sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Médicament. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Gilbert Barbier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités ; Jean-Pierre Sueur, François Autain, Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
MM. François Autain, le rapporteur.
MM. Michel Esneu, Jean-Pierre Sueur, Guy Fischer.
Adoption du projet de loi.
3. Conventions internationales. - Adoption de quatre projets de loi en procédure d'examen simplifiée
Accord de sécurité sociale avec la Corée. - Adoption de l'article unique du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Guy Fischer
4. Candidatures à une commission mixte paritaire
5. Candidature à la Délégation du Sénat pour l'Union européenne
6. Banque de France. - Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
Discussion générale : Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; MM. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq, M. Jean Arthuis.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 2 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Marie-France Beaufils, M. le président de la commission. - Rejet.
Adoption de l'article.
M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée.
Amendement no 3 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption de l'article.
M. Jean-Jacques Hyest.
Amendement no 4 de M. Bernard Vera. - Mme Marie-France Beaufils, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. le président de la commission, Mme Nicole Bricq. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 9
Amendement no 1 de M. Gérard Longuet. - MM. Gérard Longuet, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Mmes Marie-France Beaufils, Monique Papon.
Adoption définitive de la proposition de loi.
7. Nomination d'un membre de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne
8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
9. Protection juridique des majeurs. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Discussion générale : MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Josiane Mathon-Poinat, MM. Bernard Cazeau, Yves Détraigne, Alain Fouché, Charles Gautier, Nicolas About, Alain Vasselle.
MM. le garde des sceaux, le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 177 rectifié ter de M. Nicolas About. - MM. Nicolas About, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Amendement n° 3 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 250 rectifié de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 166 rectifié de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements identiques nos 10 de la commission et 262 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. le rapporteur, Charles Gautier, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 251 rectifié de M. Alain Vasselle. - M. Alain Vasselle. - Retrait.
Amendement n° 263 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 228 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - MM. le président de la commission, le garde des sceaux. - Retrait
Amendement n° 12 de la commission. - MM. le président de la commission, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 14 de la commission. - MM. le président de la commission, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 15 de la commission. - MM. le président de la commission, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 252 rectifié de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le président de la commission, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 227 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 253 rectifié de M. Alain Vasselle. - Devenu sans objet.
Amendements nos 185 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 16 de la commission. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 185, adoption de l'amendement no 16.
Amendement no 315 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Alain Vasselle. - Adoption.
Amendement n° 264 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 265 de M. Jean-Pierre Michel. - Devenu sans objet.
Amendement n° 266 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 235 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 186 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements nos 171 rectifié de M. Philippe Leroy, 17 de la commission, 187 de Mme Josiane Mathon-Poinat, 229 rectifié bis de M. Yves Détraigne et 267 de M. Jean-Pierre Michel. - Mme Esther Sittler, M. le rapporteur, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Charles Gautier, le garde des sceaux. - Retrait des amendements nos 171 rectifié et 229 rectifié bis ; rejet de l'amendement no 187 ; adoption des amendements nos 17 et 267.
Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux - Adoption.
Amendement n° 19 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux - Adoption.
Amendement n° 268 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 269 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux, le président de la commission. - Rejet.
Amendements nos 189 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 106 rectifié de Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. - Mmes Josiane Mathon-Poinat, le rapporteur pour avis, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Irrecevabilité des deux amendements.
Amendement n° 178 rectifié bis de M. Nicolas About. - MM. Nicolas About, le rapporteur, le garde des sceaux, Paul Blanc. - Retrait.
Amendement n° 219 rectifié de M. Yves Détraigne. - M. Yves Détraigne. - Retrait.
Amendement n° 107 de Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Alain Vasselle, le président de la commission. - Retrait.
Amendement n° 179 rectifié bis de M. Nicolas About. - MM. Nicolas About, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements nos 21 de la commission et 181 rectifié bis de M. Nicolas About. - MM. le rapporteur, Nicolas About, le garde des sceaux, le président de la commission des lois, Charles Gautier. - Adoption de l'amendement n° 21, l'amendement n° 181 rectifié bis devenant sans objet.
Amendements identiques nos 109 rectifié de Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis ; 190 rectifié de Mme Josiane Mathon-Poinat et 270 rectifié de M. Jean-Pierre Michel. - Mmes le rapporteur pour avis, Josiane Mathon-Poinat, MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements.
Amendements nos 230 rectifié bis de M. Yves Détraigne et 271 rectifié de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Yves Détraigne, Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux, Alain Vasselle, le président de la commission. - Retrait de l'amendement n° 230 rectifié bis ; adoption de l'amendement n° 271 rectifié.
Amendement n° 167 de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 273 rectifié de M. Jean-Pierre Michel. - M. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements identiques nos 191 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 220 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 111 rectifié de Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 274 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 23 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 24 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 275 de M. Jean-Pierre Michel. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements nos 192 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 221 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° 25 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements nos 26 de la commission et 193 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - M. le rapporteur, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le garde des sceaux, Mme le rapporteur pour avis, M. Christian Cointat. - Adoption de l'amendement n° 26 ; l'amendement n° 193 devenant sans objet.
Amendement n° 254 rectifié de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur. - Retrait.
Amendements nos 168 rectifié de M. Jacques Blanc, 194 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 222 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - MM. Alain Vasselle, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le garde des sceaux, Mme le rapporteur pour avis, MM. le président de la commission, Éric Doligé, au nom de la commission des finances. s p ereur pour avis,t. --Irrecevabilité des trois amendements.
MM. Alain Vasselle, le président.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Transmission d'un projet de loi
12. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
14. Dépôt d'un rapport d'information
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Médicament
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (n° 197).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous achevons aujourd'hui l'examen a pour objet principal la transposition, en droit interne, des dispositions de la directive européenne relative aux médicaments à usage humain.
Son adoption permettra aussi à la France de rattraper une partie de son retard pour la transposition de cinq autres directives européennes en souffrance, traitant respectivement des produits cosmétiques et de l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour la collecte et la distribution de sang, de tissus et de cellules humaines.
Au-delà de leur apparence technique, les dispositions de ce texte vont améliorer la sécurité sanitaire des produits de santé et rendre plus transparent le fonctionnement non seulement de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, et de la Haute Autorité de santé, la HAS, mais également de l'industrie pharmaceutique.
Ces mesures confortent également les actions menées par le Gouvernement en matière de diffusion des médicaments génériques, en précisant leur statut et en clarifiant les questions relatives au droit de propriété intellectuelle.
En outre, cette transposition élargit les conditions de délivrance des autorisations temporaires d'utilisation pour les personnes malades dont le pronostic vital est engagé.
L'adoption de ces dispositions permettra, souhaitons-le, de restaurer la confiance des usagers à l'égard des médicaments, après les crises traversées au cours des dernières années, dont l'épisode le plus spectaculaire a été le retrait du Vioxx. Elle favorisera également l'optimisation des dépenses de médicaments.
Ce texte comportait initialement trente articles. L'Assemblée nationale, au cours de la première lecture, a introduit dix articles supplémentaires ; je n'y reviendrai pas.
Ce sont donc quarante articles qui avaient été transmis au Sénat. Il en a adopté vingt-neuf conformes et en a ajouté trois.
Au total, la commission mixte paritaire devait donc examiner quatorze articles.
Elle a repris les principales modifications adoptées par le Sénat relatives aux obligations de transparence pesant sur l'AFSSAPS et sur la Haute Autorité de santé, ainsi qu'à l'encadrement des préparations magistrales et des médicaments radiopharmaceutiques.
Elle a également approuvé le fait de ramener de huit à trois mois la durée de l'habilitation accordée au Gouvernement pour intervenir par ordonnance dans des domaines dénués de liens avec la question de la transposition en droit interne de directives européennes.
Elle a aussi confirmé la suppression des dispositions relatives à la mise en oeuvre des programmes d'observance des patients. En contrepartie, je vous rappelle que, sur l'initiative du président de notre commission des affaires sociales, nous allons travailler sur ce thème en vue d'élaborer une proposition de loi.
Les autres mesures soumises à la commission mixte paritaire ont fait l'objet de simples ajustements rédactionnels ou de modifications de faible portée.
Je réserverai un sort particulier à la question du statut des psychothérapeutes. L'Assemblée nationale et le Sénat ont poursuivi leurs échanges au cours de la commission mixte paritaire, qui, à l'issue d'un débat constructif, a souhaité compléter le dispositif prévu par la loi du 9 août 2004 sur deux points.
Tout d'abord, elle a proposé la création d'une commission régionale, qui sera chargée de se prononcer sur l'inscription des professionnels ne bénéficiant pas, de droit, de l'usage du titre de psychothérapeute sur la liste départementale prévue par la loi. Pour obtenir leur inscription, les personnes concernées devront justifier d'une expérience professionnelle d'au moins trois ans, acquise avant la promulgation du présent projet de loi, et avoir suivi la formation prévue par la loi. Une commission nationale tiendra lieu d'instance d'appel en cas de contestation des décisions prises en première instance.
Ensuite, afin d'éviter d'éventuelles dérives sectaires mises en avant par nos collègues députés, nous avons précisé que cette formation devra être assurée par un établissement d'enseignement supérieur ou par un organisme agréé par l'État.
Avec ces mesures, le Parlement réaffirme les objectifs qui ont dicté sa conduite lors des débats de 2004, assurer la sécurité des patients et interdire l'exercice de la psychothérapie aux personnes qui n'ont pas suivi de formation à cet effet.
En conclusion, mes chers collègues, je vous demande, au nom de la commission des affaires sociales, de bien vouloir adopter le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Les discussions menées ont été importantes. Ce texte va améliorer concrètement la qualité de la mise sur le marché et de la fabrication des médicaments, ainsi que les conditions de leur bon usage.
Son objet principal était de transposer en droit français la directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
Il permettra aux malades de disposer plus rapidement de produits de santé mieux sécurisés, en étendant, notamment, les conditions de délivrance d'autorisations temporaires d'utilisation nominatives, en allégeant le régime des importations de médicaments par les particuliers et en obligeant les industriels à n'utiliser que des matières premières fabriquées selon de bonnes pratiques.
Il vise également à limiter l'influence sur le public et sur les professionnels de santé de l'industrie pharmaceutique en réglementant, notamment, la publicité sur les médicaments. Il permet ainsi d'assurer l'indépendance des professionnels de santé.
Enfin, ce texte introduit des mesures qui améliorent la transparence du fonctionnement de l'AFSSAPS. L'Agence est désormais tenue de rendre publics un certain nombre de documents, tels que les comptes rendus de commissions, les ordres du jour, les débats scientifiques. Elle sera également dans l'obligation de fournir une déclaration d'intérêts à l'ensemble de ses agents.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez précisé certains de ces éléments, et je vous en remercie. Vous avez même étendu cette notion de transparence à la commission de la transparence de la HAS et, dans une certaine mesure, aux associations de patients.
Vous avez ajouté d'autres dispositions qui visent à améliorer la sécurité sanitaire. Je pense, notamment, aux amendements tendant à instituer une traçabilité des médicaments jusqu'à l'officine. Je pense également à l'organisation de la sous-traitance entre officines pour améliorer la qualité des préparations magistrales nous permettant de tirer les enseignements d'affaires sérieuses, qui ont fait la une de l'actualité voilà quelques mois.
Je pourrais encore citer la clarification des motifs de retrait de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament ou l'extension des contrôles douaniers aux micro-organismes dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme.
D'autres mesures améliorent la lisibilité du secteur du médicament.
Sans remettre aucunement en cause la politique du générique, mais conscient que la question de la propriété intellectuelle est cruciale, j'ai souhaité introduire une mesure selon laquelle les laboratoires titulaires des brevets doivent être informés, par le biais du Comité économique des produits de santé, le CEPS, d'une commercialisation imminente d'un générique.
Par ailleurs, afin de favoriser les efforts de recherche et de développement des industries pharmaceutiques en Europe et dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé, qui s'est tenu voilà dix jours, j'ai proposé un abattement sur la taxe sur le chiffre d'affaires proportionnel aux efforts de recherche de l'entreprise concernée.
J'en viens aux programmes d'accompagnement des patients, sujet que nous avons abondamment traité. C'est d'ailleurs devant le Sénat que s'est dénoué ce dossier. Ces programmes ont provoqué un important débat, qui a fait émerger des problèmes connexes au sujet initial et de nombreuses incompréhensions. Toutes ces interrogations méritent d'être examinées sereinement.
J'ai commencé la concertation, comme je m'y étais engagé devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j'ai constaté que le sujet n'était pas encore mûr et, surtout, n'était pas clair dans l'esprit de tous. La rédaction d'un texte n'a pas pu être finalisée et validée par l'ensemble des partenaires dans un délai aussi court.
Je n'ai pas pour habitude de laisser de tels sujets de côté. C'est la raison pour laquelle je ne souhaitais pas, dans un premier temps, supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance. J'ai finalement accepté cette suppression, que vous avez confirmée en commission mixte paritaire, car le président de la commission des affaires sociales du Sénat, M. About, s'est engagé à déposer une proposition de loi à la rentrée 2007 sur ce sujet.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'y travaille !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne pouvais qu'être favorable à cette solution, qui permettra la poursuite de la concertation dans des délais raisonnables.
Ces programmes existent aujourd'hui en dehors de tout encadrement. Il n'est donc pas question de continuer à fermer les yeux sur ce sujet. Je souhaite que l'encadrement soit réel, afin d'apporter toutes les garanties nécessaires aux patients et de s'assurer que cette aide au bon usage se fasse dans des conditions qui ne permettent aucune dérive promotionnelle.
Dans la mesure où certains acteurs ont toujours des interrogations et des doutes, j'ai demandé à l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, de mener une mission spécifique qui clarifiera les tenants et les aboutissants de ce dossier et précisera clairement le rôle de chacun. Bien évidemment, les conclusions de cette mission seront à votre entière disposition, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je souhaite également que l'AFSSAPS puisse continuer à examiner ces programmes quand elle l'estimera nécessaire et indispensable, c'est-à-dire lorsqu'ils seront demandés par les plans de gestion des risques à l'échelon européen.
Enfin, l'amendement visant à mettre fin à la collecte et à l'utilisation des médicaments non utilisés, comme l'a recommandé l'IGAS au mois de janvier 2005, a été adopté par les deux assemblées.
Je vous remercie d'avoir eu le courage de prendre cette mesure, qui permettra de mettre à la disposition des populations des pays concernés des produits neufs, de qualité, adaptés à leurs besoins. Bien évidemment, en France, les médicaments non utilisés continueront à être collectés par les officines.
Comme je m'y suis engagé, le Gouvernement va poursuivre sa collaboration sur le sujet avec les entreprises du médicament, connues sous le sigle de LEEM, pour accompagner toutes les organisations non gouvernementales dans ce changement, pour les aider à formaliser leurs besoins et à trouver d'autres sources d'approvisionnement. Il a pris des engagements précis en la matière, car l'aide attribuée et le rôle des associations doivent être confortés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet des psychothérapeutes, qui a été abordé, a enrichi le texte.
M. Jean-Pierre Sueur. Quel terme !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Sueur, permettez-moi de vous faire remarquer que le verbe « enrichir » signifie compléter.
Au-delà de ses aspects techniques, le texte que nous examinons est important. Il nous permettra d'améliorer la qualité et la sécurité des produits de santé mis sur le marché, ainsi que les conditions de leur bon usage. Autrement dit, il va renforcer tant la qualité des soins que l'accès aux soins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce texte par le Sénat, les membres du groupe socialiste ont voté en faveur de ce projet de loi à la suite d'une discussion approfondie sur les questions relatives au médicament.
Malheureusement, nous ne pourrons sans doute pas renouveler un tel vote. Comme cela a été le cas lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous serions contraints de nous abstenir, monsieur le ministre, si vous mainteniez les dispositions relatives à la profession de psychothérapeute réintroduites par ladite commission. Tout dépend donc de vous !
Je rappelle que les articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale avaient été supprimés par le Sénat, à l'unanimité. De surcroît, même si vous n'avez pas été très éloquent sur ce sujet lors de votre intervention, monsieur le ministre,...
M. Jean-Pierre Sueur. ... je précise que le Gouvernement avait donné son accord sur cette suppression.
Le Sénat et le Gouvernement avaient reconnu ensemble que l'introduction, dans ce texte, de dispositions relatives aux psychothérapeutes n'était aucunement justifiée.
Nous ne pouvons pas accepter cette pratique sur le plan de la logique du travail parlementaire. Le Conseil constitutionnel s'est exprimé encore récemment sur ce sujet avec une grande clarté.
Ce texte ne porte que sur le médicament. Il est inacceptable que, soudain, au milieu d'articles relatifs au médicament apparaissent des amendements tendant à définir les conditions d'accès à une profession. Je ne vois pas comment cela peut être justifié. D'ailleurs, cela l'a été fort peu !
Lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, il a beaucoup été reproché à M. Accoyer de prôner, dans la version initiale de son premier amendement, le retour à une conception « hygiéniste » en vertu de laquelle seule la médecine pourrait traiter de la souffrance mentale ou de la souffrance psychique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et les curés ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Que la médecine et la psychiatrie puissent intervenir dans ce domaine, nous n'en disconvenons évidemment pas ; en revanche, qu'une sorte de monopole soit instauré n'est pas acceptable, car cela reviendrait à nier tout ce qui relève de la psychanalyse et des psychothérapies relationnelles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et les psychologues !
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à vous apporter deux explications à ce sujet, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur.
En premier lieu, nous estimons qu'il est légitime - nous n'avons cessé de le dire depuis le débat du projet de loi relatif à la politique de santé publique en 2004 - de définir les conditions d'accès à la profession de psychothérapeute.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout aurait été plus simple, plus clair, plus facile, si ladite définition avait été élaborée au terme d'un dialogue avec les représentants de cette profession, qui est organisée grâce à un certain nombre de structures, comme les instituts de formation, sans qu'intervienne obligatoirement la loi.
En second lieu, nous sommes, bien sûr, persuadés qu'il faut lutter contre les sectes et les dérives sectaires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Contre les charlatans !
M. Jean-Pierre Sueur. Il existe des lois sur ce sujet. S'il faut les renforcer, faisons-le ! Nous n'avons pas la moindre indulgence s'agissant des sectes et des dérives sectaires, mais c'est là un autre problème et lier les deux questions risque de porter préjudice à nombre de professionnels qui n'ont strictement rien à voir avec les sectes.
En résumé, nous reconnaissons qu'il convient de définir les conditions d'accès au titre de psychothérapeute, mais au terme d'un dialogue avec les représentants de cette profession et en prenant toutes les précautions nécessaires sur le plan scientifique.
Nous considérons aussi qu'il est indispensable de lutter contre les sectes, mais dans tous les domaines. Peut-être d'autres professions souffrent-elles de dérives sectaires, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. ... notamment certaines professions proches de celles dont nous parlons aujourd'hui.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les psychanalystes !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut donc s'en occuper, je le redis, dans tous les domaines. Cependant, cela ressort non pas des mesures propres à la définition d'un titre professionnel, quel qu'il soit, mais simplement de la lutte contre le phénomène sectaire dans toute son ampleur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela étant dit, nous sommes confrontés à des contradictions parce qu'au lieu de ne traiter que des psychothérapeutes on a voulu traiter en même temps des psychanalystes, des médecins et des psychologues.
M. François Autain. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n'avons pas traité des psychanalystes !
M. Jean-Pierre Sueur. Or, cela aboutit inéluctablement à de fortes contradictions. Je ne cesserai de le dire, parce que cela relève du bon sens et que personne ne m'a convaincu du contraire.
On peut décider que toute personne qui souhaite bénéficier du titre de psychothérapeute, qu'elle soit médecin, psychologue ou psychanalyste, doit suivre une formation spécifique en psychopathologie.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Je le comprends, car cela correspond au dernier alinéa de l'article 52 de la loi de 2004, dont je rappelle les termes : « Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes visées aux deuxième et troisième alinéas. »
Toutefois, tel n'est pas ce qui est proposé dans la dernière mouture de l'avant-projet de décret préparé par M. le ministre, suivant lequel, pour trois professions, il existe un accès de droit au titre, tandis que, pour la quatrième, celle des psychothérapeutes, il est nécessaire de se soumettre à des dispositions spécifiques.
Monsieur le ministre, comment, dans ces conditions, votre décret pourra-t-il être compatible avec le principe d'égalité ?
Il n'existe, aujourd'hui, dans l'arsenal législatif, aucune définition du titre de psychanalyste. Je ne dis pas qu'il faille en élaborer une, car, très vite, s'instaurerait un débat avec les vingt-sept sociétés de psychanalystes sur cette question, notamment sur les conditions d'exercice de cette profession.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Contrôle des connaissances !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne crois pas qu'il soit pertinent de s'engager sur cette voie. Mais j'observe que le titre de psychanalyste n'étant pas défini dans la loi, dès lors qu'un psychanalyste est adhérent à une société, il a le droit de bénéficier du titre de psychothérapeute en vertu du troisième alinéa de l'article 52 de la loi de 2004.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il peut être inscrit sur la liste, il ne peut pas exercer sans le titre. Vous le savez bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous me l'avez déjà dit, mais je ne suis pas convaincu !
Comment allez-vous empêcher un psychanalyste de poser, à côté de sa porte, une plaque où sera gravé le titre « psychothérapeute », au motif que, étant psychanalyste, il adhère à une société ? Comment empêcherez-vous que se créent de nouvelles sociétés de psychanalystes pour les besoins de la cause ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez raison ! Il faut renforcer le texte, il faut réglementer la profession !
M. Jean-Pierre Sueur. Un médecin, même s'il n'a suivi aucune formation spécifique dans ce domaine...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a un suivi pendant dix ans !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et même s'il a des compétences, ce dont je ne disconviens absolument pas, pourrait tout faire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il peut tout faire ; c'est le diplôme de docteur en médecine qui le lui permet.
M. Jean-Pierre Sueur. De la même manière, un psychologue qui n'aurait pas suivi un enseignement spécifique en psychopathologie pourrait bénéficier du titre de psychothérapeute.
Monsieur le ministre, vous avez choisi en réalité de suivre la logique du troisième alinéa de l'article 52 de la loi de 2004 au lieu de suivre celle du quatrième alinéa. Vous n'avez pas voulu affronter le problème et affirmer la nécessité, pour tous les professionnels que je viens de citer, de suivre un enseignement spécifique s'ils veulent pouvoir se prévaloir du titre de psychothérapeute.
Vous avez fait ce choix. C'est le vôtre, du moins celui qui est en filigrane dans votre dernier avant-projet de décret. Mais au total nous sommes dans une impasse, dont aucune des propositions d'amendements qui ont été formulées en commission mixte paritaire ne permet de sortir.
M. Jean-Pierre Sueur. En apprenant, monsieur le président de la commission, que de nouveaux amendements seraient déposés, j'avais espéré qu'ils seraient positifs et qu'ils auraient pour objet de permettre enfin de faire disparaître la contradiction initiale contenue dans l'article 52 de la loi de 2004.
Malheureusement, non seulement ces amendements ne suppriment pas cette contradiction, mais, d'une certaine manière, ils la renforcent.
J'observe que les conditions de formation par des organismes agréés, inscrites dans ces amendements, n'ont pas été discutées avec les professionnels et que, si le texte tel qu'il est issu des travaux de la commission mixte paritaire est adopté, il aboutira au paradoxe suivant lequel les psychothérapeutes seront les seuls professionnels, en France, à être évalués par une commission qui ne comprendra aucun membre de leur profession.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Normal : la commission n'est pas encore constituée !
M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne seront jugés que par des représentants d'autres professions qui, de surcroît, pourront n'avoir reçu aucune formation spécifique en psychopathologie !
Le texte tel qu'il va être adopté le permet. Le problème n'est donc pas réglé.
Il n'est pas possible d'ignorer que tout ce débat se situe dans le contexte d'un vaste mouvement international, qui se fait jour aussi en France, tendant à nier l'apport de la psychanalyse et des psychothérapies relationnelles, au bénéfice des thérapies cognitivo-comportementales, censées être plus efficaces, comme l'a affirmé un rapport de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, sur lequel il y aurait beaucoup à dire. D'ailleurs, cet organisme a décidé récemment de revoir la manière dont sont rédigés de tels rapports.
Pour sortir de ce contexte - celui du Livre noir de la psychanalyse et de la volonté que cet ouvrage exprime de remettre en cause un pan entier de la pensée depuis Sigmund Freud - par le haut, si je puis dire, comme nous le voulons, il faut, tout d'abord, discuter dans un autre contexte et accepter la pertinence d'une pluralité d'approches du sujet.
Je ne dis pas que les thérapies cognitivo-comportementales n'apportent rien. Elles ont sans doute un effet dans leur domaine. Mais cela ne doit en aucun cas être un argument pour disqualifier tout ce qui ressort de la psychanalyse et des psychothérapies relationnelles.
Il faut donc s'abstraire de cette croisade, qui, sur le plan intellectuel, pose de redoutables problèmes.
Ensuite, il faut disjoindre la question des psychothérapeutes et celle des trois autres professions.
Enfin, il faut dialoguer avec ceux qui, au sein de la profession de psychothérapeute, comme, d'ailleurs, au sein de la profession de psychanalyste, ont défini des modalités de formation, des règles de bonne pratique et de déontologie.
Ainsi, nous pourrons apporter une réponse positive dans le dialogue. S'obstiner, comme certains voudraient le faire, dans la voie qui a été choisie, au coeur de contradictions qui n'ont pas été résolues, laisse entiers tous les problèmes. Au mieux, on n'obtiendra que des effets nominalistes : le psychothérapeute s'appellera « psychopraticien », ou « psychanalyste », ou inversement, mais rien ne sera changé sur le fond.
Nous souhaitons de tout coeur que le prochain gouvernement, quel qu'il soit, reprenne cette question de la manière que j'ai indiquée dans les mois qui viennent.
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce au travail des deux assemblées, le texte élaboré par la commission mixte paritaire constitue un progrès important par rapport au projet initial.
Tout d'abord, on peut se féliciter que la commission mixte paritaire ait suivi le Sénat dans sa volonté de supprimer la disposition relative aux programmes industriels d'aide à l'observance.
De tels programmes, rappelons-le, ne trouvent pas de fondement juridique dans les textes communautaires. Ils sont contraires à l'éthique médicale et attentatoires aux droits des patients.
C'est pourquoi - nous devons le répéter - nous sommes opposés au principe même de ces programmes, même si nous reconnaissons que, dans certaines circonstances, certains patients peuvent avoir besoin d'un soutien thérapeutique.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, nous serons donc très attentifs aux conditions dans lesquelles sera élaborée la proposition de loi que vous vous êtes engagé à déposer sur la base d'une enquête de l'IGAS, que M. le ministre, si j'ai bien compris, va diligenter.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait ! Il y aura d'ailleurs d'autres auditions, car nous souhaitons garantir une bonne pratique et une bonne observance, par les médecins et par les malades.
M. François Autain. Il s'agit pour nous non seulement de préserver la sécurité et la liberté des patients, mais aussi d'exclure - j'insiste sur ce terme - l'industrie pharmaceutique du suivi des traitements,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. François Autain. ...quels qu'ils soient, suivi qui doit rester sous le contrôle exclusif du médecin.
Vous l'aurez compris, monsieur About, vous aurez notre soutien dès lors que vous renoncerez clairement dans votre proposition de loi au principe de ces programmes d'observance tels qu'ils étaient initialement prévus dans ce texte avant d'être modifiés.
En outre, nous devons nous féliciter de ce que la commission mixte paritaire ait repris la plupart des dispositions introduites par le Sénat, parfois, d'ailleurs, sur l'initiative de notre groupe.
Il en est ainsi de l'application de l'obligation légale de transparence, laquelle s'applique aux travaux des commissions de l'AFSSAPS et aux travaux de la HAS, s'agissant, notamment, de la commission de la transparence. On peut cependant regretter que la commission mixte paritaire n'ait pas jugé utile de mentionner que la publicité de ces travaux devait être effectuée sans délai, car cela risque d'allonger inconsidérément la durée qui s'écoule entre le moment où sont prises les décisions et celui où elles sont rendues publiques. Je le rappelle, le délai actuel, supérieur à sept mois, me paraît excessif et injustifié.
Les firmes pharmaceutiques doivent désormais rendre publiques les aides de toute nature, et pas seulement financières, qu'elles accordent aux associations de patients. Sur ce point, c'est la rédaction plus restrictive du Sénat qui a été retenue. Initialement, vous le savez, l'Assemblée nationale visait toutes les associations. Espérons que la formulation retenue n'induira pas certaines stratégies de contournement ; du reste, une formulation telle que « associations oeuvrant dans le domaine de la santé » aurait sans doute été plus appropriée. Laissons donc le soin au décret de préciser éventuellement ce point, mais, cela va sans dire, le plus rapidement possible.
La commission mixte paritaire a également suivi le Sénat en supprimant l'article 9 bis, qui portait de deux à trois ans la durée de l'autorisation de mise sur le marché de produits fabriqués à partir du sang.
Par ailleurs, je déplore que la commission des affaires sociales du Sénat et M. le rapporteur n'aient pas été plus réceptifs à deux de nos propositions. La première concernait l'expertise, qui, chacun le sait, est confrontée à un risque permanent de conflits d'intérêts.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On y travaille !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. On a tout de même déjà beaucoup avancé sur ce point !
M. François Autain. La seconde portait sur les essais cliniques comparatifs et ne faisait que reprendre deux recommandations de la mission d'information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments dont, faut-il le rappeler, M. le rapporteur assurait la présidence.
Une telle proposition n'était en fait que la transposition de l'article 29 de la déclaration d'Helsinki et aurait donc dû s'imposer à tous puisqu'elle émanait de l'Association médicale mondiale.
J'en conviens, elle n'est, pour l'heure, pas compatible avec la législation européenne, mais rien n'empêche la représentation nationale de l'introduire, par exemple, dans le cadre de l'évaluation comparative du médicament, qui ne relève pas de la réglementation communautaire.
Cette disposition serait d'autant plus nécessaire et urgente que la commission de la transparence chargée de l'évaluation au sein de la HAS doit effectuer, pour chaque médicament, une comparaison avec les médicaments et les traitements déjà disponibles.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Les autres traitements.
M. François Autain. C'est ce que j'ai dit, monsieur le rapporteur : la comparaison porte sur les médicaments et les traitements déjà disponibles, lesquels, le cas échéant, peuvent être non médicamenteux.
Or, la commission de la transparence, si l'on s'en tient aux déclarations faites devant la mission par son président, M. Bouvenot, doit effectuer cette évaluation comparative le plus souvent en l'absence d'essais cliniques comparatifs. On peut, dès lors, s'interroger sur les limites d'un tel exercice et sur le degré de fiabilité des avis émis par cette commission.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que, comme vous le savez, la totalité des médicaments qui présentent une amélioration du service médical rendu, aussi faible soit-il, bénéficient désormais de la procédure dite de « dépôt de prix », laquelle a pour conséquence de libérer le prix des médicaments.
Ainsi, les laboratoires ont toute liberté pour en fixer le montant, dans un système où la concurrence est pourtant proscrite. On peut donc imaginer l'envolée des prix à laquelle l'extension de cette procédure va donner lieu et les difficultés pour la commission d'arbitrer entre les copies et les innovations, alors qu'elle ne disposera pas systématiquement d'essais cliniques comparatifs pour étayer sa décision de façon incontestable.
Je suis d'autant plus inquiet que, à l'horizon 2010, les anticancéreux seront mis sur le marché en nombre important. Nos organismes d'assurance maladie seront-ils alors en mesure de financer cette dépense supplémentaire ?
J'en viens maintenant, pour terminer, au maintien, regrettable, de l'article 28 sexies relatif aux psychothérapeutes, que le Sénat avait eu la bonne idée de supprimer et que la commission mixte paritaire a malheureusement rétabli, certes en le modifiant, mais sans changer la nature du problème.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Des modifications ont tout de même été apportées à la version de l'Assemblée nationale !
M. François Autain. Il s'agit, d'abord, d'un cavalier législatif. On se demande ce que vient faire une telle disposition dans un texte sur le médicament. À mon avis, le Conseil constitutionnel, qui sera saisi, saura comme à son habitude dire le droit.
Il s'agit, de plus, d'une disposition qui peut paraître redondante, puisqu'elle a déjà fait l'objet d'un article dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, mais sans avoir reçu un début d'application, faute de décret.
M. François Autain. Or, si j'ai bien compris, l'auteur de l'amendement adopté par la commission mixte paritaire se réfère, pour le justifier, à un décret d'application virtuel, qui serait contradictoire avec la loi dont il procède. N'aurait-il pas été plus simple de modifier le décret dans le sens préconisé par la commission mixte paritaire, sans qu'il soit besoin de recourir à la loi ?
Au demeurant, monsieur le ministre, ne serions-nous pas à l'abri de tous ces malentendus et retards, si, comme vous vous y êtes engagé, vous présentiez les textes réglementaires en même temps que les textes de loi dont ils procèdent ?
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons souscrire aux conclusions de la commission mixte paritaire sur ce point particulier. Je ne vous le cache pas, malgré quelques insuffisances, ce texte aurait pu recueillir notre adhésion, car, comme je l'ai dit au début de mon intervention, il comporte des avancées avec lesquelles nous sommes pleinement d'accord. Malheureusement, le fait que subsiste cette disposition inutile et inopportune relative aux psychothérapeutes nous conduit à nous abstenir. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis moi-même longuement intervenu sur le statut des psychothérapeutes lors du débat et j'ai tenu à préciser notre position en commission mixte paritaire. Je voudrais donc m'associer aux propos de mes collègues Jean-Pierre Sueur et François Autain, que je partage totalement, et faire un certain nombre d'observations.
Ainsi, l'acharnement thérapeutique gouvernemental contre une catégorie de praticiens, relayé par un parlementaire à la volonté têtue et utilitariste,...
M. François Autain. Et farouche !
M. Guy Fischer. ...n'a décidément pas de fin. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De qui parlez-vous ?
M. Jean-Pierre Sueur. Rassurez-vous, mes chers collègues, ce parlementaire n'est pas sénateur !
M. Guy Fischer. Je parle de M. Accoyer !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est plus facile de l'agresser ! Les absents ont toujours tort !
M. Guy Fischer. Monsieur About, j'ai déjà dit ce que je pensais à M. Accoyer lors de la commission mixte paritaire ! Nous nous en sommes même expliqués à l'issue de la réunion.
Or, voici revenu par la fenêtre ce qu'au Sénat nous avions fait sortir par la porte, et ce de manière unanime.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Guy Fischer. Voici revenu, au galop, un cavalier qui fait fi de la concertation entamée, à grand-peine,...
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, j'essaie de me mettre, pédagogiquement, à votre portée !
M. Guy Fischer. Voici revenu au galop, disais-je, un cavalier qui fait fi de la concertation entamée, à grand-peine, depuis les débats de 2004, afin de tenter d'accoucher d'un décret pour l'article 52 de la loi du 9 août 2004.
Qu'est-ce qui motive un tel acharnement ? Pourquoi vouloir absolument légiférer encore et toujours sur cette question ?
Cela a été dit, mais mérite d'être répété : sur la forme et sur le fond, les amendements relatifs à l'usage du titre de psychothérapeute n'ont pas lieu d'être, ceux d'aujourd'hui encore moins que ceux d'hier. En réalité, les amendements d'aujourd'hui viennent compliquer encore la situation déjà bien inextricable et, par bien des côtés, injuste qu'avaient créée les amendements d'hier.
Quelle en est alors la véritable motivation ? Nous n'osons imaginer, pour notre part, que le lobby du médicament y serait pour quelque chose.
Cette volonté tenace de médicalisation de la psychothérapie est-elle donc le signe d'un scientisme sans nuance ? Cette question mériterait d'être développée, même si ce n'est pas l'objet du présent débat. Néanmoins, il semble bien que ce soit un tel esprit qui anime, depuis 2004, les divers amendements déposés par M. Accoyer.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Guy Fischer. Ce scientisme, qui réduit les pathologies à une succession de symptômes aux causalités simples, et donc aux solutions chimiques, non seulement empêche certains, par son manque de modestie, de comprendre la spécificité de certaines pratiques, mais encore il peut avoir de graves conséquences.
Faisons un petit détour pour le comprendre. C'est cet esprit-là qui a animé les récentes études de l'INSERM sur la violence chez l'enfant. On voit à quelles conclusions erronées a mené cette logique de la causalité courte ! Une délibération importante du Comité consultatif national d'éthique a, heureusement, poussé les auteurs à faire marche arrière. Le législateur, sous le prétexte scientifique, a bien failli prendre la route du lobby.
Mes chers collègues, c'est contre un tel esprit et également par modestie, face à une question très complexe, que je souhaitais, renouveler, en mon nom et au nom des collègues de notre groupe, notre opposition aux articles 28 sexies et 28 septies.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
CHAPITRE IER
Dispositions relatives aux médicaments
.................................................................................................
Article 4
(Texte du Sénat)
L'article L. 5121-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° A Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Préparation magistrale, tout médicament préparé extemporanément au vu de la prescription destinée à un malade déterminé soit dans la pharmacie dispensatrice, soit, dans des conditions définies par décret, dans une pharmacie à laquelle celle-ci confie l'exécution de la préparation par un contrat écrit et qui est soumise pour l'exercice de cette activité de sous-traitance à une autorisation préalable délivrée par le représentant de l'État dans le département après avis du directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; »
1° B Dans le 3°, les mots : « selon les indications de la pharmacopée » sont remplacés par les mots : «, inscrit à la pharmacopée ou au formulaire national » ;
1° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° a) Sans préjudice des articles L. 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, spécialité générique d'une spécialité de référence, celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées. Une spécialité ne peut être qualifiée de spécialité de référence que si son autorisation de mise sur le marché a été délivrée au vu d'un dossier comportant, dans des conditions fixées par voie réglementaire, l'ensemble des données nécessaires et suffisantes à elles seules pour son évaluation. Pour l'application du présent alinéa, les différentes formes pharmaceutiques orales à libération immédiate sont considérées comme une même forme pharmaceutique. De même, les différents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d'isomères, complexes ou dérivés d'un principe actif sont regardés comme ayant la même composition qualitative en principe actif, sauf s'ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l'efficacité. Dans ce cas, des informations supplémentaires fournissant la preuve de la sécurité et de l'efficacité des différents sels, esters ou dérivés d'une substance active autorisée doivent être données par le demandeur de l'autorisation de mise sur le marché ;
« b) Groupe générique, le regroupement d'une spécialité de référence et des spécialités qui en sont génériques. Toutefois, une spécialité remplissant les conditions pour être une spécialité de référence, qui présente la même composition qualitative et quantitative en principes actifs et la même forme pharmaceutique qu'une spécialité de référence d'un groupe générique déjà existant, et dont la bioéquivalence avec cette spécialité est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées, peut aussi figurer dans ce groupe générique, à condition que ces deux spécialités soient considérées comme relevant d'une même autorisation de mise sur le marché globale, définie par voie réglementaire. En l'absence de spécialité de référence, un groupe générique peut être constitué de spécialités ayant la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont les caractéristiques en termes de sécurité et d'efficacité sont équivalentes. » ;
2° Dans le 11°, les mots : « produits, substances ou composition appelés » sont remplacés par les mots : « substances appelées » ;
3° Sont ajoutés un 14° et un 15° ainsi rédigés :
« 14° Médicament biologique, tout médicament dont la substance active est produite à partir d'une source biologique ou en est extraite et dont la caractérisation et la détermination de la qualité nécessitent une combinaison d'essais physiques, chimiques et biologiques ainsi que la connaissance de son procédé de fabrication et de son contrôle ;
« 15° Sans préjudice des articles L. 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, médicament biologique similaire, tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu'un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions prévues au a du 5° du présent article pour être regardée comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication et nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire. »
.................................................................................................
Article 9 bis
Suppression maintenue par la commission mixte paritaire.
.................................................................................................
Article 15
(Texte de l'Assemblée nationale)
L'article L. 5121-20 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Les critères scientifiques justifiant, le cas échéant, l'exonération des études de biodisponibilité des spécialités génériques définies au 5° de l'article L. 5121-1, la procédure d'inscription au répertoire des groupes génériques mentionné à l'article L. 5121-10, ainsi que les modalités de l'inscription dans un groupe générique existant d'une spécialité remplissant la condition pour être spécialité de référence et de la création de groupes génériques en l'absence de spécialité de référence ; »
2° Le 2° est ainsi rétabli :
« 2° Les conditions dans lesquelles des autorisations de mise sur le marché peuvent être considérées comme faisant partie d'une autorisation de mise sur le marché globale ; »
3° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Les règles relatives à l'étiquetage, la notice et la dénomination des médicaments et produits mentionnés au présent chapitre ; »
4° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Les modalités de présentation des demandes tendant à obtenir l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8, le contenu du dossier présenté à l'appui de ces demandes, les conditions dans lesquelles le demandeur peut être dispensé de produire certains éléments du dossier et celles dans lesquelles interviennent les décisions accordant, modifiant, renouvelant, suspendant ou supprimant ces autorisations ainsi que, après la délivrance de l'autorisation, les modalités de son actualisation ; »
5° Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Les modalités de présentation des demandes tendant à obtenir l'enregistrement des médicaments homéopathiques prévu à l'article L. 5121-13, le contenu du dossier présenté à l'appui de ces demandes, ainsi que les conditions dans lesquelles interviennent les décisions accordant, modifiant, renouvelant, suspendant ou supprimant ces enregistrements ; »
6° Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° Les modalités de présentation des demandes tendant à obtenir l'autorisation temporaire d'utilisation prévue à l'article L. 5121-12, le contenu du dossier présenté à l'appui de ces demandes, ainsi que les conditions dans lesquelles interviennent les décisions accordant, modifiant, renouvelant, suspendant ou supprimant ces autorisations ; »
7° Le 11° est ainsi rédigé :
« 11° Les règles applicables en cas de changement du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou du titulaire de l'enregistrement de médicament homéopathique ; »
8° Le 12° est abrogé ;
9° Le 13° est ainsi rédigé :
« 13° Les règles applicables à la pharmacovigilance exercée sur les médicaments et sur les produits mentionnés à l'article L. 5121-1, notamment les obligations de signalement incombant aux membres des professions de santé et aux entreprises exploitant un médicament ou un produit soumis au présent titre ; »
10° Le 15° est abrogé.
Article 15 bis
(Texte du Sénat)
Dans la première phrase du 4 de l'article 38 du code des douanes, après la référence : « L. 5124-13 du code de la santé publique, », sont insérés les mots : « aux micro-organismes et aux toxines mentionnés à l'article L. 5139-1 du code de la santé publique, ».
Article 15 ter
(Texte du Sénat)
Le premier alinéa de l'article L. 161-38 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle veille à ce que les règles de bonne pratique spécifient que ces logiciels permettent de prescrire directement en dénomination commune internationale et comportent une information relative à leur concepteur et à la nature de leur financement. »
.................................................................................................
Article 21
(Texte du Sénat)
L'article L. 5124-6 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les mots : « l'établissement pharmaceutique » sont remplacés par les mots : « l'entreprise » ;
2° Supprimé ;
3° Après les mots : « un lot déterminé », sont ajoutés les mots : « ainsi que de tout risque de rupture de stock sur un médicament ou produit sans alternative thérapeutique disponible ou en raison d'un accroissement significatif et imprévisible de la demande » ;
4° a) Dans la première phrase, le mot : « il » est remplacé par le mot : « elle » ;
b) Au début de la deuxième phrase, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle » ;
5° Supprimé.
.................................................................................................
Article 26
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
L'article L. 5311-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° La première phrase du vingt et unième alinéa est ainsi rédigée :
« Elle rend public un rapport de synthèse de l'évaluation effectuée pour tout nouveau médicament dans des conditions déterminées par voie réglementaire, ainsi que les décisions d'octroi, de suspension et de retrait de l'autorisation de mise sur le marché mentionnées aux articles L. 5121-8 et L. 5121-9. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Elle rend également publics l'ordre du jour et les comptes rendus, assortis des détails et explications des votes, y compris les opinions minoritaires, à l'exclusion de toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale, des réunions des commissions siégeant auprès d'elle et consultées en matière de mise sur le marché, de pharmacovigilance et de publicité des spécialités pharmaceutiques, son règlement intérieur et celui des commissions précitées. »
Article 26 bis
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Après le huitième alinéa de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La Haute Autorité de santé rend publics l'ordre du jour et les comptes rendus assortis des détails et explications des votes, y compris les opinions minoritaires, à l'exclusion des informations relatives au secret des stratégies commerciales, des réunions de la commission prévue à l'article L. 5123-3 du code de la santé publique, siégeant auprès d'elle et consultée sur l'inscription des médicaments inscrits sur les listes prévues à l'article L. 162-17 du présent code et à l'article L. 5126-4 du code de la santé publique ainsi que son règlement intérieur. »
.................................................................................................
Article 28 bis
(Texte du Sénat)
L'article L. 1114-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises fabriquant et commercialisant des produits mentionnés dans la cinquième partie du présent code doivent rendre publics la liste des associations de patients et le montant des aides de toute nature qu'elles leur versent, selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'État. »
.................................................................................................
Article 28 sexies
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Avant le dernier alinéa de l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Pour s'inscrire sur la liste départementale, les professionnels ne bénéficiant pas d'une inscription de droit au titre du troisième alinéa mais justifiant d'au moins trois ans d'expérience professionnelle en qualité de psychothérapeute à temps plein ou en équivalent temps plein à la date de publication de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament doivent obtenir l'autorisation d'une commission régionale.
« La commission régionale détermine, compte tenu de l'expérience du professionnel, le niveau de formation adapté et autorise le professionnel à s'inscrire sur la liste départementale à l'issue de la réalisation de cette formation.
« En cas de litige, le candidat à l'inscription sur la liste départementale peut formuler un recours devant la commission nationale.
« La commission nationale et les commissions régionales sont composées de personnes répondant aux conditions mentionnées au troisième alinéa.
« Les conditions de mise en oeuvre des quatre alinéas précédents sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé. »
Article 28 septies
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Dans le dernier alinéa de l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 précitée, après les mots : « conditions de formation théoriques et pratiques », sont insérés les mots : « délivrées par un établissement d'enseignement supérieur ou par un organisme agréé par l'État ».
Article 28 octies
(Texte du Sénat)
Le second alinéa de l'article L. 5124-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Toute modification substantielle des éléments de l'autorisation initiale est subordonnée à une autorisation préalable. Un décret en Conseil d'État fixe les cas de modification substantielle de l'autorisation initiale. Les autres modifications font l'objet d'une déclaration. »
Article 28 nonies
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - Après l'article L. 5125-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5125-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5125-1-1. - L'exécution de préparations de médicaments radiopharmaceutiques tels que définis au 7° de l'article L. 5121-1 est interdite.
« L'exécution de préparations stériles ou de préparations dangereuses mentionnées à l'article L. 5132-2 est subordonnée à, outre l'octroi de la licence prévue à l'article L. 5125-4, une autorisation délivrée par le représentant de l'État dans le département après avis du directeur régional des affaires sanitaires et sociales. Cette autorisation précise notamment les formes pharmaceutiques autorisées. »
II. - L'article L. 5125-32 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les modalités d'application de l'article L. 5125-1-1. »
III. - Les officines réalisant des préparations stériles ou des préparations dangereuses mentionnées à l'article L. 5132-2 du code de la santé publique à la date de publication de la présente loi doivent solliciter l'autorisation prévue au second alinéa de l'article L. 5125-1-1 du même code dans un délai de six mois à compter de la publication du décret mentionné à l'article L. 5125-32 dudit code. Elles peuvent continuer à réaliser ces préparations jusqu'à la notification de la décision du représentant de l'État dans le département.
CHAPITRE II
Habilitation à prendre des ordonnances
Article 29
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les dispositions nécessaires à la transposition des directives ou de celles de leurs dispositions qui n'ont pas encore été transposées, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition :
a) Directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003, établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain, et des composants sanguins, et modifiant la directive 2001/83/CE ;
b) Directive 2003/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 février 2003, modifiant la directive 76/768/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques ;
c) Directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains ;
d) Directive 2004/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, modifiant, en ce qui concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;
e) Directive 2004/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, modifiant la directive 2001/82/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.
II. - Dans les mêmes conditions, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures requises :
1° Pour adapter au droit communautaire les dispositions du code de la santé publique relatives aux autorisations d'importation des médicaments à usage humain et celles du même code concernant les insecticides et acaricides destinés à l'homme, ainsi que celles définissant le régime juridique des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales ;
2° Pour harmoniser et compléter les dispositions pénales relatives aux produits mentionnés aux articles L. 5141-1 et L. 5311-1 du code de la santé publique, pour instaurer, en tant que de besoin, des sanctions administratives dans les domaines qui n'en disposent pas et pour harmoniser leur mise en oeuvre avec les sanctions pénales ;
3° Suppression maintenue par la commission mixte paritaire............ ;
4° Pour permettre aux agents mentionnés au 1° de l'article L. 215-1 du code de la consommation de recourir à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans l'exercice des pouvoirs d'enquête qui leur sont dévolus en application de l'article L. 5414-1 du code de la santé publique ;
5° Pour permettre la mise en cohérence du dispositif existant dans le cadre du code de la santé publique en matière de classification des substances et préparations dangereuses et vénéneuses avec les dispositions issues du droit communautaire.
III. - Les ordonnances prévues par le I et le 2°du II du présent article sont prises dans un délai de huit mois suivant la publication de la présente loi. Celles prévues aux 1°, 4° et 5° du II sont prises dans un délai de trois mois à compter de cette même date.
Le projet de loi de ratification de chacune des ordonnances prévues par le présent article est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du deuxième mois à compter de la publication de cette ordonnance.
.................................................................................................
M. le président. Je ne suis saisi d'aucun amendement.
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le rapporteur, je souhaite simplement obtenir une précision sur la transparence des comptes rendus des travaux des agences. Pourquoi le parallélisme qui existait entre les articles 26 et 26 bis a-t-il été rompu ? Alors que l'article 26, relatif à l'AFSSAPS, exclut « toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale », l'article 26 bis, relatif à la HAS, exclut les « informations relatives au secret des stratégies commerciales ».
Je ne comprends donc pas pourquoi il est fait référence, dans un cas, à la « confidentialité commerciale », et, dans l'autre, au « secret des stratégies commerciales ». Si je suis prêt à accepter les explications, je voudrais au moins les connaître. Dans le texte adopté par le Sénat, les articles 26 et 26 bis reprenaient sur ce point une rédaction identique, laquelle a disparu à l'issue de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Monsieur Autain, les situations doivent être bien distinguées : l'AFSSAPS se prononce sur la qualité de la molécule du médicament qui est présenté, alors que la Haute autorité de santé se prononce sur la stratégie, notamment sur la fixation du prix du médicament.
Là réside la nuance entre confidentialité commerciale et stratégie commerciale, deux concepts voisins, mais cependant différents.
Cette nuance est importante. L'AFSSAPS a pour rôle de se prononcer non pas sur le prix du médicament, mais sur son action, notamment sur sa valeur thérapeutique. La fixation du prix relève de la commission de transparence de la Haute autorité de santé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Michel Esneu, pour explication de vote.
M. Michel Esneu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament, dont nous achevons l'examen au Parlement, parachève l'harmonisation européenne dans le domaine du médicament et permet un certain nombre d'avancées très attendues.
Tout d'abord, ce projet de loi clarifie la notion de médicament pour tenir compte des évolutions scientifiques récentes. Il modifie le régime juridique des autorisations de mise sur le marché en accroissant les exigences de sécurité sanitaire des médicaments. Il comprend ainsi des mesures visant à faciliter l'accès à certains médicaments innovants et à accélérer la mise sur le marché des médicaments génériques.
Il permet également d'augmenter la sécurité sanitaire en cas de menace grave. En outre, il réglemente la publicité sur les médicaments afin d'éviter les excès en ce domaine.
Enfin, il permet de renforcer l'indépendance de l'expertise et la transparence des travaux menés par les agences sanitaires, en particulier par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Nous nous félicitons, par ailleurs, de l'instauration d'un abattement sur la contribution sur le chiffre d'affaires pour les dépenses de recherche et développement des laboratoires pharmaceutiques éligibles au crédit d'impôt recherche.
S'agissant de l'extinction du dispositif de recyclage des médicaments inutilisés, je pense que vous avez su, monsieur le ministre, rassurer les organisations non gouvernementales qui oeuvrent auprès des populations les plus pauvres et que, par la voie de la négociation, il sera possible de trouver des sources d'approvisionnement alternatives plus adaptées.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire est parvenue à trouver un compromis équilibré sur plusieurs articles qui restaient en discussion.
Nous conservons, ainsi, une durée d'autorisation de mise sur le marché fixée à deux ans pour les médicaments dérivés du sang, comme nous l'avions souhaité en première lecture.
La suppression de l'article 29 relatif aux programmes d'accompagnement des patients financés par les établissements pharmaceutiques est confirmée. Cette mesure réclamait un temps de réflexion supplémentaire, auquel le Sénat se consacrera.
S'agissant de l'usage du titre professionnel de psychothérapeute, la commission mixte paritaire a choisi de préciser les dispositions de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la santé publique, afin de réserver l'usage du titre de psychothérapeute à des professionnels titulaires d'une formation garantissant aux patients la compétence et le sérieux des personnes auxquelles ils se confient. Nous attendons maintenant le décret qui permettra d'appliquer enfin la loi de 2004.
Je souhaite, enfin, remercier notre rapporteur, qui a su éclairer nos débats souvent complexes avec talent, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Michel Esneu. ... ainsi que M. le président de la commission.
Je veux également vous remercier, monsieur le ministre, de la qualité de nos débats et de votre force de conviction, que nous apprécions toujours.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UMP votera ce texte visant à garantir une meilleure sécurité sanitaire dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je souhaite revenir un instant sur la question de la maladie mentale, qui n'est pas éloignée du sujet qui nous est soumis.
M. François Autain. Il va l'énerver !
M. Jean-Pierre Sueur. Je me garderai bien de vous énerver, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans un premier temps, nous avions été en profond désaccord avec vous lorsque vous aviez accepté, ce que nous avions regretté, que les dispositions relatives à la santé mentale soient inscrites dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Nous avions dit, et répété, qu'il était absurde de laisser croire que maladie mentale et délinquance pouvaient être assimilées.
Puis, dans un second temps, vous avez souhaité que ces dispositions figurent dans un autre texte.
Enfin, nous avons appris, hier, que ces dispositions avaient été retirées par le Gouvernement du texte relatif à la prévention de la délinquance.
M. François Autain. Eh oui !
M. Guy Fischer. Enfin !
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite saluer, monsieur le ministre, cette décision. Les propos tenus au Sénat et à l'Assemblée nationale, mais aussi l'action menée par les représentants des psychiatres et des familles des personnes concernées par la maladie mentale, ont dû peser de tout leur poids. Ils ont, en tout cas, été entendus.
Il y a donc eu, monsieur le ministre, certes un peu tardivement, une cohérence entre ce que vous aviez dit lors du dernier débat au Sénat et la décision que vous avez annoncée hier.
Vous me permettrez toutefois de regretter qu'il n'y ait pas, s'agissant du texte dont nous débattons aujourd'hui, la même cohérence entre les propos que vous avez tenus voilà quelques jours au Sénat et la position que vous défendez aujourd'hui.
Le Sénat avait voté, à l'unanimité, contre les amendements portant sur le titre de psychothérapeute, considérant qu'ils n'avaient rien à voir avec le sujet du médicament. Vous-même, monsieur le ministre, aviez dit de manière claire que vous partagiez cette position.
Nous ne pouvons que nous féliciter lorsqu'un élu, un responsable politique ou un ministre montre de la cohérence.
Mais pourquoi ne faites-vous pas preuve aujourd'hui, monsieur le ministre, de la même cohérence ? Il vous aurait suffi de déposer deux amendements tendant à supprimer les articles 28 sexies et 28 septies. Le Sénat, dans la droite ligne de son précédent vote, vous aurait alors suivi, et la cohérence aurait été totale !
Pour les raisons que j'ai déjà exposées, et qui ont été renforcées par d'autres arguments, en particulier ceux exposés par MM. Autain et Fischer, nous ne pourrons pas voter ce texte.
S'agissant de la question du titre de psychothérapeute, nous ne pouvons pas accepter le présupposé scientiste et toutes les conséquences qu'il entraîne. Il s'agit d'un débat que nous devons aborder sur le fond.
Il faut remettre à plat l'ensemble du dossier et établir un dialogue approfondi avec les professionnels. Nous ne devons pas traiter, en même temps, les professionnels de quatre domaines - psychiatrie, psychologie, psychanalyse, psychothérapie relationnelle -, car cela crée des contradictions et fait naître des situations d'inégalité et de graves incohérences. De grandes difficultés juridiques en découlent.
Par ailleurs, cela ne permet ni de résoudre sur le fond les questions posées, ni d'éviter les dérives sectaires que certains craignent à juste titre. Il faut lutter contre les sectes, bien entendu, mais ce sujet doit être considéré dans toute son ampleur, en renforçant, le cas échéant, le dispositif législatif existant.
Nous plaidons sur cette question pour l'établissement d'un nécessaire dialogue, qu'entamera sans doute - du moins nous l'espérons - un prochain gouvernement.
Nous ne pouvons pas accepter que de telles dispositions figurent dans un texte qui ne concerne que le médicament. C'est d'ailleurs totalement contraire à la position exprimée récemment par le Conseil constitutionnel sur ce sujet.
J'informe donc le Sénat que notre groupe saisira le Conseil constitutionnel, afin que soient déclarés anticonstitutionnels, conformément à sa jurisprudence, qui est très claire, les articles 28 sexies et 28 septies du projet de loi.
Pour cette seule et unique raison, notre groupe s'abstiendra sur ce texte, qu'il aurait voté en l'absence de ces deux articles.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous nous associerons à la saisine, par nos collègues socialistes, du Conseil constitutionnel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un coup bas ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous pensons que les articles 28 sexies et 28 septies n'ont rien à faire dans ce texte et nous sommes favorables à leur suppression. Pour la même raison, nous nous abstiendrons lors du vote de ce projet de loi.
M. François Autain. C'est dommage !
M. Guy Fischer. Après le travail considérable que nous avons fourni, nous ne comprenons pas le revirement de la commission des affaires sociales, en commission mixte paritaire, sur les amendements Accoyer.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas un revirement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément, à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s'abstient.
3
cONVENTIONS INTERNATIONALES
Adoption de quatre projets de loi en procédure d'examen simplifiée
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen de quatre projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.
Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
accord de dialogue politique avec la communauté andine
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d'autre part (ensemble une annexe), fait à Rome le 15 décembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d'autre part (nos 72 et 165).
(Le projet de loi est adopté.)
accord de dialogue politique avec les républiques du costa rica, d'el salvador, du guatemala, du honduras, du nicaragua
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part (ensemble une annexe), fait à Rome le 15 décembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part (nos 73 et 166).
(Le projet de loi est adopté.)
protocole à la convention relative à l'organisation hydrographique internationale
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole visant à modifier la convention relative à l'Organisation hydrographique internationale, adopté à Monaco, le 14 avril 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation du protocole visant à modifier la convention relative à l'Organisation hydrographique internationale (nos 71 et 191).
(Le projet de loi est adopté.)
accord de sécurité sociale avec la corée
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée, signé à Paris le 6 décembre 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée (nos 143 et 209).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
5
CANDIDATURE À LA Délégation du sénat pour l'union EUROPéenne
M. le président. L'ordre du jour appelle la désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Le groupe Union pour un Mouvement Populaire m'a fait connaître qu'il proposait la candidature de M. Pierre Bernard-Reymond, en remplacement de M. André Dulait, démissionnaire.
Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
6
Banque de France
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (nos 169, 217).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat a été à l'initiative de la proposition de loi sur la Banque de France qui vous est aujourd'hui soumise en deuxième lecture, après son examen par l'Assemblée nationale le mois dernier.
Nous avons donc de ce fait l'opportunité d'arriver au terme d'un processus entamé ici même, en 2005, à l'occasion de l'examen d'une loi de finances rectificative.
C'est une grande satisfaction que de pouvoir envisager à présent la mise en oeuvre d'un texte de première importance pour notre banque centrale et sa gouvernance.
Dans mon intervention, j'aimerais, d'abord, revenir brièvement sur les principales mesures de ce texte, ensuite, rappeler les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, enfin, évoquer les suites à donner à cette loi.
En premier lieu, je rappellerai donc les principales mesures de ce texte.
L'objectif de cette proposition de loi est de doter la Banque de France d'une gouvernance moderne et d'un cadre adapté à ses missions d'intérêt général.
La modernisation voulue par votre assemblée, et à laquelle le Gouvernement souscrit bien évidemment, commence par la gouvernance. À cet égard, la suppression du Conseil de la politique monétaire, le CPM, répond simplement au nouveau mode de définition de la politique monétaire au sein de l'Eurosystème.
Toutefois, en prenant en main une réforme nécessaire, le Sénat a proposé une perspective claire, à savoir que la suppression du CPM, loin d'être une fin en soi, doit s'inscrire dans une révision globale de ladite gouvernance.
La logique que vous avez retenue, mesdames, messieurs les sénateurs, affirme la prééminence du conseil général comme organe de gestion de la Banque, qui s'ouvre, pour ce faire, à de nouvelles compétences professionnelles.
Le comité monétaire reprend sa place d'organe de réflexion ; il n'est donc plus l'organe central. La Cour des comptes vient d'ailleurs de saluer cette évolution dans son rapport public.
Par ailleurs, le texte adapte le droit du travail applicable aux personnels de la Banque pour tenir compte de son appartenance au Système européen des banques centrales, le SEBC, et tenir compte de la réalité.
L'Assemblée nationale a rétabli les dispositions initialement proposées par votre commission des finances.
Vous vous en souvenez, le Gouvernement avait souhaité que le temps nécessaire pour la concertation soit pris. Or je me félicite de constater que ce temps du dialogue a permis la conclusion d'un accord entre les responsables de la Banque et l'ensemble des sept organisations syndicales. Les personnels représentés ont ainsi marqué leur adhésion aux mesures que vous aviez proposées, monsieur le président de la commission des finances.
Le Gouvernement a donc approuvé le rétablissement de l'article 5 dans sa version initiale, la consultation ayant maintenant eu lieu.
L'adoption de ces dispositions ouvre sur un nouveau processus de dialogue, afin de déterminer les modalités de leur mise en oeuvre. Nous veillerons à ce que la préparation de ces textes se déroule conformément aux engagements de concertation étroite qui ont été pris à l'Assemblée nationale, et que je rappelle ici.
Enfin, le Gouvernement soutient l'adoption des mesures tendant à moderniser les missions de la Banque de France. Je mentionnerai, sans m'y appesantir, le transfert de la balance des paiements dans les missions fondamentales de la Banque. Comme vous le savez, le Gouvernement souhaite que cette démarche de modernisation se poursuive dans d'autres domaines, tant il est vrai que nous avons tous intérêt à voir l'efficacité de la Banque renforcée dans l'exercice de toutes ses missions.
Je relèverai également les évolutions intervenues en matière de supervision bancaire. L'amendement du Gouvernement que votre assemblée a bien voulu voter en octobre dernier habilite celui-ci à transposer par ordonnance les mesures législatives nécessaires à la mise en oeuvre des deux directives dites de « Bâle II ».
Ces deux directives modernisent très profondément les méthodes de surveillance prudentielle des établissements de crédit en Europe. Il s'agit, en particulier, des exigences de fonds propres, de leur évaluation et de leur contrôle.
Nous souhaitons ainsi améliorer la sécurité et la compétitivité dans le secteur bancaire et financier, en d'autres termes assurer un meilleur financement de l'économie tout simplement.
En second lieu, j'évoquerai les mesures d'amélioration de notre réglementation financière introduites à l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement. Ces dispositions portent sur la directive relative aux marchés d'instruments financiers ainsi que sur la modernisation du crédit hypothécaire.
Les textes de transposition de la directive concernant les marchés d'instruments financiers devaient, en principe, être adoptés dès le 31 janvier 2007 en vue de leur entrée en vigueur le 1er novembre. Toutefois, la négociation communautaire des mesures d'application n'a abouti qu'en août 2006, c'est-à-dire bien tard, et les dernières dispositions ont été publiées en septembre dernier. C'est pourquoi la mise au point d'un dispositif complet, comprenant une ordonnance, ses décrets d'application et une revue très significative du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, est toujours en cours.
La consultation du plus grand nombre d'acteurs de place concernés par cette réforme est déjà très avancée et se poursuit. Il vous est proposé de définir le délai d'habilitation pour tenir compte de ce contexte de travaux et de négociations en cours. À cet égard, il conviendra de mobiliser, dans les prochaines semaines, tous les efforts afin de permettre aux acteurs de la place de Paris de se préparer au mieux au nouvel environnement issu de cette directive.
Par ailleurs, le nouvel article 9 de la proposition de loi doit permettre de ratifier et de compléter l'ordonnance sur les sûretés du 23 mars 2006, dont vous aviez approuvé le principe par l'habilitation adoptée dans la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie du 28 juillet 2005.
Cette ordonnance a permis d'introduire sur le marché français deux nouveaux produits de crédit : l'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire.
Tous les textes d'application nécessaires à leur mise en oeuvre ont d'ores et déjà été publiés. La ratification de l'ordonnance constitue donc la dernière étape à franchir pour cette importante réforme qui doit donner aux Français les moyens de financer leurs projets dans de meilleures conditions de coût.
Les ménages qui le souhaitent pourront désormais mobiliser leur patrimoine immobilier pour faciliter le financement de leurs projets d'investissement et de consommation ; plusieurs établissements bancaires proposent déjà certains de ces nouveaux crédits.
Enfin, en dernier lieu, je voudrais succinctement rappeler les étapes qui nous attendent après le vote de cette proposition de loi par le Sénat.
Dès que vous aurez approuvé ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement engagera les démarches réglementaires nécessaires à son application ; je n'en citerai que les principales.
Un décret fixera les modalités de fonctionnement du conseil général.
Par ailleurs, un décret en Conseil d'État garantira le nouveau régime de financement des dépenses sociales de la Banque centrale. Il sera établi en liaison avec la Banque de France et dans le contexte des nouvelles concertations sociales engagées cette année et qui se poursuivent actuellement.
Enfin, il sera possible de procéder à la désignation des personnalités compétentes qui viendront composer le nouveau conseil général.
Bien entendu, les deux membres actuels nommés au CPM, à l'instar du représentant du personnel au conseil général, demeureront en place jusqu'à échéance de leur mandat.
En conclusion, je dois dire une nouvelle fois que le Gouvernement remercie le Sénat de son initiative qui nous conduit au vote d'aujourd'hui.
Cette proposition de loi constitue un texte de rationalisation des dépenses publiques, exemplaire à bien des égards, et d'amélioration de missions effectuées dans l'intérêt général.
Je vous remercie donc de l'avoir promue et d'avoir finalement rendu possible cette réforme déterminante par sa portée et son exemplarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés très vraisemblablement au dernier texte de cette législature examiné par la commission des finances. Nous avons le plaisir d'en débattre avec vous, madame la ministre, mais nous nous félicitons surtout qu'il s'agisse d'une proposition de loi dont le premier signataire était M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Qu'il me suffise de rappeler après vous, madame la ministre, que cette proposition de loi était en fait l'aboutissement d'un assez long processus et que, précédemment, un contenu voisin avait fait l'objet d'un amendement que nous avions été en devoir de retirer.
Cette proposition de loi, en ce qui la concerne, est venue en discussion devant le Sénat le 17 octobre 2006 dans le cadre de l'ordre du jour réservé. Elle a été adoptée dans le texte proposé par la commission à une modification près, intervenue à l'article 5, sur proposition du Gouvernement, par le biais d'un amendement.
Il me paraît inutile de rappeler qu'il s'agit, d'une part, de la suppression du Conseil de la politique monétaire et de passer à des modalités plus modernes de gouvernance de la Banque de France, et, d'autre part, de l'adaptation du droit applicable à celle-ci pour tenir compte de son appartenance au système européen de banques centrales, le SEBC.
Le droit communautaire est très présent dans cette proposition de loi par les adaptations auxquelles je viens de faire allusion et qui sont issues non seulement des institutions de la zone euro mais également des autorisations données au Gouvernement de transposer par ordonnance les deux directives dites de « Bâle II ». Ces directives devaient d'ailleurs être transposées avant le 31 décembre 2006 ; à peu de chose près, le délai est donc respecté.
Quelles ont été les modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte que le Sénat avait adopté le 17 octobre dernier ?
Il y a d'abord le retour au texte initial de l'article 5 de notre proposition de loi, ce qui ne peut que susciter l'accord le plus complet de la commission des finances. À l'origine de cette modification se trouve l'accord que le gouverneur de la Banque de France est parvenu à conclure, au terme de négociations très approfondies avec les organisations représentatives du personnel, et qui porte, entre autres, sur le devenir du régime de retraite des agents de cette institution.
Hier, nous avons auditionné M. Christian Noyer et fait le point sur ce sujet : la Banque de France se conformera progressivement aux obligations comptables qui lui incombent compte tenu des engagements pris de longue date à l'égard de son personnel pour la mise en oeuvre de ce régime de retraite.
Par ailleurs, il convient de le rappeler, la rédaction initiale préconisée par la commission pour l'article 5 visait à confirmer que le code du travail s'appliquait toujours à la Banque de France, exception faite des dispositions propres aux entreprises en situation de risque économique, car nous savons bien que la Banque de France, pour toutes sortes de raisons, n'entre pas dans cette catégorie.
De même, nous avions souhaité que, dans le respect des règles internes qui prévalent à la Banque de France et qui résultent de la négociation avec les partenaires sociaux, le financement des activités sociales et culturelles échappe à la règle dite du « cliquet social », qui ne nous semblait plus appropriée en raison de la baisse tendancielle des effectifs de la Banque de France.
En effet, il n'est plus possible d'agir comme si cette institution demeurait dans un splendide isolement et avait conservé toutes ses fonctions et prérogatives antérieures au traité de Maastricht.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a introduit deux nouveaux articles : tout d'abord, un article 8, qui a pour objet de prolonger de huit mois, c'est-à-dire jusqu'au 1er novembre 2007, l'habilitation à transposer par ordonnance la directive du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers, dite directive « MIF » ; ensuite, un article 9, qui tend non pas à habiliter, mais à ratifier l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, en ajoutant quelques modifications techniques qui emportent tout à fait notre adhésion.
Mes chers collègues, il convient de souligner la portée de ces dispositions, qui introduisent l'hypothèque rechargeable. En effet, ce nouvel outil de gestion de l'endettement et du patrimoine accordera une souplesse supplémentaire aux particuliers et permettra une véritable modernisation de notre système financier, puisque celui-ci sera mis en concurrence. Il constituera également un progrès social, notamment pour les personnes qui ont besoin d'acquérir des biens immobiliers.
Au détour de ce texte consacré principalement à la Banque de France, nous introduisons donc une disposition de droit financier qui concernera de nombreux emprunteurs et sera sans doute de nature à assurer une plus grande fluidité du marché de l'immobilier.
Pour conclure, je formulerai quelques observations sur les conditions de transposition de la directive « Marchés d'instruments financiers ». La prolongation du délai de transposition jusqu'au 1er novembre est prudente, mais j'espère, madame la ministre, qu'il sera possible d'aller plus vite.
Je sais bien que d'autres projets doivent être menés dans le même temps, mais pendant que les politiques participent au grand débat national de cette année, les services peuvent travailler ! La commission des finances souhaiterait que tous les efforts nécessaires soient engagés afin que la publication de cette ordonnance intervienne avant le 1er novembre 2007, ce qui devrait être possible.
Sur le fond, je regrette le cadre d'habilitation que nous avions voté et qui a été allégé par l'Assemblée nationale - celle-ci s'inspirant, me semble-t-il, des observations du Conseil d'État. Il me paraissait plus clair et plus complet que celui que nous voterons sans doute cet après-midi. J'y reviendrai lors de la discussion des articles ; toutefois, mes chers collègues, je rappelle qu'il s'agit de la question des plates-formes de négociation qui sont organisées au sein des grands établissements financiers sur le marché mondial et qui, de ce fait, échappent aux règles s'appliquant aux marchés réglementés, c'est-à-dire aux bourses, selon l'appellation toujours usuelle.
Lorsque nous avons examiné cette loi d'habilitation en octobre 2006, nous avons souhaité que des conditions bien précises de transparence pré et post-négociation soient définies et que des orientations de nature à assurer la meilleure exécution des ordres puissent guider la transposition de la directive communautaire. Madame la ministre, nous demeurons très attentifs à ce problème technique, sur lequel je conclurai mon intervention.
Mes chers collègues, je précise, si c'était nécessaire, que la commission des finances préconise le vote sans aucune modification de cette proposition de loi, qui me semble constituer une avancée réelle à la fois pour la Banque de France, pour notre système financier et pour la législation à laquelle nous aurons pu collaborer au cours de la législature qui s'achève. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis en deuxième lecture pose une question essentielle : devons-nous légiférer sur un thème de cette nature alors même que les évolutions politiques futures peuvent frapper d'obsolescence l'objet de notre débat ?
Le titre de cette proposition de loi pourrait sembler séduisant. On pourrait penser en effet que celle-ci devrait porter sur le devenir de notre banque centrale nationale, soit une question éminemment politique, cette institution pouvant contribuer à la mise en oeuvre des orientations politiques validées par le suffrage universel.
En fait, les apparences sont trompeuses !
L'examen en première lecture de cette proposition de loi, ici même, au mois d'octobre 2006, comme le débat mené, à la va-vite, à l'Assemblée nationale, le 17 janvier dernier, l'ont montré : ce n'est pas d'une réflexion sur le rôle de la banque centrale dans la vie économique et sociale du pays qu'il s'agit, mais seulement, hélas, d'une attaque en règle contre les droits de ses salariés.
Les motivations profondes de la proposition de loi de M. Arthuis sont, d'une part, l'esprit de revanche à l'encontre des salariés qui, non contents d'assumer des missions de service public, se piquent aussi de formuler quelques propositions sur le sens de la vie économique du pays, en commençant par leur propre entreprise et, d'autre part, la volonté de mettre en cause des fondements du dialogue social, la situation de la Banque de France présentant, dès lors, un caractère exemplaire.
Pour nourrir ce procès mené contre le droit du travail à la Banque de France, vous avez orchestré une campagne de presse sur la base d'informations mensongères.
Ainsi, les salariés de notre banque centrale jouiraient d'avantages sociaux inconsidérés, matérialisés par le niveau trop élevé des prestations fournies par le comité central d'entreprise pendant leur période d'activité et, au terme de celle-ci, par leur régime de retraite particulier.
Comme nous l'avons rappelé lors de la première lecture de cette proposition de loi, le comité central d'entreprise, par exemple, prend en charge les seules prestations accidents du travail-maladies professionnelles, les autres versements étant assurés par la branche du régime général. Il ne s'agit donc en rien d'un avantage spécifique aux personnels de la Banque de France.
Dans votre esprit, messieurs, le statut de ces salariés constituerait une sorte de luxe que nous ne saurions tolérer plus longtemps, une anomalie qu'il conviendrait de corriger.
Malheureusement, la même vertueuse indignation n'a pas cours dès qu'il s'agit des golden parachutes et autres avantages consentis aux cadres dirigeants d'entreprises, dont la presse s'est pourtant également fait l'écho ces dernières années !
Selon vous, les avantages sociaux ne sont pas normaux quand ce sont les salariés qui en profitent, mais les bonus fiscaux et l'argent public généreusement dépensé pour les détenteurs de capitaux et de patrimoine sont toujours bons pour l'économie !
Nous le savons, le régime de retraite des agents de la Banque de France se trouve dans l'oeil du cyclone, et il s'agirait de mettre en question - sinon de mettre en cause - une partie de son contenu.
Notre collègue député M. de Courson, orateur du groupe UDF, indiquait le 17 janvier dernier à l'Assemblée nationale : « La famille UDF a une position très claire sur les régimes spéciaux : nous sommes pour la mise en extinction des régimes spéciaux - ceux qui y sont y restent leur vie durant, mais les nouveaux entrants sont au régime général [...] ». Et il ajoutait en conclusion : « Néanmoins, madame la ministre, nous souhaiterions être éclairés sur le point essentiel de la réforme du régime de protection sociale des agents de la Banque de France, réforme qui, je le répète, indique la voie à suivre pour résoudre le problème de l'ensemble des régimes spéciaux en France. »
La modification du régime de la Banque de France serait ainsi une sorte de « poisson pilote » de cet alignement des régimes spéciaux, qui, comme chacun s'en doute, sera réalisé par le recul de l'âge du départ à la retraite des agents concernés et par une dégradation du niveau des pensions servies au titre de la garantie collective solidaire.
La suppression éventuelle de la qualité des régimes spéciaux permettra-t-elle d'assurer le versement de retraites plus élevées qu'aujourd'hui aux ressortissants du régime général ? Les quelques centaines de millions grappillés de-ci de-là sur les régimes spéciaux auront-ils la moindre traduction concrète pour l'ensemble des autres retraités ? À l'évidence, non !
Votre obsession à combattre les régimes de retraite dits « spéciaux » ne vise aucunement à améliorer les garanties collectives servies à tous, mais plutôt à créer un appel d'air, un vide, afin que l'ensemble des salariés de ce pays, qu'ils participent par leur travail au financement du régime général ou des régimes spéciaux, se trouvent contraints, demain, de cotiser de manière individuelle aux fonds de pension les plus divers qui ne manquent pas d'émerger depuis l'adoption de la réforme des retraites en 2003 - ce qui revient d'ailleurs à les obliger à financer leurs retraites à hauteur de leur capacité contributive et donc à cristalliser durablement, y compris au terme de la vie professionnelle, les inégalités de revenu !
Au-delà de cet aspect du texte qui nous est soumis, monsieur le président, mes chers collègues, vous me permettrez de faire également quelques observations sur le rôle de notre banque centrale, car nous avons quelques idées à ce sujet.
La véritable réforme de la Banque de France, que nous attendons toujours, c'est celle qui mettrait en question, à la lumière de l'expérience acquise depuis lors, la réforme de 1993, qui a limité le rôle de cette institution, comme celui des autres banques centrales européennes regroupées dans le système européen de banques centrales, à « définir et mettre en oeuvre la politique monétaire dans le but d'assurer la stabilité des prix ».
En effet, la Banque de France joue un rôle particulier dans l'aménagement du territoire, dans le suivi de l'endettement des entreprises comme des ménages, dans l'étude de la qualité de la circulation monétaire, dans la connaissance du tissu économique et la transmission d'une information de qualité aux agents économiques, dont elle éclaire les choix. Nous tenons à ce service public !
En tant que parlementaires dépositaires de la souveraineté nationale, nous avons vocation à user de l'activité et des missions de la Banque de France, afin de décider en toute connaissance de cause des orientations de la politique économique, de la politique industrielle - qui constitue, d'ailleurs, le parent pauvre de cette législature, puisque 300 000 emplois ont été supprimés dans ces secteurs - et donc de nos choix budgétaires.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons naturellement qu'inviter le Sénat à rejeter, sans la moindre ambiguïté, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. le rapporteur l'a confirmé, le Gouvernement et sa majorité parlementaire souhaitent un vote conforme sur ce texte, que nous examinons en deuxième lecture.
Je me contenterai donc, à ce stade quasiment ultime de la discussion de la proposition de loi, fort opportunément inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier, de reprendre le débat au moment où nous l'avions laissé au Sénat, au mois d'octobre 2006.
Le groupe socialiste n'avait pas émis d'objection de principe sur l'adaptation de la gouvernance de la Banque de France et sur la création du comité monétaire. En revanche, il s'était opposé à l'introduction de dispositions consistant à modifier les droits des représentants du personnel et de leurs instances, ainsi que le mode de calcul du montant des oeuvres sociales qu'ils gèrent. Avec sagesse, le Gouvernement avait demandé leur retrait dans l'attente d'une négociation avec les partenaires sociaux.
Que s'est-il passé depuis l'examen de cette proposition de loi en première lecture ?
Le 21 novembre dernier, un protocole d'accord relatif à l'amélioration de l'efficacité du dialogue social et à l'évolution de la politique sociale de la Banque de France a été signé entre le gouverneur et six organisations syndicales sur sept.
Le rapporteur général de l'Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, s'est autorisé à réintroduire par amendement les dispositions de l'article 5 qui avaient été supprimées par le Sénat à la demande du Gouvernement. Pour justifier cette initiative, il s'était appuyé sur le « bon déroulement de la négociation », qui revenait, selon lui, à considérer qu'elle avait abouti.
Or c'est aller très vite - trop vite ! - en besogne. En effet, le protocole d'accord, que j'ai lu attentivement, fixe une méthode de négociation, précise les points qui peuvent en faire l'objet et établit un calendrier. Il y est explicitement mentionné que « les négociations s'engageront début 2007 » - nous y sommes - et qu'un « premier constat sera établi de manière commune en juin 2007, suivi de points de rendez-vous réguliers tous les six mois faisant l'objet de rapports d'étapes ». Le relevé de conclusions consignera les évolutions à mettre en oeuvre, admises de part et d'autre.
Dès lors, l'argumentation que nous avions développée en première lecture n'a rien perdu de sa force : la négociation d'abord, la négociation jusqu'au bout, la loi ensuite, si besoin est. En conséquence, nous maintenons aujourd'hui l'attitude que nous avions adoptée au mois d'octobre dernier.
Ce n'est pas ici le lieu de détailler le protocole signé, mais ses termes savamment pesés font preuve du haut degré de responsabilité des organisations signataires. Il en va de même de leur attitude face au délicat sujet de la retraite. Je veux le souligner ici, car le contraste est frappant entre l'attitude des personnels et de leurs représentants et la très malsaine campagne de presse dont ils ont fait l'objet en automne dernier.
Pourquoi cette campagne de presse a-t-elle été malsaine et pourquoi le procédé n'est-il pas bienveillant ?
Tout d'abord, il n'est jamais bon de mettre au pilori une catégorie de travailleurs en cherchant à opposer leur statut à tous ceux - et ils sont trop nombreux - qui n'en ont pas, surtout à une période où les emplois précaires sont source d'insécurité grandissante et placent dans une grande fragilité des millions de salariés qui veulent travailler et qui n'ont pas d'autre choix que d'accepter le contrat qu'on leur propose.
Ensuite, c'est oublier les efforts qui ont été accomplis par les personnels de la Banque de France. Faut-il rappeler la réorganisation du réseau, la mobilité de 20 % des agents, la suppression de 2 500 emplois, qui ont permis des gains de productivité substantiels ? J'estime que le personnel a joué un rôle dans la bonne santé financière de la Banque de France, laquelle a versé en 2006 - le gouverneur de la Banque l'a rappelé hier en commission des finances - 950 millions d'euros de dividendes à l'État.
C'est bien mal traiter le personnel que d'en faire - facilement, du reste - un bouc émissaire. Il a montré qu'il était soucieux d'apporter sa contribution pour que la Banque de France ne soit pas taxée d'immobilisme : il a bougé.
Enfin, ce texte nous revient de l'Assemblée nationale enrichi de deux nouveaux articles. L'article 8 autorise le Gouvernement à transposer les directives dites « Bâle II » avant le 1er novembre 2007 ; l'article 9 ratifie l'ordonnance sur les sûretés, qui porte notamment sur le crédit hypothécaire rechargeable pour les particuliers.
Il n'est pas bon d'avoir recours de manière systématique à l'ordonnance, surtout quand il s'agit de normes prudentielles auxquelles devront souscrire les établissements bancaires, sans que la représentation nationale ait pu en évaluer l'impact sur la vie des entreprises et sur l'activité économique.
On nous a fait valoir que les préventions concernant notamment les conséquences sur l'évaluation du risque dans l'octroi des prêts aux petites et moyennes entreprises, les PME, ont pu être levées en fin de négociation des directives au motif que la segmentation du risque en fonction de la taille de l'entreprise permettait une approche plus fine, donc une meilleure attribution de crédit aux PME et aux très petites entreprises, les TPE. Il s'agit là d'un argument a priori que seuls les faits confirmeront ou infirmeront, surtout quand, dans le même temps, les banques font valoir les économies qu'elles pourraient réaliser sur leurs fonds propres avec les nouvelles normes de ratio.
Compte tenu du peu d'allant de notre système bancaire pour soutenir la croissance des PME, alors que l'on sait que le passage du statut de TPE à celui de PME constitue le maillon faible de notre tissu industriel, je reste sceptique sur ce qui nous est proposé.
S'agissant de la ratification demandée, qui porte notamment sur le crédit hypothécaire rechargeable pour les particuliers, le groupe socialiste a déjà exprimé son désaccord sur l'introduction de cette modalité dans notre droit au moment de la discussion sur la loi Dutreil. Nous persistons, car nous avions mis en garde sur les risques de surendettement. À examiner les derniers chiffres du surendettement, nos craintes apparaissent fondées et sont appelées à se vérifier.
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas un élément de souplesse ou de modernisation du crédit dans notre pays.
Les évolutions de notre système bancaire, dont la Banque de France est garante, méritaient mieux qu'un débat rapide, limité et, pour partie, inopportun. Le groupe socialiste du Sénat confirmera donc le vote qu'il a émis au mois d'octobre dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais me réjouir de l'aboutissement de la procédure parlementaire qui nous permettra de tirer les conséquences du passage à l'euro en supprimant le Conseil de la politique monétaire.
Nous aurions pu régler cette question plus tôt, mais l'essentiel est d'y parvenir avant la fin de la législature. Je souhaite, madame la ministre, vous remercier, car le Gouvernement a tenu ses engagements. Lorsque, le 17 octobre dernier, le Sénat s'est saisi de ce texte en s'appuyant sur le rapport de Philippe Marini, j'avoue avoir éprouvé une certaine irritation en constatant que le Gouvernement avait déposé un amendement tendant à supprimer l'article 5, alors que ce dernier tirait les conséquences d'un récent rapport de la Cour des comptes et avait pour objet de lever une ambiguïté.
Il s'agissait non pas de porter atteinte aux prérogatives du personnel...
Mme Marie-France Beaufils. Ah bon ?
M. Jean Arthuis.... mais de dissiper une équivoque qui faisait que des agents, dont le statut relève très largement de celui de la fonction publique, pouvaient se prévaloir de dispositions relevant du droit du travail dans la sphère marchande.
C'est parce que le dialogue n'avait pas eu lieu que l'amendement avait été déposé. Il a maintenant pu se dérouler dans des conditions satisfaisantes.
Mme Marie-France Beaufils. Il est engagé !
M. Jean Arthuis. Vous l'avez rappelé, madame Bricq, la commission des finances a procédé hier à l'audition du gouverneur de la Banque de France et l'a interrogé sur ce point particulier. Il a confirmé que la consultation avait été menée, qu'elle avait été intense, rapide, riche, et que le contrat social n'était pas remis en cause. Je le répète, les ambiguïtés ont été levées.
Il ne s'agit pas de réduire drastiquement et aveuglément un certain nombre de primes ou d'avantages alloués au titre de l'action sociale. Grâce au vote qui, je l'espère, sanctionnera notre discussion, les partenaires sauront à quoi s'en tenir et pourront revenir sur des dispositions qui n'avaient plus d'objet.
Qu'est-ce qui justifie l'exercice du droit d'alerte par le comité d'entreprise, c'est-à-dire le fait de demander à la Banque de France d'engager des crédits pour qu'un cabinet extérieur vérifie que celle-ci n'est pas à la veille d'un dépôt de bilan ? Convenons qu'il s'agissait d'une dérive, source d'une dépense tout à fait inutile !
Vous avez également rappelé, madame Bricq, que les effectifs ont été réduits. Il faut rendre hommage à tous les agents de la Banque de France, qui ont accepté de mettre en mouvement l'institution pour la rendre plus compétitive. Fallait-il pour autant conserver les avantages consentis au titre du comité central d'entreprise et de quelques autres oeuvres sociales, dont les crédits correspondant à peu près à 13 % de la masse salariale - c'est un record absolu ! - restaient sans aucun équivalent ? Il ne me semble pas qu'il soit en la matière porté atteinte à un principe fondamental d'équité.
Le dialogue ayant eu lieu, nos collègues députés ont pu, dès le 17 janvier dernier, rétablir l'article 5 et adopter le dispositif. J'espère que le Sénat confirmera ce vote.
S'agissant des directives « Bâle II », nous comprenons bien qu'il faille des normes prudentielles. Pour autant, au moment où l'économie française est à la recherche de crédits pour financer l'économie productive, il serait fâcheux que des excès de précaution contraignent les détenteurs d'épargne - je pense aux compagnies d'assurance, qui proposent notamment des contrats d'assurance vie - à investir l'essentiel de leurs capitaux dans des obligations d'État pour financer le déficit public. Cela les empêcherait d'investir dans le capital des entreprises, notamment des PME, et laisserait cette souscription à des liquidités mondiales, qui investiront en dehors des principes édictés par les directives « Bâle II ». Il faut que, sur ce point précis, le Gouvernement se montre particulièrement vigilant.
En ce qui concerne la réforme des retraites des agents de la Banque de France, madame Beaufils, le Gouverneur a indiqué hier que, s'il devait se soumettre aux nouvelles normes de présentation des comptes, il devrait constater une dette de retraite de quelque 6 800 000 d'euros, laquelle n'apparaît pas aujourd'hui au passif du bilan de la Banque de France. La situation nette de la Banque de France serait alors négative. C'est dire combien il était nécessaire d'amorcer un processus de réforme.
Le dialogue a permis d'aboutir. Il convient de saluer cette négociation qui, pour l'essentiel, préservera les droits des agents et anciens agents de la Banque de France.
Enfin, je remercie Mme Beaufils et son groupe d'avoir retiré leur motion tendant à opposer la question préalable, ce qui va nous faire gagner un peu de temps. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Je veux indiquer à M. Arthuis que le Gouvernement a porté une attention particulière à l'impact de « Bâle II » sur le financement des PME, sachant que ce dernier est une condition nécessaire et indispensable à la croissance de ces entreprises.
Selon plusieurs études récentes, le nouvel accord de « Bâle II » ne pénalisera pas le crédit aux PME et l'on peut même considérer qu'il l'améliorera. En effet, les modélisations effectuées à portefeuille de prêt inchangé montrent que les exigences de capital réglementaire des banques couvrant le risque PME devraient, en moyenne, baisser significativement, quelle que soit la méthode retenue.
La forte croissance des crédits aux PME observée actuellement, alors même que les banques françaises ont déjà pris en compte le nouveau régime prudentiel, confirme que ce dernier ne sera pas défavorable au financement des PME.
J'ajoute que le Gouvernement est très attentif aux financements massifs évoqués par le rapporteur, financements qui se promènent actuellement et sont mobilisables en dehors de la réglementation des places boursières.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 5
L'article L. 142-9 du code monétaire et financier est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée.
« Les troisième à huitième alinéas de l'article L. 432-1 du code du travail et les articles L. 432-5 et L. 432-9 du même code ne sont pas applicables à la Banque de France.
« Les dispositions du chapitre II du titre III du livre IV du même code autres que celles énumérées à l'alinéa précédent sont applicables à la Banque de France uniquement pour les missions et autres activités qui, en application de l'article L. 142-2 du présent code, relèvent de la compétence du conseil général.
« Le comité d'entreprise et, le cas échéant, les comités d'établissement de la Banque de France ne peuvent faire appel à l'expert visé au premier alinéa de l'article L. 434-6 du code du travail que lorsque la procédure prévue à l'article L. 321-3 du même code est mise en oeuvre.
« Les conditions dans lesquelles s'applique à la Banque de France l'article L. 432-8 du même code sont fixées par un décret en Conseil d'État. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article 5, sur lequel nous en étions restés malgré les avis divergents du rapporteur, M. Marini, et du président de la commission des finances, M. Arthuis, a été modifié par l'Assemblée nationale, qui a choisi d'en revenir aux termes du texte initial de la proposition de loi.
Une telle orientation, que notre rapporteur nous invite à valider puisqu'il recommande l'adoption conforme du texte, est parfaitement contraire à ce qui a été entrepris depuis, notamment après l'adoption du projet de loi de modernisation du dialogue social.
C'est dans cet esprit que, avant même l'adoption de ce texte, la négociation collective s'était mise en oeuvre, dans le cadre de la Banque de France, entre la direction - c'est-à-dire le gouverneur, M. Noyer - et les organisations syndicales.
Cette situation a d'ailleurs abouti à l'adoption d'un protocole d'accord qui comprend un certain nombre d'axes de réflexion, de pistes de travail, et prévoit une mise en oeuvre concertée et régulée entre les parties.
Or il s'avère que cet article 5 conduit concrètement à faire valoir, par la loi, la seule position de la partie « patronale » en tirant les conclusions de la négociation avant même qu'elle n'ait produit ses effets !
En effet, les champs couverts par l'article 5 ne correspondent à rien d'autre qu'à la conclusion anticipée des « pistes de réflexion » ouvertes par le protocole d'accord du 21 novembre dernier.
Alors que les parties se sont mises d'accord pour se donner rendez-vous en juin prochain, nous serions, nous, au détour de la présente proposition de loi, en situation de leur dicter le contenu des conclusions de ce rendez-vous !
Considérons, par exemple, la question du rôle du comité d'entreprise, de ses fonctions et de ses moyens puisque la presse s'est abondamment répandue sur ce thème, en mélangeant d'ailleurs sans complexe torchons et serviettes.
Comme nous l'avons dit, le comité central d'entreprise met en oeuvre, à la Banque de France, des missions qui, ailleurs, ne sont pas du tout du ressort des instances représentatives du personnel.
Si le CCE de la Banque de France gère, par exemple, la question des accidents du travail, c'est pour la seule raison que cette mission toute particulière lui a été confiée.
Au demeurant, le protocole d'accord stipule expressément ce qui suit : « À cette occasion, les organisations syndicales ont réaffirmé leur attachement à l'application du code du travail et ont acté l'affirmation solennelle selon laquelle toutes les prérogatives et compétences des vingt-sept comités d'établissement et du comité central d'entreprise demeurent. »
Le protocole d'accord poursuit en ces termes : « Par ailleurs, la Banque et les organisations syndicales manifestent la ferme volonté que le législateur reconnaisse au travers du décret le pouvoir déterminant de la négociation s'agissant de la gestion des activités sociales et culturelles. »
Avec l'article 5, nous sommes donc clairement en présence d'un texte qui ne respecte pas la parole donnée, à l'automne dernier, par le Gouvernement lui-même et qui fait du protocole d'accord signé entre les parties concernées un véritable chiffon de papier.
Mes chers collègues, laissons faire la négociation sociale et rejetons cet article tel qu'il nous est proposé !
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Que M. Vera veuille bien me le pardonner, mais je ne m'étendrai pas davantage, puisque nous avons déjà échangé nos arguments au cours de la discussion générale.
À l'évidence, la commission n'est pas convaincue par les propos qu'il vient de tenir et elle continue à préconiser le vote de l'article 5 dans la version qui était précisément celle de la proposition de loi, adoptée par la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je suis surprise de la lecture qui a été faite par nos différents collègues du protocole d'accord tel que nous l'avons en main.
Loin d'être un relevé de décisions résultant de la discussion entre le gouverneur et les organisations syndicales, ce protocole constitue un engagement afin de se donner un programme de travail de négociations.
Or, avec l'article 5, nous sommes appelés à décider aujourd'hui ce qui doit être fait, avant même que les négociations n'aient abouti.
C'est un procédé assez curieux au regard du débat sur la qualité du dialogue social, qui fait l'objet par ailleurs de multiples déclarations en ce début de campagne électorale !
S'agissant du droit d'alerte, sur lequel s'interrogeait M. Arthuis tout à l'heure, je souligne qu'il a tout son intérêt, comme on l'a vu lors de la restructuration des unités implantées dans nos régions. En effet, s'il n'y avait pas eu le droit d'alerte des salariés de la Banque de France, nous aurions rencontré un certain nombre de difficultés pour intervenir dans de bonnes conditions.
Quant à l'argument relatif au poids représenté par l'ensemble des charges des retraites, il me semble que l'on ne peut pas faire supporter aux salariés de la Banque de France les conséquences des 6,8 milliards d'euros évoqués par M. Arthuis tout à l'heure, car ce besoin de financement ne relève pas de leur responsabilité. L'hypothèse qui a été présentée par le gouverneur de la Banque de France d'étaler dans le temps cette couverture de financement me paraît tout à fait correcte et envisageable.
Comme le disait Nicole Bricq tout à l'heure, la somme reversée par la Banque de France montre l'importance de l'effort accompli par les salariés pour permettre à la banque d'obtenir de tels résultats.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame Beaufils, permettez-moi de vous apporter deux précisions.
Tout d'abord, l'article 5 a été précédé d'un échange entre le gouverneur de la Banque et les représentants des salariés. Le vote de cet article va rendre la négociation possible.
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas l'article 5 qui la permet !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hier, aucune négociation n'était possible, car l'on s'arc-boutait sur des références au droit du travail applicables à la sphère marchande. Tout cela était ambigu.
Ensuite, s'agissant du droit d'alerte, je vous ferai observer que les cabinets mandatés par le comité central d'entreprise auraient peut-être pu faire observer qu'il convenait de s'interroger sur la sincérité des comptes de la Banque de France, laquelle ne provisionnait pas les dettes de retraite. À ma connaissance, ces cabinets, qui demandaient pourtant des honoraires substantiels à la Banque, n'ont jamais fait de telles observations pour dénoncer le caractère approximatif du bilan.
Il ne vous a pas échappé non plus que la négociation permettra de réduire de 6,8 milliards d'euros à un peu plus de 6 milliards d'euros le montant de cette dette, laquelle apparaîtra progressivement, au fil des années, au passif de la Banque.
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas en supprimant le droit d'alerte qu'on fera avancer les choses.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 8
I. - Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Les articles L. 421-12 et L. 421-13 sont abrogés ;
2° Le 3° du VII de l'article L. 621-7 est abrogé.
II. - Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour transposer la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers, modifiée par la directive 2006/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, ainsi que la directive 2006/73/CE de la Commission, du 10 août 2006, portant mesures d'exécution de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d'exercice applicables aux entreprises d'investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive, et notamment les mesures tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés financiers.
Le Gouvernement est autorisé, dans les mêmes conditions, à étendre en tant que de besoin et à adapter à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, les dispositions de l'ordonnance susmentionnée.
Cette ordonnance est prise dans un délai de huit mois à compter de la publication de la présente loi et au plus tard le 1er novembre 2007. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
III. - Le I est applicable à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance mentionnée au II.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, sur l'article.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'article 8 prolonge l'habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive communautaire du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, dite « directive MIF ».
Les nombreuses mesures législatives et réglementaires que requiert cette transposition n'étant pas tout à fait prêtes, le Gouvernement nous propose d'étendre l'habilitation au 1er novembre 2007. En revanche, la directive MIF fixe la date butoir de transposition au 31 janvier 2007.
J'ai déjà eu l'occasion, madame la ministre, au cours de la discussion générale, de souhaiter que toute diligence soit faite afin que l'ordonnance puisse intervenir avant la date limite.
Je veux rappeler - et c'est le point principal de mon intervention - que la directive MIF comporte des innovations majeures pour l'architecture des marchés financiers et l'offre de services d'investissements.
En premier lieu, il convient de relever plus particulièrement une innovation que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer dans cet hémicycle, à savoir la suppression du principe de concentration des ordres sur les marchés réglementés et la mise en concurrence des différents lieux et modes de négociation des ordres que sont les marchés réglementés, les systèmes multilatéraux de négociation et l'« internalisation systématique » dans de grandes banques d'investissement.
En deuxième lieu, la directive opère une simplification de l'exercice du passeport européen pour les prestataires de services d'investissement.
En troisième lieu, elle prévoit l'harmonisation des conditions de l'offre de services d'investissement, le renouvellement de la liste de ces services et une nouvelle segmentation de la clientèle en catégories.
En quatrième lieu, la directive comporte une approche complètement renouvelée de la clientèle, avec des règles de transparence des informations pré et post-négociation sur les différents canaux, une obligation de « meilleure exécution » pour les prestataires et celle de se doter d'une politique d'exécution des ordres, ou encore avec le renforcement des règles de prévention des conflits d'intérêt.
Le texte de l'article 8, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, élude malheureusement une partie du cadre d'habilitation qui avait été introduit par le Sénat. Ce dernier avait en effet précisé : « [Le Gouvernement] veille plus particulièrement à définir les principes et modalités garantissant la meilleure exécution possible des ordres et la fluidité de leur circulation entre les infrastructures de marché, la prévention des conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement et une définition équitable des dérogations accordées à la transparence des négociations. »
J'ai cru comprendre que le Conseil d'État avait jugé que ces orientations étaient d'ordre réglementaire. Je ne partage pas cette opinion, madame la ministre. En effet, la commission persiste à considérer que ces orientations sont essentielles et légitimes, car elles conditionnent la protection des épargnants et un fonctionnement transparent des infrastructures de marché.
Nous souhaitons donc que vous puissiez nous rassurer et nous indiquer que le Gouvernement entend bien travailler dans le cadre qui avait été ainsi tracé, avec son plein accord, lors de la première lecture du texte au Sénat, en octobre dernier.
Une telle confirmation nous permettrait de voter l'article 8 sans état d'âme, avec l'assurance que le cadre d'habilitation que nous avions conçu est pleinement validé par cette seconde lecture au Sénat.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Monsieur Marini, croyez-le bien, je répugnerais à vous donner des états d'âme ! (Sourires.)
Concernant le délai, dont la date butoir du 1er novembre 2007 est bien tardive, nous souhaitons, comme vous le recommandez, aller au plus vite. La consultation sur le texte est déjà largement engagée. L'autorité des marchés financiers, a elle-même commencé le travail de concertation portant sur son règlement général. Nous devons bien sûr finaliser tout cela rapidement et dans le bon ordre. En effet, le règlement général de l'AMF est un document essentiel pour la compétitivité de la place de Paris ; c'est pourquoi, après la consultation, nous nous efforcerons de le mettre en oeuvre le plus promptement possible.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, grâce à son travail extrêmement attentif, la commission des finances a relevé que la rédaction du nouvel article d'habilitation ne reprenait pas une phrase qui avait pourtant été ajoutée par votre assemblée dans le texte de la première loi d'habilitation du 20 juillet 2005.
Lors de l'examen technique du texte de l'ordonnance, notamment avec le secrétariat général du Gouvernement, les travaux de transposition, qui sont déjà bien engagés à ce stade, ont mis en évidence que cette phrase entraînait les conséquences que vous avez mentionnées sur le partage des dispositions du code monétaire et financier entre les domaines législatif et réglementaire.
Sur le fond, les dispositions nécessaires à la transposition seront adoptées dans le respect des importantes préoccupations que vous avez exprimées à plusieurs reprises. Le Gouvernement y veillera, je m'y engage, notamment lors de l'homologation des modifications du règlement général de l'AMF.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, êtes-vous rassuré ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pleinement !
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article 8 de la présente proposition de loi pose au moins trois problèmes de principe.
En premier lieu, le lien entre son contenu et le texte est relativement ténu, quand bien même la Banque de France joue un rôle spécifique dans la transparence et la sécurité des marchés financiers.
En deuxième lieu, l'article 8 provient d'un amendement présenté par le Gouvernement, celui-ci ayant ainsi fait de la proposition de loi de M. Arthuis le véhicule d'une adoption accélérée de dispositions qui ne sont pourtant pas dénuées d'importance.
En troisième lieu, avec cet article, se trouve une fois de plus remis en question le droit des parlementaires à légiférer et à débattre. C'est en effet par la voie de la promulgation d'une ordonnance que l'on nous invite à transposer dans le droit français une directive européenne qui peine à trouver sa place dans la législation des pays membres.
Pourquoi tant d'empressement ?
Les trois griefs que je viens d'exposer nous conduisent à demander la suppression de l'article 8.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut pas être favorable à cet amendement.
En effet, monsieur Vera, l'empressement que vous évoquez résulte précisément des délais prévus par la directive. Il ne vous échappe pas que, la semaine prochaine, le Parlement devra interrompre ses travaux. Si tel n'était pas le cas, je serais très heureux que l'on puisse consacrer des journées entières à la discussion d'un texte législatif sur les marchés d'instruments financiers. Je me vois malheureusement privé ce très grand plaisir par le calendrier. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. - L'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés est ratifiée.
II. - Le code civil est ainsi modifié :
1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 2364, le mot : « nantie » est remplacé par le mot : « garantie » ;
2° Le début du dernier alinéa de l'article 2441 est ainsi rédigé : « La radiation de l'inscription peut être requise... (le reste sans changement). » ;
3° Dans le chapitre V du sous-titre III du titre II du livre IV, la division en sections 1 et 2 est supprimée ;
4° Dans le chapitre VI du même sous-titre III, la division en sections 1 et 2 est supprimée.
III. - Pendant un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la présente loi, le prêteur de deniers dont le privilège a été inscrit avant cette date peut renoncer à la sûreté qu'il tient du 2° de l'article 2374 du code civil en contrepartie de la constitution par le débiteur d'une hypothèque rechargeable régie par l'article 2422 du même code en garantie de la créance initialement privilégiée. Ces renonciation et constitution sont consenties dans un même acte notarié qui est inscrit dans les formes prévues à l'article 2428 du même code.
Par dérogation à l'article 2423 du même code, la somme garantie ne peut être supérieure au montant en capital de la créance privilégiée.
L'hypothèque constituée prend le rang du privilège de prêteur de deniers antérieurement inscrit.
Toutefois, si une convention de rechargement est publiée, ce rang est inopposable aux créanciers qui ont inscrit une hypothèque entre la date de publicité du privilège de prêteur de deniers et celle de l'acte notarié prévu au premier alinéa.
Le III de l'article 7 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 est applicable aux transformations mentionnées au premier alinéa lorsque le privilège de prêteur de deniers a été inscrit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 précitée.
IV. - L'article 64 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est ainsi modifié :
1° Dans la dernière phrase du premier alinéa, le mot : « conventionnelle » est remplacé par les mots : « ou d'un privilège » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
V. - A. - Les I, II et III du présent article sont applicables en Nouvelle-Calédonie.
Pour son application en Nouvelle-Calédonie, la référence au décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière s'entend de la référence faite à la loi du 23 mars 1855 sur la transcription hypothécaire dans sa rédaction issue du décret du 24 juillet 1921 et du décret du 30 octobre 1935.
B. - Le I et le 1° du II du présent article sont applicables à Mayotte.
Les 2° à 4° du II et le III sont applicables à Mayotte à compter du 1er janvier 2008.
Pour leur application à Mayotte :
1° La référence au décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 précité s'entend de la référence faite au titre IV du livre V du code civil ;
2° Le III s'applique au privilège du prêteur de deniers inscrit avant le 1er janvier 2008.
C. - Le I et le 1° du II sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, sur l'article.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que je parle en cet instant depuis les travées où je siège habituellement, c'est bien en tant que président de la commission des lois que je vais m'exprimer.
L'ordonnance du 23 mars 2006 a été prise sur le fondement de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Sur ce texte, qui avait été renvoyé à la commission des finances pour son examen au fond, la commission des lois n'avait été saisie que pour avis et avait, à ce titre, formulé un certain nombre d'objections. Depuis, bien entendu, l'ordonnance a été prise.
Le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 23 mars 2006 a été déposé au Sénat en juin 2006 et renvoyé, tout naturellement, à la commission des lois, dès lors que la majorité de ses dispositions concernaient le code civil et, accessoirement, le code de la consommation. C'est d'ailleurs dans la perspective de l'examen de ce texte que la commission avait réfléchi à l'organisation d'une mission tendant à examiner les dispositions de cette ordonnance afin de les ratifier en y intégrant les éléments manquants de la réforme qu'elle introduit.
Pourtant, c'est dans le cadre d'un texte à l'objet fort éloigné du droit des sûretés que le Gouvernement a souhaité faire ratifier cette ordonnance par le Parlement.
L'article 9 de la proposition de loi, introduit par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, opère une ratification expresse sous réserve de certaines modifications importantes.
Tout d'abord, il étend, d'une part, la simplification de la mainlevée aux hypothèques légales et judiciaires ainsi qu'aux privilèges et, d'autre part, le bénéfice de la purge amiable et de l'attribution judiciaire à toutes les hypothèques et aux privilèges.
Ensuite, il permet au prêteur de deniers titulaire d'un privilège de renoncer à celui-ci et au débiteur de constituer, avec l'accord de ce créancier, une hypothèque conventionnelle rechargeable. Il s'agit donc d'une transformation de sûreté par renonciation et constitution, toutefois limitée aux privilèges du prêteur de deniers publiés avant la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi, et ne pouvant être exercée que pendant un délai postérieur de deux ans. Cette transformation de sûreté est exonérée de la taxe de publicité foncière et du droit fixe d'enregistrement.
Ces dispositions ne sont pas mauvaises en tant que telles. C'est même, paraît-il, le motif pour lequel il faut ratifier l'ordonnance très rapidement !
La commission des lois a toujours estimé que, par souci de sécurité juridique, il était nécessaire qu'intervienne une ratification expresse de chaque ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Mais encore faut-il que cette ratification intervienne dans des conditions satisfaisantes et permette au Parlement d'exercer un contrôle véritable sur les normes adoptées par le pouvoir réglementaire dans le domaine législatif.
On rappellera l'importance que constitue le droit des sûretés dans la vie quotidienne, celle des entreprises notamment. L'ordonnance modifie ainsi près de deux cents articles du code civil et crée des mécanismes nouveaux et controversés comme le prêt viager hypothécaire.
Les conditions de ratification qui nous sont présentées sont-elles réellement de nature à permettre de se pencher sérieusement sur ces innovations ? La question de la protection de la personne qui souscrit un prêt viager hypothécaire, en particulier, n'est même pas soulevée.
Les modifications apportées par la proposition de loi à l'ordonnance suscitent visiblement des difficultés de cohérence juridique, qui ont notamment été soulignées par un certain nombre de juristes, dont la commission tripartite constituée du Conseil national des barreaux, du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers.
Sur tous ces points, il n'est malheureusement pas donné à la commission des lois, pourtant saisie au fond du projet de loi de ratification, l'occasion de se prononcer aujourd'hui.
Au nom de la commission des lois, je pense que ces méthodes doivent cesser !
Mme Nicole Bricq. On le dit tout le temps !
M. Jean-Jacques Hyest. Certains m'ont dit qu'il s'agissait d'un sujet technique, que cela n'intéressait donc personne !
Mme Nicole Bricq. Non, ce n'est pas technique !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est tout de même la vie quotidienne des entreprises et des particuliers qui est en cause !
Bien entendu, madame la ministre, je ne vais pas m'opposer à l'adoption de ce texte.
Mme Nicole Bricq. Vous avez tort !
M. Michel Moreigne. Votre autorité vous permettrait de le faire !
M. Jean-Jacques Hyest. Non, parce que je ne veux pas provoquer une navette. Mais je pense que j'aurais pu obtenir une majorité !
En revanche, je vous garantis que la commission des lois reprendra chacun des points évoqués et rédigera des propositions, car l'ordonnance est totalement insuffisante en ce qui concerne l'ensemble des sûretés.
À l'avenir, il faudra renoncer à de telles méthodes de travail. Lorsqu'on dépose un projet de loi de ratification d'une ordonnance, il convient de l'inscrire à l'ordre du jour du Parlement, ce qui nous aurait permis d'étudier le texte dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Il fallait que cela fût dit.
L'amendement n° 4, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Comme vient de le rappeler le président Hyest, il s'agit, avec cet article, de ratifier une ordonnance prise en vertu d'une disposition de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie et visant à réformer le régime des sûretés.
L'orientation qui est prise en l'occurrence aurait mérité autre chose qu'un débat à la sauvette, mené au détour d'un amendement de dernière minute, déposé sur le dernier texte de caractère financier de cette législature. Cette remarque, qui valait déjà pour l'article 8, vaut encore plus pour l'article 9.
On pouvait parfaitement envisager, une fois l'Assemblée nationale renouvelée et le nouveau Gouvernement mis en place, que cette ordonnance fasse l'objet de la discussion d'un projet de loi de ratification. Au lieu de quoi nous est soumis cet article 9, qui tend à raccourcir - on ne sait trop au nom de quelle logique - les délais et à rectifier certains des articles de l'ordonnance pour la rendre opérationnelle, si l'on peut dire.
Ce choix nous semble, par nature, discutable. Il atteste surtout, une fois encore, la volonté, manifestée à maintes reprises durant cette législature, de recourir à l'article 38 de la Constitution.
Ce sont en effet deux cent neuf ordonnances qui auront été promulguées par les gouvernements de cette législature en application de l'article 38 de la Constitution : deux cent neuf occasions de cantonner le débat public à l'exposé lapidaire d'un article d'habilitation, éventuellement à la formulation de quelques commentaires et à la présentation d'amendements. Notons que l'article 38 n'a été utilisé qu'à quatre-vingt-onze reprises lors de la législature précédente.
Reste le problème du fond, notamment la mise en place du dispositif d'hypothèque rechargeable, qui permet surtout aux prêteurs bien plus qu'aux emprunteurs de dégager des plus-values latentes d'exploitation de biens immobiliers.
Dans le régime de l'hypothèque rechargeable, c'est en effet le prêteur qui va jouir des meilleurs atouts dans le déroulement des contrats de prêt. L'emprunteur sera toujours placé dans une situation où il risque de perdre le bien immobilier présenté en hypothèque, et cela dans les pires conditions, c'est-à-dire au prix correspondant au montant permettant de faire face au remboursement du prêt. Peu importe que le bien immobilier ait acquis une quelconque valeur ou que le prêteur puisse, à un moment donné, réaliser une plus-value significative sur le bien immobilier dont il se sera rendu propriétaire par dénouement du contrat.
L'article 9 tend bel et bien à procéder à la mise en place d'un dispositif d'endettement des ménages, destiné à permettre aux établissements financiers, comme aux spécialistes du prêt immobilier, de tirer pleinement parti de la progression de l'endettement des ménages.
Ce sujet aurait décidément mérité, dans une assemblée où nous avons à de nombreuses reprises abordé les graves problèmes que posait le surendettement, un débat plus ample que celui auquel peut donner lieu un article d'un texte examiné à la fin d'une législature !
Pour ces raisons, nous vous invitons à adopter l'amendement de suppression de l'article 9.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souhaite rappeler que l'habilitation résulte de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie du 26 juillet 2005. Nous avions veillé, lors de l'examen de ce texte, à ce que les orientations à prendre dans ce cadre soient très strictement précisées.
J'ajoute que, avant l'élaboration de cette loi, un groupe de travail composé de personnes éminentes et présidé par le professeur Michel Grimaldi, avait fait toute une série de propositions tendant à améliorer la lisibilité du droit des sûretés, à consacrer le gage sans dépossession, à permettre à une entreprise de constituer un gage de ses stocks sans dépossession afin d'améliorer ses ressources de trésorerie. Avait également été envisagée dans ce groupe de travail la possibilité de mettre fin, sous certaines conditions, à la prohibition du pacte commissoire. Enfin, il avait été proposé que la modernisation du droit de l'hypothèque soit prolongée par la consécration de cette fameuse hypothèque rechargeable et par l'introduction du prêt viager hypothécaire.
L'ensemble de ces dispositions sont bien présentes dans l'ordonnance.
M. Jean-Jacques Hyest. On n'avait pas conclu sur le prêt viager hypothécaire !
M. Philippe Marini, rapporteur. M. Hyest a fait toutefois observer qu'une série de dispositions ont suscité des remarques de la part, notamment, du Conseil des barreaux, de la Conférence des bâtonniers et du barreau de Paris ; sans doute d'autres professionnels pourraient-ils également faire valoir leurs observations.
En l'état actuel des choses, je pense cependant que, compte tenu de la procédure dans laquelle nous sommes engagés, nous pouvons adopter l'article 9. Bien entendu, si des ajustements doivent être opérés, la voie législative normale nous est toujours ouverte.
Au demeurant, il me semble - je parle sous le contrôle du président de la commission des finances - que notre commission pourrait par avance s'associer aux initiatives que la commission des lois estimerait opportun de prendre, en particulier, si j'ai bien compris, concernant les 2° et 3° du II de l'article 9. Mais d'autres points peuvent peut-être faire également l'objet de compléments ou de rectifications !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, le cautionnement et un certain nombre d'autres questions n'ont pas été traités dans l'ordonnance.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il n'en reste pas moins que, au stade où nous en sommes, il est préférable de voter l'article 9. Mais nous le ferons en conservant notre vigilance pour la suite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Le Gouvernement émet, bien sûr, un avis défavorable sur cet amendement.
Je voudrais cependant formuler quelques observations en réponse à M. Hyest sur l'hypothèque rechargeable et sur le prêt viager hypothécaire.
Pour ce qui concerne l'hypothèque rechargeable, l'article 9 est important non seulement parce qu'il ratifie l'ordonnance, mais aussi parce qu'il en complète le dispositif. En effet, la conversion du privilège de prêteur de deniers, qui n'était pas suffisamment bien explicitée, est maintenant clairement intégrée dans les dispositions, et les emprunteurs pourront y recourir en exonération de taxe de publicité foncière et de droit fixe d'enregistrement, conformément à la loi de finances pour 2007.
Bien entendu, les dispositions protectrices du droit des consommateurs, en particulier les mesures protectrices des personnes âgées, s'appliquent à tous les mécanismes de recharge des hypothèques, de même qu'elles s'appliquent au mécanisme de prêt viager hypothécaire.
À propos de ce dernier, je rappelle qu'il s'agit d'un mécanisme ayant pour objet de rendre liquide un patrimoine immobilier dont les personnes âgées disposent librement jusqu'à leur mort. Il n'est donc évidemment pas question d'exiger le remboursement des prêts ainsi consentis avant le décès des personnes en question !
Aujourd'hui, nos services reçoivent de très nombreuses demandes relatives à des situations précaires nées du fait qu'un certain nombre de personnes âgées se trouvent obligées de vendre leur bien immobilier : il serait bien préférable pour elles de pouvoir utiliser le prêt viager hypothécaire au lieu de vendre leur bien immobilier pour disposer des ressources correspondantes.
Il nous semble donc que ce mécanisme ne pénalise pas la succession mais, au contraire, protège d'une certaine manière la personne âgée en lui épargnant de recourir à des mesures dont les conséquences seraient redoutables, en particulier au regard de son logement.
J'ajoute que le Gouvernement est, bien sûr, extrêmement attentif aux propositions de toutes les commissions du Sénat, et il a su tirer parti de l'excellent travail de la commission des finances. Il est évident, monsieur Hyest, que la commission des lois, sous votre présidence, est parfaitement dans son rôle lorsqu'elle formule les observations que vous nous avez fait part.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, j'en viens à penser qu'un quinquennat est bref !
M. Philippe Marini, rapporteur. Trop court ! Beaucoup trop court ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est sans doute un peu trop court, si bien que les conditions de travail ne sont pas au meilleur niveau.
J'ai bien entendu les observations du président Jean-Jacques Hyest, et j'y souscris largement : si nous voulons parfaire le travail législatif, il nous faut nous astreindre à une méthode qui nous donne le temps d'examiner les textes. Or, en l'espèce, madame le ministre, on sent comme de la précipitation...
Cela étant, je veux remercier M. Hyest de ne pas compliquer l'examen du texte en discussion et de rendre possible le vote conforme.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
Mme Nicole Bricq. La démonstration de M. Hyest est éclatante, mais elle reste impuissante à enrayer la volonté gouvernementale d'aller vite, très vite, trop vite.
M. Henri de Raincourt. C'est sévère !
Mme Nicole Bricq. J'ai évoqué dans la discussion générale le crédit hypothécaire rechargeable. Je réaffirme notre opposition à cette procédure, qui ne fera malheureusement qu'encourager le surendettement des ménages : le maniement de cet outil de crédit n'est pas facile, et les chiffres concernant le surendettement ne nous rassurent pas. Voilà pour le fond.
Par ailleurs, je soulignerai que la souplesse invoquée par le rapporteur vaut pour le prêteur, mais non pour l'emprunteur !
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
Mme Nicole Bricq. Et quand Mme la ministre indique que le privilège est transformé en exonération de taxe, je m'interroge, en tant que membre de la commission des finances, en m'étonnant que le rapporteur et le président de cette commission n'y regardent pas de plus près : d'une certaine manière, on crée là une nouvelle charge pour le budget de l'État. Dès lors, l'article 40 de la Constitution ne pourrait-il pas être invoqué de manière pertinente ?
Quoi qu'il en soit, cela ne fait que renforcer ma détermination à voter l'amendement du groupe CRC.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Si je ne m'abuse, madame le ministre, l'hypothèque rechargeable dont il est question s'appliquera à des prêts immobiliers, au financement de biens durables, mais non, comme le craignait particulièrement notre collègue Nicole Bricq, aux crédits à la consommation : il ne me semble pas qu'il s'agisse d'un crédit global permettant d'acheter tout et n'importe quoi. (Mme le ministre approuve.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article additionnel après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Longuet et Cambon, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le dernier alinéa de l'article L. 225-185 du code de commerce, les mots : «, dans les mêmes conditions, » sont supprimés.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. En présentant cet amendement, j'ai le sentiment de m'inviter dans un débat qui n'est pas tout à fait le mien, mais qui est cependant l'occasion d'obtenir un éclairage indispensable sur la mise en oeuvre de la loi du 30 décembre 2006, dont une disposition prévoit d'encadrer l'accès des cadres dirigeants de sociétés aux options d'achat d'actions et aux actions gratuites.
Mon amendement tend à modifier le dernier alinéa de l'article L. 225-185 du code de commerce. Cependant, son véritable objet est en réalité de demander que soit précisé un point extrêmement sensible.
À la demande du Gouvernement, nous avons adopté un dispositif d'encadrement des stock-options et actions gratuites octroyées aux dirigeants, dispositif tel que, lors de ces nouvelles attributions d'options par le conseil d'administration ou de surveillance, celui-ci détermine les conditions dans lesquelles les intéressés peuvent ou non lever, avant la cessation de leurs fonctions les actions dont ils sont bénéficiaires. La loi posait le principe de l'obligation de garder les options et les actions gratuites tant que durait l'activité, tout en autorisant le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, dans certains cas particuliers, à permettre une levée partielle de ces options et de ces actions gratuites.
Ce dispositif vise les dirigeants des sociétés émettrices d'actions cotées. Or, manifestement, la rédaction de l'article L. 225-185 crée, aux yeux des praticiens, une insécurité juridique quant aux conditions d'attribution aux dirigeants d'une société non cotée d'actions d'une société cotée liée. En d'autres termes, qu'en est-il des dirigeants de filiales ou de sociétés soeurs non cotées qui peuvent bénéficier d'actions de la société mère cotée ? Apparemment, le législateur avait souhaité limiter aux seuls dirigeants des sociétés émettrices le dispositif d'encadrement et d'obligation de détention des options d'actions et des actions gratuites, et ne pas l'imposer aux dirigeants des sociétés filiales non cotées.
Or, en précisant que les sociétés non cotées sont traitées « dans les mêmes conditions », la rédaction nouvelle de l'article L. 225-185 du code de commerce aligne la situation des dirigeants des sociétés non cotées filiales ou soeurs de sociétés cotées sur celle des dirigeants des sociétés émettrices.
Les praticiens nous alertent sur l'ambiguïté de la rédaction que nous avions retenue. Ils ont l'impression que nous avons voulu, à juste titre, empêcher le chat d'être le gardien du bol de crème, mais ils se demandent, en quelque sorte, ce qu'il en est pour le bol de crème du voisin ? En clair, l'application dérogatoire doit être entendue stricto sensu et non pas élargie.
Madame le ministre, l'objet de cet amendement est d'obtenir une clarification, que vous serez sans doute en mesure de nous apporter, sur la volonté qui était celle du Gouvernement lorsqu'il a présenté ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission espère que la clarification que va certainement nous donner Mme le ministre sera de nature à permettre à notre collègue de retirer son amendement. Si les choses se passent ainsi, nous aurons utilement oeuvré pour apporter à un texte récent quelques précisions nécessaires, et nous pourrons laisser celui que nous examinons en ce moment s'acheminer tranquillement vers son adoption définitive.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Je vais essayer, monsieur Longuet, au bénéfice d'explications que j'espère aussi claires que votre exposé, d'appliquer l'analogie du chat et du pot de crème aux termes « dans les mêmes conditions » dans une situation de groupe où l'on ne souhaite pas appliquer le dispositif en cascade, mais simplement à la tête de pont, et vous me pardonnerez le caractère très spécifique de ma réponse.
Vous présentez un amendement très important pour la bonne compréhension par les entreprises, notamment par les entreprises « en cascade », des modalités d'application de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié. Vous relevez que le texte gagnerait à être précisé sur la question de l'application du dispositif introduit par la loi aux options attribuées par les sociétés émettrices et non par les sociétés liées. Ce point n'a en effet pas été abordé explicitement par la Haute Assemblée lorsqu'elle a débattu en première lecture de ce texte.
Vous soulignez qu'une lecture erronée de l'article L. 225-185 du code de commerce tel qu'il a été modifié par la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié pourrait conduire à un régime excessivement rigide qui prévoirait des dispositions de blocage non pas seulement à l'égard des dirigeants de la société émettrice, mais également à l'égard des dirigeants de sociétés qui, pour être d'importance mineure dans des structures commerciales de groupes, n'en sont pas moins des filiales ou des sous-filiales de la société émettrice.
Selon cette lecture, le dirigeant d'une filiale non cotée, qui reçoit - comme d'autres salariés du groupe, et bien plus éminents - des stock options entrerait alors dans le dispositif dérogatoire prévu pour les dirigeants.
Je rejoins tout à fait, monsieur Longuet, votre analyse selon laquelle telle n'a pas été l'intention de votre assemblée. Les mots « dans les mêmes conditions » figurant dans le cinquième alinéa de l'article L. 225-185 sur les options attribuées par les sociétés liées se réfèrent à la seule première phrase de l'alinéa précédent, qui prévoit que les dirigeants peuvent se voir attribuer « des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-184 », qui sont précisément les conditions d'attribution génériques et pas les dispositions particulières de blocage.
L'introduction, à l'Assemblée nationale, par un deuxième amendement parlementaire, d'un dispositif similaire pour les attributions gratuites d'actions était clairement présentée dans un objectif d'alignement du traitement des mandataires sociaux selon qu'ils reçoivent une option ou une action gratuite. Or la rédaction retenue pour l'article L. 225-197-1, qui s'applique aux actions gratuites, aboutit à ce que les contraintes dérogatoires des conditions génériques d'attribution concernent les actions attribuées aux dirigeants de la seule société émettrice et non pas aux sociétés dites mineures ou filiales.
Je relève en outre, dans le même sens, pour la même interprétation, que l'article L. 225-185 renvoie, au titre des mesures de publicité, au rapport mentionné à l'article L. 225-102-1 sur la rémunération des dirigeants dont les dispositions ne visent que les sociétés cotées ou contrôlées par des sociétés cotées et les dirigeants ayant un mandat de société cotée. En particulier, les dirigeants de sociétés filiales sans mandat de société cotée sont clairement hors du champ d'application de ces dispositions.
Au-delà de considérations purement juridiques, il me semble que nous avons intérêt à avoir un dispositif bien ciblé sur les dirigeants des sociétés qui attribuent les stock options, susceptible d'avoir de l'influence sur l'attribution, afin d'exiger un encadrement « serré » à leur égard, plutôt que de se disperser dans son extension aux filiales au risque de voir ce dispositif se relâcher pour être applicable à un plus grand nombre, ce qui n'était pas l'intention du législateur. C'est donc dans cet esprit que le dispositif a été réservé aux dirigeants et n'est pas appliqué aux salariés.
Sous le bénéfice de cette explication, dont je vous prie de me pardonner le caractère laborieux, j'espère que vous pourrez, monsieur le sénateur, considérer que votre amendement est satisfait par le texte actuel à la lumière des explications que je viens de donner et ainsi procéder à son retrait.
M. le président. Monsieur Longuet, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Gérard Longuet. Madame le ministre, je vous remercie de la clarté de vos explications, qui confortent en effet la volonté du législateur telle qu'elle s'était exprimée à l'occasion du débat et qui avait été sans doute bien involontairement atténuée par les mots « dans les mêmes conditions ».
Par conséquent, monsieur le président, c'est en toute sérénité que je retire l'amendement n° 1, qui n'a plus lieu d'être.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. M. le rapporteur nous a invités à adopter sans modification le texte voté par l'Assemblée nationale. Cela permet en effet de se dispenser de la réunion d'une commission mixte paritaire, dans la discrétion d'une discussion de fin de session, à peine visible dans le tourbillon électoral que nous traversons - c'est ainsi qu'on le traduira demain dans la presse - et de porter quelques coups aux droits des salariés et à la raison d'être même de la Banque de France.
Nous prenons ce texte comme le signe avant-coureur de la conception du dialogue social et de l'évolution des garanties collectives des salariés telles qu'elles sont conçues par la majorité UMP-UDF de notre assemblée.
La loi vient mettre un terme anticipé à ce qui devrait procéder de la négociation collective. Elle pèse dans le sens des attentes de la seule partie patronale. Quant aux missions de la Banque de France, elles sont étroitement cantonnées aux exigences de la construction européenne, notamment dans la définition du rôle de la Banque centrale européenne.
Ce texte crée une zone de non-droit, au regard du droit du travail comme du statut des agents du secteur public, qui conduit une fois de plus à s'interroger sur l'absolue conformité constitutionnelle des dispositions votées, notamment s'agissant de l'article 5.
N'étant pas des fonctionnaires au sens du statut de la fonction publique instauré en 1945 et renouvelé en 1984, les agents de la Banque de France se retrouvent, avec ce texte, placés dans une situation de droit commun où ils disposent de moins de droits que les salariés d'une PME de soixante-dix personnes !
Limiter l'appel à l'expertise aux seuls cas de mise en oeuvre de plans de licenciement économique, c'est refuser en fait aux agents de la Banque de France d'avoir le moindre pouvoir de regard sur l'évolution de leur institution, d'autant que le recours au droit d'alerte n'a pas été, à dire vrai, souvent utilisé par ces salariés !
Cette proposition de loi n'est donc rien d'autre qu'un texte d'autoritarisme et d'arbitraire.
Les salariés, dans ce pays, ont légitimement le droit de connaître la manière dont l'entreprise où ils travaillent, où ils créent de la richesse, fonctionne, fait des choix stratégiques et les met en oeuvre, par la mobilisation de moyens adéquats.
Vous déniez aux salariés de la Banque de France le droit d'avoir leur mot à dire et, pourtant, ils ont prouvé à maintes reprises dans le passé leur attachement aux missions de service public de l'établissement et leur apport critique aux choix qui remettaient en cause lesdites missions.
Évidemment, compte tenu de cet enjeu qui dépasse quelque peu le seul cas d'espèce, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à rejeter le texte qui nous est soumis.
M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.
Mme Monique Papon. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au-delà des questions de forme, le groupe UMP tient à souligner les raisons de fond qui l'ont amené à soutenir en première lecture la proposition de loi déposée par M. le président de la commission des finances et qui vont nous conduire aujourd'hui à approuver le texte tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale.
Sur le fond, en effet, la suppression du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France constitue une nouvelle avancée sur la voie de la réforme de l'État et de la rationalisation des dépenses publiques. Cette mesure de bon sens s'inscrit dans la démarche de performance instaurée par la LOLF et répond à notre souhait d'une gestion rigoureuse des deniers publics. Il y va de notre responsabilité politique vis-à-vis des contribuables d'aujourd'hui, mais aussi des générations futures.
Sur le fond également, nous approuvons l'adaptation du droit du travail au statut particulier de la Banque de France. Il convient, en effet, de tenir compte de la situation spécifique de cette institution, qui n'est pas soumise aux mêmes risques économiques que les autres établissements de crédits.
Sur ce point, l'Assemblée nationale a repris les dispositions que la commission des finances avait proposées en première lecture, mais que le Sénat avait décidé de retirer provisoirement, à la demande du Gouvernement, afin de laisser le temps au gouverneur et aux organisations syndicales de se concerter sur ce sujet. Cette concertation a conduit, depuis, à la signature d'un protocole d'accord relatif à l'amélioration de l'efficacité du dialogue social et à l'évolution de la politique sociale de la Banque de France, ce dont nous nous réjouissons.
Sur le fond toujours, nous approuvons la réforme du droit des sûretés. Une autre procédure législative que celle d'un amendement à la proposition de loi relative à la Banque de France aurait pu être employée pour ratifier l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, comme l'a souligné le président de la commission des lois, notre collègue Jean-Jacques Hyest. Mais l'essentiel est, pour nous, l'assouplissement du droit des sûretés au regard de l'évolution des pratiques des entreprises et des particuliers, grâce notamment à la création de l'hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire.
Comme l'a très bien rappelé M. le rapporteur, cette branche du droit qui est intimement liée à l'activité économique n'avait pourtant connu aucune réelle réforme d'ensemble depuis 1804.
La réforme souhaitée par le Président de la République et introduite par l'ordonnance du 23 mars 2006 devrait améliorer les conditions d'accès au crédit et ainsi soutenir l'activité économique dans notre pays.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, telles sont les raisons de fond qui vont conduire le groupe UMP du Sénat à voter l'ensemble de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui en deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?....
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste vote contre.
7
NOMINATION D'un MEMBRE de la délégation du sénat pour l'union européenne
M. le président. Je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a proposé une candidature pour la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Pierre Bernard-Reymond membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
8
NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Nicolas About, Jean-Patrick Courtois, Philippe Goujon, Jean-Claude Peyronnet et Mme Éliane Assassi.
Suppléants : MM. Nicolas Alfonsi, Laurent Béteille, Yves Détraigne, Bernard Frimat, Patrice Gélard, Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur.
9
Protection juridique des majeurs
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (nos 172, 212, 213).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons, sous cette législature, profondément réformé notre droit civil familial.
Les lois en vigueur, votées en 1966 et 1968, ne sont plus adaptées à notre société du xxie siècle.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C'est vrai !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Elles ne permettent plus d'assurer une protection suffisante et effective des 800 000 personnes concernées, soit plus de 1 % de la population.
La protection des personnes vulnérables implique une privation ou une restriction des droits. C'est pourquoi le juge ne doit envisager une mesure de protection qu'en dernier recours et limiter son effet à ce qui est strictement nécessaire.
La protection doit par ailleurs être adaptée et respectueuse de la personne. Elle doit être exercée et contrôlée avec les meilleures garanties.
Je vais vous présenter le contenu du dispositif du droit civil et mon collègue Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, vous présentera dans un instant le dispositif social et financier de cette réforme.
La réforme du droit civil de la protection des majeurs repose sur une nouvelle approche, plus respectueuse du droit des personnes. Elle s'articule autour de quatre grands axes essentiels : une protection juridique qui concerne exclusivement les personnes atteintes d'une altération de leurs facultés ; un dispositif de protection qui redonne sa place à l'exercice de la liberté civile ; des régimes de protection où sont définis et renforcés les droits de la personne ; enfin, des mesures de protection exercées avec plus de vigilance par les professionnels.
Le premier objectif de la réforme est donc de définir plus précisément et de délimiter strictement les personnes concernées par une mesure de protection : seront appliqués les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité.
Il faudra, c'est le fond du débat, mesurer et constater l'altération des facultés personnelles de l'intéressé. Cette altération sera mesurée médicalement et constatée par un médecin expert.
La protection juridique sera recentrée sur les personnes atteintes de troubles et de handicaps mentaux et il devient nécessaire de compléter le champ de l'action sociale.
Ce dispositif social, graduel et progressif, comporte deux volets : un volet administratif relevant des conseils généraux, mis en oeuvre en collaboration avec la personne intéressée, et un volet judiciaire, plus contraignant, intervenant subsidiairement si l'action préalable du département n'a pu aboutir. On commence donc par la mesure sociale et l'on n'ouvre le volet judiciaire qu'après constat de l'altération des facultés personnelles de la personne.
Le dispositif social a principalement une vocation éducative. Son objectif est de permettre à chacun de retrouver le chemin de l'autonomie.
Si ces mesures d'action sociale se révèlent insuffisantes, les services sociaux compétents adresseront un rapport circonstancié au procureur de la République.
La commission des lois du Sénat a compris l'importance de l'enjeu de cette disposition et a adopté un amendement afin de revenir à la rédaction initiale du projet de loi. J'en approuve tous les termes et je veux convaincre la commission des affaires sociales qu'il est nécessaire de se rallier à cette position.
L'objectif de suppression des utilisations abusives de la protection juridique a conduit le Gouvernement à supprimer la possibilité pour le juge de se saisir d'office sur le simple signalement d'un tiers, intervenant social ou professionnel médical.
Il existe, en effet, pour protéger une personne vulnérable, des solutions juridiques moins contraignantes et moins attentatoires à ces droits que la tutelle ou la curatelle.
Certains de ces moyens sont indépendants de toute intervention judiciaire. Il s'agit de la procuration, du mandat de protection future et de l'accompagnement social.
D'autres outils, en revanche, requièrent l'intervention du juge. Il en est ainsi de la sauvegarde de justice ou des règles d'habilitation propres aux régimes matrimoniaux.
En outre, la subsidiarité implique que, avant de recourir à la collectivité publique, l'on se tourne d'abord vers la famille, lieu naturel de protection.
Le deuxième apport majeur du projet de loi tient à l'affirmation et à la liberté civile de la personne protégée.
Il faut reconnaître une place à l'autonomie de la volonté de la personne, même au sein d'un ordre public de protection. L'avis de la personne sera toujours sollicité, y compris, et c'est un cas très fréquent dans nos familles, lorsqu'on place une personne âgée dans une maison de retraite.
Le mandat de protection future pourra être établi par acte sous seing privé ou par acte notarié et n'aura, selon la forme choisie, pas les mêmes effets en matière patrimoniale.
Le mandat notarié permettra une protection juridique très étendue et pourra couvrir les actes de disposition du patrimoine, la vente du bien par exemple, tandis que le mandat sous seing privé donnera au mandataire les pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire et sera limité aux actes conservatoires ou de gestion courante.
Votre rapporteur a souhaité mieux encadrer les conditions de mandat sous seing privé lorsque le mandant n'est pas assisté d'un professionnel. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement se rallie à cette démarche qui vise à sécuriser davantage les modalités d'établissement du mandat. Nous devons toutefois veiller à ne pas trop alourdir les procédures.
Il n'y aura pas lieu à mesure de publicité du mandat. En effet, ce mandat de protection future crée un régime de représentation et il fonctionnera comme une procuration générale donnée par une personne à une autre.
Le troisième objectif de cette réforme est de mieux adapter la protection à la spécificité des besoins de nos concitoyens les plus fragiles.
Pour cela, la réforme affirme le principe de protection de la personne et non plus seulement de son patrimoine. C'est la grande avancée de ce texte : au-delà du patrimoine, on s'intéresse en premier lieu à la personne.
La protection à la personne trouvera son sens dans l'exigence de proportionnalité imposée au juge. Les mesures de protection seront strictement proportionnées à la vulnérabilité et aux besoins de la personne.
La protection à la personne s'imposera dans la mission du tuteur, qu'il s'agisse d'un membre de la famille ou d'un professionnel.
Enfin, les modalités de contrôle de l'exécution de la mesure seront réorganisées et renforcées.
Tout d'abord, les mesures devront être révisées tous les cinq ans, ce qui constitue une innovation. Dans l'actuel régime de protection juridique, les mesures restent valables ad vitam æternam, au sens strict. Demain, elles seront révisées tous les cinq ans. L'instauration de ce contrôle apporte une liberté très importante pour les personnes sous protection juridique.
Les modalités du contrôle annuel, en particulier des comptes de gestion, seront personnalisées et adaptées à la situation de chaque dossier.
Le quatrième grand axe de cette réforme consiste à améliorer le régime juridique qui encadre l'activité tutélaire.
Comme vous le savez, une nouvelle profession, celle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, est créée par ce texte, mais je laisserai à Philippe Bas le soin de développer ce point.
Au terme de mon propos, je souhaite de nouveau remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, M. Henri de Richemont, du remarquable travail qu'ils ont effectué. Je remercie également Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, de son implication.
Cette réforme marque une étape essentielle de notre histoire juridique : elle s'inscrit dans la construction d'un droit moderne, attentif aux évolutions de notre société et adapté aux besoins des plus vulnérables d'entre nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un texte important que M. le garde des sceaux et moi-même avons l'honneur de vous présenter. À cet égard, je voudrais saluer la qualité du travail accompli par la commission des lois et la commission des affaires sociales pour préparer le débat d'aujourd'hui.
Cette réforme était nécessaire. En effet, M. le garde des sceaux l'a rappelé à l'instant, la tutelle est trop souvent utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été créée. Par ailleurs, les textes qui la régissent datent d'une quarantaine d'années.
Aujourd'hui, la tutelle est utilisée à des fins sociales, faute d'instruments mieux adaptés. Privative de droits, sans alternative, elle n'est pratiquement jamais révoquée. Il faut cesser de l'utiliser à des fins d'accompagnement social, en la réservant pour des situations d'altération grave et permanente des facultés mentales. Dans ce dernier cas, l'exercice de la tutelle doit être mieux encadré.
Du fait des dérives actuelles dues à l'absence d'instruments alternatifs destinés à la protection des incapables majeurs, de la poussée démographique - nous savons que le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans va doubler dans les dix ans à venir, passant de 1,1 million à 1,9 million -, mais aussi de la progression de la maladie d'Alzheimer, le nombre de majeurs protégés est en augmentation constante depuis plusieurs années. Ainsi, 850 000 de nos compatriotes souffrent d'ores et déjà de cette affection. Par conséquent, si nous continuons à utiliser la tutelle pour répondre aux difficultés des personnes atteintes de cette maladie, notre régime des tutelles, qui est d'ores et déjà proche de l'embolie, risque tout simplement la paralysie totale.
À travers cette réforme, le Gouvernement prend trois engagements : créer et développer des alternatives à la tutelle ; adapter la protection des personnes à l'évolution de leurs capacités, en créant, lorsque c'est possible, un véritable parcours d'autonomie ; apporter des garanties nouvelles aux personnes, comme aux familles.
Pour mettre en oeuvre ces engagements, le Gouvernement respectera une exigence fondamentale, celle d'assurer le financement de la réforme sans pénaliser les départements, lesquels seront les principaux acteurs pour son volet social. Les départements doivent évidemment pouvoir s'engager dans cette voie en disposant de toutes les assurances nécessaires s'agissant de l'équilibre des financements mobilisés.
Le premier engagement est donc de créer et de développer des alternatives à la tutelle.
Plus du tiers des bénéficiaires adultes de tutelles aux prestations sociales est concerné. Ces personnes sont souvent des blessés de la vie, touchés par la maladie ou la dépression, frappés par le chômage ou la précarité. Elles ne parviennent plus à gérer leur budget, à payer leur loyer, à faire face aux dépenses de la vie courante. Elles risquent de tomber dans l'errance, de compromettre leur santé et de mettre leur vie en danger.
Pour ces personnes, nous proposons de créer une mesure d'accompagnement social personnalisé, qui interviendrait en amont du dispositif judiciaire. Elle prendra la forme d'un contrat passé avec les services sociaux du conseil général et comportera une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social personnalisé. C'est ainsi que nous éviterons l'ouverture de mesures judiciaires non justifiées.
Les familles et les personnes concernées seront associées et entendues à chaque étape de la procédure. S'il en a la capacité, le majeur protégé pourra renouer avec l'autonomie puisqu'un examen périodique de la situation est prévu. Hier, une personne qui se retrouvait sous tutelle n'avait plus « voix au chapitre ». Désormais, elle sera accompagnée, écoutée, mais aussi responsabilisée, car nous ne désespérons pas de la voir recouvrer, après une période de crise aiguë, l'ensemble des attributs de la citoyenneté, de la responsabilité et de l'autonomie. Il s'agit de lui permettre de retrouver son indépendance, parce que la solidarité passe aussi par la responsabilité de celui qui en bénéficie.
Le deuxième engagement du Gouvernement est d'adapter la protection de chaque personne à l'évolution de ses capacités, en créant, lorsque c'est possible, un véritable parcours vers l'autonomie.
Bien sûr, il faut d'abord protéger les intérêts fondamentaux de la personne et sa sécurité : c'est le sens du placement sous protection judiciaire. Mais nous devons aussi prendre en considération ses droits légitimes et lui garantir, autant que possible, l'exercice de ses libertés. Un statut très protecteur, peut-être trop protecteur, comme la tutelle, n'encourage pas la personne protégée à évoluer pour assumer de nouveau ses responsabilités. Nous voulons faire le pari de la confiance, chaque fois qu'il sera réaliste. C'est pourquoi le projet de loi que nous vous soumettons permet à toute personne dont la situation évolue favorablement de reprendre l'exercice de ses droits.
Dans cette optique, tout un éventail de mesures sera déployé, de l'accompagnement social jusqu'à la tutelle et, dans d'autres cas, de la tutelle jusqu'à l'autonomie.
La mesure d'accompagnement social personnalisé constitue le premier niveau d'accompagnement. Si elle échoue, une seconde mesure, plus contraignante, d'accompagnement judiciaire pourra être mise en oeuvre. Bien qu'elle soit de même nature que la mesure d'accompagnement social, elle sera décidée par le juge. Cette contrainte est nécessaire, parce que la personne s'est dérobée au contrat. C'est alors un tiers qui gérera les prestations sociales de la personne protégée, laquelle conservera néanmoins ses droits civiques et ses droits sur son patrimoine. Au fond, nous proposons de ne retirer que les droits ne pouvant réellement plus être exercés, car il ne faut plus passer du tout au rien !
Enfin, la curatelle et la tutelle seront désormais réservées aux personnes les plus vulnérables, qui souffrent d'une altération le plus souvent définitive de leurs facultés mentales.
Je veux m'arrêter à mon tour sur le mandat de protection future, dispositif très important prévu par le projet de loi.
Cette mesure, essentielle pour deux catégories de personnes dont j'ai plus particulièrement la charge, les personnes âgées et les personnes handicapées, a été annoncée lors de la conférence de la famille de 2006.
Là encore, nous privilégions le contrat, qui permettra désormais à chacun d'entre nous d'organiser à l'avance sa prise en charge en cas d'altération mentale. Je pense notamment à la maladie d'Alzheimer. Toute personne pourra désormais choisir celui ou celle qui prendra soin d'elle et de ses biens le jour où ses facultés seront altérées par cette maladie.
Je pense aussi aux parents d'un enfant handicapé majeur, qui se demandent toujours avec angoisse qui s'occupera de leur enfant s'ils viennent à disparaître ou s'ils ne sont plus en mesure d'assumer cette prise en charge. Cette question est devenue leur principal souci, en raison du vieillissement des personnes handicapées. Grâce au mandat prévu par le projet de loi, ils pourront désigner à l'avance celui ou celle qui prendra soin de leur enfant après eux.
Enfin, le troisième engagement du Gouvernement est d'apporter des garanties nouvelles aux familles comme aux personnes protégées.
Les familles, je le rappelle, prennent directement en charge plus de la moitié des tutelles. Je tiens à leur rendre hommage : c'est un bel exemple de solidarité, qui appelle de la part des associations et des acteurs sociaux aide et soutien. Sans les familles, nous ne pourrions pas assumer la responsabilité des personnes les plus vulnérables. L'Assemblée nationale, avec l'appui du Gouvernement, a d'ailleurs décidé de mettre en place un dispositif d'aide et d'information, qui permettra aux familles de trouver plus facilement des solutions aux difficultés qu'elles rencontrent si souvent aujourd'hui.
Madame le rapporteur pour avis, vous soulignez dans votre rapport que le projet de loi redonne la priorité aux familles en matière de protection des majeurs. Les mesures de protection seront en effet confiées en priorité à un proche, pourvu qu'il entretienne des liens étroits avec la personne protégée. Le texte étend ainsi le nombre de celles et de ceux qui pourront assumer cette fonction pour l'un des leurs.
Aujourd'hui, les tutelles, lorsqu'elles ne sont pas assurées par les familles, sont confiées à des associations tutélaires, à des mandataires ou aux établissements qui accueillent des personnes sous tutelle. Si les intervenants, dans leur ensemble, s'acquittent généralement avec dévouement de leurs responsabilités, trop d'abus ou de négligences sont encore constatés.
Nous avons donc voulu que soient à la fois mieux encadrés et mieux formés les mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Si l'on ne doit pas réduire une profession à quelques dérives, force est de constater qu'elles existent. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de professionnaliser davantage la fonction de mandataire et de renforcer les contrôles.
Un certificat national de compétence sera ainsi créé. Le mandataire devra être inscrit sur une liste tenue par le préfet, après avis favorable du procureur de la République. L'État assumera la responsabilité de contrôles renforcés.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, pour nos trois engagements.
J'en viens maintenant à l'exigence que j'ai évoquée tout à l'heure : il s'agit d'assurer le financement de la réforme sans pénaliser les départements, qui seront les principaux acteurs des changements à venir. Nous leur devons cette garantie.
Les départements constituent, en effet, l'échelon de proximité qui garantit l'efficacité de notre politique sociale. Cette réforme conforte leurs missions actuelles et, donc, la cohérence de l'action sociale.
Certains départements ont exprimé la crainte que cette réforme n'alourdisse leurs dépenses. Je veux leur répondre, afin de dissiper les inquiétudes qui ont pu naître.
Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, le travail mené par le Gouvernement pour s'assurer que le financement de ce dispositif pourrait fonctionner correctement, ce dont je vous remercie.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois. « Pourrait » !
M. Philippe Bas, ministre délégué. La réforme du régime de protection juridique des majeurs s'accompagne d'une évaluation de son financement. Le nouveau régime de financement prévu par le projet de loi sera mieux maîtrisé.
Tout d'abord, je tiens à vous dire que, par le biais de ce texte, l'État prend un engagement fort à l'égard des départements. Il assumera en effet la charge financière des tutelles des bénéficiaires des prestations sociales attribuées par les départements - je pense notamment au RMI -, en lieu et place des conseils généraux. C'est une charge normalement assignée aux départements que l'État reprend directement à son compte.
En 2009, les départements économiseront ainsi 77 millions d'euros. En 2013, plus de 92 millions d'euros seront pris en charge par l'État. Et s'il est vrai que les départements assumeront effectivement, en contrepartie, une charge nouvelle liée aux mesures d'accompagnement social personnalisé, cette dépense ne pourra pas excéder les économies réalisées grâce à l'effort de l'État.
L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement apportant une garantie formelle sur ce point, puisqu'il prévoit l'évaluation régulière des dépenses incombant à chacun.
Nous avons également prévu que la réforme s'appliquerait intégralement au 1er janvier 2009. Les départements ont dû en effet absorber beaucoup de nouvelles missions au cours des dernières années. Il faut leur donner le temps de s'organiser et de maîtriser les nouveaux instruments pour leur permettre d'appliquer pleinement la réforme.
Pour autant, les dispositions qui n'affectent pas la charge de travail des départements seront, elles, immédiatement mises en oeuvre, qu'il s'agisse de la professionnalisation des mandataires, du renforcement des contrôles ou du nouveau mandat de protection future. Sur ces différents points, il n'y a en effet aucune raison de faire attendre les familles jusqu'en 2009.
Nous avons par ailleurs voulu laisser aux départements la liberté de s'organiser. Pour mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement personnalisé, ils pourront soit s'appuyer directement sur leur service d'action sociale, comme ils peuvent actuellement le faire pour les mesures de tutelle des prestations dont ils ont la charge, soit faire appel à des associations. Ce sera alors le même réseau d'associations qu'aujourd'hui qui continuera d'assurer le suivi des personnes protégées.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les dimensions sociale et financière de cette réforme. Il s'agit d'une réforme de citoyenneté. Elle s'inspire des mêmes principes que ceux qui sont au coeur de la loi du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : s'intéresser d'abord non pas au handicap, aux difficultés, mais aux possibilités de chaque personne, à son potentiel, à ses talents, à sa capacité d'action et d'autonomie, en bref à ses aptitudes. Il s'agit certes de tenir compte de ses difficultés, mais avec l'idée qu'il est possible à chacun de développer la capacité d'assumer de manière autonome les responsabilités de son existence, tout en évitant d'ériger autour de lui un mur qui l'enferme dans un statut d'incapacité définitive.
C'est donc à une véritable révolution des esprits que cette réforme invite, à un pari sur l'homme, sur ses capacités et sur sa dignité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'ai l'honneur de rapporter au nom de la commission des lois ce texte important qui vise à réformer la loi de 1968 relative au droit des incapables majeurs ainsi que la loi de 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales.
Nous avons, avec ma collègue Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, auditionné de nombreuses personnes : des magistrats, des professeurs, des responsables d'associations, des tuteurs. Nous avons ainsi pu mesurer que le présent texte arrivait à temps pour mettre fin aux abus et aux dévoiements qui sont constatés dans l'application des lois existantes.
Aujourd'hui, on dénombre 700 000 tutelles et ces mesures ne correspondent plus à leur destination première, qui est de protéger le majeur dont les facultés mentales sont altérées. On utilise de plus en plus la tutelle comme une « bouée de sauvetage » pour protéger des personnes ayant des problèmes de dettes locatives ou dont le logement est insalubre. Autrement dit, on ne respecte pas actuellement les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité.
Nous avons observé que, malheureusement, de moins en moins de personnes acceptent d'exercer la fonction de tuteur lorsqu'un membre de leur famille doit être protégé.
Nous avons également constaté un dévoiement en ce qui concerne le financement. En effet, pour assurer le financement des tutelles, on cumulait un régime de tutelle normal avec une tutelle aux prestations sociales, celle-ci étant à la charge des finances publiques, et plus particulièrement celles du département.
L'une des avancées de ce projet de loi réside dans le fait qu'il trace une ligne de partage très claire entre les mesures de protection juridique destinées à protéger les majeurs dont les facultés mentales sont altérées et les mesures d'accompagnement social.
Je ne rappellerai pas, messieurs les ministres, les dispositions du texte, que vous avez vous-mêmes détaillées, mais je formulerai quelques observations concernant le principe de nécessité, qui est ici clairement affirmé.
Le texte supprime l'ouverture d'une protection juridique pour cause de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté. Lorsque nous avons discuté avec le professeur Philippe Malaurie de cette disposition novatrice - elle peut étonner puisque, jusqu'à présent, quelqu'un qui s'exposait à tomber dans le besoin pouvait être mis sous curatelle -, il a estimé que chacun avait la liberté de se comporter comme un polisson s'il le souhaitait et qu'il n'était pas normal de tomber sous le coup d'une mesure de protection juridique.
Vous avez supprimé, et je m'en félicite également, la saisine d'office, qui pouvait donner lieu à des abus, et vous proposez, ce que je trouve tout à fait judicieux, que la mesure soit révisée tous les cinq ans.
Ce qui me paraît fondamental dans ce texte, c'est qu'il replace la personne au centre de la mesure de protection. Il y est affirmé de manière très nette qu'aucune personne ne pourra être mise sous tutelle sans que le juge ait préalablement procédé à son audition. Celui-ci se prononcera sur la base d'un avis médical émanant d'un expert figurant sur une liste établie par le procureur de la République.
Il y a eu des discussions pour savoir s'il fallait également l'avis du médecin traitant de la personne en question ou celui d'un deuxième expert. Il a finalement été décidé que non : il suffira que le juge dispose d'un certificat médical émanant d'un expert pour qu'il puisse prononcer une mesure de tutelle. Le problème est toutefois de savoir comment financer cet examen médical qui, paraît-il, coûte très cher.
Le texte affirme donc les droits de la personne protégée, en prévoyant que, sauf inaptitude médicalement constatée, elle sera systématiquement entendue, ce qui me paraît essentiel. Je me réjouis en particulier de toutes les dispositions qui tendent à protéger le logement de la personne ou encore à faire en sorte que le tuteur ne puisse pas changer le compte en banque du majeur protégé sans y avoir été autorisé par le juge.
L'avancée la plus importante du texte est le mandat de protection future. Des débats ont eu lieu en commission sur la question de savoir s'il était souhaitable de maintenir deux mandats distincts, le mandat sous seing privé pour les actes d'administration et le mandat authentique pour les actes de disposition.
Nous avons estimé qu'il serait regrettable d'imposer un acte authentique, c'est-à-dire un acte notarié. En revanche, nous pensons que votre texte n'est pas assez protecteur lorsqu'il estime suffisante la seule présence d'un avocat ou celle de deux majeurs venant signer.
Nous pensons que des majeurs ayant le droit d'accompagner une personne devant être protégée pourraient avoir sur elle une influence négative. C'est la raison pour laquelle nous proposons soit la présence d'un avocat, soit l'établissement d'un mandat qui serait conforme à un « texte type » élaboré par décret.
Je suis heureux, monsieur le garde des sceaux, que vous ayez souligné sur ce point l'apport remarquable de la commission des lois.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Une telle solution est effectivement de nature à garantir l'engagement de la personne qui va souscrire un mandat de protection future. Comme vous le voyez, monsieur le garde des sceaux, quand le Gouvernement mérite d'être félicité, nous le faisons !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Nous avons également eu un débat important en ce qui concerne la mesure d'accompagnement social personnalisé. La question qui se pose est de savoir s'il faut limiter ce contrat aux prestations sociales ou l'étendre à toutes les rémunérations dont bénéficie le majeur devant être placé sous protection juridique.
Madame Dupont en parlera tout à l'heure, mais j'aimerais, messieurs les ministres, attirer dès maintenant votre attention sur ce point. Il est vrai qu'il faut améliorer la gestion des prestations sociales. On a le droit, je le répète, de disposer librement de ses biens. Il n'existe pas de droit à l'héritage, ce qui veut dire que l'on peut faire ce que l'on veut de sa fortune, jusqu'à ce qu'on se trouve finalement dans le besoin et que l'on perçoive alors des prestations sociales.
La question est donc la suivante : ne faudrait-il pas pouvoir éviter que quelqu'un se trouve en situation d'être à la charge de la société ? Tel est l'objet des amendements déposés par Mme Dupont.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Au nom de la commission des affaires sociales !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Le débat sur ce point est important, monsieur le garde des sceaux. Si la commission des lois a rétabli votre texte, qui avait été modifié par l'Assemblée nationale, ce n'est pas seulement pour vous faire plaisir,...
M. Henri de Richemont, rapporteur.... mais parce que nous avons considéré qu'il ne fallait pas rendre les choses plus compliquées qu'elles ne le sont. Aujourd'hui, concrètement, il est quasiment impossible de placer un majeur sous curatelle sous prétexte qu'il s'expose à sombrer dans le besoin. Toutes les demandes de ce type échouent. Or, aujourd'hui, et je parle sous votre contrôle, monsieur le garde des sceaux, l'idée maîtresse du texte est d'alléger les mesures de tutelle et non de les renforcer.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il est donc bien évident que, si nous avions étendu la mesure de protection sociale non seulement aux prestations, mais également à tous les revenus, nous aurions créé un système de coercition ne correspondant pas à la philosophie du texte. Voilà pourquoi la commission des lois a rétabli le texte initial du Gouvernement, bien que nous ayons pris en considération les observations tout à fait fondées de la commission des affaires sociales.
Je voudrais également souligner, monsieur le garde des sceaux, l'importance du rôle du procureur de la République, qui est votre représentant. Il jouera un important rôle de filtrage, dans la mesure où, s'il n'y a plus de saisine directe, c'est lui qui pourra saisir le juge des tutelles et qui établira la liste des médecins experts.
La question est de savoir si la responsabilité du procureur de la République doit être engagée pour faute simple ou pour faute lourde. Il s'agit là d'un point qui fait débat. Nous en discuterons lors de l'examen des amendements que nous avons déposés sur cette question.
Je voudrais enfin attirer votre attention sur le problème des gérants de tutelle travaillant dans les établissements médico-sociaux. Beaucoup d'amendements ont été déposés, monsieur le ministre délégué, qui visent à interdire la possibilité de choisir un gérant de tutelle travaillant dans ce type d'établissements.
La commission des lois a estimé, après moult réflexions et discussions, qu'il fallait faire confiance au juge et que, si aucun membre de la famille ou aucune association n'était disponible pour assurer la tutelle, il fallait laisser la possibilité à l'établissement médico-social accueillant la personne de nommer quelqu'un relevant de lui-même. Nous voulons toutefois - et cela fait l'objet d'un amendement - affirmer l'indépendance de ce gérant de tutelle par rapport à l'établissement où il travaille. Il ne doit avoir de comptes à rendre qu'au juge des tutelles, et en aucune façon à l'établissement qui l'emploie. Nous demandons également qu'il figure sur la liste des gérants de tutelle qui sera établie par le préfet.
Nous soulignons en outre l'avancée majeure que constitue la création d'une véritable profession de mandataire judiciaire pour les personnes protégées et nous nous réjouissons des dispositions visant à assurer une authentique formation à ces personnes qui joueront un rôle majeur. En effet, il s'agit pour elles non seulement d'aider, mais souvent de remplacer la personne dans les dispositions essentielles qu'elle est amenée à prendre.
Voilà les principaux éléments que je voulais évoquer s'agissant de cet important texte de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, qui va présenter son premier rapport devant notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce texte est le résultat d'un important et long travail de concertation et de réflexion ; nous sommes heureux qu'il nous soit présenté.
C'est l'occasion pour moi de vous remercier, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, et de saluer votre ténacité. Grâce à vous, en effet, cette réforme va aboutir, malgré un calendrier législatif particulièrement chargé.
Cette réforme de la protection juridique des majeurs était attendue de longue date, pour mieux distinguer les besoins de chacun et reconnaître aussi à chacun sa dignité.
L'Assemblée nationale a voté en première lecture un texte de qualité, auquel le Sénat souhaite, à son tour, apporter sa contribution. La commission des lois, par la voix de son rapporteur, M. Henri de Richemont, sera la cheville ouvrière de cette réflexion. Saisie pour avis, la commission des affaires sociales a souhaité y apporter le regard particulier qui est le sien, notamment pour ce qui concerne la dimension humaine et sociale du texte.
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. C'est l'honneur des parlementaires que de faire la loi ; c'est celui de chacune des commissions de s'exprimer dans la compétence qui lui est propre.
La première ambition du texte est d'adapter la protection juridique des majeurs aux réalités sociales de notre temps, tout en redonnant vie aux principes fondateurs de la loi du 3 mars 1968.
Les dérives du dispositif de protection juridique des majeurs font l'objet d'un constat très largement partagé : le seul critère légal d'altération des facultés personnelles de l'intéressé a été perdu de vue au fil du temps ; plus de la moitié des mesures de protection juridique sont désormais confiées à des personnes extérieures à la famille, ce qui n'était pas l'inspiration initiale ; enfin, le non-respect de la gradation des mesures conduit souvent à des mesures mal adaptées aux besoins et, par conséquent, ressenties par les intéressés comme étant abusives.
La commission des affaires sociales approuve, d'une façon générale, les réponses apportées par le projet de loi pour mettre un terme à ces dérives.
Elle ne peut d'abord qu'être favorable à la réaffirmation des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection.
Il était en effet nécessaire de recentrer les mesures de protection sur les seules personnes dont les facultés mentales présentent des signes caractérisés d'altération médicalement constatés : personnes nées ou devenues handicapées avec une altération irréversible, personnes victimes de troubles mentaux graves, personnes âgées dont les facultés intellectuelles ont décliné, toutes ayant besoin que leurs biens et leur personne soient protégés par la loi.
Dans les autres cas, ces mesures peuvent opportunément être remplacées par des dispositions moins contraignantes, relevant simplement d'un accompagnement social. Pourquoi, en effet, priver de leur capacité juridique des personnes dont les besoins de protection se limitent en réalité à une assistance dans la gestion du quotidien ?
J'émettrai cependant quelques réserves sur certains points précis.
Dans le cas d'une demande de protection juridique, je regrette la disparition de l'obligation, pour le médecin expert, de consulter le médecin traitant. Qui, en effet, est mieux que ce dernier à même d'éclairer l'expertise sur les antécédents du majeur et sur sa situation familiale et sociale ?
Par ailleurs, il me semble que le coût d'établissement du certificat médical - en moyenne 250 euros - peut s'opposer au libre accès de tous les citoyens à la protection juridique. Ce coût ne pourrait-il pas faire l'objet d'une prise en charge pour les personnes aux ressources les plus modestes ?
Notre commission s'est également émue de ce que les personnes établissant leur résidence hors de France se voient privées de toute protection. Cette disposition n'est-elle pas contraire au droit international privé et au code civil, qui prévoient que la protection des personnes relève toujours de leur loi nationale, où qu'elles se trouvent ? Ne revient-il pas au ministère des affaires étrangères, lorsque cela est nécessaire, de se donner les moyens d'assurer le suivi de ces mesures à l'échelon des consulats ?
Enfin, dans un souci de simplification et d'assouplissement du système, dont je comprends l'objectif, le texte limite au strict minimum les cas d'auditions obligatoires par le juge. Pourtant, il me semble que cet entretien est essentiel, car c'est le seul moyen dont dispose le juge pour se rendre compte par lui-même des besoins de la personne protégée et pour adapter au mieux les mesures de protection susceptibles de répondre à ces besoins. Le texte n'est-il pas trop restrictif en ce domaine ?
Le deuxième point sur lequel la commission des affaires sociales rejoint le Gouvernement est la nécessité d'assurer le respect de la priorité familiale dans la prise en charge d'un majeur à protéger.
À cet égard, il est important de noter que, dans le texte, sont reconnues les difficultés que peuvent rencontrer certaines familles pour exercer les mesures de protection et que l'on s'attache à y remédier en mettant en place une information pour les tuteurs familiaux sur leur propre rôle. Je crois que ce service rendu aux familles est constructif et qu'il conviendra de veiller à sa mise en place effective.
Nous saluons ensuite l'extension - conforme à la jurisprudence de la Cour de Cassation - du champ de la protection du seul patrimoine à la personne elle-même. Il s'agit de réaffirmer les droits de la personne protégée et de rechercher, autant que possible, son consentement.
S'agissant de cette reconnaissance de la responsabilité de la personne dans sa propre protection, une mesure nouvelle est emblématique : c'est la création du mandat de protection future. Le mandant peut l'établir pour lui-même, mais il était également attendu des parents d'enfants handicapés, que l'allongement de l'espérance de vie avec un handicap place devant la perspective angoissante de laisser derrière eux un enfant seul et vulnérable.
Les amendements que je vous présenterai, au nom de la commission des affaires sociales, ne remettent pas en cause les principes de ce mandat. Ils visent simplement à faire apparaître, les confusions étant encore fréquentes à ce sujet, que le mandat est bien un régime de procuration et non d'incapacité.
La commission des affaires sociales approuve aussi sans réserve la dernière orientation du texte, qui consiste à assurer une meilleure répartition des rôles entre protection juridique et protection sociale.
Des esprits plus ou moins bien intentionnés voudraient faire croire qu'il ne s'agit que de reporter sur les conseils généraux une charge financière que l'État n'arrive plus à juguler. En réalité, la motivation est tout autre : il s'agit de reconnaître que la vulnérabilité n'est pas nécessairement synonyme d'incapacité et que, parfois, elle appelle un accompagnement social plutôt qu'une protection juridique privant l'intéressé de ses droits civils.
Concrètement, le projet de loi met en place un dispositif gradué pour répondre aux difficultés de ceux qui, par leur incapacité à gérer leur budget, mettent en danger leur propre personne et/ou leur famille.
Cela est raisonnable, mais nous avons observé que, en l'état actuel du texte, l'accompagnement ne s'appliquait qu'aux seules prestations sociales. M. Henri de Richemont l'a dit tout à l'heure, ce point nous soucie et nous aimerions savoir si, dans un certain nombre de cas, le fait de rétablir la situation de l'intéressé n'exigerait pas de prendre en compte l'ensemble du budget familial, non pour gérer celui-ci, mais au moins pour conseiller la personne et lui apprendre, comme le font d'ailleurs souvent les conseillers en économie sociale et familiale, à gérer son budget.
De plus, avec la présentation qui est faite, on rend peut-être cette mesure discriminatoire, puisque ces personnes, que M. de Richemont appelle des « polissons », qui ne touchent aucune prestation, en sont d'emblée exclues. Je crois sincèrement qu'il nous faudrait franchir le pas et affirmer clairement l'extension du dispositif à l'ensemble des ressources des bénéficiaires, de manière que la mesure d'accompagnement social personnalisé, la MASP, soit la plus efficace possible.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Le projet de loi fixe également un cadre à l'exercice des mesures de protection par des professionnels extérieurs à la famille.
Notre commission approuve la réforme proposée, qui crée un véritable statut professionnel de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et encadre l'exercice de cette profession. Nous en attendons plus de cohérence et de transparence pour le système de protection juridique et la garantie d'une compétence reconnue des différents intervenants, notamment grâce aux listes départementales des opérateurs habilités à exercer.
Cela étant, pourquoi ne pas établir, parallèlement, une liste nationale des mandataires judiciaires interdits d'exercice, pour mieux contrôler le dispositif d'ensemble ? Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, je vous demande d'être attentifs à ce problème de liste nationale, car il semble que certaines personnes interdites d'exercer aient la possibilité de proposer leur candidature dans d'autres départements.
J'en reviens à la liste sur laquelle trois types d'opérateurs pourront être inscrits : les gérants de tutelle privés, les associations tutélaires - qui auront désormais la qualité de services sociaux et médico-sociaux - et les préposés des établissements sanitaires et sociaux.
À mon sens, cette dernière catégorie soulève une grave interrogation. À plusieurs reprises, la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux et les moyens de la prévenir ou, plus récemment, lors de l'examen de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la commission des affaires sociales, particulièrement par la voix de notre collègue Paul Blanc, a eu l'occasion de souligner les risques de dérives liées à des mesures de protection juridique confiées à des salariés d'établissements médico-sociaux.
De cette situation il ressort un évident risque de conflits d'intérêt. Comment garantir en effet l'impartialité du mandataire dans la relation qu'entretient la personne protégée avec son établissement d'accueil si le préposé est à la fois juge et partie ? Cette question se pose avec plus d'acuité encore lorsqu'il s'agit de défendre les droits de la personne protégée en matière de participation financière aux frais d'hébergement ou de prise en charge médicale et sociale.
Le risque existe tout particulièrement dans le cas des adultes mentalement handicapés, que l'on a souvent la tentation d'assimiler aux personnes âgées dépendantes. Or leur situation est totalement différente. En général, ils arrivent jeunes en établissement médico-social ; ils ont alors, comme les autres jeunes de la planète, besoin de loisirs, d'activités stimulantes, notamment sportives, ils ont aussi, particulièrement les filles, envie de porter les vêtements à la mode, etc. Je ne pense pas que le préposé d'un établissement ait le temps de veiller à tout cela ! Un regard extérieur est indispensable à l'impartialité nécessaire au bien-être de la personne protégée. À moins qu'il y ait d'autres possibilités, il est important que la tutelle des adultes handicapés mentaux hébergés en établissement ne soit pas confiée à un membre de ce même établissement.
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Paul Blanc. Très bien !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. C'est surtout en pensant à ces derniers que la commission des affaires sociales a fait de la suppression de cette faculté accordée aux établissements médico-sociaux une question de principe, considérant que le souci de proximité, que l'on pourrait considérer comme légitime, ne doit pas conduire à un amalgame malencontreux.
Nous ne pouvons évidemment pas ignorer que 28 000 mesures sont aujourd'hui confiées aux préposés des établissements concernés. Pourtant, en la matière, nous ne pouvons pas raisonner seulement en termes de moyens ou de protection des intérêts de telle ou telle catégorie de tuteurs. La compétence de ces derniers n'est absolument pas en cause ; seul l'enjeu humain du rapport entre le mandant protégé et le mandataire est important.
C'est pourquoi, ferme sur le principe, mais consciente des contraintes matérielles, la commission des affaires sociales a estimé raisonnable de prévoir une période transitoire de cinq ans, afin de laisser le temps aux juges des tutelles de réaffecter l'ensemble de ces mesures à des mandataires indépendants de ces établissements.
Enfin, concernant le financement de la protection des majeurs, les évolutions proposées dans le projet de loi vont, semble-t-il, dans le bon sens.
Dans la mesure où le montant est calculé en fonction des ressources, la participation systématique des personnes protégées au financement des mesures de protection me paraît être équitable et équilibrée. Ainsi, les personnes bénéficiaires du minimum vieillesse ou de l'allocation aux adultes handicapés, AAH, en seront exonérées.
De même, nous nous félicitons que l'Assemblée nationale ait supprimé la possibilité de récupération des participations financières publiques sur la succession du majeur protégé lorsque celui-ci n'a pas eu les moyens de participer financièrement à sa protection.
S'agissant précisément des financements publics complémentaires, le passage du système du « mois mesure » au système éprouvé de la dotation globale est également une bonne chose. En effet, cela devrait permettre de rompre avec la spirale inflationniste actuelle et de produire des économies pour les collectivités publiques. Le fait que le financement de ces dotations sera partagé entre l'État, les départements et les organismes de sécurité sociale, selon une clé de répartition qui avantagera visiblement les départements, est une juste compensation du coût probable qui devrait résulter, pour ces derniers, de la mise en place de la mesure d'accompagnement social personnalisé.
Vous l'avez compris, ce texte nous donne globalement satisfaction. Incontestablement, le dispositif actuel de protection juridique des majeurs, vieux de quarante ans, devait être adapté et modernisé. C'est ce à quoi tend ce projet de loi. Il convient maintenant de lui donner les moyens de porter tous ses fruits. Il ne devra donc pas exclure un accroissement du nombre de juges des tutelles et un renforcement de leurs équipes, greffiers en chef et greffiers.
Il serait en effet illusoire de penser que la diminution attendue du nombre de majeurs protégés puisse conduire à faire l'économie de ces recrutements. Les tribunaux d'instance ont notoirement besoin d'être renforcés.
Sous le bénéfice de ces observations, sous réserve des amendements qu'elle présente, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'adoption de ce projet de loi, qui encadre, dans le respect de la dignité des personnes les plus faibles ou en difficulté sociale, la meilleure protection que la société se doit de leur apporter. La personne à protéger doit être au coeur de ces débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui, en cette fin de session parlementaire, le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs.
Cette réforme était attendue depuis une décennie, voire davantage. Le système actuel est régi par la loi du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs, dont les dispositions ont été insérées dans le code civil, et par la loi du 18 octobre 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales, dont les dispositions ont été insérées dans le code de la sécurité sociale.
Ce système, prévu au départ pour quelques milliers de personnes incapables de gérer leurs biens, est maintenant au bord de l'implosion.
Quelque 700 000 personnes sont aujourd'hui concernées par la tutelle, auxquelles il faut ajouter près de 60 000 personnes bénéficiant d'une tutelle aux prestations sociales. Elles seront environ 1 million en 2010. Sont en cause l'allongement de la durée de la vie et le vieillissement de la population, mais également la maladie d'Alzheimer, dont on recense près de 200 000 nouveaux cas chaque année.
Un autre facteur, et non des moindres, est à prendre en compte dans cette augmentation des mesures de tutelle. La montée de la précarité et de l'exclusion a eu pour effet que des mesures de tutelles ont été prononcées à l'encontre de personnes ne présentant aucun trouble mental ni aucun handicap, mais « seulement », si je puis dire, victimes d'exclusion et dont le traitement des difficultés devrait relever de l'aide sociale.
Nous observons donc, depuis une dizaine d'années, une augmentation exponentielle des mesures de tutelle, jusqu'à un dévoiement de celles-ci. De nombreux abus ont été commis à l'encontre des personnes en situation d'exclusion.
Ces abus ont pu être commis notamment parce que le nombre de juges des tutelles est insuffisant. Pour régler ces situations souvent délicates, toujours difficiles, seuls 80 juges des tutelles et leurs greffiers sont en mesure de se prononcer sur les mesures de protection. L'insuffisance de contrôle des mesures engendre inévitablement des dérives.
En 1996, le Médiateur de la République préconisait une « réforme humanisée » du dispositif juridique en vigueur et, en 1998, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, de l'inspection générale des finances, l'IGF, et de l'inspection générale des services judiciaires, l'IGSJ, mettait l'accent sur les nombreux dysfonctionnements en matière de protection des majeurs en France.
Le contrôle des tutelles ne doit pas se limiter au simple enregistrement des dossiers. Des comportements frauduleux ont été constatés, mais aussi des cas de maltraitance aux dépens de personnes particulièrement fragiles.
L'objectif, aujourd'hui, doit être de favoriser autant que possible l'autonomie de la personne protégée. La liberté individuelle est réduite à sa plus simple expression dans le cas de la tutelle. La personne perd tous ses droits. La tutelle est un dispositif particulièrement contraignant et attentatoire aux droits de la personne. Dès que la personne est protégée, tout relève de son tuteur et son autonomie est tout simplement inexistante.
Le projet de loi vise à redonner toute leur effectivité aux principes fondateurs de la loi du 3 janvier 1968 : la nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité des mesures de protection. Il était urgent, en effet, de réaffirmer que les incapacités ne peuvent avoir qu'un caractère exceptionnel et que seules doivent être prises les mesures d'encadrement strictement nécessaires eu égard à la situation. Il s'agit de restreindre la liberté individuelle dans le cadre de ce qui est strictement nécessaire à la protection de la personne.
Placer la personne au coeur du dispositif, notamment par une meilleure prise en compte de ses intérêts, passe par la recherche de son adhésion au régime de protection qui lui est appliqué, par l'individualisation de la mesure en fonction de son degré d'incapacité ou de capacité et, enfin, par la nécessité de respecter sa volonté chaque fois que cela est possible.
Le projet de loi recentre les tutelles sur les seules personnes dont les facultés mentales sont réellement altérées. Pour les autres, une mesure d'accompagnement social personnalisé est créée en amont. La mise sous tutelle pour cause de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté est enfin supprimée - ce que je ne peux qu'approuver.
Le projet de loi organise donc une meilleure lisibilité des mesures de protection tout en prévoyant une meilleure identification des rôles respectifs de la famille, des professionnels et des associations en charge de la gestion des tutelles.
Il scinde ainsi la protection juridique en deux domaines distincts : d'une part, les tutelles et curatelles, sous la responsabilité du juge, d'autre part, la mesure d'accompagnement social personnalisé, sous l'égide du département.
Le régime des tutelles et des curatelles est simplifié en même temps qu'est garanti le respect des droits fondamentaux de la personne protégée.
L'évaluation de la situation de la personne vulnérable sera systématique : une mesure de protection juridique ne pourra être ouverte que lorsqu'une personne se trouvera dans l'impossibilité de veiller seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, altération de nature à empêcher l'expression de sa volonté.
Cette altération doit être constatée par un médecin spécialiste inscrit sur une liste établie chaque année par le procureur de la République. L'absence de certificat médical circonstancié rend irrecevable la demande d'ouverture de la mesure de protection.
Sur ce point, je tiens à préciser que le coût de ce certificat médical est particulièrement élevé puisqu'il avoisine 200 euros. Il serait donc regrettable qu'un tel coût représente un obstacle à l'ouverture d'une mesure de protection pour des personnes qui en ont pourtant besoin. Nous souhaitons par conséquent que les frais d'établissement de ce certificat médical puissent être pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle.
Par ailleurs, le projet de loi organise la procédure judiciaire préalable au prononcé de la mesure de protection.
D'une part, il supprime la possibilité offerte au juge des tutelles de se saisir d'office, possibilité qui est non seulement contraire à la convention européenne des droits de l'homme, mais qui traduisait aussi un certain abandon des familles.
D'autre part, il fait obligation au juge d'entendre systématiquement la personne qui va faire l'objet d'une mesure de protection. Aujourd'hui, seulement une personne sur trois est auditionnée. En raison de l'encombrement de leur cabinet, les juges préfèrent souvent faire envoyer un questionnaire pour obtenir certains renseignements. De telles pratiques étaient bien évidemment insatisfaisantes, notamment du point de vue du respect des droits de la personne, l'intéressé risquant de voir prononcer à son encontre une mesure de protection totalement incapacitante.
Avec la présente réforme, l'audition est une formalité substantielle qui ne peut être écartée qu'en cas de contre-indication médicale. Cependant, l'une des contre-indications prévues par le texte semble poser problème. Il s'agit de celle qui permet au juge de ne pas entendre une personne si l'état de celle-ci ne lui permet pas de comprendre la portée de son audition - nous avons eu ce matin une discussion à ce sujet en commission des lois. Le risque existe qu'avec une telle formulation, le juge n'auditionne jamais les personnes handicapées mentales.
Néanmoins, malgré ces quelques remarques, force est de constater que cette réforme de la procédure de protection juridique permet un plus grand respect des libertés individuelles. Le fait que la tutelle à vie disparaisse constitue de ce point de vue une véritable avancée. Le juge devra réexaminer le dossier de protection juridique tous les cinq ans. Cette périodicité est un excellent moyen de vérifier l'opportunité d'une mesure de protection et de dresser un bilan de l'action exercée.
Dans ce même esprit, et grâce à nos collègues députés, le juge devra consulter la personne chargée de la mesure de protection avant d'y mettre fin, de la modifier ou de lui substituer une autre mesure.
Je tiens à saluer également l'introduction dans notre droit du mandat de protection future, qui permettra à chacun d'organiser son propre avenir en prévision d'une maladie incapacitante ou du vieillissement, ou d'anticiper sur le devenir d'un enfant handicapé.
Ce nouveau dispositif, qui est l'un des axes majeurs de cette réforme, devrait permettre à toute personne, alors qu'elle est en possession de ses moyens, de désigner un mandataire pour agir en son nom et pour son compte dans le cas où elle deviendrait inapte.
Il pourra également s'agir des parents d'un enfant handicapé qui désigneront la personne qui s'en occupera quand ils ne seront plus eux-mêmes en capacité de le faire ou après leur décès.
Ce dispositif permet ainsi, quel que soit le cas de figure, d'éviter l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection.
Ce mandat de protection future peut être donné par acte notarié ou sous seing privé : nous souhaitons cependant que toutes les garanties soient apportées si l'option de l'acte sous seing privé est retenue.
Il faut néanmoins se féliciter de l'adoption d'un tel mandat, attendu depuis très longtemps par les familles.
Le projet de loi renforce la place de la famille dans le dispositif de protection juridique. Aujourd'hui, la famille a parfois du mal à assumer son rôle dans ce dispositif : les multiples configurations familiales et l'éclatement géographique ne favorisent pas le volontariat familial pour ce type de responsabilité. Les tuteurs familiaux ne disposent pas, le plus souvent, d'aide véritablement organisée. Il est donc primordial que ceux-ci puissent bénéficier d'un soutien organisé pour leur permettre de bénéficier de conseils, d'informations et pour que soient facilités les échanges.
De même, les professionnels des associations tutélaires doivent se voir reconnaître un véritable statut avec des mesures de qualification et de formation. Nous souhaitons par conséquent compléter le projet de loi, qui ne prévoit pas de réel diplôme, et permettre ainsi une homogénéisation des pratiques professionnelles.
J'en viens maintenant à la mesure d'accompagnement social personnalisé. Si nous nous félicitons de la séparation effectuée par le projet de loi entre les mesures de protection juridique et les mesures d'accompagnement social, nous ne pouvons que regretter l'absence de financement de ces dernières.
Le texte s'inscrit tout naturellement dans la logique des compétences sociales des départements. Mais la mesure d'accompagnement social vient s'ajouter à des transferts de compétences récents, tels l'APA et le RMI, pour lesquels les compensations financières sont loin d'être suffisantes. Vous comprendrez par conséquent notre scepticisme lorsque le Gouvernement nous assure que cette nouvelle charge sera intégralement compensée pour les départements, charge évaluée par le Conseil économique et social à quelque 33 millions d'euros.
En conclusion, nous approuvons l'esprit de ce projet de loi qui vise à redonner une dimension humaine à la protection juridique des majeurs. Le respect de la dignité de la personne et l'encadrement plus strict du placement sous protection juridique emportent bien évidemment notre adhésion. Destiné à mieux protéger les majeurs vulnérables, en nombre croissant du fait du vieillissement de la population, et à mettre fin à de nombreux abus, ce texte est certes positif. Néanmoins, il ne peut susciter une approbation pleine et entière de notre part compte tenu des problèmes de financement que soulève ce nouveau transfert de charges aux départements et du nécessaire recrutement de juges des tutelles et de greffiers pour une totale application des nouveaux dispositifs.
Il est donc fort probable que le groupe communiste, républicain et citoyen s'abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de la loi du 3 janvier 1968 instituant le régime des tutelles et curatelles nécessitait de toute évidence une réforme du fait des dysfonctionnements, voire des dérives évoqués au fil des années dans de nombreux rapports, sans compter un certain nombre d'affaires ayant eu des retentissements médiatiques non négligeables.
L'évolution de la situation actuelle des majeurs vulnérables ne peut que nous amener aux constatations que nous faisons tous aujourd'hui.
Un juge des tutelles en équivalent temps plein gère en moyenne plus de 8 750 personnes concernées par l'une des mesures de protection. Les gérants des tutelles n'ont ni statut ni rémunération clairement établis. Les tribunaux sont assaillis, les psychiatres, les gérontologues trop peu nombreux, et les magistrats, en nombre insuffisant, monsieur le garde des sceaux, ne sont pas en mesure de contrôler réellement la gestion des comptes.
Messieurs les ministres, mon intention n'est pas de reprendre devant vous les arguments juridiques qui vous seront présentés par les orateurs de la commission de lois, mais d'aborder plutôt la question du cadre médico-social, à l'égard duquel les départements expriment un certain nombre d'inquiétudes.
Notre interrogation se cristallise autour du financement, sans lequel les personnels nécessaires à la délégation des compétences tutélaires aux départements ne pourront pas être déployés.
En effet, aujourd'hui, le département constitue légitimement l'échelon de gestion de l'aide sociale et de l'accompagnement aux personnes. Nous ne pouvons donc qu'approuver l'orientation essentielle du texte, qui consiste à distinguer les mesures d'accompagnement social, d'un côté, et les règles de protection juridique, de l'autre.
Mais soyons lucides. Les missions qui ont été dévolues aux conseils généraux au titre de l'APA ou du RMI sont de nature assez distincte de celles qui résulteront du présent texte. Les personnels chargés de cette nouvelle mission devront détenir une qualification spécifique - je dirai même une double compétence -, c'est-à-dire disposer d'une approche à la fois sociale et comptable. Ce n'est pas le profil de nos personnels travailleurs sociaux qui vont être destinés à la gestion de la mesure d'accompagnement social personnalisé, ou MASP.
Il faudra donc à la fois recruter et former afin de se donner les moyens de réussir cette action. Ce sera long et coûteux.
Le Gouvernement nous assure que cette nouvelle charge pesant sur les départements sera intégralement compensée. Il va même plus loin, en nous promettant de faire gagner de l'argent ! Est-ce du cynisme ou, à cette époque particulière, une promesse électorale ?
Malheureusement, ces déclarations déjà éprouvées dans le passé, notamment en matière de RMI, nous laissent sceptiques. Puisque la réforme se fonde sur le transfert aux départements du suivi de dizaines de milliers de personnes, il apparaît peu acceptable que le Gouvernement décentralise cette compétence sans une prise en compte plus précise des conséquences financières engendrées, « à l'euro près », selon l'expression consacrée.
Le coût des mesures de tutelle et de curatelle est évalué à environ 400 millions d'euros par an aujourd'hui et atteindrait 600 millions d'euros dans cinq ans. Nous le savons tous, la solidarité a un coût. Elle requiert des investissements lourds, chaque personne protégée nécessitant, comme je l'ai dit, un suivi comptable et une aide psychologique et sociale. L'attractivité des nouveaux métiers d'aide à la personne, le maintien des structures sur l'ensemble du territoire imposent des lignes budgétaires pérennes.
On peut naturellement s'interroger sur le chiffre de 35 millions d'euros par an que vous aviez annoncé, monsieur le ministre délégué, devant le Congrès des notaires, le 24 mai 2006. Cette somme nous paraît minorée et est largement contestée par l'Assemblée des départements de France.
Ma dernière interrogation concerne l'avenir de ce projet de loi.
En effet, la population visée par les mesures de protection apparaît hétérogène. Certes, nous savons que le nombre de ceux qui la compose s'accroît très fortement et que, si ces mesures concernent aujourd'hui 600 000 personnes, le chiffre de 1 million en 2010 est régulièrement pronostiqué. Mais, en réalité, sur les conséquences de la réforme, notamment sur le nombre de personnes qui relèveront désormais de la mesure d'accompagnement social, les estimations varient, selon les interlocuteurs, et parfois dans de très fortes proportions.
C'est l'un des problèmes auxquels se heurte la réforme : nous ne connaissons pas exactement le nombre de personnes concernées. Certaines associations parlent d'une centaine de milliers de dossiers qui, de facto, se retrouveront sous la responsabilité du conseil général et ne relèveront plus d'un dispositif de protection juridique.
Voilà qui pose une sérieuse difficulté quant à l'objectivité ou à la réalité des estimations financières que vous nous présentez.
Il était temps, messieurs les ministres, de réactualiser ce dispositif de protection juridique et de lui donner une dimension sociale différente de celle qui est héritée du XIXe siècle. En ce sens, la démarche nous paraît parfaitement justifiée.
Cependant, il ne suffit pas de vouloir faire évoluer les choses et de passer le témoin en se réfugiant dans l'esprit de la décentralisation. Encore faut-il que cette volonté de réussite se matérialise à travers des financements aujourd'hui justifiés à deux niveaux : ceux des besoins de la justice, notamment pour la tutelle - ils sont actuellement insuffisants -, et ceux de l'application sociale sur le terrain.
Faute d'une certitude, nous nous abstiendrons lors du vote sur ce texte.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est très attendu : le dispositif actuel date de 1968 et, depuis plus de dix ans, de nombreux rapports ont démontré la nécessité de réformer la protection juridique des majeurs, qui s'écarte malheureusement de plus en plus de sa finalité initiale.
Si je regrette que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre de jour si tardivement, d'où la déclaration d'urgence, je félicite toutefois les rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales de ne pas avoir cédé aux sirènes du vote conforme et de nous proposer tous deux un travail de fond sur ce texte, même si leurs vues divergent parfois.
C'est une réforme attendue. Aujourd'hui, en excluant les tutelles aux prestations sociales, 1 % de la population française se trouve sous un régime de protection juridique ; le coût total du dispositif est estimé à 450 millions d'euros et le nombre de mesures prononcées croît de façon régulière du fait du vieillissement de la population française et d'une interprétation trop large de la loi existante.
Nous ne pouvons qu'approuver les objectifs principaux qui sont visés par ce projet de loi : limiter la mise en oeuvre de la protection juridique aux personnes qui en ont réellement besoin, placer la personne protégée au centre du régime de protection et réorganiser les conditions d'activités des tuteurs et curateurs extérieurs à la famille.
Je souhaiterais dire un mot sur deux mesures prévues dans le projet de loi : le régime d'accompagnement social spécifique et le mandat de protection future.
Afin d'accompagner les personnes en situation de détresse sociale, vous proposez, messieurs les ministres, de distinguer l'accompagnement social de l'altération éventuelle des facultés mentales de l'intéressé. L'instauration d'un dispositif d'intervention gradué, dans lequel le juge des tutelles ne serait saisi qu'en cas de recours ultime, va dans le bon sens. Le principe de subsidiarité doit s'appliquer chaque fois qu'il est possible et la mise en place d'un régime d'accompagnement social spécifique, au sein du système de protection des majeurs, permettra de mettre en oeuvre un dispositif de gestion budgétaire de la personne en détresse sociale sans entraîner pour autant son incapacité juridique.
Reste à cadrer très sérieusement, d'un point de vue financier, ce nouvel accompagnement social en pleine concertation avec les conseils généraux. Ce dispositif ne doit en effet se traduire ni par un désengagement de l'État envers les personnes en détresse sociale ni par un nouveau transfert de charges en direction des collectivités locales.
L'instauration du « mandat de protection future », qui permettra à chacun de désigner à l'avance un tiers chargé de veiller sur ses intérêts et sur sa personne pour le jour où l'âge ou la maladie nécessiteront sa protection, est également une bonne mesure. Il sera mis en oeuvre lorsque l'altération des facultés aura été constatée, sans nécessiter l'intervention du juge. Nous ne pouvons qu'approuver cette disposition.
De même, les parents ayant à charge un enfant handicapé pourront organiser sa protection juridique à l'avance pour le jour où ils ne seront plus capables de s'occuper de lui. C'est une mesure très attendue, qui soulagera les parents en leur permettant de prévoir la protection de leur enfant, de l'anticiper, et de désigner la ou les personnes de confiance chargées de l'assumer.
Rappelons toutefois que la solidarité nationale est essentielle et que les parents ne doivent pas se retrouver isolés après avoir opté pour cette mesure en faveur de leur enfant handicapé.
Étant rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois, des crédits alloués aux services judiciaires et à l'accès au droit, je souhaite également intervenir sur deux points qui me tiennent particulièrement à coeur : la surcharge des greffes et le coût des certificats médicaux.
Monsieur le garde des sceaux, vous le savez, l'augmentation constante du nombre des dossiers de protection juridique des majeurs ne fait que souligner l'insuffisance des effectifs dans les tribunaux. Les juges des tutelles sont débordés, les dossiers prennent du retard, les comptes de gestion et les récapitulatifs des décisions prises par les tuteurs ne sont plus toujours examinés dans des conditions optimales. Cela favorise malheureusement les escroqueries de tuteurs mal intentionnés et empêche la révision nécessaire des dossiers. En cela, les nouvelles modalités de contrôle introduites, notamment par l'article 511 du code civil, vont dans le bon sens.
Mais ces mesures « d'allégement » ne doivent occulter ni le manque de moyens assignés à la mise en oeuvre de la protection juridique des majeurs ni l'engorgement des tribunaux.
Je sais également que la commission des affaires sociales, inquiète du coût de l'expertise pour les familles, propose que cette dépense afférente à une procédure en justice soit prise en charge dans le cadre de l'aide juridictionnelle.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Non, par la sécurité sociale !
M. Yves Détraigne. Soit ! Ce coût est effectivement trop lourd pour les familles, mais je serais resté réservé sur cette possibilité de prise en charge dans le cadre de l'aide juridictionnelle et j'en aurais appelé à la sagesse de notre Haute Assemblée. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, nous avons longuement débattu de la question de l'aide juridictionnelle, dont le montant global a augmenté de 63 % entre 1998 et 2006.
Une large concertation a été engagée par M. le garde des sceaux sur le thème de l'accès au droit des plus démunis. Nous sommes satisfaits de cette volonté affichée.
Aussi, au moment où il nous faut réfléchir aux conditions d'admission à l'aide juridictionnelle, je crois qu'il n'aurait pas été opportun d'étendre encore son champ à de nouvelles missions d'assistance. Laissons la réflexion engagée conjointement avec les professionnels du droit, le ministère de la justice et le ministère de l'économie et des finances suivre son cours, avant de décider du mode de financement de cette mesure.
Je tiens à vous présenter quelques-uns des amendements que je défendrai au nom du groupe UC-UDF.
Nous proposons de prévoir une exception au principe de la nécessité du certificat médical avant de mettre en place une mesure de sauvegarde de justice, dans les situations très concrètes qui exigent une solution d'urgence, afin de ne pas laisser un majeur sans protection au moment où il en aurait le plus besoin.
Nous demandons également la création d'un diplôme d'État afin que soit reconnu le métier de mandataire à la protection juridique des majeurs. Cette proposition va dans le sens de la réorganisation des conditions d'activités des tuteurs et curateurs, telle qu'elle est souhaitée par le Gouvernement. Dans le même ordre d'idée, s'agissant des tuteurs familiaux, nous souhaitons qu'ils bénéficient non seulement d'une information sur les conditions d'exercice de leur mission, mais également de conseils.
Enfin, plusieurs de nos amendements prévoient une application immédiate de certaines dispositions, notamment sur les questions de la rémunération des mandataires et de la protection des comptes du majeur protégé. En effet, sur ces points, il nous paraît délicat d'attendre le 1er janvier 2009 pour mettre fin à certains abus dénoncés depuis de nombreuses années.
Tels sont, messieurs les ministres, les quelques points sur lesquels je souhaitais intervenir aujourd'hui. Le groupe UC-UDF aborde ce texte de façon positive et souhaite que les débats permettent d'améliorer encore une réforme importante. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est parce que, dans certaines situations, la liberté opprime que la loi, qui affranchit, est nécessaire.
C'est en vertu de ce principe que le législateur est intervenu, dès 1966, pour instituer la tutelle aux prestations sociales servies aux adultes et qu'il a défini et organisé, deux ans plus tard, les mesures de protection juridique que constituent la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.
Sous l'empire de ce cadre légal, le nombre des personnes protégées est passé de 85 000 en 1975 à 700 000 aujourd'hui.
Si le nombre des mesures de protection a augmenté de la sorte, c'est en partie parce que le nombre des personnes ayant besoin que leurs biens et leur personne soient protégés a également progressé. Mais c'est aussi, et surtout, parce que les procédures ont été très souvent dévoyées.
Le dispositif en vigueur, initialement destiné à protéger les majeurs souffrant d'une altération de leurs facultés mentales, est trop souvent utilisé pour des personnes en grande difficulté sociale.
De ce point de vue, l'application du régime de protection des majeurs peut être rapprochée de celle des procédures de surendettement des personnes physiques prévues par le code de la consommation.
Le rapport de 1998 des trois inspections générales, respectivement des services judiciaires, des finances et des affaires sociales, mettait en lumière la qualification extensive de la prodigalité, qui permettait de justifier une cause de placement sur cinq.
De plus, le principe de la gradation des mesures n'est pas plus respecté que celui de la priorité familiale. On ne peut également que déplorer l'absence d'un statut uniforme pour l'ensemble des personnes exerçant des mesures de protection, personnes qui sont souvent des gérants de tutelle.
Enfin, les modes de financement se caractérisent par leur multiplicité et par leur inégalité, le tout pesant de plus en plus lourdement sur les finances publiques, en particulier au titre de la rémunération complémentaire.
À cet égard, la perspective d'un coût prévisionnel pour les financeurs publics de 650 millions d'euros en 2013, par rapport au coût actuel de 400 millions d'euros, ne peut laisser indifférent.
Dans ces conditions, il est indéniable que cette réforme était vivement souhaitable, les moyens engagés ne répondant plus aux objectifs initiaux.
Cette réforme s'imposait d'autant plus que les pays voisins, tels l'Allemagne et l'Italie, ont été à l'origine d'un mouvement ces dernières années ; ils ont fait prévaloir des principes et des modalités qui méritent largement d'être retenus, qu'il s'agisse de l'adaptation des mesures aux besoins des majeurs ou de la possibilité d'anticiper l'organisation de sa propre protection.
La réforme qui nous est aujourd'hui soumise fait l'objet d'un large consensus. Elle est en effet ambitieuse et pragmatique.
Elle trace une ligne de partage claire entre les mesures de protection juridique et les mesures d'accompagnement social ; elle réaffirme les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de la protection juridique ; elle replace la personne au centre des régimes ; elle met en place un régime d'accompagnement social spécifique ; elle renforce les acteurs de la protection et devrait améliorer les financements.
Ces orientations ayant été très bien détaillées par les rapporteurs, je concentrerai mon propos sur la protection de la personne et sur l'implication des départements, non sans avoir préalablement salué le remarquable travail accompli par le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, qui a placé notre assemblée à la pointe de ce combat.
La protection de la personne est au coeur de la réforme, et c'est essentiel.
Cette protection se manifeste aussi bien dans la définition des personnes autorisées à demander l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection que dans le choix du protecteur.
Désormais, la communauté de vie et la cohabitation deviennent l'élément majeur permettant d'être requérant, donc partie à la procédure. La loi se met ainsi en conformité avec les moeurs, qui évoluent, et élargit la famille traditionnelle au partenaire du PACS ou au concubin.
Il sera également possible de désigner toute personne qui s'intéresse au majeur comme curateur, ou même comme tuteur, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Il s'agit là d'un très grand progrès. Pour gérer leurs affaires, de nombreuses personnes isolées et sans famille ont choisi l'enfant de leur ami de coeur, leur « filleul » sans lien de parenté, pour garder des liens affectifs souvent plus soutenus que ceux qui les rattachent à des neveux éloignés. Or, actuellement, cette personne si proche par choix ne peut être désignée comme tuteur, ce qui contraint de nommer un tuteur professionnel dans des circonstances où l'affection n'a pas besoin de liens familiaux.
Ce sera également un bon moyen de prévenir les abus de certains mandataires soucieux d'assurer leur enrichissement personnel grâce à la gestion des biens du majeur qui leur est confié.
Dans cet esprit, il me paraît également logique de lever toute immunité familiale afin que le principe de la charge familiale prioritaire, qui est toujours rappelé par la Cour de cassation, ne puisse pas donner prise à des malversations qui restent impunies.
Soucieux de sa conformité à la Convention européenne des droits de l'homme, le projet de loi supprime la possibilité offerte au juge des tutelles de se saisir d'office, ce qui constitue, à mes yeux, un progrès certain.
Je crois néanmoins qu'il serait nécessaire d'aller plus loin pour éviter que le placement sous protection judiciaire ne cause un grave préjudice au justiciable. À cet effet, il faudrait peut-être prendre le réflexe de faire usage de l'article 1261 du nouveau code de procédure civile afin de demander au bâtonnier de commettre un avocat d'office pour assister la personne à protéger dans tous les cas et pour la représenter dans l'hypothèse où son état de santé ne lui permet pas d'être entendue par le juge.
C'est pourquoi j'approuve sans réserve l'amendement de notre collègue Henri de Richemont tendant à modifier l'article 432 du code civil pour permettre au juge de s'opposer à la présence d'un accompagnateur qui ne serait pas avocat.
Enfin, messieurs les ministres, je ne peux conclure sans parler de l'implication des départements et de ses conséquences financières.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues membre du groupe socialiste évoquait les conséquences financières de la décentralisation. En tant qu'élu d'un conseil général depuis un certain nombre d'années, je peux vous assurer que le problème n'est pas nouveau, quelles que soient les mesures de décentralisation adoptées. (M. Charles Gautier s'esclaffe.)
En l'occurrence, la situation n'est pas tout à fait identique. Les départements devront assumer la charge matérielle et financière de l'accompagnement social non judiciaire. Ils mettront en oeuvre la mesure d'accompagnement contractuelle, ce qui nécessitera la création d'un certain nombre de postes de travailleurs sociaux. Il importe donc de tout faire pour maîtriser, s'agissant des départements, le coût des mesures de protection, que ce soit au titre du dispositif social spécifique ou de l'accompagnement judiciaire.
L'impact financier global est estimé jusqu'en 2013. À ce moment-là, il faudra procéder à une évaluation complète de la réforme.
Cela étant, le projet de loi que vous nous présentez, messieurs les ministres, mérite d'être largement approuvé. Les membres du groupe UMP le voteront et forment le voeu qu'il soit adopté à l'unanimité par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il était temps ! Voilà maintenant dix ans que cette réforme était attendue. La déclaration d'urgence, qui n'est pas vraiment justifiée pour un sujet somme toute assez banal, permet au Gouvernement de faire « passer » cette réforme in extremis, alors que le Parlement va suspendre ses travaux en raison des prochaines échéances électorales.
Le sujet pourrait sembler peu important. Pourtant, il touche plus de 700 000 personnes aujourd'hui, comme l'ont rappelé certains orateurs. Et, si l'on se projette dans l'avenir, il est probable que, très rapidement, en tout cas avant l'année 2010, un million de personnes seront concernées.
La protection juridique des majeurs est donc un sujet important. En effet, elle concerne de nombreuses personnes. De surcroît, elle touche les plus fragiles de nos concitoyens. Il s'agit d'abord des malades, incapables de vivre seuls et aussi aujourd'hui, de plus en plus, des personnes se retrouvant dans un dénuement matériel et moral après avoir connu des difficultés d'ordre social.
Le système existant, qui était satisfaisant en 1968, lors de sa création, avait cessé de l'être pour les malades en raison, notamment, de l'allongement de la durée de la vie ; il devait donc être amélioré.
Le système actuel est aussi tout à fait insatisfaisant pour les personnes présentant plus de difficultés sociales que mentales. Il était donc urgent de trouver un système plus adapté pour nos compatriotes en situation de grande exclusion.
Le projet de loi dont nous commençons la discussion aujourd'hui modernise donc les régimes existants de protection juridique des majeurs. Il recentre tout d'abord les tutelles sur les seules personnes atteintes d'une altération mentale. Il renvoie les cas d'exclusion sociale au département, par transfert de compétence, et prévoit un accompagnement social personnalisé ainsi qu'une mesure d'assistance judiciaire.
Ensuite, ce projet de loi privilégie la tutelle familiale et limite au strict nécessaire la mise sous protection judiciaire. Il professionnalise et moralise le secteur des mandataires privés, notamment avec la constitution d'une liste d'agrément.
Enfin, il crée un « mandat de protection future » qui permettra à toute personne de désigner un mandataire pour le jour éventuel où elle ne sera plus autonome, par exemple si elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Ce mandat pourra aussi être utilisé par les parents d'enfants handicapés, ce qui répondra à l'angoisse profonde de ces familles.
À l'Assemblée nationale, la discussion s'est déroulée dans un relatif consensus, comme l'indique le rapport de la commission. Consensus, parce que ce texte est très attendu par les familles et par les professionnels du secteur depuis plus de dix ans, comme je l'ai déjà mentionné. Il est donc question de construire un système efficace et de répondre aux besoins. Mais ce consensus est tout de même relatif puisque plus de 400 amendements ont été déposés sur ce projet de loi lors de son examen au Palais-Bourbon, et que nombre d'entre eux ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement. De plus, il reste de nombreux points sur lesquels nous souhaiterions avoir plus d'informations, de garanties ou d'avancées.
Je me félicite, à cette occasion, des progrès qu'ont réussi à obtenir nos amis députés. Gageons que le Sénat ne sera pas en reste.
En effet, messieurs les ministres, nous déterminerons notre position finale en fonction des réponses que vous nous apporterez, notamment sur le délicat problème des transferts de compétences vers les départements. (Sourires sur le banc des commissions) Je constate une certaine réaction. Chacun comprend aisément que ce point mérite clarification.
À ce jour, aucune évaluation de l'impact de la réforme n'a été transmise aux départements et le texte ne mentionne aucune éventuelle compensation financière pour financer ces charges supplémentaires, malgré certains propos tenus tout à l'heure.
L'Assemblée des départements de France est d'ailleurs très réservée à l'égard de ce texte, en raison non pas des mesures de fond, mais de l'absence de toute garantie de financement des dispositions qu'il contient. D'autant que l'on ignore, je le répète, le nombre de personnes qui seront finalement concernées par ces nouvelles mesures.
Certaines réponses qui nous ont été apportées en commission des lois étaient particulièrement singulières. En effet, on nous a assuré que ces mesures ne coûteraient rien, et cette affirmation a d'ailleurs été répétée tout à l'heure. Mais comme cela n'a pas suffi, on nous a aussi indiqué que, de surcroît, ces dispositions feraient gagner de l'argent. Telle est la trouvaille ! Malheureusement, aucun chiffre n'est venu étayer cette affirmation, qui n'était, par conséquent, pas convaincante. Je constate d'ailleurs que personne ne semble convaincu sur les différentes travées de notre assemblée. Aussi sommes-nous relativement inquiets quant à l'impact de ces mesures sur les finances départementales. Mon collègue Bernard Cazeau en a fait la magistrale démonstration tout à l'heure et nous serons attentifs aux réponses que vous ne manquerez pas de nous apporter, messieurs les ministres.
Notre position sur ce texte dépendra donc, en grande partie, de ces réponses.
Nous devons également nous attarder sur un deuxième point, qui doit être éclairé.
En effet, le texte tend à mettre en place un système permettant à un adulte d'organiser et de prévoir le moment où il aura besoin d'une protection juridique. Il s'agit du mandat de protection future.
C'est une excellente initiative. Cette disposition peut permettre d'éviter d'éventuels conflits au sein des familles et constitue un droit nouveau tout à fait utile à l'évolution de notre société. Grâce à elle, les personnes âgées, qui sont de plus en plus nombreuses, pourront organiser leur avenir en cas de dépendance. On sait qu'aujourd'hui les familles sont bien souvent démunies face à leurs parents et grands-parents en situation de dépendance, alors qu'elles ont elles-mêmes des enfants à charge et que leur situation financière n'est pas toujours très stable.
De plus, le fait d'avoir étendu cette mesure aux parents d'enfants handicapés permet de rassurer ces parents sur la situation de leur enfant lorsqu'ils seront décédés.
Pour le moment, cette disposition peut prendre la forme d'un acte sous seing privé.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas toujours !
M. Charles Gautier. Le débat permettra de déterminer si nous devons, ou non, améliorer cette nouvelle disposition : il me semble que l'acte authentique assurerait une plus grande transparence et éviterait ainsi d'éventuels conflits au sein des familles. Il serait donc pertinent de favoriser cette formule. Nous en reparlerons lors de l'examen des amendements.
Il est un dernier point sur lequel je tiens à attirer votre attention, messieurs les ministres : les amendements déposés par le Gouvernement à la dernière minute, qui sont, comme souvent, de purs cavaliers législatifs. Il s'agit des amendements nos 272, 307, 308 et 309, qui justifieraient à eux seuls un recours devant le Conseil constitutionnel. Dois-je vous rappeler les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office - elles ont connu d'ailleurs de nouvelles péripéties hier - qui ont valu au Gouvernement une censure dans la loi ratifiant l'ordonnance relative à certaines professions de santé ? Il serait bon d'en finir avec de telles pratiques. À cet égard, un véritable consensus se dessine, cette fois, sur toutes les travées de notre assemblée.
Messieurs les ministres, vous avez là nos arguments, tout est maintenant entre vos mains pour que nous réussissions, dans un relatif consensus, à contenter et les familles et les professionnels confrontés aux personnes majeures dépendantes.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les dérives de la tutelle ne datent pas d'hier. Charles Baudelaire lui-même en fut la victime.
M. Nicolas About. Héritier de son père, menant une vie de dandy invétéré, il fut, jeune homme, mis sous tutelle judiciaire à la demande de sa mère et de son beau-père, qui craignaient certainement de le voir dilapider toute sa fortune.
Il y restera toute sa vie et n'aura de cesse de dénoncer la privation des droits à laquelle cette mesure le condamnait. L'auteur des Fleurs du Mal restera brisé par cette « mort civique ».
M. Nicolas About. Au-delà de l'anecdote littéraire, cet exemple illustre à quel point une mesure de tutelle crée, chez les personnes qui en sont l'objet, une souffrance morale et sociale que l'on n'imagine pas.
Outre le fait que l'on confie à un tiers la gestion de ses biens, la personne placée sous tutelle se voit privée de la plupart de ses droits : celui de se marier, de divorcer ou de conclure un PACS, de choisir ses fréquentations si celles-ci affectent son état, de décider de subir une opération chirurgicale ou tout simplement de recevoir des soins dentaires, d'exercer son droit de vote, d'ouvrir un compte bancaire, de conclure ou de résilier un bail, de vendre ses meubles, d'agir en justice, de rédiger un testament ou de faire une donation.
La décision de mise sous tutelle, comme, d'ailleurs, celle de mise sous curatelle ou de sauvegarde de justice, est une décision grave, qui doit être prise par le juge avec retenue et prudence, car, au-delà de la protection du patrimoine, elle engage toute la vie d'une femme ou d'un homme.
Notre devoir de législateur est de veiller à ce que cette décision ultime ne vienne pas porter atteinte aux droits fondamentaux et à la dignité de la personne, d'autant que celle-ci est vulnérable.
C'est un bon projet de loi que nous propose aujourd'hui le Gouvernement, je le dis sans ambages, et je ne reviendrai pas sur les orientations de ce texte, car elles correspondent pleinement à celles que j'avais moi-même fixées, sans vouloir être exhaustif, dans ma proposition de loi.
Recentrer le régime des tutelles sur la protection de la personne et non plus seulement sur celle du patrimoine ? Oui ! J'écrivais même que « la protection patrimoniale ne devait être qu'une conséquence de celle de la personne et non un préalable ».
Donner la priorité à la famille et aux proches ? Oui, sauf si ceux-ci sont défaillants, le recours aux associations tutélaires, ou aux tuteurs privés, devant rester subsidiaire.
Enfin, est prévue la création d'un mandat de protection future permettant à chacun de nous de préparer l'avenir et de désigner par avance la personne de confiance qui sera chargée de nous représenter, en cas d'incapacité ou d'altération grave de nos facultés mentales.
À mon sens, ce dispositif doit être en priorité proposé aux parents ou aux proches d'un enfant handicapé devenu majeur, afin de soulager, autant que possible, l'angoisse qui, tout naturellement, taraude ces personnes lorsqu'elles songent à l'avenir de leur enfant après leur mort, ou si, par malheur, elles devaient elles-mêmes se trouver un jour dans l'incapacité de pouvoir assumer cette responsabilité.
Je vous remercie, messieurs les ministres, d'en avoir compris toute la portée. J'adresse aussi mes remerciements à M. le rapporteur et à Mme le rapporteur pour avis, je salue l'excellence du travail que tous deux, ainsi que les commissions, ont accompli, et je ne veux insister que sur les points qui me paraissent devoir encore être améliorés.
S'agissant du respect des droits de la personne, il me semble que, précisément pour respecter sa dignité et ses droits fondamentaux, cette attention première portée à la personne doit se manifester aussi à chaque étape de la procédure judiciaire de mise sous protection juridique.
Être informé, pouvoir être entendu par le juge - près d'un majeur protégé sur trois n'est pas entendu -, bénéficier d'un recours possible, être défendu sont autant de droits qui doivent se généraliser.
Une mesure de protection sera d'autant mieux vécue et acceptée par la personne à protéger que celle-ci sera davantage associée, dans la mesure du possible, aux décisions la concernant. Comme le texte du Gouvernement le prévoit fort bien, celle-ci doit pouvoir bénéficier, à intervalles courts et réguliers, du réexamen de la mesure par le juge et obtenir plus aisément, si les conditions médicales sont réunies, la révision de son dossier.
Je sais bien que beaucoup de ces mesures relèvent du nouveau code de procédure civile, et qu'il n'appartient pas au législateur d'intervenir dans ce domaine, qui relève pour l'essentiel du pouvoir réglementaire. Néanmoins, je souhaite que nos débats soient l'occasion pour les ministres de prendre l'engagement solennel, devant la représentation nationale, que ces questions seront traitées rapidement par décret.
Le principe de subsidiarité commande aussi de se tourner en priorité vers les familles. Ce sont en effet les familles qui sont les premières à être confrontées à la vulnérabilité de leur proche et ce sont elles qui, la plupart du temps, assument et organisent sa protection. Je rappelle que dans plus de 50 % des cas, c'est la famille qui reçoit la tutelle.
Le projet de loi tend à confirmer cette place prépondérante. Toutefois, il ne prend pas, corrélativement, la mesure de l'aide qu'il faut apporter aux tuteurs familiaux. On ne peut, d'un côté, prôner la professionnalisation des tuteurs extérieurs, renforcer les exigences en termes de formation, de qualification et d'expérience professionnelle des délégués à la tutelle et, de l'autre, négliger les familles, les laisser se débrouiller avec les règles de procédure et de contrôle, les droits et les obligations attachés à la charge tutélaire que le juge leur confie.
Je prône, pour ma part, un droit à l'information et à la formation minimum des familles, dès la procédure d'ouverture d'une tutelle.
Le contrôle ne saurait non plus être absent, car la présence de la famille ou d'un proche ne saurait écarter a priori les risques d'abus ou de dérives.
La maltraitance d'une personne handicapée ou âgée peut provenir, malheureusement, des membres de la famille eux-mêmes. En matière de tutelle, les escroqueries familiales sont plus difficilement sanctionnées pénalement, sauf à faire condamner le parent en tant que tuteur, mais il faut un dépôt de plainte. On voit la difficulté.
Je termine mon propos sur une proposition qui me tient particulièrement à coeur et dont nous avons déjà débattu ensemble lors de l'examen du projet de loi sur le handicap, monsieur Philippe Bas.
M. Nicolas About. À l'époque, vous m'aviez demandé d'attendre le futur projet de loi sur les tutelles : nous y sommes ! Il s'agit de la question du droit de vote.
M. Nicolas About. Selon les termes mêmes de la Constitution, le droit de vote est - faut-il le rappeler ? - universel. Or, vous le savez, mes chers collègues, 700 000 de nos concitoyens sont actuellement privés de leurs droits électoraux (M. le président de la commission des lois s'exclame), non pas parce qu'ils ont commis un crime ou un délit, non pas parce qu'ils sont des délinquants, mais parce qu'ils ont été placés sous tutelle. Et ce chiffre augmente de 10 % par an. Cette situation est absolument inédite en Europe : la France détient ce triste record.
Pourtant, revenons aux sources de la loi de 1968. Le critère de mise en oeuvre des régimes de tutelle, c'est l'incapacité du majeur à défendre ses intérêts patrimoniaux personnels. Or, exprimer un vote, c'est participer à la délibération collective, et cela n'a rien à voir avec la gestion des intérêts strictement personnels.
Le parallèle sur lequel repose la loi actuelle entre intérêts privés et vie collective est absolument vide de sens. Sur le plan démocratique, tout citoyen a le droit de participer à la désignation collective de ceux qui le représentent.
Y aurait-il danger, pour un adulte protégé, de voter ? Danger, peut-être, d'être trompé par des promesses abusives ou mensongères ?
M. Charles Gautier. C'est possible !
M. Nicolas About. Danger, peut-être, de n'être pas capable de chiffrer le programme des candidats ? (Sourires sur les travées de l'UMP.) Je n'arrive pas à le croire ! Tout autant que, malheureusement, beaucoup de Français, il peut à la fois se laisser berner par des promesses abusives et ne pas savoir chiffrer le programme des candidats. (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Alain Vasselle. C'est d'actualité !
M. Nicolas About. C'est pourquoi je défendrai un amendement « inversé », qui vise à rétablir le droit de vote des majeurs sous tutelle, comme dans la plupart des pays, faisant de cette privation de droits civiques non plus la règle, mais l'exception.
En effet, reprenant le principe de subsidiarité, il faut conserver au juge la possibilité d'interdire l'inscription d'un majeur protégé sur les listes électorales, mais uniquement en cas d'« incapacité absolue ». Dans ce cas précis, le majeur doit toutefois conserver le droit d'être représenté pour voter.
Aujourd'hui, la loi nous permet déjà de désigner une personne de confiance pour effectuer à notre place des choix thérapeutiques majeurs, lorsque nous serons hors d'état d'exprimer notre volonté : c'est la loi sur la fin de vie. Il sera également possible, si le présent texte est adopté, de choisir la personne qui nous représentera dans les actes de la vie civile, au cas où nous serions dans l'incapacité mentale de le faire : c'est le mandat de protection future. Pourquoi ne pourrions-nous pas, dans ces conditions, désigner à l'avance la personne chargée de nous représenter pour voter ?
Le droit de vote par procuration est prévu quand un électeur part en vacances. Être placé sous protection constitue-t-il une faute plus grave que de partir en vacances en période électorale ? Je pense le contraire.
Cette privation de droit est - disons-le - une véritable injure à l'égard d'une personne placée sous tutelle. Cette injustice légale, qui légitime une désocialisation, est contraire aux droits fondamentaux et se révèle, de plus, anti-thérapeutique. L'objectif de la loi doit être non pas de faire définitivement de la personne un « incapable », mais bien de l'aider à retrouver un jour ses capacités.
Je vous remercie par avance, mes chers collègues, de tenir compte de mes arguments lors de vos votes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il est difficile de s'exprimer après les brillants exposés de M. About, de Mme et M. les rapporteurs et de MM. les ministres.
Pour ma part, je n'apporterai qu'une modeste contribution à ce débat, pour tenter simplement d'obtenir un éclairage de la part du Gouvernement sur certains points du texte.
Au préalable, je voudrais dire combien j'ai été impressionné par la grande qualité des rapports de Mme Bernadette Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, et de M. Henri de Richemont, au nom de la commission des lois. J'ai d'ailleurs pu admirer tout à l'heure dans leurs interventions la manière dont ils ont exposé, avec beaucoup de clarté et de pédagogie, les tenants et les aboutissants d'un texte tout de même très complexe.
Pour maîtriser un tel sujet, il faut en effet être un vrai initié. Mme Bernadette Dupont l'a rappelé, aujourd'hui, force est de reconnaître que nombre de tuteurs, l'un des parents la plupart du temps, au-delà du simple lien affectif ou du lien de proximité qui les unissent au mineur ou au majeur placé sous protection, n'ont pas la formation requise pour connaître toutes les arcanes de la justice et se familiariser avec la complexité du règlement et de la loi.
Il est heureux que nous puissions progresser sur ce sujet. M. About a insisté à juste titre sur l'intérêt et la nécessité de prévoir une formation juridique, économique et sociale pour les tuteurs, familiaux ou non, afin qu'ils puissent défendre au mieux les intérêts des majeurs ou des mineurs.
Je tiens, en écho aux derniers propos de M. About, à revenir sur le droit de vote. Ses remarques m'ont interpellé car c'est une question à laquelle je pense depuis longtemps. Je connais ainsi de très près la situation d'une jeune handicapée mentale, qui, pendant un temps, a pu voter.
M. Nicolas About. Eh oui ! Comme cela se fait dans tous les autres pays d'Europe !
M. Alain Vasselle. Or, le père a un jour fait spontanément la démarche auprès du tribunal pour demander sa mise sous tutelle, en vue, bien entendu, de préparer son avenir et de la protéger. Le fait d'avoir saisi le juge des tutelles a eu une conséquence immédiate : cette jeune fille a perdu son droit de vote !
M. Nicolas About. Eh voilà ! Il n'y a qu'en France que cela arrive !
M. Alain Vasselle. Cet exemple devrait tous nous interpeller. Toutes ces personnes ne devraient-elles pas avoir le pouvoir de s'exprimer lors des grandes consultations ? À mon avis, cela mérite que nous y réfléchissions.
Peut-être allons-nous nous heurter à des problèmes fondamentaux d'ordre juridique. N'étant pas juriste de formation, j'ai appris le droit lorsque je suis devenu parlementaire, en essayant de m'y familiariser au fil du temps. J'ai du reste encore beaucoup à apprendre non seulement du président de la commission des lois, qui est un orfèvre en la matière,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Merci, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle. ...mais aussi de mes collègues. Je m'efforce donc d'apporter ma modeste contribution sur tous ces sujets, quitte à parfois recueillir les foudres du président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !
M. Alain Vasselle. Mais je me réjouis que le Parlement fasse preuve de bon sens, en faisant parfois passer des amendements contre la volonté du président de la commission des lois, du rapporteur et du Gouvernement, tout simplement parce que leur adoption permet de répondre à des besoins précis.
Malgré tout, nous le savons bien, nous n'avons pas toujours le dernier mot, et la commission mixte paritaire sait remettre bon ordre à tout cela, n'est-il pas, monsieur Hyest ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous prenez d'utiles précautions, mon cher collègue !
M. Alain Vasselle. Au demeurant, ne l'oublions pas, lorsque nous nous exprimons ici, depuis ces travées, nous ne le faisons pas forcément toujours à titre personnel, au vu de l'expérience qui est la nôtre, mais nous nous faisons également l'écho de ce que nous entendons sur le terrain de la part de nos concitoyens. Il est de notre devoir d'agir ainsi et d'appeler l'attention de nos gouvernants sur ces différents points.
Cela étant dit, messieurs les ministres, je voudrais vous saluer et, à travers vous, l'ensemble du Gouvernement, qui a effectué un travail très important au cours des cinq dernières années.
Rappelez-vous, mes chers collègues, tous les textes qui ont été adoptés pendant cette période : loi relative à la modernisation sociale ; loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. En outre, le Parlement est en train d'examiner le projet de loi réformant la protection de l'enfance.
Ce sont autant de textes qui traduisent notre volonté d'agir pour renforcer les droits et la participation de nos concitoyens les plus vulnérables.
Le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui clôt cette législature, vient donc compléter cette longue liste. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car l'actuel dispositif de protection juridique des majeurs, totalement inadapté, dévié de son objectif initial et bien souvent injuste, nécessitait une profonde remise à plat. Nous y voilà !
Établir une ligne de partage claire entre ce qui relève de la protection juridique et ce qui dépend de la protection sociale, réaffirmer les principes fondamentaux de la protection, placer la personne vulnérable au centre de sa protection, rénover l'activité des tuteurs professionnels, confirmer le rôle primordial de la famille, tels sont les objectifs louables de ce texte.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, comme je le disais au début de mon propos, je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points.
Je commencerai ainsi par la famille.
Avec le renforcement du principe de priorité familiale, je constate que la famille est replacée au coeur de cette réforme. C'était indispensable, car, dans une société où les liens se délitent, où la solidarité familiale tend à se perdre, il était important de réaffirmer le rôle des proches.
De surcroît, nombre de familles souffraient de ne pas être davantage associées aux procédures judiciaires. Elles le seront désormais : la tutelle familiale sera encouragée, et je souhaite qu'elle puisse être accompagnée.
Monsieur le garde des sceaux, je me permets d'appeler plus particulièrement votre attention sur l'article 398 du code civil, lequel dispose que la tutelle des mineurs est toujours organisée avec un conseil de famille, même en présence d'un tuteur testamentaire. Une exception est néanmoins prévue, celle de la vacance de la tutelle. Or cet article se distingue des dispositions prévues pour les majeurs au nouvel article 456 du même code, qui ne prévoit pas de caractère systématique à la mise en place d'un conseil de famille.
La « systématicité » de l'existence de cet organe tutélaire est contestée par certains, qui y voient une source de lourdeurs et de conflits dans le cas des tutelles de mineurs disposant d'un faible patrimoine. Je considère, pour ma part, qu'elle se justifie pleinement, et ce même en cas de vacance de la charge tutélaire, c'est-à-dire l'impossibilité pour le juge de confier la tutelle à un des membres de la famille.
Le transfert de la charge tutélaire à la collectivité publique, c'est-à-dire le département, ne doit pas priver l'enfant d'un conseil de famille dans lequel peut siéger, outre les membres de sa famille, toute personne qui manifeste un intérêt pour lui. Ce peut être un voisin ou un ami, c'est en tout cas un proche dont le rôle peut s'avérer utile dans l'accompagnement et la protection du mineur.
Puisque de tels liens ne doivent pas, selon moi, être négligés, j'ai déposé deux amendements en ce sens, portant notamment sur l'article 411 du code civil. J'espère qu'ils retiendront votre attention.
Le deuxième point que je souhaitais aborder concerne les conditions d'ouverture de la mesure de protection judiciaire.
À cet égard, l'article 430 du code civil précise la liste des personnes pouvant saisir le juge d'une demande d'ouverture d'une mesure judiciaire de protection.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a permis à toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables de demander au juge des tutelles l'ouverture d'une mesure de protection, même lorsque cette personne ne réside pas avec le majeur. M. Guy Geoffroy a d'ailleurs indiqué que cette disposition permettrait, par exemple, « aux voisins d'une personne vivant dans des foyers-résidences de demander une mesure de protection en faveur de cette personne, ce qui peut être utile lorsque la personne en question n'est pas entourée par sa famille ». Soit !
Mais la requête est un acte fort, c'est une prérogative importante, loin d'être anodine. Aussi cette expression « liens étroits et stables » suscite-t-elle ici une interrogation de ma part. Existe-t-il en effet une définition juridique de cette notion ? Qu'entend-t-on exactement par « lien étroit et stable » ? Quels en sont les critères ? Que dit la jurisprudence sur ce point ? Il me serait donc agréable d'être éclairé sur cette notion de stabilité et de connaître la manière dont les juges interprètent le droit en la matière.
Le troisième point sur lequel je me suis interrogé porte sur l'accompagnement social des familles.
Destiné à venir en aide aux personnes en situation de détresse sociale, le système d'accompagnement mis en place constitue l'une des grandes avancées de cette réforme, et ce pour deux raisons. D'une part, parce qu'il permet d'établir une ligne de partage claire entre la protection juridique et la protection sociale. D'autre part, parce qu'il est la traduction concrète du principe de subsidiarité dans le prononcé des mesures.
Ainsi, toute personne majeure dont la santé ou la sécurité risque d'être compromise du fait de ses difficultés à assurer seule la gestion de ses ressources se verra aidée dans son parcours et dans la gestion de ses revenus. À chaque situation, la réponse la plus adaptée sera donc désormais fournie.
Le fait de diminuer ou de supprimer la capacité juridique pour des considérations essentiellement sociales relevait, il est vrai, d'un système dévié et injuste, et il était temps d'y remédier.
Toutefois, sur ce sujet, je me permets de formuler deux remarques plus précises.
Premièrement, s'agissant de l'aide à la gestion des ressources, je rejoins les observations faites par Mme le rapporteur pour avis. Je considère en effet que l'aide apportée par le conseil général dans la gestion des revenus ne doit pas se limiter aux seules prestations sociales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah !
M. Alain Vasselle. Certes, le revenu du public concerné par ces mesures sera essentiellement composé des prestations sociales. Mais « essentiellement » ne signifie pas « totalement » : il faut donc tenir compte des éventuelles autres ressources. C'est dans l'intérêt du majeur, c'est dans l'intérêt de la famille.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Bien sûr, le conseil général n'a pas vocation à gérer les ressources autres que sociales. Mais les revenus forment un tout, et c'est ce tout qui garantit la sécurité et la santé des individus.
Telles sont les motivations qui ont présidé au dépôt de mes amendements en la matière, dont l'objet rejoint d'ailleurs celui des amendements de la commission des affaires sociales.
Deuxièmement, dans certaines situations, le simple accompagnement social ne me paraît pas être suffisant. Si cette question n'est peut-être pas du ressort du présent texte, j'aimerais cependant avoir des éclaircissements afin d'apaiser mes inquiétudes.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi donc d'évoquer ces situations, car elles ne sont pas rares et ne sont pas sans poser de graves difficultés aux élus que nous sommes, en tout cas, à l'élu que je suis.
J'en fais en effet l'expérience dans ma commune, ou plutôt dans ma toute petite commune puisque celle-ci ne compte que 184 habitants.
M. Alain Vasselle. Toutefois, ce n'est pas dans les plus petites communes qu'il y a le moins de problèmes. Car nous y sommes très proches de nos concitoyens et nous y vivons les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien.
Or il est des personnes dont la santé et la sécurité sont compromises du fait d'une difficulté à assurer la gestion de leurs ressources, mais cette difficulté n'est malheureusement pas toujours de leur fait.
En effet, il est des mineurs ou des majeurs qui, de par leur comportement, sont considérés comme des asociaux. M. le rapporteur de la commission des lois a d'ailleurs utilisé un terme quelque peu diplomatique en les qualifiant de « polissons ». Ces individus, tombés dans la délinquance, dévient les ressources de la famille à leur profit, pour financer des dépenses incompatibles avec les besoins fondamentaux de ladite famille.
Je pourrais vous citer des exemples concrets que je connais dans ma commune, sous couvert, bien sûr, de l'anonymat, car il est de mon devoir de protéger les noms de ces personnes.
Les maires confrontés à ces problèmes sont dans l'incapacité d'y apporter des réponses efficaces. Face à de telles situations, je considère que l'accompagnement social individuel ne suffit pas. L'accompagnement judiciaire me paraît ici nécessaire : le maire devrait ainsi pouvoir saisir le juge à cette fin.
Monsieur le garde des sceaux, j'aimerais avoir des éléments de réponse sur ce point. Y aura-t-il d'autres textes qui permettront de répondre à ces questions, et, si oui, dans quelle mesure ? Si tel était le cas, je serais rassuré ; en tout état de cause, j'ai besoin d'être informé.
J'évoquerai maintenant le financement du dispositif, lequel, d'après le texte, est partagé entre l'État, les conseils généraux et la sécurité sociale. Du reste, monsieur Philippe Bas, vous ne vous étonnerez pas que je m'intéresse à la charge qui risque d'échoir à la sécurité sociale pour des dépenses qui se rapprochent des dépenses à caractère social.
Pourriez-vous donc m'indiquer la clé de répartition entre les trois « financeurs » prévus ? Quel sera le montant exact des recettes transférées à la sécurité sociale pour financer ce dispositif ? Si, jusqu'à présent, vous avez surtout entendu des présidents de conseil général s'inquiéter de la charge qui retombera sur les départements, permettez-moi de m'inquiéter de celle qui en résultera pour la sécurité sociale !
M. Nicolas About. Très bien !
M. Alain Vasselle. Pour finir, je souhaiterais simplement être rassuré sur deux points, qui sont à tort considérés comme des points de détail.
Il s'agit, d'abord, de l'indemnisation des personnes physiques chargées de mesures de protection, même lorsqu'elles ont un lien familial très proche avec le protégé.
Il s'agit, ensuite, de la nature des ressources prises en compte pour le calcul des frais de gestion des mesures de protection. J'aimerais avoir la confirmation que l'APL, l'aide personnalisée au logement, en est bien exclue.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien le sujet, et sûrement aussi M. le garde des sceaux, puisqu'il a été député. Nous le savons tous, lorsque le gouvernement précédent a créé la CMUC, la couverture maladie universelle complémentaire, il a prévu un plafond de ressources.
À l'époque, nous autres, nous nous étions inquiétés d'un tel plafond, car il excluait du bénéfice de la CMUC tous ceux qui bénéficiaient des minima sociaux, le minimum vieillesse et l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés.
M. Nicolas About. C'est fait exprès !
M. Alain Vasselle. Eu égard aux demandes, il y a eu une revalorisation au fil du temps, à la fois des différents plafonds et des ressources.
Prenons le cas d'un jeune handicapé hébergé dans une structure d'accueil et bénéficiant de l'APL pour son logement. Tenez-vous bien : l'APL entre dans le calcul de ses ressources pour l'accès au bénéfice de la CMUC ! C'est scandaleux et inadmissible !
Par conséquent, je ne voudrais pas qu'il en soit également ainsi pour ce qui concerne la participation financière aux frais de gestion de la tutelle. J'ai donc besoin d'être rassuré sur ce point.
Messieurs les ministres, sous le bénéfice des amendements que vous accepterez, qu'ils émanent de notre initiative, de celle de la commission des lois ou de celle de la commission des affaires sociales, le groupe UMP, et je rejoins ainsi la position exprimée par notre collègue Alain Fouché, vous apportera son soutien et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais répondre, en quelques mots, sur certains points que vous avez soulevés, tout en m'excusant, par avance, de ne pas être exhaustif. Mais il est bien entendu que, lors de la discussion des articles, tant Philippe Bas que moi-même tenterons de répondre à l'ensemble de vos interrogations.
Monsieur de Richemont, je tiens de nouveau à vous remercier pour le travail que vous avez accompli et pour les améliorations que vous proposez d'apporter au texte du Gouvernement, amendé par l'Assemblée nationale, qui nous permettront de parvenir à des solutions équilibrées et pragmatiques préservant l'économie générale de cette réforme, laquelle est marquée par l'affirmation des principes de proportionnalité et de subsidiarité de la protection judiciaire, ainsi que par la consécration de la liberté civile, avec l'instauration du mandat de protection future.
Madame Dupont, vous avez évoqué la question des personnes sous tutelle qui partent vivre à l'étranger. Je partage votre préoccupation et votre souci de trouver une solution adaptée. Un amendement opportun de la commission des lois me semble satisfaire votre demande. Son objectif est clair : il s'agit de ne pas rendre automatique la fin d'une mesure de tutelle en France en cas de départ à l'étranger et d'ouvrir cette possibilité, en cas d'accord de la personne, lorsque le suivi de la personne n'est plus possible par le juge des tutelles français. Nous reviendrons sur cette question à l'occasion de l'examen de cet amendement.
Madame Mathon-Poinat, vous avez souhaité que le fonctionnement pratique du nouveau dispositif soit amélioré, en évoquant notamment trois points.
S'agissant du coût du certificat médical, préoccupation que vous partagez avec M. Détraigne, je voudrais vous rassurer : le Gouvernement a souhaité prendre en compte la situation des plus défavorisés, en prévoyant une tarification de ce certificat médical selon un décret pris en Conseil d'État.
Concernant l'audition de la personne protégée, je partage votre préoccupation d'organiser cette audition dans les meilleures conditions et le plus souvent possible. La question sera évoquée au cours de la discussion des articles et trouvera, j'en suis certain, une réponse équilibrée.
Quant au mandat de protection future sous seing privé, je peux d'ores et déjà vous dire que, grâce à votre commission des lois, une solution équilibrée a été trouvée, qui permet d'avoir recours à un modèle type, élaboré par décret en Conseil d'État.
MM. Cazeau et Détraigne m'ont tous deux interrogé sur les moyens consacrés à cette réforme.
Comme vous le savez, il existe, actuellement, environ 80 équivalents temps plein de juges des tutelles. Il est prévu une importante augmentation des effectifs de magistrats et de fonctionnaires au service de cette réforme. Ainsi seront créés, en équivalents temps plein, 22 postes de juges des tutelles, 7 postes de magistrats du parquet, 51 postes de greffiers et 5 postes de greffiers en chef.
Monsieur Détraigne, vous avez souligné l'importance du mandat de protection future, notamment pour les parents d'enfants handicapés, afin de permettre à ces parents d'organiser à l'avance la prise en charge de leur enfant le jour où ils ne pourront plus l'assumer eux-mêmes, en la confiant à un proche ou à un tiers digne de confiance. Cet outil, importé du Québec et d'Allemagne, permettra de répondre, avec humanité, à des situations concrètes comme celles que vous avez évoquées et c'est pourquoi le Gouvernement a souhaité l'introduire enfin dans notre droit positif. Ces mandats pourront être conclus dès la promulgation de la loi.
Monsieur Fouché, vous vous êtes félicité, à juste titre, de la suppression de la saisine d'office du juge. Comme vous, je crois nécessaire de mettre en place un filtre, rôle qui, compte tenu de l'augmentation du nombre de substituts, sera dorénavant confié au parquet. La réforme permettra ainsi d'éviter un recours trop rapide à une mesure de protection judiciaire non justifiée.
Monsieur Gautier, vous avez parlé d'un consensus prudent sur cette réforme : cela signifie que vous en approuvez totalement la finalité (M. Nicolas About sourit), et je m'en réjouis.
S'agissant du mandat de protection future, je le répète, le Gouvernement est très attaché aux deux types de mandats créés, qui correspondent à des situations très différentes.
Le mandat sous seing privé, qui sera amélioré grâce à un amendement de votre commission des lois, a pour finalité de répondre aux situations les moins lourdes, en permettant des actes de gestion courants ou de conservation. Quant au mandat notarié, qui constitue la deuxième solution, il sera étendu aux actes de disposition. Là encore, c'est un souci d'équilibre et de pragmatisme qui a inspiré la volonté du Gouvernement.
Monsieur About, vous avez souligné la nécessité d'entendre systématiquement la personne mise sous tutelle, afin d'assurer la sauvegarde de ses droits fondamentaux. Le Gouvernement veillera, au travers des mesures règlementaires qu'il prendra, à la satisfaction de cet impératif.
M. Nicolas About. Merci !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Vasselle, au cours de votre intervention, après avoir fait acte de modestie pendant un long moment (Sourires), vous avez rappelé la nécessité d'associer plus étroitement la famille aux mesures de protection. C'est également la volonté du Gouvernement, et nombre de dispositions du projet de loi le permettent. Force est cependant de constater que, dans certains cas, la famille est absente ou inexistante. Je m'efforcerai de répondre à vos interrogations dans la mesure du possible lors de l'examen des amendements que vous avez déposés sur cette question.
Voilà les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. C'est avec bonheur que je laisse la parole à mon collègue Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est également avec bonheur que j'ai écouté M. le garde des sceaux ! (Sourires.)
Je souhaite tout d'abord remercier les deux rapporteurs pour leur analyse de cette réforme. Ils se sont d'ailleurs exprimés, l'un et l'autre, en des termes comparables sur un certain nombre de points. Ce que nous souhaitons établir avec vous, M. le garde des sceaux et moi-même, c'est une ligne de partage claire entre la protection juridique et l'accompagnement social. Nous estimons, nous aussi, qu'il est très important de prévoir une révision quinquennale des mesures de tutelle.
Nous aurons bien sûr des débats sur d'autres points, notamment sur la question de l'extension, ou non, à l'ensemble des ressources de la mesure d'accompagnement social. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a adopté sur ce sujet une position très claire, fondée sur une philosophie simple. Pour nous, il s'agit de mobiliser les moyens d'accompagnement pour faire en sorte qu'une personne puisse survivre, non pas grâce à une mesure de tutelle, mais grâce à une mesure d'accompagnement social. Il n'est nul besoin, pour cela, de connaître toute l'étendue de ses ressources. Il faut simplement veiller à ce que les ressources minimales, provenant, par exemple, du RMI, soient bien utilisées pour la personne.
On pourrait être exhaustif. Mais le mieux est parfois l'ennemi du bien. En l'occurrence, il créerait une charge supplémentaire pour ceux qui devront s'occuper de la personne. Or l'objectif est non pas une bonne gestion de l'ensemble des biens, mais que cette personne puisse survivre dans de bonnes conditions matérielles avec le revenu qu'elle tire d'un minimum social.
Vous avez également soulevé, madame, monsieur les rapporteurs, la question des préposés travaillant dans les établissements médico-sociaux. Ce débat mérite d'avoir lieu et nous l'approfondirons dans la suite de la discussion.
Comme l'a souligné Mme Dupont, le renforcement de l'aide aux familles est un point important de cette réforme. On aurait en effet tendance à oublier que les familles sont, dans notre pays, les principales responsables des tutelles, puisqu'elles exercent directement plus de 50 % des tutelles. Il faut donc leur rendre hommage. Si les familles ne faisaient pas ce travail « en nature », avec toute l'affection et le sérieux dont elles font preuve, nous ne pourrions pas, aujourd'hui, faire face à toutes ces tutelles et il faudrait, en quelque sorte, les collectiviser.
Vous avez insisté, madame le rapporteur, sur la nécessité de mettre en place une liste nationale afin d'éviter que les mandataires interdits dans un département ne s'inscrivent dans un autre département. Nous en avions déjà débattu et, après réflexion, je vous indique que je suivrai votre avis sur ce point.
La question de la récupération sur succession est délicate. À partir du moment où l'on admet que, par principe, les frais de la tutelle sont financés à partir des ressources de la personne sous tutelle, on peut s'interroger sur la légitimité de ne pas récupérer cette somme sur la succession. En effet, si cette somme n'est pas récupérée sur la succession, alors même que la famille avait les moyens, liés aux ressources de la personne sous tutelle, de financer les frais de tutelle, cela signifie que ce sont d'autres familles qui paient à sa place.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
M. Nicolas About. C'est pareil pour le RMI !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Recourir à la solidarité collective plutôt qu'à la solidarité familiale, c'est un choix. Mais il faut le poser clairement et l'assumer. Le débat que nous aurons lors de la discussion des articles sera, à cet égard, fort utile.
MM. Gautier et Cazeau se sont inquiétés des dispositions financières de la réforme. Nous avons mené un travail très approfondi avec l'Assemblée des départements de France. Nous ne sommes pas en désaccord avec elle sur les évaluations chiffrées. Cependant, comme nous sommes, les uns et les autres, prudents, nous avons prévu, à l'article 27 du projet de loi, qu'il sera procédé, à partir de 2010 et jusqu'en 2015, à une évaluation annuelle du solde de la balance entre les économies réalisées par le département, qui seront très importantes, comme M. le garde des sceaux le sait, et les dépenses supplémentaires liées aux mesures d'accompagnement social.
Je souhaite rappeler les règles, très simples, qui s'appliquent en la matière.
Le principe, qui n'a pas changé, est la suivant : la personne sous tutelle paie, avec ses propres ressources, les frais de tutelle.
Mais lorsque les ressources de la personne sont très faibles et c'est le cas quand il s'agit d'un minimum social, comme le RMI, par exception à la règle de base, c'est la collectivité versant ce revenu de subsistance qui paie les frais de tutelle. L'application de cette règle engendre des charges importantes pour le département, car il verse non seulement le RMI, mais aussi d'autres prestations.
M. Nicolas About. Il faut récupérer auprès des familles !
M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est précisément pour lui éviter d'avoir à supporter de telles charges que M. le garde des sceaux et moi-même, après nous être particulièrement appesantis sur ce point, avons inscrit dans le projet de loi que, par exception, le département ne paiera pas les frais de tutelle pour les prestations qu'il sert aux allocataires. Et puisqu'il ne les paiera pas, c'est l'État qui assumera cette charge. D'où cette évaluation, non démentie, selon laquelle, sur le plan national, le montant total annuel des économies ainsi réalisées par les départements s'élèvera, en 2009, à 73 millions d'euros.
Certes, à côté de cette économie, les départements devront faire face à une certaine dépense, mais il s'agit d'une implication nécessaire de la réforme. Lorsqu'on agit par le truchement de l'action sociale là où la justice intervenait auparavant, par le biais de mesures judiciaires, c'est la collectivité responsable de l'action sociale qui doit assumer cette action.
Nous espérons que la charge sera réelle puisque nous voulons éviter que la justice n'intervienne dans un certain nombre de cas où cela n'est pas nécessaire, préférant, quant à nous, l'intervention de l'action sociale des départements. C'est donc le solde entre cette charge et cette économie - charge hypothétique, économie certaine - qui conduira, pour les départements, soit à une neutralité financière, comme nous pouvons le penser à travers nos évaluations, soit, si nous nous sommes trompés, à un gain ou une dépense. Et parce que nous voulons en avoir le coeur net et que nous ne nous contentons pas de projections, compte tenu des aléas inhérents à celles-ci comme à toute projection, nous avons prévu une clause de revoyure, de manière que l'État et les départements puissent suivre année après année les effets financiers de la réforme.
Il s'agit là d'un point sur lequel beaucoup d'entre vous ont exprimé des inquiétudes et à propos duquel je tenais à apporter un certain nombre de précisions.
Mme Mathon-Poinat a évoqué l'insuffisance du nombre de contrôles. Je partage cette opinion et c'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit le développement de ces contrôles. Cette mesure était tout à fait indispensable.
Monsieur Détraigne, je crois avoir répondu à la préoccupation que vous avez formulée concernant les transferts de charges.
Vous suggérez d'instituer un diplôme national pour les mandataires. Il s'agit d'une question très délicate. En effet, si notre objectif est, certes, de professionnaliser, il reste que les origines professionnelles des mandataires sont aujourd'hui très variées, et nous ne voulons pas mettre fin à cette variété. Autant le certificat de compétence que nous instituons nous paraît utile et adapté, autant la mise en place d'une véritable profession de mandataire avec un cursus universitaire spécifique nous semble excessive.
Monsieur Fouché, je suis d'accord avec vous : il était essentiel que les personnes soient au coeur de la réforme. À cet égard, la désignation d'un proche comme tuteur, ainsi que vous l'avez fort bien dit, prend en compte un certain nombre d'évolutions sociales de manière positive.
Je voudrais maintenant répondre à M. Vasselle au sujet de la sécurité sociale.
En l'absence de réforme, la sécurité sociale débourserait, en 2008, 174 millions d'euros pour la prise en charge des frais de tutelle, pour les prestations qu'elle sert, qu'il s'agisse de l'allocation aux adultes handicapés, des pensions de retraite ou des prestations familiales, la même règle, que j'ai rappelée tout à l'heure, s'appliquant à tous les financeurs.
Enfin, je m'adresserai à M. About qui nous a abondamment entretenus d'une question très grave, celle du droit de vote.
Vous avez dit, monsieur About, que nos régimes de tutelle ont le souci protéger les personnes et que cette aspiration de devait pas emporter, comme si cela allait de soi, privation de l'exercice de droits civiques et, en particulier, du droit de vote.
La règle, aujourd'hui, est la suivante : toute personne handicapée mentale placée sous tutelle est effectivement privée de son droit de vote. Cependant, le juge peut la relever de cette privation L'expérience nous en offre d'ailleurs de nombreux exemples. C'est ainsi qu'une personne trisomique peut se prononcer sur les choix politiques fondamentaux. En effet, nous ne sommes plus au temps du suffrage censitaire et on ne vérifie pas les qualifications intellectuelles de chacun de nos compatriotes avant de lui reconnaître le droit de vote.
M. Nicolas About. Heureusement !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Par conséquent, les différences existant en matière de capacités intellectuelles ne doivent pas, de facto, - je vous rejoins sur ce point, monsieur About - entraîner une quelconque différenciation du point de vue de l'exercice des droits civiques.
Bien sûr, l'on peut se demander quelle est la meilleure formule : faut-il poser comme principe que le droit de vote est suspendu pour la personne sous tutelle et permettre son rétablissement par décision du juge, ou faut-il poser comme principe que le droit de vote continue à s'exercer sauf décision contraire du juge ? Il s'agit là d'un débat qui, à mes yeux, est pleinement justifié et sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au cours de la discussion des articles. En tout cas, monsieur About, je vous remercie d'avoir soulevé cette question.
M. Nicolas About. Ces personnes ne sont pas des délinquants !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL
Article 1er
Le livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° A L'article 393 est abrogé ;
1° L'article 427 devient l'article 393 et les articles 476 à 487 deviennent les articles 413- 1 à 413- 8 ;
2° Dans l'article 413-5, tel qu'il résulte du 1°, la référence à l'article 471 est remplacée par la référence à l'article 514 ;
3° Le titre XII devient le titre XIII.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier comme suit cet article :
I. Supprimer le 1°A.
II. En conséquence, rédiger comme suit le 1° :
1° Les articles 476 à 482 deviennent les articles 413-1 à 413-7 et l'article 487 devient l'article 413-8.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer des dispositions redondantes avec celles qui sont prévues par l'article 4 du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le titre X du livre Ier du même code est ainsi intitulé : « De la minorité et de l'émancipation ».
Il est ainsi organisé : « Chapitre Ier. - De la minorité » comprenant les articles 388 à 388- 3, suivis de deux sections ainsi intitulées et composées : « Section 1. - De l'administration légale », comprenant les articles 389 à 389-7, « Section 2. - De la tutelle », comprenant les deux sous-sections suivantes : « Sous-section 1. - Des cas d'ouverture de la tutelle », comprenant les articles 390 à 392, et « Sous-section 2. - De l'organisation et du fonctionnement de la tutelle », comprenant l'article 393 suivi de six paragraphes ainsi intitulés et composés : « Paragraphe 1. - Des charges tutélaires », comprenant les articles 394 à 397, « Paragraphe 2. - Du conseil de famille », comprenant les articles 398 à 402, « Paragraphe 3. - Du tuteur », comprenant les articles 403 à 408, « Paragraphe 4. - Du subrogé tuteur », comprenant les articles 409 et 410, « Paragraphe 5. - De la vacance de la tutelle », comprenant l'article 411, et « Paragraphe 6. - De la responsabilité », comprenant les articles 412 et 413, et « Chapitre II. - De l'émancipation » comprenant les articles 413- 1 à 413- 8.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier comme suit le second alinéa de cet article :
1°Remplacer la référence :
« 392 »
par la référence :
« 393 »
2°Supprimer les mots :
« l'article 393 suivi de »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 177 rectifié bis, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article 60 du code civil, le mot :
« incapable »
est remplacé par les mots :
« majeur protégé ».
La parole est à M. Nicolas About
M. Nicolas About. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je voudrais tout d'abord présenter mes excuses à M. About, car j'ai oublié de signaler dans mon intervention liminaire que la commission des lois avait également examiné sa proposition de loi.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 177 rectifié bis, ce n'est pas, selon moi, un amendement de coordination, puisqu'il vise à remplacer, dans l'article 60 du code civil, le mot « incapable » par les mots « majeur protégé ».
Il est vrai que nous avons essayé de procéder à cette substitution de termes chaque fois que c'était possible, mais, en l'occurrence, cela me paraît difficile dans la mesure où il s'agit d'un article concernant la possibilité donnée tant au mineur qu'au majeur de demander le changement de son prénom. Or, en droit, un mineur est incapable.
Par conséquent, je suggère à M. About de rectifier son amendement afin que celui-ci vise à remplacer le mot « incapable » par les mots « mineur ou d'un majeur en tutelle ».
M. le président. Monsieur About, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?
M. Nicolas About. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 177 rectifié ter, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. Georges Mouly, et ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article 60 du code civil, le mot : « incapable »
est remplacé par les mots :
« mineur ou d'un majeur en tutelle ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J'ai approuvé tout à fait l'amendement ainsi rectifié, mais je tiens à rappeler à mes collègues qu'il existe des notions juridiques.
Ainsi, une incapacité, c'est une incapacité ! Par conséquent, cessons de substituer des périphrases à certaines notions juridiques. En l'occurrence, le mot « incapable » ne serait pas beau. Là n'est pas le problème. Ce dont il est question ici, c'est de l'état d'une personne privée de la jouissance ou de l'exercice de ses droits par la loi, un point c'est tout !
Le remplacement de certaines notions de droit par d'autres termes beaucoup moins précis doit donc être proscrit. Je tenais à faire cette mise au point, car notre société a tendance à ne plus appeler les choses par leur nom. Or, s'agissant de notions juridiques, cela est parfois extrêmement dangereux.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je reconnais volontiers avoir rédigé cet amendement tout en sachant que je n'avais pas les compétences requises pour le faire. (Sourires.) Cela étant dit, à l'instar de M. le président de la commission des lois, j'attache beaucoup d'importance à ces notions juridiques et, à l'avenir, j'essaierai d'être plus respectueux.
J'ajouterai simplement que nous avions été très choqués, lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, d'entendre parler sans arrêt de « personne incapable ». En effet, la modernité de nos lois, c'est de dire de quoi les gens sont encore capables, ce qu'ils savent faire, au lieu de les dire incapables. Nous nous y employons chaque jour.
Par conséquent, à l'avenir, je serai, je le répète, beaucoup plus prudent, en particulier pour tout ce qui touche au code civil.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est bien !
Article 3
Après l'article 388- 2 du même code, il est inséré un article 388-3 ainsi rédigé :
« Art. 388- 3. - Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des administrations légales et des tutelles de leur ressort.
« Les administrateurs légaux, tuteurs et autres organes tutélaires sont tenus de déférer à leur convocation et de leur communiquer toute information qu'ils requièrent.
« Le juge peut prononcer contre eux des injonctions et condamner à l'amende civile prévue par le nouveau code de procédure civile ceux qui n'y ont pas déféré. »
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 388-3 dans le code civil, supprimer le mot :
« nouveau »
II. - Procéder à la même suppression aux articles 5 et 6.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est un amendement de coordination avec l'abrogation du code de procédure civile et son remplacement par le nouveau code de procédure civile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
Après l'article 391 du même code, il est inséré un article 391- 1 ainsi rédigé :
« Art. 391-1. - Sans préjudice des dispositions de l'article 392, la tutelle prend fin à l'émancipation du mineur ou à sa majorité. Elle prend également fin en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ou en cas de décès de l'intéressé. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
L'article 393 du même code est ainsi rédigé :
II. En conséquence, au début du second alinéa de cet article, remplacer la référence :
« 391-1 »
par la référence :
« 393 »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article 4
Les articles 394 à 411 du même code sont remplacés par les articles 394 à 413 ainsi rédigés :
« Art. 394. - La tutelle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
« Art. 395. - Ne peuvent exercer les différentes charges de la tutelle :
« 1° Les mineurs non émancipés, sauf s'ils sont le père ou la mère du mineur en tutelle ;
« 2° Les majeurs qui bénéficient d'une mesure de protection juridique prévue par le présent code ;
« 3° Les personnes à qui l'autorité parentale a été retirée ;
« 4° Les personnes à qui l'exercice des charges tutélaires a été interdit en application de l'article 131- 26 du code pénal.
« Art. 396. - Toute charge tutélaire peut être retirée en raison de l'inaptitude, de la négligence, de l'inconduite ou de la fraude de celui à qui elle a été confiée. Il en est de même lorsqu'un litige ou une contradiction d'intérêts empêche le titulaire de la charge de l'exercer dans l'intérêt du mineur.
« Il peut être procédé au remplacement de toute personne à qui une charge tutélaire a été confiée en cas de changement important dans sa situation.
« Art. 397. - Le conseil de famille statue sur les empêchements, les retraits et les remplacements qui intéressent le tuteur et le subrogé tuteur.
« Le juge statue sur ceux qui intéressent les autres membres du conseil de famille.
« Le tuteur ou le subrogé tuteur ne peut être exclu, destitué ou récusé qu'après avoir été entendu ou appelé.
« Le juge peut, s'il estime qu'il y a urgence, prescrire des mesures provisoires dans l'intérêt du mineur. »
« Art. 398. - Même en présence d'un tuteur testamentaire et sauf vacance, la tutelle est organisée avec un conseil de famille.
« Art. 399. - Le juge désigne les membres du conseil de famille pour la durée de la tutelle.
« Le conseil de famille est composé d'au moins quatre membres, y compris le tuteur et le subrogé tuteur, mais non le juge.
« Peuvent être membres du conseil de famille, les parents et alliés des père et mère du mineur ainsi que toute personne qui manifeste un intérêt pour lui.
« Les membres du conseil de famille sont choisis en considération de l'intérêt du mineur et en fonction de leur aptitude, des relations habituelles qu'ils entretenaient avec le père ou la mère de celui-ci, des liens affectifs qu'ils ont avec lui ainsi que de la disponibilité qu'ils présentent.
« Le juge doit éviter, dans la mesure du possible, de laisser l'une des deux branches, paternelle ou maternelle, sans représentation.
« Art. 400. - Les délibérations du conseil de famille sont adoptées par vote de ses membres et du juge.
« Toutefois, le tuteur ou le subrogé tuteur, dans le cas où il remplace le tuteur, ne vote pas.
« En cas de partage des voix, celle du juge est prépondérante.
« Art. 401. - Le conseil de famille règle les conditions générales de l'entretien et de l'éducation du mineur en ayant égard à la volonté que les père et mère avaient pu exprimer.
« Il apprécie les indemnités qui peuvent être allouées au tuteur.
« Il prend les décisions et donne au tuteur les autorisations nécessaires pour la gestion des biens du mineur conformément aux dispositions du titre XII.
« Art. 402. - Les délibérations du conseil de famille sont nulles lorsqu'elles ont été surprises par dol ou fraude ou que des formalités substantielles ont été omises.
« La nullité est couverte par une nouvelle délibération valant confirmation selon l'article 1338.
« L'action en nullité peut être exercée par le tuteur, le subrogé tuteur, les autres membres du conseil de famille et le ministère public dans les deux années de la délibération ainsi que par le mineur devenu majeur ou émancipé dans les deux années de sa majorité ou de son émancipation. La prescription ne court pas s'il y a eu dol ou fraude tant que le fait qui en est à l'origine n'est pas découvert.
« Les actes accomplis en vertu d'une délibération annulée sont annulables de la même manière. Le délai court toutefois de l'acte et non de la délibération. »
« Art. 403. - Le droit individuel de choisir un tuteur, qu'il soit ou non parent du mineur, n'appartient qu'au dernier vivant des père et mère, s'il a conservé, au jour de son décès, l'exercice de l'administration légale ou de la tutelle.
« Cette désignation ne peut être faite que dans la forme d'un testament ou d'une déclaration spéciale devant notaire.
« Elle s'impose au conseil de famille à moins que l'intérêt du mineur commande de l'écarter.
« Le tuteur désigné par le père ou la mère n'est pas tenu d'accepter la tutelle.
« Art. 404. - S'il n'y a pas de tuteur testamentaire ou si celui qui a été désigné en cette qualité vient à cesser ses fonctions, le conseil de famille désigne un tuteur au mineur.
« Art. 405. - Le conseil de famille peut, en considération des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, décider que l'exercice de la tutelle sera divisé entre un tuteur chargé de la personne du mineur et un tuteur chargé de la gestion de ses biens ou que la gestion de certains biens particuliers sera confiée à un tuteur adjoint.
« À moins qu'il en ait été autrement décidé par le conseil de famille, les tuteurs désignés en application de l'alinéa précédent sont indépendants et ne sont pas responsables l'un envers l'autre. Ils s'informent toutefois des décisions qu'ils prennent.
« Art. 406. - Le tuteur est désigné pour la durée de la tutelle.
« Art. 407. - La tutelle est une charge personnelle.
« Elle ne se transmet pas aux héritiers du tuteur.
« Art. 408. - Le tuteur prend soin de la personne du mineur et le représente dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l'usage autorise le mineur à agir lui-même.
« Il représente le mineur en justice. Toutefois, il ne peut agir, en demande ou en défense, pour faire valoir les droits extra-patrimoniaux qu'après autorisation ou sur injonction du conseil de famille. Celui-ci peut également enjoindre au tuteur de se désister de l'instance ou de l'action, ou de transiger.
« Il gère les biens du mineur et rend compte de sa gestion conformément aux dispositions du titre XII. »
« Art. 409. - La tutelle comporte un subrogé tuteur nommé par le conseil de famille parmi ses membres.
« Si le tuteur est parent ou allié du mineur dans une branche, le subrogé tuteur est choisi, dans la mesure du possible, dans l'autre branche.
« La charge du subrogé tuteur cesse à la même date que celle du tuteur.
« Art. 410. - Le subrogé tuteur surveille l'exercice de la mission tutélaire et représente le mineur lorsque les intérêts de celui-ci sont en opposition avec ceux du tuteur.
« Le subrogé tuteur est informé et consulté avant tout acte important accompli par le tuteur.
« À peine d'engager sa responsabilité à l'égard du mineur, il surveille les actes passés par le tuteur en cette qualité et informe sans délai le juge s'il constate des fautes dans l'exercice de la mission tutélaire.
« Il ne remplace pas de plein droit le tuteur en cas de cessation des fonctions de celui-ci ; mais il est tenu, sous la même responsabilité, de provoquer la nomination d'un nouveau tuteur. »
« Art. 411. - Si la tutelle reste vacante, le juge des tutelles la défère à la collectivité publique compétente en matière d'aide sociale à l'enfance.
« En ce cas, la tutelle ne comporte ni conseil de famille ni subrogé tuteur.
« La personne désignée pour exercer cette tutelle a, sur les biens du mineur, les pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire. »
« Art. 412. - Tous les organes de la tutelle sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction.
« Lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d'instance ou le greffier, l'action en responsabilité est dirigée contre l'État qui dispose d'une action récursoire.
« Art. 413. - L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la majorité de l'intéressé, alors même que la gestion aurait continué au-delà, ou de la fin de la mesure si elle cesse avant. »
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 394 du code civil :
« Art. 394. - La tutelle, protection due à l'enfant, est une charge publique. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il s'agit plutôt d'une déclaration de principe, d'une définition. Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 397 du code civil, après les mots :
« Le juge »
insérer les mots :
« des tutelles »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je tiens à rassurer M. le garde des sceaux : loin de moi l'idée de présenter des amendements cosmétiques. En l'occurrence, il s'agit bien d'un amendement rédactionnel. (M. le garde des sceaux opine.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 397 du code civil :
« Une charge tutélaire ne peut être retirée, par celui qui l'a confiée, qu'après que son titulaire a été entendu ou appelé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'étendre la garantie des droits de la défense telle qu'elle avait été précisée par l'Assemblée nationale à tous les membres du conseil de famille. Il s'agit donc simplement d'une précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Vasselle, P. Blanc et Texier et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 398 du code civil, après le mot :
« testamentaire »
supprimer les mots:
« et sauf vacance »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Le problème soulevé ici est sans doute plus du ressort de M. le garde des sceaux et de la commission des lois. Toutefois, comme la commission des affaires sociales peut émettre un avis sur les amendements, j'ai appelé l'attention de mes collègues qui y siègent sur ce point particulier.
Dans tous les cas de figure, est prévue la présence d'un conseil de famille, sauf lorsqu'il y a vacance de tutelle, la charge étant alors confiée à une collectivité locale, en l'occurrence le département. Quand c'est la collectivité qui exerce la tutelle, il semble que l'on considère pouvoir s'affranchir du conseil de famille. Or, personnellement, je ne vois pas en quoi le fait de confier la tutelle à une collectivité locale permettrait à celle-ci d'exercer cette charge avec plus de talent et de compétences, et de se priver de l'avis du conseil de famille.
C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer les mots « et sauf vacance » ; je présenterai d'ailleurs ultérieurement un amendement de conséquence portant sur l'article 411 du code civil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Monsieur Vasselle, lorsqu'il y a vacance, il y a vacance ! S'il y a vacance pour trouver un tuteur au sein de la famille, il y aura également vacance pour former le conseil de famille. En outre, j'attire votre attention, mon cher collègue, sur le fait que la présence d'un tuteur extérieur n'empêche pas l'existence d'un conseil de famille.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je vous dirai la même chose en des termes quelque peu différents, monsieur Vasselle.
La vacance veut dire qu'il n'y a pas de famille. Or vous proposez tout de même d'en trouver une. Comment ferez-vous ? Cela n'est pas possible !
Par conséquent, si votre amendement est sympathique, il ne correspond pas à la définition du mot « vacance ». En effet, s'il y a vacance, cela signifie qu'aucun conseil de famille n'est susceptible d'être composé, soit parce qu'aucun membre de la famille ne veut assumer cette charge - et rien ne sert de faire appel à des gens qui ne s'intéresseraient pas au sort de l'enfant -, soit parce que la famille n'existe pas, d'où le recours à la collectivité locale qui s'y substitue.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 250 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Tout à l'heure, lors de la discussion générale, j'ai reconnu que je n'étais pas un juriste confirmé. Mon interprétation du texte n'était pas la bonne, j'ai été induit en erreur par la rédaction proposée pour l'article 411 du code civil, qui prévoit qu'en cas de vacance de la tutelle cette charge sera confiée à une collectivité locale.
Toutefois, monsieur le garde des sceaux, comme vous confirmez utilement qu'à chaque fois qu'il sera possible de trouver un membre de la famille, proche ou éloigné,...
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il en faudra quatre, en fait !
M. Alain Vasselle. ...c'est lui qui sera privilégié et le conseil de famille sera mis en place, cet amendement n'a plus lieu d'être !
Sous le bénéfice de cette assurance du Gouvernement, qui dissipe mes inquiétudes, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 250 rectifié est retiré.
L'amendement n° 166 rectifié, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 399 du code civil par les mots :
, que la personne réside en France ou à l'étranger
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Les Français établis hors de France dont l'un des proches nécessite en raison de son état la constitution d'un conseil de famille sont souvent écartés de cet organe au motif que, comme ils résident à l'étranger, ils ne présentent pas une disponibilité suffisante aux termes de l'article 399 du code civil, ce qui est tout à fait anormal, d'autant plus qu'aujourd'hui, nous le savons, il existe un principe de libre circulation dans l'Union européenne.
On peut fort bien résider en Belgique, en Allemagne ou au Luxembourg, de l'autre côté de la frontière, et être en réalité bien plus disponible que quelqu'un qui réside sur certains points du territoire national.
Cet amendement a pour objet de corriger ce déséquilibre, très douloureusement ressenti par les Français vivant à l'étranger, qui connaissent de plus en plus souvent des difficultés pour devenir membre d'un conseil de famille.
Je tiens à préciser que j'ai profondément remanié le texte que j'avais soumis à la commission des lois, car celui-ci semblait de nature réglementaire. Comme les exclusions du conseil de famille relèvent de la loi, je me suis efforcé de bien rester dans ce cadre, et j'espère que cet amendement rectifié satisfera aux exigences de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission des lois n'a pas examiné cet amendement rectifié.
En principe, cette disposition nous semblait inutile, car rien n'interdit de nommer membre du conseil de famille quelqu'un qui réside hors de France. Toutefois, en pratique, il semblerait que le juge des tutelles s'y refuse.
À cet égard, monsieur le garde des sceaux, la disposition du code civil relative au vote par correspondance n'a pas été reprise dans le projet de loi en raison de son caractère procédural. Vous avez indiqué qu'elle figurerait dans le décret d'application de la loi. À cette occasion, il serait souhaitable que le code de procédure civile autorise le vote électronique ou par correspondance d'un membre du conseil de famille qui ne pourrait participer à une réunion. Une telle précision me semble importante.
En tout cas, s'agissant de cet amendement, j'émets un avis favorable à titre personnel.
M. Christian Cointat. Merci, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Cointat, je n'ai pas tout compris des modifications apportées à votre amendement, dont je connaissais l'ancienne version. Vous m'affirmez que ce texte rectifié n'est plus de nature réglementaire, et vous souhaitez qu'une personne puisse être membre du conseil de famille tout en résidant à l'étranger.
Toutefois, le problème n'est pas là ! La difficulté est d'ordre pratique et, d'une manière générale, c'est au juge de décider et de procéder à une expertise pour déterminer si l'éloignement géographique constitue, ou non, un handicap insurmontable. En cette matière, il faut encadrer précisément les pouvoirs du juge des tutelles.
Monsieur Cointat, pour vous convaincre de retirer votre amendement, nous pourrions préciser lors de la rédaction du décret d'application les conditions dans lesquelles les personnes éloignées peuvent participer au vote du conseil de famille.
Toutefois, je ne crois pas que nous puissions entrer dans de tels détails au sein d'un texte législatif. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 166 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Malheureusement, comme l'a souligné fort justement M. le rapporteur, le juge des tutelles part du principe que résider à l'étranger ne rend pas disponible ! C'est un fait, et nous ne pouvons nous accommoder de cette situation, qui suscite des difficultés dans les familles et qui, en outre, j'y insiste, est contraire aux principes mêmes de l'Union européenne, où doit régner la liberté de circulation.
Or, je suis surpris de la réaction de M. le ministre, car l'amendement que je défends est très simple et il a bien un caractère législatif.
Si cet amendement était adopté, le quatrième alinéa de l'article 399 du code civil serait ainsi rédigé : « Les membres du conseil de famille sont choisis en considération de l'intérêt du mineur et en fonction de leur aptitude, des relations habituelles qu'ils entretenaient avec le père ou la mère de celui-ci, des liens affectifs qu'ils ont avec lui ainsi que de la disponibilité qu'ils présentent, que la personne réside en France ou à l'étranger ».
Il s'agit là, me semble-t-il, d'une précision extrêmement utile, qui ne posera aucune difficulté et qui relève bien du domaine de la loi, car j'ai exclu tout ce qui, dans la première version de mon amendement, pouvait gêner et présenter un caractère réglementaire.
Monsieur le garde des sceaux, je vous demande donc d'émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je découvre à l'instant le texte de l'amendement n° 166 rectifié, qui ne m'avait pas été communiqué. Tout finit toujours par s'arranger !
Monsieur Cointat, si je voulais être désagréable, je dirais que vous enfoncez une porte ouverte, et que l'on ne peut donc qu'être d'accord avec vous. Cette disposition existe déjà, le texte que vous proposez est redondant et inutile, mais rien ne s'y oppose.
M. Nicolas About. Mais le juge ne veut pas l'appliquer !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je le répète, le juge doit procéder à une expertise. Pour assister à un conseil de famille qui se tient à Lille, il est plus gênant d'habiter San Francisco que le Luxembourg ! Ce que le juge apprécie, ce n'est pas si la personne réside à l'étranger, mais si elle peut ou non participer au conseil de famille. Telle est la vraie question.
Monsieur Cointat, pour des raisons que l'on peut comprendre compte tenu de votre mandat, vous souhaitez que ceux qui résident à l'étranger ne soient pas exclus de ce dispositif, mais cela ne permettra pas pour autant à quelqu'un qui habite New York de participer à un conseil de famille qui se tiendrait à Tourcoing !
Cette disposition ne s'appliquera pas, mais si l'adoption de cet amendement peut vous faire plaisir, j'en serai heureux ! Aussi, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre compréhension, mais je n'enfonce pas des portes ouvertes car - hélas ! - la situation est telle que je la décris.
Si je puis comprendre qu'un juge refuse la participation au conseil de famille d'un parent qui habite San Francisco ou New York, pour reprendre les villes que vous avez citées, malheureusement, il s'y oppose également quand la personne concernée réside dans la zone frontalière - nous avons connu de nombreux cas de ce genre.
C'est pourquoi il vaut mieux préciser, pour éviter tout problème. Ainsi, le juge saura qu'une résidence située de l'autre côté de la frontière ne constitue pas un motif d'exclusion, et que c'est la disponibilité exacte qui doit être prise en compte. (M. Alain Vasselle applaudit.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 8, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 400 du code civil :
« Le conseil de famille est présidé par le juge. Ses délibérations sont adoptées par vote de ses membres.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 402 du code civil, remplacer les mots :
ministère public
par les mots :
procureur de la République
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 262 est présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 403 du code civil, remplacer les mots :
l'administration légale ou de la tutelle
par les mots :
l'autorité parentale
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les dispositions présentées par le projet de loi pour les articles 448 et 477 du code civil.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 262.
M. Charles Gautier. Cet amendement a été défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 262.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Avant le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 405 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil de famille peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation. »
II. - En conséquence, rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 405 du code civil :
« Il peut décider que l'exercice de la tutelle sera divisé... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre, pour les mineurs comme pour les majeurs, la désignation de plusieurs tuteurs afin d'exercer en commun la mesure de protection.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 251 rectifié, présenté par MM. Vasselle, P. Blanc et Texier et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 411 du code civil.
Monsieur Vasselle, compte tenu du retrait de votre amendement n° 250 rectifié, le présent amendement est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, monsieur le président, je vais le retirer.
Toutefois, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur un point qui justifiait le dépôt de mes amendements.
Aux termes de l'article 4 du projet de loi, le premier alinéa de l'article 411 du code civil serait ainsi rédigé : « Si la tutelle reste vacante, le juge des tutelles la défère à la collectivité publique compétente en matière d'aide sociale à l'enfance. » Soit !
Je remercie M. le garde des sceaux d'avoir précisé - car je ne veux pas que ce texte soit mal interprété par les juges - que cette disposition s'applique seulement lorsqu'il ne reste plus aucun parent vivant, ni aucun lien de famille. Il s'agit de cas rarissimes, sans doute, mais qui peuvent se produire, et cette précision a donc son importance.
Sous le bénéfice de cette clarification, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 251 rectifié est retiré.
L'amendement n° 263, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 412 du code civil, après les mots :
juge des tutelles,
insérer les mots :
le procureur de la République,
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L'Assemblée nationale a clarifié la rédaction présentée par l'article 4 du projet de loi pour l'article 412 du code civil.
Cette disposition est importante, car elle prévoit la mise en jeu de la responsabilité de l'État et des organes tutélaires pour les actes accomplis dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle.
S'agissant de l'action en responsabilité engagée contre l'État, le projet de loi désigne la faute commise par le juge des tutelles ainsi que par le greffier en chef du tribunal d'instance et par le greffier. En revanche, il ne mentionne pas le procureur de la République.
Or le projet de loi confie certaines prérogatives nouvelles au procureur de la République en matière de tutelle. Le fait que ce dernier n'agisse que sur un fondement d'opportunité n'est pas exclusif de la mise en jeu de sa responsabilité pour faute simple. Les mesures prises à tous les stades de la chaîne de décision sont lourdes de conséquence.
Aussi trouvons-nous pertinent de renforcer la protection des victimes d'éventuels dysfonctionnements de la justice.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Charles Gautier. Par ailleurs, nous souhaitons poursuivre la démarche de clarification engagée par l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'harmoniser le régime de responsabilité à tous les organes directement intéressés par les tutelles, le parquet y compris.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je comprends l'idée qui sous-tend cet amendement, car la commission des lois s'est également interrogée sur ce point.
Le projet de loi reprend l'état actuel du droit en ce qui concerne la responsabilité simple de toute faute du juge et du greffier en chef. Toutefois, il est difficile d'étendre ce régime au parquet. En effet, si le juge contrôle, le parquet exerce uniquement le pouvoir d'opportunité de saisir le juge. C'est la raison pour laquelle la faute simple ne saurait être invoquée.
Bien plus - et c'est en s'appuyant sur cet argument que la commission des lois a jugé cet amendement inopportun -, la Cour de cassation assimile quasiment la faute lourde à une faute simple. Ainsi, l'arrêt en date du 23 février 2001 précise que « constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ».
Il ne paraît pas pertinent d'aligner le régime de responsabilité du procureur de la République sur celui du juge, puisque ceux-ci n'ont pas le même rôle.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Tout le monde sait que le juge ordonne et contrôle, alors que le procureur de la République décide d'ouvrir ou de ne pas ouvrir la mesure.
Si la faute lourde peut être retenue en cas de faute de gestion grave de la part du juge des tutelles, l'opportunité de l'ouverture ou non de la mesure fait partie des droits propres du parquetier. Sa responsabilité ne saurait donc en aucun cas être engagée. Aussi est-il impossible d'assimiler le procureur de la République au juge des tutelles.
C'est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il sera contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Gautier, l'amendement n° 263 est-il maintenu ?
M. Charles Gautier. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 5.
Article 5
Le titre XI du livre Ier du même code est ainsi rédigé :
« TITRE XI
« DE LA MAJORITÉ ET DES MAJEURS PROTÉGÉS PAR LA LOI
« CHAPITRE IER
« Des dispositions générales
« Art. 414. - La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d'exercer les droits dont il a la jouissance.
« Section 1
« Des dispositions indépendantes des mesures de protection
« Art. 414-1. - Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
« Art. 414-2. - De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.
« Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :
« 1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
« 2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
« 3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future.
« L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304.
« Art. 414-3. - Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation.
« Section 2
« Des dispositions communes aux majeurs protégés
« Art. 415. - Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre.
« Cette protection est instaurée et appliquée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne.
« Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci.
« Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
« Art. 416. - Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort.
« Ils peuvent visiter ou faire visiter les personnes protégées et celles qui font l'objet d'une demande de protection, quelle que soit la mesure prononcée ou sollicitée.
« Les personnes chargées de la protection sont tenues de déférer à leur convocation et de leur communiquer toute information qu'ils requièrent.
« Art. 417. - Le juge des tutelles peut prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et condamner à l'amende civile prévue par le nouveau code de procédure civile celles qui n'y ont pas déféré.
« Il peut les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir appelés ou entendus.
« Il peut, dans les mêmes conditions, demander au procureur de la République de solliciter la radiation d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs de la liste prévue à l'article L. 461-2 du code de l'action sociale et des familles.
« Art. 418. - Sans préjudice de l'application des règles de la gestion d'affaires, le décès de la personne protégée met fin à la mission de la personne chargée de la protection.
« Art. 418-1. - Supprimé.........................................................
« Art. 419. - Les personnes autres que le mandataire judiciaire à la protection des majeurs exercent à titre gratuit les mesures judiciaires de protection. Toutefois, le juge des tutelles ou le conseil de famille s'il a été constitué, peut autoriser, selon l'importance des biens gérés ou la difficulté d'exercer la mesure, le versement d'une indemnité à la personne chargée de la protection. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée.
« Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles.
« Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique.
« À titre exceptionnel, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué, peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre des deux alinéas précédents lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée.
« Le mandat de protection future s'exerce à titre gratuit sauf stipulations contraires.
« Art. 420. - Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne peuvent, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, percevoir aucune autre somme ou bénéficier d'aucun avantage financier en relation directe ou indirecte avec les missions dont ils ont la charge.
« Ils ne peuvent délivrer un mandat de recherche des héritiers de la personne protégée.
« Art. 421. - Tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. Toutefois, sauf cas de curatelle renforcée, le curateur et le subrogé curateur n'engagent leur responsabilité, du fait des actes accomplis avec leur assistance, qu'en cas de dol ou de faute lourde.
« Art. 422. - Lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement de la mesure de protection par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d'instance ou le greffier, l'action en responsabilité diligentée par la personne protégée ou ayant été protégée ou par ses héritiers est dirigée contre l'État qui dispose d'une action récursoire.
« Lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, l'action en responsabilité peut être dirigée contre celui-ci ou contre l'État qui dispose d'une action récursoire.
« Art. 423. - L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la mesure de protection alors même que la gestion aurait continué au-delà. Toutefois, lorsque la curatelle a cessé par l'ouverture d'une mesure de tutelle, le délai ne court qu'à compter de l'expiration de cette dernière.
« Art. 424. - Le mandataire de protection future engage sa responsabilité pour l'exercice de son mandat dans les conditions prévues à l'article 1992.
« CHAPITRE II
« Des mesures de protection juridique des majeurs
« Section 1
« Des dispositions générales
« Art. 425. - Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre.
« S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.
« Art. 426. - Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu'il est possible.
« Le pouvoir d'administrer les biens mentionnés au premier alinéa ne permet que des conventions de jouissance précaire qui cessent, malgré toutes dispositions ou stipulations contraires, dès le retour de la personne protégée dans son logement.
« S'il devient nécessaire ou s'il est de l'intérêt de la personne protégée qu'il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier par l'aliénation, la résiliation ou la conclusion d'un bail, l'acte est autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens. L'avis préalable d'un médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 est requis si l'acte a pour finalité l'accueil de l'intéressé dans un établissement. Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont gardés à la disposition de l'intéressé, le cas échéant par les soins de l'établissement dans lequel celui-ci est hébergé.
« Art. 427. - La personne chargée de la mesure de protection ne peut procéder à la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public.
« Si l'intérêt de celle-ci le commande, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué autorise cette modification.
« Un compte est ouvert au nom de la personne protégée auprès de la Caisse des dépôts et consignations par la personne chargée de la protection si le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué l'estime nécessaire.
« Lorsque la personne protégée n'est titulaire d'aucun compte ou livret, la personne chargée de la mesure de protection lui en ouvre un.
« Les opérations bancaires d'encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée sont réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts au nom de celle-ci, sous réserve des dispositions applicables aux mesures de protection confiées aux personnes ou services préposés des établissements de santé et des établissements sociaux ou médico-sociaux soumis aux règles de la comptabilité publique.
« Les fruits, produits et plus-values générés par les fonds et les valeurs appartenant à la personne protégée lui reviennent exclusivement.
« Si la personne protégée a fait l'objet d'une interdiction d'émettre des chèques, la personne chargée de la mesure de protection peut néanmoins, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, faire fonctionner sous sa signature les comptes dont la personne protégée est titulaire.
« Section 2
« Des dispositions communes aux mesures judiciaires
« Art. 428. - La mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217, 219, 1426 et 1429, par une autre mesure de protection judiciaire ou par le mandat de protection future conclu par l'intéressé.
« La mesure est proportionnée au degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé et individualisée en fonction de celui-ci.
« Art. 429. - La mesure de protection judiciaire peut être ouverte pour un mineur émancipé comme pour un majeur.
« Pour un mineur non émancipé, la demande peut être introduite et jugée dans la dernière année de sa minorité. La mesure de protection judiciaire ne prend toutefois effet que du jour de sa majorité.
« Art. 430. - La demande d'ouverture de la mesure peut être présentée au juge par la personne qu'il y a lieu de protéger ou, selon le cas, par son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, ou par un parent ou un allié, une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique.
« Elle peut être également présentée par le ministère public, soit d'office, soit à la demande d'un tiers.
« Art. 431. - La demande est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République.
« Le coût de ce certificat est fixé par décret en Conseil d'État.
« Art. 431-1. - Pour l'application du dernier alinéa de l'article 426 et de l'article 431, le médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 peut solliciter l'avis du médecin traitant de la personne protégée.
« Art. 432. - Le juge statue, la personne entendue ou appelée. L'intéressé peut être accompagné par un avocat ou toute autre personne de son choix.
« Le juge peut toutefois, par décision spécialement motivée et sur avis du médecin mentionné à l'article 431, décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'audition de l'intéressé si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée.
« Section 3
« De la sauvegarde de justice
« Art. 433. - Le juge peut placer sous sauvegarde de justice la personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, a besoin d'une protection juridique temporaire ou d'être représentée pour l'accomplissement de certains actes déterminés.
« Cette mesure peut aussi être prononcée par le juge, saisi d'une procédure de curatelle ou de tutelle, pour la durée de l'instance.
« Par dérogation à l'article 432, le juge peut, en cas d'urgence, statuer sans avoir procédé à l'audition de la personne. En ce cas, il entend celle-ci dans les meilleurs délais, sauf si, sur avis médical, son audition est de nature à porter préjudice à sa santé ou si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée.
« Art. 434. - La sauvegarde de justice peut également résulter d'une déclaration faite au procureur de la République dans les conditions prévues par l'article L. 3211-6 du code de la santé publique.
« Art. 435. - La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l'article 437.
« Les actes qu'elle a passés et les engagements qu'elle a contractés pendant la durée de la mesure peuvent être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d'excès alors même qu'ils pourraient être annulés en vertu de l'article 414-1. Les tribunaux prennent notamment en considération l'utilité ou l'inutilité de l'opération, l'importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté.
« L'action en nullité, en rescision ou en réduction n'appartient qu'à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elle s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304.
« Art. 436. - Le mandat par lequel la personne protégée a chargé une autre personne de l'administration de ses biens continue à produire ses effets pendant la sauvegarde de justice à moins qu'il soit révoqué par le juge des tutelles, le mandataire étant entendu ou appelé.
« En l'absence de mandat, les règles de la gestion d'affaires sont applicables.
« Ceux qui ont qualité pour demander l'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle sont tenus d'accomplir les actes conservatoires indispensables à la préservation du patrimoine de la personne protégée dès lors qu'ils ont connaissance tant de leur urgence que de l'ouverture de la mesure de sauvegarde. Les mêmes dispositions sont applicables à la personne ou à l'établissement qui héberge la personne placée sous sauvegarde.
« Art. 437. - S'il y a lieu d'agir en dehors des cas définis à l'article 436, tout intéressé peut en donner avis au juge.
« Le juge peut désigner un mandataire spécial, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 445 et 448 à 451, à l'effet d'accomplir un ou plusieurs actes déterminés, même de disposition, rendus nécessaires par la gestion du patrimoine de la personne protégée. Le mandataire peut, notamment, recevoir mission d'exercer les actions prévues à l'article 435.
« Le mandataire spécial est tenu de rendre compte de l'exécution de son mandat à la personne protégée et au juge dans les conditions prévues aux articles 510 à 515.
« Art. 438. - Le mandataire spécial peut également se voir confier une mission de protection de la personne dans le respect des articles 458 à 463.
« Art. 439. - Sous peine de caducité, la mesure de sauvegarde de justice ne peut excéder un an, renouvelable une fois dans les conditions de l'article 442.
« Lorsque la sauvegarde de justice a été prononcée en application de l'article 433, le juge peut, à tout moment, en ordonner la mainlevée si le besoin de protection temporaire cesse.
« Lorsque la sauvegarde de justice a été ouverte en application de l'article 434, elle peut prendre fin par déclaration faite au procureur de la République si le besoin de protection temporaire cesse.
« Dans tous les cas, à défaut de mainlevée ou de déclaration de cessation, la sauvegarde de justice prend fin à l'expiration du délai ou après l'accomplissement des actes pour lesquels elle a été ordonnée. Elle prend également fin par l'ouverture d'une mesure de curatelle ou de tutelle à partir du jour où la nouvelle mesure de protection juridique prend effet.
« Section 4
« De la curatelle et de la tutelle
« Art. 440. - La personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
« La curatelle n'est prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
« La personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
« La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
« Sous-section 1
« De la durée de la mesure
« Art. 441. - Le juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder cinq ans.
« Art. 442. - Le juge peut renouveler la mesure pour une même durée.
« Toutefois, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrite à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin mentionné à l'article 431, renouveler la mesure pour une durée indéterminée.
« Le juge peut, à tout moment, mettre fin à la mesure, la modifier ou lui substituer une autre mesure prévue au présent titre, après avoir recueilli l'avis de la personne en charge de la mesure de protection.
« Il statue d'office ou à la requête d'une des personnes mentionnées à l'article 430, au vu d'un certificat médical et dans les conditions prévues à l'article 432. Il ne peut toutefois renforcer le régime de protection de l'intéressé que s'il est saisi d'une requête en ce sens satisfaisant aux articles 430 et 431.
« Il peut, à tout moment, y mettre fin, la modifier ou lui substituer une autre mesure prévue au présent titre, après avoir recueilli l'avis de la personne en charge de la mesure de protection.
« Art. 443. - La mesure prend fin, en l'absence de renouvellement, à l'expiration du délai fixé, en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ou en cas de décès de l'intéressé.
« La mesure prend également fin lorsque la personne protégée choisit de fixer sa résidence habituelle en dehors du territoire national. Elle ne cesse pas automatiquement si le juge est informé que le majeur est hébergé et soigné dans un établissement situé en dehors du territoire national. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent alinéa.
« Sous-section 2
« De la publicité de la mesure
« Art. 444. - Les jugements portant ouverture, modification ou mainlevée de la curatelle ou de la tutelle ne sont opposables aux tiers que deux mois après que la mention en a été portée en marge de l'acte de naissance de la personne protégée selon les modalités prévues par le nouveau code de procédure civile.
« Toutefois, même en l'absence de cette mention, ils sont opposables aux tiers qui en ont personnellement connaissance.
« Sous-section 3
« Des organes de protection
« Art. 445. - Les charges curatélaires et tutélaires sont soumises aux conditions prévues pour les charges tutélaires des mineurs par les articles 395 à 397. Toutefois, les pouvoirs dévolus par l'article 397 au conseil de famille sont exercés par le juge en l'absence de constitution de cet organe.
« Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux ne peuvent exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l'égard de leurs patients.
« Paragraphe 1
« Du curateur et du tuteur
« Art. 446. - Un curateur ou un tuteur est désigné pour la personne protégée dans les conditions prévues au présent paragraphe et sous réserve des pouvoirs conférés au conseil de famille s'il a été constitué.
« Art. 447. - Le curateur ou le tuteur est désigné par le juge.
« Celui-ci peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation.
« Le juge peut diviser la mesure de protection entre un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur chargé de la gestion patrimoniale. Il peut confier la gestion de certains biens à un curateur ou à un tuteur adjoint.
« À moins que le juge en ait décidé autrement, les personnes désignées en application de l'alinéa précédent sont indépendantes et ne sont pas responsables l'une envers l'autre. Elles s'informent toutefois des décisions qu'elles prennent.
« Art. 448. - La désignation par une personne capable d'une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle, s'impose au juge sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l'impossibilité de l'exercer ou si l'intérêt de la personne protégée commande de l'écarter. En cas de difficulté, le juge statue.
« Il en est de même lorsque le dernier vivant des père et mère qui exerce l'autorité parentale sur son enfant mineur ou qui assume la charge matérielle et affective de son enfant majeur, désigne une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur à compter du jour où lui-même décédera ou ne pourra plus continuer à prendre soin de l'intéressé.
« Art. 449. - À défaut de désignation faite en application de l'article 448, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de leur confier la mesure.
« À défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé et entretenant avec lui des liens étroits et stables.
« Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.
« Art. 450. - Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 461-2 du code de l'action sociale et des familles. Ce mandataire ne peut, en tout état de cause, refuser d'accomplir les actes urgents que commande l'intérêt de la personne protégée, notamment les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine.
« Art. 451. - Si la personne est hébergée ou soignée dans un établissement de santé ou dans un établissement social ou médico-social, le juge peut désigner, en qualité de curateur ou de tuteur, une personne ou un service préposé de l'établissement inscrit sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs au titre du 1° ou du 3° de l'article L. 461-2 du code de l'action sociale et des familles, qui exerce ses fonctions dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« La mission confiée au mandataire s'étend à la protection de la personne, sauf décision contraire du juge.
« Art. 452. - La curatelle et la tutelle sont des charges personnelles.
« Le curateur et le tuteur peuvent toutefois s'adjoindre, sous leur propre responsabilité, le concours de tiers capables pour l'accomplissement de certains actes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État.
« Art. 453. - Nul n'est tenu de conserver la curatelle ou la tutelle d'une personne au-delà de cinq ans, à l'exception du conjoint, du partenaire du pacte civil de solidarité et des enfants de l'intéressé ainsi que des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
« Paragraphe 2
« Du subrogé curateur et du subrogé tuteur
« Art. 454. - Le juge peut, s'il l'estime nécessaire et sous réserve des pouvoirs du conseil de famille s'il a été constitué, désigner un subrogé curateur ou un subrogé tuteur.
« Si le curateur ou le tuteur est parent ou allié de la personne protégée dans une branche, le subrogé curateur ou le subrogé tuteur est choisi, dans la mesure du possible, dans l'autre branche.
« Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer les fonctions de subrogé curateur ou de subrogé tuteur, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 461-2 du code de l'action sociale et des familles peut être désigné.
« À peine d'engager sa responsabilité à l'égard de la personne protégée, le subrogé curateur ou le subrogé tuteur surveille les actes passés par le curateur ou par le tuteur en cette qualité et informe sans délai le juge s'il constate des fautes dans l'exercice de sa mission.
« Le subrogé curateur ou le subrogé tuteur assiste ou représente, selon le cas, la personne protégée lorsque les intérêts de celle-ci sont en opposition avec ceux du curateur ou du tuteur ou lorsque l'un ou l'autre ne peut lui apporter son assistance ou agir pour son compte en raison des limitations de sa mission.
« Il est informé et consulté par le curateur ou le tuteur avant tout acte grave accompli par celui-ci.
« La charge du subrogé curateur ou du subrogé tuteur cesse en même temps que celle du curateur ou du tuteur. Le subrogé curateur ou le subrogé tuteur est toutefois tenu de provoquer le remplacement du curateur ou du tuteur en cas de cessation des fonctions de celui-ci sous peine d'engager sa responsabilité à l'égard de la personne protégée.
« Paragraphe 3
« Du curateur ad hoc et du tuteur ad hoc
« Art. 455. - En l'absence de subrogé curateur ou de subrogé tuteur, le curateur ou le tuteur dont les intérêts sont, à l'occasion d'un acte ou d'une série d'actes, en opposition avec ceux de la personne protégée ou qui ne peut lui apporter son assistance ou agir pour son compte en raison des limitations de sa mission, fait nommer par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué, un curateur ou un tuteur ad hoc.
« Cette nomination peut également être faite à la demande du procureur de la République, de tout intéressé ou d'office.
« Paragraphe 4
« Du conseil de famille des majeurs en tutelle
« Art. 456. - Le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille si les nécessités de la protection de la personne ou la nature de son patrimoine le justifient et si la composition de sa famille et de son entourage le permet.
« Le juge désigne les membres du conseil de famille en considération des sentiments exprimés par la personne protégée, de ses relations habituelles, de l'intérêt porté à son égard et des recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.
« Le conseil de famille désigne le tuteur, le subrogé tuteur et, le cas échéant, le tuteur ad hoc conformément aux articles 446 à 455.
« Il est fait application des règles prescrites pour le conseil de famille des mineurs à l'exclusion de celles prévues à l'article 398, au quatrième alinéa de l'article 399 et au premier alinéa de l'article 401. Pour l'application du troisième alinéa de l'article 402, le délai court, lorsque l'action est exercée par le majeur protégé, à compter du jour où la mesure de protection prend fin.
« Art. 457. - Le juge peut autoriser le conseil de famille à se réunir et délibérer hors de sa présence sur l'ordre du jour qui lui a été préalablement transmis pour information lorsque ce dernier a désigné un mandataire judiciaire à la protection des majeurs comme tuteur ou subrogé tuteur. Le conseil de famille désigne alors un président et un secrétaire parmi ses membres, à l'exclusion du tuteur et du subrogé tuteur.
« Les décisions prises par le conseil de famille ne prennent effet qu'à défaut d'opposition formée par le juge, dans les conditions fixées par le nouveau code de procédure civile.
« Le président exerce les missions dévolues au juge pour la convocation, la réunion et la délibération du conseil de famille. Le juge peut toutefois, à tout moment, convoquer une réunion du conseil de famille sous sa présidence.
« Sous-section 4
« Des effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne
« Art. 457-1. - La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d'urgence, leurs effets et les conséquences d'un refus de sa part.
« Art. 458. - Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée.
« Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relativement à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant.
« Art. 459. - Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet.
« Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge peut, dans le jugement d'ouverture de la mesure ou ultérieurement, prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, le juge peut, après avoir ouvert, le cas échéant, une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l'intéressé.
« La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son comportement, l'intéressé ferait courir à lui-même. Elle en informe sans délai le juge.
« Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée.
« Art. 459-1 A. - L'application de la présente sous-section ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique et le code de l'action sociale et des familles prévoyant l'intervention d'un représentant légal.
« Toutefois, lorsque la mesure de protection a été confiée à une personne ou un service préposé d'un établissement dans les conditions prévues à l'article 451, l'accomplissement des diligences et actes graves prévus par le code de la santé publique qui touchent à la personne et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État est subordonné à une autorisation spéciale du juge. Celui-ci peut décider, notamment s'il estime qu'il existe un conflit d'intérêts, d'en confier la charge au subrogé curateur ou au subrogé tuteur, s'il a été nommé, et, à défaut, à un curateur ou à un tuteur ad hoc.
« Art. 459-1. - La personne protégée choisit le lieu de sa résidence.
« Elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d'être visitée et le cas échéant hébergée par ceux-ci.
« En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué, statue.
« Art. 460. - Le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge.
« Le mariage d'une personne en tutelle n'est permis qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l'avis des parents, des alliés et de l'entourage.
« Art. 461. - La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, signer la convention par laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité. Aucune assistance n'est requise lors de la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance prévue au premier alinéa de l'article 515-3.
« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas de modification de la convention.
« La personne en curatelle peut rompre le pacte civil de solidarité par déclaration conjointe ou par décision unilatérale. L'assistance de son curateur n'est requise que pour procéder à la signification prévue au cinquième alinéa de l'article 515-7.
« La personne en curatelle est assistée de son curateur dans les opérations prévues aux dixième et onzième alinéas de l'article 515-7.
« Pour l'application du présent article, le curateur est réputé en opposition d'intérêts avec la personne protégée lorsque la curatelle est confiée à son partenaire.
« Art. 462. - La conclusion d'un pacte civil de solidarité par une personne en tutelle est soumise à l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, après audition des futurs partenaires et recueil, le cas échéant, de l'avis des parents, des alliés et de l'entourage.
« L'intéressé est assisté de son tuteur lors de la signature de la convention. Aucune assistance ni représentation ne sont requises lors de la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance prévue au premier alinéa de l'article 515-3.
« Les dispositions des alinéas précédents sont applicables en cas de modification de la convention.
« La personne en tutelle peut rompre le pacte civil de solidarité par déclaration conjointe ou par décision unilatérale. La formalité de signification prévue au cinquième alinéa de l'article 515-7 est opérée à la diligence du tuteur. Lorsque l'initiative de la rupture émane de l'autre partenaire, cette signification est faite à la personne du tuteur.
« La rupture unilatérale du pacte civil de solidarité peut également intervenir sur l'initiative du tuteur, autorisé par le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué, après audition de l'intéressé et recueil, le cas échéant, de l'avis des proches.
« Aucune assistance ni représentation ne sont requises pour l'accomplissement des formalités relatives à la rupture par déclaration conjointe.
« La personne en tutelle est représentée par son tuteur dans les opérations prévues aux dixième et onzième alinéas de l'article 515-7.
« Pour l'application du présent article, le tuteur est réputé en opposition d'intérêts avec la personne protégée lorsque la tutelle est confiée à son partenaire.
« Art. 463. - À l'ouverture de la mesure ou, à défaut, ultérieurement, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué décide des conditions dans lesquelles le curateur ou le tuteur chargé d'une mission de protection de la personne rend compte des diligences qu'il accomplit à ce titre.
« Sous-section 5
« De la régularité des actes
« Art. 464. - Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.
« Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.
« Par dérogation à l'article 2252, l'action doit être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d'ouverture de la mesure.
« Art. 465. - À compter de la publicité du jugement d'ouverture, l'irrégularité des actes accomplis par la personne protégée ou par la personne chargée de la protection est sanctionnée dans les conditions suivantes :
« 1° Si la personne protégée a accompli seule un acte qu'elle pouvait faire sans l'assistance ou la représentation de la personne chargée de sa protection, l'acte reste sujet aux actions en rescision ou en réduction prévues à l'article 435 comme s'il avait été accompli par une personne placée sous sauvegarde de justice, à moins qu'il ait été expressément autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué ;
« 2° Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice ;
« 3° Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être représentée, l'acte est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice ;
« 4° Si le tuteur ou le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée soit seule, soit avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, l'acte est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice.
« Le curateur ou le tuteur peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, engager seul l'action en nullité, en rescision ou en réduction des actes prévus aux 1°, 2° et 3°.
« Dans tous les cas, l'action s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304.
« Pendant ce délai et tant que la mesure de protection est ouverte, l'acte prévu au 4° peut être confirmé avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué.
« Art. 466. - Les articles 464 et 465 ne font pas obstacle à l'application des articles 414-1 et 414-2.
« Sous-section 6
« Des actes faits dans la curatelle
« Art. 467. - La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.
« Lors de la conclusion d'un acte écrit, l'assistance du curateur se manifeste par l'apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée.
« À peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l'est également au curateur.
« Art. 468. - Les capitaux revenant à la personne en curatelle sont versés directement sur un compte ouvert à son seul nom et mentionnant son régime de protection, auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public.
« La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, faire emploi de ses capitaux.
« Cette assistance est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre.
« Art. 469. - Le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour agir en son nom.
« Toutefois, le curateur peut, s'il constate que la personne en curatelle compromet gravement et durablement ses intérêts, saisir le juge pour être autorisé à accomplir seul un acte déterminé ou provoquer l'ouverture de la tutelle.
« Si le curateur refuse son assistance à un acte pour lequel son concours est requis, la personne en curatelle peut demander au juge l'autorisation de l'accomplir seule.
« Art. 470. - La personne en curatelle peut librement tester sous réserve des dispositions de l'article 901.
« Elle ne peut faire de donation qu'avec l'assistance du curateur.
« Le curateur est réputé en opposition d'intérêts avec la personne protégée lorsqu'il est bénéficiaire de la donation.
« Art. 471. - À tout moment, le juge peut, par dérogation à l'article 467, énumérer certains actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule ou, à l'inverse, ajouter d'autres actes à ceux pour lesquels l'assistance du curateur est exigée.
« Art. 472. - Le juge peut également, à tout moment, ordonner une curatelle renforcée. Dans ce cas, le curateur perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière. Il assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l'excédent sur un compte laissé à la disposition de l'intéressé ou le verse entre ses mains.
« Sans préjudice des dispositions de l'article 459-1, le juge peut autoriser le curateur à conclure seul un bail d'habitation ou une convention d'hébergement assurant le logement de la personne protégée.
« La curatelle renforcée est soumise aux dispositions des articles 503 et 510 à 515.
« Sous-section 7
« Des actes faits dans la tutelle
« Art. 473. - Sous réserve des cas où la loi ou l'usage autorise la personne en tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile.
« Toutefois, le juge peut, dans le jugement d'ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l'assistance du tuteur.
« Art. 474. - La personne en tutelle est représentée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine dans les conditions et selon les modalités prévues au titre XII.
« Art. 475. - La personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur.
« Celui-ci ne peut agir, en demande ou en défense, pour faire valoir les droits extra-patrimoniaux de la personne protégée qu'après autorisation ou sur injonction du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Le juge ou le conseil de famille peut enjoindre également au tuteur de se désister de l'instance ou de l'action ou de transiger.
« Art. 476. - La personne en tutelle peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations.
« Elle ne peut faire seule son testament après l'ouverture de la tutelle qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, à peine de nullité de l'acte. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion.
« Toutefois, elle peut seule révoquer le testament fait avant ou après l'ouverture de la tutelle.
« Le testament fait antérieurement à l'ouverture de la tutelle reste valable à moins qu'il soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu.
« Section 5
« Du mandat de protection future
« Sous-section 1
« Des dispositions communes
« Art. 477. - Toute personne majeure ou mineure émancipée, capable, peut donner à une ou plusieurs personnes mandat de la représenter pour le cas où, pour l'une des causes prévues à l'article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
« La personne en curatelle peut également, avec l'assistance du curateur, conclure un mandat de protection future.
« Le dernier vivant des père et mère, capable, qui exerce l'autorité parentale sur son enfant mineur ou qui assume la charge matérielle et affective de son enfant majeur peut, pour le cas où cet enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts pour l'une des causes prévues à l'article 425, désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter. Cette désignation prend effet à compter du jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de l'intéressé.
« Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Toutefois, le mandat prévu à l'alinéa précédent ne peut être conclu que par acte notarié.
« Art. 478. - Le mandat de protection future est soumis aux dispositions des articles 1984 à 2010 qui ne sont pas incompatibles avec celles de la présente section.
« Art. 478-1. - Lorsque le mandat s'étend à la protection de la personne, les droits et obligations du mandataire sont définis par les articles 457-1 à 459-1. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
« Le mandat peut prévoir que le mandataire exercera les missions que le code de la santé publique et le code de l'action sociale et des familles confient au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance.
« Le mandat fixe les modalités de contrôle de son exécution.
« Art. 479. - Supprimé............................................................
« Art. 480. - Le mandataire peut être toute personne physique choisie par le mandant ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs prévue à l'article L. 461-2 du code de l'action sociale et des familles.
« Le mandataire doit, pendant toute l'exécution du mandat, jouir de la capacité civile et remplir les conditions prévues pour les charges tutélaires par l'article 395 et par le dernier alinéa de l'article 445 du présent code.
« Il ne peut, pendant cette exécution, être déchargé de ses fonctions qu'avec l'autorisation du juge des tutelles.
« Art. 481. - Le mandat prend effet lorsqu'il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts. Celui-ci en reçoit notification dans les conditions prévues par le nouveau code de procédure civile.
« À cette fin, le mandataire produit au greffier en chef du tribunal d'instance le mandat et un certificat médical émanant d'un médecin choisi sur la liste mentionnée à l'article 431 établissant que le mandant se trouve dans l'une des situations prévues à l'article 425.
« Art. 482. - Le mandataire exécute personnellement le mandat. Toutefois, il peut se substituer un tiers pour les actes de gestion du patrimoine mais seulement à titre spécial.
« Le mandataire répond de la personne qu'il s'est substituée dans les conditions de l'article 1994.
« Art. 483. - Le mandat mis à exécution prend fin par :
« 1° Le rétablissement des facultés personnelles de l'intéressé constaté à la demande du mandant ou du mandataire, dans les formes prévues à l'article 481 ;
« 2° Le décès de la personne protégée ou son placement en curatelle ou en tutelle, sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure ;
« 3° Le décès du mandataire, son placement sous une mesure de protection ou sa déconfiture ;
« 4° Sa révocation prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé, lorsqu'il s'avère que les conditions prévues par l'article 425 ne sont pas réunies, lorsque l'application des règles du droit commun de la représentation ou celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux apparaissent suffisantes pour qu'il soit pourvu aux intérêts de la personne par son conjoint avec qui la communauté de vie n'a pas cessé ou lorsque l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant.
« Le juge peut également suspendre les effets du mandat pour le temps d'une mesure de sauvegarde de justice.
« Art. 484. - Tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en oeuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution.
« Art. 485. - Le juge qui met fin au mandat peut ouvrir une mesure de protection juridique dans les conditions et selon les modalités prévues aux sections 1 à 4 du présent chapitre.
« Lorsque la mise en oeuvre du mandat ne permet pas, en raison de son champ d'application, de protéger suffisamment les intérêts personnels ou patrimoniaux de la personne, le juge peut ouvrir une mesure de protection juridique complémentaire confiée, le cas échéant, au mandataire de protection future. Il peut aussi autoriser ce dernier ou un mandataire ad hoc à accomplir un ou plusieurs actes déterminés non couverts par le mandat.
« Le mandataire de protection future et les personnes désignées par le juge sont indépendants et ne sont pas responsables l'un envers l'autre ; ils s'informent toutefois des décisions qu'ils prennent.
« Art. 486. - Le mandataire chargé de l'administration des biens de la personne protégée fait procéder à leur inventaire lors de l'ouverture de la mesure. Il assure son actualisation au cours du mandat afin de maintenir à jour l'état du patrimoine.
« Il établit annuellement le compte de sa gestion qui est vérifié selon les modalités définies par le mandat et que le juge peut en tout état de cause faire vérifier selon les modalités prévues à l'article 511.
« Art. 487. - À l'expiration du mandat et dans les cinq ans qui suivent, le mandataire tient à la disposition de la personne qui est amenée à poursuivre la gestion, à la personne protégée si elle a recouvré ses facultés ou à ses héritiers l'inventaire des biens et les actualisations auxquelles il a donné lieu ainsi que les cinq derniers comptes de gestion et les pièces nécessaires pour continuer celle-ci ou assurer la liquidation de la succession de la personne protégée.
« Art. 488. - L'annulation ou la rescision des actes accomplis par le mandant et entrant dans le champ du mandat ainsi que la réduction des obligations qui en découlent sont poursuivies dans les conditions prévues à l'article 435 comme s'ils avaient été faits par un majeur en sauvegarde de justice.
« Sous-section 2
« Du mandat notarié
« Art. 489. - Lorsque le mandat est établi par acte authentique, il est reçu par un notaire choisi par le mandant et par un notaire désigné par le président de la chambre des notaires. L'acceptation du mandataire est faite dans les mêmes formes.
« Tant que le mandat n'a pas reçu exécution, le mandant peut le modifier dans les mêmes formes ou le révoquer en notifiant sa révocation au mandataire et aux notaires. Jusqu'à cette date, le mandataire peut renoncer au mandat en notifiant sa renonciation au mandant et aux notaires.
« Art. 490. - Par dérogation à l'article 1988, le mandat, même conçu en termes généraux, inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d'accomplir seul ou avec une autorisation.
« Toutefois, le mandataire ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit qu'avec l'autorisation du juge des tutelles.
« Art. 491. - Pour l'application du second alinéa de l'article 486, le mandataire rend compte à un des notaires qui a établi le mandat en lui adressant ses comptes, auxquels sont annexées toutes pièces justificatives utiles. Celui-ci en assure la conservation ainsi que celle de l'inventaire des biens et de ses actualisations.
« Le notaire saisit le juge des tutelles de tout mouvement de fonds et de tout acte non justifiés ou n'apparaissant pas conformes aux stipulations du mandat.
« Sous-section 3
« Du mandat sous seing privé
« Art. 492. - Le mandat établi sous seing privé est daté et signé de la main du mandant et contresigné par un avocat ou par deux témoins majeurs choisis par le mandant.
« Le mandataire accepte le mandat en y apposant sa signature.
« Tant que le mandat n'a pas reçu exécution, le mandant peut le modifier ou le révoquer dans les mêmes formes et le mandataire peut y renoncer en notifiant sa renonciation au mandant.
« Art. 492-1. - Le mandat n'acquiert date certaine que dans les conditions de l'article 1328.
« Art. 493. - Le mandat est limité, quant à la gestion du patrimoine, aux actes qu'un tuteur peut faire sans autorisation.
« Si l'accomplissement d'un acte qui est soumis à autorisation ou qui n'est pas prévu par le mandat s'avère nécessaire dans l'intérêt du mandant, le mandataire saisit le juge des tutelles pour le voir ordonner.
« Art. 494. - Pour l'application du dernier alinéa de l'article 486, le mandataire conserve l'inventaire des biens et ses actualisations, les cinq derniers comptes de gestion, les pièces justificatives ainsi que celles nécessaires à la continuation de celle-ci.
« Il est tenu de les présenter au juge des tutelles ou au procureur de la République dans les conditions prévues à l'article 416.
« CHAPITRE III
« De la mesure d'accompagnement judiciaire
« Art. 495. - Lorsque les mesures mises en oeuvre en application des articles L. 271-1 à L. 271-4 du code de l'action sociale et des familles au profit d'une personne majeure n'ont pas permis une gestion satisfaisante par celle-ci de ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité en est compromise, le juge peut ordonner une mesure d'accompagnement judiciaire destinée à rétablir l'autonomie de l'intéressé dans la gestion de ses ressources.
« Il n'y a pas lieu de prononcer cette mesure à l'égard d'une personne mariée lorsque l'application des règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux permet une gestion satisfaisante des prestations sociales de l'intéressé par son conjoint.
« Art. 495-1. - La mesure d'accompagnement judiciaire ne peut être prononcée si la personne bénéficie d'une mesure de protection juridique prévue au chapitre II du présent titre.
« Le prononcé d'une mesure de protection juridique met fin de plein droit à la mesure d'accompagnement judiciaire.
« Art. 495-2. - La mesure d'accompagnement judiciaire ne peut être prononcée qu'à la demande du procureur de la République qui en apprécie l'opportunité au vu du rapport des services sociaux prévu à l'article L. 271-6 du code de l'action sociale et des familles.
« Le juge statue, la personne entendue ou appelée.
« Art. 495-3. - Sous réserve des dispositions de l'article 495-7, la mesure d'accompagnement judiciaire n'entraîne aucune incapacité.
« Art. 495-4. - La mesure d'accompagnement judiciaire porte sur la gestion des prestations sociales, à l'exception des prestations de retraite, choisies par le juge, lors du prononcé de celle-ci, dans une liste fixée par décret.
« À titre exceptionnel, par décision spécialement motivée, le juge peut étendre la mesure d'assistance judiciaire à tout ou partie des ressources du majeur, dès lors que la seule gestion des prestations sociales n'est pas suffisante pour assurer la santé ou la sécurité du majeur.
« Le juge statue sur les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en oeuvre de la mesure. Il peut en modifier l'étendue ou y mettre fin à tout moment.
« Art. 495-5. - Lorsqu'une mesure de tutelle aux prestations sociales ordonnée en application des articles L. 552-6 et L. 755-4 du code de la sécurité sociale coexiste avec une mesure d'accompagnement judiciaire, les prestations versées du chef de la première sont exclues de plein droit du champ de la seconde.
« Art. 495-6. - Seul un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 461-2 du code de l'action sociale et des familles peut être désigné par le juge pour exercer la mesure d'accompagnement judiciaire.
« Art. 495-7. - Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs perçoit les prestations incluses dans la mesure d'accompagnement judiciaire sur un compte ouvert au nom de la personne auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public, dans les conditions prévues à l'article 427, sous réserve des dispositions applicables aux mesures de protection confiées aux personnes ou services préposés des établissements de santé et des établissements sociaux ou médico-sociaux soumis aux règles de la comptabilité publique.
« Il gère ces prestations dans l'intérêt de la personne en tenant compte de son avis et de sa situation familiale.
« Il exerce auprès de celle-ci une action éducative tendant à rétablir les conditions d'une gestion autonome des prestations sociales.
« Art. 495-8. - Le juge fixe la durée de la mesure qui ne peut excéder deux ans. Il peut, à la demande de la personne protégée, du mandataire ou du procureur de la République, la renouveler par décision spécialement motivée sans que la durée totale puisse excéder quatre ans.
« Art. 495-9. - Les dispositions du titre XII relatives à l'établissement, la vérification et l'approbation des comptes et à la prescription qui ne sont pas incompatibles avec celles du présent chapitre sont applicables à la gestion des prestations sociales prévues à l'article 495-7. »
M. le président. Sur cet article, je suis saisi d'un grand nombre d'amendements.
L'amendement n° 228 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 415 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
Elles peuvent être assistées par un avocat.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a pour objet de poser le principe selon lequel un majeur protégé ou à protéger peut être assisté par un avocat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous admettrez, monsieur Détraigne, que cette disposition relève du domaine réglementaire, puisqu'il s'agit de procédure civile.
En outre, le projet de loi ne modifie en rien les règles relatives à l'assistance d'un avocat devant le tribunal d'instance. Je rappelle que les articles 827 et 828 du nouveau code de procédure civile prévoient que, devant le tribunal d'instance, les parties se défendent elles-mêmes en principe. Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat, mais aussi par leur conjoint, un parent ou un allié.
Telle est la raison pour laquelle je vous demande de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je partage l'avis de la commission, monsieur Détraigne.
Ou bien la disposition que vous proposez est redondante, parce que tout le monde peut prendre un avocat, ou bien elle empêche une personne autre qu'un avocat d'être présente, ce que le Gouvernement désapprouve totalement.
Par conséquent, dans les deux cas, il convient que vous retiriez votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 228 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Détraigne ?
M. Yves Détraigne. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 228 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 12, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 415 du code civil, remplacer le mot :
appliquée
par le mot :
assurée
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots :
après les avoir
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 417 du code civil :
entendus ou appelés
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'agit, là encore, d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 419 du code civil, insérer une phrase ainsi rédigée :
Il en fixe le montant.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Vasselle, P. Blanc et Texier et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 419 du code civil par les mots :
en fonction de ses ressources
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. C'est un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas vraiment un amendement de précision, mon cher collègue !
L'indemnité due à la personne chargée de la protection, selon l'importance des biens gérés ou la difficulté d'exercer la mesure, est entièrement à la charge de la personne protégée. Il n'est pas possible d'y déroger.
En revanche, comme le prévoit l'amendement de la commission des lois, il appartiendra au conseil de famille ou, à défaut, au juge des tutelles d'en fixer le montant. À ce moment-là, il tiendra bien évidemment compte des ressources du majeur protégé.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi la commission sera contrainte, à son grand regret, d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet exactement le même avis que la commission.
Cet amendement n'a rien d'un amendement de précision, sauf à penser que la précision consiste à faire payer l'État lorsque les ressources de la personne protégée sont insuffisantes ! Mais, dans ce cas, l'amendement va très au-delà de la précision, vous l'admettrez. Il serait même passible de l'article 40 de la Constitution, puisqu'il entraînerait une dépense nouvelle pour l'État.
M. le président. L'amendement n° 252 rectifié est-il maintenu, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle. Je constate qu'il y a deux poids deux mesures. En effet, quand un amendement de précision émane de la commission, il ne soulève aucune difficulté. En revanche, lorsqu'il vient d'un membre de la Haute Assemblée, cela pose des problèmes majeurs ! (Rires.)
De surcroît, la précision proposée me paraît confortée par le président de la commission, puisque, selon lui, il va de soi que, lorsque les ressources de l'intéressé sont insuffisantes, le magistrat doit en tenir compte.
Par conséquent, les mots que je propose d'ajouter « en fonction de ses ressources » précisent bien les conditions dans lesquelles le magistrat devra apprécier s'il y a lieu de prévoir ou non une participation financière.
J'aurais préféré entendre le garde des sceaux me répondre que mon amendement est satisfait dans la mesure où il appartiendra au juge d'apprécier le niveau de ressources de l'intéressé pour fixer son niveau de contribution. S'il m'avait donné cette explication de texte, j'aurais eu l'assurance que les magistrats seront tenus d'appliquer la disposition dans cet état d'esprit, auquel cas mon amendement ne se justifiait plus et pouvait être retiré.
Mais, à ce stade du débat, j'attends de M. le président de la commission des lois qu'il veuille bien confirmer l'interprétation qu'il a faite de cette disposition et du Gouvernement qu'il dise qu'il la partage, auquel cas je serais prêt à retirer l'amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. Vasselle est désespérant ! (Sourires.)
Il nous fait croire que c'est un amendement de précision et qu'il ne connaît pas le sujet, alors qu'il a ici un objectif extrêmement précis.
Je vous répète donc ce que j'ai déjà dit, monsieur Vasselle, et je souligne que c'est exactement la réponse que vous attendiez : comme le prévoit notre amendement, il appartiendra au conseil de famille ou, à défaut, au juge des tutelles de fixer le montant de la contribution, en tenant compte bien évidemment des ressources du majeur protégé. Je vous l'ai dit !
M. Alain Vasselle. Oui, monsieur le président, je ne le conteste pas, mais je demande que le garde des sceaux confirme qu'il est bien d'accord avec votre interprétation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Vasselle, l'article 5 comprend plusieurs alinéas. Certains d'entre eux vous donnent satisfaction, car c'est l'État qui va payer.
En revanche, l'un des alinéas prévoit le cas où un tuteur, chargé de régler une succession lourde et importante en faveur d'un majeur protégé, doit être indemnisé, compte tenu du temps et de l'énergie qu'il a consacrés à ce problème. Il le sera, non pas par l'État, mais par un prélèvement sur l'héritage.
Vous le voyez, je ne peux pas vous donner satisfaction à tous les alinéas !
Cela étant, monsieur le président, je veux bien que nous fassions ce travail de commission avec M. Vasselle, mais cela prend du temps !
M. le président. Qu'en est-il en définitive de l'amendement n° 252 rectifié, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je persiste et je le maintiens, pour que les choses soient claires !
M. Alain Vasselle. De peu !
M. le président. L'amendement n° 227 rectifié bis, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 419 du code civil :
« Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul commune à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a pour objet de préciser que le barème de financement d'une mesure de protection judiciaire est le même, quelle que soit la source de financement, qu'il vienne d'une collectivité locale, comme le département, de l'État, ou d'ailleurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Tout en étant a priori favorable à cet amendement, la commission se ralliera à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Vasselle, P. Blanc et Texier et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 419 du code civil par les mots :
en fonction de ses ressources
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 185, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 420 du code civil :
« Lorsque les mandataires judiciaires, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, perçoivent une autre somme ou bénéficient d'autres avantages financiers en relation directe ou indirecte avec les missions dont ils ont la charge, la somme perçue ou l'avantage devra être inscrite dans une annexe figurant au bilan comptable dans des conditions définies par décret.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article pose une interdiction absolue et indistincte pour tout mandataire de percevoir des avantages, quelle que soit leur forme, dès lors qu'ils ont un lien direct ou non avec les missions dont il a la charge.
S'il est tout à fait normal que le législateur veuille encadrer le dispositif, l'encadrement qui nous est proposé nous paraît excessif et, surtout, contre-productif.
Cet article remet en cause certains avantages, alors qu'ils permettraient d'améliorer le fonctionnement des services de tutelle, ce qui profiterait indirectement au majeur protégé.
Par ailleurs, certaines associations tutélaires perçoivent des cotisations qui entrent dans la catégorie des avantages financiers directs ou indirects prohibés par l'article 5.
Telle est la raison pour laquelle nous tenons à cet amendement, qui vise à restreindre la portée de l'interdit fixé par cet article.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 420 du code civil :
Sous réserve des aides ou subventions accordées par les collectivités publiques aux personnes morales pour leur fonctionnement général, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne peuvent, à quelque titre et...
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux personnes morales, associations tutélaires, de continuer à bénéficier d'aides des collectivités territoriales au titre de leur fonctionnement général, qu'il s'agisse de subventions ou de mise à disposition de locaux.
L'amendement n° 185 me paraît donc satisfait par celui de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le rapporteur a très bien justifié son amendement. Ce dernier est en effet plus précis que celui de Mme Josiane Mathon-Poinat, qui est donc satisfait.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 185 et favorable à l'amendement n° 16.
M. le président. Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 185 est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 185 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 315, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 420 du code civil par les mots :
qu'après autorisation du juge des tutelles
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet de maintenir le principe de l'interdiction pour un mandataire judiciaire à la protection des majeurs de délivrer un mandat de recherche des héritiers.
Toutefois, en cas de décès, le mandataire doit remettre aux héritiers une copie des derniers comptes de gestion. Or, lorsqu'il n'existe pas d'héritier connu, il faut engager des recherches. C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à permettre au mandataire de justice de demander au juge la possibilité d'émettre un mandat de recherche d'un héritier, le juge exerçant alors un contrôle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il s'agit, me semble-t-il, d'un excellent amendement.
L'Assemblée nationale avait sans doute un peu trop limité les droits des généalogistes. Il est important de reconnaître que, dans un certain nombre de cas, cette profession est fort utile. Or, autorisé par le juge des tutelles, le recours aux services d'un généalogiste me paraît légitime. Voilà donc une précision qui est la bienvenue !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je voterai ce dispositif.
Toutefois, à ce sujet, je tenais à rebondir sur un amendement que j'ai retiré. Il portait sur le texte proposé pour l'article 411 du code civil et traitait des cas de vacance de tutelle. J'aurais souhaité que, dans cette situation, la recherche de membres de la famille puisse également être engagée.
Monsieur le garde des sceaux, selon vous, la vacance de tutelle n'est avérée que lorsqu'il n'y a plus aucun membre de la famille. Cependant, un autre cas de figure peut se présenter ; il s'agit du cas où aucun membre de la famille ne veut exercer la tutelle. Voilà une situation que vous n'avez pas évoquée.
Je me permets d'intervenir dans la discussion pour que ces éléments figurent dans le compte rendu de notre débat. Ceux qui liront le texte connaîtront ainsi les raisons pour lesquelles, en cas de vacance, l'exercice de la tutelle est systématiquement confié à une collectivité locale, en l'occurrence le département.
Encore une fois, deux cas de figure peuvent se présenter : soit il n'existe plus aucun membre d'une famille - ce qui doit être rarissime - soit les membres de la famille refusent tous d'exercer la fonction de tuteur. Or je crois savoir que les magistrats ne font pas beaucoup d'efforts pour savoir s'il existe encore des membres de la famille, et ils confient automatiquement l'exercice de la mesure à la collectivité locale.
Pour toutes ces raisons, j'aurais souhaité que la disposition que nous examinons actuellement s'applique aux situations de vacance que je viens de décrire et que l'on profite de la navette entre les deux assemblées pour améliorer le texte en ce sens.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais il n'y a pas de navette !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Monsieur Vasselle, comme je le disais tout à l'heure, il peut arriver que les membres d'une famille souhaitent participer au conseil de famille sans vouloir exercer la fonction de tuteur. Dans cette hypothèse, rien n'empêche qu'un mandataire de justice à la protection des majeurs soit désigné en qualité de tuteur et qu'un conseil de famille l'accompagne dans sa tâche. En l'occurrence, on ne parle pas de vacance, monsieur Vasselle.
Toutefois, s'il ne se trouve personne pour exercer les fonctions de tuteur, il est alors généralement rare de trouver des membres de la famille ayant intérêt et vocation à participer au conseil de famille. C'est dans ces conditions que la vacance est prévue ! Si personne ne veut s'intéresser au majeur, le juge prononce une tutelle et désigne un mandataire professionnel.
M. le président. L'amendement n° 264, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article 421 du code civil.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L'article 421 du code civil tel qu'il résulte du texte proposé par le projet de loi traite de la responsabilité des organes chargés de la mesure de protection judiciaire en cas de dommages résultant de leurs fautes. Il prévoit que, en cas de tutelle, la gravité de la faute n'est pas exigée. En revanche, pour la curatelle, la responsabilité n'est engagée qu'en cas de faute lourde, sauf s'il s'agit d'une curatelle renforcée.
Le présent amendement a pour objet de permettre que soit engagée la responsabilité du curateur dans les mêmes conditions que celle des autres organes de la mesure de protection judiciaire. Il ne vise en aucun cas à confondre tutelle et curatelle et encore moins à fondre le régime de la curatelle dans celui de la tutelle. Chaque régime doit conserver sa spécificité.
Nous estimons néanmoins que le fait de conserver au curatélaire la responsabilité de ses actes n'est pas exclusif de la mise en jeu de la responsabilité du curateur, ni incompatible avec cette dernière. Dans sa mission d'assistance, le curateur peut également commettre une faute. Sa responsabilité pour faute simple doit pouvoir être engagée.
C'est pour cela que nous demandons la suppression de la dernière phrase de l'article proposé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Une erreur est commise ici. C'est pourquoi il convient de rappeler une distinction fondamentale.
En cas de tutelle, le tuteur se substitue à la personne protégée, il est donc normal que sa responsabilité puisse être engagée pour faute simple.
En revanche, la curatelle simple n'est qu'une mesure d'assistance. Autrement dit, le majeur protégé reste responsable de ses actes. C'est la raison pour laquelle la responsabilité du curateur ne peut être recherchée que pour faute lourde.
En effet, dans un cas, la responsabilité de la personne protégée disparaît derrière celle du tuteur et, dans l'autre, la personne protégée reste responsable. Pour ces raisons, il nous paraît légitime que seule la faute lourde engage la responsabilité du curateur. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si le droit civil distingue entre curateur et tuteur, c'est qu'il existe des différences, notamment en matière de responsabilité.
Or, l'amendement n° 264 tend à ce que le régime de responsabilité soit le même. Ce n'est pas possible ! Un curateur ne prend des décisions que pour des actes très graves, mais rarement. De son côté, le tuteur agit au quotidien pour les actes de la vie courante et aussi les actes graves. Leur responsabilité ne peut pas être identique. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 265, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 422 du code civil, après les mots :
protection par
insérer les mots :
le procureur de la République,
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 266, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 426 du code civil, remplacer le mot :
protégée
par les mots :
en tutelle
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L'article 426 du code civil tel qu'il est rédigé dans le projet de loi fixe le régime des actes liés au logement et aux meubles du majeur protégé. Les personnes chargées d'administrer le patrimoine du majeur ont l'obligation de maintenir à la disposition de la personne protégée son logement et ses meubles aussi longtemps que son état autorise son maintien ou son retour dans son domicile.
Ainsi rédigé, l'article 426 traite, sans discernement, les personnes sous protection. Certes, le logement doit bénéficier d'une protection particulière pour les personnes vulnérables, mais la protection ne doit pas jouer indistinctement dans tous les cas. Elle doit au contraire être adaptée à la situation du majeur.
Les personnes sous curatelle doivent conserver la faculté d'exprimer leur consentement pour les décisions prises à ce sujet. Le principe de proportionnalité doit pouvoir s'appliquer dans ce domaine. La capacité, les droits et libertés de la personne concernée ne doivent être contraints que dans la limite de l'objectif recherché. Or, si une personne est placée sous curatelle, c'est que sa situation ne justifie pas de la mettre sous tutelle. En conséquence, elle doit demeurer libre, sous les conditions propres à son régime de protection, de disposer de ses meubles ou de son logement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il convient de rappeler les dispositions de l'article 426 du code civil, qui sont essentielles. En effet, elles garantissent la protection du logement de la personne protégée. À ce titre, nous souhaitons renforcer le contrôle du juge.
Or, si votre amendement devait être adopté, mon cher collègue, cette protection serait limitée au majeur sous tutelle, sans être étendue aux majeurs bénéficiant d'une curatelle ou soumis au régime d'un mandat de protection futur. Votre amendement aurait donc pour objet de restreindre la protection que nous voulons accorder, par ce texte, à tous les majeurs protégés, qu'il s'agisse d'une tutelle, d'une curatelle ou d'un mandat de protection future.
C'est la raison pour laquelle nous demandons le retrait de cet amendement, sinon la commission émettra un avis défavorable, mais je ne pense pas que votre souhait soit de restreindre la protection conférée par la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Gautier, l'amendement n° 266 est-il maintenu ?
M. Charles Gautier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 266 est retiré.
L'amendement n° 235 rectifié bis, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Mouly, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 426 du code civil, après les mots :
dont il est garni
insérer les mots :
, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire,
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de précision. Il vise à indiquer que les opérations de conservation du logement peuvent porter aussi bien sur la résidence principale que sur la résidence secondaire, le cas échéant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Toute mesure d'aliénation étant soumise à l'autorisation du juge des tutelles, prévoir en plus l'avis du médecin me semble superfétatoire et surabondant.
M. Paul Blanc. Il n'est pas question de médecin !
M. Robert Bret. Mais oui, il n'en est pas question ici !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Pour ces raisons, la commission demande le retrait de l'amendement, sinon elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Sagesse ! (Exclamations au banc des commissions.) Une telle disposition alourdit le texte, mais je ne m'y oppose pas !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Le Gouvernement semble admettre qu'un juge des tutelles a besoin de l'avis d'un médecin agréé avant d'autoriser une cession ou plus généralement un acte de disposition. Je ne vois pas très bien quel rôle le médecin agréé devrait jouer dans de telles circonstances ! Si telle est bien la sagesse du Gouvernement, permettez-moi tout de même d'être quelque peu étonné ! Je maintiens ma position.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Sauf erreur de ma part, il y a malentendu, monsieur le rapporteur !
Je rappelle les termes du premier alinéa de l'article 426 : « Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu'il est possible. » Mon amendement vise donc simplement à préciser que « le logement » peut aussi bien désigner la résidence secondaire, si la personne l'utilise également.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est oublier, mon cher collègue, que le troisième alinéa de ce même article s'applique également : « S'il devient nécessaire ou s'il est de l'intérêt de la personne protégée qu'il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier par l'aliénation, la résiliation ou la conclusion d'un bail, l'acte est autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens. [...] » Je ne vois pas ce que l'on peut demander de plus, puisqu'il est bien évident que c'est le juge ou le conseil de famille qui donne l'autorisation.
Encore une fois, je ne vois pas très bien ce que vient faire ici le médecin !
M. Yves Détraigne. Mais il n'est pas question de médecin !
M. Henri de Richemont, rapporteur. La résidence secondaire ne peut pas être aliénée sans l'accord du juge des tutelles !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Le garde des sceaux confirme que j'ai raison mais, dans le même temps, s'en remet à la sagesse du Sénat ! Je ne comprends plus très bien !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Réformer le code civil n'est pas affaire de gentillesse, monsieur le garde des sceaux (Rires.), et je ne vois aucune raison d'ajouter une précision qui n'est pas nécessaire.
Je pense que le juge des tutelles a la compétence et la sagesse nécessaires pour décider s'il y a lieu ou non d'autoriser l'aliénation de la résidence secondaire.
M. le président. L'amendement n° 186, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer les deux premières phrases du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 426 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
S'il devient nécessaire ou s'il est de l'intérêt de la personne protégée qu'il soit disposé des droits relatifs à l'habitation ou que le mobilier soit aliéné, l'acte devra être autorisé par le juge des tutelles ou par le conseil de famille s'il a été constitué, après avis du médecin traitant, sans préjudice des autres formalités que peut requérir la nature des biens.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à étendre la consultation préalable du médecin à toutes les situations possibles.
Bien évidemment, l'avis du médecin est purement consultatif, mais il est tout de même important, s'agissant notamment des droits relatifs à l'habitation et au mobilier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je ne peux que me répéter : je crois que le juge dispose de la sagesse et de la compétence nécessaires pour prendre les décisions qui s'imposent, et que son rôle est de protéger le majeur qui doit être protégé. En outre, remplacer l'avis du médecin agréé par celui du médecin traitant ne me paraît pas nécessaire.
La commission s'est donc prononcée défavorablement et demande le retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Dans tout le projet de loi, il est question d'un médecin agréé ; Mme Mathon-Poinat demande ici que soit pris l'avis du médecin traitant. Il faudrait donc, par coordination, modifier l'ensemble du texte !
L'avis est défavorable.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 171 rectifié, présenté par MM. Leroy, Hérisson et Doligé et Mme Sittler, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 427 du code civil :
« Art. 427. - La personne chargée de la mesure de protection ne peut procéder à la modification des comptes ouverts au nom de la personne protégée auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public, sauf si l'intérêt de la personne protégée le commande, et après accord du juge des tutelles.
« Cependant, l'encours moyen mensuel nécessaire aux dépenses quotidiennes de chaque personne protégée est mutualisé dans un compte général divisé en sous-comptes individualisés. Ce compte général mutualisé fait l'objet d'un placement financier rémunéré au jour le jour.
« Les produits de ce compte sont contrôlés par les commissaires aux comptes de chaque organisme tutélaire et sont soumis à un examen annuel d'une commission présidée par le préfet, dont la composition et le rôle sont fixés par décret. Ils sont affectés, pour une part, à la réduction de la charge de l'État et, pour une autre part, à l'attribution directe ou indirecte d'aides ponctuelles aux majeurs sous protection selon une répartition fixée chaque année par la commission. La part revenant à l'État ne saurait être inférieure aux trois quarts des produits financiers ainsi générés.
« Si l'intérêt de celle-ci le commande, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué autorise cette modification.
« Un compte est ouvert au nom de la personne protégée auprès de la Caisse des dépôts et consignations par la personne chargée de la protection si le juge ou le conseil de famille, s'il a été constitué, l'estime nécessaire.
« Lorsque la personne protégée n'est titulaire d'aucun compte ou livret, la personne chargée de la mesure de protection lui en ouvre un.
« Les opérations bancaires de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée sont réalisées au moyen des comptes individualisés au nom de l'intéressé. La durée d'une opération de paiement n'excède pas quinze jours.
« Les fruits, produits et plus-values générés par les comptes individuels et les valeurs appartenant à la personne protégée lui reviennent exclusivement.
« Si la personne protégée a fait l'objet d'une interdiction d'émettre des chèques, la personne chargée de la mesure de protection peut néanmoins, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, faire fonctionner sous sa signature les comptes dont la personne protégée est titulaire.
La parole est à Mme Esther Sittler.
Mme Esther Sittler. La rédaction actuellement proposée pour l'article 426 du code civil prive l'État, les contribuables et les majeurs sous tutelle d'État du bénéfice des produits financiers possibles des comptes courants mutualisés des majeurs sous tutelle d'État. Ce bénéfice est estimé à 20 millions d'euros par an.
Par compte courant mutualisé, il convient d'entendre l'encours moyen mensuel nécessaire pour régler les dépenses courantes du mois sur un compte courant unique géré par l'organisme tutélaire, les autres comptes de placement ouverts auprès d'un organisme bancaire au nom du majeur demeurant individuels.
Rémunéré au jour le jour, ce compte courant mutualisé permettrait de dégager des produits financiers dont il faudra assurer le contrôle ; la Caisse des dépôts et consignations pourrait réaliser ce travail ou construire un cahier des charges concernant la gestion et le fonctionnement de ces comptes. Chaque compte courant mutualisé doit être divisé en sous-comptes individualisés afin de permettre d'identifier tous les mouvements pour chaque majeur.
Les produits financiers de ces comptes seraient affectés, pour partie, aux caisses de l'État, afin d'atténuer la charge que constitue le financement des tutelles d'État, et, pour l'autre partie, à l'attribution directe ou indirecte d'aides ponctuelles aux majeurs sous protection les plus démunis, après examen d'une commission présidée par le représentant de l'État - le préfet - et dans laquelle siégeraient éventuellement un représentant des services fiscaux - le trésorier-payeur général -, un représentant des juges des tutelles, un représentant des greffiers en chef et un représentant de l'organisme tutélaire.
Le système du compte courant mutualisé permet d'offrir au majeur protégé une meilleure sécurité, une transparence totale de gestion et une diminution du coût de ses services bancaires. Enfin, selon une première estimation, il permettrait à l'État de récupérer plus de 20 millions d'euros par an.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Remplacer les deux premiers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 427 du code civil par deux alinéas ainsi rédigés :
« La personne chargée de la mesure de protection ne peut procéder ni à la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée ni à l'ouverture d'un autre compte ou livret auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public.
« Le juge des tutelles ou le conseil de famille s'il a été constitué peut toutefois l'y autoriser si l'intérêt de la personne protégée le commande.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'interdire à la personne chargée de la protection d'un majeur non seulement de modifier le compte ou le livret déjà ouvert au nom du majeur, mais d'en ouvrir un autre sans l'accord du juge.
C'est là une protection, monsieur le président, que nous considérons comme absolument essentielle.
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 427 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout mandataire judiciaire à la protection des majeurs peut, tout en conservant les comptes déjà ouverts au nom du majeur protégé, ouvrir un autre compte de dépôt auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public. Ce compte doit être individuel et nominatif.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement est assez proche de celui de la commission des lois.
La rédaction proposée dans le projet de loi pour l'article 427 du code civil nous a conduits à nous interroger sur l'interdiction de modifier des comptes ouverts.
En posant l'interdiction d'ouvrir un autre compte au nom du majeur protégé dès lors que celui-ci est déjà titulaire d'un compte bancaire, l'article 427, tel qu'il nous est soumis, peut susciter pour les associations tutélaires de graves difficultés dans le suivi et la gestion des comptes sans pour autant que le majeur protégé en tire un quelconque avantage. En effet, ses ressources et son patrimoine doivent être gérés à partir de comptes individuels, nominatifs et personnalisés ; de même, les intérêts doivent lui être reversés, et à lui seul. Ainsi, il sera définitivement mis fin à la pratique des comptes pivots.
Un majeur a cependant besoin de pouvoir effectuer sur son compte bancaire des opérations de retrait pour les dépenses de la vie courante, comme vient de l'évoquer M. de Richemont. Mais, en même temps, et c'est là que surgissent les difficultés, le représentant légal, lui, doit percevoir les ressources du majeur et les affecter aux dépenses courantes. Il doit donc lui aussi effectuer des opérations techniques, telles que le calcul des prélèvements mensuels ou de reversement à l'aide sociale.
Notre solution permettrait à la fois de lutter contre les comptes pivots, de sauvegarder les intérêts de la personne protégée et de donner aux associations, notamment, les moyens de faire fonctionner les comptes.
M. le président. L'amendement n° 229 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste-UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 427 du code civil :
« La personne protégée reste propriétaire des fruits, produits et plus-values résultant des fonds, valeurs et biens, dont ils sont issus.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 229 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 267, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 427 du code civil par les mots :
et disposer de tous les moyens de paiement habituels
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement, qui vise à clarifier la rédaction proposée pour le sixième alinéa de l'article 427 du code civil, va dans le sens des recommandations du Médiateur de la République, qui vient d'ailleurs de remettre son rapport au Président de la République.
Il conviendrait de modifier également le code monétaire et financier, qui interdit aux banques de délivrer un chéquier au titulaire du compte placé sous tutelle et à la personne qui en a la charge.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 171 rectifié, 187 et 267 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Alors que nous supprimons les comptes pivots, l'amendement n° 171 rectifié vise d'une certaine façon à les rétablir en créant un compte mutualisé. Je considère pour ma part que chaque majeur sous tutelle a le droit d'avoir non seulement son propre compte, mais également les ressources qui en sont issues. Le priver de cette dernière possibilité et affecter une partie des ressources de son compte à l'État ou à d'autres organismes me paraît absolument attentatoire à sa liberté. C'est la raison pour laquelle, bien entendu, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 187 me paraît satisfait par celui de la commission des lois. J'en demande donc le retrait.
Enfin, sur l'amendement n° 267, qui apporte une précision très utile, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements restant en discussion ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame Sittler, votre amendement n° 171 rectifié vise à rétablir le principe des comptes pivots.
J'ai été comme vous très sensible aux démarches de certaines associations bien connues de tous les départements français : elles sont venues vous rendre visite, elles sont venues me rendre visite, on les a vues partout, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Soyons clairs : les résolutions prises sont excellentes, et les dérapages liés aux comptes pivots appartiennent désormais au passé. Le compte pivot, je le précise, c'était un compte unique sur lequel était placé l'argent de toutes les personnes sous tutelle, argent que l'on faisait travailler en oubliant quelquefois de reverser les intérêts aux personnes protégées.
On vous expliquera que jamais de telles choses ne se sont produites ; sans doute ! Mais, du fait de l'opacité qui prévaut, le risque existe. Or une personne sous tutelle mérite dignité et doit être traitée comme nous le sommes nous-mêmes. Pourquoi en serait-il autrement ? Ce serait très choquant ! Et j'imagine, mesdames, messieurs les sénateurs, que votre compte n'est pas confondu avec ceux de tous vos voisins : vous avez un compte individualisé, et il n'est pas question pour vous de le noyer dans un compte unique pour le quartier, dans un compte pivot.
Mme Sittler formule dans son amendement une proposition d'une grande complexité technique visant à la mutualisation des comptes, mais elle ne fait que réinventer un compte pivot.
Alors, je le dis franchement : c'est non ! Ce ne serait pas respectueux de la dignité de la personne sous tutelle ou sous curatelle, ce qui n'est pas moralement acceptable.
Mme Esther Sittler. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mon argumentation vaut pour tous les amendements en discussion.
Ainsi, madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 187 pourrait peut-être prendre le même chemin que celui de Mme Sittler !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est pourtant beaucoup plus pertinent !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous voulez rétablir le droit pour le tuteur d'ouvrir dans sa propre banque un compte au nom de la personne protégée. Mais il doit respecter la personne dont il gère le compte et ne pas l'obliger à changer de banque : ce ne serait pas respectueux de la personne !
Certes, il s'agit ici non pas de récréer un compte pivot, mais de faciliter la vie du tuteur, notamment pour les actes de gestion. Mais ce n'en est pas souhaitable pour autant, en raison, je le répète, du respect dû à la dignité de la personne placée sous tutelle.
L'avis est donc défavorable.
M. de Richemont, en revanche, tient à préciser par son amendement n° 17 que, si la personne sous tutelle devait ouvrir un autre compte, il faudrait que ce soit le juge qui le lui permette. Il s'agit d'une sécurité supplémentaire, et le Gouvernement a émis un avis favorable.
Monsieur Gautier, après M. le rapporteur, j'ai bien envie à mon tour de vous rappeler que nous sommes en train de faire du droit, et que le droit, c'est concis, c'est beaucoup de sens en peu de mots. Or l'amendement n° 267 tend à décrire dans la loi quels sont les moyens de paiement habituels... Franchement, monsieur le sénateur, une précision de cette nature n'a pas sa place dans la loi, ni même dans le règlement : elle relève du contrat ! L'amendement est donc tout à fait superfétatoire.
Mon objection ne porte pas sur le fond, monsieur Gautier ; simplement, parce que nous faisons du droit, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 428 du code civil, après les mots :
mesure de protection judiciaire
insérer les mots :
moins contraignante
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'amendement n° 18 est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 428 du code civil :
« La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 428 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute décision judiciaire de mesure de protection est motivée en précisant tant la proportionnalité que l'individualisation de la mesure de protection.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Si le propre d'une décision judiciaire est d'être motivée, le législateur est en droit d'apporter les précisions utiles qui permettront à la famille ou aux proches de la personne à protéger de prendre connaissance avec justesse des raisons qui justifient la décision judiciaire. C'est la raison pour laquelle il convient de prévoir que toute décision judiciaire de mesure de protection précise les critères de proportionnalité et d'individualisation sur lesquels elle se fonde et qui formeront le coeur de la motivation du juge.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement est sympathique, mais il est profondément dangereux.
Si vous précisez chaque fois qu'un juge doit motiver ses décisions, cela veut dire que, lorsque vous ne le précisez pas, il n'aura pas à les motiver. Or, un juge doit toujours motiver ses décisions. Telle est la raison pour laquelle prévoir qu'une décision doit être motivée nous semble dangereux car, si cette obligation ne figure pas dans un texte, le juge pourrait croire qu'il est dispensé de motiver sa décision, ce qui n'est pas le cas.
Par conséquent, la commission vous demande de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La motivation est déjà inscrite comme principe général dans l'article 455 du nouveau code de procédure civile. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 430 du code civil, remplacer les mots :
ministère public
par les mots :
procureur de la République
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 269, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 431 du code civil par les mots :
ou du médecin de l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées prévu à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L'article 431 du code civil dans la rédaction du projet de loi exige, à peine d'irrecevabilité, que la demande d'ouverture d'une mesure de protection soit accompagnée d'un certificat médical rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur.
Le présent amendement prévoit que le certificat circonstancié qui accompagne la demande d'ouverture de la mesure de protection puisse être également rédigé par le médecin de l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées.
On ne peut contester que des garanties soient apportées sur tout le territoire national quant à la qualification des médecins qui seront amenés à intervenir dans ces situations. L'objectif de l'agrément est de s'assurer que ceux-ci présenteront les mêmes garanties. Les médecins concernés sont appelés à accomplir un acte d'une extrême gravité : constater que les patients souffrent d'une altération des facultés mentales ou corporelles qui nécessite la mise en place d'une protection particulière. L'agrément permettrait un contrôle et assurerait la cohérence des décisions dès lors qu'elles seront établies sur le fondement de critères communs.
Or, dans la pratique, l'agrément ne correspond qu'à l'inscription sur une liste. Il ne joue pas véritablement le rôle auquel il est destiné. Par ailleurs, les médecins qui exercent dans les maisons départementales des personnes handicapées possèdent un savoir et de véritables compétences en matière de handicap. Au regard de leurs qualifications, rien n'empêche qu'ils puissent figurer sur la liste des médecins agréés.
Le projet de loi les contraint à entreprendre une démarche administrative qui relève d'un formalisme superflu, car il méconnaît la réalité, celle du manque de médecins s'intéressant au handicap et connaissant bien la personne handicapée.
Il n'y a aucune raison pour que le Sénat refuse qu'un médecin d'une maison départementale des personnes handicapées établisse le certificat. Les collectivités territoriales et l'État auraient tout à y gagner, en termes d'économies et de gains d'efficacité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement introduit une confusion entre la compensation du handicap prévue dans la loi du 11 février 2005 et la protection juridique.
La loi prévoit qu'un majeur ne peut être placé sous mesure de protection que sur la base d'un certificat médical rédigé par un médecin présentant toute garantie d'expérience et d'indépendance et agréé et, par conséquent, figurant sur la liste établie par le procureur.
Seul le médecin inscrit sur cette liste peut établir le certificat sur la base duquel le juge des tutelles se prononcera.
Toutefois, cela n'interdit aucunement au médecin d'une maison départementale des personnes handicapées de se faire agréer sur la liste établie par le procureur et, s'il figure sur cette liste, il établira le certificat en tant que médecin agréé et non pas en tant que médecin de l'établissement.
Que ces médecins se fassent agréer et vous aurez satisfaction, mon cher collègue, mais nous ne pouvons pas introduire une exception au principe que nous avons posé dans la loi en permettant que des médecins, parce qu'ils sont des médecins d'établissement, n'aient pas besoin de se faire agréer.
M. Paul Blanc. Tout à fait d'accord !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Gautier, comme M. le rapporteur l'a très bien expliqué, le juge ne prendra une décision que sur l'avis d'un médecin agréé et non pas du médecin traitant, qui pourrait être complaisant.
Il y a donc une cohérence de l'ensemble du texte, le médecin doit être agréé.
Le même amendement avait été déposé à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un bel hommage aux maisons départementales des personnes handicapées, ce dont je me réjouis.
Par ailleurs, si les départements considèrent qu'il est simple d'avoir dans les maisons départementales des personnes handicapées un médecin agréé, que ces derniers présentent leur candidature et ils n'auront pas beaucoup de difficultés à obtenir l'agrément. Mais nous gardons l'homogénéité du texte, le médecin doit être agréé, sinon, on en revient au médecin traitant et, très honnêtement, des dérives sont possibles.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que nous sommes en train de réformer un livre du code civil.
Je ne sais pas s'il y a même dix ans on aurait imaginé inscrire dans le code civil des formules du type de celle qui nous est proposée, s'agissant du « médecin de l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées » ! On aurait sans doute considéré que les conditions de l'agrément étaient de la compétence du procureur, à fixer par une circulaire ou par toute autre mesure d'ordre réglementaire.
De plus en plus, on mélange deux niveaux. Eh bien, non ! Au législateur que nous sommes revient la tâche de fixer les principes présidant à la réforme de la tutelle et de la protection des majeurs, mais il faut nous en tenir là parce que tout le reste, c'est-à-dire les mesures d'application, relève du domaine réglementaire.
Je le dis une fois pour toutes à l'occasion de cet amendement, mais que mon ami Charles Gautier ne s'en émeuve pas outre mesure, car je vise beaucoup d'autres amendements de même nature : restons-en, dans le code civil, aux principes qui concernent le droit civil, et renvoyons les mesures d'application au pouvoir réglementaire.
Mes chers collègues, que deviendrait le code civil si nous continuions sur cette pente ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 189, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 431 du code civil, remplacer les mots :
est fixé
par les mots :
et les modalités de sa prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle sont fixés
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à revoir le financement du certificat médical certifié délivré par un médecin spécialiste. Le laisser à la charge du requérant est injuste parce que, étant considéré comme une expertise et non comme une simple consultation, le certificat médical donne lieu à des honoraires payés au médecin qui ne peuvent donc ouvrir droit à une prise en charge par la sécurité sociale. Toutefois, ces honoraires sont extrêmement élevés.
De ce fait, un justiciable pourrait hésiter à faire valoir ses droits en justice en raison du coût exorbitant d'un acte préalable nécessaire à la saisine du juge. Et c'est encore plus vrai quand ce justiciable ne dispose pas de ressources suffisantes.
Or, comme la protection juridique des plus vulnérables est tout de même une mission incombant à la collectivité, il convient dès lors de prévoir une prise en charge du coût du certificat médical délivré par un expert dans le cadre de l'aide juridictionnelle.
Par ailleurs, la loi de février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a réaffirmé l'existence d'un droit à une compensation des conséquences du handicap, de nature universelle.
Ce droit, qui avait déjà été posé par les lois de janvier 2002 et de mars 2002, a été défini comme une obligation faite à l'ensemble de notre collectivité de répondre à tous les besoins des personnes, notamment des personnes handicapées - places dans les établissements spécialisés, allocations diverses - et en particulier de permettre « l'accès aux moyens et prestations accompagnant la mesure de mise en oeuvre de la protection juridique ».
Par conséquent, le rôle conféré au certificat médical, dans le cadre du projet de loi, participe plus d'une mise en oeuvre d'une protection juridique puisqu'il est requis, en effet, sous peine d'irrecevabilité de la demande.
Ce problème a été abordé ce matin par la commission des lois : si le coût du certificat médical n'est pas pris en charge par la sécurité sociale, il doit obligatoirement être pris en charge par l'aide juridictionnelle.
M. le président. L'amendement n° 106 rectifié, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 431 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
Il est pris en charge par l'État pour les personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond fixé par ce même décret.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je plaide également pour la prise en charge au bénéfice des personnes en difficulté ayant les revenus les plus modestes, parce qu'il serait paradoxal que ces dernières ne puissent pas être aidées pour être protégées. Mais je ne parlerai pas d'aide juridictionnelle, chère collègue, puisque la décision du juge ne sera pas encore prise. Il faut donc que le coût de ce certificat soit pris en charge par l'État.
M. Vasselle va peut-être réagir si je lui dis qu'une partie des frais pourrait être remboursée par la sécurité sociale. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 189, nous considérons que le certificat médical ne peut pas relever de l'aide juridictionnelle, puisqu'il est délivré en amont de toute décision de justice.
Nous comprenons très bien que le coût puisse être élevé pour les familles et il faudrait peut-être trouver une solution pour faire en sorte que le certificat médical ne soit pas à leur charge. Il me semble d'ailleurs qu'un décret doit prévoir les modalités de prise en charge de ce certificat médical.
En tout état de cause, cela ne peut pas relever de l'aide juridictionnelle. Même si l'État doit participer, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un coût important pour les finances publiques. La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 106 rectifié, la commission aimerait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement invoque l'article 40 de la Constitution sur les deux amendements.
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ces deux amendements, s'ils étaient votés, accroîtraient la charge publique. Par conséquent, l'article 40 est applicable.
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements nos 189 et 106 rectifié ne sont pas recevables.
L'amendement n° 178 rectifié bis, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article 431 du code civil, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - La liste des médecins spécialistes est établie chaque année par le procureur de la République, après consultation du préfet. À cette fin, celui-ci procède à une enquête de moralité. Cette enquête est renouvelée au moins tous les cinq ans.
« Cette liste précise obligatoirement la spécialisation de chaque médecin.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement vise à attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité, dans le cadre du décret, de préciser les conditions dans lesquelles le procureur de la République établit la liste des médecins spécialistes qui apportent leur expertise lors d'une procédure de mise sous tutelle.
Cette liste devra donner lieu à une consultation du préfet, à une enquête de moralité des personnalités pressenties et préciser la spécialité de chaque médecin.
En effet, on n'examine pas de la même manière le patient qui souffre d'autisme et celui qui est atteint de la maladie d'Alzheimer. Le fait qu'un médecin figure sur la liste ne constitue pas en soi la garantie du diagnostic qui sera fait ni de l'avis médical qui sera rendu.
Je souhaite donc que M. le ministre s'engage à apporter toutes ces précisions dans le décret.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je comprends fort bien les préoccupations de M. About. Toutefois, comme l'a rappelé M. le président de la commission des lois, on ne peut charger le code civil de dispositions de nature réglementaire.
M. Nicolas About. Ce n'est pas ce que j'ai demandé ! Je voulais simplement entendre M. le garde des sceaux.
M. Henri de Richemont. La commission souhaite donc le retrait de l'amendement no 178 rectifié bis. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur About, cette liste ne peut pas comprendre que des médecins spécialistes.
M. Nicolas About. Non, en effet !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est pourtant l'objet de votre amendement, et reconnaissez que c'est une mauvaise idée.
M. Nicolas About. Je vise les médecins agréés.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La liste des médecins agréés ne peut pas contenir que des médecins spécialistes. Certains généralistes de talent, et je suis persuadé que vous en connaissez au moins un, ont des compétences particulières, en gériatrie par exemple.
M. Nicolas About. Oui, moi ! (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Absolument, mais je n'osais pas citer votre nom ! (Nouveaux sourires.) Vous pourriez, à ce titre, figurer sur la liste des médecins agréés. De ce point de vue, le projet de loi est très libéral.
En revanche, votre amendement restreint la possibilité, pour des médecins de votre qualité, de figurer sur cette liste. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Je partage le point de vue de M. About, mais il me semble qu'il conviendrait de solliciter l'avis du Conseil national de l'ordre des médecins, qui peut en effet apporter un éclairage intéressant sur les médecins pressentis pour figurer sur la liste des experts.
M. le président. Monsieur About, l'amendement no 178 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Nicolas About. M. le garde des sceaux semble ignorer que la médecine générale peut désormais être considérée comme une spécialité. Mais le simple généraliste que je suis ne lui en tiendra pas rigueur.
Monsieur le garde des sceaux, l'objet de ma question était de savoir si vous aviez l'intention d'apporter dans le décret les précisions que je souhaitais. Il ne s'agit pas de jouer sur les mots « généralistes » et « spécialistes ». L'affaire est plus sérieuse.
M. Alain Vasselle. C'est un amendement d'appel.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur About, si je comprends bien, vous souhaitez que le décret précise la spécialité du médecin !
M. Nicolas About. Absolument !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'en suis d'accord. Et son âge ? (Exclamations amusées sur quelques travées.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. C'est sans doute très amusant, mais je n'ai pas pour habitude de rire à propos du handicap ou de tout autre sujet de cet ordre.
Il arrive trop fréquemment que des personnalités figurant sur des listes d'experts soient considérées comme des références alors qu'elles n'ont aucune compétence quant au sujet traité et n'y connaissent rien.
Nous devons veiller à la bonne prise en charge des citoyens. Il s'agit d'une question très sérieuse qui ne mérite pas d'être balayée d'un revers de main.
Néanmoins, respectueux que je suis du code civil, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement no 178 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 219 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat et Payet, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article 431 du code civil, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - L'équipe pluridisciplinaire des maisons départementales des personnes handicapées, telle que visée à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, comprend un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 du présent code afin de pouvoir délivrer, le cas échéant, le certificat médical mentionné au même article.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Après avoir entendu le rapporteur et le ministre expliquer, s'agissant de l'amendement no 269, que le médecin d'une équipe pluridisciplinaire pourrait sans difficulté être agréé par le procureur de la République, et soucieux de ne pas encourir les foudres du président de ma commission, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement no 219 rectifié est retiré.
L'amendement n° 107, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 431-1 du code civil, remplacer les mots :
peut solliciter
par le mot :
sollicite
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Comme je l'ai indiqué au cours de la discussion générale, la commission des affaires sociales estime souhaitable que le médecin expert sollicite obligatoirement l'avis du médecin de la famille et qu'il ne s'agisse pas seulement d'une possibilité. Elle considère en effet que ce dernier est le mieux placé pour connaître l'environnement social et familial de la personne à protéger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La consultation du médecin traitant par le médecin agréé peut se révéler utile et elle est d'ailleurs prévue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.
En revanche, la commission considère qu'il n'est pas souhaitable de la rendre obligatoire ; elle doit rester facultative.
J'ajoute que certaines personnes n'ont pas de médecin traitant ou qu'elles peuvent être en conflit avec leur médecin traitant, surtout lorsque celui-ci a été choisi par la famille.
La commission considère que l'adoption de cet amendement aurait pour conséquence d'allonger, de compliquer et de fragiliser les procédures. C'est la raison pour laquelle elle en demande le retrait. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suis désolé de dire à M. de Richemont que je soutiens l'amendement de Mme Dupont, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, monsieur le rapporteur, vous avez déclaré - sans doute s'agissait-il d'une erreur - que certains patients pourraient ne pas avoir de médecin traitant. Or, le Parlement a adopté des dispositions rendant obligatoire le choix d'un médecin traitant. Tous les Français sont donc censés avoir un médecin traitant.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Moi, je n'en ai pas !
M. Alain Vasselle. En second lieu, compte tenu de l'esprit dans lequel nous avons élaboré la réforme de l'assurance maladie, et compte tenu aussi du rôle essentiel, et même pivot, que joue le médecin traitant dans le parcours de soins, il me paraît incontournable de solliciter son avis. Ne pas le prendre en considération serait faire fi des dispositions que le Parlement a adoptées à l'unanimité.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux qu'inviter la Haute Assemblée à suivre la commission des affaires sociales et à adopter cet amendement pertinent.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, nous ne sommes plus du tout dans le sujet !
Le médecin expert, je le rappelle, doit déterminer si une personne a besoin d'une mesure de protection et, dans l'affirmative, la nature de cette mesure. Il a donc un rôle protecteur. Et rien n'empêche, bien au contraire, la personne de se munir de son dossier médical et de certificats médicaux du médecin traitant.
Que l'on accorde au médecin expert la possibilité de solliciter l'avis du médecin traitant, j'en suis d'accord. En revanche, doit-on le contraindre à le faire systématiquement ? L'avis du médecin traitant est-il indispensable ou même utile lorsqu'il s'agit d'apporter une expertise sur une personne atteinte d'une maladie psychiatrique grave ? Je ne le pense pas.
Une telle disposition compliquerait le dispositif et induirait un coût supplémentaire puisque le médecin traitant donnera son avis à l'issue d'une consultation qui sera remboursée par la sécurité sociale, cher collègue Alain Vasselle.
L'objet de l'expertise médicale, c'est la protection de la personne, et uniquement cela. Il s'agit de vérifier que l'on n'abuse pas de la procédure de mise sous tutelle, comme cela a pu se produire dans le passé, même si ces abus sont devenus moins fréquents depuis le vote de la dernière loi. Naguère, il suffisait de produire quelques certificats médicaux, et la mise sous tutelle était chose faite. Que l'on pense à Baudelaire !
Je comprends la préoccupation des auteurs de l'amendement. Si le médecin expert estime qu'il doit consulter le médecin traitant, il peut le faire, mais je ne vois pas l'utilité de l'y contraindre.
M. Alain Vasselle. Alors, il ne le fera jamais !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le mieux est l'ennemi du bien, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je voudrais convaincre le Sénat ne serait-ce que sur un plan pratique. Imaginez que vous soyez en situation d'être mis sous tutelle. Peut-on concevoir que vous iriez consulter un médecin agréé sans lui présenter votre dossier médical ? Qui peut croire cela ? Or, le dossier médical n'est rien d'autre que le dossier de votre médecin traitant.
Le médecin agréé va infirmer ou confirmer - probablement confirmer - l'avis du médecin traitant. Et pourtant, vous voulez qu'il sollicite obligatoirement une nouvelle fois ledit médecin traitant. Tant mieux pour lui, cela lui fera une consultation supplémentaire !
Cela ne relève ni du droit ni de la loi - la loi doit être concise, claire, et non pas bavarde -, cela relève du simple bon sens. La sollicitation de l'avis du médecin traitant figure de manière implicite dans la loi. Dès lors, pourquoi vouloir alourdir la rédaction ?
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est très défavorable à cet amendement.
M. le président. Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° 107 est-il maintenu ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Forte de la garantie que le médecin expert sera choisi sur une liste de personnalités compétentes et qu'il pourra prendre connaissance du dossier médical de la personne, je retire l'amendement no 107.
M. le président. L'amendement n° 107 est retiré.
L'amendement n° 179 rectifié bis, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article 431-1 du code civil, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les documents, en particulier d'ordre médical, produits à l'occasion d'une décision d'ouverture ou de renouvellement d'une mesure de protection, ne sont pas communicables par le juge à des tiers, exception faite d'un tiers de confiance.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement vise à rappeler que le juge est le garant du caractère strictement confidentiel des documents médicaux produits à l'occasion d'une procédure de mise sous tutelle.
On me répondra sans doute que cela va sans dire. Je considère néanmoins que cela va mieux en le disant. De nombreuses personnes - le conseil de famille, pour ne citer que lui - sont impliquées dans cette opération de tutelle et les documents n'ont pas à être transmis à des tiers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Dire que le juge est le garant du caractère strictement confidentiel des documents médicaux me paraît en effet aller de soi.
Cet amendement n'apporte rien au droit en vigueur, ni a priori, ni a posteriori. Une telle disposition jetterait en outre une certaine suspicion sur les juges, soupçonnés de pouvoir ne pas respecter le caractère confidentiel des documents médicaux qui leur sont fournis lors d'une procédure de mise sous tutelle.
Les juges étant soumis au secret professionnel, il ne me semble pas nécessaire d'alourdir le code civil en y inscrivant une telle disposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement de M. About est redondant puisqu'il est satisfait par le droit de la confidentialité.
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 179 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Je prends bonne note que l'ensemble des documents produits à l'occasion d'une décision d'ouverture ou de renouvellement d'une mesure de protection ne sont pas communicables par le juge à des tiers. Si cela se produisait, il s'agirait d'une faute lourde.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Nicolas About. Dans ces conditions, je retire l'amendement no 179 rectifié bis.
M. le président. L'amendement n° 179 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil :
L'intéressé peut être accompagné par un avocat ou, sous réserve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise à préciser de quelle assistance peut bénéficier un majeur qui se présente devant un juge.
La présence de l'avocat est bien entendu possible - je considère qu'elle est même souhaitable -, mais le projet de loi prévoit que le majeur peut être assisté par « toute autre personne de son choix ».
La commission considère que cette faculté peut être dangereuse puisque le majeur pourrait être assisté par des personnes qui ont sur lui une influence morale, voire physique.
Pour remédier à cette situation, l'amendement no 21 dispose que le majeur peut être assisté par toute personne de son choix autre qu'un avocat, sous réserve de l'accord du juge. Le juge pourra ainsi apprécier si la personne pressentie pour assister le majeur susceptible d'être mis sous tutelle agira pour le bien de ce dernier.
M. le président. L'amendement n° 181 rectifié bis, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil :
Après avoir informé l'intéressé qu'il peut être accompagné par un avocat ou toute autre personne de son choix, le juge le convoque, l'entend puis statue.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Selon moi, les personnes qui doivent être placées sous tutelle, et qui sont donc particulièrement fragiles et peu averties, doivent être informées de ce qu'elles peuvent se rendre à la convocation du juge accompagnées d'un avocat ou de toute autre personne de leur choix.
S'agissant de la personne qui accompagne l'intéressé, je ne partage pas l'avis exprimé par M. le rapporteur, et ce pour une bonne raison : je fais confiance au juge, qui, avec clairvoyance et discernement, pourra se rendre compte si la personne accompagnante oeuvre, ou non, dans l'intérêt du majeur qui va être placé sous tutelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Le nouveau code de procédure civile prévoit que le juge informe de ses droits la personne qui se présente devant lui.
Par ailleurs, l'amendement n° 181 rectifié bis, tel qu'il est rédigé, ferait tomber l'amendement n° 21 de la commission. Or, monsieur About, si ce dernier n'était pas adopté, le juge n'aurait pas la possibilité de s'opposer à l'assistance d'une personne qui se présente aux côtés d'un majeur. Il devrait constater la présence, aux côtés du majeur devant être protégé, d'une personne qu'il devrait écouter.
En revanche, s'il est adopté, le juge pourra s'opposer à la présence d'une personne qui ne présenterait pas toutes les garanties nécessaires et suffisantes pour protéger le majeur devant être mis sous tutelle.
Je vous demande donc, monsieur About, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur About, l'amendement n° 181 rectifié bis vise à préciser que chaque personne a le droit d'être assistée par un avocat.
Cette mention est superfétatoire, puisque toutes les convocations adressées par les greffes des tribunaux français renseignent la personne sur ses droits. Il est expressément précisé qu'elle peut se faire assister d'un avocat. Cela devrait donc vous rassurer !
Par ailleurs, l'amendement n° 21 de la commission est excellent, car il tend à apporter une précision utile. En effet, si la personne devant être placée sous tutelle est accompagnée d'une personne de son choix qui monopolise la parole, le juge peut souhaiter se trouver seul avec la personne directement concernée par la mesure. Or l'amendement n° 21 vise justement à préciser que le juge a la liberté d'accepter ou non la présence d'une tierce personne et d'entendre ou non les deux dans la même audition.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 21 et demande à M. About de bien vouloir retirer l'amendement n° 181 rectifié bis, qui n'apporte strictement rien.
M. le président. L'amendement n° 181 rectifié bis est-il maintenu, monsieur About ?
M. Nicolas About. Monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux, nous n'avons pas la même logique. Cependant, je ne pense pas pouvoir trouver les mots pour vous convaincre.
Nous avons peut-être trop travaillé avec les personnes en grande difficulté et les personnes handicapées pour pouvoir nous adapter à la logique qui nous est proposée.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Nicolas About. Ayant en mémoire les longs débats que nous avons eus sur les personnes handicapées, qu'elles soient handicapées physiques ou psychiques, je pense qu'il est nécessaire de rappeler cette obligation d'information. Cela étant, je note que, quand c'est moi qui propose d'apporter une telle précision, elle est superfétatoire, mais, quand la commission prévoit que « l'intéressé peut être accompagné par un avocat », là, la précision est utile !
Selon moi, les personnes concernées doivent pouvoir être accompagnées par toute autre personne de leur choix. C'est sans doute la meilleure garantie que nous puissions leur donner. Par ailleurs, je ne doute pas que le juge pourra parfaitement entendre, s'il le souhaite, la personne elle-même. Il saura faire la part des choses.
Pour en avoir été témoin, je sais qu'il arrive trop souvent que l'on tente de dissuader la personne accompagnante, en particulier s'agissant de personnes handicapées. J'ai moi-même accompagné plusieurs fois des personnes handicapées qui étaient convoquées par des commissions d'évaluation et je sais très bien comment les choses se passent : ce n'est pas très simple pour les personnes handicapées, surtout quand elles ne peuvent pas se défendre elles-mêmes ! Et il est trop facile d'écarter, pour régler plus simplement le dossier, une personne qui pourrait défendre activement, peut-être il est vrai de façon jusqu'au-boutiste, les droits de ces majeurs.
Pour ma part, je pense qu'il faut respecter le droit des personnes. Or, parmi les droits fondamentaux, il y a le droit de pouvoir être représenté par la personne de son choix. C'est d'ailleurs dans cette logique que, tout à l'heure, mes chers collègues, nous adopterons des dispositions qui nous permettront de désigner dès maintenant la personne qui nous représentera lorsque nous ne serons plus capables de pourvoir nous-mêmes à nos intérêts. Alors, pas question de laisser entendre que cette personne pourra purement et simplement être renvoyée chez elle !
Parce que je pense qu'il faut faire confiance aux personnes, je maintiens l'amendement n° 181 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. S'agissant de l'obligation d'information, M. le garde des sceaux vous a répondu, monsieur About. Je n'y reviens donc pas.
Concernant les personnes qui accompagnent le majeur, nous savons que certaines d'entre elles n'interviennent pas forcément dans l'intérêt de la personne qui doit être protégée. (M. Nicolas About s'exclame.). Ce sont d'ailleurs les juges qui nous ont demandé d'apporter la précision prévue par l'amendement n° 21. La commission des lois n'a rien inventé !
Et vous mettez en avant votre grande expérience dans ce domaine. Comme si nous-mêmes n'étions pas tous des élus avertis de ces choses...
M. Nicolas About. J'ai simplement voulu dire que cette expérience pouvait être bouleversante !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les membres de la commission des lois, qui sont sénateurs, comme vous, sont tout à fait en mesure d'apprécier la situation. Alors, si vous tenez absolument à prendre des exemples personnels, allons-y !
Pour ma part, je suis maire d'un village et j'ai présidé un établissement pour handicapés durant des décennies. Je crois donc que nous connaissons tous ces réalités.
M. Nicolas About. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement n° 21 de la commission, qui sera mis aux voix en premier, ce qui réglera peut-être le problème, vise aussi à éviter que des personnes accompagnantes ne s'expriment au nom des intéressés, alors même qu'elles ne défendent pas les intérêts de ces derniers.
Mes chers collègues, je vous rends vigilants sur ce point : le dispositif proposé par la commission des lois est protecteur. J'insiste donc pour que l'amendement n° 21 soit adopté.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote sur l'amendement n° 21.
M. Charles Gautier. On comprend qu'un juge puisse chercher à éliminer de l'entourage d'une personne faible ou handicapée quelqu'un qui exercerait une influence malfaisante ou serait de mauvais conseil. Mais cette attitude ne peut pas être adoptée a priori. Pour que tel ne soit pas le cas, il faut que la personne convoquée puisse être accompagnée de la personne de son choix, ce qui permet au juge de constater son influence positive ou négative.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est ce que prévoit l'amendement !
M. Charles Gautier. On ne peut pas écarter une personne a priori. Il faut que cela se fasse a posteriori !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. M. Charles Gautier dit exactement ce que j'écris ! Il s'agit de donner au juge le pouvoir d'exercer son discernement.
M. Charles Gautier. Mais après ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Quand les personnes sont devant lui, il décide si, oui ou non, il doit autoriser la personne accompagnante à rester, une fois qu'il a vérifié que celle-ci est bien là pour défendre les intérêts du majeur devant être protégé.
Nous faisons confiance au juge et nous nous en remettons à son sens du discernement pour déterminer où est l'intérêt de la personne qui doit être protégée.
Bien entendu, monsieur About, il ne s'agit pas d'interdire à l'intéressé d'être assisté par une personne de son choix. Simplement, si le juge considère que l'accompagnant n'est pas là pour le bien de la personne devant être protégée, il doit pouvoir refuser sa présence. Si nous n'adoptons pas l'amendement n° 21, il n'aura pas ce droit.
M. Jacques Blanc. Nous sommes d'accord !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 181 rectifié bis n'a plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 190 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 270 est présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
à sa santé
supprimer la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 109.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Comme je l'ai déjà évoqué lors de la discussion générale, cet amendement vise à supprimer la restriction selon laquelle le juge peut écarter l'audition du majeur vulnérable « si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée ».
La commission des affaires sociales a jugé qu'il était important que le juge voie toutes les personnes concernées, même si on peut estimer qu'elles ne sont pas capables de comprendre la portée de sa décision.
Cependant, la question de ne pas déranger le juge inutilement si la personne ne peut pas comprendre sa décision a été posée ce matin en commission. À la limite, il faudrait prévoir une exception uniquement pour le cas où la personne n'est pas en mesure d'exprimer sa volonté ou n'est pas en état de comprendre la portée du geste du juge. Dans ce cas-là, on éviterait ainsi au juge de se déplacer inutilement. Mais, pour les personnes qui peuvent se déplacer, il est important, me semble-t-il, que le juge puisse les recevoir.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 190.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement, qui a fait ce matin l'objet d'une discussion en commission, est identique à l'amendement n° 109.
Si la mention « si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée » était conservée, elle risquerait de priver la plupart des personnes atteintes d'altération de leurs facultés de leur audition par le juge. Il est donc nécessaire de supprimer une telle mention.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 270.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, je considère qu'il vient d'être, par deux fois, brillamment défendu !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission des lois a eu un long et intéressant débat ce matin, au cours duquel s'est dégagé un consensus pour considérer que, si un malade est dans le coma, il n'y a pas lieu, pour le juge, de venir l'entendre, car cela ne servirait à rien.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, madame le rapporteur pour avis, de rectifier votre amendement n° 109, en remplaçant l'expression « si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée » par les mots « ou si elle est hors d'état d'exprimer sa volonté », qui visent clairement les cas d'inconscience.
Lorsque la personne est consciente, le juge doit venir auprès de la personne, mais, lorsque le certificat médical déclare que celle-ci est inconsciente, un tel déplacement n'est pas utile.
M. le président. Madame le rapporteur pour avis, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 109 dans le sens proposé par M. le rapporteur ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Parmi les personnes hors d'état d'exprimer leur volonté, on trouve, par exemple, les autistes, qui sont mutiques. Dans ce cas, le juge n'a pas à se déplacer, ce sont les personnes qui doivent se rendre à sa convocation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'expression proposée figure dans le code de la santé publique et vise clairement les cas d'inconscience.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. J'accepte donc de rectifier l'amendement n° 109 dans ce sens.
M. le président. Madame Josiane Mathon-Poinat, acceptez-vous également de rectifier l'amendement n° 190 ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Charles Gautier, en est-il de même pour l'amendement n° 270 ?
M. Charles Gautier. Absolument, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 109 rectifié est présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 190 rectifié est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 270 rectifié est présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
À la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil, remplacer les mots :
ou si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée
par les mots :
ou si elle est hors d'état d'exprimer sa volonté
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à ces trois amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 rectifié, 190 rectifié et 270 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 230 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
Dans cette hypothèse, le juge fait commettre d'office par le bâtonnier, un avocat à cette personne afin qu'elle soit représentée par lui dans la procédure de protection et la durée de son fonctionnement.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Avec cet amendement nous allons en quelque sorte au bout de notre logique.
Il vise à compléter le second aliéna de l'article 432 du code civil pour indiquer que, si le juge ne peut pas procéder à l'audition de l'intéressé, il saisit le bâtonnier pour qu'un avocat soit commis d'office afin de s'assurer que les droits de l'intéressé sont réellement défendus.
M. le président. L'amendement n° 271, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
Dans cette hypothèse, le juge fait commettre d'office par le bâtonnier un avocat à cette personne, ou désigne un membre de la famille ou un proche afin qu'elle soit représentée par lui dans la procédure de protection et la durée de son fonctionnement.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement est proche du n° 230 rectifié bis, mais il est plus large, puisqu'il vise également, outre l'avocat, un membre de la famille ou à un proche de la personne.
Lorsque le juge décide de ne pas procéder à l'audition d'une personne si cette audition risque de porter atteinte à sa santé ou si l'état de cette personne ne lui permet pas d'en comprendre la portée, le présent amendement prévoit que le juge demande au bâtonnier de commettre un avocat d'office ou qu'il désigne un membre de la famille ou un proche afin que la personne à protéger puisse être représentée dans la procédure et pendant toute la durée de celle-ci. Voilà qui assurerait une meilleure garantie de protection et humaniserait le dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je dois dire que je ne comprends pas très bien l'objet de l'amendement n°230 rectifié bis. Si, sur avis médical, le juge décide qu'il ne sert à rien d'aller voir le malade parce que celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté, voire inconscient, je ne vois pas très bien ce que pourra faire de plus l'avocat commis par le bâtonnier ! Il se trouvera en réalité dans la même situation que le juge qui aura considéré qu'il n'y avait pas lieu de procéder à l'audition.
Cet amendement n'a donc pour intérêt que de désigner une sorte de tuteur ad hoc pour les besoins de la procédure, mais, s'il s'agissait bien de cela, il conviendrait alors de désigner un mandataire spécial et non un avocat. Je demande par conséquent le retrait de cet amendement.
L'amendement n° 271 vise également à créer une sorte de tutelle ad hoc pour les besoins de la procédure. Nous considérons que cela n'a pas d'intérêt dans la mesure où la procédure, menée par le juge des tutelles, s'en trouve alourdie. Ce juge agit sur la base d'un avis médical, exclusivement dans l'intérêt du majeur devant être protégé. Je ne vois donc pas pourquoi, si celui-ci ne peut s'exprimer ou est hors d'état d'être entendu par le juge, une sorte de nouvelle tutelle serait prononcée, qu'elle soit assurée par un avocat, par un membre de la famille ou par un proche.
L'avis est donc défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, le rapporteur a brillamment exposé les choses.
Je comprends le souci de M. Détraigne : il s'agit de trouver une solution si la personne ne parvient pas à s'exprimer. De ce point de vue, les avocats sont sans doute plus doués que les juges, et vous savez que je ne vous contredirai pas ! (Sourires.) Toutefois, je ne vois vraiment pas pourquoi une personne hors d'état de s'exprimer parlerait mieux devant un avocat que devant un juge !
En ce qui concerne l'amendement n° 271, monsieur Gautier, j'aurais pu y être favorable si vous aviez supprimé la première partie de la phrase, relative à l'avocat commis d'office. Il est vrai en revanche que certaines personnes ne parleront qu'en présence d'un membre de leur famille. Si vous consentez à rectifier votre amendement en conséquence, j'émettrai un avis favorable.
M. le président. Monsieur Gautier, acceptez-vous la rectification suggérée par M. le garde des sceaux ?
M. Charles Gautier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 271 rectifié, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
Dans cette hypothèse, le juge désigne un membre de la famille ou un proche afin que cette personne soit représentée par lui dans la procédure de protection et la durée de son fonctionnement.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Vous savez combien je suis favorable à la défense de la famille ! Si le Gouvernement considère que la présence d'un membre de la famille peut apporter quelque chose de plus lorsqu'une personne est hors d'état de s'exprimer, je m'incline et émets donc un avis favorable. J'ajoute que je suis heureux de donner ainsi satisfaction à mes collègues !
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, j'approuve la rectification que vient de suggérer M. le garde des sceaux à M. Gautier. Je retire par conséquent mon amendement au profit du sien, qu'il a rectifié.
M. le président. L'amendement n° 230 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 271 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je voterai cet amendement et me réjouis que l'on ait enfin réussi à trouver une solution qui permettra à un membre de la famille d'être entendu.
Tout à l'heure, c'est volontairement que je n'ai pas réagi sur l'amendement présenté par Mme Dupont, qu'elle a ensuite rectifié sur l'indication du rapporteur.
Vous semblez considérer que, lorsqu'un majeur doit être mis sous protection, il n'existe que deux cas de figure : ou bien il est capable de s'exprimer devant le juge, et alors il prend un avocat pour se défendre, ou bien il est totalement inconscient et dans l'incapacité de s'exprimer. Dans ce dernier cas, on ne lui donnait pas jusqu'à présent la possibilité de se faire accompagner d'une personne de son choix ou d'un membre de sa famille.
Il faut pourtant bien qu'un proche puisse être aux côtés de la personne qui, par hypothèse ici, n'a pas la capacité de s'exprimer- je pense notamment aux handicapés mentaux -, car ce proche peut parfaitement faire état devant le juge des raisons pour lesquelles la mesure de protection est souhaitée, et pourquoi elle est justifiée et nécessaire. Il faut prendre en compte ces cas et faire preuve d'humanité dans les dispositions législatives que nous prenons.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis au regret de devoir dire à M. Vasselle qu'il mélange tout !
Le juge n'est pas obligé d'entendre la personne soit quand des raisons de santé s'y opposent, soit du fait qu'elle n'est pas en état d'exprimer sa volonté, ce qui correspond dans notre esprit à un coma. Cette formule, technique, est reprise mot pour mot de ce qui figure déjà dans le code de la santé publique, monsieur Vasselle.
Mais nous parlons maintenant de tout autre chose. Il s'agit d'autoriser à se faire accompagner les personnes ayant des difficultés. Permettre de le faire à un membre de la famille est une bonne idée. Vous voyez que ces deux choses sont totalement différentes !
M. le président. L'amendement n° 167, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article 432 du code civil, insérer un article rédigé comme suit :
« Art. ... - Lorsqu'un majeur faisant l'objet à l'étranger d'une mesure de protection prévue par la loi du pays de résidence transfère son domicile en France, le juge des tutelles, saisi par le procureur de la République, par tout parent ou allié ou toute personne intéressée, statue d'urgence sur la loi applicable.
« Lorsque la loi étrangère est compétente, le juge statue d'urgence sur la validité en France des mesures de protection dont bénéficiait la personne protégée dans l'État de résidence et sur les modalités selon lesquelles elle sera exercée.
« Le juge des tutelles peut être saisi avant l'arrivée sur le territoire français de la personne à protéger dans les conditions prévues par le code de procédure civile.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, cet amendement a pour but de résoudre les difficultés que peuvent rencontrer des majeurs qui devraient bénéficier d'une mesure de protection pour leur retour en France.
Plusieurs cas de figure se présentent.
D'abord, ce majeur peut déjà faire l'objet d'une mesure de protection à l'étranger. Or, comme vous le savez, les lois étrangères ne sont pas toutes compatibles avec les lois françaises. Il est donc important de statuer sur la loi qui s'appliquera alors, d'autant que cela n'est pas évident du fait que beaucoup de Français établis hors de France - environ la moitié - sont des binationaux. Le juge doit donc pouvoir statuer sur cette question.
Ensuite, le majeur peut ne pas être couvert par une mesure de protection à l'étranger. Il est alors important de savoir ce qui se passera lorsqu'il arrivera en France. Il convient dans ce cas de prendre des mesures par anticipation.
Enfin, si le majeur est couvert par une loi étrangère et que le juge a statué, encore faut-il savoir quelles seront les modalités d'application des dispositions de protection sur le sol français.
Vous voyez qu'il s'agit d'un ensemble de problèmes extrêmement complexes. C'est la raison pour laquelle il importe que le texte que nous discutons puisse les résoudre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai bien compris l'argumentation développée par M. Cointat en ce qui concerne la nécessité d'organiser la protection des majeurs devant venir en France avant leur arrivée et je vois qu'il s'agit d'un véritable problème. Je m'en remets donc à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement vise à introduire dans le code civil des règles spécifiques pour l'ouverture de mesures de protection juridique lorsqu'une personne protégée à l'étranger transfère son domicile en France.
Je comprends tout à fait l'inquiétude de M. Cointat et les motifs de son amendement. Toutefois, j'aimerais le convaincre que celui-ci n'est pas utile.
Lorsqu'une personne qui bénéficie à l'étranger d'une mesure de protection s'installe en France, il n'est pas nécessaire, pour assurer la continuité de la mesure prononcée à l'étranger, que le juge français statue. En effet, la mesure de protection continue à produire ses effets sans qu'une décision judiciaire française soit nécessaire. L'intervention systématique du juge français n'apporte rien de plus.
En outre, en application de l'article 3 du code civil, lorsque le juge des tutelles est saisi d'une demande de protection, il doit d'office vérifier quelle est la loi applicable en fonction de la nationalité de la personne.
Il s'agit d'une matière délicate, qui nécessite parfois des recherches de droit comparé et pour laquelle le recours à une procédure d'urgence, comme le prévoit l'amendement, n'est pas adapté.
Enfin, s'agissant de la possibilité de saisir le juge avant l'arrivée sur le territoire français de la personne à protéger, il convient de préciser que les Français résidant à l'étranger peuvent déjà, conformément aux dispositions de l'article 15 du code civil, saisir le juge des tutelles alors même qu'ils ne résident pas en France. Il n'est pas opportun d'élargir cette possibilité aux étrangers résidant à l'étranger avant même leur installation effective sur notre territoire.
Pour toutes ces raisons, monsieur Cointat, je vous demande de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 167 est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Monsieur le garde des sceaux, j'ai beaucoup apprécié votre réponse, qui était excellente car précise et complète. Elle me satisfait pleinement et je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 167 est retiré.
L'amendement n° 273, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 433 du code civil, supprimer les mots :
ou si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Effectivement, c'est un amendement de coordination. J'émets un avis favorable, à condition qu'il soit rectifié en fonction de ce que nous avons voté tout à l'heure, c'est-à-dire en remplaçant les mots indiqués par ceux-ci : « ou si elle est hors d'état d'exprimer sa volonté ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Gautier, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 273 dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. Charles Gautier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 273 rectifié, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
À la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 433 du code civil, remplacer les mots :
ou si son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée
par les mots :
ou si elle est hors d'état d'exprimer sa volonté
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 191 est présenté par Mmes Mathon -Poinat, Borvo Cohen -Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 220 rectifié bis est présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly.
L'amendement n° 249 est présenté par M. Lecerf.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 433 du code civil, par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l'article 431, la mesure de sauvegarde de justice peut être prononcée par le juge des tutelles dans l'attente de l'établissement du certificat prévu à l'article 431, en cas d'urgence ou lorsque l'absence de production du certificat requis résulte d'un refus de la personne de se faire examiner et que son comportement atteste manifestement de l'altération de ses facultés mentales.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 191.
Mme Josiane Mathon-Poinat. La sauvegarde de justice a été maintenue dans ce texte. Elle est toutefois moins lourde qu'une mesure de curatelle ou de tutelle. Elle est destinée au majeur atteint d'une altération provisoire de ses facultés. Elle doit cesser dès que ce dernier a recouvré ses facultés ou si une mesure plus contraignante a été décidée.
En cela, en fait, elle correspond tout à fait à la volonté qui était la nôtre de réaffirmer les principes de nécessité et de proportionnalité. Néanmoins, nous vous proposons d'introduire une seule exception à ce principe de nécessité du certificat médical, qui reste la condition sine qua non pour mettre en place une mesure de sauvegarde de justice. Par exception, donc, à ce principe, et uniquement dans les situations d'extrême urgence, le juge pourrait prononcer une mesure de sauvegarde de justice.
Le texte, tel qu'il est rédigé, peut rendre difficile le traitement des situations d'urgence, notamment dans les cas où les délais découlant de l'attente soit d'une nouvelle requête accompagnée du certificat médical prévu par l'article 431, soit d'une requête formulée par le ministère public à la demande d'un tiers, sont manifestement préjudiciables à la personne qui a besoin d'être protégée immédiatement.
Cet amendement a pour objet de réintroduire la saisine d'office, mais seulement dans des situations d'urgence.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 220 rectifié bis.
M. Yves Détraigne. Cet amendement, identique au précédent, a pour objet d'établir, pour ce seul cas, une exception à la règle selon laquelle la demande d'ouverture de la mesure de protection judiciaire est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, du certificat prévu à l'article 431.
M. le président. L'amendement n° 249 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 191 et 220 rectifié bis ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ce matin, en commission, nous avons eu un long débat sur ces amendements.
Madame Josiane Mathon-Poinat, l'amendement n° 191 va à l'encontre du principe de nécessité que la réforme veut imposer,...
M. Henri de Richemont, rapporteur. ... à savoir que toute mesure de protection est interdite sans présentation au juge d'un certificat médical et sans que toutes les autres solutions de remplacement aient été examinées.
J'attire votre attention sur le fait que, si une personne refuse d'être examinée par le médecin agréé, celui-ci établit alors un certificat de carence sur la base duquel le juge pourra alors se prononcer et ordonner la mesure qu'il estimera appropriée.
Enfin, je vous rappelle, car c'est un point important, que la loi prévoit une période suspecte de deux ans avant l'ouverture. Les actes faits ou les engagements pris au cours de cette période par le majeur pourront ainsi facilement faire l'objet d'une annulation ou d'une réduction.
En tout état de cause, nous pensons qu'il est très dangereux de remettre en cause ce principe qui est posé par la loi et selon lequel aucune mesure de sauvegarde de justice ne peut être prise sans que le juge se soit prononcé au vu d'un certificat médical.
L'amendement n° 220 rectifié bis de M. Détraigne a pour objet de réintroduire la saisine d'office du juge sans présentation d'un certificat médical, saisine supprimée par le texte. Cet amendement irait donc à l'encontre du principe établi et de l'objet même de ce texte de loi.
Par conséquent, la commission demande le retrait de ces deux amendements. Dans le cas contraire, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'avoue que je suis surpris par ces amendements, dont je ne vois pas l'utilité.
Placer une personne sous tutelle est un acte extrêmement grave, puisqu'on la prive de l'exercice de droits fondamentaux. Si l'on admet une exception au principe de nécessité du certificat médical en cas d'urgence, comment le juge se fera-t-il un avis ? Devra-t-il procéder lui-même à une espèce de consultation psychologique pour savoir si la personne est bien atteinte, par exemple, de la maladie d'Alzheimer ? Ce n'est pas le rôle du juge !
Je ne conçois pas que l'on puisse déroger au principe de nécessité du certificat médical, même dans les cas que vous évoquez. Dans ce domaine, il ne peut y avoir d'urgence, ce n'est pas possible !
Et si la personne refuse de se faire examiner, c'est le médecin qui établit un certificat de carence prouvant qu'il est dans l'incapacité d'examiner la personne et le certificat médical enregistre le fait que la personne refuse d'être examinée.
Dans les deux cas, il ne faut pas faire d'exception. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 191 et 220 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 436 du code civil, remplacer les mots :
soit révoqué
par les mots :
ne soit révoqué ou suspendu
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de coordination entre l'article 436 et l'article 483 du code civil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 274, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 436 du code civil, remplacer les mots :
tant de leur urgence que de l'ouverture de la mesure de sauvegarde
par les mots :
de leur urgence ou du péril susceptible de résulter de leur inaction
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L'article 436 du code civil, dans la rédaction du projet de loi, organise l'administration des biens du majeur sous sauvegarde de justice.
Il prévoit qu'à défaut de disposition conventionnelle prise par le majeur les règles de la gestion d'affaires s'appliquent. Ceux qui ont qualité pour demander l'ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle et, le cas échéant, la personne ou l'établissement hébergeant le majeur continuent d'être tenus de faire les actes conservatoires nécessaires à la gestion du patrimoine du majeur, dès qu'ils ont connaissance de l'urgence de ces actes et de l'ouverture de la sauvegarde.
Il ne paraît pas nécessaire d'exiger qu'ils aient connaissance de l'ouverture de la mesure de sauvegarde pour prendre les mesures conservatoires indispensables à la préservation du patrimoine. Il est bon qu'ils puissent agir rapidement en toute hypothèse.
Cet amendement s'inscrit dans une démarche de protection générale en visant à imposer à toute personne demandant l'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle de prendre des actes conservatoires. Il convient, dans cet esprit, de ne pas limiter cette obligation aux seuls cas de sauvegarde de justice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Lorsqu'une personne est sous sauvegarde de justice, l'article 436 fait obligation à tous les membres de la famille ou aux proches de prendre les mesures conservatoires nécessaires à la préservation de son patrimoine. Mais, pour être soumis à cette obligation, encore faut-il savoir que la personne est placée sous sauvegarde de justice. Or l'amendement déposé par notre collègue Charles Gautier ne reprend pas cette condition.
Imposer une telle obligation même si la famille ou les proches ignorent que la personne est sous sauvegarde de justice signifierait qu'ils sont tous tenus en permanence d'accomplir tous les actes conservatoires pour préserver le patrimoine des personnes de leur entourage !
Le législateur ne peut bien évidemment pas avoir non plus la prétention d'imposer une obligation de surveillance aux membres de la famille ou aux proches de la personne, car chacun est libre de disposer de ses biens !
La question déterminante est donc bien celle de la connaissance du placement sous sauvegarde de justice avant que l'on puisse faire peser une telle obligation sur la famille ou sur les proches.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai du mal à comprendre l'intérêt d'un tel amendement !
Comment voulez-vous prendre des mesures conservatoires alors que le juge ne s'est pas encore prononcé sur une mesure de protection ? Le feriez-vous pour n'importe quel membre de votre famille aux premiers signes de faiblesse ou de perte de mémoire ? Imaginez le climat qui régnerait dans la famille !
Je ne comprends pas que l'on envisage de prendre une telle disposition. En revanche, j'imagine très bien le danger de cet amendement. Comment peut-on envisager une mesure aussi attentatoire que l'anticipation d'une mise sous tutelle ? Sans compter qu'il faut être soi-même au moins médecin ou psychiatre !
Êtes-vous bien sûr de vouloir conserver cet amendement ? Je crois plutôt qu'il serait préférable de le retirer.
M. le président. Monsieur Charles Gautier, l'amendement est-il maintenu ?
M. Charles Gautier. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 438 du code civil, remplacer la référence :
458
par la référence :
457-1
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 439 du code civil, après les mots :
dans les conditions
insérer les mots :
fixées au quatrième alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 439 du code civil par les mots :
ou par radiation de la déclaration médicale sur décision du procureur de la République
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir, conformément au droit en vigueur, que le procureur de la République peut, si le besoin de protection temporaire cesse, faire cesser une mesure de sauvegarde ouverte par déclaration médicale faite devant lui.
En effet, l'Assemblée nationale a rétabli la possibilité, que le projet de loi tendait à supprimer, de mettre fin à une mesure de sauvegarde ouverte par déclaration médicale au moyen d'une nouvelle déclaration faite au procureur de la République.
Toutefois, elle ne lui a pas permis d'obtenir la radiation de la déclaration médicale. Il convient de réparer cette omission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 275, présenté par MM. Michel, Cazeau, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 442 du code civil, remplacer le mot :
indéterminée
par les mots :
plus longue qu'il détermine
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L'article 442 du code civil dans la rédaction du projet de loi encadre les conditions de renouvellement de la tutelle et de la curatelle.
Contrairement au droit en vigueur, qui dispose que la tutelle et la curatelle sont prononcées pour une durée indéterminée, le projet de loi impose désormais une limitation de la durée de la mesure, fixée à cinq ans. Toutefois, il est précisé - c'est l'objet du nouvel article 442 du code civil - qu'en cas d'improbabilité d'amélioration de l'état de la personne à protéger, dûment constatée par le médecin chargé d'établir le certificat accompagnant la requête, le juge pourra, par décision spécialement motivée, prononcer une mesure à durée indéterminée.
Cette rédaction est trop catégorique. Aucune mesure de protection ne doit être instaurée à l'égard d'un majeur incapable, à moins que celle-ci ne soit nécessaire compte tenu des circonstances particulières et des besoins de l'intéressé. L'une des avancées de la réforme consiste justement à prévoir l'obligation d'un rapport médical préalable et le réexamen régulier de la mesure, afin que le juge puisse s'assurer qu'elle est bien toujours nécessaire et qu'elle ne prive pas inutilement de leur liberté d'agir les personnes concernées.
En prévoyant que, à titre dérogatoire, certaines mesures puissent être prononcées pour une durée indéterminée, cette possibilité contredit l'approche globale du projet de loi et le principe de la limitation de la durée de la mesure à cinq ans. On ne peut que se féliciter des améliorations qui ont été introduites par l'Assemblée nationale, car elles vont dans le bon sens.
En effet, l'Assemblée nationale a soumis l'ouverture d'une mesure à durée indéterminée à une révision préalable par le juge, afin d'imposer à ce dernier l'obligation de revoir au moins une fois la personne concernée avant de donner à la mesure un caractère indéterminé. Elle a également précisé qu'en cas de renouvellement d'une mesure sa durée ne pourrait excéder cinq ans.
Cependant, nous pensons que, si certaines pathologies laissent peu d'espoir de rémission, l'évolution de la science est susceptible d'offrir chaque jour de nouvelles perspectives qui ne doivent pas venir buter contre une décision judiciaire irrémédiable. Il faut donc veiller à ce que le dispositif bénéficie de suffisamment de souplesse, afin de permettre au juge de réexaminer le dossier de manière régulière.
Notre amendement vous invite à faire confiance au juge, à rester fidèle à l'esprit de la réforme et à respecter la personne à protéger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je rappelle au Sénat que le texte initialement soumis par le Gouvernement à l'Assemblée nationale prévoyait que le juge pouvait dès la première visite, et dans certaines conditions, ouvrir la mesure de protection pour une durée indéterminée.
On ne peut pas ne pas penser au problème de la maladie d'Alzheimer, qui devient prégnant. Imaginez, à titre d'exemple, que la mesure de protection concerne une personne grabataire. Le juge ne renouvellera pas la mesure pour vingt ans ; il la reconduira pour cinq ans. Par conséquent, la personne, par hypothèse grabataire, sera contrainte de se présenter tous les cinq ans devant le juge, alors qu'elle est sans doute totalement inconsciente.
Honnêtement, ce n'est pas comprendre la situation dans laquelle se trouvent les personnes dont nous parlons.
Tout risque est écarté puisque, quoi qu'il arrive, la durée de la première mesure de protection sera de cinq ans. Fatalement, le juge, s'il est saisi à cette fin, la renouvellera pour une même durée, et non pour vingt ans.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Encore une fois, cet amendement ne procède pas d'une bonne idée et le Gouvernement n'y est pas favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 192, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 442 du code civil :
« Il statue d'office ou à la requête d'une des personnes mentionnées à l'article 430 ou de la personne en charge de la protection d'un majeur, au vu d'un certificat médical et dans les conditions prévues à l'article 432. Il ne peut toutefois renforcer le régime de protection de l'intéressé que s'il est saisi en outre d'une requête en ce sens conforme aux dispositions de l'article 431. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. La rédaction proposée pour l'article 442 du code civil n'est pas totalement satisfaisante.
En ne faisant référence qu'aux seuls requérants visés aux articles 430 et 431, l'article 442 ainsi rédigé priverait de fait le tuteur ou le curateur de la possibilité de demander la modification de la mesure. Or ces derniers sont a priori les mieux placés pour en apprécier la nécessité. Nous proposons par conséquent que les personnes qui sont chargées de la protection d'un majeur soient habilitées à saisir le juge afin de demander le renouvellement, la modification, voire la fin de la protection.
J'aimerais néanmoins que M. le rapporteur me confirme que la mesure de protection prend fin d'office au bout de cinq ans.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Oui, si elle n'est pas renouvelée !
Mme Josiane Mathon-Poinat. En outre, nous ne comprenons pas les raisons pour lesquelles la rédaction proposée pour l'article 442 tend à exclure la possibilité d'entendre le majeur protégé en cas de renforcement de la mesure de protection qui le vise.
Dans l'esprit du texte, nous considérons qu'il faut accorder à la personne protégée une plus grande place et lui permettre d'être entendue par le juge, surtout en cas de renouvellement ou de renforcement de la mesure qui la concerne.
M. le président. L'amendement n° 221 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly, est ainsi libellé :
À l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 442 du code civil, après les mots :
personnes mentionnées à l'article 430
insérer les mots :
ou de la personne en charge de la protection d'un majeur
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a le même objet que celui que vient de présenter notre collègue Josiane Mathon-Poinat.
Il nous paraît nécessaire que le tuteur ou le curateur d'une personne protégée puisse demander une modification de la mesure de protection, qu'il s'agisse d'une mainlevée, d'un allégement ou d'un renforcement, attendu que l'un et l'autre figurent parmi les personnes les mieux à même d'en apprécier l'opportunité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je ne comprends pas pourquoi ces amendements ont été déposés. Ils sont satisfaits par les articles 430 et 442 du code civil, aux termes desquels la personne chargée d'une mesure de protection peut saisir à tout moment le juge des tutelles. Dès lors, ces deux amendements sont inutiles. C'est la raison pour laquelle je demande leur retrait. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ces deux amendements étant satisfaits par le texte, le Gouvernement en demande lui aussi le retrait.
M. le président. Madame Josiane Mathon-Poinat, l'amendement n° 192 est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Si M. le garde des sceaux me confirme bien que la personne chargée d'une mesure de protection peut saisir le juge des tutelles, j'accepterai de retirer mon amendement.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je vous le confirme, madame la sénatrice. Ce sont les termes de l'article 430 du code civil dans la rédaction proposée par l'article 5 du présent projet.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Dans ces conditions, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 192 est retiré.
Monsieur Détraigne, l'amendement n° 221 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 221 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 25, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 442 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il nous arrive aussi de supprimer des dispositions redondantes. C'est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 443 du code civil :
« Sans préjudice des articles 3 et 15, le juge peut également y mettre fin, lorsque la personne protégée réside hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement est important.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait la cessation automatique d'une mesure de protection lorsque le majeur établit sa résidence à l'étranger, tout en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin d'en fixer les conditions. Le Gouvernement faisait valoir qu'il n'était pas possible de confier aux tuteurs et aux juges la responsabilité de suivre une mesure qu'ils n'ont pas les pouvoirs de faire respecter.
Après un long débat, et à la suite du dépôt par sa commission des lois d'un amendement qui devait être rectifié en séance, l'Assemblée nationale a ménagé une exception à cette règle pour les majeurs hébergés et soignés dans des établissements situés en dehors du territoire national, à la condition que le juge en soit informé.
En effet, un grand nombre de nos compatriotes des départements frontaliers, faute de places en France, sont accueillis dans des établissements situés hors de nos frontières, spécialement en Belgique.
Cet amendement permet de fonder juridiquement la décision de mainlevée d'une mesure de protection lorsque la personne quitte le territoire national pour s'établir à l'étranger, et ce dans des conditions telles que ni le tuteur ni le juge ne peuvent garantir le respect des dispositions résultant de la mesure de protection. Cet amendement permettra en particulier de lever les mesures ouvertes pour des personnes qui, étant retournées dans leur pays d'origine, n'ont conservé sur le territoire national aucun lien personnel ni patrimonial.
Toutefois, la réserve des articles 3 et 15 du code civil garantit le droit de tout ressortissant français résidant à l'étranger de demander à bénéficier de la protection que la loi française garantit à tous les ressortissants de notre pays, même si, en l'espèce, ils sont établis en dehors du territoire national.
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 443 du code civil, remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement procède du même esprit que celui de la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 193 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement deviendra sans objet si l'amendement de la commission est adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je remercie M. de Richemont et Mme Dupont du travail qu'ils ont accompli en commun pour permettre au Parlement de surmonter une difficulté. Monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, vous avez trouvé une solution fort élégante qui satisfait tout le monde.
À l'Assemblée nationale, cette partie du projet de loi est celle qui a donné lieu à la plus longue discussion. Vos collègues députés ont largement évoqué le problème du nord de la France. Dieu sait qu'en Belgique nous avons de nombreux ressortissants.
Si l'amendement de la commission est adopté, celui de Mme Mathon-Poinat, qui lui est quasi identique, deviendra sans objet.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. Effectivement, nous avions évoqué ce problème en commission des affaires sociales. Nous sommes pleinement satisfaits de l'amendement de la commission des lois, qui réaffirme le principe selon lequel tout Français à droit à la protection de la loi nationale, où qu'il réside.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. L'exemple des frontaliers de départements français qui, ne trouvant pas d'établissements en France, vont à l'étranger n'est pas unique. On peut aussi citer le cas de personnes qui, habitant à l'étranger non loin de la France, préfèrent y faire revenir des personnes âgées, généralement atteintes de la maladie d'Alzheimer. Elles seraient très démunies si ces dernières perdaient leurs droits.
Je me félicite donc de cette avancée.
J'apprécie beaucoup que M. le rapporteur fasse progresser la législation applicable aux Français établis hors de France. Cela m'évite de le faire. (Sourires.) C'est donc avec une conviction empreinte d'une grande joie que je voterai cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 193 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 254 rectifié, présenté par MM. Vasselle, P. Blanc et Texier et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 445 du code civil, après les mots :
médicales et
insérer le mot :
paramédicales,
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à compléter la liste des personnes ne pouvant pas exercer de charge curatélaire ou tutélaire.
L'Assemblée nationale y a inclus les professions médicales et les pharmaciens, mais a omis les professions paramédicales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je comprends très bien les préoccupations de M. Vasselle, mais je lui demande de retirer son amendement, qui est satisfait.
En effet, le texte du projet de loi interdit non seulement aux membres des professions médicales et de la pharmacie d'exercer une charge curatélaire ou tutélaire, mais encore, mon cher collègue, aux auxiliaires médicaux. Et les membres des professions paramédicales sont des auxiliaires médicaux.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 254 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 254 rectifié est retiré.
Je suis saisi des trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 168 rectifié, présenté par MM. J. Blanc et Vasselle, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 445 du code civil remplacer les mots :
ainsi que les auxiliaires médicaux
par les mots :
les auxiliaires médicaux, ainsi que les professionnels des établissements visés aux 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement, d'une portée beaucoup plus générale, vise, dans un souci de protection juridique, à ce qu'il soit interdit aux professionnels des établissements ou des services sociaux et médico-sociaux d'exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l'égard de leurs usagers.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 194 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 222 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Georges Mouly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 445 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Les professionnels des établissements visés aux 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ne peuvent exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l'égard des usagers de ces établissements. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 194.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le projet de loi prévoit que les professionnels et auxiliaires médicaux ne pourront exercer une charge tutélaire ou curatélaire à l'égard de leurs patients. Cette prohibition doit être étendue aux professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux à l'égard de leurs usagers.
Le rapporteur du Conseil économique et social, Mme Rose Boutaric, considère qu'il doit y avoir une nette distinction entre la fonction de préposé des établissements hébergeant des majeurs et celle de curateur ou de tuteur. Notre amendement vise donc à compléter l'article 445 du code civil en ce sens.
La commission, je le sais, a beaucoup travaillé sur ce sujet. Nous attendons donc les suggestions de M. le rapporteur concernant les préposés, pour peut-être arriver à une meilleure solution.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 222 rectifié bis.
M. Yves Détraigne. Le projet de loi prévoit que les professionnels et auxiliaires médicaux ne peuvent pas exercer une charge de curateur ou de tuteur à l'égard de leurs patients.
Dans cette logique, cet amendement tend à étendre cette interdiction aux professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux vis-à-vis de leurs usagers. Cette mesure permettra, accessoirement, d'éviter des conflits d'intérêts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ces amendements ne visent que les établissements sociaux ou médico-sociaux. Or, compte tenu des inquiétudes sous-jacentes, ces mesures pourraient également concerner les établissements de santé en soin de long séjour ou en psychiatrie, par exemple.
En outre, j'attire votre attention sur le fait que la désignation des préposés d'établissements sociaux et médico-sociaux est non pas obligatoire mais facultative, le juge disposant de toute latitude pour apprécier si cette décision est opportune ou non. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Enfin, les pouvoirs des préposés sont encadrés par de nombreuses dispositions, et notamment par le contrôle du juge sur les actes médicaux.
Si une telle disposition était adoptée, la protection des majeurs concernés serait impossible, puisqu'ils sont aujourd'hui 30 000 dans cette situation. Je doute que les gérants d'hôtels privés et les associations tutélaires, qui sont déjà débordés, puissent prendre en charge correctement ces nouvelles mesures.
Au surplus, si ces amendements identiques étaient retenus, cela induirait une charge financière de 63 millions d'euros.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Plusieurs amendements de la commission des lois visent à renforcer l'indépendance desdits préposés.
Il est précisé dorénavant que le préposé assurant une fonction de gérance de tutelle n'aura à en rendre compte qu'au juge et non pas à son supérieur hiérarchique et qu'il agit en toute indépendance par rapport à cet établissement.
De surcroît, l'obligation de déclaration des préposés qui exerceront cette mission et devront figurer sur la liste des personnes compétentes établie par le préfet a été étendue.
Des sanctions administratives ou pénales sont également prévues en cas de manquement à ce devoir d'indépendance.
En résumé, l'indépendance des préposés d'établissements médico-sociaux est consacrée. Et si la possibilité de confier la tutelle à ces préposés ne peut être supprimée, il appartient au juge, en fonction des circonstances et des situations, de décider s'il s'agit ou non de la mesure la plus appropriée pour le majeur.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales proposera ultérieurement un amendement n° 115 dont l'objet est presque identique, puisqu'il s'agit d'interdire la dévolution des mesures de protection juridique à un préposé d'établissement social ou médico-social. Nous en avions fait une affaire de principe.
Nous partageons donc entièrement la philosophie de ces amendements. Nous avons en effet considéré qu'il existe un conflit d'intérêts objectif qui s'oppose à la désignation d'un préposé d'établissement médico-social comme tuteur d'une personne hébergée dans cet établissement. Il est en effet impossible de garantir l'impartialité du préposé pour tout ce qui touche aux relations de la personne protégée avec l'établissement.
Ce conflit d'intérêts n'a d'ailleurs pas échappé au Gouvernement, qui a dû prévoir des règles extrêmement dérogatoires en matière de respect des droits des usagers dans ces situations particulières. Ainsi, la personne devra négocier et signer seule son contrat de séjour avec le directeur de l'établissement, là où toute autre personne pourrait être assistée par son représentant légal. Il existe donc un vrai paradoxe, puisque la personne sous tutelle qui se trouve dans cette situation - c'est notamment le cas si le directeur de l'établissement est le tuteur - sera dans une situation différente de celle qui est assistée par un représentant extérieur.
D'une façon plus générale, il importe de préserver un regard extérieur sur la prise en charge accordée par l'établissement à la personne protégée. C'était d'ailleurs l'une des conclusions fortes de la commission d'enquête sur la maltraitance des personnes handicapées accueillies en établissement. Cette commission soulignait en effet le rôle primordial des tuteurs en matière de vigilance contre la maltraitance institutionnelle - nous sommes obligés de reconnaître qu'elle existe, même si elle n'est pas volontaire -, mais elle soulignait en même temps que ces tuteurs ne pouvaient convenablement remplir ce rôle qu'en étant indépendants de l'établissement.
La suppression de la possibilité de désigner comme tuteur un préposé d'établissement médico-social s'inscrit également dans le combat que la commission des affaires sociales mène depuis plusieurs années pour une véritable séparation des rôles de gestionnaire d'établissement et de représentation des personnes handicapées. Sa position n'est donc pas dictée par une volonté de défendre telle ou telle catégorie de tuteur mais elle est nourrie par une réflexion approfondie et de longue haleine sur la façon la plus respectueuse d'assurer la protection des majeurs vulnérables en établissement.
Au-delà de ces questions de principe, la désignation d'un préposé d'établissement soulève des difficultés pratiques importantes : une personne handicapée, je vous le disais tout à l'heure, peut en effet être amenée à changer d'établissement au cours de sa vie. Faudra-t-il donc qu'à chaque fois elle change également de tuteur ? De même, le tuteur peut passer d'un établissement à l'autre, et la personne protégée risque d'en subir les conséquences.
Par ailleurs, les préposés d'établissement sont soumis à des contrôles nettement allégés par rapport aux autres catégories de mandataires judiciaires : ainsi, ils seront inscrits sur la liste départementale sur la base d'une simple déclaration, là où les autres tuteurs devront préalablement être autorisés ou agréés.
La commission des affaires sociales est toutefois consciente que 28 000 mesures sont aujourd'hui confiées à des préposés d'établissements médico-sociaux. Il ne saurait naturellement être question de mettre un terme du jour au lendemain à leurs missions. Les personnes qu'elles protègent en seraient les premières victimes.
Toutefois, ces contraintes matérielles et d'organisation ne doivent pas nous conduire à transiger avec un principe fondamental, celui de la nécessaire indépendance des tuteurs. C'est la raison pour laquelle nous proposons de prévoir un délai de cinq ans pour que le juge réaffecte les mesures aujourd'hui confiées à un préposé d'établissement à d'autres catégories de mandataires.
La commission des affaires sociales reconnaît également que, dans certains départements, la suppression des préposés d'établissement pourrait conduire à des situations de monopole au profit de certaines associations tutélaires. Cependant, le projet de loi prévoit d'ores et déjà les outils nécessaires pour remédier à ces situations : les mandataires judiciaires feront désormais l'objet d'un volet spécifique du schéma régional de l'organisation sociale et médico-sociale, qui vise à planifier la création des nouveaux services. Dans le délai de cinq ans prévu par notre commission, ces schémas permettront d'organiser le recrutement des mandataires nécessaires.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales est favorable à tous les amendements traitant du sujet, qui nous tient particulièrement à coeur.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Compte tenu des dépenses induites - M. le rapporteur a évoqué un coût de 63 millions d'euros -, les amendements nos 168 rectifié, 194 et 222 rectifié bis, mais aussi les amendements nos 197, 248, 115 et 231 rectifié bis tombent sous le coup de l'article 40. S'ils sont déclarés irrecevables, alors, les amendements de conséquence nos 141 et 201 rectifié, identiques, l'amendement n° 202, les amendements identiques nos 153 et 213, l'amendement n° 158, le sous-amendement n° 164 rectifié et l'amendement n° 165 rectifié deviendront sans objet.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je partage l'avis de M. le président de la commission des lois !
M. le président. Monsieur Doligé, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Éric Doligé, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements nos 168 rectifié, 194 et 222 rectifié bis ne sont pas recevables.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voudrais simplement attirer l'attention du Sénat sur le fait qu'il a adopté, à l'article 5, l'amendement n° 227 rectifié bis de M. Détraigne, tendant à ce que la prise en charge par la collectivité publique d'une mesure de protection concernant une personne qui ne peut intégralement en assumer la charge soit identique quelles que soient les sources de financement. J'invite la commission des finances à reconsidérer son avis, car je ne suis pas certain que l'article 40 s'applique, compte tenu donc des dispositions que nous avons adoptées précédemment. (M. le président de la commission des lois s'exclame.)
M. le président. Monsieur Vasselle, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Il semble que d'autres amendements deviennent également sans objet et que tous n'ont pas été cités par M. le président de la commission des lois. Tout cela méritera d'être précisé.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-1068 du 25 août 2006 rendant applicables à Mayotte certaines dispositions relatives au droit du travail de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 241, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification d'une convention relative à l'adhésion de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à la convention relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 242, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de l'acte constitutif de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble une annexe).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 243, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la prévention de la délinquance.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 240, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
12
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert sur la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3447 et distribué.
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DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur la place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire : le cas de l'Antarctique, établi par M. Christian Gaudin, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 230 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Robert del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale (n° 150, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 231 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. André Trillard un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise suite, d'une part, à la convention-cadre instituant la coopération relative au développement transfrontalier liée au projet Esch-Belval et, d'autre part, à la convention relative à la réalisation d'infrastructures liées au site de Belval-Ouest (n° 198, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 232 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (ensemble neuf annexes) (n° 199, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 233 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal (n° 218, 2006-2007) ;
Le rapport sera imprimé sous le n° 234 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du code de justice militaire et du code de la défense (219, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 235 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Commission nationale consultative des droits de l'homme (n° 221, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 236 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Patrick Courtois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 180, 2006-2007) présentée, au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert del Picchia sur la proposition de décision du Conseil portant création de l'Office européen de police (EUROPOL) (n° E-3383).
Le rapport sera imprimé sous le n° 237 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. François-Noël Buffet un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- la proposition de résolution (n° 246, 2005-2006) présentée, au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement par M. Robert del Picchia,
- et la proposition de résolution (n° 460, 2005-2006) présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Robert Bret, Mmes Eliane Assassi, Nicole Borvo Cohen-Seat, Josiane Mathon Poinat, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Hélène Luc, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, Jean-François Voguet, François Autain et Pierre Biarnès, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (n° E-2948).
Le rapport sera imprimé sous le n° 238 et distribué.
14
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de MM. Jacques Valade, Ambroise Dupont, Ivan Renar, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Mme Colette Melot, M. David Assouline un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles à la suite d'une mission effectuée aux États-Unis du 12 au 20 septembre 2006.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 239 et distribué.
15
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 15 février 2007 :
À neuf heures trente :
1. Discussion du projet de loi (n° 201, 2006-2007) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part;
Rapport (n° 228, 2006-2007) fait par Mme Paulette Brisepierre, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Pour ce projet de loi, il a été décidé de recourir à la procédure simplifiée.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 172, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs ;
Rapport (n° 212, 2006-2007) fait par M. Henri de Richemont, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 213, 2006-2007) fait par Mme Bernadette Dupont, au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
À quinze heures et le soir :
3. Communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
4. Suite de l'ordre du jour du matin
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat (n° 27) de M. Gérard Cornu relative à l'application de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 19 février 2007, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modifications du code de justice militaire et du code de la défense (n° 219, 2006-2007) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 février 2007, à seize heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal (n° 218, 2006-2007) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 février 2007, à seize heures.
Question orale avec débat (n° 26 rect.) de M. Jean-Paul Virapoullé à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur, relative à la création d'un Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 20 février 2007, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Commission nationale consultative des droits de l'homme (n° 221, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 20 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 février 2007, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 15 février 2007, à zéro heure trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD