplémentaires, en particulier pour les bas salaires, dans la mesure où c'est jusqu'à 1,5 SMIC que l'avantage consenti sera supérieur à l'augmentation du coût salarial résultant de la majoration des heures supplémentaires. »
Remettons votre phrase à l'endroit, si vous le voulez bien. Elle pourrait ainsi être traduite : l'employeur aura intérêt à recourir aux heures supplémentaires pour les salariés mal payés plutôt que d'augmenter les salaires ; pour les salariés mieux payés, il aura intérêt à maintenir la pression dans le flou d'un temps de travail extensible et le plus possible forfaitisé.
Votre projet de loi prend place dans la longue liste des mesures conçues pour exercer une pression à la baisse sur les salaires. L'employeur aura tout intérêt à ce que des heures supplémentaires, réelles ou fictives, remplacent des augmentations de salaire, et ce sont les salariés les plus faibles, souvent les plus précaires, qui en seront les premières victimes. Sur la durée, le salaire net va donc diminuer en valeur absolue.
« Travailler plus pour gagner plus » signifie en fait ceci : « si votre employeur vous fait travailler plus parce qu'il en a besoin ou qu'il y trouve un profit, vous gagnerez peut-être autant, mais pas longtemps » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. C'est : « le salarié travaille plus pour que le patron gagne plus ! »
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, vous nous avez dit vouloir valoriser le travail.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
Mme Marie-France Beaufils. D'après vous, le bonheur n'est pas dans le pré ; il est à l'atelier, au bureau, sur le chantier.
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme Marie-France Beaufils. Alors, comment expliquer cette recrudescence du taux de suicide chez les salariés ? Certes, nous ne disposons pas de statistiques, mais les exemples se multiplient, soit dans notre environnement proche, soit rapportés par la presse.
Individualisation des méthodes de travail, manque de dialogue dans l'entreprise, restructurations menées à la hussarde, précarisation des contrats, stress, concurrence entre les salariés, licenciements, harcèlements sous toutes ses formes sont des causes possibles de suicide au travail.
Alors que les rapports de travail, dans le contexte de crise que nous vivons, sont fondés sur ce principe de concurrence que vous vénérez tant, vous n'y voyez que relations harmonieuses et solidaires. Ainsi avez-vous déclaré : « J'entends dire parfois, à propos du travail et de la concurrence qu'il engendre : c'est la guerre de tous contre tous. Voilà un véritable contresens. Car à la guerre, le plus fort soumet le plus faible tandis que, dans les rapports de travail, le plus fort communique de la force au plus faible ».
Nous ne devons pas côtoyer au quotidien les mêmes salariés !
Un habitant de ma commune me faisait récemment part de son expérience de travail à la chaîne. Pendant des années, il a installé des bouteilles par six sur un tapis roulant qui ne s'arrête pas de la journée. C'est un exercice pénible par son caractère répétitif, qui conduit le salarié à attendre, l'oeil fixé sur la pendule, que la journée prenne fin. Alors, s'il fait des heures supplémentaires après avoir travaillé à ce rythme-là, ce ne sera vraiment pas à sa demande !
Je pourrais aussi vous préciser comment d'autres salariés, particulièrement des femmes, sont atteints de maladies professionnelles, notamment articulaires, à cause du travail à la chaîne dans une autre entreprise.
Ces personnels se retrouvent au final sans possibilité de retrouver un autre travail. Il n'est pas possible pour nous d'ignorer cette réalité. D'ailleurs, les salariés d'une grande brasserie de l'est de la France l'ont exprimé avec force en se mettant en grève et en refusant de se voir imposer des heures supplémentaires.
Vous nous dites que le temps de travail moyen des Américains, des Espagnols ou des Japonais est supérieur de 15 % environ au temps de travail des salariés français et que nous ne pouvons continuer, seuls contre tous, à refuser une évidence universelle.
Il nous faudrait donc admettre ce « travailler plus » que vous nous proposez aujourd'hui.
Mais la réalité n'est pas si simple. Un nombre record de 330 Japonais sont morts ou sont tombés gravement malades à cause du surmenage entre avril 2005 et mars 2006.
Le ministère de la santé japonais réfléchirait même à un programme d'action et de prévention contre les risques du surmenage au travail, ainsi qu'à une campagne de communication sur les ondes et à la télévision sur les risques que fait peser l'acharnement à vouloir toujours plus travailler et devenir trop compétitif au détriment de sa santé. Et vous, vous prétendez suivre cet exemple qui montre forcément que ce n'est pas la voie à emprunter !
En France, le CNRS reconnaît que de 300 à 400 salariés se suicideraient en France chaque année sur le lieu de travail.
Il est impossible de ne pas faire le rapprochement entre souffrance et situation professionnelle. Annie David a d'ailleurs fait allusion à cette situation tout à l'heure en présentant la motion tendant à opposer la question préalable.
Les salariés de la centrale nucléaire de Chinon, que, tout comme M. Novelli ici présent, je connais bien ne sont pas des salariés à la chaîne. Or, peut-on nier que l'accentuation de la productivité de chacun a profondément dégradé leurs conditions de vie au travail ?
J'aimerais, comme vous, pouvoir dire que les salariés ont la possibilité d'un épanouissement personnel au travail. Je souhaiterais que ce soit la réalité ; malheureusement, la situation est autre.
Vous sonnez la charge contre les 35 heures.
M. Gérard César. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Vous dissertez sur le travail en vous adressant plus particulièrement à ceux qui travaillent le plus dur et sont souvent les moins payés. Vous laissez entendre que vous apportez ainsi des solutions aux difficultés qu'ils rencontrent en raison de salaires insuffisants.
Il aurait été plus simple, me semble-t-il, en ce début du mois de juillet, d'augmenter de façon substantielle le SMIC, ainsi que l'ensemble des salaires qui ont pris beaucoup de retard ces dernières années.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas Mme Royal qui a été élue !
Mme Marie-France Beaufils. À mon avis, cela aurait été beaucoup plus efficace pour l'ensemble des salariés dont je viens de parler ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, sur proposition de la commission des finances, le Sénat a décidé d'examiner séparément, d'abord, les deux amendements de suppression de l'article 1er, puis l'amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 102 est présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et Cazeau, Mme Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne et Khiari, MM. Repentin, Frimat, Godefroy, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour défendre l'amendement n°60.
Mme Annie David. Comme je l'ai souligné dans mon intervention précédente, cet article 1er ne présente aucune légitimité en termes d'efficacité économique et sociale ; c'est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
Par ailleurs, madame la ministre, vous dites que votre projet est destiné à « encourager et à valoriser tout au long de leur vie les femmes et les hommes de France les plus courageux, les plus entreprenants » ! Néanmoins, certains salariés, même s'ils le désirent, n'ont pas la possibilité de travailler plus !
Qu'en est-il des parents, principalement les femmes, qui doivent concilier leur vie professionnelle et familiale ? Ces parents, qui ne veulent pas laisser leurs enfants livrés à eux-mêmes, qui souhaitent les accompagner dans leur travail scolaire ou simplement passer du temps avec eux, sont-ils pour autant « moins courageux, moins entreprenants » ?
Qu'en est-il des salariés qui ont de très mauvaises conditions de travail, qui souffrent et sont les premières victimes des accidents du travail ? Mme Beaufils vient à l'instant d'en parler.
Comment imaginer travailler plus, alors que l'aggravation des conditions de travail est mise en évidence par un rapport de l'Organisation mondiale de la santé, selon lequel la France arrive au troisième rang mondial, derrière l'Ukraine et les États-Unis, où les dépressions liées au travail sont les plus nombreuses ? Les drames suscités par les suicides d'un trop grand nombre de travailleurs doivent nous amener à faire preuve de grande vigilance.
Qu'en est-il aussi des salariés privés d'emploi ? En effet, madame la ministre, votre projet présuppose que le travail soit abondant ; or c'est loin d'être le cas !
Estimez-vous que les millions de chômeurs ne sont « ni courageux ni entreprenants » et qu'ils sont dans une telle situation parce qu'ils le veulent bien ?
Ce retour à l'idéologie du chômage « volontaire » a des relents nauséabonds insupportables, à l'heure où de plus en plus d'entreprises mettent en oeuvre de véritables licenciements boursiers à seule fin d'augmenter les gains de leurs actionnaires. Comment « travailler plus pour gagner plus », lorsqu'on est licencié au nom de la seule idéologie du profit ?
Mon département, l'Isère, n'a malheureusement pas été épargné par la multiplication des plans de licenciements ; pourtant, ces femmes et ces hommes, laissés sur le pavé, ne demandaient qu'à poursuivre leur collaboration avec leur entreprise : HP, devenue « HP Invent », STMicroelectronics, Bonmartin, Stahl, SGL-Technic, Sanmina, Atofina, Polimeri, Pechiney Rhenalu.... On pourrait également citer de nombreuses papeteries, les dernières en date étant celles de Domène, Lancey et Voiron, pour lesquelles je vous ai écrit - je tiens d'ailleurs à votre disposition une copie de ce courrier. Filiales du groupe Matussière et Forest, Lancey et Voiron sont actuellement en situation de déposer le bilan.
Un plan social prévoyant soixante et onze suppressions de poste a été mis en oeuvre. L'obtention d'une convention d'allocations spéciales du Fonds national pour l'emploi, ASFNE, limiterait le nombre des licenciements en permettant de sauver une quinzaine d'emplois. Or, cette demande a été rejetée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Les salariés vous ont sollicitée afin que vous leur accordiez de manière dérogatoire cette convention ASFNE.
Madame la ministre, nous sommes bien en présence de salariés qui luttent avec courage et détermination pour préserver leur emploi et sauver leur entreprise ; allez-vous les aider, leur permettre de rester dignes ?
Ce à quoi aspirent, aujourd'hui, nos concitoyens, ce n'est pas de travailler plus, c'est surtout de travailler pour vivre bien ! Si l'on se réfère aux profits financiers, qui ont atteint un taux record en 2006, cette aspiration est tout à fait réalisable !
Ainsi, non seulement l'efficacité en termes d'emploi et de pouvoir d'achat ne résiste pas à une analyse approfondie, mais cet article écarte d'emblée tout un pan de notre population, tout aussi « courageux et entreprenant », qui aspire seulement à vivre dignement de son travail, en le partageant avec d'autres, plutôt que de recourir à des heures supplémentaires dont le gain sera nul, ou au RSA, dont nous allons débattre dans la suite de ce texte !
Par ailleurs, comme je l'ai souligné dans ma précédente intervention, le recours aux heures supplémentaires relève de la responsabilité de l'employeur. Tout le monde, ici, le sait bien.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 102.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement tend également à supprimer l'article 1er du projet de loi.
Outre que la réglementation du temps de travail doit avant tout protéger les salariés contre les horaires abusifs, le choix d'effectuer des heures supplémentaires ne leur appartient pas. C'est à l'employeur qu'une telle décision revient, puisque ce sont les carnets de commande des entreprises qui déterminent, en dernière instance, les possibilités d'y recourir.
Depuis cinq ans, faute d'une activité économique suffisante, la durée moyenne hebdomadaire de travail est demeurée stable - aux environs de 38 heures - et le nombre d'heures supplémentaires effectuées par salarié est resté très inférieur au plafond annuel de 220 heures !
L'amendement n° 102 vise donc à supprimer un dispositif qui ne permettra pas aux salariés d'effectuer un choix autonome et qui, s'il est mis en oeuvre, risque de jouer contre l'embauche de chômeurs.
En effet, la défiscalisation des heures supplémentaires que l'article 1er tend à instaurer risque de concurrencer et de pénaliser les créations d'emplois, l'insertion des chômeurs dans un emploi durable et la lutte contre le travail précaire ou à temps partiel contraint, qui touche 15 % des salariés.
En outre, cette défiscalisation ne réglera pas non plus le problème de la progression du pouvoir d'achat des salariés, alors que le SMIC, dont l'augmentation n'a été que de 2,1 %, n'a bénéficié d'aucun « coup de pouce ».
Par ailleurs, et malgré les précautions inscrites dans le projet de loi, le risque de voir les entreprises substituer des heures supplémentaires « fictives » ou « nouvellement déclarées » à des éléments de rémunération traditionnels pour profiter des incitations sociales dont elles font l'objet existe bel et bien. La tentation de remplacer les primes habituelles, éventuellement annuelles, par des heures supplémentaires sera réelle. L'article 1er du projet de loi, qui ne pose pas le principe d'une interdiction absolue de la substitution des heures supplémentaires à des éléments de rémunération en vigueur précédemment, ne prévient pas vraiment ce type de comportement.
De plus, la détaxation des heures supplémentaires crée des disparités entre les salariés, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, les travailleurs n'ont pas le pouvoir de décider seuls d'effectuer des heures supplémentaires. Ensuite, tous les ménages ne sont pas imposés. Enfin, une disparité existera entre les contribuables dont les revenus relèveront d'heures supplémentaires et ceux dont ce ne sera pas le cas. Dès lors, à assiette fiscale identique, ces deux catégories de contribuables ne seront pas imposées de la même manière. Une telle situation, qui tend à remettre en cause le principe d'égalité devant l'impôt, est source d'inconstitutionnalité.
Le dispositif envisagé semble porter atteinte au principe constitutionnel d'égalité fiscale posé par l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et d'une manière que ne justifient ni la différence de situation des contribuables bénéficiaires de la mesure ni l'objectif d'intérêt général visé par le Gouvernement.
En outre, indépendamment du problème de l'inégalité entre les contribuables, les dispositions de l'article 1er sont contraires à la notion de progressivité de l'impôt sur le revenu, car elles font échapper à l'impôt une fraction des revenus. En effet, si de telles mesures entraient en vigueur, le poids de l'impôt ne serait plus ajusté à la capacité contributive des contribuables au moyen de l'application d'un barème progressif.
C'est pourquoi il paraît préférable de supprimer un dispositif législatif dont la constitutionnalité est plus que douteuse et dont la justification économique est plus qu'incertaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, du moins sa majorité, adhère aux orientations de l'article 1er. Dès lors, elle ne peut qu'être défavorable aux amendements tendant à le supprimer.
Je ne reprendrai pas la totalité des arguments qui ont été évoqués, mais je souhaite revenir sur ceux qui ont trait à l'analyse ou à la doctrine économiques.
Monsieur Vera, vous avez fait référence au professeur Artus. Pour ma part, je pourrais mentionner les travaux du professeur Didier. Vous avez également évoqué M. Piketty. Or, quelles que soient par ailleurs ses grandes qualités universitaires, celui-ci s'est notamment illustré par la thèse qu'il défend en permanence, selon laquelle l'exil des contribuables imposés à l'ISF serait positif.
M. Gérard César. Ah bon ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien évidemment, nous ne pouvons pas souscrire à ce raisonnement.
Nous sommes donc dans une situation de contradiction complète ; nos deux approches s'opposent totalement. Seule la démocratie, c'est-à-dire le vote, peut apporter une solution à un tel différend.
M. Jean Desessard. Très bien ! Sur ce dernier point, je suis d'accord ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je ne peux évidemment que rejoindre la position de M. le rapporteur général. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 60 et 102.
Toutefois, puisque certains membres de la Haute Assemblée ont évoqué la « difficulté » ou la « complexité » de l'article 1er, je souhaiterais en expliquer le mécanisme, qui me paraît simple.
Quel est notre objectif ? Nous voulons encourager le travail, afin que le slogan « travailler plus pour gagner plus » devienne réalité. Ce faisant, nous souhaitons tout simplement relancer l'économie de notre pays en augmentant les revenus des salariés tout en diminuant le coût du recours aux heures supplémentaires pour les employeurs.
Nous voulons donc, et c'est bien le coeur du dispositif, que l'État engage un investissement de 6,6 milliards d'euros dans ce domaine. Le dispositif que l'article 1er tend à instituer est fondé sur deux mécanismes simples, dont le premier concerne les salariés, tandis que le second s'adresse aux employeurs.
Tout d'abord, le salarié bénéficiera d'une réduction de cotisations sociales sur toutes les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du temps de travail, qui est aujourd'hui de 35 heures hebdomadaire, ainsi que d'une exonération d'impôt sur le revenu de la rémunération perçue au titre des heures supplémentaires. En clair, il percevra un salaire « brut », net d'impôts.
Quant à l'employeur, il pourra être encouragé à recourir au temps de travail supplémentaire en bénéficiant d'une déduction de ses cotisations patronales dont le montant variera selon la taille de l'entreprise.
En effet, en l'état actuel du droit, le taux légal de majoration de la rémunération due au titre des quatre premières heures supplémentaires est de 10 % pour les entreprises comprenant au plus vingt salariés, contre 25 % pour les entreprises de plus de vingt salariés.
Aux termes de la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, ce taux légal devait être porté à 25 % dans les entreprises de vingt salariés ou moins à compter du 1er janvier 2009. Or l'article 1er du présent projet de loi vise à faire en sorte que ce taux légal soit porté à 25 % dans les entreprises de vingt salariés au plus à compter non pas du 1er janvier 2009, mais du 1er octobre 2007. Cela se traduira donc par un renchérissement du coût des heures supplémentaires pour les employeurs.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'instituer deux abattements forfaitaires distincts. Le premier, qui diminuera les cotisations patronales de 0,5 euro par heure supplémentaire, sera applicable dans les entreprises de plus de vingt salariés. Le second, qui sera de 1,5 euro par heure supplémentaire, ne concernera que les entreprises de vingt salariés au plus, afin de compenser l'obligation qui leur est faite d'appliquer dès le 1er octobre 2007 une mesure initialement censée entrer en vigueur au 1er janvier 2009.
Par ailleurs, nous proposons de pérenniser le mécanisme de l'abattement forfaitaire, qui est de 0,5 euro par heure supplémentaire dans les entreprises de plus de vingt salariés et de 1,5 euro pour les entreprises de vingt salariés au plus, afin notamment d'encourager ces dernières à recourir à du travail supplémentaire, à grossir et à embaucher pour devenir rapidement non pas des toutes petites entreprises, mais des petites, des moyennes, voire - qui sait ? - des grandes entreprises.
Madame Bricq, j'en viens à votre calcul et à la manière dont vous avez renversé la logique de ma phrase.
J'ai expliqué avec précision - et, je l'espère, avec clarté - le mécanisme de la dotation forfaitaire, qui sera donc variable selon la taille de l'entreprise. Si l'abattement est plus élevé pour les entreprises de vingt salariés au plus, c'est parce que celles-ci doivent augmenter le taux de majoration de rémunération des heures supplémentaires plus tôt que la loi ne le prévoyait initialement. Nous compensons donc le coût supplémentaire que cela représente pour elles par une déduction forfaitaire supplémentaire. Le coût des heures supplémentaires, il est vrai, ne sera minoré que pour les salaires inférieurs à 1,45 fois le SMIC.
Par conséquent, vous avez raison, madame Bricq : jusqu'au 1er janvier 2009, il sera plus avantageux pour un employeur de recourir aux heures supplémentaires des « petits salaires ».
En revanche, à partir du 1er janvier 2009, nous serons en régime constant, puisque le système en vigueur sera celui qui aurait de toute façon dû s'appliquer en l'état actuel du droit. À ce moment-là, l'avantage jouera à plein pour l'employeur, y compris au-delà du seuil de 1,45 fois le SMIC.
J'espère avoir fait simple.
M. Jean Desessard. Oh oui, c'est très simple ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Christine Lagarde, ministre. Mais oui, c'est simple !
En résumé, tandis que le salarié percevra un salaire supplémentaire « brut », net d'impôts, l'employeur bénéficiera d'une déduction de cotisations patronales qui variera en fonction du coût de la majoration de rémunération des heures supplémentaires dans son entreprise.
M. Jean Desessard. Ils sont intelligents à droite ! Eux, ils comprennent tout !
Mme Christine Lagarde, ministre. En outre, dans un souci de transparence, je voudrais préciser deux éléments qui sont de nature à compliquer quelque peu le dispositif. (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).
D'abord, dans la mesure où le salarié sera amené à travailler plus pour être payé plus, la prime pour l'emploi qu'il percevra sera, bien entendu, dégressive.
M. Jean Desessard. C'est ça ! Il « gagnera plus », mais il y perd en touchant moins !
Mme Christine Lagarde, ministre. Mais, en toute hypothèse, il sera toujours bénéficiaire net du système.
M. Jean Desessard. À hauteur d'environ un euro ! Tout cela pour un euro !
Mme Christine Lagarde, ministre. Grâce à l'augmentation de sa rémunération au titre des heures supplémentaires, le salarié sera toujours gagnant, malgré le caractère dégressif de la prime pour l'emploi.
Ensuite, le mécanisme est également prévu pour neutraliser l'application du coefficient « Fillon », afin que l'employeur ne subisse pas les conséquences à la fois de l'augmentation de l'heure supplémentaire et de l'allégement Fillon dégressif.
Permettez-moi également de répondre à certains points techniques que vous avez évoqués. Selon les chiffres de l'année 2004, qui sont d'ailleurs mentionnés dans l'excellent rapport de M. Marini, 37 % des salariés effectuent des heures supplémentaires. En outre, d'après les chiffres de l'année 2006, ce sont, en moyenne, 58 heures supplémentaires par an qui sont effectuées par chacun des salariés.
L'affirmation selon laquelle peu d'heures supplémentaires seraient effectuées est donc fausse. En effet, si l'on retranche les congés obligatoires et un certain nombre de jours de vacances ou de jours fériés, les 58 heures supplémentaires effectuées chaque année par les salariés représentent presque deux heures par semaine !
Enfin, madame Bricq, je vous rejoins sur un point : c'est bien en volume global de travail sur toute la vie que nous, Français, sommes effectivement déficitaires.
Le mérite de ce texte fiscal, dans lequel nous ne discutons pas de dispositions modifiant le code du travail, est d'encourager le recours à un travail supplémentaire. Il ne prétend pas régler le problème du volume de travail sur l'ensemble de la vie du salarié.
Les partenaires sociaux, dans le cadre des négociations en cours sur la sécurisation du parcours professionnel, évoqueront forcément, parmi d'autres exemples, l'exemple danois, qui permet justement le lissage du temps de travail et de formation professionnelle, ainsi que toutes les questions liées à l'effectivité de la formation professionnelle et des sommes qui y sont consacrées. Ces négociations devraient nous permettre, je l'espère, d'arriver à allonger le temps de travail sur la durée de la vie, comme vous l'indiquiez très justement, et je vous rejoins sur ce point. Si ces négociations n'aboutissaient pas, nous serions amenés à évoquer ces questions par la voie législative.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, vous comprendrez que ces amendements de suppression recueillent un avis défavorable du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général, et M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 102.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 118 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 69, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après l'article L. 242-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'Unedic sont en équilibre.
« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaire/valeur ajoutée est pris en compte. Le comité d'entreprise ou à défaut, les délégués du personnel, sont associés au contrôle de ce ratio. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement vise à engager une véritable réforme de l'assiette des cotisations patronales, en solution de rechange au présent projet de loi qui, pour sa part, tend à faciliter le recours aux horaires déstructurés, à grands coups d'heures complémentaires et supplémentaires.
L'expérience de quinze années d'allégement des cotisations sociales normalement dues par les entreprises ne plaide pas pour sa prolongation. La charge budgétaire des allégements de cotisations n'a fait que croître et embellir, avant que l'on ne se décide à affecter quelques recettes fiscales à l'ACOSS, pour atteindre plus de 23 milliards d'euros, nonobstant la non-compensation persistante d'une partie des exonérations.
Le cantonnement des exonérations au sein des comptes de l'ACOSS et leur financement par des recettes fiscales dédiées tendent à masquer la réalité de la dérive de ce processus de substitution qui a abouti à la détérioration des comptes sociaux.
De plus, comme maintes études l'ont prouvé, l'extension permanente du champ des exonérations a facilité le recours à des politiques de bas salaires menées par les directions d'entreprises, renforçant la précarité de l'emploi, des conditions de rémunération et de travail.
Le vrai coût des exonérations de cotisations sociales, telles qu'elles sont pratiquées depuis plus de quinze ans, est aussi mesurable en termes de moins-values fiscales, de pression constante sur les salaires, notamment dans les PME, et de blocage des débouchés naturels de la production de biens et de services dans notre pays, du fait de l'insuffisance du pouvoir d'achat des salariés et de leurs familles.
Il est donc plus que temps de changer de braquet et de repenser la participation des entreprises au financement de la sécurité sociale. Une telle réforme s'impose non seulement pour favoriser les entreprises à fort taux de main-d'oeuvre et les PME, mais aussi pour augmenter la contribution des entreprises hautement capitalistiques et mettre un frein à leur politique de spéculation financière.
Il faut favoriser réellement les créations d'emplois et apporter ainsi des ressources nouvelles et pérennes à la sécurité sociale. Aujourd'hui, notre système de financement se trouve dans une impasse, car la logique libérale, qui consiste à maximiser le profit à tout prix, l'emporte sur la création de richesses à long terme.
Il faut cesser de considérer le travail et les salariés comme un coût ou une charge. Par conséquent, il importe d'appliquer des mesures permettant de revenir sur la logique destructrice des gains de productivité à court terme, qui consiste en réalité à favoriser la rentabilité des placements financiers pour les actionnaires au détriment de la richesse produite.
Nous sommes bien là au coeur du problème, madame la ministre, et la situation des comptes sociaux ne prête, hélas ! pas le moins du monde à l'équivoque. Les déficits sociaux vont atteindre en 2007 un niveau inégalé, conduisant d'ailleurs certains de nos collègues à demander un relèvement de la contribution de remboursement de la dette sociale ! Quelle hypocrisie ! Ce seraient encore les salariés, victimes de la précarisation du travail largement encouragée par le cadre juridique et fiscal de ces dernières années, qui feraient les frais de la fiscalisation renforcée des comptes sociaux !
Quant à l'UNEDIC, si elle doit présenter cette année un excédent de trésorerie, ce dernier est cependant loin de combler le déficit cumulé et repose sur un système d'indemnisation qui exclut de toute allocation 60 % des personnes sans emploi !
C'est donc sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement qui permettrait de mettre en oeuvre une réelle modulation des cotisations sociales, en faveur de l'emploi et des salaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai cru comprendre que la finalité de cet amendement était d'alourdir les charges sociales d'une catégorie d'entreprises. Puisqu'il s'agit d'alourdir les charges...
M. Robert Bret. De les moduler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... ou de les moduler mais, en moyenne, de les alourdir,...
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas pareil !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... vous jouez, à mon sens, contre la compétitivité de ces entreprises et vous pénalisez l'emploi !
M. Robert Bret. Non, c'est le contraire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour nous, ce dispositif est vraiment contre-productif. Il s'inscrit à contresens des efforts que nous poursuivons depuis longtemps, avec le président Arthuis, dans la recherche d'un financement de la protection sociale rénové et pérennisé, rendu soutenable sur la longue durée grâce au recours à une ressource fiscale n'ayant pas d'effets pervers en termes de délocalisation des entreprises.
C'est pourquoi la commission émet un avis tout à fait défavorable sur l'amendement n° 69.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer M. le rapporteur général, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Cette question a fait l'objet d'un rapport, discuté successivement au Conseil d'orientation pour l'emploi, auquel participent les organisations syndicales, au Conseil d'analyse économique et, pour une synthèse finale, au Centre d'analyse stratégique. Il en ressort, monsieur Bret, que le ratio que vous proposez d'appliquer pour moduler les charges sociales en fonction de la masse salariale varie de manière très ample chaque année, à la fois dans le temps et au sein des secteurs. Dans ces conditions, il serait tout à fait déraisonnable d'instaurer ce type de modulation.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien entendu l'argument de M. le rapporteur général. Nous ne proposons pas d'alourdir les charges des entreprises à partir du moment où ces dernières sont attentives à la question de l'emploi et qu'elles consacrent aux salaires une part de valeur ajoutée qui atteste d'une meilleure prise en compte des salariés. Je comprends donc mal, monsieur le rapporteur général, les arguments employés pour vous déclarer défavorable à notre amendement.
S'agissant du rapport que vous avez évoqué, madame la ministre, je n'en partage pas les conclusions. Il serait en effet souhaitable d'accorder plus d'attention, dans l'analyse de la situation des entreprises, à l'effort fait en faveur des salariés afin que la modulation de la cotisation soit plus faible pour l'employeur qui paie mieux ses salariés que pour celui qui privilégie la rémunération des actionnaires.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais compléter mon explication, dans un souci de dialogue républicain avec Mme Beaufils.
L'amendement n° 69 vise à un retour à l'équilibre des comptes des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC. Cela signifie qu'on augmente leurs ressources : comment le faire sans alourdir les cotisations des employeurs ?
Mme Marie-France Beaufils. Pour certains seulement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, mais ils deviendront moins compétitifs ! Ils perdront des positions de marché au risque de se délocaliser, réduisant ainsi l'emploi !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Si je comprends bien, dans le dispositif que vous suggérez, madame Beaufils, plus une entreprise verse de salaires moins elle paie de charges sociales. Par conséquent, plus l'entreprise comptera d'emplois, moins elle versera de cotisations sociales.
Mme Marie-France Beaufils. Nous prenons en compte la part de valeur ajoutée consacrée aux salaires par rapport à la part de valeur ajoutée consacrée à d'autres éléments !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaiterais que nous puissions avoir un jour un débat sur cette question, et que vous me disiez alors quelles conséquences vous tirez de la mondialisation de l'économie.
Mme Marie-France Beaufils. Je suis d'accord !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si vous instaurez un impôt sur la valeur ajoutée de l'entreprise, vous recréez la taxe professionnelle, dont on a dit encore récemment qu'elle était un impôt de production qui accélérait, lui aussi, les délocalisations.
Recréer un tel impôt serait se tirer une balle dans le pied,... sinon dans la tête !
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement tend à clarifier le régime des astreintes, qui avait été fixé par la seconde des lois Aubry, afin d'éviter qu'il ne soit contourné par certains employeurs.
Ce régime était en réalité assez peu contraignant, car l'employeur pouvait imposer unilatéralement des astreintes propres à chaque cas en l'absence d'accord de branche étendu ou d'accord d'entreprise, tout en décidant des compensations accordées aux salariés, sous forme financière ou sous forme d'un repos.
Cependant, ces garanties étaient sans doute encore trop protectrices pour ceux qui souhaitaient assimiler les astreintes à du temps de repos. La majorité UMP a donc profité de l'élaboration de la loi Fillon de 2003 pour remettre en cause la jurisprudence en modifiant l'article L. 212-4 bis du code du travail.
Cette modification allait à l'encontre d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui avait estimé « que les périodes d'astreinte, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées comme un temps de repos, lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail, même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle ; qu'il en résulte qu'un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire lorsqu'il est d'astreinte. »
Exception faite de la durée d'intervention effective, la période d'astreinte sera donc désormais décomptée des durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire. Tout est décidément possible avec l'UMP, même d'être considéré comme en repos alors que l'on doit rester en état d'alerte, mobilisable, à distance raisonnable de son lieu de travail !
Par conséquent, l'amendement n° 61 vise à supprimer ces dispositions, qui ont valu à notre pays un rappel à l'ordre du comité de la charte sociale européenne du Conseil de l'Europe dans une décision du 4 mai 2005.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je crains que cet amendement ne tende à modifier le droit du travail ! (Sourires.)
Dès lors, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
I. - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % pour les heures effectuées au-delà du dixième de la durée hebdomadaire fixée au contrat ou du dixième de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. »
II. - Les taux prévus aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence.
III. - Les taux prévus à l'article 200 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est possible que je retire cet amendement si Mme la ministre nous apporte quelques compléments d'information.
Vous nous avez dit tout à l'heure, madame la ministre, que les heures complémentaires effectuées au-delà du dixième de la durée prévue dans le contrat de travail seront bien rémunérées avec une majoration de 25 %. Cependant, j'ai encore un petit doute s'agissant de l'exonération fiscale : ces heures complémentaires ouvriront-elles également droit à l'exonération fiscale accordée aux salariés travaillant à temps plein lorsqu'ils effectuent des heures supplémentaires ?
En effet, les salariés à temps partiel comptent souvent parmi les travailleurs les plus pauvres, et, s'ils ne bénéficiaient pas des dispositions que je viens d'évoquer, la cible serait complètement manquée à nos yeux.
En fonction de votre réponse, madame la ministre, nous pourrons peut-être retirer l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je vais vous donner une réponse technique tout à fait stricte, madame David : aux termes de l'article L. 212-4-4 du code du travail, les heures complémentaires effectuées par les salariés travaillant à temps partiel au-delà du dixième de la durée prévue dans le contrat de travail doivent être majorées de 25 %.
Pour reprendre l'exemple évoqué tout à l'heure d'un contrat de travail à temps partiel prévoyant 20 heures de travail par semaine, la majoration de 25 % de la rémunération s'applique à compter de la vingt-troisième heure, les deux heures complémentaires précédentes s'inscrivant dans la limite du dixième de la durée hebdomadaire de travail fixée dans le contrat. L'exonération s'applique bien entendu pour l'ensemble du temps complémentaire travaillé, y compris dans les limites du dixième de la durée hebdomadaire de travail.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme David ayant obtenu une explication détaillée répondant, me semble-t-il, à sa préoccupation, elle devrait être en mesure de retirer l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L'article L. 212-4-3 du code du travail encadre strictement le travail à temps partiel, le nombre d'heures complémentaires ne pouvant excéder le dixième de la durée du travail prévue dans le contrat.
En outre, l'article précité précise aussi que « les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ».
Dans ces conditions, je me demande comment vous pourrez vous dispenser de modifier cet article du code du travail, madame la ministre.
M. Robert Bret. Nous avons donc bien raison de nous intéresser au code du travail !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. C'est afin de procéder à une clarification et de fournir une explication de texte que j'interviens, et surtout pas en vue de modifier une quelconque disposition du code du travail, ce qui, en toute hypothèse, ne serait pas nécessaire.
Les articles L. 212-4-3 et L. 212-4-4 du code du travail décrivent effectivement le statut du salarié à temps partiel et la durée du travail applicable dans le cadre du contrat à temps partiel.
Les dispositions sont claires : pour reprendre l'exemple simple d'un contrat prévoyant une durée hebdomadaire de travail de 20 heures, les deux premières heures travaillées au-delà de cette durée ne font pas l'objet de la majoration de 25 % de la rémunération, mais ouvrent droit à l'exonération fiscale et à la réduction des cotisations sociales que nous avons évoquées tout à l'heure. La majoration de 25 % s'applique à compter de la vingt-troisième heure.
L'autre disposition à laquelle vous faites référence, madame la sénatrice, stipule que dès lors que le volume du temps de travail demandé au salarié se rapprocherait de la durée légale du travail, c'est-à-dire 35 heures, cela entraînerait la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 62 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié est retiré.
L'amendement n° 63, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...Le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l'horaire moyen effectué par un salarié sur une période de douze semaines consécutives est porté au niveau de la durée légale du travail ou au-delà de la durée fixée conventionnellement à la demande du salarié, le contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat de travail à temps complet. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je crois qu'il nous a été, là encore, répondu par avance...
Cet amendement vise en effet à requalifier le contrat à temps partiel dès lors que la durée du travail du salarié serait régulièrement augmentée jusqu'à représenter un temps complet.
Vous nous avez affirmé, madame la ministre, que les articles L. 212-4-3 et L. 212-4-4 du code du travail encadrent spécifiquement cet aspect des choses.
Cependant, il existe une contradiction, me semble-t-il, car il est stipulé que le temps de travail ne peut être porté à 35 heures, mais que, s'il l'est, il y a requalification du contrat de travail !
Pourquoi pas ? C'est une sorte de garde-fou au cas où, malgré l'interdiction, le temps de travail serait porté à 35 heures, ce qui arrive malheureusement parfois.
En tout état de cause, madame la ministre, vous nous assurez donc bien qu'en cas de temps partiel porté régulièrement à hauteur du temps plein, le contrat sera requalifié en contrat à temps plein.
Mme Annie David. Dans ce cas, cependant, que devient la majoration de rémunération pour les salariés qui travaillaient auparavant à temps partiel ? Si l'on requalifie leur contrat en contrat à temps plein, ce sera certes une bonne chose, mais je suppose qu'ils ne garderont le bénéfice ni de l'exonération fiscale ni de la majoration de 25 % pour les heures travaillées qui relevaient précédemment du régime des heures complémentaires.
Je me pose beaucoup de questions au sujet de ces dispositions, et nous vous serions reconnaissants de nous apporter quelques explications supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai l'impression que cet amendement tend à modifier une disposition du code du travail... Je suis moins expert que Mme David en ces questions et moins compétent que ne le serait la commission des affaires sociales si elle examinait au fond ce type de suggestion. Cela étant, conformément aux règles que j'ai énoncées en début de discussion, je ne puis qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Si l'amendement n'était pas retiré au bénéfice des explications que je viens de donner, je serais naturellement amenée à émettre un avis défavorable.
Je ne suis pas sûre que l'on doive faire l'exégèse des articles L. 212-4-3 et L. 212-4-4 du code du travail, mais le principe est que, dès lors que la durée du travail effectif amènerait le salarié à temps partiel à atteindre la limite des 35 heures, son contrat serait immédiatement requalifié en contrat à temps plein par application de l'article L .212-4-3.
Dans ces conditions, à compter du jour de la requalification, il bénéficierait du régime pour les salariés à temps plein dont nous sommes en train de débattre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez satisfaction, madame David !
M. le président. Madame David, l'amendement n° 63 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Nous avons effectivement satisfaction et allons donc retirer cet amendement.
Je tiens toutefois à redire ici que nous sommes favorables à la signature de contrats de travail à temps plein. Les contrats de travail à temps partiel doivent disparaître dans la mesure du possible, puisque - je l'ai déjà dit tout à l'heure et nous le répéterons encore - les travailleurs à temps partiel sont souvent aujourd'hui au nombre des travailleurs pauvres. Partager le temps de travail, c'est d'abord et avant tout permettre à toutes et à tous de travailler suffisamment pour gagner dignement leur vie.
Quoi qu'il en soit, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 63 est retiré.
L'amendement n° 64, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, les mots : « au-delà des limites fixées par le contrat » sont supprimés.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'article L. 212-4-3 du code du travail dispose que « le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ».
Il s'agit là, à notre sens, d'une disposition importante dans la mesure où le salarié n'est évidemment pas placé dans une situation d'égalité par rapport à son employeur. Tout à l'heure, vous nous avez beaucoup parlé de liberté, madame la ministre. En l'occurrence, la liberté de consentir est largement entamée par le poids du chômage et l'immédiateté des pressions intérieures et extérieures à l'entreprise.
Il importe donc de protéger le salarié contre toute forme de chantage. L'employeur ne peut invoquer, en cas de refus du salarié d'effectuer des heures complémentaires, une faute constituant un motif de licenciement.
Cette disposition protectrice doit toutefois être élargie, car elle vise seulement le refus d'exécuter des heures complémentaires au-delà du dixième de l'horaire prévu au contrat. Lorsque les heures complémentaires sont proposées dans la limite d'un dixième de l'horaire prévu au contrat, le salarié peut les refuser, à condition que le délai de prévenance de trois jours n'ait pas été respecté.
Nous savons tous la situation faite aux personnes majoritairement contraintes de travailler à temps partiel. Les horaires de travail sont éclatés et les plages horaires trop larges. Il leur est donc particulièrement difficile d'organiser leur vie, d'articuler leur activité professionnelle avec leurs contraintes familiales et leurs aspirations personnelles.
Nous savons également que les employeurs, de manière intentionnelle ou non, ont tendance à s'affranchir de ce délai de prévenance,...
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Annie David. ... lequel a du reste été assoupli par la récente loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Notre amendement vise à lever toute ambiguïté quant aux motifs permettant aux salariés de refuser des heures complémentaires. Il a pour objet de permettre au salarié de refuser d'exécuter des heures complémentaires, y compris dans les limites autorisées par le contrat de travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai le sentiment que cet amendement, s'il était adopté, modifierait le droit du travail. En vertu de la jurisprudence que je m'efforce de faire entendre depuis le début de la séance, la commission des finances ne peut donc émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus d'effectuer les heures supplémentaires conjoncturelles proposées par l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 212-6-1 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est relatif à un sujet que nous n'avons pas encore abordé : les heures choisies. Il a pour objet d'abroger l'article L. 212-6-1 du code du travail, qui a introduit dans notre législation sociale les heures choisies, singulier concept laissant croire qu'il existerait un monde nouveau de rapports de parfaite égalité entre l'employeur et ses salariés.
Répétons-le, cette liberté n'est qu'une fiction juridique, tout simplement parce que l'égalité des parties contractantes est, elle aussi, une pure fiction.
Au demeurant, l'illusion persiste, puisque chacun sait pertinemment ici que le discours sur la valeur travail masque, de manière tout à fait scandaleuse, une réalité beaucoup moins plaisante : celle de l'accentuation, par l'allongement de la durée du travail, du processus d'exploitation.
Créées par la loi de mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, votée à l'initiative des députés de l'UMP, MM. Ollier, Novelli et Morange - certains d'entre eux ayant récemment évolué sur cette question ! -, ces heures choisies présentent un fabuleux avantage pour l'employeur : elles échappent au régime de droit commun des heures supplémentaires.
Ces heures travaillées au-delà du contingent d'heures supplémentaires, qui - grâce à M. Fillon - a été porté de 130 à 180 heures, contournent en outre deux autres obstacles : l'autorisation de l'inspecteur du travail et le droit à un repos compensateur obligatoire.
Certes, ces heures ne peuvent être imposées et la loi les subordonne à l'existence d'un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement, ainsi qu'à un accord entre l'employeur et le salarié.
Le MEDEF rêvait de cette individualisation des relations de travail. Il s'est réjoui de la loi de 2005 et se félicite à nouveau aujourd'hui « que l'on aille à la vitesse de l'entreprise » : des heures supplémentaires et complémentaires quasiment gratuites pour les patrons, donnant lieu à une majoration à 25 % et ouvrant droit, surtout, à d'avantageuses exonérations de cotisations.
Demain, toujours au nom de l'emploi, du travail et du pouvoir d'achat, vous défendrez avec ardeur la liquidation du SMIC, la fin de la durée légale fixée par la loi, et que sais-je encore...
Où est donc la modernité, me direz-vous ?
Permettez-moi de vous rappeler ce que soulignait déjà le professeur d'économie Olivier Favereau en 2005 : « Regardés de près, ces deux slogans, "travailler plus pour gagner plus" et "rétablir la liberté de choix", sous couvert de modernité et de flexibilité, trahissent une vision de l'économie qui fleure bon le dix-neuvième siècle. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je regrette de ne pas aller dans le même sens que notre collègue Mme David, mais j'ai le sentiment que cet amendement va à l'encontre de l'un des objectifs importants du projet de loi.
En effet, cet amendement a pour objet de supprimer la possibilité offerte aux salariés qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus, alors même que ce projet de loi propose de défiscaliser, d'exonérer de charges sociales les rémunérations acquises en effectuant ces heures choisies dont vous voulez limiter l'usage.
Il est donc en contradiction flagrante avec les intentions du Gouvernement (Marques d'approbation ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), que la majorité soutient.
Dès lors, nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le temps choisi suppose à la fois une consultation des organisations représentatives du personnel au sein de l'entreprise et l'accord du salarié concerné.
M. Michel Charasse. Et une bonne entente avec sa femme ! (Sourires.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Dépôt d'un projet de loi
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la nationalité des équipages de navires.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 415, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
Dépôt de rapports
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Plancade un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de l'acte constitutif de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble une annexe) (n° 243, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 411 et distribué.
J'ai reçu de M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif à l'Ensemble de lancement Soyouz (ELS) au Centre spatial guyanais (CSG) et lié à la mise en oeuvre du programme facultatif de l'Agence spatiale européenne intitulé « Soyouz au CSG » et à l'exploitation de Soyouz à partir du CSG (n° 273, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 412 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Pierre Plancade un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux transports routiers internationaux et au transit des voyageurs et des marchandises (n° 222, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 413 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 371, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 414 et distribué.
J'ai reçu de M. Gérard César un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur sa proposition de résolution (n° 391) présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (n° E-3587).
Le rapport sera imprimé sous le n° 419 et distribué.
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Dépôt de rapports d'information
M. le président. J'ai reçu de MM. Nicolas About, Paul Blanc, Mme Brigitte Bout, MM. Bernard Cazeau, Guy Fischer, Michel Esneu, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Valérie Létard, Catherine Procaccia et M. Bernard Seillier un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales, à la suite d'une mission effectuée du 15 au 25 mars 2007 par une délégation chargée d'étudier les conditions de travail et d'emploi en Inde.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 416 et distribué.
J'ai reçu de Mme Catherine Tasca, M. Jacques Pelletier et M. Bernard Barraux un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le co-développement et les relations entre politique de développement et politique de gestion des flux migratoires.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 417 et distribué.
J'ai reçu de M. Patrice Gélard et M. Jean-Claude Peyronnet un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale par la mission d'information sur les Parlements de pays européens.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 418 et distribué.
11
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 26 juillet 2007, à neuf heures quarante-cinq, quinze heures et le soir :
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ;
Rapport (n° 410, 2006-2007) de M. François Zocchetto, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007) ;
Rapport (n° 404, 2006-2007) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation ;
Avis (n° 406, 2006-2007) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 26 juillet 2007, à zéro heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD