PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question de la continuité des services publics revient, enfin, devant la Haute Assemblée.
Je dis « enfin », parce que cela fait longtemps que nous attendons cela. Étant l'auteur de deux propositions de loi sur le sujet, vous comprendrez que je me sente particulièrement concerné, même si les textes que j'avais eu l'honneur de présenter portaient de façon beaucoup plus large sur la prévention des conflits collectifs dans le travail et visaient à mettre en place un dispositif de garanties de la continuité de l'ensemble des services publics, sans se limiter aux seuls services terrestres de transport.
Ce projet de loi, déposé en première lecture sur le bureau du Sénat, nous est présenté comme étant la traduction d'une promesse de campagne du Président de la République, lequel s'était engagé à ce que « dès l'été », une loi crée « un service minimum garanti en cas de grève dans les services publics ». Le texte présenté est a minima par rapport à cette annonce, mais constitue déjà un premier pas.
Cependant, dans le même temps, je ne peux m'empêcher de rappeler qu'un autre président de la République s'était engagé à faire de même. C'était M. Jacques Chirac qui, le 4 décembre 1998, à la suite d'importants mouvements de grève, avait lui aussi manifesté solennellement sa volonté de donner au principe de continuité un contenu plus tangible.
C'est ainsi que la proposition de loi que j'avais déposée le 11 juin 1998, soit bien avant l'intervention du président de la République de l'époque, a pu être débattue et adoptée au Sénat le 11 février 1999. Le rapporteur en était notre éminent collègue Claude Huriet.
Hélas ! le texte adopté dans cette enceinte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, malgré les engagements et les promesses de M. Chirac ; il est resté lettre morte.
J'ai donc à nouveau déposé, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, une autre proposition de loi sur ce sujet en décembre 2003, mais en vain.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !
M. Philippe Arnaud. Dans ces conditions, vous comprendrez, mes chers collègues, que j'aborde nos débats avec un peu de circonspection.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il fallait les étudier à fond, mon cher collègue !
M. Philippe Arnaud. Ne feignons pas de découvrir ce problème, finissons de le résoudre ! En effet, l'adéquation du principe de continuité des services publics avec le droit de grève pose un vrai problème dans notre pays et, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, l'aborder ne revient en aucun cas à remettre en cause le droit de grève.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Tout à fait !
M. Philippe Arnaud. Bien au contraire, même, il apparaît impossible de traiter sérieusement de la question sans réaffirmer au préalable, avec toute la solennité qui se doit -M. le président de la commission spéciale et Mme le rapporteur l'ont rappelé -, que ce droit est un droit constitutionnel.
Cependant, il s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Il doit être concilié avec d'autres principes, à commencer, bien sûr, par celui de continuité, mais aussi avec le droit au travail, la liberté du commerce et de l'industrie ou encore la liberté d'aller et venir.
Loin de remettre en cause le droit de grève, le législateur doit lui rendre sa véritable vocation en déterminant un équilibre entre ce droit et les principes et droits de même rang juridique avec lesquels il entre en concurrence.
L'enjeu de nos débats est double : il s'agit, d'une part, de rappeler à quoi doit servir le droit de grève et, d'autre part, de travailler sur les conséquences de l'exercice de ce droit dans les services publics.
Sur ces deux plans, le texte qui nous est soumis me semble aller dans le bon sens tout en manquant un peu d'ambition.
Sur le premier plan, le projet de loi est sous-tendu par l'idée, à laquelle je suis très attaché, que la grève dans le secteur public constitue un échec du dialogue social.
À quoi sert le droit de grève ? C'est la question clé.
Dans notre pays prédomine l'idée selon laquelle le conflit est au coeur de la relation sociale, si bien que la grève y est considérée comme le moyen ordinaire de gestion des conflits sociaux et s'est banalisée. Encore l'exception française...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas de négociations, c'est sûr ! La faute à qui ?
M. Philippe Arnaud. Monsieur le ministre, vous avez déclaré l'urgence sur ce texte. Si, en tant que parlementaire, je n'approuve pas cette procédure, je reconnais en revanche qu'il y a urgence à ce que les usagers des services publics de transports, qu'ils soient particuliers ou entreprises, cessent d'être constamment pris en otages par une petite minorité et ce, bien souvent, sans motifs sérieux, explicables ou compréhensibles, puisque, la plupart du temps, la grève ne peut pas être justifiée par l'échec d'une négociation qui n'a pas eu lieu.
Injustifiée, injustifiable, la grève est devenue insupportable au citoyen, qui en supporte les conséquences en tant qu'usager et le coût économique en tant que contribuable.
L'incompréhension et l'exaspération de nos concitoyens sont accentuées par le fait qu'ils peuvent se sentir victimes de conflits catégoriels menés par des agents salariés déjà bénéficiaires de garanties statutaires souvent plus favorables que les leurs. Ils peuvent se sentir victimes de « privilégiés ».
M. Guy Fischer. Eh voilà ! Vous vous trompez de privilégiés !
M. Philippe Arnaud. C'est bien la banalisation de la grève, ajoutée à l'incompréhension et à l'exaspération du public, qui menace le droit de grève, et non la précision de son cadre juridique.
La conception française de la grève est absurde. La grève n'est pas le mode ordinaire de gestion des conflits.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Bien sûr ! Il faut le rappeler !
M. Philippe Arnaud. Elle est tout l'inverse ; elle est l'arme ultime à utiliser après l'échec de toutes les procédures de négociation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On peut savoir pourquoi les directeurs ne négocient pas ? C'est bizarre !
M. Philippe Arnaud. Le cadre juridique actuellement en vigueur est impuissant à garantir une protection suffisante du principe de continuité, ce qui est d'autant plus regrettable que, paradoxalement, les journées de grève sont, pour la plupart, le fait de personnels opérant dans des secteurs de services publics, celui des transports notamment, où le principe de continuité devrait être le mieux respecté.
Les grèves surprises et les grèves tournantes sont, certes, interdites, mais le préavis de cinq jours francs imposé par la loi du 31 juillet 1963 est régulièrement détourné. Ce préavis n'est entendu que comme une courte période imposée par la loi, pendant laquelle chacun reste sur ses gardes dans l'attente de l'« épreuve de vérité » que constituera la grève.
Cette incompréhension du rôle du préavis a persisté même après que les lois Auroux eurent clairement affirmé l'obligation, pour les parties, de négocier pendant la durée du préavis.
Il existe un autre détournement, aussi grave : certains syndicats adoptent parfois la tactique du « préavis glissant » consistant à déposer quotidiennement des préavis successifs afin de pouvoir déclencher des grèves inopinées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous les jours, c'est vrai !
M. Philippe Arnaud. C'est un moyen bien commode de passer outre l'interdiction des grèves surprises.
M. Guy Fischer. Elles sont exceptionnelles !
M. Philippe Arnaud. Aussi ne puis-je que me réjouir, monsieur le ministre, que ce texte vise à interdire ces pratiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh bien voyons !
M. Philippe Arnaud. Le projet de loi dont nous entamons l'examen répond à la problématique de l'usage du droit de grève en misant sur l'amélioration du dialogue social.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne nous gênons pas !
M. Philippe Arnaud. Il s'inscrit dans la lignée des avancées conventionnelles récemment réalisées dans des entreprises telles que la SNCF et la RATP instituant des dispositifs d'« alarme sociale » qui constituent des progrès sensibles. Il impose aux partenaires sociaux de définir un accord-cadre relatif à la prévention des conflits avant le 1er janvier 2008.
Il s'agira, en quelque sorte, de généraliser les dispositifs d'« alarme sociale » déjà adoptés par les entreprises que j'ai citées mais, pour ce faire, le législateur entend responsabiliser les partenaires sociaux. On ne pourra relancer le dialogue social qu'en misant sur lui.
Sur le plan de la gestion des conséquences de la grève, ce projet de loi apporte également des réponses allant dans le bon sens, mais manque, à mon sens, d'ambition.
Ce volet reprend, lui aussi, les préconisations du groupe d'experts sur la continuité du service public en vertu desquelles la prévisibilité des conséquences de la grève pour les usagers devait être améliorée. Ce groupe d'experts demandait également que les autorités organisatrices de transports définissent les priorités de desserte en cas de grève, ce qui leur est imposé aux termes de l'article 4 du présent texte.
Toutefois, ce projet de loi va au-delà. Ses rédacteurs semblent avoir pris en considération les remarques faites par notre Haute Assemblée à l'occasion du débat que nous avions eu sur ce thème en 2004.
Notre commission des affaires économiques avait, alors, fait observer que la continuité des services publics ne pouvait être améliorée sans prise en compte de la prévisibilité du service les jours de grève et des garanties de service elles-mêmes.
L'article 5 du projet de loi vise précisément à améliorer cette prévisibilité.
Tout cela est très bien, mais le présent texte ne crée pas de service minimum dans les transports ; je le regrette.
Par le biais des plans de transport que seront tenues d'élaborer les entreprises concernées sur les schémas arrêtés par les autorités organisatrices, il créera peut-être les conditions de la mise en place d'un service minimum dans les transports, mais il n'institue pas directement un tel service.
En fait, le service minimum n'est pas l'objet de ce texte : le terme n'y est d'ailleurs jamais employé. Il ne concrétise donc pas totalement l'engagement du Président de la République.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh si !
M. Philippe Arnaud. Cela, je le regrette également.
Ainsi donc, pour me résumer et pour conclure, ce projet de loi me semble, dans ses grandes lignes, porteur d'avancées significatives. Je ne peux déplorer qu'une chose : qu'il apparaisse comme un projet a minima, qui ne s'applique qu'au secteur des transports terrestres. Ma proposition de loi, adoptée par le Sénat, concernait, elle, tous les services publics.
Au moins, vois-je dans ce projet de loi un pas positif.
Il faut prendre ce texte pour ce qu'il est : un texte cadre. En cela, il est satisfaisant. Il tend, tout d'abord, à créer un cadre de négociation pour que soit relancé le dialogue social et que soit évité l'usage abusif du droit de grève ; ensuite, à mettre en place un cadre propice à l'émergence d'un service minimum conventionnel.
Gageons que ce sera suffisant, et misons sur le dialogue social !
Enfin, c'est défendre nos services publics que de vouloir les mettre à l'abri d'incompréhensions de nos concitoyens, qui, à 71 %, réclament un minimum de service en cas de grève. Les usagers des services publics méritent ce minimum de respect et de considération ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Nous allons voir ce que nous allons voir !
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues,...
M. Claude Domeizel. Attachez vos ceintures ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Mon cher collègue, la ceinture n'est pas obligatoire, pour l'instant, dans les trains ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
... j'aurais envie de dire simplement : « Enfin ! ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ce qu'ils disent tous !
M. Alain Gournac. Enfin, un projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans le domaine des transports !
Enfin, un projet de loi qui, par son caractère équilibré, va permettre de garantir la continuité du service public sans porter atteinte au droit de grève.
M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac. Enfin, le Gouvernement passe à l'action, dans un domaine où a été largement respecté le temps de la réflexion et où a été laissé celui de la négociation aux entreprises.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Alain Gournac. Le rapport Mandelkern de 2004 en est d'ailleurs la pleine illustration, et ce n'est pas sans une certaine satisfaction que je signale le rôle précurseur du Sénat sur ce sujet.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Le Sénat est toujours un précurseur !
M. Alain Gournac. Ainsi, dès le mois de février 1999, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à prévenir les conflits collectifs du travail et à garantir le principe de continuité dans les services publics. Ce texte contenait déjà, je le rappelle, un dispositif complet visant à négocier, à renforcer le dialogue social, à améliorer la procédure de préavis obligatoire et à mieux connaître les conflits.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous proposez un texte adapté à la situation et à l'histoire des relations sociales de notre pays.
En effet, même si, statistiquement, les grèves dans les services publics sont de moins en moins nombreuses, elles sont de plus en plus mal ressenties par nos concitoyens.
À ce propos, je lisais tout à l'heure les résultats d'un sondage IFOP parus dans l'édition d'hier d'un grand journal.
M. Guy Fischer. Ah ! Lequel ?
M. Alain Gournac. Je l'ai délibérément cachée pour que vous ne puissiez pas le reconnaître, monsieur Fischer !
Selon ce sondage, 71 % des Français sont tout à fait favorables à l'instauration d'un service minimum.
M. Robert Bret. Ils sont plutôt favorables à la qualité du service public !
M. Alain Gournac. Du reste, il est temps de modifier notre approche du sujet et de cesser d'appeler « usagers » ceux qui sont en réalité des « clients », qui paient leur voyage !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous parlez comme un marchand de tapis ! Les transports sont subventionnés !
M. Alain Gournac. Ces clients, particuliers et entreprises, se sentent alors pris en otage pour des revendications qu'ils ne comprennent pas toujours et que les syndicats ont bien souvent du mal à expliquer.
La grève doit être l'ultime recours, la décision finale, quand toutes les voies ont été explorées et qu'aucun accord n'a pu être trouvé. La grève ne doit pas être l'élément déclencheur, le début d'un conflit.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons bon ! Comme si les salariés se mettaient en grève tous les jours, et par plaisir en plus !
M. Alain Gournac. À ce titre, nous ne pouvons donc que regretter que, trop souvent, comme je l'ai dit, la grève soit le moyen habituel de se faire entendre et la surenchère, le principal moteur d'un conflit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !
M. Robert Bret. Dans quel monde vivez-vous, monsieur Gournac ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme s'il y avait grève tous les jours et que nos concitoyens étaient systématiquement mécontents des transports !
M. le président. Mes chers collègues, n'interrompez pas l'orateur !
M. Alain Gournac. Ce que je dis vous gène, mes chers collègues ! Tant mieux !
C'est un fait, l'immense majorité des Français se déclare favorable à l'instauration d'une garantie de service pendant la grève.
C'est un fait, les Français se sont exprimés : ils ont voté pour un candidat à la présidentielle qui leur a promis l'instauration d'un service minimum. Vous semblez l'avoir oublié !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez votre numéro d'illusionniste, monsieur Gournac !
M. Alain Gournac. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que certains veulent laisser croire, de restreindre le droit de grève.
La grève est et reste un droit fondamental, garanti par la Constitution.
M. Guy Fischer. Ce projet de loi est une restriction du droit de grève !
M. le président. Monsieur Fischer, peut-être souhaitez intervenir ?
M. Alain Gournac. Mais oui, prenez donc ma place à la tribune, je vous la laisse !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, M. Gournac ne cesse de nous provoquer !
M. Alain Gournac. Il s'agit de concilier le droit de grève et les principes constitutionnels suivants : la liberté d'aller et venir ; la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ; la liberté du travail ; la liberté du commerce et de l'industrie.
À cet égard, monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez permet de répondre parfaitement à cet objectif.
Mme Nicole Bricq. C'est ridicule !
M. Alain Gournac. Ainsi prévoit-il d'agir à un double niveau, non seulement en favorisant l'amélioration du dialogue social au sein de l'entreprise, ce qui est le meilleur moyen de faire de la grève un ultime recours en cas de conflit, mais aussi en assurant l'organisation du service en cas de grève ou de perturbation prévisible du trafic.
Je rappellerai d'ailleurs brièvement les principales dispositions soumises à notre approbation : la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord de prévention des conflits, qui rend obligatoire l'enclenchement d'une négociation avant le dépôt de tout préavis de grève ; la possibilité de négociations par branche ; l'obligation, pour les personnels, de déclarer quarante-huit heures avant leur intention de suivre la grève, afin que puisse être organisé le service pendant la grève ou les perturbations prévisibles ; pour les jours de grève, la mise en oeuvre, par les autorités organisatrices de transport locales, d'un plan de transport adapté, afin de tenir compte au mieux des besoins de nos concitoyens ; le vote à bulletin secret au bout de huit jours de conflit, pour déterminer si le mouvement est suivi par une majorité de salariés ou non (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) - je sais que cela en gène certains, mais, au moins, de cette façon, tout sera clair ! - ; le droit, pour les usagers, de bénéficier non seulement d'une information précise et fiable sur le service assuré, mais aussi d'une indemnisation, ce qui est tout à fait normal.
Accord de prévention des conflits, accord de prévisibilité, plan de transport adapté et plan d'information, voilà quatre outils qui permettront donc, d'une part, d'encourager le dialogue social en amont, et, d'autre part, d'améliorer la vie quotidienne des usagers en cas de perturbation de tout ordre.
Au final, parce qu'un service public, notamment dans les transports terrestres de voyageurs, est un service essentiel pour nos concitoyens, il est concevable que la grève y prenne un caractère particulier, sans que cela se fasse au détriment de la défense des droits des salariés.
Or, monsieur le ministre, c'est justement à ce point d'équilibre que se situe le texte que vous nous proposez, conformément aux engagements du Président de la République.
En conséquence, le groupe UMP apportera son entier soutien à une loi-cadre qui met l'accent sur la prévention des conflits, qui ne porte aucunement atteinte au droit de grève, qui offre une solution négociée et réaliste aux déplacements des Français lors des grèves, en garantissant aux usagers un « service réduit et prévisible ».
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais, pour terminer, revenir sur un problème évoqué par M. président de la commission spéciale et par Mme le rapporteur, que je tiens d'ailleurs à féliciter pour le remarquable travail réalisé, de surcroît dans une ambiance formidable.
Revenons donc à ce qui s'est passé la nuit dernière, car, de temps en temps, il est essentiel de s'en tenir à des faits précis : mon ami Josselin de Rohan pourrait vous le confirmer, il a fallu douze heures pour se rendre de la Bretagne à Paris.
Oui, un problème technique s'est posé, à savoir une caténaire endommagée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à la grève ?
M. Alain Gournac. Non, aucune information n'a été donnée aux passagers de tous ces TGV.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à la direction !
M. Alain Gournac. Non, personne ne leur a expliqué pourquoi les trains repartaient dans l'autre sens !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais ce n'est pas la grève !
M. Alain Gournac. Bien sûr que non, madame ! Je ne vous parle plus du droit de grève, pour lequel, comme le parti communiste, j'ai le plus grand respect !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la direction qui n'a donné aucune information !
M. Robert Bret. Est-ce qu'une loi peut nous garantir que la foudre ne tombera pas ? (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Bien sûr que non, encore une fois, mais garantir l'information des clients à l'intérieur des TGV, oui ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Ivan Renar. Gournac à la SNCF !
M. le président. Mes chers collègues, laissez l'orateur s'exprimer !
M. Alain Gournac. Ne rien dire, c'est ne pas respecter les clients ! Pour ma part, puisque nous parlons du service minimum dans les transports terrestres, j'estime que nous devons tenir compte du respect des passagers, qui en est une composante essentielle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Gournac ferait un excellent directeur à la SNCF
M. Alain Gournac. Il faut donc absolument faire évoluer les relations entre les transporteurs, notamment la RATP et la SNCF, et les passagers, car ceux-ci méritent le respect.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dites-le aux directions concernées !
M. Alain Gournac. Ils ont tout de même le droit d'être informés des éventuels incidents qui peuvent survenir, à l'image de cette caténaire qui a été touchée par un orage. Ainsi, ils seront en mesure de bien comprendre la situation ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Gournac, directeur de la communication à la SNCF !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le droit de grève est une expression pugnace de la liberté.
De plus, et au-delà de sa totale intégration dans les esprits, il est inscrit dans la Constitution.
Faire grève, c'est protester contre une absence de solidarité, considérer que les conditions de travail ou de salaire ne sont pas équitables dans le contexte économique général. Il est donc normal pour les grévistes d'agir, afin que ceux qui sont supposés être à l'origine d'une telle iniquité en subissent le contrecoup. Les responsables sont identifiés et les actions ciblées.
Pour autant, dans le cadre des services publics, particulièrement dans les transports, ce droit de grève a souvent été dénaturé.
Ce sont donc les usagers, beaucoup plus que l'entreprise, qui en subissent le préjudice : ils se retrouvent ainsi otages, acteurs involontaires d'une nouvelle version de la fable Le loup et l'agneau, que l'on pourrait paraphraser ainsi : « Si ce n'est pas toi qui es la cause de ce conflit, c'est toi qui dois en subir les conséquences. »
De façon récurrente, les grévistes des transports publics déclarent regretter les graves nuisances qu'ils font subir aux usagers, lesquels, soit les soutiennent, soit les vouent aux gémonies en trouvant honteux que des personnes qui ne sont pas à l'origine d'un conflit social soient les seules pénalisées. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
Le présent projet de loi relatif au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a pour objectif de concilier ces points de vue très différents, d'abord par la prévention des grèves, et, ensuite, en cas de grève inévitable, par l'organisation d'un service minimum de transport. On pourrait y ajouter un autre objectif, tout aussi fondamental, celui d'éviter la perte de millions d'heures de travail pour notre économie et de préserver des secteurs fragiles.
Lorsque des intérêts s'opposent aussi fortement, le bon sens et la prise en considération de l'opinion de l'autre apparaissent comme les ingrédients indispensables pour rendre conciliable l'inconciliable. Ce projet de loi peut prétendre parvenir à cette fin, en mettant en avant le dialogue, qui permet aux grévistes d'exposer les raisons objectives du mouvement social, à l'entreprise de s'organiser et aux usagers de prendre leurs dispositions. On peut néanmoins, à juste titre, s'interroger sur un point : quelles solutions de remplacement s'offrent en fait aux usagers, vu le contexte quasi généralisé de monopole ?
Je voudrais souligner que, dans les zones rurbaines, les avancées prévues dans ce projet de loi permettront d'apporter une réponse encore plus indispensable, car, souvent, les solutions de substitution n'existent pas sur ces territoires.
Le premier volet de ce texte est la prévention des conflits, ce qui ne signifie pas la réduction du droit de grève : les dispositifs de prévention ont pour objectif de résoudre les conflits par la discussion et le compromis, avant le recours à la grève.
En 1998, on en était arrivé à l'absurdité d'une grève préventive à la RATP, au motif qu'il y aurait davantage de travail en raison de la Coupe du monde de football !
En Allemagne, en Autriche, au Danemark et chez d'autres voisins européens, le principe de la prévention des grèves a été établi depuis longtemps en prescrivant des négociations préalables.
Pendant que nos voisins essaient d'éviter les grèves en mettant en place un dialogue social permanent et des négociations régulières sur les conditions de travail, la France continue à surprendre les citoyens du monde entier par ses grèves imprévisibles, qui donnent une image très négative de notre pays. Le fait que les négociations aient toujours lieu après, et non avant le déclenchement des grèves, ne manque pas non plus de les interloquer.
Le deuxième volet du projet de loi organise et améliore la situation en cas de grève, en garantissant un service minimum aux utilisateurs. Il s'agit de trouver un compromis et de concilier le droit de grève, la liberté du travail, du commerce et de l'industrie, et le droit à l'accès aux services publics.
Pourquoi l'État doit-il fixer les règles d'organisation du droit de grève ?
Chaque citoyen revendique le droit d'accès aux services publics et le droit à l'information, qui doivent être assurés par l'État dans l'intérêt général. L'État ne peut laisser les grévistes et leurs employeurs s'affronter aux dépens des utilisateurs. Il revient donc à l'État d'assurer la continuité du service public, et d'inciter les entreprises et les syndicats à mettre en place un accord-cadre de prévisibilité du service.
La création d'un poste de médiateur serait souhaitable afin de maintenir le dialogue et d'éviter, autant que faire se peut, toute rupture. Jusqu'alors, une entreprise confrontée à la grève ne pouvait que faire le dos rond, en attendant que soit trouvée une solution à plus ou moins longue échéance. Aujourd'hui, les pénalités financières prévues en cas de mauvaise gestion du conflit incitent cette même entreprise à mettre en place des solutions palliatives et à considérer les usagers comme des clients.
M. Aymeri de Montesquiou. Ainsi, l'obligation pour les grévistes d'informer l'employeur deux jours avant le début du mouvement social et le vote à bulletin secret au terme de huit jours de grève, qui sont deux points majeurs du projet de loi, permettent à l'entreprise de mettre en place des solutions tout en prenant en compte la volonté des salariés.
La déclaration de participation à une grève n'affecte pas le droit de grève dans sa substance ; quant à la déclaration préalable, elle assure la légitimité de ce droit.
Le délai de deux jours pour informer l'employeur du lancement d'un mouvement de grève est très raisonnable, car il est suffisant pour permettre à l'entreprise de s'organiser. De plus, si l'on compare ce délai au préavis minimum de dix jours qui prévaut en Italie ou en Espagne, et à celui d'un mois mis en place en Grande-Bretagne, sous un gouvernement travailliste, on ne peut considérer qu'il s'agit d'une « attaque sans précédent » du droit de grève, comme certains l'ont affirmé.
La déclaration de participation doit se faire non pas individuellement, mais sur une base commune, comme c'est le cas en Autriche, au Danemark ou en Allemagne, où la grève n'a lieu qu'après l'intervention de l'Urabstimmung, le vote des salariés adhérents aux syndicats. Dans ces pays, la grève n'est déclenchée que si 75 % des adhérents du syndicat, au moins, s'expriment en sa faveur. Les autres salariés sont invités, par solidarité, à suivre l'avis de la majorité. Cette façon de procéder renforce la puissance de négociation des grévistes en légitimant la grève par le nombre et ne fait pas dépendre celle-ci d'une minorité d'activistes.
C'est le syndicat qui, ensuite, communique sa décision aux employeurs et lance les négociations.
Une fois déclenchée, l'organisation de la grève est exclusivement gérée par la « direction de la grève », formée par le syndicat dirigeant les grévistes. Cette direction centralisée permet une action commune, rapide et efficace.
Il est toujours intéressant de connaître la façon dont les problèmes sont traités au-delà de nos frontières.
L'autre disposition sensible, car novatrice, du projet de loi concerne la consultation, au-delà de huit jours, sur la poursuite de la grève. Le vote à bulletin secret permet de garantir l'absence de pressions, d'où qu'elles puissent provenir, et devrait rassurer les syndicats.
Enfin, le salaire représentant la contrepartie de l'accomplissement d'un travail, le non-paiement des jours de grève constitue une mesure équitable vis-à-vis des salariés non grévistes.
Je regrette toutefois que le projet de loi ne concerne pas le secteur des transports aériens ou maritimes.
Ces mesures apaisantes et de bon sens, qui font converger les droits des travailleurs et ceux des usagers, conduiront la majorité des sénateurs du RDSE à voter ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui, après des années de débats passionnés et de promesses, l'examen d'un projet de loi instaurant la mise en oeuvre d'un service minimum dans les transports collectifs.
Je souhaite faire un rappel historique concernant la région d'Île-de-France, qui connaît en quelque sorte un régime d'exception.
Depuis un peu plus de cinquante ans, les gouvernements successifs, sans exception, ont eu pour seule obsession de maintenir la paix sociale dans le secteur des transports en Île-de-France, quelles qu'en soient les conséquences en termes de coût, d'organisation et d'efficacité pour les usagers ou les clients.
Il était ainsi de règle de nommer le préfet de région président du syndicat des transports parisiens, le STP, devenu par la suite le syndicat des transports parisiens et de la région d'Île-de-France, le STIF, afin qu'il dirige et organise les transports. Comme s'il n'avait que cela à faire !
L'État avait alors un rôle historique important qui se justifiait, d'une part, par un statut d'exception, lié à la situation de monopole dans le secteur des transports collectifs, et, d'autre part, par une obligation, celle d'assurer le financement de ce secteur.
Les Parisiens et, de façon générale, les Franciliens, ont subi les conséquences de cette situation. Je citerai à cet égard la compétition qui a opposé la SNCF et la RATP, au moment de l'ouverture de leurs lignes respectives Éole et Météor, avec pour résultat deux demi-projets.
Par ailleurs, lorsque le maire de Paris et les élus du conseil régional d'Île-de-France ont souhaité lancer le projet du tramway, la RATP a exprimé son opposition et posé comme condition la gestion par ses services de ce nouveau mode de transport. Quant aux représentants de la SNCF, ils auraient préféré la réouverture de la ligne de chemin de fer de la petite ceinture. Grâce à l'accord historique intervenu entre ces deux grandes entreprises nationales, une solution convenant aux usagers et aux clients a finalement été trouvée.
La libéralisation du secteur des transports intervenue au cours de la dernière décennie en Europe, en particulier dans notre pays, nous a obligés à aborder les problèmes de front, malgré les craintes et la frilosité manifestées par les sociétés de transport et les organisations syndicales. Ce secteur est, en effet, imprégné d'une très forte culture syndicale.
Cette libéralisation, qui s'est traduite par une évolution des statuts, a d'abord concerné, pour les transports maritimes, la CGM, la Compagnie générale maritime, puis, sous le gouvernement Villepin, la SNCM, la Société nationale maritime Corse-Méditerranée. Elle s'est ensuite étendue au secteur des transports aériens, avec Air France et Aéroports de Paris, établissement public de caractère international, voire régional, et, enfin, à nos infrastructures routières.
Mais le gros morceau de la libéralisation concernera le secteur ferroviaire, qui comprend deux grandes sociétés d'État, la SNCF et la RATP.
Je m'intéresserai plus particulièrement à la RATP, qui assure 75 % à 80 % des transports collectifs en région d'Île-de-France et présente quatre caractéristiques.
Premièrement, la RATP, établissement public, est une entreprise à caractère essentiellement régional, puisque 98 % de son activité s'exerce au sein de la région d'Île-de-France.
Deuxièmement, elle bénéficie d'un statut d'exception, qui n'a pas d'équivalent au sein des autres entreprises françaises de transport collectif, que ce soit à Orléans, Bordeaux, Marseille ou Lyon, puisqu'elle a un monopole
Troisièmement, c'est non pas la RATP mais le STIF, mis en place lors de la dernière réforme régionale, qui, en tant qu'autorité organisatrice, fixe en partie les tarifs des transports.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont moins chers qu'ailleurs !
M. Philippe Dominati. Quatrièmement, l'État, depuis qu'il a résolu le problème spécifique de la caisse de retraite, ne joue plus de rôle particulier en Île-de-France et les transports dans cette région ne lui coûtent pas plus cher qu'ailleurs.
La RATP est financée, pour un tiers, par les usagers, pour un tiers, par les entreprises franciliennes, et pour le dernier tiers, par les collectivités territoriales. Elle n'a pas un statut d'entreprise et connaît de façon récurrente des problèmes de financement portant sur son budget d'investissement et sur son patrimoine. Ce dernier, construit par les collectivités territoriales, lui est attribué uniquement en raison du monopole dont elle jouit.
L'avenir de la RATP est donc, en réalité, assez flou.
En tant que Parisiens, nous sommes très attachés à la RATP, qui fait partie de notre patrimoine et de notre culture, mais nous avons le sentiment que, malgré le coût et les efforts consentis pour obtenir la paix sociale, tout ne fonctionne pas aussi bien que l'on voudrait nous le faire croire.
Permettez-moi, messieurs les ministres, de vous raconter la vie quotidienne d'un Parisien au cours du mois qui vient de s'écouler.
En raison du succès du tramway, lancé par la région d'Île-de-France et le département, il a fallu faire passer la vitesse commerciale de ce moyen de transport de 16 à 18 kilomètres par heure, ce qui a eu pour conséquence le déclenchement d'un mouvement de grève.
Vous avez inauguré une semaine plus tard, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, la station de métro Olympiades. L'ouverture de cette station a entraîné une nouvelle grève, conséquence de la mise à la disposition des clients de moyens supplémentaires.
Par ailleurs, le maire de Paris, constatant que la fréquentation des bus périclitait ou, tout au moins, n'augmentait pas depuis quelques années, vient de lancer, à six mois de l'échéance des élections municipales de 2008, un plan de relance et d'investissement d'un montant de 7 millions d'euros. Il a tout de même fallu cinq ans pour s'apercevoir que le réseau ne fonctionnait pas de façon satisfaisante !
Enfin, le président du conseil régional d'Île-de-France a constaté que l'interconnexion entre les réseaux RATP et SNCF à la station Châtelet entraînait une baisse de moitié du trafic à cet endroit, problème qui sera résolu en juillet 2008.
Est-ce cela, un système de transport moderne ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Pensez-vous vraiment, mes chers collègues, que le service public est assuré de façon satisfaisante ?
Je constate, en outre, que plus de la moitié des stations de métro sont dépourvues d'escalier mécanique et que le seul fait d'envisager la climatisation des bus ou du métro, qui existe pourtant dans d'autres capitales, semble presque surnaturel.
Sur le plan de la propreté, la situation est bonne, car des efforts ont été faits. Pour autant, tout n'est pas parfait. On pourrait faire encore mieux et prévoir un service maximum pour les Parisiens et les Franciliens !
Quelle drôle de notion, d'ailleurs, que celle de service minimum ! Nous voulons, quant à nous, instaurer un service maximum pour les clients du service public !
Nous allons déposer, avec quelques collègues, notamment des élus parisiens, une proposition de loi sur ce sujet. Mais, d'ores et déjà, je vous propose, mes chers collègues, ainsi qu'à l'ensemble des élus d'Île-de-France, d'envisager pour les cinquante prochaines années, non pas le maintien d'un système passéiste, mais une évolution de nos entreprise nationales de transport dans le sens d'une amélioration de la qualité, avec des objectifs chiffrés.
Il nous faut changer le statut de la RATP pour en faire une véritable entreprise et mettre fin au monopole ainsi qu'au statut d'exception. Nous devons faire en sorte que les réseaux de surface relèvent du droit commun, même s'il faut du temps pour améliorer le réseau souterrain.
Le service maximum signifie une offre diversifiée, la liberté de gestion pour l'autorité organisatrice, c'est-à-dire le conseil régional d'Île-de-France, et la possibilité de choisir des entreprises performantes afin d'offrir un service de qualité aux Parisiens et aux Franciliens. Ce sera l'objet de la proposition de loi que nous allons déposer.
Il est important que le Gouvernement, la région et les départements concernés puissent compter sur des entreprises performantes disposant de moyens financiers importants. Nous pourrions ainsi nous référer, afin de faire évoluer le statut de la RATP, au statut d'Aéroports de Paris.
En ce début de mandat du nouveau chef de l'État, dont nous savons qu'il s'intéresse à la région d'Île-de-France, nous devons dépasser le débat sur le service minimum et mettre en place le service maximum pour les Franciliens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo ! C'est formidable ! Chapeau !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le ministre, je vais sans doute vous surprendre, car je vais commencer mon propos par quelques félicitations : je trouve l'intitulé du projet de loi astucieux...
M. Michel Billout. ...et très médiatique ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Comment, en effet, être en désaccord avec le souci d'améliorer le dialogue social et la continuité du service public des transports ?
M. Michel Billout. Malheureusement, je crains que le projet de loi n'améliore ni l'un ni l'autre et n'ait pour seul objet de tenter de réduire l'exercice du droit de grève, vieux démon de la droite et du patronat.
M. Michel Billout. M. le président de la commission spéciale a d'ailleurs eu la franchise de lever tous les doutes qui pouvaient subsister à cet égard en envisageant une modification de notre Constitution.
Ainsi que ma collègue Annie David, je reviendrai sur ce sujet lors de la discussion de la motion que nous avons déposée, mais, comme il est d'usage, je me livrerai d'abord dans cette intervention à quelques remarques formelles et circonstanciées.
Au sein de la commission spéciale créée pour l'examen de ce texte, nous avons auditionné un certain nombre de personnalités impliquées dans ce dossier : représentants d'organisations syndicales, d'associations d'usagers, de collectivités territoriales ainsi que de sociétés de transport. Chaque partie auditionnée a eu droit à un entretien individuel, à l'exception des organisations syndicales de salariés, qui ont été auditionnées collectivement.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Finalement, elles étaient bien contentes !
M. Michel Billout. C'est non pas le principe d'une audition en table ronde qui nous déplaît, monsieur le président de la commission, mais plutôt l'inégalité de traitement qu'elle démontre entre les différentes personnalités entendues.
Je n'irai pas plus avant sur ce thème, et loin de moi l'envie de polémiquer, mais, dans le cadre d'un texte intitulé « dialogue social », il me semble que cette manière de procéder donne une indication aux forces syndicales de la réelle conception qu'a la majorité du dialogue social...
Par ailleurs, notre nouveau président, Nicolas Sarkozy, n'a de cesse de se montrer sous le jour d'un démocrate accompli, respectant l'opposition en lui promettant notamment de renforcer ses pouvoirs, mais je remarque que cette session extraordinaire, dont l'ordre du jour est relativement chargé, ne donne pas de signe en ce sens. Tous les projets de loi sont des textes fondamentaux, qu'il s'agisse de la réforme de la justice, de celle des universités, du fameux « paquet » fiscal ou bien du service minimum.
Ces textes sont débattus en urgence et, par conséquent, ils ne feront l'objet que d'une seule lecture par les parlementaires. La commission mixte paritaire sur ce projet va même se dérouler le dernier jour de la session, le vendredi 3 août !
Cette manière de procéder n'est pas nouvelle : il n'y a donc aucune « rupture » dans la vision qu'a la majorité parlementaire de la représentation nationale, considérée comme une simple chambre d'enregistrement des projets gouvernementaux. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent que le déplorer.
Un traitement similaire est infligé aux forces sociales qui voudraient s'opposer aux projets présidentiels. Comment ne pas voir dans ce texte le moyen d'affaiblir l'action syndicale dans les transports ferroviaires au moment même où se prépare la réforme des régimes dits « spéciaux » ?
En effet, les grèves de 1995, largement soutenues par la population, avaient obligé le gouvernement d'alors à reculer sur son projet de réforme des retraites. Ce souvenir conduit donc le nouveau gouvernement à préparer le terrain pour que ce recul social soit possible.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Dominique Braye. Et les usagers ?
M. Michel Billout. J'y viendrai !
Cette conception de la démocratie n'est pas la nôtre.
Sur le fond, un texte tentant d'imposer un service minimum est une idée de longue date. Jacques Chirac l'avait promis en 1995 et s'était vu contraint de reculer au regard du caractère peu acceptable, dans un État de droit, de cette atteinte au droit de grève, élément fondateur de toute démocratie.
En 2004, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, avait commandé au Conseil d'État un rapport sur la faisabilité d'une telle réforme et sur ses modalités, rapport appelé « rapport Mandelkern », du nom de son auteur, qui lui fut remis le 21 juillet de cette même année.
La plupart des dispositions du texte dont nous avons à débattre aujourd'hui sont directement inspirées des recommandations de ce rapport, notamment les plus emblématiques, comme la déclaration préalable de grève ainsi que l'organisation d'une consultation à partir de huit jours de conflit. Il n'y a donc rien de nouveau dans ce texte.
Cependant, nous ne pouvons que regretter le caractère polémique et démagogique...
M. Michel Billout. ...de cette future loi, qui ne réglera rien sur le fond, que ce soit en faveur du dialogue social ou concernant la continuité du service public.
Tout d'abord, comment ne pas remarquer que la loi, acte unilatéral, tourne le dos à l'esprit même du dialogue social ? En effet, une loi ne peut pas suppléer au principe de conciliation, qui doit être la règle au sein d'une entreprise.
De plus, toutes les organisations syndicales sont aujourd'hui favorables au développement d'un réel dialogue. Ainsi, des accords ont pu être signés à la RATP puis à la SNCF pour améliorer la concertation avant le recours à la grève.
M. Michel Billout. Est-il utile, dès lors, de rendre contraignante la signature de tels accords alors même que l'intelligence des partenaires sociaux permet d'aboutir au même résultat par le dialogue ? Les amendements de la commission vont même obliger la SNCF et la RATP à signer de nouveaux accords. N'est-ce pas particulièrement contre-productif ?
Par ailleurs, si l'objectif est réellement de garantir la concertation avant toute grève, plutôt que d'allonger la période de concertation en instaurant une sorte de « préavis du préavis », il serait opportun de commencer par faire respecter les lois qui existent déjà, notamment celle du 19 octobre 1982, dans laquelle le principe de négociation pendant le préavis de grève est posé.
Pourtant, dans les faits, cette loi est peu respectée par les entreprises elles-mêmes. Or, dans ses amendements, la commission propose que la négociation préalable ne se fasse qu'avec les organisations syndicales ayant notifié leur intention de déposer un préavis : on peut légitiment s'interroger sur l'intérêt pour le dialogue social d'une telle mesure !
Concernant le « plan de transport adapté » et le « plan d'information des usagers » créés à l'article 4, les organisations syndicales sont simplement consultées, sans avoir la possibilité de faire des propositions alternatives sur ces plans, qui sont élaborés par la direction de l'entreprise et approuvés par les autorités organisatrices : curieuse vision du dialogue social !
Le principe de l'élaboration d'un « accord collectif de prévisibilité du service » applicable en cas de grève ou d'autres perturbations prévisibles du trafic est posé à l'article 5. Cet accord doit être le fruit des négociations entre l'entreprise et les organisations syndicales. Pourtant, il est immédiatement précisé que, si la négociation n'aboutit pas avant le 1er janvier 2008, l'accord sera conclu de manière unilatérale par la seule direction de l'entreprise ! Autant dire que cette disposition ne poussera pas franchement les directions des entreprises à négocier avec les syndicats et qu'elle tourne donc également le dos au principe de dialogue social.
Pour finir, comment ne pas se rendre compte que la prévisibilité du trafic en temps de grève repose principalement sur la relation de confiance entre les syndicats et l'entreprise ? Cette confiance est elle-même conditionnée par le respect des libertés syndicales.
À l'inverse, le mécanisme de déclaration individuelle stigmatise les grévistes et détériore largement les liens de confiance. Elle permet la constitution de fichiers, au moment même où la CNIL s'inquiète des très nombreuses dérives portant atteinte aux libertés des citoyens. Cette loi sera donc, de ce point de vue également, inefficace voire dangereuse.
En outre, les réformes proposées par ce texte ne sauraient cacher le besoin urgent de nouvelles dispositions en faveur d'une meilleure démocratie sociale que demandent, notamment, les syndicats.
De grandes réflexions sont à mener sur les questions de représentativité syndicale, sur la notion même d'accord majoritaire ainsi que sur la modernisation des droits des salariés. Faut-il vraiment souligner que les conflits sociaux sont souvent la conséquence du refus de prise en compte des revendications syndicales ?
Par ailleurs, un certain nombre de conflits dépassent le niveau de l'entreprise. L'obligation faite de négocier au sein même de l'entreprise ne vaut pas pour l'ensemble des conflits, notamment lorsque les revendications sont nationales. Ainsi, Anne-Marie Idrac soulignait, dans un entretien du 13 avril 2007 publié dans le journal Le Monde, que, pour l'année précédente, la moitié des jours de grève étaient imputables au CPE, le contrat première embauche.
Cette loi nourrit donc en elle-même les causes de son futur échec.
J'aborderai maintenant le sujet de la continuité du service public et des usagers.
Pour justifier ces nouvelles mesures, M. Sarkozy s'appuie sur l'exaspération des usagers, due aux conditions dans lesquelles ils sont transportés, et qui attendent un service public efficace. Dans ce sens, un sondage CSA de mars dernier fait le constat que les transports en commun arrivent en troisième position parmi les problèmes qu'il convient de résoudre en priorité. Mais pensez-vous réellement, monsieur le ministre, que la qualité de service pourra se trouver renforcée par cette loi alors que celle-ci ne traite que de la continuité du service public ?
Certes, un amendement de la commission spéciale tend à élargir le champ d'application de ce texte à des perturbations prévisibles trente-six heures auparavant, mais même avec cet élargissement, les principaux facteurs de discontinuité du service ne sont pas traités.
En effet, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, le seul objectif digne d'intérêt est de garantir la continuité du service public des transports chaque jour de l'année,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Michel Billout. ...car, malheureusement, vous avez raison, monsieur le président de la commission, pour un grand nombre d'usagers, le service minimum, c'est tous les jours qu'ils y sont confrontés !
La continuité des services publics de transport réside principalement dans la mise en oeuvre d'une politique des transports ambitieuse, en phase avec la satisfaction des besoins. Mais, pour cela, il faudrait avoir le courage politique de revenir sur le dogme de la libéralisation et accepter enfin l'idée d'un bilan sur les ravages de la déréglementation.
Nous « risquerions » alors de constater que la quasi-totalité des perturbations sont liées à des défaillances matérielles, aux insuffisances en moyens humains et financiers ainsi qu'en termes d'infrastructures, défaillances et insuffisances qui provoquent suppressions de services et de dessertes, retards, dégradation de la qualité et de la fiabilité.
Bref, la dégradation de la qualité du service public des transports est non pas la conséquence de grèves à répétition, mais bien le résultat mécanique de la politique de déréglementation et d'asservissement de ce service public aux règles du marché ainsi que du sous-investissement chronique, et cela alors même que la demande de transport ne cesse de croître.
En effet, la précarité explose dans les transports : l'intérim a progressé de 15 % en 2006 et la sous-traitance a enregistré une croissance de 56 % entre 2002 et 2007 dans les transports urbains et routiers de voyageurs ! Depuis 2002, 16 000 emplois ont été supprimés à la SNCF et 800 postes l'ont été à la RATP en quatre ans.
Le budget annuel des transports est en constante régression, les entreprises publiques que sont la SNCF et Réseau ferré de France sont totalement asphyxiées par la dette.
Ce sont ces choix politiques assumés par la majorité au pouvoir qui poussent les personnels à se mettre en grève. Le Gouvernement dispose donc là d'une vaste marge de manoeuvre pour réduire la conflictualité et garantir enfin la continuité du service public en réorientant sa politique des transports.
Pensez-vous réellement que les personnels des transports font grève pour sanctionner les usagers ou qu'une grève est une grande fête ? Bien sûr que non !
M. Michel Billout. Lorsque les personnels des transports font grève, il s'agit, pour eux, de défendre le service public et l'intérêt général qu'ils ont mission de mettre en oeuvre. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Je rappellerai à cette occasion les propos, que pour une fois j'approuve, tenus lors des auditions de la commission par le sénateur Alain Gournac (Sourires.), qui reconnaissait que les agents des transports étaient fiers du service rendu.
Ces agents sont effectivement fiers de l'utilité sociale de leur mission et du service public qu'ils rendent. J'ajouterai qu'ils sont également fiers de le défendre quand celui-ci est menacé. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pouvez rire !
M. Michel Billout. Je me permettrais donc de vous indiquer que le recours à la grève n'est jamais une partie de plaisir pour les personnels, que la grève s'accompagne de pertes de salaire importantes et de grandes souffrances pour les familles des grévistes.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, pousse la démagogie jusqu'au bout en insérant un article 9 qui prévoit le non-paiement des jours de grèves. Cette disposition existe déjà dans la loi de 1982...
M. Dominique Braye. Alors, où est le problème ?
M. Michel Billout. ...dont j'ai fait mention précédemment, et les personnels de transport le savent mieux que personne.
M. Dominique Braye. Cela va mieux en l'écrivant !
M. Michel Billout. Par ailleurs, vous pointez la grève comme étant la cause principale des perturbations rencontrées, dans les transports, par les usagers. Vous savez très bien que vous avez tort, monsieur le ministre ; les représentants d'associations d'usagers et d'autorités organisatrices de transport vous l'ont d'ailleurs tous dit.
Seules 6,7 % des entreprises de transport ont connu une grève en 2005, contre 15,3 % dans le secteur automobile, 10,6% dans les activités financières et 22,8 % dans les entreprises énergétiques.
Par contre, le nombre de perturbations liées aux faibles moyens du service public ne cesse d'augmenter. Elles représentent même, selon les syndicats, 98 % des causes de dysfonctionnement.
M. Guy Fischer. Comme en Angleterre !
M. Michel Billout. En 2006, sur 6 043 incidents ayant donné lieu à des retards, seuls 140 étaient imputables à des mouvements sociaux.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage que ce ne soit pas dans le rapport !
M. Michel Billout. De l'avis même de leurs associations, ce projet de loi n'est donc pas la solution au mal-être des usagers, qui demandent la qualité et la fiabilité pour le service public au quotidien. Il est fondamentalement inutile pour garantir la continuité du service public et correspond simplement à une volonté d'affichage du Président de la République.
Comment ne pas reconnaître que les dispositions en faveur d'une meilleure prévisibilité et d'une meilleure information des usagers ne seront pas efficaces si elles sont mises en oeuvre uniquement en cas de grève ?
Il en est de même concernant le principe de remboursement des titres de transport posé à l'article 8, d'autant que le projet de loi fait peser cette obligation sur les autorités organisatrices.
Je remarque à cette occasion qu'il existe quelques incohérences dans cette soudaine volonté de légiférer sur l'exercice du droit des personnels dans l'entreprise. D'un côté, il faudrait libéraliser totalement l'économie et s'ouvrir au « tout contractuel » pour sa souplesse, par exemple pour le droit relatif au temps de travail, mais, de l'autre côté, l'État se devrait d'intervenir par voie législative pour que soient adoptées des mesures de régression sociale ou de réduction des libertés publiques, individuelles et collectives.
Concernant les transports, l'État se désengage de ce service public en le transférant aux régions depuis plusieurs années tout en refusant à ces collectivités les moyens de mettre en place une politique des transports digne de ce nom.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Nicole Bricq. Exact !
M. Michel Billout. Nous l'avons encore constaté récemment en Île-de-France, comme notre collègue Philippe Dominati l'a souligné.
Ce texte se situe dans cette continuité puisqu'il propose que ce soit les autorités organisatrices des transports, autrement dit les collectivités territoriales, qui aient pour mission de définir les modalités du droit de grève au regard de besoins de services dits « essentiels ».
Autrement dit, le Gouvernement - ou, devrais-je dire, la présidence - souhaite impliquer les régions dans la mise en oeuvre du service minimum afin qu'elles en portent la responsabilité.
Ces mesures, qui peuvent paraître anodines, sont particulièrement graves. Si l'on donne compétence aux collectivités pour définir les services essentiels et les modalités du droit de grève, on ne peut que renforcer des inégalités de situation et de traitement des conflits.
Le droit de grève, droit constitutionnellement reconnu par le préambule de la Constitution de 1946, ne peut souffrir cette « balkanisation ».
En effet, il est précisé dans son septième alinéa que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». C'est donc au Parlement qu'il appartient de définir les modalités d'exercice, et non aux collectivités territoriales.
Par ailleurs, l'idée, posée à l'article 4 de ce texte, de services essentiels nous laisse particulièrement sceptiques, pour la simple et bonne raison qu'il s'agit là d'une notion profondément subjective, voire indéfinissable au regard de la grande interconnexion des réseaux de transport dans certaines grandes villes ou dans certaines régions.
Cette idée laisse également supposer qu'au sein d'un service public remplissant une mission d'intérêt général pourraient être différenciés les services essentiels des services inessentiels. Pour les sénateurs communistes républicains et citoyens, les besoins essentiels, ce sont tout simplement les besoins de service public !
Je remarquerai alors que les missions d'un service public national ne peuvent être définies que par le Parlement puisque, ce qui est en jeu, c'est la définition même de l'intérêt général.
À l'inverse, si l'on devait considérer que la définition des besoins essentiels relève de la compétence de la région, il apparaîtrait alors contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales d'autoriser le préfet à y suppléer.
Nous nous heurtons donc à une forte contradiction, qui rend cet article inapplicable.
Sur le fond, je ne me priverai pas de vous dire une nouvelle fois qu'aujourd'hui les besoins essentiels ne sont pas assurés. C'est l'ensemble du service public que le législateur doit garantir pour répondre à l'intérêt général et aux besoins des usagers. Je le répète, cette loi portant prétendument « sur le dialogue social et la continuité du service public » est inutile, voire néfaste.
Les sénateurs communistes républicains et citoyens estiment pour leur part que deux mesures seraient particulièrement nécessaires pour garantir la continuité du service public des transports et une meilleure démocratie sociale.
Il s'agit, d'une part, de donner un coup d'arrêt aux politiques de déréglementation du secteur des transports pour proposer enfin des investissements et la garantie d'un service de qualité sur l'ensemble du territoire national. C'est en s'attaquant aux causes des grèves que nous réduirons la conflictualité au sein des entreprises de transport, ce qui permettra de garantir la continuité du service public.
Il s'agit, d'autre part, de moderniser le dialogue social en donnant de nouveaux droits aux usagers et aux personnels.
Mais de cela il n'est nullement question dans votre texte !
Alors, nous sommes contraints de constater que, si elle est aussi inefficace qu'inutile, cette loi ne constituera qu'une nouvelle tentative pour restreindre le droit de grève, tentative que les sénateurs communistes républicains et citoyens ne peuvent cautionner. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)