sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
MM. le président, Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes ; Jean Arthuis, le président de la commission des finances.
3. Équilibre de la procédure pénale. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
présidence de Mme Michèle André
Amendement n° 1 de la commission. - MM. François Zocchetto, Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. - Adoption.
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 54 rectifié sexies de M. Charles Guené. - MM. Dominique Braye, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements nos 91 de M. Robert Badinter et 7 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 91 ; adoption de l'amendement no 7.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 92 de M. Robert Badinter. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Amendement n° 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 55 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Pierre-Yves Collombat, Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Badinter, Pierre Fauchon. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 56 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels avant l'article 3
Amendements identiques nos 57 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 94 de M. Robert Badinter. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendements identiques nos 58 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 93 de M. Robert Badinter. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 59 à 61 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 15 à 18 de la commission et 95 de M. Robert Badinter. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Robert Badinter, le garde des sceaux, Pierre Fauchon, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre-Yves Collombat, le président de la commission. - Rejet des amendements nos 59 à 61 et 95 ; adoption des amendements nos 15 à 18.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 19 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 21 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 4
Amendements nos 63 et 64 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 65 à 67 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des trois amendements.
Amendements nos 22 et 23 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 24 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 25 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 26 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 27 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 28 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 30 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 29 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 31 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 96 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 32 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 5
Amendement n° 68 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 6
Amendement n° 69 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 98 rectifié de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
4. Questions d'actualité au Gouvernement
la situation des entreprises du secteur automobile
MM. Jean-Pierre Sueur, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean Boyer, Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes.
les grèves dans l'éducation nationale
Mme Annie David, M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. Jacques Pelletier, Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes.
la création d'une organisation internationale de l'environnement
M. Jean-François Humbert ; Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes.
les grèves dans la fonction publique
Mme Bariza Khiari, M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique.
MM. Yannick Texier, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
desserte en électricité dans les zones rurales
MM. Michel Moreigne, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
MM. Alain Dufaut, Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
application et bilan de la loi sur le handicap
MM. Charles Revet, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Adrien Gouteyron
5. Organisme extraparlementaire
6. Dépôt de rapports du Gouvernement
7. Équilibre de la procédure pénale. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Articles additionnels avant l'article 6 (suite)
Amendement n° 70 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Amendements nos 71 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 97 rectifié de M. Robert Badinter. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Fauchon, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 72 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 73 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Fauchon. - Rejet.
Amendement n° 74 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements nos 99, 101 de M. Robert Badinter et 77 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Robert Badinter, Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet des trois amendements.
Amendement n° 100 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements nos 76 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 33 de la commission. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet de l'amendement no 76 ; adoption de l'amendement no 33.
Amendement n° 34 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 102 de M. Robert Badinter, 78, 79 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 35 de la commission. - M. Robert Badinter, Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Fauchon, Michel Dreyfus-Schmidt, le président de la commission, Hugues Portelli. - Rejet des amendements nos 102, 78 et 79 ; adoption de l'amendement no 35.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 7
Amendement n° 36 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 103 de M. Robert Badinter et 37 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 103 ; adoption de l'amendement no 37.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 82 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 104 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet par scrutin public.
Amendements nos 38 à 41 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des quatre amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 83 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président de la commission, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement no 43 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 44 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 45 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 84 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 13
Amendement n° 87 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 86 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Hugues Portelli. - Rejet.
Amendement n° 88 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Amendement n° 46 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 13 ter
Amendement no 107 rectifié du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 47 de la commission et 85 rectifié de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement n° 48 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 49 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 106 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur. - Adoption.
Amendements nos 50 de la commission et 89 rectifié de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des deux amendements.
Amendement no 105 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 51 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 52 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 53 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Georges Othily, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Adoption du projet de loi.
M. le garde des sceaux.
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE LA COUR DES COMPTES
M. le président. L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit dans l'hémicycle selon le cérémonial d'usage.)
Monsieur le Premier président, je suis très heureux de vous accueillir pour la troisième fois dans cet hémicycle, pour la remise solennelle à notre assemblée du rapport annuel de la Cour des comptes.
Vous me permettrez de rappeler l'importance que le Sénat accorde à ses travaux de contrôle, qui sont, en quelque sorte, « sa seconde nature ». Il lui revient en effet d'effectuer, sur pièces et sur place, les contrôles nécessaires relatifs à la consommation des crédits publics.
Conformément aux articles 47 et 47-1 de la Constitution, la Cour des comptes joue un rôle essentiel d'assistance au Parlement et, plus encore ces derniers temps, dans le contrôle de l'application des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Cette mission est attentivement suivie par la commission des finances, par son président, M. Arthuis, et par son rapporteur général, M. Marini.
En cette année de bicentenaire de la Cour, je forme donc le voeu que nos relations puissent se renforcer encore, afin d'améliorer l'information de nos commissions, du Sénat tout entier et, bien sûr, du peuple souverain.
C'est avec une grande attention et une curiosité, chaque année intacte, que notre assemblée va prendre connaissance de votre rapport.
Monsieur le Premier président, je vous souhaite une cordiale bienvenue dans l'hémicycle du Sénat et je vous donne la parole. (Applaudissements.)
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, en application de l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes, que j'ai présenté, hier soir, à M. le Président de la République. Je vous adresse des remerciements particuliers pour votre accueil.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, l'exercice, auquel je viens de procéder, est rituel, et pour cause : comme vous l'avez fort opportunément rappelé, monsieur le président, le rapport annuel fête cette année, avec la Cour, ses 200 ans.
Certes, le Parlement ne connut pas ses vingt-cinq premiers millésimes, qui ne profitèrent qu'à Napoléon d'abord, puis à Louis XVIII, à Charles X et à leurs gouvernements ensuite. Mais l'essor du parlementarisme allait très vite changer la donne et, en 1832, les chambres obtinrent la communication de ce travail, qu'elles réclamaient depuis déjà plusieurs années.
Le rapport annuel est ainsi, avec la déclaration générale de conformité, à l'origine même de la mission d'assistance de la Cour au Parlement.
Cette mission, indissociable du nouvel équilibre des pouvoirs réalisé par la Monarchie de Juillet, n'a cessé, depuis lors, d'être réaffirmée, confortée et élargie. Mais elle a surtout changé de dimension voilà cinq ans, avec la mise en place de loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui l'a littéralement et radicalement réactivée et revigorée.
La Cour des comptes est donc plus que jamais à votre disposition. Elle est à votre disposition pour assister la commission des finances dans ses travaux d'évaluation et de contrôle et pour assister la commission des affaires sociales dans ses travaux relatifs aux lois de financement de la sécurité sociale. Je viens moi-même régulièrement m'exprimer devant ces instances avec beaucoup de plaisir et répondre aux questions de leurs membres.
Elle est également à votre disposition pour mener toutes les enquêtes que vous souhaitez lui confier, en application du troisième alinéa de l'article 58 de la LOLF et de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Ai-je besoin de rappeler qu'aujourd'hui ce n'est plus seulement un rapport annuel que nous vous remettons ? Ainsi, depuis 2002 et l'introduction des nouvelles dispositions législatives, ce sont 188 référés, 167 rapports particuliers, 5 rapports sur l'exécution budgétaire, 5 rapports sur la sécurité sociale, 4 rapports préliminaires et 44 autres rapports établis à la demande du Parlement, sur la base des deux lois organiques précitées, qui ont été remis aux deux assemblées.
Par ailleurs, la dynamique s'est radicalement accélérée. En 2002, nous consacrions un quart de notre temps de travail à ces travaux. En 2006, la proportion avait doublé et elle est, selon toute vraisemblance, encore appelée à s'accroître.
Et encore me suis-je abstenu de prendre en compte les rapports publics thématiques et autres travaux, qui ne relèvent pas directement de notre mission d'assistance, mais qui vous sont également communiqués.
En 2006, nous vous aurons ainsi remis 31 référés, 34 rapports particuliers. Nous avons réalisé, à votre demande, plusieurs enquêtes sur la gestion immobilière du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, sur les commissions placées auprès du Premier ministre, sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche, sur les aides à l'emploi, sur l'Association française d'action artistique, sur la réforme de la tarification des établissements de santé et sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage. Vous avez d'ailleurs organisé un débat de contrôle budgétaire particulièrement approfondi - et nous nous en réjouissons -, sur le fondement de ce dernier travail. Nous sommes, bien entendu, très sensibles à cette initiative et très flattés que nos rapports puissent vous aider dans votre propre travail d'évaluation et de contrôle.
Nous nous sommes, par ailleurs et d'ores et déjà, mis en situation d'assumer celles de nos nouvelles compétences qui prennent effet cette année. Nous vous remettrons ainsi au printemps prochain quatre documents. Deux d'entre eux sont déjà connus de vous : le rapport sur les résultats, qui sera enrichi cette année, pour la première fois, des commentaires de la Cour sur les performances obtenues pour une vingtaine de programmes, et le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui actualisera et approfondira l'analyse contenue dans le présent rapport annuel. Le troisième document sera l'expression de notre opinion sur les comptes de l'État, rédigé au terme du processus de certification, et qui viendra en lieu et place du rapport sur les comptes réalisé l'an dernier. Nous vous remettrons enfin un quatrième document dans lequel nous exprimerons notre opinion sur les divers comptes du régime général de la sécurité sociale. Pour autant, comme les années passées, nous vous remettrons, à l'automne, le traditionnel rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant de la certification, je veux encore une fois rappeler en cet instant que nous ne concevons pas nos nouvelles missions comme des armes de censure ou de sanction d'une politique. Nous nous contenterons de nous prononcer sur la conformité et la fidélité des états comptables au référentiel que l'État s'est donné.
De façon plus générale, nous avons bien conscience que les réformes comptable et budgétaire qu'impose la LOLF sont lourdes et très ambitieuses. Les administrations - je leur en donne bien volontiers acte -, ont déjà fourni un effort énorme pour répondre à ces nouvelles exigences. Nous n'avons d'ailleurs pas manqué de souligner les progrès déjà réalisés. Nous travaillons dans une logique de partenariat et d'accompagnement de la réforme plus que de sanction. Les rencontres et les échanges avec les ministères sont plus nombreux et nous veillons à répondre à leurs propres attentes.
Nous avons ainsi nous-mêmes engagé de profondes réformes internes pour nous adapter aux enjeux de la LOLF. Dans l'esprit des préconisations du récent rapport de MM. Lambert et Migaud, nous avons spécialisé nos équipes ; nous distinguons mieux les différents types de contrôle. Ainsi, le domaine juridictionnel, la certification et l'examen de la gestion font l'objet de méthodologies, de contrôles, de rapports et de délibérés distincts.
De la même façon, nous souhaitons vous apporter le soutien que vous jugerez nécessaire pour assumer les nouveaux pouvoirs que vous confère la LOLF et nous voulons que notre contribution à vos travaux soit toujours plus fructueuse.
C'est pourquoi, comme je l'ai annoncé à l'occasion de la séance solennelle de la Cour, nous tiendrons désormais l'ensemble des parlementaires régulièrement informés de l'état de la liste de nos communications. Par ailleurs, nous assortirons la transmission de nos référés et rapports particuliers de synthèses explicatives.
La Cour entend, en outre, se donner les moyens d'une plus grande réactivité. Nous savons que nous devons nous adapter au rythme de vos travaux. C'est pourquoi nous demanderons la réduction des délais de contradiction avec les organismes contrôlés, délais qui expliquent pour une bonne part un décalage trop fréquent entre le temps de la Cour et le temps du Parlement, et nous nous efforcerons de ramener le délai moyen de réponses à vos demandes d'enquêtes à la durée habituelle des commissions d'enquête parlementaire. Dans certaines circonstances, une note d'information pourra vous être communiquée dans des délais encore plus courts.
Enfin, pour que nous soyons en mesure de répondre totalement à votre attente, il nous reste à trouver la procédure de concertation la plus appropriée pour nous permettre, s'agissant de l'évaluation de la performance, programme par programme, de nous engager sur les travaux dont vous aurez vous-mêmes signalé la priorité. Il serait absurde de procéder autrement : notre vocation est de vous assister. C'est à vous de dire vos besoins et vos choix. Nous saurons adapter nos programmes en conséquence.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Merci !
M. Philippe Seguin, Premier président de la Cour des comptes. Nous voulons vous être utiles, comme nous souhaitons l'être, également, au Gouvernement et aux citoyens.
Le rapport public que nous vous remettons ce jour et que je présenterai tout à l'heure à la presse leur est également adressé.
Il s'ouvre, comme l'an dernier, sur une analyse de la situation des finances publiques. Les chiffres sont encore provisoires, mais mettent en évidence une amélioration sensible. Je n'entre pas dans le détail puisque, comme je vous l'ai dit, nous consacrerons à ce sujet un rapport spécifique au printemps sur des chiffres définitifs.
Je soulignerai simplement que certains des facteurs de cette amélioration sont conjoncturels. C'est dire que l'effort accompli reste à compléter pour améliorer encore la maîtrise de la dépense publique, seule vraie garantie du caractère pérenne des résultats obtenus et à obtenir.
Le rapport annuel 2007 est en tout cas l'occasion d'illustrer par des exemples variés et concrets les voies envisageables pour atteindre cet objectif général et - j'ai cru le comprendre - consensuel.
Le premier tome contient, cette année, vingt analyses de ce type portant sur des secteurs très divers.
Nous avons tout d'abord tenu, dans un contexte européen fort changeant, à consacrer plusieurs de nos contrôles au secteur agricole.
Les quatre exemples que nous donnons montrent la nécessité, mais aussi la difficulté d'une gestion plus efficace des financements publics qui y sont consacrés. Nous soulignons le foisonnement des aides, l'impossibilité de contrôler sérieusement l'éligibilité de leurs destinataires, l'absence d'évaluation sur l'efficacité de ces dépenses et les problèmes de conformité au droit communautaire.
Vous verrez que nous nous intéressons également à la question des aides aux PME et aux PMI, ainsi qu'au crédit d'impôt recherche, qui représente un enjeu financier lourd, mais dont on mesure encore difficilement l'impact sur les dépenses de recherche des entreprises.
Nous avons également examiné comment l'État fait vivre les priorités qu'il affiche en matière de recherche. Nous consacrons ainsi une insertion à la recherche en faveur des sciences et technologies de l'information et nous achevons en ce moment même un contrôle sur la recherche dans le domaine des sciences du vivant, la deuxième priorité affichée en 2000 par le Gouvernement en matière de recherche.
Nous revenons sur le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. La conclusion en est claire : la réforme de 2003 n'a pas réglé le problème. Elle a juste déporté une partie des charges pesant sur l'UNEDIC vers l'État qui continue indirectement à subventionner le secteur audiovisuel. La confusion entre politique pour l'emploi et politique culturelle demeure totale.
En matière de santé et de sécurité sociale, nous abordons successivement la question des urgences et celle des soins palliatifs. Je ne rentrerai pas dans le détail, mais je soulignerai simplement que, dans les deux cas, le problème est moins un problème de moyens qu'un problème de comportements et d'organisation, notamment, pour les urgences, d'organisation de l'offre de soins en amont de l'hôpital.
L'insertion sur les aides personnelles au logement permet de revenir sur une observation récurrente de la Cour : dans un contexte budgétaire très contraint, il est indispensable de mieux cibler les aides.
Nous consacrons également des développements aux centres de rétention administrative, aux organismes paritaires collecteurs agréés et aux établissements d'enseignement du second degré. Vous retrouverez également plusieurs insertions consacrées à la gestion locale réalisées avec l'aide des chambres régionales.
Ainsi, pour m'en tenir à cet exemple, sous le chapeau commun des aménagements à vocation culturelle ou de loisirs ont été regroupés les résultats de trois contrôles portant sur l'aménagement du site du pont du Gard, la gestion du parc du Futuroscope et l'opération Cap'découverte, opération de reconversion, comme vous le savez, du site minier de Carmaux.
Ces trois projets font, chacun à leur manière, peser de très lourdes charges sur les collectivités impliquées pour des retombées économiques très incertaines. Il faut dire qu'aujourd'hui les sites de loisirs se font concurrence et que les promoteurs surestiment trop souvent la fréquentation. Au final, ce sont évidemment les contribuables qui payent.
Toutefois, ce n'est pas tout.
Nous consacrons cette année un second tome, presque aussi important que le premier, à l'examen des suites données à nos précédents contrôles, d'une part, pour « tordre le cou » à un préjugé coriace qui voudrait que la Cour prêche la bonne parole dans le vide, d'autre part, pour sortir de la trop vieille habitude de la juridiction de ne parler que de ce qui va mal.
À ce titre, le rapport montre que la Cour a été incontestablement suivie dans nombre de ses recommandations portant sur la régularité et l'efficience de la gestion des organismes qu'elle contrôle.
Il apparaît très clairement que c'est lorsque nous revenons régulièrement dans un organisme ou sur une politique donnée, lorsque nous faisons état précisément et régulièrement des suites données à nos observations, que nous obtenons les résultats les plus probants.
Je ne veux pas me lancer ici dans un recensement exhaustif de nos travaux de suivi, mais j'appelle votre attention sur quelques exemples très encourageants.
Par exemple, lors d'un nouveau contrôle de la Banque de France, dont nous avions sévèrement critiqué la gestion en 2005, dans certains de ses aspects, nous avons constaté des avancées majeures : le réseau a été drastiquement réduit, les effectifs diminués et des gains de productivité importants ont été réalisés. Certes, nos recommandations sur la nécessaire refonte de la gestion des ressources humaines et de l'action sociale gardent toute leur actualité, mais l'établissement s'est incontestablement engagé sur la bonne voie.
Permettez-moi de citer un autre exemple, celui de Météo France, dont le dossier est bien connu de votre commission des finances : suite à nos recommandations, la gestion interne a été nettement améliorée.
Les résultats de notre contrôle de suivi sur EDF, contrôle qui, comme le précédent, avait été demandé par votre assemblée, sont également encourageants : comme nous le recommandions, l'électricien a recentré son activité internationale sur des participations stratégiques.
Je pourrais multiplier les exemples. Vous en trouverez de nombreux dans le corps de ce rapport.
Cependant, je mentirais par omission si je me contentais de dresser un tableau exclusivement positif.
Il est des domaines où les progrès sont lents. C'est le cas, notamment, de la gestion des ressources humaines et des rémunérations. Dans nombre des établissements que nous avons à nouveau contrôlés, nous avons retrouvé inchangées des pratiques critiquables.
Concernant plus particulièrement les pensions des fonctionnaires, par exemple, si la loi de 2003 a consacré des avancées majeures, force est de constater néanmoins que certains dispositifs très coûteux et très contestables d'indemnités servies aux pensionnés résidant outre-mer ou de bonifications de dépaysement accordées aux fonctionnaires ayant exercé à l'étranger ou dans les DOM-TOM n'ont pas été remis en cause ou, à tout le moins, adaptés à la réalité des situations.
Vous verrez également que nous revenons sur un certain nombre de travaux d'évaluation de politiques publiques : politique pour les personnes handicapées, politique de lutte contre l'alcoolisme, avec des constats très décevants, ou évaluation des aides à l'emploi.
Dans ces domaines, souvent gérés par une multiplicité d'intervenants - ce que nous déplorons - et cruellement dépourvus de moyens de suivi statistique et de pilotage, les résultats obtenus sont moins évidents.
C'est à plus long terme que nous pouvons espérer des changements plus convaincants.
La Cour revient, enfin, sur la politique d'accueil des immigrants, qu'elle avait examinée dans un rapport thématique de novembre 2004. Conformément à ses recommandations, il apparaît que les fondements juridiques du contrat d'accueil et d'intégration ont été consolidés, son contenu précisé et que la signature d'un tel contrat a été rendue obligatoire.
La Cour relève néanmoins l'absence de suivi des engagements pris par le signataire, notamment en matière de formation linguistique. Sur le plan institutionnel, après la création en 2005 de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrants, l'ANAEM, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a été créée en 2006. La cohérence des actions de ces deux agences avec celles de la délégation interministérielle à la ville, de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme reste à construire, si vous voulez bien m'autoriser cet euphémisme.
Voilà donc un aperçu du rapport annuel 2007.
Ce rapport annuel est accompagné, comme l'était celui de l'an dernier, du rapport d'activité de la Cour de discipline budgétaire et financière, la CDBF. C'est désormais, d'ailleurs, bien plus qu'un simple rapport d'activité. Nous avons voulu en faire un vecteur privilégié de communication pour mieux faire connaître la Cour de discipline budgétaire et financière, son rôle et sa jurisprudence. Ce rapport a également pour objet de constituer un outil de référence pour les praticiens et les autorités habilitées à saisir la CDBF, dont, monsieur le président, je n'oublie pas que vous faites partie.
En 2005, les moyens d'instruction et de jugement de la Cour ont été renforcés, le fonctionnement interne amélioré et les délais de traitement des affaires réduits. La CDBF traite un nombre croissant de saisines et peut en traiter plus encore. Il ne faut donc pas hésiter à la saisir.
Vous le savez, nous souhaiterions voir le rôle de la CDBF encore renforcé par une réforme législative d'ampleur. Je suis convaincu que tout le monde aurait à y gagner, car nous pourrions ainsi contribuer à limiter le risque de pénalisation de l'action publique.
Nous travaillons en tout cas dans ce sens et nous espérons que nos efforts pourront porter leurs fruits.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais mettre en exergue.
Nous avons cherché à vous présenter une sélection de ce que nos contrôles ont dégagé de plus intéressant et de plus instructif sur la gestion publique et sur les moyens envisageables pour la rendre plus efficace et plus efficiente.
J'espère que ce travail et cette sélection vous apporteront des analyses et une expertise utiles et éclaireront vos débats.
C'est en tout cas dans cet esprit que nous avons travaillé et que nous continuerons à travailler pour vous. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur le Premier président, le Sénat apprécie la qualité de vos rapports et, surtout, votre persévérance dans l'exercice des responsabilités qui vous incombent, s'agissant du contrôle et de l'utilisation des fonds publics. La commission des finances notamment y est très sensible.
Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est avec beaucoup de plaisir et d'attention, comme il se doit, que nous venons d'entendre M. le Premier président nous présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes.
Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce rapport, que nous ne manquerons pas, spécialement à la commission des finances, d'analyser comme toujours avec le plus grand soin.
C'est avec satisfaction que je souhaite en premier lieu souligner l'excellence des relations qui se sont établies entre la Cour des comptes et le Sénat, relations dont je considère qu'elles ont atteint désormais leur rythme de croisière.
Ainsi, cinq enquêtes que nous lui avons demandées en 2006, en application du deuxième alinéa de l'article 58 de la LOLF, nous ont été présentées ou vont l'être dans les prochaines semaines. Elles donneront lieu, comme l'usage s'en est établi, à des auditions pour suite à donner réunissant, autour des commissaires de la commission des finances, les magistrats de la Cour des comptes ayant conduit les enquêtes ainsi que les représentants des organismes contrôlés et, le cas échéant, le ou les ministères de tutelle.
Ces auditions, nous les avons souhaitées ouvertes à la presse et à tous nos collègues des commissions intéressées, afin de donner le plus de résonance possible aux travaux de la Cour des comptes qui sont effectués sur notre demande.
Ainsi, hier, nous avons entendu, avec la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques, les représentants des services du ministère de l'économie et des finances, du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, du ministère de l'industrie, et, enfin, du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à propos de l'enquête de la Cour sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche et sa transformation en OSEO-ANVAR. Je crois me faire l'interprète de l'ensemble de mes collègues pour dire que ce fut un grand moment, compte tenu des observations de la Cour et des enseignements qu'il convient d'en tirer.
C'est pourquoi nous continuerons, cette année encore, à valoriser ces travaux par une attention particulière portée au suivi des enquêtes, notamment à travers l'organisation de débats en séance publique lors des séances mensuelles réservées à l'initiative parlementaire, afin d'interroger le ministre compétent sur les suites qui sont données à ces enquêtes.
Il m'arrive de penser, mes chers collègues, que ces travaux d'interpellation et de suivi sont peut-être aussi importants que le temps que nous consacrons parfois à examiner des textes de loi quelque peu inspirés par la « tyrannie » du moment et du court terme.
Pour l'année 2007, monsieur le Premier président, la commission des finances vous a ainsi saisi de cinq enquêtes issues des demandes des rapporteurs spéciaux compétents, portant sur les sujets suivants : l'évolution des retraites militaires depuis la professionnalisation ; la gestion des crédits d'intervention de la politique de la ville ; l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels ; le service des pensions de l'État ; la gestion des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État et d'impôts locaux.
Nous souhaitons aussi recourir de nouveau à la faculté, ouverte par le 1° de l'article 58 de la LOLF, de demander l'assistance d'un magistrat de la Cour sur le sujet délicat des ressources financières des chambres de métiers.
Merci encore, monsieur le Premier président, de contribuer ainsi à nous assister, grâce à ces procédures, mais aussi grâce à la qualité des contacts informels que nous établissons tout au long de l'année, dans le développement de la mission de contrôle, qui est, chaque jour davantage, la « seconde nature » du Parlement, ainsi que M. le président Christian Poncelet l'a rappelé.
Au cours de l'année 2007, et nonobstant le contexte politique très particulier, le Parlement et la Cour des comptes devront également faire vivre la LOLF et poursuivre sur la voie ouverte l'an dernier lors de l'examen de la loi de règlement.
Compte tenu du calendrier prévisible des travaux du Parlement, nous devrons sans doute modifier notre manière de procéder par rapport à l'année passée. Toutefois, grâce à la collaboration de la Cour des comptes et à l'esprit d'initiative des rapporteurs spéciaux, je ne doute pas que l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2006, le premier texte de ce genre totalement « lolfien », démontrera que la logique de performance et de résultat, induite par la LOLF, est le principe qui nous guide dans l'appréciation portée sur la conduite des politiques publiques.
À l'image des entreprises du secteur privé, nous devons attacher une importance toute particulière à la reddition des comptes - bilan et compte de résultats -, et ce plus qu'à la présentation des comptes prévisionnels. À ce titre, je le répète, le Parlement doit faire évoluer le temps fort de la discussion budgétaire de la loi de finances initiale vers la loi de règlement, laquelle est la loi de « vérité budgétaire ».
Monsieur le Premier président, l'année à venir sera également marquée, vous l'avez souligné, par l'échéance du 31 mai 2007, date fixée par la LOLF pour une première certification des comptes de l'État, établie sur la base du bilan d'ouverture au 1er janvier 2006, premier « vrai bilan » selon les nouvelles normes comptables.
Je me félicite, à cet égard, que la Cour des comptes ait usé d'une démarche à la fois audacieuse et pragmatique. Audacieuse par nécessité, compte tenu de l'ampleur de la tâche et des délais qui lui étaient impartis. Pragmatique aussi, si je m'en réfère notamment au processus d'ajustements et d'échanges que la Cour des comptes a su établir avec la direction générale de la comptabilité publique en vue de préciser les concepts et les enjeux de cette opération majeure et sans précédent.
Ce travail constructif nous renvoie à la question fondamentale des normes comptables, sujet auquel, vous le savez, la commission des finances est très attentive.
Je suis bien conscient que le Parlement, comme la Cour des comptes, doit lui aussi se préparer à l'épreuve du bilan d'ouverture et qu'il nous revient sur ce sujet d'engager, dès à présent, une campagne d'information et de sensibilisation de nos concitoyens. Une telle « préparation des esprits » n'est en effet aucunement à négliger.
De ce point de vue, je me permets d'insister de nouveau pour que cette première « photographie » du patrimoine de l'État, qui doit être aussi fidèle que possible, ne sous-estime en aucune façon les dettes et les provisions pour charges constituant le « passif » de l'État au 1er janvier 2006.
Il s'agit bien sûr d'assurer le respect de l'exigence de « sincérité » des comptes publics. C'est, au surplus, le meilleur moyen d'offrir aux Français l'image tant attendue de l'équilibre des comptes publics, dès que les conditions s'y prêteront. Si telle dette ou telle provision n'est pas constatée au 1er janvier 2006, les premiers résultats d'équilibre et, peut-être, d'excédent budgétaire seront instantanément « mangés » par ces oublis.
Je suis également convaincu que la révolution lolfienne engagée par l'État doit entrer dans une seconde étape et que les principes et les normes de la LOLF devront rapidement être appliqués aux comptes de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Il importe que toutes les institutions soient soumises aux mêmes principes, aux mêmes nomenclatures, au même vocabulaire comptable, bref, oserais-je dire, à la même grammaire !
Je voudrais, enfin, évoquer le débat, qui n'est pas clos, concernant le cadre général de l'évolution des pratiques budgétaires et comptables ainsi que ses conséquences sur le statut de la Cour des comptes, notamment la distinction opérée entre ses fonctions de certification, d'une part, et juridictionnelles, d'autre part.
À mon sens, si des évolutions doivent avoir lieu pour tenir compte de ces différentes fonctions, il est indispensable en cette matière de prendre son temps et de préserver avant tout l'indépendance de la Cour des comptes, dont nous connaissons, par ailleurs, la capacité à évoluer et à s'adapter à ses nouvelles responsabilités.
Je conclurai, monsieur le Premier président, en évoquant les pistes d'approfondissement des relations entre la Cour des comptes et le Parlement. Tracées lors de la séance solennelle de rentrée de la Cour, elles m'ont semblé très prometteuses.
Il s'agit non seulement de l'exploitation plus systématique des nombreux référés transmis par la Cour au Sénat, mais aussi de l'amélioration des procédures de coordination entre, d'une part, les initiatives de contrôle engagées par la commission des finances et, d'autre part, le programme de travail de la Cour des comptes. Sur ces deux points, je suis persuadé que nous saurons encore nous montrer plus performants. J'ai bien noté les propositions que vous venez de faire à cette même tribune et je ne doute pas de la réactivité de la Cour des comptes en ce domaine.
L'année 2007 sera non seulement celle de la célébration du deux centième anniversaire de l'institution dont vous avez la charge, mais aussi celle de la pleine application de la LOLF.
À cette occasion, je voudrais exprimer un souhait : le programme de manifestations que vous avez prévu pour célébrer comme il se doit cet anniversaire doit permettre de populariser les travaux de contrôle. Ce faisant, nos concitoyens pourront exercer pleinement leurs prérogatives. Je ne doute pas que les parlementaires que nous sommes considéreront qu'il est plus gratifiant de se livrer à des travaux de contrôle.
Au fond, ce sera une bonne manière de consacrer, dans la République, l'obligation fondamentale qui nous est faite de rendre compte de notre gestion et de l'utilisation des comptes publics. (Applaudissements.)
M. le président. Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est reconduit selon le même cérémonial qu'à son entrée dans l'hémicycle.)
3
équilibre de la procédure pénale
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, au moment où nous attaquons la dernière ligne droite de cette session et où nous achevons en particulier un ensemble de textes constitutionnels et judiciaires, je voudrais vous rendre un hommage particulier et je ne doute pas que l'ensemble de mes collègues partage ce sentiment.
En effet, nous connaissons tous les contraintes qui ont été les vôtres pendant cette période, durant laquelle nous avons pu observer que le Gouvernement ne vous a pas beaucoup ménagé ! Vous étiez souvent à l'ouvrage, comme d'ailleurs la commission des lois du Sénat. C'est pourquoi nous tenons à vous remercier de la patience et de la courtoisie dont vous avez fait preuve à l'égard de la Haute Assemblée.
Notre ordre du jour a pu, à l'évidence, être géré au mieux, et ce malgré les adjonctions, fort légitimes, qui lui ont été faites. Je pense en particulier au très important projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis heureux de vous dire qu'il n'y aura pas de débordements la semaine prochaine et que nous pouvons raisonnablement espérer arriver sans dommage aux dates des 22 et 23 février, qui nous ont été indiquées par M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement, avec les réserves d'usage, comme étant la fin provisoire de nos travaux en séance publique.
Grâce à la compréhension des uns, à la patience des autres, à la compétence de tous, nous réussissons à épuiser un ordre du jour particulièrement chargé, et ce, je l'espère, à la satisfaction générale. C'est cela, la démocratie, même quand elle est quelque peu « bousculée » !
(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (nos 133, 177).
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
CHAPITRE IER A
Dispositions instaurant la collégialité de l'instruction
Article 1er A
Le premier alinéa de l'article 83 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le président du tribunal ou, en cas d'empêchement, le magistrat qui le remplace, désigne, pour chaque information, une formation collégiale de trois juges d'instruction, dont un magistrat du premier grade exerçant les fonctions de juge coordonnateur. Il peut établir, à cette fin, un tableau de roulement.
« Ce collège de l'instruction exerce les prérogatives confiées au juge d'instruction par le présent code. Les ordonnances de mise en examen, d'octroi du statut de témoin assisté à une personne mise en examen, de placement sous contrôle judiciaire, de saisine du juge des libertés et de la détention et de mise en liberté d'office, ainsi que les avis de fin d'information, les ordonnances de règlement et de non-lieu doivent être pris de manière collégiale. Les autres actes relevant de la compétence du juge d'instruction peuvent être délégués à l'un des juges d'instruction composant le collège. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début de la deuxième phrase du troisième alinéa de cet article remplacer les mots :
Les ordonnances
par les mots :
Les décisions
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant la dernière phrase du dernier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le juge d'instruction peut toutefois statuer seul avec le consentement de la personne recueilli en présence de son avocat.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Tout en approuvant le choix de la collégialité en matière de juge d'instruction, il paraît nécessaire de se montrer pragmatique. Ainsi, l'obligation d'une décision collégiale ne s'impose pas systématiquement, dans le cas, par exemple, où la personne reconnaît les faits.
Par conséquent, le juge d'instruction devrait pouvoir statuer seul, à condition d'avoir recueilli le consentement de la personne en présence de son avocat.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, mais je me demande s'il n'est pas quelque peu redondant, car il est tout à fait dans l'esprit du projet de loi, qui n'a pas pour objet de rendre la collégialité obligatoire !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement n'est absolument pas redondant ! Il est évident que ce projet de loi tend à instaurer la collégialité de l'instruction, qui doit même entrer en vigueur dans les cinq ans, voire dans les trois ans, suivant la publication de la loi. D'ici là, il peut se passer bien des choses !
En attendant, nous ne voyons pas pour quelle raison le juge d'instruction pourrait statuer seul, même avec le consentement de la personne recueilli en présence de son avocat. Ce serait faire une trop grande confiance aux avocats ! (M. le président de la commission des lois s'exclame.)
Nous voterons donc contre cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.
(L'article 1er A est adopté.)
Article 1er B
I. - Dans les articles 80-1, 80-1-1, 113-8, 116, 137-1, 137-2, 138, 139, 140, 141-1, 142, 144-1, 145, 146, 147, 148, 148-1-1, 175, 175-1, 175-2, 176, 177, 179, 180, 181, 182, 184, 188, 197, 469, 495-15 et 571 et dans le second alinéa de l'article 202 du code de procédure pénale, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
II. - Au début de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 141-2 du même code, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le collège de l'instruction ».
III. - Dans le deuxième alinéa de l'article 175, dans le premier alinéa de l'article 178, et dans le premier alinéa de l'article 179 du même code, les mots : « le juge » sont remplacés par les mots : « le collège de l'instruction ». - (Adopté.)
Article 1er C
I. - L'article 50 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « Le juge d'instruction, choisi » sont remplacés par les mots : « Les juges d'instruction, choisis », et les mots : « est nommé » sont remplacés par les mots : « sont nommés » ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « le magistrat désigné » sont remplacés par les mots : « les magistrats désignés » ;
3° Dans le dernier alinéa, les mots : « le juge » sont remplacés par les mots : « l'un des juges ».
II. - Dans l'article 52 du même code, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « pôle de l'instruction ».
III. - L'article 84 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « du juge » sont remplacés par les mots : « d'un ou plusieurs juges » ;
2° Dans le troisième alinéa, les mots : « du juge chargé » sont remplacés par les mots : « de l'un des juges chargés », et les mots : « désigne le juge » sont remplacés par les mots : « peut désigner un juge » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé.
IV. - Dans l'article 85 du même code, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « pôle de l'instruction ».
V. - Dans le dernier alinéa de l'article 206 du même code, les mots : « au même juge d'instruction ou à tel autre » sont remplacés par les mots : « aux mêmes juges d'instruction ou à d'autres ».
VI. - L'article 207 du même code est ainsi modifié :
1° Dans les premier et dernier alinéas, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction » ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « au juge d'instruction ou à tel autre » sont remplacés par les mots : « aux mêmes juges d'instruction ou à d'autres ».
VII. - L'article 207-1 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « au même juge d'instruction ou à tel autre » sont remplacés par les mots : « aux mêmes juges d'instruction ou à d'autres » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
VIII. - Le 6° du II de l'article 221-3 du même code est ainsi rédigé :
« 6° Désigner un ou plusieurs juges d'instruction pour suivre la procédure avec les juges d'instruction déjà saisis ; ».
IX. - Dans le premier alinéa de l'article 397-2 du même code, les mots : « l'un de ses membres ou l'un des juges d'instruction de la juridiction désigné » sont remplacés par les mots : « certains de ses membres ou certains des juges d'instruction de la juridiction désignés ».
X. - Dans les articles 804 et 905-1 du même code, les références : «, 83-1 et 83-2 » sont remplacées par le mot et la référence : « et 83 ».
XI. - Dans l'article 877 du même code, les références : « 83-1, 83-2 » sont remplacées par la référence : « 83 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du III du présent article par les mots :
, et les mots : « d'un autre juge » sont remplacés par les mots : « d'un ou plusieurs autres juges »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La commission a déposé plusieurs amendements de ce genre. La discussion ira donc très vite et nous n'expliquerons pas notre vote à chaque fois, étant donné que nous ne voyons pas d'inconvénient à ces modifications.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er C, modifié.
(L'article 1er C est adopté.)
Article 1er D
I. - L'article 657 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : « juges d'instruction, appartenant à un même tribunal ou à des tribunaux différents, » sont remplacés par les mots : « pôles de l'instruction », et les mots : « des juges » sont remplacés par les mots : « des pôles » ;
2° Dans la deuxième phrase, le mot : « juges » est remplacé par les mots : « collèges de l'instruction saisis ».
II. - Dans l'article 663 du même code, les mots : « juges d'instruction » sont remplacés par les mots : « collèges de l'instruction », et le mot : « juges » est remplacé par le mot : « collèges ».
III. - Dans le second alinéa de l'article 698 du même code, les mots : « le juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « la juridiction d'instruction ».
IV. - L'article 701 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « le juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « la juridiction d'instruction » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa (1°) de cet article :
1° Dans la première phrase, les mots : « juges d'instruction » sont remplacés par les mots : « collèges de l'instruction », et les mots : « des juges » sont remplacés par les mots : « des collèges ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er D, modifié.
(L'article 1er D est adopté.)
Article 1er E
I. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 704 du code de procédure pénale, les mots : « un ou plusieurs juges d'instruction » sont remplacés par les mots : « les juges d'instruction ».
II. - Dans les articles 705-1, 706-2, 706-18, 706-25, 706-45, 706-77, 706-107 et 706-110 du même code, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
III. - L'article 705-2 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « le juge d'instruction chargé » sont remplacés par les mots : « la juridiction chargée » ;
2° Dans la dernière phrase du premier alinéa et dans le deuxième alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
IV. - L'article 706-17 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « pôle de l'instruction » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « un magistrat » sont remplacés par les mots : « des magistrats », le mot : « affecté » est remplacé par le mot : « affectés », et les mots : «, le cas échéant dans les conditions prévues à l'article 83-1, » sont supprimés.
V. - L'article 706-19 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction » ;
2° Dans la première phrase du premier alinéa, le mot : « magistrat » est remplacé par le mot : « collège ».
VI. - L'article 706-22 du même code est ainsi modifié :
1° Aux première, deuxième, quatrième, cinquième et sixième occurrences, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction » ;
2° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « le juge d'instruction chargé » sont remplacés par les mots : « la juridiction chargée ».
VII. - L'article 706-76 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « pôle de l'instruction » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
VIII. - L'article 706-78 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « le juge d'instruction chargé » sont remplacés par les mots : « la juridiction chargée » ;
2° Dans la dernière phrase du premier alinéa et dans le deuxième alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
IX. - L'article 706-109 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « pôle de l'instruction » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ».
X. - L'article 706-111 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « le juge d'instruction chargé » sont remplacés par les mots : « la juridiction chargée » ;
2° Dans la dernière phrase du premier alinéa et dans le deuxième alinéa, les mots : « juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l'instruction ». - (Adopté.)
CHAPITRE IER
Dispositions relatives aux pôles de l'instruction et à la cosaisine des juges d'instruction
Article 1er
I. - Le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un article 52-1 ainsi rédigé :
« Art. 52-1. - Dans certains tribunaux de grande instance, les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction.
« Les juges d'instruction composant un pôle de l'instruction sont seuls compétents pour connaître des informations en matière de crime. Ils demeurent compétents en cas de requalification des faits en cours d'information ou lors du règlement de celle-ci.
« Ils sont également seuls compétents pour connaître des informations donnant lieu à une cosaisine conformément aux articles 83-1 et 83-2.
« La liste des tribunaux dans lesquels existe un pôle de l'instruction et la compétence territoriale des juges d'instruction qui le composent sont déterminées par décret. Cette compétence peut recouvrir le ressort de plusieurs tribunaux de grande instance. Un ou plusieurs juges d'instruction peuvent être chargés, en tenant compte s'il y a lieu des spécialisations prévues par les articles 704, 706-2, 706-17, 706-75-1 et 706-19, d'organiser l'activité des juges d'instruction au sein du pôle, dans des conditions fixées par décret. »
II. - L'article 80 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est précédé de la mention : « I » ;
2° Sont ajoutés un II et un III ainsi rédigés :
« II. - En matière criminelle, ainsi que lorsqu'il requiert une cosaisine, le procureur de la République près le tribunal de grande instance au sein duquel il n'y a pas de pôle de l'instruction est compétent pour requérir l'ouverture d'une information devant les magistrats du pôle territorialement compétents pour les infractions relevant de sa compétence en application de l'article 43, y compris en faisant déférer devant eux les personnes concernées.
« Dans les cas prévus au premier alinéa, le réquisitoire introductif peut également être pris par le procureur de la République près le tribunal de grande instance au sein duquel se trouve le pôle, qui est à cette fin territorialement compétent sur l'ensemble du ressort de compétence de ce pôle, y compris pour diriger et contrôler les enquêtes de police judiciaire.
« Le procureur de la République près ce tribunal de grande instance est seul compétent pour suivre le déroulement des informations visées aux alinéas précédents jusqu'à leur règlement.
« En cas de renvoi devant la juridiction de jugement, l'affaire est renvoyée, selon le cas, devant la juridiction de proximité, le tribunal de police, le tribunal correctionnel, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises initialement compétents.
« III. - Si le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans lequel il y a un pôle de l'instruction constate qu'une personne est déférée devant lui en vue de l'ouverture d'une information en application du deuxième alinéa du II et qu'il estime qu'aucune information relevant de la compétence du pôle ne doit être ouverte, il peut, avant de transmettre le dossier de la procédure au procureur de la République territorialement compétent, requérir le placement sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire de la personne selon les modalités prévues par le troisième alinéa de l'article 394 et l'article 396. Si la personne est placée en détention provisoire, elle doit comparaître devant le procureur de la République près le tribunal de grande instance au sein duquel il n'y a pas de pôle de l'instruction au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. À défaut, elle est mise d'office en liberté. »
II bis. - Dans l'article 85 du même code, après la référence : « 52 », il est inséré la référence : «, 52-1 ».
III. - L'article 118 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'information a été ouverte au sein d'une juridiction dépourvue de pôle de l'instruction, le juge d'instruction, aussitôt après avoir procédé aux formalités prévues par le présent article, se dessaisit au profit d'un juge du pôle de l'instruction compétent, désigné par le président du tribunal de grande instance dans lequel se trouve ce pôle. »
IV. - Le troisième alinéa de l'article 397-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, si les faits relèvent de la compétence d'un pôle de l'instruction et qu'il n'existe pas de pôle au sein du tribunal de grande instance, cette comparution doit intervenir devant le juge d'instruction territorialement compétent dans un délai de trois jours ouvrables, à défaut de quoi le prévenu est remis en liberté d'office. »
V. - Le paragraphe 3 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du même code est complété par un article 397-7 ainsi rédigé :
« Art. 397-7. - Si le procureur de la République estime que les faits pour lesquels la personne est déférée devant lui en application de l'article 393 doivent faire l'objet d'une information relevant de la compétence d'un pôle de l'instruction alors qu'il n'existe pas de tel pôle au sein du tribunal de grande instance et que les éléments de l'espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, il peut requérir le placement sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire de cette personne jusqu'à sa comparution devant le juge d'instruction compétent en faisant application du troisième alinéa de l'article 394 ou de l'article 396. Si la personne est placée en détention provisoire, elle doit comparaître devant le juge d'instruction du pôle de l'instruction au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. À défaut, elle est mise d'office en liberté. »
Mme la présidente. L'amendement n° 54 rectifié sexies, présenté par MM. Guené, Murat, Mouly, Mortemousque, Doublet, Huré, Puech, Jarlier, Billard, Vial, Gouteyron et Fournier, Mme Bout, MM. Sido et Braye, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 52-1 du code de procédure pénale, insérer une phrase ainsi rédigée :
Il existe au moins un pôle de l'instruction par département.
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement a pour objet de prévoir au moins un pôle de l'instruction pour chacun de nos départements.
Il s'agit d'oeuvrer, dans le cadre de l'aménagement du territoire, afin de conserver les services publics dans nos départements, notamment les plus ruraux, en maintenant toute la substance humaine et sociale provenant des magistrats, de leurs équipes, ainsi que des avocats.
Le projet de loi prévoit que les futurs pôles de l'instruction seront fixés par voie réglementaire. Or il y a tout lieu de penser que ce sont les départements ruraux à faible population qui risquent, dans le cadre d'une réorganisation, d'en être privés.
La Chancellerie tente d'apaiser nos craintes en indiquant qu'il y aura 125 pôles et que « la plupart » des départements en seront dotés, ce qui n'est pas de nature à rassurer les départements qui en seraient privés et qui pourraient, selon certaines informations, être au nombre d'une dizaine.
Il est important de préciser que cet amendement n'a pas pour objet de s'opposer aux nécessaires réformes de la justice, tout particulièrement de la carte judiciaire, qui date d'un autre âge. Nous aurions pu, à cet égard, envisager un amendement de repli afin que, dans le cadre de cette réorganisation, les trente départements les moins peuplés de France soient dotés d'un pôle de l'instruction.
Ce qui nous interpelle, c'est que les départements souffrant particulièrement de la diversification et de l'évasion des services publics soient, une nouvelle fois, frappés par une réorganisation. Or, s'il est bien un domaine, régalien de surcroît, où l'aménagement du territoire pourrait être préservé dans sa proximité, c'est celui de la justice, tout particulièrement, au siècle de l'Internet, dans le choix de la localisation des pôles de l'instruction.
Est-il besoin de rappeler que le cadre et la quiétude de la ruralité sont, eux aussi, propices à la sérénité qui doit présider à toute instruction ?
Nous sommes bien conscients du sort qui sera réservé à notre amendement en raison de la composition de notre hémicycle, même ici, au Sénat, mais il me semble important d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'impact économique d'une telle mesure dans un département rural et sur le besoin de proximité dans l'instruction de la justice, qui fait également l'objet de voeux de la part de nos concitoyens, à la ville comme à la campagne.
Je crains qu'une telle mesure ne vienne ajouter à la crise du service public, qui continue à « couver » actuellement dans nos campagnes. Il me semble qu'il est l'heure de se poser la question d'un aménagement cohérent de notre territoire.
À défaut de donner un avis favorable sur cet amendement, je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, de bien vouloir rassurer toute une partie de nos concitoyens sur ce problème important.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. M. Braye vient d'évoquer une question importante. De nombreux barreaux de province craignent, en effet, de voir disparaître le tribunal de grande instance dans leur département.
Je rappelle qu'il existe 180 tribunaux de grande instance en France, dont 66 ne comportent qu'un seul juge d'instruction et ne traitent que 4,88 % des affaires soumises à instruction. Leur activité est donc très restreinte. Je suis moi-même issu d'un département rural, qui ne compte qu'un seul tribunal de grande instance, et je connais bien cette question.
Il existe en France quelques cas particuliers pour des raisons de difficultés de communications, de distance ; ils seront examinés. Mais, en tout état de cause, la solution de ce problème relève du règlement, et non de la loi, ce qui ne nous empêche pas d'ailleurs de l'évoquer ici.
Le garde des sceaux nous avait indiqué, lors de son audition devant la commission des lois, comme il l'a fait également devant l'Assemblée nationale, que chaque tribunal de grande instance conserverait, au moins, un juge d'instruction. Cet engagement devrait être de nature à rassurer les avocats et les élus concernés.
Par ailleurs, il est très clair, dans le projet de loi, que les affaires instruites par un pôle de l'instruction qui ne dépendrait pas du tribunal de grande instance du département où sont survenues ces affaires seront renvoyées à la juridiction territorialement compétente, comme le prévoient les règles en vigueur aujourd'hui.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je souhaite à mon tour rassurer les auteurs de cet amendement.
Leur crainte dépasse d'ailleurs l'objet de cet amendement, puisqu'elle concerne la suppression des tribunaux de grande instance ne comportant qu'une chambre de l'instruction.
Vous nous faisiez part, monsieur le rapporteur, de votre expérience en Mayenne. Moi, je suis l'élu d'un département qui compte trois tribunaux de grande instance, dont deux TGI avec une chambre de l'instruction. Je peux comprendre ce problème, sur lequel je souhaite apporter quelques précisions.
Aujourd'hui, nous devons être capables de répondre aux attentes du justiciable de 2007 et de traiter des affaires très spécialisées, relevant notamment du terrorisme, de la grande criminalité, du blanchiment d'argent. Or un tribunal de grande instance comportant une chambre de l'instruction ne pourra pas statuer sur des questions très techniques.
Mais nous avons aussi besoin des juridictions de proximité que sont les TGI comprenant une chambre de l'instruction à condition qu'elles délibèrent sur le fondement du « bon droit », ce qu'elles savent faire, et non sur celui du droit très spécialisé.
Lorsque mon prédécesseur a créé les JIRS, les juridictions interrégionales spécialisées, il n'en a pas mis en place une par cour d'appel. Or, à l'époque, aucun amendement tendant à la création d'une JIRS par cour d'appel n'avait été déposé ! Nous en sommes d'ailleurs bien loin puisqu'il y a huit JIRS dans notre pays.
Par ailleurs, il existe, en France, un seul pôle antiterroriste, installé à Paris. Je n'ai pas entendu dire, jusqu'ici, qu'il en fallait également un à Aurillac, dans le Cantal ! (Sourires.)
Il s'agit de spécialiser la justice et, demain, les pôles de l'instruction seront composés de juges plus expérimentés - un juge du premier grade et un juge du second grade -, que l'on trouve en général dans les petits tribunaux.
Rappelez-vous le problème qui s'était posé au TGI de Boulogne-sur-Mer, lors de l'affaire d'Outreau. Le juge d'instruction chargé de cette affaire très complexe, qui n'avait qu'une année d'ancienneté et en était à son premier poste, n'avait pas d'expérience. Ce type d'affaire sera désormais renvoyé au pôle de l'instruction.
Les départements comme le Nord ou le Pas-de-Calais, qui comptent plus de 1,5 million d'habitants, seront dotés de plusieurs pôles de l'instruction.
À la question de savoir s'il faut mettre en place, dans chaque petit département, un pôle de l'instruction, je réponds non. Ainsi, à Aurillac, dans le département de M. Murat, où le TGI compte un seul juge d'instruction, vous comprenez qu'il ne peut y avoir un pôle de l'instruction.
Considérer qu'il faut un pôle par département, cela reviendrait à dire qu'il y a, en France, un nombre suffisant de magistrats et que, dès lors, il est possible de nommer des juges à des postes qui ne les occuperont pas à plein temps. Nous n'allons pas nommer deux juges d'instruction dans chaque TGI, alors que ces juridictions ont à connaître, pour reprendre le chiffre cité par M. le rapporteur, moins de 5 % de la totalité des affaires soumises à instruction dans notre pays. Ce ne serait pas raisonnable !
Chacun doit être rassuré en la matière. La carte judiciaire sera d'autant plus protégée que la magistrature se spécialisera davantage, ce qui peut se faire au niveau des JIRS ou dans les juridictions situées dans les très grandes villes françaises, comme Paris. Il existe ainsi deux juridictions spécialisées dans les affaires maritimes, à Brest et à Toulon, ce qui ne serait pas utile à Clermont-Ferrand !
Cette spécialisation conforte, également, les juridictions du premier degré, très largement réparties dans la province française, puisqu'il existe 180 TGI. Pour sauver les TGI, le meilleur moyen est donc de ne pas mettre en place un pôle de l'instruction par département. Demander le contraire, c'est ne pas comprendre cet enjeu.
Au bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Braye, l'amendement n° 54 rectifié sexies est-il maintenu ?
M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Il était important pour nos collègues élus de départements ruraux d'entendre cette explication.
Dans le domaine de la justice, la spécialisation et la proximité sont deux concepts qui s'affrontent, mais en même temps ce sont deux exigences que l'on doit prendre en compte.
Dans une société aussi complexe que la nôtre, dans tous les domaines, nous nous dirigeons vers une spécialisation accrue, rendue nécessaire par la qualité de service attendue par nos concitoyens.
Je retire donc cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 54 rectifié sexies est retiré.
L'amendement n° 5, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 52-1 du code de procédure pénale, remplacer la référence :
706-19
par la référence :
706-107
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 52-1 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
d'organiser l'activité
par les mots :
de coordonner l'activité
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. La rédaction proposée nous paraît, en effet, plus appropriée au rôle qui sera confié, au sein des pôles, à un ou plusieurs juges d'instruction.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 91, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le III du texte proposé par le 2° du II de cet article pour compléter l'article 80 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si vous le permettez, madame la présidente, je formulerai d'abord une observation.
J'ai écouté, avec beaucoup d'intérêt, notre collègue M. Braye présenter voilà quelques instants un amendement. J'avais alors sous les yeux le dérouleur des amendements, qui a été établi - selon l'indication portée en première page - ce matin à huit heures, et il faisait état d'un amendement n° 54 rectifié quinquies, qui nous avait été distribué, mais parmi les signataires duquel n'apparaissait pas M Dominique Braye.
Il se trouve que, lorsque est déposé un amendement rectifié, l'heure de son dépôt n'apparaît pas. Or je pense qu'il serait bon qu'elle y figure. En effet, quand j'ai demandé à quelle heure avait été déposé l'amendement qu'était en train de défendre M. Braye, on m'a répondu qu'il l'avait été tout de suite avant. C'était peut-être tout de suite après, je n'en sais rien... En tout cas, ce que je sais, c'est que nous, dans l'hémicycle, à ce moment-là, nous n'avions pas cette nouvelle version.
Je suggère donc au service de la séance de faire également figurer sur les amendements rectifiés l'heure à laquelle ils sont déposés. C'est une suggestion que je reformulerai au cas où elle ne recevrait pas d'écho.
Mme la présidente. Je vous remercie de cette suggestion, mon cher collègue, et elle sera certainement retenue.
Je pensais que l'amendement n° 54 rectifié sexies avait été distribué dans l'hémicycle. Vous voudrez bien nous pardonner cette erreur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai fait cette remarque précisément parce qu'il venait juste de nous être distribué.
Mme la présidente. Nous tiendrons compte de votre observation pour les amendements à venir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci, madame la présidente.
L'amendement n° 91 vise à supprimer la possibilité pour le procureur de la République, en cas de désaccord entre le procureur de la République du lieu d'origine et celui du pôle de l'instruction, de placer la personne déférée devant lui en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire pendant une durée qui peut aller jusqu'à trois jours.
Il est en effet pour le moins étonnant, dans le contexte de l'après-Outreau, que le mis en cause « fasse les frais » des désaccords entre les magistrats !
De plus, cette disposition donne au procureur de la République un pouvoir juridictionnel qui n'appartient qu'aux magistrats du siège.
Supposons que deux procureurs soient en désaccord. Que fait-on en attendant ? Eh bien, on peut - et la décision serait de droit ! - placer la personne en détention provisoire, éventuellement pendant trois jours ! Ce n'est évidemment pas admissible ! Qu'une telle décision soit prise, soit, mais elle ne saurait l'être par un procureur de la République.
Je voudrais souligner la contradiction entre la proximité nécessaire de la justice et les spécialisations.
Si M. le garde des sceaux assume tout ce qui a été fait, nous avons, pour notre part, autant de suite dans les idées que lui, mais ce ne sont pas les mêmes idées ! C'est ainsi que nous avions déjà protesté lors de la création d'une cour d'assises spéciale anti-terroriste à Paris. Nous n'étions pas d'accord, d'abord parce qu'il n'y a pas de raison de choisir une juridiction plutôt qu'une autre, ensuite parce qu'il n'y a pas de raison non plus pour qu'il y ait des juridictions d'exception et enfin parce qu'il n'y a davantage de raison de contraindre les témoins, les avocats, les familles, les parties civiles à des déplacements longs et onéreux, alors que la tradition de notre pays voulait précisément que la justice soit rendue « à proximité ».
Qu'il faille supprimer certains tribunaux, c'est évident, et l'on se demande quand un gouvernement aura le courage de le faire ! En tout cas, nous constatons que ce n'est pas celui-là, et c'est dommage parce que nous connaissons tous des tribunaux de grande instance où il n'y a pas beaucoup d'affaires à traiter, c'est le moins que l'on puisse dire ! Là est le véritable problème.
Cela dit, il n'est pas normal que, de plus en plus, on oblige tout le monde à faire des kilomètres à n'en plus finir. Les TGV ne vont pas partout et, de toute façon, ces voyages coûtent cher.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernière phrase du texte proposé par le 2° du II de cet article pour le III de l'article 80 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
près le tribunal de grande instance au sein duquel il n'y a pas de pôle de l'instruction
par les mots :
territorialement compétent
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 91.
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 91, car la disposition qu'il tend à supprimer est purement technique et ne change rien au fond. Le procureur ne fait que requérir le placement. Contrairement à ce que vous avez laissé entendre tout à l'heure, monsieur Dreyfus-Schmidt, ce n'est bien évidemment pas lui qui va le décider. Il s'agit simplement de régler d'éventuels problèmes de compétences, et ce sera le juge de la détention et des libertés qui décidera de la détention de la personne. Tout cela est encadré par le code de procédure pénale.
Quant à l'amendement n° 7, il est rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Défavorable à l'amendement n° 91 et favorable à l'amendement n° 7.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du IV de cet article, après les mots :
juge d'instruction
insérer les mots :
du pôle
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 92, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus - Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le V de cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 92 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article 83 du code de procédure pénale sont supprimés.
II. - L'article 83-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 83-1. - Lorsque la gravité ou la complexité de l'affaire le justifie, l'information peut faire l'objet d'une cosaisine selon les modalités prévues par le présent article.
« Le président du tribunal de grande instance dans lequel il existe un pôle de l'instruction ou, en cas d'empêchement, le magistrat qui le remplace, désigne, dès l'ouverture de l'information, d'office ou si le procureur de la République le requiert dans son réquisitoire introductif, un ou plusieurs juges d'instruction pour être adjoints au juge d'instruction chargé de l'information.
« À tout moment de la procédure, le président du tribunal de grande instance peut désigner un ou plusieurs juges d'instruction cosaisis, soit à la demande du juge chargé de l'information, soit, si ce juge donne son accord, d'office ou sur réquisition du ministère public ou sur requête des parties. Le président statue dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande, qui est déposée conformément aux dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 81 si elle émane d'une partie. Lorsque l'information a été ouverte dans un tribunal où il n'y a pas de pôle de l'instruction, la cosaisine est ordonnée, sur réquisition du procureur de la République, après que le juge d'instruction initialement saisi s'est dessaisi au profit d'un juge d'instruction du pôle, désigné par le président du tribunal dans lequel se trouve ce pôle.
« Lorsqu'elle n'est pas ordonnée selon les modalités prévues par l'alinéa qui précède, notamment en l'absence d'accord du juge chargé de l'information, la cosaisine peut être ordonnée par le président de la chambre de l'instruction agissant d'office, à la demande du président du tribunal, sur réquisition du ministère public ou sur requête des parties. Le président statue dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande, qui est déposée conformément aux dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 81 si elle émane d'une partie. Lorsque l'information a été ouverte dans un tribunal où il n'y a pas de pôle de l'instruction, le président de la chambre de l'instruction saisit la chambre de l'instruction aux fins de cosaisine. La chambre décide alors soit, s'il n'y a pas lieu à cosaisine, de renvoyer le dossier au magistrat instructeur, soit, si cette décision est indispensable à la manifestation de la vérité et à la bonne administration de la justice, de procéder au dessaisissement du juge d'instruction et à la désignation, aux fins de poursuite de la procédure, de plusieurs juges d'instruction.
« Les décisions du président du tribunal de grande instance, du président de la chambre de l'instruction et de cette dernière prévues par le présent article sont des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours. »
III. - Après l'article 83-1 du même code, il est inséré un article 83-2 ainsi rédigé :
« Art. 83-2. - En cas de cosaisine, le juge d'instruction chargé de l'information coordonne le déroulement de celle-ci. Il a seul qualité pour saisir le juge des libertés et de la détention, pour ordonner une mise en liberté d'office et pour rendre l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 et l'ordonnance de règlement. Toutefois, cet avis et cette ordonnance peuvent être cosignés par le ou les juges d'instruction cosaisis. »
IV. - Dans le dernier alinéa de l'article 84 du même code, les mots : « le deuxième alinéa de l'article 83 et » sont supprimés.
V. - Dans le dernier alinéa de l'article 706-17 du même code, la référence : « au deuxième alinéa de l'article 83 » est remplacée par la référence : « à l'article 83-1 »
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 83-1 du code de procédure pénale par les mots :
qui doit être déposée conformément aux dispositions de l'article 81
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 83-1 du code de procédure pénale, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les parties ne peuvent pas renouveler leur demande avant six mois.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. La cosaisine des juges d'instruction pourra être décidée à tout moment de la procédure par le président du tribunal de grande instance où se trouve un pôle de l'instruction, à la demande des parties, à condition que le juge d'instruction donne son accord.
Cependant, il ne faudrait pas que ce nouveau droit ouvert aux parties les conduise à mettre en cause à tout instant la compétence du juge d'instruction. Il apparaît donc souhaitable qu'une demande ne puisse pas être renouvelée avant six mois.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 83-1 du code de procédure pénale :
Dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le président désigne un ou plusieurs juges d'instruction pour être adjoints au juge chargé de l'information.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise l'hypothèse où la cosaisine est demandée avec l'accord du juge d'instruction ou sur son initiative. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale prévoit que le président du tribunal de grande instance statue dans un délai d'un mois sur cette demande. Dès lors que le juge d'instruction a donné son accord, il paraît conforme à l'esprit de la réforme proposée, comme à la pratique actuelle, que le président du tribunal de grande instance ait une compétence liée pour ordonner la cosaisine.
Il semble donc logique d'indiquer, non pas comme le fait la rédaction actuelle de l'article, que le président « statue sur cette demande », mais, de manière plus explicite, que le président « désigne les juges cosaisis ».
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est bien difficile de suivre ce débat ! Chaque article contient tellement d'alinéas et de paragraphes qu'on a bien du mal à s'y retrouver. De ce fait, nombre d'articles se trouvent adoptés sans que personne dans l'hémicycle ait pu prendre la mesure exacte de ce dont il retourne !
En tout cas, en l'espèce, on ne voit véritablement pas pourquoi les droits des parties se trouveraient limités et pourquoi les demandes ne pourraient pas être renouvelées aussi souvent que nécessaire.
Voilà la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 83-1 du code de procédure pénale :
Pour l'application du présent alinéa, lorsque l'information a été ouverte dans un tribunal où il n'y a pas de pôle de l'instruction, le président du tribunal de grande instance où se trouve le pôle territorialement compétent, désigne le juge d'instruction chargé de l'information ainsi que le ou les juges d'instruction cosaisis après que le juge d'instruction initialement saisi s'est dessaisi au profit du pôle ; ce dessaisissement prend effet à la date de désignation des juges du pôle.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise l'hypothèse où la cosaisine est demandée avec l'accord du juge d'instruction lorsque l'information a été ouverte dans un tribunal de grande instance dépourvu de pôle de l'instruction. Il clarifie la rédaction du texte et précise en particulier que le dessaisissement du juge d'instruction prend effet à la date de désignation des juges d'instruction du pôle.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui clarifie très opportunément le mécanisme de la cosaisine lorsqu'elle concerne une information menée dans un tribunal dépourvu de pôle de l'instruction et qu'elle implique le transfert de la procédure pénale dans un tribunal pourvu d'un tel pôle.
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 83-1 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
notamment en l'absence d'accord du juge chargé de l'information
par les mots :
en l'absence d'accord du juge chargé de l'information ou à défaut de désignation par le président du tribunal de grande instance dans le délai d'un mois
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début de la dernière phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 83-1 du code de procédure pénale, ajouter les mots :
Dans un délai d'un mois à compter de sa saisine,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit de préciser que le délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer à compter de cette saisine est d'un mois.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article 83-2 dans le code de procédure pénale, remplacer le mot :
peuvent
par le mot :
doivent
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il nous semble indispensable de repenser la procédure d'instruction afin qu'elle puisse être menée à charge et à décharge, de façon à écarter toute dérive, qu'elle soit individuelle ou purement subjective.
À cet égard, l'article 2 apporte une avancée puisqu'il élargit le recours de la cosaisine des juges d'instruction, auxquels elle pourrait être imposée à tout moment de la procédure, contrairement à ce que prévoit le droit en vigueur.
La rédaction proposée pour l'article 83-1 du code de procédure pénale prévoit d'ailleurs que, dès l'ouverture de l'information, le président du tribunal de grande instance dans lequel il existe un pôle de l'instruction désigne d'office ou sur réquisition du procureur de la République un ou plusieurs juges d'instruction pour être adjoints au magistrat chargé de l'information.
Cela représente certes une amélioration s'agissant de la procédure d'instruction applicable dans le cas des affaires complexes, mais nous voulons renforcer les conditions de fonctionnement de la cosaisine afin de la faire évoluer vers une véritable collégialité. Dans cette optique, les actes les plus importants de l'instruction doivent obligatoirement être cosignés.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement a été adopté à l'unanimité ou à la quasi-unanimité par la commission. Je m'en suis d'ailleurs voulu de ne pas l'avoir présenté moi-même.
Il paraît en effet parfaitement logique que, dès lors que deux juges sont cosaisis, tous deux signent, à la fin de l'instruction, l'avis de fin d'information et l'ordonnance de règlement.
Je sais que M. le garde des sceaux ne partage pas notre approche, mais je ne vois pas à quoi servirait la cosaisine si, au moins à la fin de l'instruction, les deux juges cosaisis ne s'engageaient pas par leur signature.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut suspendre la séance si vous avez besoin de réfléchir !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis justement en train de réfléchir devant vous, monsieur le sénateur, mais vous ne voulez pas m'écouter !
La difficulté tient à ce qu'au départ un seul juge d'instruction est saisi ; s'il y a cosaisine, elle n'intervient qu'après. C'est déjà ce qui se produit dans les pôles qui, sans porter le nom de « pôles de l'instruction », regroupent plusieurs juges d'instruction : deux juges peuvent être saisis, mais, chronologiquement, l'un d'eux l'est avant l'autre, et c'est celui qui a été saisi en premier qui, au bout du compte, signe, l'emportant ainsi sur le second juge cosaisi. Je brûle de citer ici une affaire récente, mais j'en suis empêché précisément parce qu'elle est en cours.
S'il fallait la signature des deux juges cosaisis, en cas de désaccord entre eux, la procédure serait totalement bloquée : le premier des juges cosaisis ne peut obliger son collègue à signer alors que celui-ci ne partage pas son avis ! Et si l'instruction est bloquée, nous courons vers le déni de justice, ce qui n'est évidemment pas envisageable !
Autrement dit, même s'il relève apparemment du bon sens, le système qu'approuve la commission des lois peut fort bien conduire à un blocage total. On ne peut pas imposer la cosignature même en cas de cosaisine, car il peut y avoir différend entre les juges ; dans ce dernier cas, il faut s'en tenir à la règle qui s'applique à ce jour et qui veut que le premier des juges cosaisis l'emporte sur l'autre.
C'est la situation juridique actuelle, et des exemples contemporains, que je me garderai de citer, démontrent qu'elle est justifiée.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je dois avouer, monsieur le garde des sceaux, que vos explications me troublent quant au sens de la cosaisine !
M. François Zocchetto, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si cosaisine il y a, il paraît naturel que les deux juges cosaisis parviennent à un accord à la fin de l'information. Sinon, pourquoi la cosaisine ?
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Franchement, la cosaisine n'a aucun intérêt si les juges cosaisis ne sont pas capables de se mettre d'accord au terme de la procédure !
La cosignature nous semblait constituer une quasi-formalité, mais, puisqu'il apparaît qu'il n'est pas si naturel que les juges cosaisis parviennent à s'entendre, cet amendement est encore plus nécessaire, un des objectifs étant justement d'habituer les juges d'instruction à travailler en équipe.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Preuve que c'est compliqué, nous ne nous comprenons pas !
Une affaire dans laquelle deux célèbres juges d'instruction ont été saisis, et dont l'actualité nous donne quelques éléments, fournit justement l'exemple d'un profond désaccord entre les deux juges cosaisis. Eh bien, cette affaire, qui a occupé une place centrale dans les médias pendant des semaines - ce qui nous ramène à l'argument utilisé hier par M. Badinter -, n'aurait jamais existé si la cosignature avait été obligatoire.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous sommes en train de préparer la transition vers la collégialité, laquelle ne peut vraiment fonctionner qu'à trois magistrats : il y en aura toujours au moins deux qui seront du même avis et l'emporteront donc sur le troisième.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et voilà !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je l'ai dit de nombreuses fois devant le Sénat, nous devons passer par cette phase de transition, car il nous est impossible de former d'un seul coup 240 magistrats. Pour cela, cinq années, selon nous, quatre, selon la commission, sont nécessaires, et il est clair que, dans l'intervalle, nous serons dans une situation qui n'est pas idéale, car, avec deux juges, il peut y avoir blocage. Or, ce blocage, la commission des lois accepte qu'on l'organise sans appel possible en soutenant le principe de la cosignature. En somme, si les juges ne sont pas d'accord, il ne se passera plus rien et l'affaire sera enterrée !
Je vous déconseille donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de suivre l'avis de la commission des lois. Il faut conserver le système actuel, dans lequel le premier des juges cosaisis l'emporte sur l'autre. Sans cette règle, combien d'affaires n'auraient jamais vu le jour ? L'affaire que j'ai évoquée, sans citer de noms - mais vous les avez devinés -, me paraît fournir un exemple convaincant.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le garde des sceaux, je comprends votre embarras, mais, si vous voulez instituer la collégialité, même sous une forme atténuée parce que, dans un premier temps, les moyens font défaut pour mettre en place une collégialité à trois magistrats, il ne faut pas craindre de prendre quelques risques, sauf à ce que nous fassions aujourd'hui ne signifie rigoureusement rien !
On sait bien que la cinquantaine ou soixantaine de magistrats qui ont jeté un regard sur l'affaire d'Outreau n'ont pas permis d'éviter les ennuis.
Si l'on veut que la cosaisine ait un sens, il faut donc que les juges cosaisis puissent donner leur avis sur les actes essentiels de la procédure. Cette option a certes des inconvénients, mais qu'un seul juge soit saisi ou qu'un juge l'emporte sur l'autre en cas de cosaisine n'est pas non plus sans inconvénients, et ce sont précisément ces inconvénients que le présent projet de loi vise à pallier.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons compris la difficulté. Évidemment, il ne faudrait pas de cosaisine à deux magistrats. Cependant, si l'un de ces deux magistrats doit l'emporter, il convient que le projet de loi le précise et précise aussi lequel des deux l'emporte.
Il faut renoncer, monsieur le garde des sceaux, à prévoir que l'avis et l'ordonnance « peuvent » être cosignés par les juges cosaisis, car cela ne rime strictement à rien.
Il serait, en revanche, intéressant de savoir pourquoi le juge qui ne l'emporte pas ne souhaite pas cosigner et il serait judicieux de proposer qu'il explique sa propre position. En tout état de cause, il nous est impossible de voter le texte en l'état, car il ne sert strictement à rien !
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut sortir de cette difficulté, car l'amendement proposé, qui recueille l'assentiment de la commission des lois et de son président, est un amendement de sagesse : il est évident que la cosaisine doit s'accompagner de la cosignature des deux magistrats.
Vous nous dites à juste titre, monsieur le ministre, que, dans certains cas, il se peut qu'il y ait ou insuffisance de réflexion de l'un ou différence d'appréciation entre les deux magistrats, mais il faut que la loi permette de résoudre les difficultés de ce type.
À cet égard, prévoir que le juge premier saisi signe et que l'autre fait savoir qu'il ne signe pas me paraît une solution intéressante : cela surprendra peut-être, mais permettra à chacun d'en tirer argument.
Je suggère que l'on tente de dégager d'ici à la commission mixte paritaire une solution qui règle ce problème, problème nécessairement temporaire puisque, lorsque la collégialité sera assurée par des équipes de trois magistrats instructeurs, il ne se posera plus.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous progressons ensemble ! Ce que dit M. Badinter est en effet tout à fait recevable. Actuellement, on ne sait pas pourquoi un juge cosaisi n'est pas d'accord, ou on l'apprend par des bruits divers...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par la presse...
M. Pascal Clément, garde des sceaux.... et plus ou moins fondés. S'il s'explique, on saura avec certitude pourquoi il refuse de signer.
Un autre système, qui est contenu dans votre suggestion, monsieur Badinter, pourrait être mis au point : il s'agirait de trouver une voie de recours en cas de désaccord. Ce qui pose problème dans l'amendement, c'est qu'il ne prévoit aucune voie de recours, d'où le risque de blocage qui me conduit à recommander au Sénat de ne pas le voter. En revanche, s'il était, par exemple, possible d'aller devant la chambre de l'instruction pour départager les juges, l'amendement ne provoquerait plus le blocage contre lequel j'ai mis en garde votre assemblée.
Le Sénat prendra, dans sa sagesse, la décision qui lui paraît appropriée, mais, en tout état de cause, je crois que nous avons tous bien compris le fond du débat : on ne peut pas s'en tenir à l'amendement en l'état, car il faut au minimum prévoir un recours ou permettre au juge cosaisi dont l'avis ne l'emporte pas d'exprimer publiquement les raisons de son désaccord.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission tient à cet amendement, même si ce n'est pas son rapporteur qui l'a proposé à l'origine, car il donne toute sa signification à la cosaisine, signification sur laquelle on peut s'interroger si les juges cosaisis ne cosignent pas au moins les actes qui marquent la fin de la procédure.
La navette est réduite puisque l'urgence est déclarée, mais le processus législatif n'est pas clos. La suite nous permettra de prévoir soit un dispositif d'appel devant la chambre de l'instruction s'il y a un désaccord entre les deux juges, soit un mécanisme comme celui qu'a évoqué M. Badinter.
J'invite donc le Sénat à adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce débat a été très intéressant.
La cosaisine n'aurait pas de sens s'il n'y avait pas accord entre les juges cosaisis à la fin - je dis bien à la fin - de la procédure d'information. Le problème est lié, comme M. le garde des sceaux l'a bien dit, au fait que nous sommes dans une phase de transition, avant l'institution d'une vraie collégialité, mais je pense que nous devrions aisément trouver en commission mixte paritaire un dispositif temporaire, nécessairement un peu hybride, pour éviter d'une manière ou d'une autre les situations de blocage.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Nous sommes là au coeur d'un sujet important : la collégialité et la responsabilité collective. Force est de constater que, compte tenu de leur charge de travail, les magistrats, s'ils ne sont pas associés à la décision, ont tendance à faire confiance à celui d'entre eux qui est chargé de la prendre au terme de la procédure et, dans ce cas, à ne suivre le dossier que d'une manière purement formelle. C'est humain, et nous agissons d'ailleurs de même : lorsqu'un membre d'un groupe est chargé de suivre une affaire, les autres membres du groupe lui font confiance !
Aussi, pour assurer une réelle dualité, en attendant mieux, l'amendement de nos collègues communistes se justifie effectivement, mais il est vrai qu'il crée par ailleurs un risque de blocage.
Plutôt que de renvoyer à la commission mixte paritaire le soin de parer à ce risque, ne pourrait-on pas dès maintenant, afin de donner une base aux discussions futures, compléter le dispositif en prévoyant, par exemple, que, en cas de désaccord, il est fait état de l'avis du second juge ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission de la commission des lois. Ne nous livrons pas, dans l'hémicycle, à un travail de commission. Nous avons établi le principe et perçu la difficulté ; nous réfléchirons d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire au moyen de résoudre cette dernière et, bien entendu, monsieur le garde des sceaux, vous serez comme d'habitude étroitement associé aux travaux de la commission des lois. (M. le garde des sceaux s'en réjouit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Borvo Cohen- Seat, Assassi, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 18 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Des officiers et agents de police judiciaire sont détachés auprès de l'autorité judiciaire dans chaque tribunal de grande instance, afin d'y travailler sous la direction des magistrats du parquet et des juges d'instruction. D'autres fonctionnaires habilités à la recherche et à la constatation des infractions peuvent être détachés dans les mêmes conditions. Les modalités d'affectation de ces fonctionnaires sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit de rattacher aux juridictions quelques officiers de police judiciaire. Un tel rattachement pourrait présenter au moins deux avantages : d'une part, permettre à l'autorité judiciaire d'exercer une direction et un contrôle effectif sur la police judiciaire, et, d'autre part, garantir une réelle efficacité de l'enquête pénale.
En aucun cas, il n'est pour nous question de remettre en cause la distinction entre police administrative et police judiciaire. Si nous avons déposé cet amendement, c'est uniquement par souci d'efficacité.
Ce dernier tend simplement à organiser une possibilité pour les parquets et les juges d'instruction de travailler avec quelques officiers de police judiciaire qui seraient ainsi détachés de leur administration d'origine.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Une telle proposition avait été présentée, sans succès, lors de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Son intérêt n'apparaît pas clairement, tant il est vrai que les officiers de police judiciaire sont déjà placés sous la direction du procureur général. Au surplus, la constitution des pôles de l'instruction permettra de renforcer le contrôle des magistrats sur les services d'enquête.
À partir du moment où nous sommes favorables à ce que les magistrats dirigent la police judiciaire, cet amendement n'apporterait rien de plus. C'est la raison pour laquelle j'émets à son sujet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis
Deux ans après l'entrée en vigueur du présent chapitre, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la préparation de la mise en oeuvre de la collégialité de l'instruction, faisant le bilan du fonctionnement des pôles de l'instruction, indiquant la proportion d'informations ayant fait l'objet d'une cosaisine et faisant part des perspectives d'évolution de la carte judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet article 2 bis est merveilleux ! Ainsi, dans trois, quatre ou cinq ans, on discutera des « perspectives d'évolution de la carte judiciaire » ! Vraiment, c'est repousser les choses un peu loin et nous ne pouvons nous satisfaire d'un renvoi à la Saint-Glinglin de la modification de la carte judiciaire.
C'est pourquoi nous voterons contre cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Chapitre II
Dispositions tendant à assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire
Articles additionnels avant l'article 3
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 57 est présenté par Mmes Borvo Cohen- Seat, Assassi, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 94 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus- Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene- Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 137- 4 du code de procédure pénale est supprimé.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 57.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous abordons ici le sujet très important de la détention provisoire.
La commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau a relevé que, parmi les personnes qu'elle avait entendues, nombreuses étaient celles qui avaient souligné que, sans la détention provisoire, il n'y aurait pas eu d'affaire d'Outreau.
S'il est sans doute excessif de ramener tous les dysfonctionnements dans cette affaire au problème de la détention provisoire, force est de reconnaître que ce qui a d'abord frappé les esprits dans l'affaire d'Outreau, c'est la proportion de placements en détention provisoire par rapport aux autres solutions possibles, au premier rang desquelles le contrôle judiciaire.
Ensuite, ces détentions ont choqué par leur durée, extrêmement longue : 39 mois, 37 mois, deux ans et demi, deux ans, 23 mois, etc. J'ajoute qu'une des personnes incarcérées dont l'état de santé s'était beaucoup dégradé en prison est décédée au bout de quatorze mois de détention provisoire.
Le Gouvernement et la majorité se sont soudain émus que l'on puisse rester plus de trois ans en détention provisoire. Mais qui a fait adopter ces lois ?
La loi Perben II recèle un bon exemple de disposition permettant de faciliter le recours à la détention provisoire. L'article 137-4 du code de procédure pénale prévoit en effet la possibilité, pour le parquet, de saisir directement le juge des libertés et de la détention pour demander ce placement, dans l'hypothèse où le juge d'instruction estime que cette détention provisoire n'est pas justifiée.
La loi Perben II a ainsi supprimé l'une des garanties du justiciable face à une demande de placement en détention provisoire qui constitue pourtant l'une des mesures les plus importantes au regard de la présomption d'innocence.
Après l'obligation faite au juge d'instruction de motiver le maintien en liberté, après l'institution du référé-détention au profit du ministère public par la loi Perben I, la loi Perben II a organisé l'éviction pure et simple par le procureur de la République d'un juge d'instruction, toujours suspect, et que l'on voudrait aux ordres du parquet.
Lorsque nous avons examiné ce texte en 2004, le rapporteur n'avait d'ailleurs pas hésité à affirmer qu'il s'agissait, par cette disposition, de permettre « au procureur de la République de surmonter un éventuel refus du juge d'instruction ».
La loi de juin 2000 s'était pourtant donné pour objectif de limiter le recours à une procédure attentatoire à la liberté individuelle s'agissant de personnes encore non condamnées, et ce dans la foulée des travaux de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, qui estimait que certaines personnes n'avaient rien à faire en prison. Nous aimerions que ce temps ne soit pas totalement révolu.
Aujourd'hui, environ un tiers de la population carcérale est constitué de prévenus, c'est-à-dire de présumés innocents jusqu'à leur jugement, et la durée moyenne de cette détention avant jugement s'allonge d'année en année.
Compte tenu de ce constat à la fois édifiant et alarmant, et si l'on estime que le débat qui a lieu aujourd'hui a pour objectif de faire reculer le recours à la détention provisoire, il convient de mettre fin aux dispositions qui facilitent un tel recours.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 137- 4 du code de procédure pénale.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 94.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je m'en remets, pour le moment, aux explications de Mme Mathon-Poinat.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Le code de procédure pénale permet au procureur de la République de saisir directement le juge des libertés et de la détention pour solliciter la mise en détention. Cependant, il faut savoir que cette faculté est strictement encadrée par la loi et qu'elle n'est applicable qu'en matière criminelle ou pour les délits passibles de dix ans d'emprisonnement.
Je ne pense donc pas qu'il soit judicieux de revenir sur cette disposition, alors que je m'apprête à défendre toute une série d'amendements de nature à répondre aux préoccupations qui viennent d'être exprimées en matière de détention provisoire.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ces amendements reviennent sur un autre texte voté voilà déjà quelques années et n'ont aucun lien avec le projet de loi actuellement en discussion.
Pour cette raison, le Gouvernement y est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La position de M. le rapporteur nous déçoit. En effet, nous ne sommes plus dans le même contexte : si ce projet de loi est adopté, les pouvoirs confiés au juge d'instruction seront désormais confiés à plusieurs juges d'instruction. C'est une raison de plus pour s'en rapporter aux trois juges d'instruction ou aux juges cosaisis afin qu'ils statuent en matière de mise en détention, et ce - j'insiste sur ce point - quels que soient les cas !
Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de bien vouloir me répondre sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je pensais vous avoir répondu par avance, mon cher collègue, en m'adressant à Mme Josiane Mathon-Poinat, puisque votre amendement est identique au sien.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Soit, monsieur le rapporteur, mais j'ai ajouté un argument auquel j'aurais aimé que vous répondiez !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 et 94.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 103 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 58, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le troisième alinéa (2°) de l'article L. 143- 1 du code de procédure pénale, le chiffre : « trois » est remplacé par le chiffre : « cinq ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement a pour objet de ne permettre le placement en détention provisoire en matière correctionnelle que si la personne poursuivie encourt une peine de cinq ans d'emprisonnement, et non de trois ans comme c'est le cas aujourd'hui.
Avant la loi de juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes, une personne pouvait se voir placée en détention provisoire si elle encourait une peine d'un an de prison, en cas de délit flagrant, ou de deux ans, dans les autres hypothèses, mais ce texte a limité en matière correctionnelle le recours à la détention provisoire, qui n'est désormais possible que si la peine encourue est de trois ans, un quantum qui nous semble néanmoins encore trop bas.
Mes chers collègues, nous connaissons les effets de la détention provisoire sur les personnes qui la subissent, et je croyais d'ailleurs que la philosophie de ce projet de loi était précisément de réduire la durée de cette détention !
Présumées innocentes, les personnes placées en détention provisoire sont incarcérées dans des conditions souvent éprouvantes, qui ressemblent à celles réservées aux condamnés. Elles attendent leurs procès dans des maisons d'arrêt surpeuplées, occupées à 125 % en moyenne. D'ailleurs, M. le ministre connaît très bien le cas de la maison d'arrêt de la Talaudière, située dans son cher fief électoral du département de la Loire.
Malgré les dispositions contraires du code pénal, ces personnes se trouvent contraintes de cohabiter à deux ou à trois dans une même cellule, qu'elles partagent parfois avec des personnes condamnées. Par ailleurs, leur brusque privation de liberté les plonge dans un état de grande vulnérabilité psychique.
Selon les spécialistes du milieu carcéral, ce problème ne se limite pas aux conditions de détention : il est très difficile de faire accepter leur enfermement à des personnes qui ignorent combien de temps celui-ci va durer. En effet, contrairement aux condamnés qui comptent les jours et calculent leur réduction de peine, les prévenus sont dans une totale incapacité de se projeter dans l'avenir. Dès lors, est-ce un hasard si les prévenus constituent 47 % des suicidés en prison, alors qu'ils ne représentent qu'un tiers de la population carcérale ?
L'affaire d'Outreau a provoqué un électrochoc, qui doit susciter, me semble-t-il, une réponse beaucoup plus ambitieuse que celle qu'offre le présent projet de loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 93, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus - Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3ème alinéa de l'article 143-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, s'il est reproché à la personne mise en examen un délit prévu par le livre III du code pénal et que cette personne n'a pas déjà été condamnée à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, nous sommes à la croisée des chemins. Comme je me suis efforcé de le montrer lorsque j'ai présenté la motion tendant à opposer la question préalable, le problème est de savoir si nous voulons que le doute profite à un éventuel innocent ou si, par précaution, nous préférons incarcérer quelqu'un qui pourrait se révéler dangereux.
Le projet de loi dans son ensemble est ambigu. On tente de ménager la chèvre et le chou ! Il faudrait plutôt adresser un signal très clair aux juges en affirmant que la présomption d'innocence n'est pas seulement un principe à afficher au mur, que c'est une règle de conduite qui doit s'appliquer concrètement.
D'où notre proposition de revenir aux dispositions de la loi Guigou, afin que la détention provisoire ne puisse être ordonnée et prolongée qu'à de strictes conditions. En l'occurrence, le prévenu devrait encourir une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, se voir reprocher un délit prévu par le livre III du code pénal et n'avoir pas été déjà condamné à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an.
Certes, cette disposition va à l'encontre de tous les textes que nous avons votés depuis 2002. Toutefois, si ce projet de loi a un sens, c'est précisément de mettre fin à cette dérive !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je partage le point de vue de nos collègues s'agissant de la durée de la détention provisoire qui, je le rappelle, est en moyenne de deux ans en matière criminelle et de 6,4 mois en matière délictuelle, selon les chiffres de 2004, les derniers dont nous disposions. Nous devons avoir le souci de limiter au maximum ces détentions provisoires. Tel est le sens, d'ailleurs, d'un certain nombre de dispositions du projet de loi et d'amendements que je défendrai.
Ces deux amendements ont pour objet d'augmenter la durée d'emprisonnement encourue qui est nécessaire pour que puisse être prononcée la détention provisoire, en la fixant à cinq ans. Cette proposition semble séduisante au premier abord, mais à la réflexion, je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'une bonne idée : compte tenu de l'état d'esprit du législateur, je me demande si elle ne constituerait pas un appel à relever rapidement le quantum des peines.
Nous nous plaignons régulièrement qu'à l'Assemblée nationale surgissent çà et là, au gré des textes qui sont examinés, des augmentations du quantum des peines.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ici aussi !
M. François Zocchetto, rapporteur. Or je suis presque certain que, si ces amendements étaient votés, certains délits seraient très rapidement susceptibles d'être punis d'une peine d'emprisonnement de cinq ans.
La commission émet donc un avis défavorable. D'ailleurs, en l'état actuel des peines prévues par le code, si ces amendements étaient adoptés, ils interdiraient, par exemple, de placer en détention provisoire les auteurs de violences contre des mineurs ou des personnes vulnérables, qui sont passibles d'une peine de trois ans d'emprisonnement.
Pour ma part, je préfère un quantum plus bas et plus conforme à la peine qui sera prononcée par les juges, afin que l'opinion publique puisse s'y retrouver. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Dominique Braye. C'est le bons sens même !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, encore une fois, il faut savoir ce que l'on veut !
Je comprends parfaitement les préoccupations et les craintes de M. le rapporteur. Toutefois, si l'on doit adopter un tel état d'esprit, si l'on considère que, finalement, il n'y a aucune solution au problème qui nous est posé, je ne vois pas ce que nous faisons ici !
Si toutes les mesures que nous pourrions prendre sont neutralisées parce que l'opinion publique et aussi certaines voix politiques, d'ailleurs, exercent une forte pression dans le sens de l'incarcération et de l'augmentation de la durée des peines, honnêtement, je ne vois pas à quoi sert le travail que nous accomplissons aujourd'hui !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur le fond, je suis tout à fait d'accord avec les propos de M. le rapporteur. Plutôt que d'augmenter sans cesse, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, la durée des condamnations possibles, il serait préférable de la réduire, et nous aurions très bien pu laisser le droit en l'état.
Toutefois, monsieur le rapporteur, je ne sache pas que vous ayez proposé en commission la moindre diminution du plafond des peines, comme vous auriez dû le faire pour être logique avec vous-même !
Vous ne pouvez affirmer qu'il faut réduire les maximums des peines et, en même temps, ne proposer aucune réduction ! Je déplore d'ailleurs votre abstention, et c'est même une des raisons pour lesquelles nous voterons contre ce projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 93.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
I. - L'article 144 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 144. - La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs suivants, et que, notamment, ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire :
« 1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;
« 2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, qui mettent en cause la personne mise en examen, ainsi que sur leur famille ;
« 3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices dont les déclarations diffèrent ou qui n'ont pu encore être entendus ;
« 4° Protéger la personne mise en examen ;
« 5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;
« 6° Mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;
« 7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire. En matière correctionnelle, le présent 7° n'est pas applicable aux décisions de prolongation de la détention provisoire ou de maintien en détention. »
II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 137-4 du même code, les références : « 2° et 3° » sont remplacées par les références : « 4° à 7° ».
III. - Les deux dernières phrases du troisième alinéa de l'article 179 du même code sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« L'ordonnance de maintien en détention provisoire est motivée par référence aux 2°, 4°, 5° et 6° de l'article 144. »
IV. - Dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 396 du même code, les références : «, 2° et 3° » sont remplacées par le mot et la référence : « à 7° ».
V. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 397-3 du même code, les références : «, 2° et 3° » sont remplacées par le mot et la référence : « à 7° ».
Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale :
« Art. 144 - La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que sur décision explicitement motivée et que si elle constitue l'unique moyen :
« 1° De conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes et leur famille, soit une concertation frauduleuse entre les personnes mises en examen et complices ;
« 2° De protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement. L'absence de garantie du maintien à la disposition de la justice ne peut toutefois être déduite du refus de reconnaître les faits. ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction de l'article 144 du code de procédure pénale.
Aujourd'hui, la détention provisoire ne peut être ordonnée que pour trois motifs : conserver les preuves nécessaires à l'enquête, garantir que la personne mise en examen restera à la disposition de la justice et ne renouvellera pas son geste ou mettre fin à un trouble à l'ordre public.
Or il n'a pas fallu attendre le drame d'Outreau pour constater que cette dernière motivation, à la définition floue, se trouvait très fréquemment utilisée afin de justifier un placement en détention provisoire. En outre, dans les faits, c'est souvent la nature de l'accusation qui entraîne le placement en détention provisoire, davantage que la réalité des charges pesant sur les personnes mises en examen, comme nous l'avons vu dans le cas des affaires de pédophilie.
Que les personnes concernées répondent aux conditions d'un simple placement sous contrôle judiciaire ne pèse généralement pas bien lourd dans la balance, et l'option de la détention provisoire est malheureusement souvent retenue.
En effet, le critère du trouble à l'ordre public est avant tout utilisé pour calmer l'opinion, qui réclame des mesures immédiates. La détention provisoire répond parfaitement à ce souci d'instantanéité, quel que soit le prix à payer en matière de présomption d'innocence et de conséquences psychiques pour les personnes mises en cause.
C'est pourquoi nous proposons tout simplement de supprimer ce critère parmi les motifs justifiant un placement en détention provisoire.
Certes, avec ce projet de loi, le critère du trouble à l'ordre public ne pourra plus être invoqué en matière correctionnelle afin de justifier un renouvellement ou un maintien en détention provisoire. Toutefois, il continuera de jouer pour le placement.
Ces dispositions vont à l'encontre de la volonté du Gouvernement de rendre à la détention provisoire un caractère exceptionnel, si toutefois nous avons bien compris le sens de ce texte, ce qui semble de moins en moins évident à mesure que nous avançons dans son examen !
Conserver ce critère en matière correctionnelle à l'article 3 du projet de loi est tout de même difficilement compréhensible !
Dans la nouvelle rédaction que nous proposons, il est donc prévu que cette détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que sur une décision explicitement motivée, comme le préconisait d'ailleurs la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau. Cette mention a tout simplement pour objet de protéger les droits de la personne mise en examen.
Enfin, dans la même logique de protection des droits de la défense, il nous semble nécessaire de préciser que l'absence de garantie du maintien à la disposition de la justice ne peut être déduite du refus de reconnaître les faits.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale, supprimer le mot :
, notamment,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de nature rédactionnelle. Le Sénat a pris l'habitude de supprimer dans les textes l'adverbe « notamment », qui est généralement inutile ou source de confusion.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale, supprimer les mots :
, qui mettent en cause la personne mise en examen,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai à la fois les amendements nos 16 et 17, qui visent à laisser inchangé l'article 144 du code de procédure pénale pour ce qui concerne les critères autorisant la détention provisoire.
Ceux-ci, je le rappelle, sont aujourd'hui au nombre de sept. La détention provisoire peut être prononcée, premièrement, pour conserver les preuves ou les indices matériels nécessaires à la manifestation de la vérité ; deuxièmement, pour empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ; troisièmement, pour éviter une concertation frauduleuse entre les personnes mises en examen et leurs complices ; quatrièmement, pour protéger la personne mise en examen ; cinquièmement, pour garantir le maintien à la disposition de la justice de la personne mise en examen ; sixièmement, pour mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ; septièmement - nous aurons l'occasion de revenir sur ce critère -, pour mettre un terme à un trouble à l'ordre public.
La rédaction actuelle des six premiers critères est satisfaisante et facile à comprendre, me semble-t-il. La commission préfère donc que nous la conservions.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin du quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale, supprimer les mots :
dont les déclarations diffèrent ou qui n'ont pu encore être entendus
Cet amendement vient d'être défendu.
L'amendement n° 60, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :
L'absence de garantie du maintien à la disposition de la justice ne peut toutefois être déduite du refus de reconnaître les faits ;
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit d'un amendement de repli, qui apporte toutefois une précision au texte du projet de loi, en s'appuyant notamment sur une proposition formulée par la commission d'enquête parlementaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le huitième alinéa (7°) du texte proposé par cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit de supprimer le critère du trouble à l'ordre public. Je m'en suis déjà expliquée, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 95, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus - Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du 7° du texte proposé par le I de cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale :
En toute matière, le présent 7° n'est pas applicable aux décisions de prolongation de la détention provisoire ou de maintien en détention provisoire.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Nous le savons, lorsqu'il s'agit de justifier le placement en détention provisoire, et surtout sa prolongation, le critère du trouble à l'ordre public se trouve critiqué depuis fort longtemps, et à juste titre.
Nous proposons donc que ce septième critère cesse de s'appliquer aussi bien en matière correctionnelle qu'en matière criminelle. En effet, il doit être écarté dans tous les domaines : il s'agit d'un principe général, et il n'y a pas lieu de différencier la matière correctionnelle et la matière criminelle.
Je le rappelle, certaines affaires correctionnelles sont extrêmement importantes, autant que les criminelles, parce qu'elles ont un fort retentissement. Les nécessités éventuelles de la détention, mais aussi et surtout du placement s'apprécient de la même façon. De surcroît, un changement de qualification peut intervenir au cours de l'instruction.
Dans une matière aussi sensible, le trouble à l'ordre public ne constitue donc pas un bon critère, me semble-t-il.
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa (7°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 144 du code de procédure pénale :
Toutefois, le présent alinéa n'est pas applicable en matière correctionnelle.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements qui n'émanent pas d'elle.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 18 répond, en grande partie, aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements précédents.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En partie seulement !
M. François Zocchetto, rapporteur. En grande partie.
J'ai rappelé tout à l'heure les sept critères qui permettent de placer en détention provisoire une personne mise en cause. C'est le septième, celui du trouble à l'ordre public, qui pose de nombreux problèmes. Et il en pose d'abord aux magistrats eux-mêmes, qui préfèrent se déterminer désormais sur la base des six premiers critères, plus objectifs. D'ailleurs, lorsque le placement en détention provisoire est contesté, c'est le plus souvent ce critère du trouble à l'ordre public qui a servi de fondement à la détention.
Je pense sincèrement que le moment est venu, en matière correctionnelle - je ne parle pas de la matière criminelle, pour laquelle on peut imaginer que ce critère soit susceptible de jouer -, de dire que les six premiers critères permettent au juge de se prononcer de façon claire, objective et non contestable sur la question de la détention provisoire.
En premier lieu, la suppression de ce critère permettra à la personne placée en détention provisoire de mieux comprendre les raisons de ce placement, et donc de mieux accepter sa détention. Cela ne manquera pas, d'ailleurs, d'avoir une influence sur son comportement en détention.
En second lieu, la suppression de ce critère en matière correctionnelle est rendue possible par la création de nombreuses procédures accélérées de jugement, qui permettent de juger les personnes plus rapidement. Pour mémoire, je vous rappelle, mes chers collègues, qu'il s'agit de la comparution immédiate, désormais étendue aux mineurs, de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et de la composition pénale. Il y a quelques mois, la commission des lois a rendu un rapport faisant état d'une utilisation croissante de ces procédures, et cela à la satisfaction des usagers de la justice.
Vous le savez, en matière de détention, il existe deux situations radicalement différentes.
Première hypothèse : vous êtes en détention provisoire. Vous ne connaissez alors pas, le plus souvent, les raisons pour lesquelles vous êtes détenu, a fortiori si vous estimez que vous êtes innocent. Et vous ne connaissez pas non plus l'échéance de votre détention. Il faut bien admettre que, dans un certain nombre de cas, cette incertitude confine à la torture.
Seconde hypothèse : vous êtes détenu à l'issue d'un jugement. Dans ce cas, non seulement vous êtes censé comprendre la raison pour laquelle vous êtes détenu, mais vous avez également la possibilité de contester votre détention, en utilisant les voies de recours traditionnelles. Vous connaissez également, de même que vos proches, l'échéance de votre détention, sauf dans les cas, extrêmement rares, de réclusion criminelle à perpétuité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous pouvez aussi vous suicider !
M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons donc tout intérêt à ce qu'une majorité de personnes détenues le soit en vertu d'un jugement.
Dans ces conditions, dans le prolongement de l'ouverture faite par le Gouvernement, qui propose déjà de supprimer le critère du trouble à l'ordre public en matière correctionnelle pour les renouvellements de détention, la commission, unanime ou quasiment unanime, vous propose de supprimer purement et simplement ce critère en matière correctionnelle.
J'en viens à l'avis de la commission sur les autres amendements.
Considérant que les quatre amendements qu'elle propose modifient de façon cohérente l'article 3, elle émet un avis défavorable sur les amendements nos 59, 60, 61 et 95.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ces amendements tendent, de manière générale, à clarifier ou à réduire les critères de placement en détention provisoire.
Le débat porte en fait essentiellement sur le critère du trouble à l'ordre public. Si le texte soumis au Sénat prévoit de le conserver, il fait en sorte qu'il ne puisse plus être invoqué pour le maintien en détention, c'est-à-dire au-delà de la première mise en détention.
La suppression pure et simple de ce critère poserait de sérieux problèmes, notamment dans les affaires de violences urbaines, mais aussi, par exemple, dans le cas, malheureusement trop fréquent le samedi soir, des chauffards passablement ivres qui tuent des jeunes sur la route. Ceux-là, mesdames, messieurs les sénateurs, on ne pourra plus les mettre en détention si vous supprimez le critère du trouble à l'ordre public, car tous les autres critères sont alors inopérants. Je vous laisse imaginer la réaction de l'opinion publique si vous laissez de tels individus en liberté ! Comment pourrait-elle comprendre un tel laxisme ?
Nous avons donc opté pour une solution de compromis, qui m'apparaît équilibrée. D'un côté, nous supprimons le critère du trouble à l'ordre public pour le maintien en détention ; de l'autre, nous le conservons pour le placement en détention. En aucun cas la détention ne pourra donc être renouvelée sur la base de ce critère, au-delà de la période initiale prévue par la loi.
Je comprends que ce sujet donne lieu à débat, car le recours à la détention provisoire, lorsqu'il est trop systématique, peut apparaître comme choquant. Toutefois, je crois voir dans la volonté de le réduire sensiblement le reflet d'une position un peu idéologique. Cela étant, je tiens à rappeler que, dès mon arrivée à la Chancellerie, j'ai affirmé que la détention provisoire était excessive en France.
Depuis l'affaire d'Outreau, on constate l'apparition d'un nouveau mouvement, d'ordre culturel, très critique à l'égard de la détention provisoire. À l'heure où je vous parle, le nombre de personnes en détention provisoire a baissé de 10 % en un an. C'est un chiffre sans précédent, qui prouve qu'au-delà des critères de placement en détention l'aspect culturel joue également un rôle important. Quoi qu'il en soit, je me flatte d'être le garde qui aura vu la détention provisoire diminuer pendant sa présence place Vendôme.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le progrès est incontestable !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Autrement dit, je ne suis pas fondamentalement hostile aux objectifs affichés par plusieurs des amendements en discussion, mais je pense qu'il convient de conserver un équilibre, et c'est ce que permet le dispositif qui vous est soumis par le Gouvernement.
Dans ces conditions, je ne peux souscrire à l'amendement qui tend à interdire, en matière criminelle, la prolongation de la détention sur le fondement du trouble à l'ordre public. Autant on peut en débattre en matière correctionnelle, autant je refuse de le faire en matière criminelle ! Je suis donc franchement opposé à l'amendement n° 95.
Pour résumer, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 15, 16 et 17, et défavorable sur les amendements nos 59, 60, 61, 95 et 18.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 59.
M. Pierre Fauchon. J'ai été, mes chers collègues, très attentif et très sensible à la démonstration que vient de faire M. le garde des sceaux.
Il me semble qu'on ne devrait pas, au motif que certaines erreurs peuvent être commises dans le placement en détention provisoire, aussi tragiques que soient parfois ces erreurs, réduire excessivement le champ de celle-ci.
M. le garde des sceaux a fort justement rappelé qu'il existait certaines circonstances où, même en matière correctionnelle, et au moins pour la première mise en détention, elle restait absolument nécessaire, normale même.
M'étant, dans ma jeunesse, beaucoup occupé d'affaires pénales, je puis vous dire que les détenus qui, au fond d'eux-mêmes, savent bien qu'ils sont coupables - c'est quand même le cas d'une majorité d'entre eux, car la contestation de culpabilité n'est bien souvent qu'un moyen de défense - préfèrent effectuer de la détention provisoire plutôt que de purger une peine six mois, un an, voire trois ans après la commission de leur délit, alors qu'ils l'ont oublié et ont repris une vie normale. Cela mérite aussi d'être pris en considération.
Cela ne signifie pas que je suis insensible à un certain nombre de drames. Il est évidemment terrible de mettre un innocent en détention provisoire. Mais ce n'est pas en réduisant sans cesse les hypothèses de détention provisoire, y compris dans les cas où elle est justifiée, qu'on résoudra le problème. C'est plutôt du côté de la collégialité qu'il convient de se tourner pour résoudre le problème, essentiel s'il en est, de la faculté de discernement des magistrats. Ce n'est pas parce que le discernement est difficile à obtenir qu'il faut pour autant renoncer à cette chose normale dans la politique pénale qu'est la détention provisoire.
Permettez-moi, mes chers collègues, de faire une fois encore appel à mon expérience. Ceux qui, comme moi, ont pratiqué le métier d'avocat le savent : certains délinquants préfèrent aller en détention provisoire, notamment parce que, souvent, cela leur permet d'être détenus dans un endroit proche du lieu où réside leur famille. J'en ai entendu me dire : « Je préfère faire de la préventive à la Santé, parce que ma famille habite à Paris, plutôt que d'être condamné et expédié en centrale à l'autre bout de la France, où personne ne pourra venir me voir ! » Ce sont des choses que j'ai réellement vécues !
Pour toutes ces raisons, il me semble tout à fait possible d'admettre, en matière correctionnelle, la détention provisoire pour la première détention. Je partage sur ce point l'avis du garde des sceaux, et je ne voterai donc pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Monsieur le garde des sceaux, tout à l'heure, vous avez évoqué des chiffres relatifs à la détention provisoire. Je souhaite apporter quelques précisions sur ces chiffres.
Nous avons effectivement assisté, dans la dernière année, à une baisse de la proportion du nombre de prévenus, celle-ci passant, entre le 1er octobre 2005 et le 1er octobre 2006, de 36 % à 32,75 % du total des détenus.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est quand même pas mal !
M. Robert Badinter. Cela tient à l'utilisation des procédures que vous évoquiez à l'instant, monsieur le rapporteur, et qui tendent à accélérer le prononcé des décisions.
Mais, puisque nous sommes à l'heure du bilan, ne regardons pas seulement la dernière année, monsieur le garde des sceaux : on ne juge pas une politique sur quelques mois ! Interrogeons-nous aussi sur les résultats de la législature.
Au 1er octobre 2001, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de la loi Guigou - celle-ci, je vous le rappelle, avait été adoptée à l'unanimité -, la France comptait 46 968 détenus. Cinq ans après, au 1er octobre 2006, elle en comptait 56 311. Dans le même temps, le nombre des prévenus passait de 15 698 à 18 444. C'est là, sans doute, le résultat de la lutte contre la détention provisoire que vous évoquiez tout à l'heure...
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout au long de ma carrière au barreau, j'ai regretté que les juges d'instruction ne placent pas les personnes en détention pour vingt-quatre heures. En effet, mes confrères et moi l'avons tous constaté, pendant cette période, les gens qui se retrouvent en détention sont complètement affolés. Très vite, dès le lendemain, ils reprennent leurs esprits, ne serait-ce que parce que les autres détenus les ont rassurés, et la détention préventive n'a plus le même poids. En revanche, celui qui ressort de prison au bout de vingt-quatre heures en garde un tel souvenir qu'il fera tout pour ne pas avoir à y retourner, et l'on aura de bonnes chances de ne pas le revoir.
Malheureusement, lorsque les juges d'instruction prennent une ordonnance, ce n'est pas pour la rapporter vingt-quatre heures après.
Par ailleurs, nous avons toujours dénoncé l'utilisation du critère du trouble à l'ordre public. Il est vrai que, avec la prudence qui le caractérise, le rapporteur propose de rendre ce motif inopérant uniquement en matière correctionnelle, arguant que cela constitue déjà une évolution, que l'on ne peut pas tout avoir tout de suite, etc.
Or rien ne justifie, en quelque matière que ce soit, que l'ordre public soit le seul motif invoqué pour maintenir quelqu'un en détention provisoire. Le rapporteur l'a lui-même souligné : l'ordre public est une notion subjective !
M. le ministre a donné un peu rapidement son avis sur notre amendement 95, dont l'objet est que, « en toute matière, le présent 7° n'est pas applicable aux décisions de prolongation de la détention provisoire ou de maintien en détention provisoire ». Autrement dit, il n'y est pas question de placement.
Il ne faut donc pas confondre cet amendement avec ceux qui visent à empêcher d'invoquer le critère d'ordre public également pour le placement en détention provisoire. Nous proposons une position subsidiaire qui mérite que la commission et le Gouvernement s'y arrêtent et apportent réponse.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez suggéré de placer les prévenus en détention pendant vingt-quatre heures. Voici une anecdote, qui, je l'espère, vous contentera.
Depuis quelques années, le procureur de Douai prononce des réquisitions pour placer les maris violents en détention pendant le week-end : ces derniers rentrent en maison d'arrêt le vendredi soir et en ressortent le lundi matin, à six heures, pour aller travailler. Il paraît qu'ils sont de moins en moins violents... C'est donc une excellente punition et une idée fort judicieuse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. M. le garde des sceaux a posé le problème de fond tout à l'heure.
L'objectif premier de la justice est-il de répondre à l'attente de l'opinion publique, ou bien, comme son nom l'indique et comme le croient encore un certain nombre d'« archaïques », de rendre la justice, c'est-à-dire de distinguer l'innocent du coupable et de proportionner les peines aux délits et aux crimes ? Tout est là !
S'il s'agit de donner satisfaction à l'opinion publique, ce n'est pas la peine de voter une loi supplémentaire. Il n'est qu'à continuer comme on le fait depuis au moins cinq ans !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 95.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappelle à nos collègues que cet amendement tend à supprimer la référence à l'ordre public « en toute matière », mais uniquement lorsqu'il s'agit de renouveler ou de prolonger la détention provisoire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On l'a bien compris !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je rappelle à mon tour à nos collègues que la disposition visée par cet amendement s'appliquerait également en matière criminelle. C'est pourquoi la commission y est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Comme le rappelait excellemment Michel Dreyfus-Schmidt, cette disposition concerne uniquement le renouvellement et la prolongation de la détention provisoire : elle ne vise en aucun cas le placement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d'accord !
M. Robert Badinter. Ainsi, pour décider du renouvellement ou de la prolongation de la détention, les magistrats instructeurs ne doivent pouvoir invoquer qu'une raison objective.
Si une nouvelle affaire crée un trouble formidable, un bouillonnement dans le public, suscite de l'agitation, le magistrat, qui n'a pas encore commencé à oeuvrer, peut invoquer le maintien de l'ordre public pour répondre à l'inquiétude générale. En revanche, lorsqu'il s'agit de renouveler la détention provisoire, des mois se sont écoulés, le magistrat doit donc justifier sa décision par d'autres motifs que l'ordre public : les recherches à conduire, les confrontations à organiser, la nécessité de rassembler des éléments sur la personnalité, etc. Voilà des raisons objectives ! L'ordre public, c'est trop vague ! Quelle que soit la matière, ce motif ne peut être soulevé pour renouveler ou prolonger la détention provisoire.
Il faut, une fois pour toutes, faire passer dans la réalité judiciaire le principe selon lequel la détention provisoire constitue l'exception ! Je ne me lasserai pas de le répéter, le magistrat instructeur doit avoir des raisons objectives pour décider le renouvellement ou la prolongation de la détention provisoire.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sur ce sujet, tous nos collègues sont maintenant éclairés. Je vous rappelle que, en matière correctionnelle uniquement, la commission propose de supprimer le critère d'ordre public.
M. Robert Badinter. La distinction n'est pas bonne ! Il faut tenir compte des investigations à mener !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il existe de nombreux autres critères ! Là, vous enfumez le débat !
Monsieur Badinter, pour vous dire le fond de ma pensée, je considère que le critère de l'ordre public ne devrait pas exister. (MM. Robert Badinter et Michel Dreyfus-Schmidt applaudissent.)
M. Robert Badinter. Supprimons-le, alors !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais personne n'en a proposé la suppression parce qu'il s'impose dans certains cas !
La notion d'ordre public est désormais plus circonscrite : beaucoup textes sont venus en affiner la définition. Ainsi, ce projet de loi prévoit que le trouble à l'ordre public ne peut résulter du retentissement médiatique. Aujourd'hui, une telle précision est nécessaire.
Pour autant, le critère de l'ordre public demeure pertinent, sauf en matière correctionnelle, grâce aux nouvelles procédures, monsieur le garde des sceaux. Sur le fondement de ce motif, une personne a été placée quinze mois en détention provisoire : apparemment, elle avait été oubliée ! Certes, elle était impliquée dans une affaire financière grave, mais le critère de l'ordre public ne se justifiait certainement pas. Elle a fini par sortir de prison, mais n'est toujours pas jugée. Cela donne à réfléchir.
Il ne faut pas oublier tous les autres critères !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement n° 18 apporte un progrès modeste par rapport à la grande avancée que constitue l'article 3 pour limiter la détention provisoire. Il nous paraît toutefois indispensable pour donner une orientation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Faisons le grand progrès tout de suite !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Si l'on souhaite vraiment que la détention provisoire soit exceptionnelle, il faut qu'elle soit exigée uniquement pour des raisons objectives, c'est-à-dire sur le fondement de critères précis, comme l'a précisé Robert Badinter, surtout lorsqu'il s'agit d'en demander le renouvellement. Ce ne sont donc ni la lourdeur de la peine encourue ni la qualification qui importent. La seule question est de savoir si, objectivement, il faut maintenir la personne en détention. C'est cela qui compte, et rien d'autre !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L'article 145 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« Si cette personne n'est pas déjà assistée d'un avocat, le juge l'avise qu'elle sera défendue lors du débat par un avocat de son choix ou, si elle ne choisit pas d'avocat, par un avocat commis d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une commission d'office, le bâtonnier de l'ordre des avocats en est avisé par tout moyen et sans délai. Si l'avocat choisi ne peut se déplacer, il est remplacé par un avocat commis d'office. Mention de ces formalités est faite au procès-verbal. » ;
2° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) Dans la première phrase, les mots : « en audience de cabinet, » sont supprimés ;
b) Les deux dernières phrases sont remplacées par quatre phrases ainsi rédigées :
« Si la personne mise en examen est majeure, le débat contradictoire a lieu et le juge statue en audience publique. Toutefois, le ministère public, la personne mise en examen ou son avocat peuvent s'opposer à cette publicité si l'enquête porte sur des faits visés à l'article 706-73 ou si celle-ci est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le juge statue sur cette opposition en audience de cabinet par ordonnance motivée, après avoir recueilli les observations du ministère public, de la personne mise en examen et de son avocat. S'il fait droit à cette opposition ou si la personne mise en examen est mineure, le débat a lieu et le juge statue en audience de cabinet. » ;
3° Après l'avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour permettre au juge d'instruction de procéder à des vérifications relatives à la situation personnelle du mis en examen ou aux faits qui lui sont reprochés, lorsque ces vérifications sont susceptibles de permettre le placement de l'intéressé sous contrôle judiciaire, le juge des libertés et de la détention peut également décider d'office de prescrire par ordonnance motivée l'incarcération provisoire du mis en examen pendant une durée déterminée qui ne saurait excéder quatre jours ouvrables. Cette ordonnance peut faire l'objet du recours prévu à l'article 187-1. »
Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article 137-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le juge des libertés et de la détention doit statuer à l'issue d'un débat contradictoire, le juge d'instruction peut indiquer dans son ordonnance si la publicité de ce débat lui paraît devoir être écartée au regard d'une ou plusieurs des raisons mentionnées au sixième alinéa de l'article 145. »
II.- En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :
II.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'avis du juge d'instruction sur la publicité ou non du débat de la mise en détention pourra figurer dans la procédure, afin que le juge des libertés et de la détention en soit informé avant de prendre sa décision.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du second alinéa du b du 2° de cet article, après les mots :
porter atteinte
insérer les mots :
à la présomption d'innocence ou
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Lorsque le juge d'instruction a sollicité auprès du juge des libertés et de la détention la mise en détention d'une personne mise en cause, un débat contradictoire a lieu. La question est de savoir si ce débat doit être public ou non.
Le texte du Gouvernement prévoit que la règle sera désormais la publicité de l'audience, pour plus de transparence. Toutefois, il est des cas où cette publicité n'est pas souhaitable, par exemple lorsqu'il s'agit de préserver des preuves. Le juge d'instruction pourra donc demander que le débat se déroule en chambre du conseil.
La personne mise en cause doit aussi pouvoir demander que ce débat se déroule en chambre du conseil, même si sa requête ne sera pas nécessairement acceptée. On imagine, en effet, quelles peuvent être les éventuelles conséquences, au regard de la présomption d'innocence, d'une audience publique de mise en détention.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable.
En effet, il est légitime de prévoir, parmi les cas permettant d'écarter la publicité du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, l'hypothèse dans laquelle le mis en examen estime que cette publicité porterait atteinte à sa présomption d'innocence.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
quatre jours ouvrables
rédiger ainsi la fin du second alinéa du 3° de cet article :
jusqu'à la tenue du débat contradictoire. À défaut de débat dans ce délai, la personne est mise en liberté d'office. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut faire l'objet du recours prévu à l'article 187-1.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser que si le juge des libertés et de la détention n'ordonne pas le placement en détention provisoire à l'issue de l'incarcération provisoire, l'intéressé est mis en liberté d'office.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 145-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 145-1. - En matière correctionnelle, la détention provisoire ne peut excéder deux mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et lorsqu'elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans.
« Dans les autres cas, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder deux mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 et rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, sous réserve des dispositions de l'article 145-3, la durée totale de la détention ne pouvant excéder six mois. Toutefois, cette durée est portée à un an lorsqu'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je défendrai en même temps, madame la présidente, l'amendement n° 64.
Il est proposé, dans ces deux amendements, une nouvelle rédaction des articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale afin de réduire les délais butoirs de détention provisoire en matière correctionnelle et en matière criminelle.
La durée de la détention provisoire augmente en France. C'est ce qu'indiquait, en 2005, le rapport de la Commission nationale de suivi de la détention provisoire, dont M. Badinter a cité tout à l'heure quelques chiffres.
Ce rapport, qui porte sur l'année 2003, révèle que « l'ensemble des poursuites pouvant donner lieu à une détention provisoire est en hausse sensible depuis 2001. »
Après une baisse au cours de la période 2000-2002, la durée moyenne globale de la détention provisoire a de nouveau progressé en 2003, pour s'établir à 7,1 mois, « ce qui représente une augmentation sensible par rapport à 2002 - 6,4 mois -, alors que cette durée moyenne était plutôt décroissante auparavant - 6,6 mois en 1999 ».
La loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens et la vingtaine de lois importantes qui se sont succédé dans le domaine de la procédure pénale avaient pour objectif de réduire le nombre de recours à la détention provisoire ainsi que la durée de celle-ci. Le Gouvernement s'est, depuis lors, résolument engagé sur le chemin inverse.
La loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a imposé au juge d'instruction de motiver son refus de placer en détention la personne mise en examen, a élargi les conditions de fond de la mesure et en a allongé la durée maximale dans certains cas.
Quant à la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben II », elle s'inscrit dans ce mouvement en banalisant la décision de mise en détention.
Le présent projet de loi a prétendument pour objectif de redonner toute sa valeur au caractère exceptionnel de la détention provisoire, tel qu'il est prévu théoriquement à l'article 137 du code de procédure pénale.
Il apparaît néanmoins nécessaire d'engager une réelle réflexion sur la durée de cette détention provisoire. À cette fin, et pour combler une lacune, nous vous proposons d'inscrire de nouveaux délais par une nouvelle rédaction des articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Si les détentions provisoires ont une durée certainement excessive, il n'en demeure pas moins que nous observons actuellement une tendance favorable. Comme l'a dit tout à l'heure M. le garde des sceaux, le nombre des mises en détention provisoire a diminué de 10 % en un an. Ce mouvement n'est pas conjoncturel et sera confirmé à l'avenir. Il répond à une volonté exprimée tant par le garde des sceaux que par une majorité d'entre nous.
Libre à vous de vouloir remettre à plat tous les critères de placement en détention provisoire ; vous vous y employez, d'ailleurs, régulièrement. Mais votre méthode n'est pas la bonne. En outre, aucune nécessité ne se fait sentir aujourd'hui. Ce ne sont pas les règles de la détention provisoire qui doivent changer, c'est la pratique qui doit évoluer.
Je voudrais, pour ma part, attirer l'attention de M. le garde des sceaux sur un autre problème, qui influe directement sur la durée des détentions, à savoir les délais d'audiencement, c'est-à-dire la période qui s'écoule entre le moment où l'instruction est terminée, où l'affaire est prête à être jugée, et celui où se tient le procès.
Il ressort des auditions à laquelle a procédé la commission que ces délais sont anormalement longs. Ainsi, en matière criminelle, leur moyenne est de douze mois. À la cour d'assises de Paris, elle atteint même quatorze mois. Aussi, des efforts doivent être faits dans ce domaine.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ces deux amendements, présentés par le groupe CRC, ont pour objet de revenir sur la question des délais butoirs fixés par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Je tire de mon expérience ministérielle le constat que l'essentiel n'est pas là. Si l'on fixe de manière rigoureuse des délais butoirs, on risque un jour d'être confronté à un drame, celui de la libération inopportune d'un prévenu. Imaginez alors l'émotion du public !
Aussi, la solution que vous proposez n'est pas la bonne. La bonne solution consiste à ce que les parties à une instance et la chambre de l'instruction, après avoir mis complètement à plat l'affaire qui les concernent, s'interrogent sur les raisons qui pourraient conduire au placement en détention provisoire de l'accusé. C'est l'objet du présent texte. Ainsi, aux termes de l'article 4, le président de la chambre de l'instruction peut décider de saisir cette juridiction afin que celle-ci examine l'ensemble de la procédure lorsqu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis le placement en détention provisoire de la personne mise en examen - dans le texte initial présenté par le Gouvernement, ce délai était de six mois.
On découvrira alors, dans un faible nombre de cas, du moins je l'espère, que certaines personnes qui auront passé plusieurs mois en détention provisoire n'avaient aucune raison d'y être placées. Ce dispositif, s'il avait existé au moment de l'affaire d'Outreau, aurait empêché que certains demeurent plus de trois ans en détention provisoire.
Je le répète : le délai butoir n'est pas une bonne idée. Il importe avant tout d'examiner la raison pour laquelle un suspect a été incarcéré et de vérifier régulièrement que son maintien en détention est justifié. C'est ce à quoi vise la possibilité de faire appel devant la chambre de l'instruction, qui vous est proposée ici, par un examen au fond de l'ensemble de la procédure. Cela vaudra bien mieux que le copier-coller des demandes de mise en liberté formulées tous les huit jours par les avocats.
S'agissant de la question de l'audiencement, je veux dire à M. le rapporteur que nous passons des contrats d'objectifs avec les tribunaux. Ce travail avec les chefs de cour et de juridiction est un aspect peu connu des missions de l'inspection générale des services judiciaires, dont le rôle ne consiste pas seulement à inspecter les magistrats. Ainsi, la cour d'assises de Versailles, par exemple, a reçu des moyens nouveaux pour réduire ses délais d'audiencement. Elle y a, d'ailleurs, réussi.
Je ne disconviens pas, monsieur le rapporteur, que les efforts doivent être poursuivis. Mais sachez que la Chancellerie est totalement consciente de la nécessité d'attribuer aux cours d'assises des moyens supplémentaires afin de leur permettre de réduire leurs délais d'audiencement.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. On peut parfaitement concilier et conjuguer le délai butoir, qui est présent dans l'esprit du magistrat, et les améliorations qui ont été évoquées tout à l'heure. C'est une question de dosage.
Néanmoins, il faut prendre la mesure des phénomènes dont on parle.
J'ai évoqué, avec d'autres, la question du stock. Il s'agit de mesurer, année après année, à un moment précis et constant, quel est le stock - ce terme, bien qu'il soit malheureux, est celui qui est usité en matière carcérale - de prévenus et de détenus.
Il faut aussi mesurer les flux, à savoir le nombre de personnes qui entrent en détention et le nombre de personnes qui en sortent. Ce chiffre a une importance particulière dans la mesure où il permet de savoir combien de personnes sont placées en détention.
S'agissant du nombre des entrées, je dispose ici de donnée indiscutables, à savoir celles de la Chancellerie : en 2003, 81 900 personnes ont été incarcérées ; 84 700 l'ont été en 2004 ; 85 536 l'ont été en 2005 ; 85 540 l'ont été en 2006. Force est de constater que le flux des entrées ne cesse de croître.
L'annuaire statistique de la justice pour 2006 indique, par ailleurs, que sur les 85 536 incarcérations qui ont été ordonnées en 2005, 60 948 concernaient des personnes prévenues, soit 71,2 % du total. C'est considérable. Il s'agit donc d'une donnée structurelle.
Le Conseil de l'Europe a diligenté une enquête pour l'année 2004. Il en ressort que la France se trouvait, à cet égard, dans une situation particulièrement affligeante, dont je me permets de livrer les détails à la réflexion de nos collègues, tant cette question essentielle pour notre justice pénale intéresse chacun d'entre nous. Ainsi, la proportion de détenus non jugés dans les prisons était alors de 32,2 % en France, contre une moyenne européenne de 22,2 %. Seuls le Luxembourg, la Slovaquie, la Turquie et l'Irlande du nord, parmi les membres du Conseil de l'Europe, faisaient moins bien que nous, l'Azerbaïdjan atteignant quant à lui le taux record de 93,2 %.
Il s'agit là d'un phénomène culturel très ancré contre lequel nous devons continuer de lutter. C'est pourquoi il convient d'utiliser aussi bien le délai butoir, certes avec circonspection et avec des exceptions pour les cas extrêmes, que les modalités que nous introduisons aujourd'hui.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Si les flux augmentent alors que le stock est stable, cela signifie que la situation s'améliore, que la durée moyenne de détention n'augmente pas et que les personnes sont jugées plus rapidement. C'est une tendance nouvelle, qui est apparue voilà deux ou trois ans et dont il convient de se féliciter.
Les dispositions que nous sommes invités à voter sont susceptibles d'améliorer la situation, monsieur Badinter. En revanche, la fixation d'un délai butoir n'y changerait rien.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'avez pas été attentif aux flux !
Mme la présidente. L'amendement n° 64, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 145-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 145-2. - En matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà de six mois. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à trois mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 et rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure.
« La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà d'un an lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et au-delà de deux ans dans les autres cas. »
Cet amendement a déjà été défendu. La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 64.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 145-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Lorsque la durée de la détention provisoire excède six mois en matière criminelle ou quatre mois en matière délictuelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent aussi comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement est cohérent avec les deux précédents et, le présentant, je défendrai en même temps l'amendement n° 66.
En 2002, la Commission nationale consultative des droits de l'homme avait émis un avis très défavorable sur la procédure de référé-détention. Elle observait que l'obligation faite au juge d'instruction de motiver son refus d'incarcération n'était guère conciliable avec le principe de la liberté de la personne présumée innocente et soulevait même un problème de compatibilité avec les exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relative à l'intervention nécessaire en la matière d'un magistrat du siège.
Aussi, par souci de cohérence, et si tant est qu'il maintienne les déclarations qu'il a faites à la suite du procès d'Outreau et devant la commission d'enquête parlementaire, le Gouvernement devrait accepter que soit abrogé le référé-détention.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 65 est sans objet. En effet, l'article 137-3 du code de procédure pénale prévoit déjà que les mesures de placement en détention provisoire et de prolongation doivent comporter « l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144 du code de procédure pénale. »
Cette motivation est encore complétée, en cas de prolongation de la détention provisoire, par l'article 145-3 du code de procédure pénale.
Madame Mathon-Poinat, vous pourriez donc retirer cet amendement.
Quant au référé-détention, qui est visé dans l'amendement n° 66, c'est le pendant du référé-liberté, qui permet au mis en examen de demander au président de la chambre de l'instruction l'examen immédiat de la décision de placement en détention.
Nous sommes ici pour discuter de l'équilibre de la procédure pénale, mais « équilibre » ne veut pas dire déséquilibre dans le sens des droits du mis en cause. Ces droits doivent être protégés, certes, mais ceux du ministère public sont aussi importants.
Par conséquent, la commission est défavorable à l'amendement n° 66.
Je dis par avance qu'il en sera de même en ce qui concerne l'amendement n° 67, pour les raisons que j'ai exposées à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 63.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 66, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 148-1-1 et 187-3 du code de procédure pénale sont abrogés.
Cet amendement a déjà été défendu. La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 66.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 67, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le neuvième alinéa de l'article 181 du code de procédure pénale est supprimé.
Cet amendement a déjà été défendu. La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4 bis
Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article 135-2 du code de procédure pénale, le mot : « huitième » est remplacé par le mot : « neuvième ». - (Adopté.)
Article 5
I. - Après le premier alinéa de l'article 199 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En matière de détention provisoire, et par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la personne mise en examen est majeure, les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique. Toutefois, le ministère public, la personne mise en examen ou la partie civile ou leurs avocats peuvent, avant l'ouverture des débats, s'opposer à cette publicité si celle-ci est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. La chambre statue en chambre du conseil sur cette opposition après avoir recueilli les observations du ministère public et des parties. Si la chambre fait droit à cette opposition ou si la personne mise en examen est mineure, les débats ont lieu et l'arrêt est rendu en chambre du conseil. Il en est de même si la partie civile s'oppose à la publicité, dans les seuls cas où celle-ci est en droit de demander le huis clos lors de l'audience de jugement. »
I bis. - Après le mot : « parties », la fin du deuxième alinéa du même article 199 est ainsi rédigée : « sont entendus. »
II. - Après l'article 221-2 du même code, il est inséré un article 221-3 ainsi rédigé :
« Art. 221-3. - I. - Lorsqu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis le placement en détention provisoire de la personne mise en examen, que cette détention ou celle d'une autre personne mise en examen est toujours en cours et que l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 n'a pas été délivré, le président de la chambre de l'instruction peut d'office, ou à la demande du ministère public ou d'une partie, décider de saisir cette juridiction afin que celle-ci examine l'ensemble de la procédure. En cas de demande du ministère public ou d'une partie, il statue dans les huit jours de la réception de cette demande. Cette décision n'est pas susceptible de recours.
« La chambre de l'instruction statue après une audience à laquelle les avocats de l'ensemble des parties et des témoins assistés sont convoqués. La chambre de l'instruction ou son président peut ordonner la comparution des personnes mises en examen et des témoins assistés, d'office ou à la demande des parties. Si un mis en examen placé en détention provisoire demande à comparaître, le président ne peut refuser sa comparution que par une décision motivée. La comparution peut être réalisée selon les modalités prévues à l'article 706-71.
« Si la personne mise en examen est majeure, les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique. Toutefois, le ministère public, la personne mise en examen ou la partie civile ou leurs avocats peuvent, avant l'ouverture des débats, s'opposer à cette publicité si celle-ci est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. La chambre statue sur cette opposition, après avoir recueilli les observations du ministère public et des parties, par arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible d'un pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la demande principale. Si la chambre fait droit à cette opposition ou si la personne mise en examen est mineure, les débats ont lieu et l'arrêt est rendu en chambre du conseil. Il en est de même si la partie civile s'oppose à la publicité, dans les seuls cas où celle-ci est en droit de demander le huis clos lors de l'audience de jugement.
« Le président de la chambre de l'instruction peut également ordonner, d'office, après avoir recueilli les observations du ministère public et des parties, que les débats se déroulent en chambre du conseil si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le président de la chambre de l'instruction statue par une ordonnance rendue en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt rendu à l'issue des débats.
« Deux jours ouvrables au moins avant la date prévue pour l'audience, les parties peuvent déposer des conclusions consistant notamment soit en des demandes de mise en liberté, soit en des demandes d'actes, y compris s'il s'agit d'une demande ayant été précédemment rejetée en application de l'article 186-1, soit en des requêtes en annulation, sous réserve des articles 173-1 et 174.
« II. - La chambre de l'instruction, après avoir le cas échéant statué sur ces demandes, peut :
« 1° Ordonner la mise en liberté, assortie ou non du contrôle judiciaire, d'une ou plusieurs des personnes mises en examen, même en l'absence de demande en ce sens ;
« 2° Prononcer la nullité d'un ou plusieurs actes dans les conditions prévues par l'article 206 ;
« 3° Évoquer et procéder dans les conditions prévues par les articles 201, 202, 204 et 205 ;
« 4° Procéder à une évocation partielle du dossier en ne procédant qu'à certains actes avant de renvoyer le dossier au juge d'instruction ;
« 5° Renvoyer le dossier au juge d'instruction afin de poursuivre l'information, en lui prescrivant le cas échéant de procéder à un ou plusieurs actes, autres que ceux relatifs à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire, dans un délai qu'elle détermine ;
« 6° Désigner un ou plusieurs autres juges d'instruction pour suivre la procédure avec le juge ou les juges d'instruction déjà saisis, conformément à l'article 83-1 ;
« 7° Lorsque cette décision est indispensable à la manifestation de la vérité et à la bonne administration de la justice, et qu'il n'est pas possible de procéder aux désignations prévues au 6°, procéder au dessaisissement du juge d'instruction et à la désignation, aux fins de poursuite de la procédure, d'un ou plusieurs juges d'instruction de la juridiction d'origine ou d'une autre juridiction du ressort ;
« 8° Ordonner le règlement, y compris partiel, de la procédure, notamment en prononçant un ou plusieurs non-lieux à l'égard d'une ou plusieurs personnes.
« L'arrêt de la chambre de l'instruction doit être rendu au plus tard trois mois après la saisine par le président, à défaut de quoi les personnes placées en détention sont remises en liberté.
« Six mois après que l'arrêt est devenu définitif, si une détention provisoire est toujours en cours, et sauf si l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 a été délivré, le président de la chambre de l'instruction peut à nouveau saisir cette juridiction dans les conditions prévues par le présent article. »
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du second alinéa du I de cet article, après les mots :
porter atteinte
insérer les mots :
à la présomption d'innocence ou
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Les amendements nos 22 et 23 sont des amendements de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du second alinéa du I de cet article par les mots :
ou si l'enquête porte sur des faits visés à l'article 706-73
Cet amendement a déjà été défendu et le Gouvernement s'est exprimé.
Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la troisième phrase du second alinéa du I de cet article par les mots :
par un arrêt rendu en chambre du Conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la demande principale
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale, supprimer les mots :
ou celle d'une autre personne mise en examen
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement de précision, destiné à mieux encadrer le dispositif, vise à permettre un examen de l'ensemble de la procédure par la chambre de l'instruction trois mois après le placement en détention provisoire, et tous les six mois par la suite.
C'est l'un des grands ajouts de ce texte, qui donne l'assurance, du moins peut-on l'espérer, que les dossiers ne seront pas oubliés sous une pile ou au bas d'un placard !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
d'une partie
par les mots :
de la personne mise en examen
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de précision concernant ce réexamen du dossier par la chambre de l'instruction.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale, après les mots :
porter atteinte
insérer les mots :
à la présomption d'innocence ou
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 28, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du troisième alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale par les mots :
ou si l'enquête porte sur des faits visés à l'article 706-73
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale, remplacer le mot :
conclusions
par le mot :
mémoires
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale, supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit aussi d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale par les mots :
, soit en des demandes tendant à constater la prescription de l'action publique
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 96, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 221-3 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
peut à nouveau saisir
par le mot :
saisit
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le dernier alinéa du texte proposé par le II de l'article 5 pour l'article 221-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Six mois après que l'arrêt est devenu définitif, si une détention provisoire est toujours en cours, et sauf si l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 a été délivré, le président de la chambre de l'instruction peut à nouveau saisir cette juridiction dans les conditions prévues par le présent article. »
Nous préférerions que, dans un cas comme celui-là, où la détention préventive se poursuit, le président de la chambre de l'instruction « doive » et non pas « puisse » saisir cette juridiction.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car il ne faut pas introduire dans ce texte un dispositif que je qualifierais de technocratique.
Ce que vous proposez, c'est de rendre l'examen obligatoire au bout de trois mois, puis tous les six mois. Or cela ne s'impose pas pour un certain nombre de dossiers. Par ailleurs, ce n'est pas réaliste eu égard aux moyens dont disposent les chambres de l'instruction.
La mesure que vous proposez risquerait de conduire à un examen superficiel : pour vous faire plaisir, la chambre de l'instruction ressortirait le dossier, l'examinerait en trois minutes, et ce serait terminé !
M. François Zocchetto, rapporteur. C'est précisément ce que nous voulons éviter. Nous souhaitons que, sur les dossiers qui en valent la peine, il y ait un véritable examen au fond, demandé soit par les parties, soit par le ministère public ou le président de la chambre de l'instruction lui-même.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Prenons un exemple qui devrait faire réfléchir M. Michel Dreyfus-Schmidt : celui du détenu qui reconnaît tous les faits. Vous allez obliger la chambre de l'instruction à examiner son dossier. Ce n'est pas raisonnable ! Vous voyez bien qu'il ne faut jamais systématiser.
Par conséquent, monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. En effet, votre proposition risquerait d'aboutir à la thrombose du système. Or, dans la plupart des cas, l'affaire est plus simple qu'on ne le pense, puisque la personne reconnaît les faits. Le problème est donc réglé.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 96 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je remercie M. le garde des sceaux d'avoir répété les propos qu'il avait tenus tout à l'heure et que j'avais oublié de relever.
Ce texte n'a-t-il pas été élaboré précisément à l'intention de toutes les personnes innocentes qui ont reconnu des faits dans lesquels elles n'étaient aucunement impliquées ? Ce n'est vraiment pas un argument de me dire que, à partir du moment où l'intéressé a reconnu sa culpabilité, le problème est réglé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si la détention provisoire se poursuit, est-ce un luxe que la chambre de l'instruction soit saisie de la situation pour savoir s'il est normal que les choses traînent aussi longtemps ? Nous ne le pensons pas. C'est pourquoi nous maintenons fermement notre amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 174 du même code, après les mots : « l'article 173 », sont insérés les mots : « ou de l'article 221-3 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'examen de cet amendement est l'occasion de rappeler à M. Michel Dreyfus-Schmidt que le projet de loi améliore la situation. À vous entendre, mon cher collègue, on pourrait croire qu'il rend plus difficile l'exercice des droits de la défense. Or, c'est l'inverse. Avec ce nouvel examen devant les chambres de l'instruction, nous réalisons une avancée considérable en matière de droits de la défense.
Nous proposons, par cet amendement n° 32, que, lorsque la chambre de l'instruction procédera à l'examen d'ensemble de la procédure, ce soit l'occasion de purger cette dernière de tout vice éventuel. En effet, l'ensemble des personnes qui interviennent dans la procédure, que ce soit le ministère public, le juge d'instruction, la chambre de l'instruction et les avocats, doivent examiner le dossier au fur et à mesure, tous les six mois au minimum, et cela dans l'intérêt du mis en cause.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne peux pas laisser dire cela ! M. le rapporteur nous explique que la purge des nullités est réalisée dans l'intérêt des justiciables...
M. François Zocchetto, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, vous avez prétendu que cette opération était effectuée dans l'intérêt de tous ! C'est, évidemment, le contraire qui se passe !
Cette mesure a été introduite voilà peu et a des effets tout à fait contraires, puisque certaines nullités peuvent être repérées non à ce stade, mais beaucoup plus tard, vous devriez bien le savoir !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je me permets de redire que l'intérêt du mis en cause, c'est que son avocat suive le dossier régulièrement, en particulier qu'il s'occupe de la purge des nullités.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du premier alinéa de l'article 33 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est supprimée.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Comme vous le savez, l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit que les mineurs peuvent être placés en centres éducatifs fermés, en application d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou à la suite d'une libération conditionnelle.
Cependant, la dernière phrase du premier alinéa de cet article dispose que « la violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement du mineur ».
Notre objectif de limiter le recours à la détention provisoire est constant, d'autant plus lorsqu'il s'agit de mineurs. Tout le monde s'accorde à reconnaître les effets dévastateurs de cette mesure sur les personnes qui la subisse. Alors, pourquoi la proposer comme solution à une violation d'une obligation à laquelle le mineur est astreint ou, comme a osé le dire le rapporteur à l'Assemblée nationale, comme « principe éducatif » ?
Tout au long de l'examen de ce texte, nous n'avons cessé d'affirmer que le placement en détention provisoire doit être évité. Tel est l'esprit de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Dans l'objet de cet amendement, vous dites que vous respectez l'esprit du projet de loi. J'estime, pour ma part, que cette disposition en est assez éloignée et qu'elle est même à la limite du « cavalier ».
Si un mineur ne respecte pas les obligations qui sont les siennes dans le cadre d'un placement en centre éducatif fermé, il ne paraît tout de même pas illogique qu'il fasse l'objet d'une sanction graduée. Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir sur ces questions ; ce n'est pas le moment d'y revenir.
J'ajouterai que cette mesure ne me choque absolument pas.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Avec cet amendement, les centres éducatifs fermés sont réduits à peu de chose ! En effet, en prévoyant que le mineur qui s'en échapperait ne serait pas conduit en prison, il supprime totalement la raison d'être de ces centres, dont les pensionnaires pourraient sortir à leur guise. C'est une manière habile de les détruire !
J'ai déjà expliqué à plusieurs reprises au groupe communiste républicain et citoyen l'intérêt des centres éducatifs fermés, mais en vain : tous les observateurs ont aujourd'hui changé d'avis, sauf lui !
Au demeurant, cet amendement n'a rien à faire dans ce débat.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 68.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis
Le troisième alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Il adresse au procureur général un rapport concernant les mesures de garde à vue et l'état des locaux de garde à vue de son ressort ; ce rapport est transmis au garde des sceaux. Le garde des sceaux rend compte de l'ensemble des informations ainsi recueillies dans un rapport annuel qui est rendu public. » - (Adopté.)
CHAPITRE III
Dispositions renforçant le caractère contradictoire de la procédure pénale
Articles additionnels avant l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 69 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux premiers alinéas de l'article 63 du code de procédure pénale sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République.
« La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. Toutefois, lorsque l'infraction est de nature criminelle, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue.
« Sur instructions du procureur de la République, les personnes à l'encontre desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat.
« Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cohérence avec les positions que nous avons adoptées précédemment, cet amendement vise à remplacer, dans le cas d'une enquête de flagrance, la notion de « raison plausible de soupçonner » par celle d' « indices graves et concordants ».
En effet, nous voulons revenir aux dispositions qui étaient en vigueur antérieurement à la loi Perben, qui nous paraissent bien meilleures.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement fait partie de toute une série d'amendements, que nous ne découvrons pas, d'ailleurs. Aussi respectables soient-ils, je vous réponds chaque fois que la commission estime qu'il n'est pas souhaitable de revenir sur l'équilibre actuel des textes
Nous nous sommes prononcés sur ce cas particulier de la notion d' « indices graves et concordants » par rapport à celle de « raison plausible de soupçonner » pour justifier le placement en garde à vue. Ce sujet ayant été débattu de longues heures, y compris en commission, je ne m'étendrai pas davantage.
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, après les mots : « de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête » sont insérés les mots : « ainsi que sur les faits qui lui sont imputés. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons que soit inséré un article additionnel avant l'article 6, qui prévoie que l'officier de police judiciaire - ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire - informe la personne gardée à vue non seulement de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête - ce qui peut être extrêmement difficile à comprendre pour un non-juriste -, mais aussi des faits qui lui sont imputés.
Ce n'est tout de même pas une demande excessive ! J'espère donc que le Sénat tout entier votera cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission ne partage absolument pas votre point de vue, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Dominique Braye. C'est étonnant !
M. François Zocchetto, rapporteur. En effet, votre amendement recèle un paradoxe complet : si vous informez la personne gardée à vue sur les faits qui lui sont reprochés, à la limite, vous pouvez vous demander à quoi sert la garde à vue !
M. François Zocchetto, rapporteur. Je rappelle que la personne est informée sur la nature de l'infraction, mais non sur les faits.
La commission émet un avis complètement défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Braye. C'est tout à fait évident !
Mme Éliane Assassi. Cela, c'est un argument, monsieur Braye !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
la situation des entreprises du secteur automobile
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, je voulais évoquer la préoccupation très grande, l'angoisse, l'inquiétude de nombreux salariés du secteur des équipementiers automobiles et des entreprises sous-traitantes dans le domaine de l'automobile.
En effet, beaucoup de ces entreprises sont touchées, en particulier, par le phénomène des délocalisations.
M. René-Pierre Signé. Dans la Nièvre aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ne prendre pour exemple que le département du Loiret, je citerai les entreprises Steco Batteries à Outarville, Faurecia à Nogent-sur-Vernisson, SIFA à Orléans, et je pourrais en nommer bien d'autres encore.
M. René Garrec. À Flins !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans tous les cas, nous voyons de véritables problèmes se poser.
Très concrètement, monsieur le ministre, je vous poserai trois questions. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Premièrement, pour ce qui est du soutien bancaire à ces entreprises, souvent des PME, je n'ignore pas que vous avez soutenu une convention relative aux délais de paiement les concernant. Mais, au-delà, nous constatons que trop souvent notre tissu bancaire n'a pas assez le sens du risque et se comporte quelquefois, souvent, trop souvent, avec des mentalités de rentier.
M. René-Pierre Signé. Le Crédit agricole, en particulier !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que les banques de notre pays soutiennent les PME qui prennent des risques, en particulier dans ce domaine ?
Deuxièmement, ces entreprises doivent innover, et ce d'autant plus que la concurrence internationale est très forte. Quelles dispositions comptez-vous prendre à cet égard ? Vous avez certes créé l'Agence de l'innovation industrielle, mais nous constatons que, dans la plupart des cas, elle aide de grandes entreprises et non pas les PME, en particulier celles du secteur de la sous-traitance automobile.
Troisièmement - ce sera ma dernière question, monsieur le président -, il est clair que, dans ce domaine comme dans de nombreux autres, il est nécessaire qu'existe une véritable volonté à l'échelon européen. La France doit donc oeuvrer pour que l'Europe soit une puissance publique en la matière, raisonne de cette manière, et puisse négocier, puisse discuter avec ses partenaires pour n'être pas seulement la terre du laisser-aller.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire à cet égard dans les semaines qu'il vous reste pour agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, je suis comme vous tout à fait conscient que l'industrie automobile est d'abord une industrie extrêmement importante pour le territoire national : 300 000 emplois directs, 1,4 million d'emplois indirects, dont beaucoup en sous-traitance.
Le Gouvernement n'a effectivement pas attendu pour agir, compte tenu de la situation, que vous avez fort exactement décrite, en particulier de celle des équipementiers, qui souffrent aujourd'hui peut-être plus que d'autres.
Dans ce contexte, vous m'interrogez sur le financement de ces entreprises. Je rappelle qu'OSEO-ANVAR dispose désormais d'un volet très important pour intervenir directement auprès des PME, ce qu'elle va faire notamment dans ce secteur.
Vous avez en outre indiqué, et je voudrais détailler ce point, que le Gouvernement s'est mobilisé dès le 23 janvier pour permettre aux entreprises de réduire effectivement les délais de paiement, qui, on le sait, étranglaient beaucoup d'entre elles. La réduction a été de quinze jours en 2006 ; elle sera de trente jours en 2007 et de quarante-cinq jours en 2008, ce qui fera passer les délais de paiement de 105 jours en moyenne à 60 jours. Au total, ce sont 1 milliard d'euros supplémentaires qui se trouvent injectés en trésorerie.
L'innovation est un autre sujet important, et j'y reviendrai. Mais avant l'innovation vient peut-être la formation. Il s'agit en effet, et Gérard Larcher le sait bien,...
M. René-Pierre Signé. Il sait tout !
M. Thierry Breton, ministre. ...de faire en sorte que ces entreprises aient les moyens de se préparer aussi aux évolutions à venir. Je rappelle que désormais un plan d'action de trois ans en faveur de la formation dispose de 150 millions d'euros.
Pour l'innovation et la recherche, il faut souligner le doublement du plafond du crédit d'impôt recherche, porté de 8 millions à 16 millions d'euros, qui a été adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2006. J'ajoute que tous nos outils de politique industrielle sont sollicités et qu'un volant de 250 millions d'euros est mobilisé pour 2006 et 2007. Enfin, l'Agence de l'innovation industrielle, à laquelle vous avez fait référence, a effectivement commencé par soutenir un certain nombre de projets de grandes entreprises. Cependant, j'ai rencontré moi-même Jean-Louis Beffa voilà quelques jours, et je peux vous annoncer une nouvelle : il m'a confirmé que, désormais, près de la moitié du montant total était mis à la disposition des PME.
M. le président. Il faut conclure !
M. Thierry Breton, ministre. Vous constatez donc, monsieur le sénateur, que le Gouvernement considère ce sujet comme extrêmement important et qu'il est entièrement mobilisé pour faire apporter un soutien à l'industrie automobile et aux sous-traitants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Il n'a pas répondu sur les banques !
M. Jean-Pierre Sueur. Ni sur l'Europe !
M. Bernard Piras. Il est fatigué...
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 26 janvier dernier, les dix-huit États membres de l'Union européenne ayant déjà ratifié le traité constitutionnel se sont réunis à Madrid afin non seulement de défendre le contenu même de ce texte, mais aussi de débattre sur l'avenir de la construction européenne. La France et les Pays-Bas, nous le savons, ont rejeté le projet de traité ; ils n'ont donc pas été invités à cette rencontre.
Cette initiative de ceux que l'on a appelés les « amis du traité constitutionnel » a pu surprendre une partie de notre classe politique : la France fait partie des pays fondateurs de la Communauté européenne ! Néanmoins, nous ne devons pas être choqués ni même nous sentir exclus de ce processus de réflexion. La démarche de nos partenaires doit à l'inverse nous motiver et nous inciter à nous impliquer davantage dans le processus de construction de l'Union.
La France a un rôle primordial et indispensable à jouer. C'est pourquoi nous devons nous engager dans un travail de sortie de crise. Nous avons la responsabilité de cet arrêt, que j'espère momentané, de la construction européenne ; nous avons donc aussi la responsabilité de préserver une solution consensuelle satisfaisante d'un point de vue politique et juridique.
Madame le ministre, ma question est simple : quelles propositions concrètes présenterez-vous à nos différents partenaires de l'Union ? Comment la France, aujourd'hui dans le camp minoritaire, pourra-t-elle demain défendre ses positions ? Approuvez-vous par ailleurs les propositions avancées par la chancelière allemande, actuellement à la tête du l'Union ?
Je souhaite par ailleurs rappeler à chacun tous les bénéfices que, nous le savons, l'Union nous apporte. Elle est une réalité positive. Les aides européennes ont indiscutablement procuré un soutien financier efficace et déterminant à l'aménagement du territoire et au développement rural.
La crise que nous vivons a provoqué un gel des décisions européennes, par exemple en ce qui concerne les fonds structurels européens agricoles pour le développement rural. Cela limite considérablement l'engagement de nouveaux projets, particulièrement dans les zones de montagne.
M. René-Pierre Signé. La question est bien longue !
M. Jean Boyer. Nous avons besoin de l'Europe. Sa construction est permanente et toujours inachevée. Aussi, mes chers collègues, je conclurai par une phrase de Jean Monnet, aussi belle que juste : « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes. ».
Je vous remercie, madame le ministre, de nous apporter les réponses. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, les pays qui se sont retrouvés à Madrid le 26 janvier dernier ont tous en commun d'avoir ratifié le traité constitutionnel. Ce n'est pas le cas de la France, qui n'avait donc aucune raison d'aller à Madrid, pas plus que les autres États de l'Union qui sont dans la même situation. De plus, il ne s'agissait que d'une réunion informelle, rien de plus.
Ce qui compte, ce n'est pas tant cela que la solution que les Européens pourront trouver sur la base de la situation actuelle de l'Union européenne, où certains États membres ont dit oui au traité, d'autres ont dit non, d'autres enfin ne se sont pas prononcés. Cette réalité s'impose à tous, et chacun devra faire un pas vers l'autre. Car l'objectif est bien de forger un nouveau consensus à Vingt-sept à partir de cette réalité !
Nous voulons parvenir à une solution avant 2009, année d'élections européennes, parce qu'il est indispensable et urgent de réformer l'Union pour la rendre plus efficace et lui permettre de relever les grands défis de demain, qu'il s'agisse du changement climatique, des migrations, de l'énergie, de la sécurité ou d'autres encore.
Comment pouvons-nous parvenir à sortir de l'impasse actuelle ? En continuant d'être pragmatiques et ouverts, comme nous le sommes déjà, et en cherchant à réunir tous les Européens sur un même projet.
La présidence allemande a commencé ce travail, qui durera sans doute jusqu'en 2008, et mène pour cela des consultations. Je me suis moi-même rendue à Berlin vendredi dernier, et vous savez que le Président de la République et la chancelière se rencontreront avant la fin de ce mois de février.
Nous pensons qu'il faut partir de la substance et des équilibres du texte, et non pas tout recommencer à zéro. Il faut évaluer sur quoi les Européens peuvent se mettre d'accord, ce qu'il faut réserver pour plus tard, ce qu'il est possible d'ajouter - je pense notamment au social. Gardons en tout cas cette démarche pragmatique, car c'est celle qui garantit le meilleur résultat.
Quant au dernier point de votre question, monsieur le sénateur, je voudrais vous rassurer pleinement : les fonds structurels dont bénéficiera la France ne sont en rien affectés par le débat sur les institutions. Le budget est arrêté, et la France recevra plus de 14 milliards d'euros entre 2007 et 2013.
M. René-Pierre Signé. C'est long !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Cependant, comme toujours en pareilles circonstances, la soudure entre le budget qui se termine, 2000-2006, et celui qui commence, 2007-2013, se traduit par quelques ajustements.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Les nouveaux programmes sont en cours de validation, le Gouvernement y travaille activement avec la Commission européenne, et je peux même vous annoncer que des dispositions sont sur le point d'être prises pour éviter les effets négatifs de la période de transition que nous vivons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
les grèves dans l'éducation nationale
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, des milliers de fonctionnaires expriment leur colère, colère fondée sur les mesures, prises par votre gouvernement, qui conduisent à la dégradation de leurs conditions de travail, à la suppression de milliers de postes et à l'aggravation de la précarité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Bravo !
Mme Annie David. De plus, il est inacceptable que le revenu des fonctionnaires ne corresponde pas à la juste rémunération de leur travail ni ne leur permette d'exercer correctement leur mission d'intérêt général. Cela est d'autant plus intolérable...
M. Dominique Braye. Démago !
Mme Annie David. ...que les richesses explosent, le CAC 40 affiche des résultats historiques et des exonérations pour un montant de plus de 23 milliards d'euros sont accordées au MEDEF ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Monsieur le ministre, vous bradez nos services publics,...
M. Dominique Braye. Démago !
Mme Annie David. ...patrimoine historique, alors qu'ils sont déterminants en termes d'aménagement harmonieux du territoire et de satisfaction de nos besoins sociaux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien d'euros par mois ?
Mme Annie David. S'agissant de l'éducation nationale - dont les personnels sont fortement mobilisés aujourd'hui -, depuis 2003, vous avez supprimé plus de 20 000 postes d'enseignants et plus de 5 000 vont encore disparaître à la rentrée 2007,...
M. Paul Raoult. C'est scandaleux et inadmissible !
Mme Annie David. ...suppressions préjudiciables à la réussite de nos élèves !
Pour l'académie de Lille, mon collègue Ivan Renar m'indique qu'elle perdra 701 postes dans le second degré, et depuis 2002, plus de 3 000 postes y auront été supprimés.
M. Paul Raoult. C'est incroyable !
Mme Annie David. En ce qui concerne mon département, l'Isère, monsieur le ministre, je donnerai un seul exemple : au collège Belledonne à Villard-Bonnot, suppression de deux divisions, avec pour conséquence immédiate des effectifs à vingt-huit...
M. Paul Raoult. L'enseignement technique est complètement bradé !
Mme Annie David. ...alors que ces classes accueillent des élèves handicapés et que l'établissement est en cours d'expérimentation auprès d'élèves ayant un véritable projet professionnel !
M. Dominique Braye. Il y a moins d'élèves !
Mme Annie David. Tout a été mis en oeuvre pour accroître cette hémorragie :...
M. Dominique Braye. Démago !
Mme Annie David. ...personnels TOS transférés aux régions, diminution des heures d'enseignement, suppression d'une partie des décharges horaires, décret alourdissant la charge de travail et flexibilisation du statut des enseignants, prélude à la bivalence que vous souhaitez instaurer.
M. Paul Raoult. C'est scandaleux !
Un sénateur de l'UMP. Vive l'URSS !
Mme Annie David. N'en déplaise à M. Sarkozy (Ah ! sur les travées de l'UMP), cela révèle la réelle perception de la droite sur l'école...
Un sénateur socialiste. Le ministre délégué au budget a dit que les enseignants gagnaient 4 000 euros par mois !
Mme Annie David. ...peu coûteuse, formant non pas des citoyens mais du « capital humain » aux qualifications ciblées, qui répond aux besoins des entreprises et finalement prédestiné à la précarité !
Dans ce modèle libéral, l'école n'a plus besoin de fonctionnaires, mais seulement de ressources humaines !
M. Dominique Braye. Démago !
Mme Annie David. C'est cette absolue inhumanité comptable qui est condamnée aujourd'hui !
M. Dominique Braye. Démago !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, allez-vous redonner tout son sens à l'école de la République, en lui accordant les moyens de son ambition et en ouvrant de véritables négociations salariales...
M. Bruno Sido. La question !
Mme Annie David. ...en faveur d'une politique publique d'emploi statutaire et de défense du service public ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, un peu de dignité, on nous regarde !
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Madame la sénatrice, je ferai d'abord un premier constat.
Mme Hélène Luc. Où est M. de Robien ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il règle ses problèmes avec François Bayrou !
M. François Goulard, ministre délégué. Aujourd'hui, deux enseignants sur trois ont fait le choix d'accueillir les élèves dans les établissements...
M. Robert Hue. C'est comme les chiffres de manifestants !
M. François Goulard, ministre délégué. ...et de les aider à progresser, ce qui est leur mission : ils ont fait ce choix et pas le choix de la grève ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Second constat, madame la sénatrice, nos compatriotes en ont assez des discours démagogiques et irresponsables. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Ceux qui sont dans la rue pour défendre leurs élèves, monsieur le ministre ?
M. François Goulard, ministre délégué. Nos compatriotes nous demandent de regarder les réalités en face, d'adapter les moyens aux besoins. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le droit de grève ?
M. François Goulard, ministre délégué. Dans le budget 2007, nous créons des postes dans l'enseignement...
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le ministre délégué au budget ne connaît même pas le salaire des enseignants, c'est une honte !
M. François Goulard, ministre délégué. ...et, bien sûr, nous réduisons le nombre de postes quand il y a une baisse des effectifs !
Mme Hélène Luc. Vous ne créez pas de postes, vous en supprimez ! Ayez le courage de dire la vérité !
M. François Goulard, ministre délégué. Cela s'appelle tout simplement du bon sens. C'est une gestion responsable des moyens publics au bénéfice des élèves et de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Madame la sénatrice, nous créons des postes,...
M. Paul Raoult. Il n'y a même plus de remplaçants !
M. François Goulard, ministre délégué. ...nous en créons 2 000 dans l'enseignement supérieur et dans la recherche parce qu'il y a là en effet des besoins.
Gilles de Robien crée 500 emplois dans le primaire. Pourquoi ? Parce qu'il y a une hausse des effectifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous avez dit qu'il y avait une baisse des effectifs !
M. Jacques Mahéas. Vous ne scolarisez plus les enfants de deux ans !
M. François Goulard, ministre délégué. Contrairement à ce que vous dites d'une manière totalement anormale, nous créons 466 emplois pour l'accueil des élèves handicapés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. Ils ne l'ont pas fait !
M. François Goulard, ministre délégué. Jamais on n'aura fait autant pour l'accueil des élèves handicapés dans le milieu scolaire !
Nous créons des postes de médecins, d'infirmières, d'assistantes sociales.
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Hélène Luc. Vous supprimez des postes de professeurs en terminale et en première !
M. François Goulard, ministre délégué. Oui, nous réduisons le nombre d'emplois dans le secondaire parce qu'il y a une baisse de 25 000 élèves, et il est normal d'agir ainsi.
M. Paul Raoult. Et dans l'enseignement technique ?
M. René-Pierre Signé. Et l'enseignement agricole ?
M. François Goulard, ministre délégué. Dans le même temps, grâce à la réforme des décharges de services, grâce à la suppression de certains surnombres, nous économisons des postes, si bien que les suppressions dont vous parlez concernent 1 700 postes sur un total de plus de 1,2 million. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
M. Alain Gournac. Ah !
M. François Goulard, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous parlez en réalité de 0,14 % des emplois de l'éducation nationale.
Mme Hélène Luc. Il est inadmissible de dire des contrevérités pareilles !
M. François Goulard, ministre délégué. C'est dire si votre comportement est excessif. Ce que nous voyons, nous, ce sont les améliorations du service public au bénéfice de tous les élèves. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Excellent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez raconter cela aux enseignants !
Mme Hélène Luc. Les enseignants vous répondent dans la rue aujourd'hui !
M. René-Pierre Signé. C'est un tissu de contrevérités !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez la grille des salaires au ministre délégué au budget !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de respect pour ceux qui interviennent.
Mme Hélène Luc. Il ne faut pas qu'ils disent des contrevérités !
M. le président. À quoi sert d'hurler ainsi ? Écoutez ! Je m'adresse en particulier à vous, monsieur Braye.
la situation au darfour
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Ma question s'adressait à M. le ministre des affaires étrangères, mais je suis heureux que ce soit Mme Colonna qui y réponde.
M. René-Pierre Signé. Il n'existe pas le ministre des affaires étrangères !
M. Jacques Pelletier. « Ce n'est pas une guerre silencieuse, c'est une guerre que nous ne voulons pas voir » a déclaré le président exécutif de l'Union africaine à propos de la situation au Darfour.
Force est de constater que les chefs d'États africains, réunis à la fin du mois de janvier en présence du secrétaire général de l'ONU, ne sont pas parvenus à des avancées décisives sur le déploiement d'une force ONU-Union africaine.
M. Ban Ki-moon, qui avait souligné la nécessité pour le Soudan de prendre des engagements concrets, semble avoir quitté Addis-Abeba, sans grand succès.
Ce constat est loin des propos optimistes que tenait le ministre des affaires étrangères, début janvier devant notre commission. Il affirmait alors que le renforcement de la force africaine par les Nations unies ne rencontrait plus aucun obstacle de principe. Ce n'est pas le sentiment que donne la lecture de la presse ces derniers jours.
L'accord de paix sur le Darfour, signé à Abuja en mai 2006, avait suscité un réel espoir. Néanmoins, les opérations militaires se poursuivent et on assiste toujours à une généralisation des violences, qui touchent non seulement les civils mais également les personnels des associations humanitaires.
D'ailleurs, estimant que l'équilibre entre les services rendus et les risques encourus était rompu, Médecins du Monde-France a décidé, le 20 janvier, de suspendre ses activités dans la province de l'ouest du Soudan. D'autres grandes ONG menacent de cesser les leurs.
Il faut désormais que la communauté internationale s'implique fortement pour un retour à la table des négociations de toutes les parties au conflit et trace une véritable feuille de route, sinon cette véritable catastrophe humanitaire continuera.
Des voix s'élèvent, notamment aux Etats-Unis, pour réclamer une intervention militaire.
M. Robert Hue. C'est évident !
M. Jacques Pelletier. D'autres s'étonnent que l'ONU n'impose pas de sanctions ciblées visant les responsables des violences.
Madame la ministre, quelle est votre position sur de telles propositions et quelles initiatives la France entend-elle prendre rapidement pour relancer le processus de paix ? Nous ne pouvons pas rester seulement préoccupés par cette guerre atroce bien que silencieuse, véritable génocide qui se poursuit depuis de nombreuses années dans une grande indifférence. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. Douste-Blazy, qui m'a chargée de vous répondre.
La France a été l'un des premiers pays à appeler l'attention du monde sur le drame qui se nouait au Darfour.
Aujourd'hui, notre priorité est double : améliorer la situation des populations et relancer le processus politique.
Sur le plan humanitaire, nous apportons un soutien actif aux efforts déployés par les agences des Nations unies et les 80 ONG actives au Darfour. Depuis 2004, à titre bilatéral et multilatéral, notre contribution s'élève à 76 millions d'euros. Nous ne relâcherons pas notre engagement.
Il faut aussi impérativement faire cesser les exactions sur les civils. Les quelque 8 000 hommes, militaires et policiers, déployés au Darfour par l'Union africaine, assurent une présence sans laquelle la sécurité des populations aurait été, sans nul doute, encore bien plus difficile qu'aujourd'hui.
Sur le plan politique, il est indispensable d'aller plus vite et plus loin, et dans quatre directions.
Premièrement, en recherchant une solution politique à la crise, sans laquelle il ne pourra y avoir ni cessez-le-feu effectif ni perspectives pour les millions de réfugiés, de déplacés et de personnes qui survivent grâce à l'aide humanitaire. L'ONU et l'Union africaine s'y emploient.
Deuxièmement, dans le même temps, il faut parvenir à un cessez-le-feu effectif. Le gouvernement du Soudan doit impérativement créer les conditions du dialogue, en ordonnant la suspension sans délai des attaques des milices supplétives et en mettant fin aux bombardements aériens.
Troisièmement, il faut accélérer le soutien de l'ONU à la force de l'Union africaine, puis au déploiement d'une force hybride Union africaine-Nations unies, qui ont été acceptés par les autorités soudanaises.
Quatrièmement, enfin, il faut déployer au Tchad et en Centrafrique, à la frontière avec le Soudan, une opération des Nations unies visant à sécuriser la zone frontalière.
Monsieur Pelletier, je tiens à vous assurer que notre diplomatie travaille sans relâche sur tous ces fronts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Humbert. Ma question s'adressait à Mme le ministre de l'écologie et du développement durable mais j'écouterai avec intérêt la réponse que me fournira Mme Colonna.
Le Président de la République est à l'origine de la conférence « Citoyens de la terre » et c'est de France que l'appel pour une gouvernance écologique mondiale a été lancé, et nous pouvons tous nous réjouir ici, tant il est des initiatives qui font date. Celle-ci est de toute première importance.
Je voudrais rendre hommage aux gouvernements qui, depuis 2003, se sont engagés en faveur de l'environnement, faisant franchir des étapes décisives pour notre pays. Je pense, en particulier, au plan Climat et à l'étape institutionnelle qui a permis de faire entrer dans la Constitution, en 2005, la Charte de l'environnement, ce qu'aucun autre avant cette date n'avait fait !
Il y a de quoi être marqué par la force des mots employés pour décrire les risques auxquels la terre est confrontée, les menaces qui guettent notre civilisation.
Mme Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, a rappelé récemment cette phrase issue d'un rapport de l'ONU : « 50 millions de personnes pourraient devenir des réfugiés climatiques d'ici à 2020 ».
La prise de conscience est exemplaire à l'issue des constats des scientifiques quant aux causes du réchauffement climatique. Quand bien même certains voudraient nous faire douter de la dangerosité des activités humaines au regard de ce phénomène, on peut se féliciter de la ténacité avec laquelle des politiques sont cependant imaginées.
Et c'est justement ce que je voudrais savoir, madame le ministre : quelles suites la France pourrait-elle donner à cet appel ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. René-Pierre Signé. Elle est polyvalente !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, Mme Nelly Olin vous prie de l'excuser, elle se trouve en ce moment même à Nairobi pour des négociations importantes sur l'environnement.
La conférence de Paris « Citoyens de la terre » pour une gouvernance écologique mondiale, qui s'est tenue la semaine dernière, a souligné, à la suite des travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GIEC, que le doute n'est désormais plus permis : le changement climatique est engagé, il nous menace et le développement de notre planète n'est plus soutenable.
Comme l'a indiqué M. le Président de la République, nous devons procéder à une véritable révolution des mentalités et des pratiques, pour passer à une économie du développement durable.
M. Jacques Mahéas. On aurait pu le faire en cinq ans !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Cela suppose aussi une révolution politique, qui placera l'environnement au coeur du système international du XXIe siècle. Tel est le sens de l'Appel de Paris qui a été adopté samedi par cette conférence et qui vise à transformer le Programme des Nations unies pour l'environnement, le PNUE, en Organisation des Nations unies pour l'environnement, l'ONUE.
À la suite de la conférence de Paris, un « groupe des amis de I'ONUE » a été créé, qui compte à ce jour quarante-huit membres. La première réunion de ce groupe aura lieu au Maroc au printemps 2007. La France compte proposer l'élargissement de ce « groupe des amis » à d'autres États ainsi qu'à la société civile.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, ce combat pour une révolution des consciences et de l'action progresse partout dans le monde. Je voudrais ajouter que l'Europe, qui était représentée en nombre à la conférence de Paris, y jouera un rôle crucial : le Conseil européen des 8 et 9 mars prochain évoquera d'ailleurs les thèmes de l'énergie et du réchauffement climatique avec, comme vous le savez, la proposition de diminuer à l'horizon 2020 les émissions de gaz à effet de serre de 20 % et jusqu'à 30 % en cas d'accord international.
Monsieur le sénateur, c'est l'honneur de la France, sous la conduite de M. le président de la République, de mener ce combat, car il y va, comme le dit l'Appel de Paris, de l'avenir de l'humanité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
les grèves dans la fonction publique
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Bariza Khiari. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique.
Monsieur le ministre, votre Gouvernement propose aux fonctionnaires et agents publics un marché de dupes qui porte sur la revalorisation salariale contre la réduction des effectifs.
En réalité, depuis 2002, ces personnels ont perdu plus de 5 % de leur pouvoir d'achat réel et ce n'est pas moins de 15 000 emplois nets qui seront supprimés en 2007, dont la moitié dans l'éducation nationale.
Enfin, dans un cadre de travail dégradé, où la précarité continue d'augmenter, vous ne cessez de les déconsidérer dans leurs missions.
C'est pour toutes ces raisons qu'ils sont dans la rue aujourd'hui.
Cette politique de dépeçage de l'emploi public est menée sans aucune réflexion sur l'adaptation du service public aux nouveaux besoins : environnement, aide à la personne, aide à l'éducation.
Vous confondez modernisation et réduction aveugle des moyens. Quoi qu'en dise M. Goulard, avec beaucoup de véhémence ou de conviction, c'est selon,...
Mme Bariza Khiari. ...notre système éducatif craque. L'échec scolaire n'a jamais été aussi important, avec toutes les conséquences négatives qui atteignent les familles et la société en général.
M. Dominique Braye. À cause de vous !
Mme Bariza Khiari. Le recul du service public dans les zones rurales et dans nos banlieues, où l'on évoque même des « territoires perdus de la République », a des effets dont nous avons tous mesuré l'ampleur lors des émeutes de 2005.
M. René-Pierre Signé. C'est une trahison de la République !
Mme Bariza Khiari. Le service public, c'est la concrétisation de la présence de la République auprès des citoyens, c'est l'expression de la solidarité effective ; c'est un formidable moteur de croissance, d'innovation et de bien-être. C'est pourquoi il faut le préserver, le défendre et valoriser ceux qui le font vivre.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
Mme Bariza Khiari. Au lieu de cela, votre majorité fait passer les agents publics pour des privilégiés (Oh ! sur les travées de l'UMP), responsables de la dérive des finances publiques.
M. Dominique Braye. C'est scandaleux !
Mme Bariza Khiari. Un ministre, et non des moindres, évoque en permanence le travail en se gardant bien de parler de l'emploi. Comment peut-on supprimer à tour de bras des emplois et, surtout, ne pas revaloriser les salaires tout en parlant de la valeur du travail ? C'est de la pure mystification !
M. Jacques Mahéas. C'est vrai !
M. René-Pierre Signé. Implacable !
Mme Bariza Khiari. Le même ministre propose de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux...
M. Didier Boulaud. C'est ce qui va arriver aux membres de la majorité : on va en remplacer un sur deux, et encore !
Mme Bariza Khiari. ...soit le non-remplacement de centaines de milliers d'emplois. Y aura-t-il moins d'infirmiers, moins de policiers, moins d'enseignants, moins de magistrats, ou alors, peut-être, plus de policiers et moins d'éducateurs ?
M. Christian Cointat. C'est une caricature !
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, ces choix vont déterminer la société de demain. Aussi la représentation nationale a-t-elle le droit de savoir quels secteurs seront touchés par cette politique de sabordage du service public...
M. Dominique Braye. C'est honteux !
Mme Bariza Khiari. ...et comment vous construirez, avec aussi peu de moyens humains, un État en phase avec les besoins croissants de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Josselin de Rohan. Caricature !
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Madame le sénateur, conseillère du XVIe arrondissement de Paris (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP)...
Mme Bariza Khiari. C'est facile !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la première fois que l'on entend cela !
M. Christian Jacob, ministre. Il faut être fier de ses mandats. Si tel n'est pas le cas, il ne faut pas les solliciter. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Propriétaire terrien !
M. Christian Jacob, ministre. Je vais vous répondre sur plusieurs points.
Je commencerai en évoquant le lien social qu'il a été nécessaire de réintroduire dans la fonction publique. (Vociférations sur les mêmes travées.) Vous avez échoué année après année. Depuis dix ans, dans la fonction publique, aucun accord sur le pouvoir d'achat n'avait été signé. (Brouhaha sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, le ministre, comme l'auteur de la question, doit s'exprimer dans le silence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un provocateur !
M. le président. Mme Khiari a posé une question, elle a le droit d'entendre la réponse !
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Jacob, ministre. Depuis dix ans, disais-je, aucun accord n'avait été signé.
Je vais citer trois dates. Le 25 janvier 2006, nous avons signé pour la première fois un accord sur le pouvoir d'achat avec trois organisations syndicales.
M. Bernard Frimat. Vous l'avez déjà dit hier à l'Assemblée nationale !
M. Christian Jacob, ministre. Le 21 novembre 2006, nous avons signé pour la première fois depuis dix ans un accord sur la formation.
M. Paul Raoult. L'enseignement agricole est dans la misère !
M. Christian Jacob, ministre. Enfin, le 17 janvier dernier, nous avons reçu l'approbation de trois organisations syndicales...
M. Jacques Mahéas. Lesquelles ?
M. Christian Jacob, ministre. ...pour une revalorisation du pouvoir d'achat.
Voilà ce que nous avons fait en moins d'un an et vous avez été incapables de le faire quand vous étiez au pouvoir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aucun accord salarial n'a été signé, voilà la vérité !
M. Christian Jacob, ministre. En matière d'action sociale, jamais les fonctionnaires n'ont été aussi méprisés que lorsque vous étiez au pouvoir. (Très bien ! sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Le budget de l'action sociale était à l'abandon complet.
M. Bernard Piras. Menteur !
M. Christian Jacob, ministre. Avec nous, le budget de l'action sociale a augmenté de 25 % en 2006 et il progressera de 52 % en 2007. Cela se traduit par 2 500 places de crèches réservées aux enfants de fonctionnaires, par 1 000 logements supplémentaires mis à la disposition des fonctionnaires.
M. Jacques Mahéas. Il n'y a donc pas de crise du logement ?
M. Christian Jacob, ministre. Cela se traduit aussi par une augmentation de 20 % de l'aide à l'installation des fonctionnaires, l'AIP, pour tous les jeunes fonctionnaires qui prennent leur premier poste. (M. Alain Gournac applaudit.) Dans vingt régions françaises qui étaient dépourvues de toute aide à l'installation pour les fonctionnaires, cela se traduit par la création de cette AIP de 350 euros.
M. Dominique Braye. Ils ont perdu les fonctionnaires !
M. Christian Jacob, ministre. Voilà ce que nous avons fait et voilà l'échec qui a été le vôtre pendant toutes les années où vous avez été au pouvoir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Texier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Philippe Nogrix applaudit également.)
M. Yannick Texier. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Monsieur le ministre, en 2006 et pour la quatrième année consécutive, le chômage a baissé dans notre pays.
M. Christian Demuynck. Effectivement !
M. Yannick Texier. En un an, le taux de chômage a diminué de 10 %, passant de 9,6 % à 8,6 %, atteignant ainsi son plus bas niveau depuis juillet 2001.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Personne ne le croit !
M. Jacques Mahéas. L'INSEE n'est pas d'accord !
M. René-Pierre Signé. Il y a 4,5 millions de chômeurs !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut compter les RMIstes !
M. Yannick Texier. Ces très bons résultats - qui sont incontestables puisque la méthode statistique employée n'a jamais changé et est la même, par exemple, que sous le gouvernement de Lionel Jospin - sont non pas le fruit du hasard, mais la conséquence de la mobilisation du Gouvernement autour du plan d'urgence pour l'emploi et des lois que nous avons adoptées ici même.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Arrêtez !
M. Yannick Texier. Je prendrai ainsi l'exemple de trois lois que nous avons adoptées en 2005.
La loi de sauvegarde des entreprises, qui a permis de sauver 11 000 emplois en 2006. La loi pour la confiance et la modernisation de l'économie et la loi en faveur des petites et moyennes entreprises, lesquelles ont permis de rétablir un climat de confiance pour les entrepreneurs qui, rappelons-le, sont les premiers créateurs d'emplois.
M. René-Pierre Signé. Il n'est jamais allé sur le terrain !
M. Yannick Texier. Ces trois textes ont permis de véritablement dynamiser la création d'entreprises, et la promesse très ambitieuse du Président Jacques Chirac de créer un million d'entreprises nouvelles en cinq ans a ainsi été tenue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah bon ?
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Yannick Texier. Les investissements étrangers directs en France, en hausse de près de 40 % - et cela ne se sait que trop peu -,...
M. Jacques Mahéas. Les fonds de pension américains sont là !
M. Yannick Texier. ...et ce grâce à une série de mesures gouvernementales adoptées en mai 2006, ont permis la création de plus de 35 000 emplois en 2006.
M. René-Pierre Signé. Il n'aura pas besoin de réponse !
M. Bernard Frimat. Il fait les demandes et les réponses !
M. Yannick Texier. Le pragmatisme en ce domaine, qui marque l'action gouvernementale depuis 2002, donne, on le voit bien, de bons résultats. (Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. On verra les élections !
M. Yannick Texier. Ce pragmatisme repose sur une idée forte développée par Nicolas Sarkozy, à savoir que le vrai capitalisme, pas celui de la financiarisation à tout va ni du libéralisme à outrance, mais celui qui respecte et encourage l'homme, est porté par une éthique.
M. René-Pierre Signé. Tu parles !
M. Yannick Texier. Celle d'un capitalisme catalyseur d'énergies individuelles, où l'État ne joue qu'un rôle régulateur.
M. René-Pierre Signé. Qu'est-ce que c'est que ce discours ?
M. Yannick Texier. À l'opposé de cette éthique, l'idéologie socialiste a sans cesse dévalorisé le travail et stigmatisé l'entrepreneur (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), l'opposant systématiquement au salarié dans une lutte des classes d'un autre âge. Cette vision de gauche a, durant des années, causé un mal considérable à notre économie comme à notre société. (M. Bernard Frimat s'exclame.)
Rappelons-nous cette réponse extravagante de Mme Martine Aubry, en 2004, à la mission parlementaire sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales des 35 heures : « Je reste très fière d'être l'auteur de ces lois », alors même que leurs conséquences désastreuses sur notre économie et sur tout l'environnement du travail étaient flagrantes.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Texier !
M. Yannick Texier. Monsieur le ministre, au vu des très bons résultats du chômage, je souhaite que vous nous fassiez part de vos prévisions pour les mois à venir. Peut-on ainsi espérer bientôt combler notre retard en matière d'emploi par rapport à nos voisins européens les plus performants, qui ont su, malgré le contexte mondialisé de l'économie, et parce qu'il n'y a pas de fatalité en ce domaine mais seulement de mauvaises politiques, remettre le travail au coeur de leur choix de société. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Lorsque vous dépassez votre temps de parole, vous pénalisez un autre orateur. Je vous invite donc à faire preuve de solidarité.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Texier, en 2006, 10 % de chômeurs en moins,...
M. René-Pierre Signé. Il ne le croit pas !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...soit 231 000 hommes et femmes qui ne sont plus demandeurs d'emploi.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Ils sont devenus RMIstes !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En vingt-deux mois, ce sont au total 380 000 hommes et femmes qui ne sont plus demandeurs d'emploi.
M. Bernard Piras. Et combien de RMIstes en plus ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons également enregistré en 2006 une diminution du nombre de celles et de ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi, je veux parler des chômeurs de longue durée. Là, la baisse est encore plus importante, puisqu'elle atteint près de 13 %. Une baisse que nous devons accentuer.
Nous avons également constaté une baisse de 8 % du taux de chômage des handicapés, baisse qu'il nous faut aussi amplifier. Philippe Bas et moi-même avons d'ailleurs rencontré ce matin même l'ensemble des acteurs concernés.
Tels sont les chiffres et il est inutile de polémiquer sur le baromètre car il n'a pas changé depuis 1995.
M. René-Pierre Signé. Allez sur le terrain !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Y a-t-il des offres d'emploi durable, demandent certains ? Oui, nous enregistrons une augmentation de 7,8 % du nombre des CDI et des CDD de plus de six mois dans les offres d'emploi de 2006. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Pourquoi de tels résultats ? Ces résultats s'expliquent tout d'abord par des réformes structurelles sur le service public de l'emploi. (M. René-Pierre Signé s'esclaffe.) Des demandeurs d'emploi sont reçus chaque mois. En 2002, nous recevions six millions de demandeurs d'emploi par an. En 2006, nous en avons reçu dix-sept millions, parce que, mois après mois, les femmes et les hommes sont accompagnés.
M. René-Pierre Signé. Et alors ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, 200 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand.
M. Jacques Mahéas. Et les radiations ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En outre, 232 000 entreprises ont été créées.
Vous avez souhaité connaître nos prévisions. La priorité du Gouvernement est d'atteindre, à la fin de l'année 2007, un taux de chômage oscillant autour de 8 %. Mais la vraie priorité, c'est de sortir enfin de vingt-cinq années de chômage structurel...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...où les uns et les autres se sont confortés dans des approches qui omettaient de reconnaître que la formation des hommes et la création de richesses permettaient la création d'emplois. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Il n'en pense pas un mot !
M. Jacques Mahéas. Six millions d'emplois ont été créés sous le gouvernement de Lionel Jospin.
desserte en électricité dans les zones rurales
M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne.
M. Michel Moreigne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Plusieurs dizaines de milliers de foyers du département que j'ai l'honneur de représenter ont été touchés, du 22 au 30 janvier, par des chutes abondantes de neige collante, bloquant les routes et brisant les réseaux d'EDF et de France Télécom, mal remis des tempêtes de 1999.
Le ministère de l'industrie avait alors confié au conseil général des mines une réflexion sur les enseignements à tirer de ces catastrophes.
En définitive, l'accord « Réseaux électriques et environnement » prévoyait de déposer chaque année au moins 2 000 kilomètres de réseaux moyenne tension d'ossature en zone boisée et 8 000 kilomètres de réseau aérien à basse tension en fils nus, à remplacer par du câble isolé torsadé.
À la fin de 2003, dans le Limousin - Creuse, Corrèze et Haute-Vienne -, 36 kilomètres de réseaux moyenne tension avaient été enfouis en zone boisée et 82 kilomètres de réseaux basse tension en fils nus avaient été déposés. Reconnaissez que c'est peu.
Puis cet accord a été renégocié et un plan « Aléas climatiques extrêmes » a été rendu public par votre ministère. Il indiquait qu'un certain nombre de mesures seraient prises, visant à faire en sorte que nos concitoyens ne puissent subir aucune rupture sérieuse d'approvisionnement en énergie. De quoi parlait-on ?
Quels enseignements tirez-vous des ruptures d'approvisionnement électrique qui ont frappé ces dizaines de milliers de foyers du 22 au 30 janvier dernier, non seulement en Creuse et dans le Limousin, mais aussi, par exemple, en Bourgogne, et notamment dans la Nièvre ?
M. René-Pierre Signé. Absolument !
M. Michel Moreigne. La modernisation et la protection des infrastructures d'approvisionnement en électricité renvoient, bien évidemment, à la question de l'avenir du service public et à la programmation des investissements.
Un plan de sécurisation des établissements sensibles a-t-il été envisagé ?
M. René-Pierre Signé. Bien sûr que non !
M. Michel Moreigne. Pouvez-vous répondre aux inquiétudes et à la colère des Creusois et de leurs élus au sujet du retrait de la présence territoriale d'EDF et de la baisse des investissements consacrés aux infrastructures constatée depuis 2003 ?
J'apporterai un seul bémol à mon propos. Sous l'autorité du préfet, auquel je rends hommage, la mobilisation, pendant près d'une semaine, de 520 agents d'EDF, 220 agents de France Télécom, 280 agents de la DDE, 11 personnels du Loir-et-Cher, 91 personnels de la sécurité civile, de la totalité du SDIS de la Creuse, de 100 militaires du génie en manoeuvre à La Courtine, des gendarmes du groupement de la Creuse, sans oublier celle des élus, a permis de pallier cette crise en rétablissant les réseaux.
M. Josselin de Rohan. Merci Sarko !
M. Michel Moreigne. Eu égard aux moyens humains et matériels déployés, dont vous pouvez facilement chiffrer le coût, monsieur le ministre - je vous fais confiance sur ce point ! -, n'aurait-il pas été plus judicieux de mener une politique de prévention en réalisant des investissements suffisants et en maintenant le service public - ce sont vos propres préconisations ! -, au lieu de fermer de nombreux établissements locaux d'EDF ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. C'était très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, votre question, c'est un fait, est très précise. Elle traduit la situation à laquelle a été confronté le département de la Creuse au mois de janvier dernier, au cours duquel l'enneigement, particulièrement abondant, puisqu'il a atteint plus de 80 centimètres, a été accompagné de températures négatives qui sont descendues jusqu'à 14 degrés au-dessous de zéro. Comme vous le savez, ce sont 35 000 habitants dont l'approvisionnement en électricité a été perturbé ou qui en ont été privés. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Près de 4 000 kilomètres de lignes électriques ont été touchés.
Cependant, comme vous l'avez dit, bien qu'EDF soit une entreprise cotée, qui a fait appel au marché pour disposer de capitaux importants destinés à l'investissement, elle s'est formidablement mobilisée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vraiment osé !
M. Robert Hue. Allez le dire aux personnes touchées !
M. Thierry Breton, ministre. À ce titre, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à lui rendre hommage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Venus de toutes les régions, 400 agents d'EDF ont travaillé dans le département. Vous avez parlé, monsieur Moreigne, de 520 personnes. Pour ma part, j'en ai identifié 400, ce qui est déjà beaucoup.
M. Michel Moreigne. Ce sont les chiffres donnés par le préfet !
M. Thierry Breton, ministre. Par ailleurs, le préfet, auquel vous avez eu raison de rendre hommage, a mobilisé tous les services de l'État, y compris des hélicoptères appartenant à la gendarmerie, afin d'identifier tous les problèmes.
M. Jacques Mahéas. En supprimant un fonctionnaire sur deux, il n'y aura bientôt plus d'hélicoptères !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les préfets ne sont pas électriciens !
M. Thierry Breton, ministre. En moins de six jours, la mobilisation a permis de rétablir l'ensemble du réseau. Oui, aujourd'hui, RTE, Réseau de transport d'électricité, est doté de capacités d'investissement très importantes pour moderniser le réseau sur une période de dix ans et EDF dispose de capacités significatives pour faire face au défi énergétique.
Entre parenthèses, quand j'entends aujourd'hui certains ou certaines critiquer le programme nucléaire et prévoir l'arrêt de 50 % de la production du pays dans ce domaine, je leur réponds, et vous vous joignez certainement à moi : c'est irresponsable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Philippe Nogrix et Bruno Retailleau applaudissent également.)
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Oui, monsieur le sénateur, aujourd'hui, je peux rendre hommage aux salariés d'EDF et aux services de l'État qui se sont mobilisés auprès de l'ensemble des habitants de notre pays pour faire face à ces défis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert Hue. Les salariés refusent votre hommage !
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, il ne se passe pas une journée sans que les journaux spécialisés relatent un cas de dopage dans le sport de haut niveau. Ce fléau est en train de dénaturer le sport, que nous aimons tous.
Notre Tour de France et notre cyclisme sont bien malades, après huit épreuves où les « vainqueurs » ont été contestés, après les scandales Festina de 1998 et l'affaire Cofidis, plus récente, sans parler des récents aveux du champion flamand Johan Museeuw.
Mais le dopage, mes chers collègues, touche tous les sports, y compris le sport amateur.
M. François Marc. Et même la politique !
M. Alain Dufaut. Pour lutter contre ce fléau, le Sénat a adopté en octobre 2005, sur votre initiative, monsieur le ministre, le projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.
Voilà seulement deux semaines, le jeudi 25 janvier, nous votions ici même, à l'unanimité, le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.
Par ailleurs, vous avez récemment été élu au poste de vice-président de l'Agence mondiale antidopage, l'AMA. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Nous ne pouvons que nous féliciter de la nomination d'un ministre français à ce poste éminent.
M. René-Pierre Signé. Il a trouvé une reconversion !
M. Robert Hue. Il ne sera pas au chômage !
M. Alain Dufaut. En fait, monsieur le ministre, vous avez fait de la lutte contre le dopage l'une des priorités de votre action ministérielle. Votre implication personnelle dans ce combat a toujours été totale et déterminée.
Au moment même où vient de se clore, à Paris, le comité de suivi de la convention internationale contre le dopage dans le sport, qui s'est tenu lundi, mardi et mercredi, pouvez-vous faire le point sur les évolutions internationales en la matière et les améliorations qui seront apportées en vue d'une plus grande efficacité du code mondial antidopage ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pouvez remercier Mme Buffet !
Mme Hélène Luc. Elle l'a bien aidé !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous êtes un fin connaisseur de la lutte antidopage. Vous étiez d'ailleurs, avec Mme Luc, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport. Vous savez donc à quel point il est nécessaire de faire évoluer en permanence la lutte antidopage.
La convention à laquelle vous avez fait référence permet justement une telle évolution. Le code mondial antidopage rend possible l'application, dans tous les pays, pour tous les sports, des mêmes standards, ce qui nous permettra de traquer, partout dans le monde, les sportifs qui cherchent à se doper et ceux qui les aident.
Vous citiez fort justement l'actualité récente, qui concerne l'athlétisme français, lequel est très touché par ce fléau. Il faut que la Fédération se mobilise et intervienne, à son niveau, car il y a malheureusement de nombreux cas à déplorer. Une athlète vient de se faire appréhender, à Roissy, avec un certain nombre de produits interdits dans ses bagages. C'est la démonstration que la lutte antidopage ne peut s'effectuer qu'au niveau international.
La convention internationale contre le dopage dans le sport a été ratifiée par quarante-six États, dont la France - vous en avez été les acteurs, mesdames, messieurs les sénateurs.
Elle nous permettra d'harmoniser nos procédures et nos dispositifs et de faire évoluer le code mondial antidopage. Au moment de la conférence organisée par l'AMA à Madrid en novembre prochain, nous pourrons, par exemple, alourdir les sanctions, notamment la durée de la suspension, qui passera de deux ans à quatre ans. C'est un élément important pour punir non seulement ceux qui se dopent, mais aussi qui font tout pour mettre en place un système de dopage dans leur activité.
Monsieur Dufaut, il s'agit pour nous d'un enjeu majeur : c'est l'exemplarité du sport et la préservation de la santé des sportifs qui est en jeu. Vous qui connaissez parfaitement les clubs sportifs avignonnais, vous savez que c'est dans ces structures que se dessinent les bases de la pratique sportive. C'est là, en effet, que les éducateurs, les bénévoles, s'engagent et que les jeunes apprennent à respecter les règles. Si nous ne luttons pas efficacement contre le dopage, c'est tout le sport qui est en danger.
Voilà pourquoi cette convention est importante. Voilà pourquoi nous devons poursuivre ensemble nos efforts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
application et bilan de la loi sur le handicap
M. le président. Monsieur Revet, avant de vous donner la parole, je vous demande, comme au ministre qui vous répondra, de respecter rigoureusement le temps imparti.
Vous avez la parole, mon cher collègue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Revet. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
Le handicap est un défi majeur pour notre société, et chacun de nos concitoyens, pour lui-même, un membre de sa famille ou un proche, peut s'y trouver confronter, quel que soit le type de handicap. Le vieillissement de la population ne fera d'ailleurs qu'accentuer cette situation.
La France compte cinq millions de personnes handicapées physiquement ou mentalement. C'est devant ce constat et la situation difficile que cela a engendré pour les personnes elles-mêmes et leur famille que notre assemblée a proposé et décidé la création d'une prestation spéciale dite prestation spécifique dépendance, qui a ensuite été transformée en allocation personnalisée d'autonomie.
M. Bruno Sido. Financée, elle !
M. Charles Revet. Monsieur le ministre délégué, l'attention que vous portez à ces problèmes majeurs pour la société vous amène à rencontrer des personnes oeuvrant dans ce domaine : c'est ce que vous ferez samedi prochain en vous rendant en Seine-Maritime, où vous rencontrerez des représentants de la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, et de l'APAEI, l'Association de parents et amis d'enfants inadaptés.
La non-discrimination des personnes handicapées a été l'un des trois grands chantiers prioritaires souhaités par le Président de la République, chantier qui a trouvé sa traduction législative dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Monsieur le ministre délégué, si l'allégement des démarches administratives, la création de maisons départementales des personnes handicapées ou encore l'accessibilité aux transports deviennent des réalités pour les personnes handicapées, pouvez-vous nous dire, deux ans après l'adoption de cette loi, à quel stade en sont les applications concrètes et quelles perspectives se dessinent pour les personnes et les familles concernées par ce douloureux problème du handicap ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Revet, oui, je serai samedi en Seine-Maritime,...
M. Jacques Mahéas. Ils sont au moins d'accord entre eux !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...comme je me suis rendu l'an dernier dans soixante-douze départements de France,...
Mme Nicole Bricq. Il en manque !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...pour veiller à la bonne application de cette grande loi de la République, voulue par le chef de l'État lui-même et destinée à relever le défi de la citoyenneté des personnes handicapées, afin de faire en sorte que la différence des uns ne vienne plus buter sur l'indifférence des autres.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
Mme Hélène Luc. On ne dispose pas de tous les crédits nécessaires pour l'appliquer !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Les maisons départementales des personnes handicapées ont été ouvertes dans tous les départements.
Par ailleurs, 60 000 personnes ont fait une demande de prestation de compensation du handicap au cours du second semestre de 2006 et plus de 18 300 réponses positives ont déjà été envoyées.
En ce qui concerne l'éducation nationale, alors que 90 000 enfants handicapés étaient auparavant inscrits à l'école de la République, leur nombre a atteint 160 000 à la rentrée 2006.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Hélène Luc. Il manque des auxiliaires de vie scolaire et des éducateurs pour encadrer les enfants !
M. Philippe Bas, ministre délégué. S'agissant de l'emploi, M. Larcher l'a rappelé tout à l'heure, la mobilisation est sans précédent pour favoriser l'emploi des personnes handicapées.
Oui, cette grande loi est aujourd'hui en application. Et nous ne nous arrêtons pas là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Calmez-le !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Au cours de cette année de débat national, nous avons voulu aménager les bureaux de vote pour les personnes handicapées, afin de favoriser l'exercice de leur devoir électoral.
Par ailleurs, j'ai écrit aux présidents des chaînes de télévision, pour que les programmes de la campagne électorale officielle soient sous-titrés. J'invite également tous les candidats aux élections législatives à utiliser les dispositifs techniques permettant aux personnes malentendantes d'assister aux réunions publiques.
Mme Catherine Tasca. Il fallait le faire il y a cinq ans !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Nous ferons également en sorte que les places en établissement soient plus nombreuses.
De 2002 à 2007, nous avons créé exactement deux fois plus de places en établissements pour personnes handicapées qu'au cours de la période 1997-2002 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Calmez-vous !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, c'est vous qui l'avez permis. Je tenais à vous en remercier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Dominique Braye. On est en avance sur l'horaire !
M. le président. Non, monsieur Braye, nous ne sommes pas en avance ! M. le ministre délégué n'a disposé que de deux minutes !
Je souhaite à l'avenir que tout le monde respecte son temps de parole afin que chacun puisse bénéficier de la retransmission télévisée.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
ORGANISME extraPARLEMENTAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger en tant que membre suppléant au sein de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des lois à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
6
DÉPÔT De RAPPORTs DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports sur la mise en application de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole et de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils seront transmis respectivement à la commission des affaires économiques et à la commission des affaires sociales, et seront disponibles au bureau de la distribution.
7
équilibre de la procédure pénale
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.
Articles additionnels avant l'article 6 (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 6.
L'amendement n° 70 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La personne gardée à vue est également immédiatement informée qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le droit accordé à la personne placée en garde à vue de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées pendant ce laps de temps a été introduit par l'article 8 de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la prévention d'innocence et les droits des victimes.
Je tiens d'ailleurs à préciser qu'un amendement, déposé à l'époque par M. Devedjian, allait plus loin encore puisqu'il tendait à octroyer à la personne gardée à vue le droit de garder le silence. Il faut croire que la majorité était favorable au renforcement des droits de la défense !
Force est de le constater, les temps ont bien changé et, depuis 2002, les coups portés aux droits fondamentaux et aux libertés individuelles sont nombreux.
L'obligation imposée aux officiers de police judiciaire d'informer une personne placée en garde à vue de son droit de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées a constitué, du point de vue du respect de la présomption d'innocence, un ajout important. Il est conforme à une conception beaucoup plus active des droits de la défense et exclut tout moment de surprise amenant une personne oubliant qu'elle a le droit de garder le silence à répondre.
Les arguments opposés à l'époque ont consisté à soutenir que le droit de garder le silence, d'une part, allait empêcher les policiers de faciliter la manifestation de la vérité et, d'autre part, existait de toute manière.
Ce dernier argument n'était pas recevable. Si ce droit existait dans les faits, il était cependant légitime de l'inscrire dans le code de procédure pénale, pour clarifier la situation.
Quant à l'argument relatif à la manifestation de la vérité, lorsque l'on sait dans quelles conditions se déroulent certaines gardes à vue et comment les aveux sont parfois extorqués à la personne mise en cause, reconnaître à cette dernière qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées constitue une garantie essentielle contre d'éventuels abus.
Malheureusement, ce droit fut supprimé par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Cette suppression, selon nous, ne fait que rallonger la liste des nombreuses atteintes portées à la présomption d'innocence et aux droits de la défense par le Gouvernement depuis 2002.
L'examen du projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale est donc l'occasion, mes chers collègues, de vous proposer de rééquilibrer la balance des droits fondamentaux en faveur des personnes mises en cause, en l'occurrence, celles qui sont placées en garde à vue.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame Borvo Cohen-Seat, les propositions que vous faites, tant dans l'amendement n° 70 rectifié que dans les quatre amendements suivants, n'ont pas fait l'objet d'une étude par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau. En effet, cette commission n'a pas mis en cause les gardes à vue effectuées lors de cette affaire.
Quoi qu'il en soit, le projet de loi que nous examinons contient une modification très importante en matière de garde à vue puisqu'il prévoit l'enregistrement des interrogatoires effectués au cours de cette période. Une telle mesure répond en partie à votre préoccupation. La commission des lois considère qu'il n'est pas opportun de modifier davantage la procédure. Aussi, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Mme Borvo Cohen-Seat présente régulièrement cette disposition et obtient à chaque fois la même réponse de la part du Gouvernement : avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le garde des sceaux n'occupera plus ses fonctions actuelles lorsque nous obtiendrons ce que nous demandons en effet avec insistance et depuis fort longtemps, à moins qu'on ne l'obtienne avant !
Selon la commission d'enquête précitée, la solution consisterait à instaurer des pôles de l'instruction. Or, nous savons fort bien qu'ils ne seront mis en place qu'à la Saint-Glinglin ! Par ailleurs, des enregistrements obligatoires seraient réalisés. Or, nous savons que des enregistrements ont été effectués lors de l'affaire d'Outreau et qu'ils étaient d'ailleurs obligatoires lors de l'audition de mineurs. Apparemment, - et c'est la seule leçon que j'ai retenue de cette affaire - le juge n'a pas regardé les nombreuses bandes dont il disposait, non plus que le procureur de la République ou toute autre personne. Par conséquent, il ne sert à rien de procéder à de tels enregistrements.
En revanche, la présence de l'avocat à tout moment, notamment dès le début de la garde à vue, est une mesure indispensable, que nous ne cesserons pas de réclamer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça va venir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette mesure avait été adoptée par le Sénat et par l'Assemblée nationale voilà longtemps, monsieur le garde des sceaux. Mais elle a été supprimée par la suite. Elle sera de nouveau adoptée, lorsque vous aurez laissé la place à ceux qui vous succéderont. Cette question extrêmement importante ne mérite pas d'être traitée comme vous le faites !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 71 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 63-4 - Dès le début de la garde à vue ainsi qu'à l'issue de la vingtième heure, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
« Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
« L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
« À l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.
« L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.
« Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la douzième heure, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, l'argument que vous m'avez opposé et selon lequel notre proposition ne figure pas dans le rapport de la commission d'enquête ne tient pas. En effet, si cette commission a formulé quatre-vingts propositions, elles n'ont pas toutes été reprises. Pour ma part, je vous propose une mesure qui vise à renforcer les droits de la défense. Ne me rétorquez pas, pour vous y opposer, qu'elle n'a pas été suggérée par la commission d'enquête ! Pour des raisons qui vous concernent, vous ne souhaitez pas l'adoption d'une telle mesure, c'est tout !
Avec l'amendement n° 71 rectifié, nous abordons, une nouvelle fois, la question de la présence de l'avocat.
Les avocats ne sont admis, pendant la garde à vue, que depuis 1993. Mais leur rôle a été limité par les textes, tout autant que le moment de leur arrivée, qui a fait l'objet de nombreuses modifications législatives, comme chacun le sait.
En 1993, les avocats ne sont admis qu'à partir de la vingtième heure. Il n'était donc pas rare de voir des gardes à vue prendre fin au bout de la dix-neuvième heure.
La loi du 15 juin 2000 a institué un bouleversement en permettant à l'avocat d'être présent dès le début de la garde à vue ainsi qu'à l'issue de la vingtième heure.
Hélas ! - et c'est désormais une habitude - si la loi Perben II a bien conservé la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, elle a non seulement supprimé son intervention à la vingtième heure, mais aussi retardé cette assistance dans les affaires de terrorisme, de blanchiment d'argent ou de grande criminalité. Dans ces derniers cas, la première intervention de l'avocat ne peut avoir lieu qu'à l'issue de la trente-sixième heure de garde à vue.
Par conséquent, compte tenu des amendements que nous avons déjà défendus et qui tendent à renforcer les droits de la défense, vous comprendrez pourquoi nous avons tenu à réécrire l'article 63-4 du code de procédure pénale, afin de supprimer les dispositions introduites par la loi Perben II.
Selon nous, ce dernier texte traduit une défiance à l'égard de l'avocat, suspecté de nuire à la spontanéité de l'enquête et à la manifestation de la vérité. L'avocat peut, par exemple, rappeler à son client que celui-ci a le droit de garder le silence. Il a d'ailleurs tout intérêt à le faire puisque les policiers ne sont plus soumis à l'obligation d'informer de ce droit la personne gardée à vue. Il est donc important que l'avocat soit présent pour l'en informer. Ou alors, il aurait fallu adopter notre amendement précédent.
Il convient de rappeler les conditions de la garde à vue, qui ne visent souvent qu'à déstabiliser la personne afin de lui extorquer des aveux. La pression est telle que certaines personnes mises en cause avouent des faits qu'elles n'ont pourtant pas commis.
L'enregistrement audiovisuel prévu à l'article 6 est certes une mesure intéressante, mais elle ne peut remplacer la présence de l'avocat. Cette présence permet, incontestablement, de renforcer les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure pénale, ce qui est précisément l'objet du chapitre III du projet de loi.
Plus l'intervention de l'avocat sera fréquente, plus tôt la défense pourra agir sur l'orientation initiale de l'enquête, qui a bien évidemment des conséquences sur l'instruction.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voulons rétablir ce droit fondamental pour la personne placée en garde à vue, quoi qu'elle ait fait.
M. le président. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il assiste à tous les interrogatoires effectués pendant la garde à vue et des confrontations. »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Mon ami Michel Dreyfus-Schmidt a très bien expliqué les raisons pour lesquelles, depuis fort longtemps, nous oeuvrons en faveur de la présence de l'avocat pendant la garde à vue et les confrontations. Point n'est besoin de plus amples explications.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. François Zocchetto, rapporteur. De façon à éviter tout quiproquo, je veux donner lecture de la première phrase de l'article 63-4 du code de procédure pénale : « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. » Par conséquent, il ne faudrait pas faire croire que la personne mise en cause ne peut pas bénéficier des services d'un avocat.
D'ailleurs, tout avocat qui se respecte doit indiquer à son client que celui-ci a le droit de garder le silence. L'amendement n° 70 rectifié est donc sans objet si l'avocat fait correctement son travail.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a des exceptions !
M. François Zocchetto, rapporteur. L'avocat intervient dès le début de la garde à vue. Si celle-ci est prolongée, il peut de nouveau intervenir, c'est-à-dire à la vingt-quatrième heure. La commission ne souhaite pas revenir sur ce système et émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 71 rectifié et 97 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement n 71 rectifié prévoit un changement d'horaire pour la présence de l'avocat. Madame Borvo Cohen-Seat, vous voulez revenir à la situation antérieure. Or cela ne va pas dans le sens des propositions que vous défendez. En effet, précédemment, l'avocat n'était pas présent à un moment clé de la garde à vue, à savoir lors de sa prolongation. Honnêtement, du point de vue des droits de la défense, votre proposition n'est pas une bonne idée. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 97 rectifié, il prévoit la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue. M. le rapporteur a rappelé l'avancée considérable que constitue pour les droits de la défense l'enregistrement de la garde à vue et de l'audience par le juge d'instruction. Tout le monde trouve cette mesure facile et normale. Mais si le Gouvernement avait affirmé voilà un an qu'il mettrait en place une telle disposition, personne n'aurait cru que cela serait possible ! C'est une réforme considérable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On verra !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je suis quelque peu étonné. En effet, lors de l'adoption des lois pénales de 1993 et de 2000, alors que vos amis étaient au gouvernement, vous n'avez pas demandé que soit imposée la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est typiquement le genre de disposition que l'on présente seulement quand on est dans l'opposition. Si vous n'avez pas été suivi, c'est parce que le gouvernement de l'époque avait un sens aigu des responsabilités - que je tiens à saluer. Effectivement, une telle mesure n'est pas raisonnable. De plus, elle est inégalitaire parce que, lors d'une garde à vue de nuit, les personnes les moins fortunées ne pourront pas se faire assister par leur avocat.
M. Dominique Braye. Cela ne vous gêne pas ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cela ne vous gêne pas, en effet, car vous n'êtes pas forcément les défenseurs des plus modestes. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Non, vous défendez des principes. Or les principes s'accrochent à des réalités, et, en l'occurrence, la réalité c'est une inégalité.
Il ne faut pas accentuer l'inégalité ; il faut, au contraire, permettre à chaque citoyen de bénéficier d'une justice bien rendue et aux enquêteurs d'accéder à la vérité, le but n'étant pas non plus d'empêcher ces derniers de la découvrir.
J'émets donc un avis défavorable. Je constate que les gouvernements, quels qu'ils soient, s'opposent toujours à ce type d'amendement.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je ne pensais pas intervenir à nouveau sur cette question, mais les propos de M. le garde des sceaux m'amènent à le faire.
Ce que je viens d'entendre est tout à fait singulier et vraiment étonnant : monsieur le garde des sceaux, selon vous, quel est le rôle de l'avocat lors d'une garde à vue ? Joue-t-il le même rôle que lorsqu'il est dans un cabinet d'instruction ?
Pas du tout ! Lors de la garde à vue, l'avocat écoute, enregistre ce qui est dit ; sa présence assure un parfait contrôle de légalité et une sécurité, pour tous les intervenants, très supérieure à celle qu'apporterait une machine, que nul n'est absolument certain de pouvoir installer avec succès dans tous les lieux où interviennent les gardes à vue. Vous savez comme moi ce qui s'est passé dans le cas de l'enregistrement de gardes à vue de mineurs !
Ici, il s'agit simplement de prévoir la présence d'un avocat afin que soit assuré à toute personne placée en garde à vue le contrôle de légalité. Nous ne nous plaçons pas dans le cas de l'instruction.
Ne plaisantons pas au sujet des avocats - ce serait désagréable pour eux ! - en disant que des avocats de premier rang seront réservés, notamment, aux vedettes de cinéma qui auront eu des problèmes avec la police. Non ! Un avocat sera là, dont le rôle ne sera certes pas considérable, je le reconnais, mais sera à tous égards sécurisant.
Ce n'est pas nouveau ni original. Je rappelle que cela se pratique déjà dans un grand nombre de pays de l'Union européenne et que la Cour européenne des droits de l'homme a pris position sur ce point.
Nous demandons uniquement que l'avocat soit présent, et non, contrairement à ce que beaucoup d'avocats croient, qu'à cette occasion la police judiciaire révèle les résultats de son enquête.
Il faut toujours se souvenir de ceci : une chose est la présence d'un avocat dans un commissariat de police où a lieu un interrogatoire, une autre est la révélation des éléments qui se trouvent dans le dossier de l'enquête - ce que les Britanniques nomment disclosure. Il ne faut pas confondre les deux.
La présence de l'avocat est une sécurité pour tous, et tous les avocats peuvent parfaitement l'assurer.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Je ferai remarquer, aux auteurs de cet amendement, en particulier, que ce qui caractérise la garde à vue, c'est, jusqu'à nouvel ordre, son caractère de secret, secret qui est tout de même nécessaire pour que soient poursuivies des investigations sans que des informations filtrent à l'extérieur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et l'enregistrement ?
M. Pierre Fauchon. Monsieur Dreyfus-Schmidt, puisqu'il me faut vous éclairer, sachez que l'enregistrement est une pièce d'archive, comme un procès-verbal : il n'est pas diffusé le soir même de la garde à vue, autant que je sache. Il peut être consulté après mais, tout au long de cette dernière, le secret doit être préservé.
M. Badinter a dit tout à l'heure, avec une sorte d'angélisme : « l'avocat écoute, enregistre ce qui est dit ». Moi, à voix basse, je rappelle qu'il peut sortir quelques instants, pour téléphoner, par exemple. Bien sûr, il n'en a pas le droit, mais vous n'êtes pas dans son cabinet et vous n'enregistrez pas ce qu'il dit ensuite.
J'ai connu les affaires de l'OAS et les pressions exercées sur les avocats. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent. Rien ne garantit que l'avocat respecte scrupuleusement le secret. Disons les choses comme elles sont ! Peut-être même en va-t-il de moins en moins ainsi, compte tenu de l'évolution de la profession.
Ce secret - disons-le, mettons les pieds dans le plat ! - doit être préservé pendant les quelques jours que dure la garde à vue. Il existe une double garantie : d'une part, la rencontre momentanée avec l'avocat est une sécurité par rapport à ce qui pourrait se passer d'abusif et permet de fournir au prévenu les informations dont il peut avoir besoin ; d'autre part, grâce à l'enregistrement, telle ou telle accusation peut être contrôlée.
Il faut donc préserver ce secret - ou bien alors renoncer, purement et simplement, à la garde à vue - si nous voulons retrouver les délinquants, les complices, remonter les filières, à une époque où la délinquance organisée devient la forme de criminalité la plus grave. La délinquance actuelle n'est plus celle du temps de Balzac ! Elle est désormais organisée, revêt quantité de formes, et c'est pourquoi nous avons beaucoup de mal à la contrer. Ne décourageons pas ceux qui sont chargés de lutter contre cette délinquance et qui le font, d'ailleurs, d'une manière assez remarquable, et ne les privons pas d'un minimum de moyens !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous venons d'entendre quelqu'un qui, apparemment, aimerait revenir à l'Inquisition. (M. Pierre Fauchon proteste.) L'Inquisition, elle, respectait le secret ! (M. Pierre Fauchon proteste à nouveau.)
M. Dominique Braye. C'est scandaleux !
M. Pierre Fauchon. Monsieur Dreyfus-Schmidt, retirez ce mot !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez !
M. Pierre Fauchon. Je ne vous permets pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas fini.
M. Pierre Fauchon. Retirez le mot !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas fini !
M. Pierre Fauchon. Retirez-le !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vais rappeler ce qu'était l'Inquisition.
M. Dominique Braye. Vos propos sont scandaleux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle permettait d'obtenir des aveux. Il en allait de même, d'ailleurs, du temps de l'OAS. Chacun le sait.
M. Dominique Braye. De tels propos sont vraiment scandaleux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai le droit de m'exprimer !
M. Dominique Braye. Pas pour dire n'importe quoi !
M. Pierre Fauchon. Vous n'avez pas le droit de m'insulter !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voyez le règlement : vous aurez le droit, à la fin de la séance, de demander la parole pour un fait personnel.
M. Pierre Fauchon. Oui, mais c'est comme pour l'intervention de l'avocat, j'interviens immédiatement !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, veuillez poursuivre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'agissant de la présence de l'avocat, ce n'est pas aussi simple que cela et pas aussi simple non plus que ce que nous a expliqué M. le garde des sceaux.
La présence de l'avocat à la première heure est requise dans un tout petit nombre de cas.
M. Dominique Braye. On légifère pour tous les cas ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est dans les cas graves qu'on a le plus besoin de voir les droits de la défense respectés. Ce n'est pas parce que l'on est accusé de faits graves que l'on a commis ces faits.
Or, actuellement, l'avocat, dans le cas le plus simple, peut venir au début de la garde à vue ; ensuite, on ne le voit plus. On sait bien qu'il existe des voies de faits pendant la garde à vue - on en a donné des exemples lors de la discussion générale - pour obtenir des aveux. Le seul moyen de l'éviter est que l'avocat puisse être présent à tout moment.
Cependant, dans de nombreux cas, sa présence est renvoyée à la vingtième heure, voire à la soixante-douzième heure, et, parfois, il n'y a pas d'avocat du tout.
Je m'étonne d'entendre un ancien avocat...
M. Pierre Fauchon. Je ne suis pas un ancien avocat, je suis avocat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ...dire qu'il est des avocats dont il faut se méfier. Un avocat est un avocat et il n'y a aucune raison que, dans tous les cas, il ne lui soit pas possible d'être présent.
J'approuve bien entendu M. Badinter mais non l'amendement de nos amis communistes, s'agissant du rôle de l'avocat. Je l'ai toujours dit : tout ce que je demande, c'est que ce dernier soit là à tout moment comme un témoin éventuel, non qu'on lui communique le dossier.
Le Sénat a jadis adopté à notre demande une disposition déjà progressiste - mais c'était à l'époque où nos regrettés collègues Marcel Rudloff et Louis Virapoullé, frère de notre collègue actuel, siégeaient encore parmi nous - selon laquelle le bâtonnier ou son représentant pouvait à tout moment se présenter à l'instruction. Bien sûr, votre majorité a balayé tout cela !
Monsieur le garde des sceaux, vous vous étonnez que nous n'ayons pas demandé l'inscription de la disposition dans la loi défendue par Mme Guigou en 2000. Si, nous l'avons demandée ! Mais cette loi a fait l'objet de nombreuses concertations et a apporté de très nombreux progrès, sur lesquels le gouvernement auquel vous appartenez est revenu.
Nous tenons à notre amendement. Traitez le problème comme il doit être traité, avec tous les égards qu'il mérite ! Je vous souhaite d'être là le jour où notre point de vue l'emportera.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 97 rectifié.
M. Pierre Fauchon. Mon explication de vote s'adresse à M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela lui fera du bien. Je proteste encore une fois contre l'expression qu'il a employée, qui était excessive et très désobligeante, mais, comme il est coutumier du fait, je peux m'y habituer et prendre cela avec philosophie.
Je suis obligé de vous dire, cher ami, que votre méconnaissance des nécessités de la vie pénale et de la lutte contre la délinquance est caricaturale, parce que vous êtes dans une espèce d'angélisme, qui ne sert pas la sécurité publique.
Je me souviens du temps où, en commission des lois et quelquefois ici, l'on vous entendait reprendre en trépignant comme dit M. le garde des sceaux : « Ah ! le tout-sécuritaire ! Le tout-sécuritaire ! ». Mon cher ami, voyez où l'on en est, au point de vue du tout-sécuritaire !
M. Dominique Braye. C'est une idéologie !
M. Pierre Fauchon. Si nous en sommes là, c'est en grande partie grâce à des politiques et à des attitudes angéliques comme les vôtres.
Pour ce qui est de la défense des droits de l'homme, croyez-moi, je n'ai aucune leçon à recevoir, car, en son nom, j'ai risqué ma vie, moi, dans des circonstances dramatiques : j'ai sauvé plus de cent prisonniers des atteintes que l'on pouvait porter à leur liberté en les empêchant d'être emmenés dans des camps lointains dans lesquels on ne sait pas comment ils auraient été traités.
Moi, j'ai fait de la résistance ; moi, alors qu'en 1943 j'arrachais des affiches posées par des collaborateurs sur les murs de la ville d'Avranches, j'ai été poursuivi par un officier allemand à travers toute la ville. Alors, s'il vous plaît, ne me donnez pas de leçons et ne me parlez pas de l'Inquisition ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux premiers alinéas de l'article 77 du code de procédure pénale sont ainsi rédigés :
« L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République. La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures.
« Toutefois, lorsque l'infraction est de nature criminelle, le procureur de la République peut, avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures, prolonger la garde à vue d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus. Cette prolongation ne peut être accordée qu'après présentation préalable de la personne à ce magistrat. Toutefois, elle peut, à titre exceptionnel, être accordée par décision écrite et motivée sans présentation préalable de la personne. Si l'enquête est suivie dans un autre ressort que celui du siège du procureur de la République saisi des faits, la prolongation peut être accordée par le procureur de la République du lieu d'exécution de la mesure. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par cet amendement, il s'agit de réinscrire dans le code de procédure pénale que seuls des indices graves et concordants peuvent justifier un placement en garde à vue, elle-même limitée à vingt-quatre heures, sauf en matière criminelle.
Vous me rétorquerez sans doute que cette disposition ne figurait pas dans les propositions de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau.
M. François Zocchetto, rapporteur. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement ayant le même objet que l'amendement n° 69 rectifié qui a été présenté ce matin par Mme Borvo Cohen-Seat, je ne réitérerai pas les raisons justifiant l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, j'ai un instant d'hésitation - on mettra sans doute cela sur le compte de mon « angélisme » - quant au sort de l'amendement n° 98 rectifié : je n'ai pas eu l'occasion de le présenter.
M. le président. Mon cher collègue, il a été examiné ce matin et, je le regrette pour vous, le Sénat l'a rejeté.
M. Robert Badinter. Je regrette de ne pas avoir été présent !
M. le président. L'amendement n° 73 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 706-88 du code de procédure pénale est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous accrochons ! Je ne sais pas si c'est de l'angélisme...
L'article 706-88 du code de procédure pénale a été introduit dans notre législation par la loi Perben II et complété par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
En matière de criminalité organisée, la loi Perben II a allongé la durée de la garde à vue en la portant à quatre jours, et a bien évidemment réduit dans le même temps les possibilités d'intervention de l'avocat : ainsi, la personne dont la garde à vue est prolongée pour des faits relevant de la criminalité organisée peut demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure.
En matière de terrorisme, le régime de la garde à vue est, depuis 1986, dérogatoire au droit commun, avec une prolongation possible de quarante-huit heures. L'avocat, quant à lui, ne pouvait intervenir qu'au bout de la soixante-douzième heure, ce qui était déjà un délai relativement long.
Depuis l'adoption de la loi sur le terrorisme, la garde à vue peut ainsi durer jusqu'à six jours d'affilée, l'avocat ne pouvant intervenir qu'au bout de la quatre-vingt-seizième heure.
Nous le savons parfaitement, la réduction du droit à la présence d'un avocat au cours de la garde à vue permet d'exercer toutes sortes de pressions sur la personne gardée à vue. Par ailleurs, les raisons avancées pour justifier une telle prolongation de la garde à vue sont particulièrement vagues, donc dangereuses pour les libertés individuelles.
En effet, le fait « qu'il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger ou que les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement » suffirait à justifier qu'une personne soit gardée à vue pendant six jours.
Le risque d'action terroriste à l'étranger est quasi permanent : avoir entendu récemment et à plusieurs reprises le ministre de l'intérieur indiquer que la menace terroriste est « réelle et accrue », sans pour autant produire d'éléments concrets, suffirait-il donc à prolonger la garde à vue ? Activer et maintenir le plan Vigipirate au niveau rouge constituerait-il également une raison suffisante pour prolonger une telle mesure ?
Il est étonnant de constater que, plus la durée de la garde à vue s'allonge, moins l'avocat est présent. Les droits de la défense s'amenuisent au fur et à mesure de la prolongation de la garde à vue : une telle dérive est proprement inconcevable et contraire à nos principes fondamentaux, tout autant qu'à l'article préliminaire du code de procédure pénale.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque, nous souhaitons clairement mettre fin à ces régimes « dérogatoires » au droit commun en matière de garde à vue. Là encore, il est étonnant de constater à quel point de tels régimes ont tendance à être pérennisés, voire étendus, et applicables à un nombre croissant d'infractions.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'aurez compris, nous dénonçons, sans angélisme aucun, le dispositif législatif actuel, qui, au prétexte de lutter, notamment, contre le terrorisme, risque de pénaliser terriblement certaines personnes. Après tout, tant que nous y sommes, regardons ce qui se passe du côté de Guantanamo ! Combien d'accusés seront finalement reconnus coupables de terrorisme ? Pour ma part, je m'intéresse à tous ceux qui, n'ayant pas bénéficié des garanties suffisantes en termes de droit de la défense, peuvent être rapidement considérés comme coupables alors qu'ils ne le sont pas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, en l'espèce, nous nous intéressons aux personnes qui ont affaire à la justice française, pas à celles qui sont à Guantanamo.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'y ai juste fait référence !
M. François Zocchetto, rapporteur. Pratiquer un tel amalgame me semble quelque peu audacieux !
Un régime spécifique, ce n'est pas un régime dérogatoire, c'est un régime qui tient compte des particularités des faits reprochés aux personnes gardées à vue. Il me paraît normal que les circonstances de la garde à vue ne soient pas exactement les mêmes selon que la personne est suspectée de terrorisme ou d'autres faits plus classiquement observés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et pour les innocents ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 706-88 du code de procédure pénale, que vous visez, représente tout de même une page et demi du code. Croyez-moi, il prévoit toute une série de dispositions permettant aux gardés à vue de bénéficier à la fois de la présence d'un avocat à des moments précis...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au bout de soixante-douze heures !
M. François Zocchetto, rapporteur.... et d'un examen médical.
Quant aux prolongations, il ne faudrait pas faire croire qu'elles sont décidées à la légère par les officiers de police judiciaire. Voici ce que prévoit cet article : « Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction.
« La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. »
Comme vous pouvez le constater, toute une procédure est prévue en la matière. Il n'y a donc pas lieu, me semble-t-il, de revenir sur ce dispositif, surtout pas en matière de criminalité organisée et de terrorisme.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Madame Borvo Cohen-Seat, lors de la présentation de votre amendement, en évoquant Guantanamo, vous avez cru devoir me jeter un regard, ce qui est naturellement toujours touchant venant d'une dame, même pour un vieux monsieur comme moi. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sourit à l'orateur.) Mais il n'était pas accompagné du sourire que vous m'adressez à l'instant ; c'était plutôt un regard noir.
Sachez-le, en tant que représentant du Sénat à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, je ne manque pas une occasion de dénoncer ce qui se passe à Guantanamo.
Ainsi, à Washington, il y a un an et demi, en séance publique, je n'ai pas hésité à agresser verbalement les dirigeants américains présents, le secrétaire général et le président de cette assemblée, en leur disant que l'affaire de Guantanamo était une honte, une abomination, et qu'il fallait y mettre fin. J'ai provoqué une situation telle qu'une réunion a été organisée par le département d'État pour permettre un débat contradictoire entre les hauts fonctionnaires américains concernés et les représentants de l'assemblée. Ce faisant, j'étais évidemment dans mon rôle de parlementaire. La presse américaine en a parlé et je crois avoir fait mon devoir pour la défense des droits de l'homme à Guantanamo.
Cela étant, je vous invite à lire Le vert et le rouge.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais on l'a lu !
M. Pierre Fauchon. Vous verrez ce que c'est que quelqu'un qui a fait ses preuves sur le terrain pour défendre les droits de l'homme. C'est tout de même plus difficile que de les faire ici !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne me sens pas concernée par vos propos !
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« Le demandeur à l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à une fois et demie le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour l'aide juridictionnelle totale et à deux fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour l'aide juridictionnelle partielle. »
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chacun le sait, l'aide juridictionnelle constitue l'une des garanties nécessaires à la bonne application et au respect des droits de la défense pour tous. D'ailleurs, l'égalité devant la justice est un principe qui vous est cher, monsieur le garde des sceaux.
Je ne vous apprendrai donc rien en affirmant que les personnes disposant de moyens financiers importants bénéficient généralement du soutien d'avocats, parfois même d'avocats de renom, et, à ce titre, elles se trouvent très bien défendues lors de procédures judiciaires, quel que soit, d'ailleurs, le régime de la garde à vue. Sur ce point, au moins, vous ne me contredirez pas. Il n'en va évidemment pas de même pour les personnes modestes.
L'aide juridictionnelle permet donc, sous certaines conditions, à toute personne de faire valoir ses droits en justice. Si elle a bien été revalorisée dans le budget de la justice pour 2007, le plafond de ressources permettant de bénéficier de cette aide est toujours très bas.
L'aide juridictionnelle est l'une des garanties de l'égal accès de tous à la justice. C'est pourquoi le plafond de ressources qui détermine son attribution doit être, à notre sens, revalorisé. Depuis le 1er janvier 2007, ce plafond est de 874 euros mensuels pour bénéficier de l'aide juridictionnelle totale et de 1 311 euros mensuels pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle. Nous estimons que ces montants sont particulièrement bas compte tenu, malheureusement, de la stagnation des revenus et de l'augmentation des honoraires des avocats.
Le refus d'une justice à deux vitesses nous conduit donc à proposer que tous les justiciables puissent avoir accès à la justice de manière équitable, qu'ils aient ou non de faibles revenus. Monsieur le garde des sceaux, nous rejoignons en cela votre souhait. Vous devriez donc être favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. À vous entendre, ma chère collègue, on a l'impression que c'est la première fois que nous traitons dans cet hémicycle des questions de procédure pénale.
Or, voilà quelques semaines, nous avons eu un débat sur ces problèmes spécifiques de l'aide juridictionnelle et de l'assurance de protection juridique. Vous souhaitez en reparler aujourd'hui à l'occasion de l'examen du présent projet de loi : c'est votre droit, mais permettez-moi tout de même de vous dire que cela dénature notre discussion !
Quant à l'objet précis de votre amendement, la commission n'y est pas favorable.
Vous le savez très bien, à force d'élargir le champ de l'aide juridictionnelle, il n'est plus possible de rémunérer correctement ceux qui interviennent dans la procédure. Autrement dit, ceux qui ont vraiment besoin de l'aide juridictionnelle sont de moins en moins bien défendus.
Pour ma part, je défends une autre position. C'est d'ailleurs tout le sens de la proposition de loi d'origine sénatoriale qui a été adoptée conforme ce matin par l'Assemblée nationale. Ce texte permet à toute personne ne pouvant pas bénéficier de l'aide juridictionnelle, mais ayant besoin d'une protection juridique, de prendre une assurance, d'un montant relativement modeste, pour pouvoir être ensuite correctement défendue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En vérité, madame Borvo Cohen-Seat, vous saisissez l'occasion que vous offre l'examen du présent texte pour déposer des amendements et évoquer des problèmes qui, s'ils relèvent incontestablement du ministère de la justice et de la situation des auxiliaires de justice que sont les avocats, n'ont aucun point commun avec la discussion d'aujourd'hui.
En la matière, je vous le rappelle, nous avons depuis quelques mois passablement progressé : d'abord, le montant de l'aide juridictionnelle a été revalorisé de 8 % ; ensuite, les Assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit, qui se sont tenues à la Chancellerie, ont permis de donner un nouvel élan à la réflexion sur ce sujet, ce qui devrait déboucher sur une réforme intéressante ; enfin, je suis moi aussi heureux d'annoncer au Sénat que la proposition de loi portant réforme de l'assurance de protection juridique a été adoptée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi fait suite à deux textes distincts déposés par plusieurs sénateurs, notamment MM. Zocchetto, Jarlier et Gélard, avec tout de même, je me dois vous le dire, le plein accord de votre serviteur. En effet, je me suis saisi personnellement de ce problème en aval, pour convaincre mon collègue ministre des finances, car la mesure annoncée était mal « ressentie » - disons les choses comme cela ! - par les assureurs.
Je suis fier du résultat obtenu, tout comme ceux qui partagent comme moi les mêmes convictions parce qu'ils ont embrassé la même carrière. Demain, de véritables et authentiques avocats, et non plus des quasi-salariés, comme c'est le cas aujourd'hui, pourront ainsi défendre, en totale liberté, les compagnies d'assurance.
Je me félicite de ce progrès. Le texte est désormais voté. Alors que cela faisait des années qu'on en parlait, on était incapable de prendre cette mesure, le ministère des finances s'opposant à la Chancellerie. Je suis donc heureux d'avoir été le garde des sceaux qui l'aura obtenue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas de quoi !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je remercie d'ailleurs M. Breton, sans lequel je n'y serais pas parvenu. C'est cette bonne nouvelle que je souhaitais apporter en réponse à vos interrogations, madame la sénatrice.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. N'attendez pas nos compliments !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
I. - L'article 64-1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 64-1. - Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
« L'enregistrement ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1.
« Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
« À l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans le délai d'un mois.
« Lorsque le nombre de personnes gardées à vue devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de tous les interrogatoires, l'officier de police judiciaire en réfère sans délai au procureur de la République qui désigne, par décision écrite versée au dossier, la ou les personnes dont les interrogatoires ne seront pas enregistrés.
« Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire, qui précise la nature de cette impossibilité. Le procureur de la République en est immédiatement avisé.
« Le présent article n'est pas applicable lorsque la personne est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le procureur de la République ordonne l'enregistrement.
« Un décret précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent article. »
II. - Dans le dernier alinéa de l'article 77 du même code, après la référence : « 64 », est insérée la référence : «, 64-1 ».
III. - Le dernier alinéa de l'article 154 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, après la référence : « 64 », est insérée la référence : «, 64-1 » ;
2° Dans la deuxième phrase, les références : « 63-2 et 63-3 » sont remplacées par les références : « 63-2, 63-3 et 64-1 ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 99, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus - Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 64-1 du code de procédure pénale :
« Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue réalisés dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un enregistrement audiovisuel. »
II. - Supprimer l'avant dernier alinéa du même texte.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cher Pierre Fauchon, je regrette que vous vous soyez enflammé tout à l'heure, car je suis convaincu qu'il n'était certainement pas dans l'esprit de mon ami Michel Dreyfus-Schmidt de vous prendre pour un grand inquisiteur !
M. Pierre Fauchon. Ah !
M. Robert Badinter. Chacun vous connaît, et, en l'espèce, je vais donc tenter de vous apaiser. Vous le savez aussi bien que moi, l'histoire de notre justice a vu se succéder deux systèmes différents : l'un s'appelait le système inquisitoire et l'autre, dont on parle toujours, se nomme le système accusatoire, sans que l'on sache très bien si la situation actuelle relève de l'un ou de l'autre.
Or, quand le mot « inquisition » a été prononcé, il convenait de le qualifier en adjectif. Cela sous-entendait que vous vouliez en revenir au temps du système inquisitoire.
M. Pierre Fauchon. Vous êtes trop bon ! Merci pour M. Dreyfus-Schmidt, monsieur Badinter, c'est à lui que vous rendez service !
M. Robert Badinter. Au demeurant, personne dans cette assemblée ne saurait jamais mettre en doute votre attachement pour les droits de la défense. Personnellement, je sais ce que vous avez fait dans des temps qui sont, hélas ! pour nous, très anciens.
Cela étant dit, revenons-en à l'amendement n° 99, qui vise à répondre à une préoccupation générale : quelle est donc la fonction de l'enregistrement audiovisuel d'une garde à vue ?
Pour ma part, je n'ai jamais considéré qu'il s'agissait de jeter le soupçon sur les officiers de police judiciaire, car tel n'est certainement pas le but. Le fait de disposer de cet enregistrement a toute son importance, dans la mesure où il permet d'établir les conditions dans lesquelles la garde à vue s'est déroulée. À ce titre, il constitue une protection pour les officiers de police judiciaire contre les accusations non fondées.
Un point est encore plus important à souligner : il sert ou il devrait servir comme moyen de vérification pour les juges d'instruction sur ce qui a été dit, comment et dans quelles conditions.
Vous le savez comme moi, monsieur le garde des sceaux, les procédures criminelles, surtout dans les affaires complexes, durent souvent des années. Il arrive même que plusieurs juges d'instruction se succèdent pour traiter un même dossier. Il est donc très important que le magistrat instructeur, outre la consultation du procès-verbal, puisse voir le visage de la personne gardée à vue et entendre les propos qu'elle a tenus au moment où elle les a prononcés.
Le magistrat instructeur doit, en effet, s'assurer de ce qui a été dit exactement, en réponse à quelle question, et à quel moment de l'interrogatoire. Ainsi, lorsqu'il reprend l'information, au-delà du procès-verbal écrit, il n'a aucun doute sur les conditions dans lesquelles ont été enregistrés ces propos ou sur leur teneur exacte. L'enregistrement est donc un instrument très précieux pour le progrès des instructions.
À cet égard, il n'existe pas d'instructions plus importantes que celles qui se déroulent à l'occasion des grandes affaires criminelles, et notamment en matière de terrorisme. Il me paraît donc essentiel que le juge d'instruction puisse disposer de cet enregistrement, y compris dans les affaires qui donnent lieu à des instructions très longues et compliquées ; je pense notamment à l'affaire concernant les Lybiens, instruite par le juge Bruguière.
Il est donc souhaitable pour tous que l'enregistrement soit généralisé à tous les interrogatoires de garde à vue, et que l'on ne prévoie pas d'exception pour certaines infractions particulières.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 64-1 du code de procédure pénale, par les mots :
, à peine de nullité
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement est lié au caractère probatoire de l'enregistrement. Il s'agit de prévoir une sanction en cas d'absence d'enregistrement des gardes à vue.
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 64-1 du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous ne comprenons pas pourquoi les interrogatoires de personnes gardées à vue pour une affaire de terrorisme ou de criminalité organisée ne pourraient pas être filmés. Nous l'avons déjà dit en défendant un amendement relatif à la garde à vue en matière de criminalité organisée et de terrorisme. Dans le cadre de ces affaires, la procédure de garde à vue est, en effet, déjà dérogatoire au droit commun, puisqu'elle peut durer quatre jours, dans le premier cas, et six jours, dans le second. L'intervention de l'avocat est donc, dans les deux cas, très tardive. Par conséquent, les droits de la défense sont quasiment inexistants dans ce domaine, alors même qu'il s'agit d'affaires très sensibles et complexes, et que des pressions sont forcément exercées à l'encontre des personnes mises en cause.
Il n'existe certainement pas moins d'anomalies lors de ces gardes à vue qu'en matière de délits ou de crimes. Dans ces conditions, il est absolument nécessaire que soient filmés les interrogatoires des personnes gardées à vue dans le cadre d'affaires de criminalité organisée et de terrorisme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 99 tend à généraliser l'enregistrement à tous les interrogatoires de garde à vue.
Cette proposition poserait des problèmes matériels évidents. En 2005, il a été procédé à 500 000 gardes à vue, mais seuls 17,5 % d'entre elles ont dépassé les vingt-quatre heures. Il ne sera pas facile de réaliser l'enregistrement de 500 000 gardes à vue !
Une telle extension, j'en conviens avec vous, monsieur Badinter, ne peut être exclue a priori. Mais il serait utile, auparavant, d'expérimenter le dispositif dans le cadre fixé pour les affaires criminelles.
Nous avons demandé au Gouvernement de nous fournir, dans deux ans, un bilan de l'expérimentation de l'enregistrement des gardes à vue en matière criminelle. Nous verrons alors si celle-ci a produit des effets satisfaisants. Si c'est le cas, et si tous les moyens techniques ont pu être mis en place, nous pourrons alors envisager de passer à la phase suivante.
Pour l'instant, l'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 101 tend à apporter une précision inutile. L'enregistrement des gardes à vue constitue déjà, en effet, une formalité substantielle qui, sur la base de l'article 802 du code de procédure pénale, doit être une cause de nullité lorsqu'elle a « pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ».
L'avis de la commission est donc défavorable, à moins que vous n'acceptiez, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement.
L'amendement n° 77 tend à imposer une obligation d'enregistrement des gardes à vue en matière de terrorisme et de criminalité organisée. On peut effectivement s'interroger sur l'exclusion de ces affaires du dispositif. Je crois toutefois utile de rappeler qu'en matière de criminalité organisée et de terrorisme des mesures spécifiques sont prévues, dont vous avez d'ailleurs déploré l'existence, madame Assassi.
Ainsi, comme l'écrivait notre collègue Jean-Patrick Courtois dans un rapport sur l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de garde à vue : « Les enquêteurs peuvent être amenés à faire état avec discernement, vis-à-vis des mis en cause, d'éléments reçus de services de police étrangers ou de sources confidentielles qui ne doivent en aucun cas être compromis par un visionnage ultérieur ».
Par ailleurs, le Procureur de la République peut toujours ordonner l'enregistrement.
Enfin, nous disposerons, dans deux ans, du bilan de cette expérimentation et nous pourrons alors déterminer s'il convient ou non d'étendre cette mesure.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement n° 101 tend ainsi à prescrire l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue, à peine de nullité. Le mieux est l'ennemi du bien !
Même en 2000, monsieur Badinter, lorsque le Parlement avait modifié les dispositions générales du code de procédure pénale sur les nullités, vous n'aviez pas formulé cette demande. Il faut veiller à ne pas transformer ces mesures, qui en sont, pour l'instant, au stade de l'expérimentation, en formalités substantielles.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
L'amendement n° 99 tend à prévoir l'enregistrement de tous les interrogatoires de garde à vue, y compris lorsqu'il s'agit de délits. Laissez-nous le temps de mettre en place l'enregistrement audiovisuel dans les affaires criminelles avant de l'étendre aux délits.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, de même qu'à l'amendement n° 77, qui vise à prévoir l'enregistrement systématique des interrogatoires de garde à vue dans le cadre d'affaires de terrorisme ou de criminalité organisée. Dans ce type d'affaires, de nombreuses personnes sont placées en garde à vue et interrogées en même temps. Il est donc impossible, pour des raisons matérielles, de mettre en place un tel dispositif.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 101.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Selon M. le ministre, lorsque l'on veut trop bien faire, on fait le contraire. Cela le dispense donc d'essayer de bien faire !
Sans doute est-ce la raison pour laquelle il n'a retenu qu'un très petit nombre des propositions émises par la commission d'enquête parlementaire dite de l'affaire d'Outreau, dont les membres avaient préconisé, à l'unanimité, que l'absence d'enregistrement des gardes à vue devait être une cause de nullité de la procédure lorsque ce dispositif était prévu par la loi.
Mais, à l'évidence, les nullités, c'est gênant ! Il faut pourtant bien prévoir une sanction. En effet, si aucune sanction n'est prévue en cas d'absence d'enregistrement, que se passera-t-il ? On pourra y aller gaiement ! On ne sera obligé ni de réaliser ces enregistrements ni de le faire correctement.
Que se passera-t-il si l'enregistrement n'a pas été réalisé alors que les moyens ont été mis en place à cet effet ? Vous me direz qu'une faute - celle du policier ou celle du magistrat, on ne sait pas - pourra toujours être invoquée. Mais encore faudra-t-il prouver que cette faute était délibérée et qu'elle a porté préjudice à la personne concernée en la privant de ses droits.
L'absence de toute sanction dans le cadre du dispositif de l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue nous paraît inconcevable. Je demande donc à M. le rapporteur ainsi qu'à M. le garde des sceaux de me répondre sur ce point.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie de vos réponses ! C'est ce que l'on appelle un débat parlementaire !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 77.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Compte tenu du présent débat et des réponses qui nous sont faites, je propose que l'on prévoie, dans ce projet de loi, que l'État s'efforcera de rendre effectif, par exemple dans un délai de cinq ans, l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue.
Nous discutons en effet d'un texte dont on nous dit qu'il ne pourra pas s'appliquer dans toute une série de cas et que le non respect de ses dispositions ne sera pas cause de nullité.
Nous devons être logiques avec nous-mêmes et nous en tenir à des mesures concrètes. Nous pourrions prévoir, par exemple, un plan de remise à niveau des commissariats et des autres lieux de garde à vue, afin que ces enregistrements puissent être réalisés. Une telle mesure serait plus conforme à la réalité que nous décrit le Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 64-1 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement concerne la possibilité de consultation de l'enregistrement. Cet enregistrement étant versé au dossier, chaque personne intéressée, en particulier la personne mise en examen, doit y avoir accès et l'avocat doit pouvoir en demander copie. Cette pièce devient alors un élément de l'instruction parmi d'autres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Il est défavorable. En effet, la mesure proposée par M. Badinter peut représenter un risque réel en cas de diffusion de l'enregistrement.
M. Robert Badinter. J'ai parlé de consultation !
M. François Zocchetto, rapporteur. Malheureusement, la consultation peut parfois s'accompagner d'une diffusion ! L'article 6 du projet de loi prévoit, en ce cas, la sanction suivante : « Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ». Malheureusement, cette sanction ne sera pas dissuasive.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cette question s'était déjà posée lors du débat du 15 juin 2000, qui portait sur l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue concernant les mineurs. À l'époque, cet enregistrement ne constituait pas une pièce de la procédure et son absence n'était pas sanctionnée par la nullité. Nous en avons vu les conséquences !
Nous avons progressé depuis ! Sept ans se sont en effet écoulés et nous sommes mieux équipés. Sans donner totalement raison à Mme Borvo Cohen-Seat, je dois convenir qu'un délai minimum est nécessaire pour réaliser, sur le plan matériel, des projets de ce type, même lorsque les moyens budgétaires sont au rendez-vous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a raison, alors !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il faut le temps d'acquérir et d'installer le matériel.
L'enregistrement ne constitue pas une pièce de la procédure ou une étape obligée. Il s'agit, en cas de contestation, de pouvoir s'y référer et de disposer ainsi d'un élément de preuve. Dans la plupart des cas, cet enregistrement ne sera d'aucune utilité.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Encore une fois, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je crains que vous ne mesuriez pas l'intérêt de l'enregistrement pour la suite de l'instruction.
L'on est obsédé par l'idée qu'il s'agit d'un moyen de contrôle et de suspicion à l'égard des officiers de police judiciaire. Or il est très important de pouvoir consulter l'enregistrement, notamment dans le cadre d'instructions qui durent, comme en matière de terrorisme, quatre, cinq, voire six ans, et qui voient se succéder plusieurs magistrats instructeurs.
Il va de soi que les juges doivent y avoir accès. Mais vous savez comme moi que la règle du jeu, en matière d'instruction, c'est que tous les éléments mis à la disposition du juge soient également mis à la disposition des parties : ce sont des droits élémentaires de la défense.
Le juge d'instruction, pas plus que le ministère public, d'ailleurs, ne peut se forger une conviction à partir d'éléments que la défense pourrait ignorer. Nous ne proposons rien de plus !
Vous semblez ne pas comprendre l'intérêt qui peut s'attacher au visionnage de l'enregistrement lui-même, quelques années après sa réalisation.
Nous ne sommes plus dans le cadre spécifique de l'enregistrement d'un mineur victime de violences que l'on ne veut pas traumatiser par une nouvelle audition. Il s'agit d'une instruction. Un enregistrement a eu lieu dans une unité de police. Le magistrat instructeur l'a visionné. Un autre magistrat lui succède et veut le visionner également. Il est normal que la défense y ait accès.
Vous ne pouvez pas affirmer que, dès l'instant qu'un avocat a communication d'une pièce, celle-ci est rendue publique, au mépris des devoirs de ce dernier et des règles de déontologie du code de procédure pénale ! Vous ne pouvez pas non plus instaurer un système dans lequel des pièces ne seraient pas accessibles à la défense dès l'instant que le magistrat instructeur en a connaissance.
Nous sommes tous d'accord sur ce point. Nous devons donc en tirer les conséquences, en tenant compte des progrès techniques réalisés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 76, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 64-1 du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le sixième alinéa du texte proposé par cet article 6 pour l'article 64-1 du code de procédure pénale prévoit que l'obligation d'enregistrer les interrogatoires durant la garde à vue pourrait être écartée lorsque le nombre de personnes gardées à vue devant être interrogées simultanément fait obstacle à cet enregistrement.
Je vous l'avoue, nous ne vous comprenons pas. Soit on donne les moyens d'appliquer une nouvelle procédure et celle-ci s'applique dans tous les cas ; soit les moyens sont insuffisants et il ne peut y avoir d'application partielle de la procédure.
Par ailleurs, sur quels critères seront choisis les interrogatoires qui seront filmés et ceux qui ne le seront pas ?
L'enregistrement est présenté comme une garantie pour les personnes gardées à vue. Mais l'existence de dérogations signifie que, dans le cadre d'une même procédure, deux personnes ne se verraient pas octroyer les mêmes droits et les mêmes garanties.
Nous le savons parfaitement, le Gouvernement n'a absolument pas budgétisé cette nouvelle mesure relative aux enregistrements audiovisuels des interrogatoires des personnes placées en garde à vue, mesure dont le coût, selon le rapport de M. Jean-Patrick Courtois, s'élèverait à 72,4 millions d'euros pour la police et la gendarmerie, investissement initial auquel s'ajouterait un budget annuel de fonctionnement de 5,7 millions d'euros.
Dans ces conditions, plutôt que de prévoir une application partielle, il ne fallait pas inscrire une telle mesure dans ce projet de loi.
Voilà pourquoi nous souhaitons que l'enregistrement des interrogatoires soit effectué, et ce quel que soit le nombre de personnes gardées à vue.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 64-1 du code de procédure pénale, après les mots :
au dossier,
insérer les mots :
au regard des nécessités de l'enquête,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Selon l'article 6, lorsque le nombre de personnes gardées à vue devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, ne permet pas l'enregistrement de tous les interrogatoires - on peut imaginer ce cas ; il est donc heureux et utile de le prévoir dès maintenant dans le texte -, l'officier de police judiciaire en réfère sans délai au procureur de la République, qui désigne, par décision écrite, la ou les personnes dont les interrogatoires ne seront pas enregistrés. Le choix n'est donc pas fait pas à la tête du client !
Il est vrai que le projet de loi ne précise pas les critères sur lesquels la décision devra être prise. C'est pourquoi la commission vous propose d'encadrer le pouvoir d'appréciation du procureur de la République dans ce domaine. Cet amendement vise donc à préciser que, dans l'hypothèse d'un grand nombre de personnes gardées à vue devant être simultanément interrogées, la décision d'enregistrer ou non doit être prise « au regard des nécessités de l'enquête », formulation qui est reprise de l'article 63-2 du code de procédure pénale.
Cette précision apportée, l'amendement n° 76 ne peut recevoir qu'un avis défavorable. Il faut bien, en effet, prévoir ce cas, car il y aura des situations dans lesquelles l'enregistrement simultané de toutes les personnes ne sera pas possible.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement a le même avis que la commission, qui a répondu à toutes les questions.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 76.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il y a lieu d'enregistrer les déclarations de très nombreuses personnes,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Simultanément !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.... on peut imaginer que ces dernières ne le seront pas toutes en même temps.
Dans le cas où il est impossible d'enregistrer tout le monde, ce n'est pas à un procureur de la République de faire un choix, c'est le moins que l'on puisse dire ! Cela ne pourrait se produire que dans le cas d'un pôle, régional sans doute, sinon national, de juges d'instruction, compte tenu de la gravité de l'affaire. Pourquoi les trois juges du collège de l'instruction ne prendraient-ils pas la décision que vous prétendez laisser au procureur de la République ? Ce serait préférable et, bien évidemment, les trois devraient préciser le nom des personnes dont l'interrogatoire, à titre tout à fait exceptionnel, ne serait pas enregistré.
Mais ce n'est pas si facile ! En effet, on peut supposer que toutes les personnes arrêtées dans le cadre d'une affaire grave sont toutes coupables, du moins les policiers peuvent-ils l'« espérer ». À ce stade, on ne voit pas très bien comment seraient déterminées les personnes devant faire l'objet d'un enregistrement.
La mesure n'est pas au point, même s'il s'agit d'une hypothèse dans laquelle il faut se placer afin de trouver une solution à ces cas-là. Encore une fois, il faut s'en remettre le plus possible au pôle des juges d'instruction, mais absolument pas au procureur de la République, car ce dernier n'a pas à prendre une décision comme celle-là.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa du texte proposé par le I cet article pour l'article 64-1 du code de procédure pénale par les mots :
et vérifie s'il n'est pas possible de procéder à l'enregistrement par d'autres moyens.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 34 répond aussi à la préoccupation de M. Dreyfus-Schmidt, à savoir encadrer les circonstances dans lesquelles il n'est pas possible de procéder à un enregistrement.
La commission propose de préciser que le procureur vérifie alors s'il n'est pas possible de procéder à l'enregistrement par d'autres moyens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si ce texte était déféré au Conseil constitutionnel, j'imagine ce que ferait le président Pierre Mazeaud d'un tel amendement !
M. Robert Badinter. Ou plutôt son successeur !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous sommes en train de nous demander si le procureur va penser à tout et faire tous les efforts nécessaires pour s'assurer que l'enregistrement n'est vraiment pas possible. Ce n'est plus de la loi, ni même du règlement ; on est à peine au niveau de la circulaire !
Si vous y tenez, maintenez cet amendement, mais que ce ne soit pas, en plus, une cause de nullité ! Remplacez au moins le mot : « vérifie » par les mots : « peut vérifier », car non seulement vous vous mêlez de savoir ce que fait le procureur entre quatorze heures et quatorze heures trente, mais, en plus, vous lui intimez l'ordre de procéder à cette vérification. Il est dommage que cet amendement gâche tout !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas d'excès, monsieur le garde des sceaux !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais d'abord rassurer M. le ministre : M. Mazeaud n'aura pas à connaître ce texte, car il aura été remplacé lorsque, par nos soins, le Conseil constitutionnel sera saisi de ce texte. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.). C'est notre première observation.
Deuxième observation, monsieur le rapporteur, cet amendement ne répond nullement à notre remarque de tout à l'heure, à savoir que, si l'on ne peut pas enregistrer tout le monde, ce sont les juges d'instruction qui doivent choisir et non le procureur.
Vous proposez que le procureur, une fois avisé, puisse vérifier qu'il n'est pas possible de procéder à l'enregistrement par d'autres moyens. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Nous aimerions avoir une explication !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le procureur ira chercher en vitesse un enregistreur chez lui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi pas ? Donc l'enregistrement devient possible et ce n'est plus la peine de vérifier si l'on peut enregistrer ou non !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. À ce stade, je suis assez sensible à l'argument de M. le garde des sceaux, selon lequel il ne faut pas transformer la loi en circulaire. Je me demande si ce n'est pas ce que nous sommes en train de faire au fur et à mesure des dispositions que nous ajoutons à titre de précaution et peut-être aussi parce qu'on nous a signalé de nombreux cas dans lesquels les gardes à vue de mineurs n'avaient pas donné lieu à des enregistrements, ce qui est regrettable. Peut-être avons-nous multiplié les garde-fous à outrance.
Je rappelle - cela me permet de revenir sur une question de M. Dreyfus-Schmidt, mais je l'avais déjà dit - que l'article 802 du code de procédure pénale permet de répondre au problème qui nous occupe. Il précise en effet : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. » Il s'agit bien d'une « inobservation des formalités substantielles » !
À titre personnel, car je ne peux pas engager la commission, je serais favorable au retrait de l'amendement n° 34.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission des lois n'a pas l'habitude de sombrer dans le travers de lois faisant office de circulaire. Autrement, elle ferait beaucoup d'observations sur certains textes ! Pas ceux qui émanent de la Chancellerie, bien entendu, quoique...
Mme Éliane Assassi. Vous pourriez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est vrai que nous ne sommes jamais trop prudents en matière de procédure pénale ; c'était le souci de la commission.
Monsieur le garde des sceaux, notre idée était que, faute d'enregistrement audiovisuel, un enregistrement audio était peut-être possible. Mais vous avez certainement raison, mieux vaut ne pas ajouter une précision qui pourrait être source de nullité ou de débats. Il y a donc lieu de retirer cet amendement.
Toutefois, monsieur le garde des sceaux, faites-nous quand même l'honneur de penser que nous ne pinaillons pas pour vous éviter d'avoir à rédiger des circulaires d'application.
M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
L'article 116-1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 116-1. - En matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction, y compris l'interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
« L'enregistrement ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation sur la portée des déclarations recueillies, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1.
« Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
« À l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans le délai d'un mois.
« Lorsque le nombre de personnes mises en examen devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de tous les interrogatoires, le juge d'instruction décide quels interrogatoires ne seront pas enregistrés.
« Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire, qui précise la nature de cette impossibilité.
« Le présent article n'est pas applicable lorsque l'information concerne un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le juge d'instruction décide de procéder à l'enregistrement.
« Un décret précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 102, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus - Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet article tend à introduire une innovation que l'on pourrait aisément qualifier de surprenante : l'enregistrement des interrogatoires chez le juge d'instruction.
À ma connaissance, nul ne le demandait. Je ne me souviens pas, en effet, d'avoir entendu un juge d'instruction, un procureur de la République ou un avocat demander un enregistrement en matière criminelle dans le cabinet du juge d'instruction. Les conditions sont radicalement différentes de celles d'un local de police. Sont présents l'avocat, le greffier - ne l'oublions pas -, le magistrat instructeur. L'interrogatoire se déroule selon les règles établies par le code de procédure pénale. Cela ne souffre aucune difficulté.
Puis, brusquement, on clame qu'un tel enregistrement est absolument indispensable ! Je rappelle pour le public - peut-être ai-je tort, mais, à cet égard, je fais partie du public et non des initiés -, que cela est dû à une volonté singulière, née d'un malentendu, du corps respectable des officiers de police judiciaire, plus particulièrement, me semble-t-il, les plus importants, qui jugent intolérable d'être suspectés. C'est en tout cas ainsi qu'ils comprennent l'obligation d'avoir des caméras dans tous les lieux où se déroulent des interrogatoires.
C'est d'autant moins justifié, selon eux, que ces interrogatoires se déroulent dans des conditions parfaitement légales. En conséquence, ils réclament, afin que tous soient traités sur un pied d'égalité, que les interrogatoires menés par des magistrats instructeurs soient aussi enregistrés par des caméras.
Inutile de rappeler que nous n'arrivons déjà pas à assurer la totalité des enregistrements des interrogatoires de mineurs dans les locaux concernés, auxquels s'ajoutent les centaines de milliers d'interrogatoires de police que vous avez déclinés tout à l'heure et qu'il va falloir également enregistrer.
Et voici que, d'un seul coup, on va passer à un stade supérieur pour enregistrer, de surcroît, ce que personne ne demande et qui n'a jamais posé de problème. Nous aussi, nous sommes donc tout à fait étonnés.
L'utilité du dispositif me laisse perplexe. Pour avoir évoqué toutes les garanties de la défense, je sais qu'il serait vain de chercher de ce côté-là ! Á mon sens, la seule utilité serait de permettre une information plus complète des magistrats qui se succèdent dans des instructions trop longues Franchement, cela ne me paraît pas une exigence impérative dans l'état général d'impécuniosité où nous nous trouvons et alors que le budget de la justice va avoir à supporter l'utilisation généralisée des caméras pour couvrir les interrogatoires qui se déroulent dans le cadre des locaux de police.
Á ce stade, il n'y a pas de raison de procéder de la sorte, d'autant que les magistrats le ressentent très mal. Ils y voient une pure complaisance vis-à-vis des réactions que j'évoquais, soutenues par le ministre de l'intérieur. Pour eux, c'est, en quelque sorte, une contrepartie à ces prétendus affronts - qui n'en sont nullement - à l'égard des officiers de police judiciaire. Á l'heure où nous sommes, tout cela ne se justifie pas !
La seule utilité que je vois à cette innovation concernerait des affaires extrêmement complexes dans lesquelles le magistrat instructeur voudrait se réserver la preuve audiovisuelle et le détail de l'enregistrement. Á lui reviendrait la décision d'y procéder soit sur son initiative, soit à la demande du parquet ou de la défense. Le moment ne me paraît pas venu. Nous avons des priorités et, vous le savez comme nous, les ressources de la Chancellerie sont toujours limitées.
Alors, abstenons-nous de cette extraordinaire nouveauté ! Dans le climat qu'ont fait naître, au sein de la magistrature, les déclarations répétées du ministre d'État, ministre de l'intérieur, lequel a mis en cause la responsabilité des magistrats instructeurs, on conçoit la suspicion de ceux-ci à l'égard d'un moyen de contrôler la façon dont ils mèneraient les interrogatoires, et ce, malgré la présence de la défense et du greffier. Ce procédé, ils l'appréhendent comme une phase préliminaire, destinée à nourrir d'éventuelles actions disciplinaires.
Comme je sais que telle n'est pas la pensée du législateur, je crois que l'on a tout à perdre avec cette innovation. Nous verrons, dans les années à venir, si l'on peut envisager de conserver des interrogatoires difficiles à l'usage d'autres magistrats ou pour venir compléter les chambres d'instruction.
C'est la raison pour laquelle, au-delà de l'utilisation des travaux de la commission d'Outreau, dans ces affaires complexes, une concertation avec tous les corps intéressés sera, à mon sens, toujours indispensable.
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 116-1 du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de personnes mises en examen doit pouvoir être réalisé, quel que soit le nombre de ces personnes. Nos arguments étant les mêmes que ceux que nous avons développés pour la garde à vue, je n'y reviens pas.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 116-1 du code de procédure pénale, après les mots :
le juge d'instruction décide
insérer les mots :
, au regard des nécessités de l'investigation,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement, dans la logique du précédent, vise à préciser le critère sur lequel le juge d'instruction peut écarter l'enregistrement de l'interrogatoire de certains mis en examen lorsque ces derniers doivent être simultanément interrogés.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 116-1 du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des personnes mises en examen pour affaire de terrorisme ou de criminalité est d'autant plus justifié que la procédure est sensible et complexe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 102, 78 et 79 ?
M. François Zocchetto, rapporteur. En ce qui concerne les amendements nos 102 et 78, qui visent à supprimer l'obligation d'enregistrement dans les cabinets des juges d'instruction, je dois dire que la disposition figurant sur ce point dans le texte a suscité une certaine perplexité non seulement au sein de la commission, mais même chez le rapporteur.
Au fil des auditions de magistrats, je me suis aperçu - d'ailleurs avec surprise - qu'il n'y avait pas unanimité en leur sein sur l'intérêt de l'enregistrement. Un certain nombre d'entre eux ont exprimé le souhait d'étendre l'obligation d'enregistrement, par exemple, aux témoins. Le texte ne va pas jusque-là.
Il semble sage de maintenir la disposition et d'en prévoir l'évaluation d'ici à deux ans pour vérifier sa pertinence ; c'est ce que nous avons décidé hier. Ce système présente, il est vrai, un caractère expérimental, mais à ne rien tenter, on se prive de tout progrès.
La commission est défavorable aux amendements nos 102 et 78. L'amendement n° 79 a le même objet que l'amendement n° 77, qui avait recueilli un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ne suis pas surpris que l'amendement prévoyant l'enregistrement dans le cabinet du juge d'instruction ne fasse pas plus l'unanimité ici qu'à l'Assemblée nationale.
Je me suis rendu en Italie voilà quelques mois, et je me suis informé de l'évolution législative dans ce domaine. On m'a rapporté qu'il s'était passé rigoureusement la même chose : quand l'Italie a décidé de mettre à la disposition d'un juge de l'enquête des moyens d'enregistrement lors des audiences, l'idée a été contestée par l'ensemble de la magistrature et par une partie des avocats.
C'est chose faite depuis quelques années, et personne ne voudrait revenir en arrière. Il ne s'agit nullement d'un manque de confiance ! Ou alors, on n'enregistre jamais rien nulle part, ni en aucune circonstance !
Je le rappelle, le juge d'instruction établit non pas un verbatim, mais une synthèse qu'il dicte à son greffier, lequel authentifie le procès-verbal. D'ailleurs, ce qui fait foi, c'est le procès-verbal, et non l'enregistrement. La garantie du justiciable reste donc, demain comme hier, le procès-verbal.
Il est clair que cette mesure, prévue par la commission d'Outreau, a intégré le fait que toute personne convoquée peut être distraite ou mal s'exprimer, donc s'exposer au contresens. L'enregistrement, qui a pour objet d'éviter ce risque, n'a rien à voir avec une suspicion quelconque à l'égard de qui que ce soit.
Aujourd'hui, nous avons les moyens techniques pour venir en aide à cette nature humaine qui reste faillible. L'esprit du texte est d'en tirer profit.
Défavorable à l'amendement n° 102, le Gouvernement l'est également aux amendements nos 78 et 79.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 35.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 102.
M. Pierre Fauchon. Je pense, comme M. Badinter, que le fait de placer sur le même plan les enquêtes de police et les enquêtes du juge d'instruction est une erreur et témoigne d'une méconnaissance complète du mode de fonctionnement de la justice. Pour les enquêtes de police, qui se font dans un tête à tête entre un officier de police et un prévenu, il est évidemment bon qu'une sorte de témoin muet rapporte les éléments d'ambiance, le déroulement des choses.
Au-delà de leur utilité ultérieure, ces enregistrements ont aussi une grande utilité préventive, car la personne qui se sait enregistrée ne s'exprime pas de la même manière, n'a pas forcément la même attitude, autant de détails à première vue secondaires, mais, en réalité, essentiels.
Pour avoir assisté à de tels enregistrements à Scotland Yard, j'ai vu qu'ils garantissaient un climat beaucoup plus serein et beaucoup plus correct. C'est très bien, mais ce qui se passe chez le juge d'instruction est tout à fait différent. Comme l'a rappelé M. le garde des sceaux, nous sommes dans une procédure écrite, avec un greffier assermenté, qui a une responsabilité particulière. Et il y a un avocat.
Avec ce système, vous êtes en train de dévaloriser le procès-verbal : confiant dans l'enregistrement, l'avocat pourra éventuellement sortir et revenir au bout de dix minutes.
Or ce qui est essentiel, dans une instruction, et que nous autres, avocats, avons vécu, c'est que le juge rapporte au greffier ceci et cela, et l'avocat a toujours la possibilité de rétablir, devant le juge, les propos de son client, de souligner les nuances, la pertinence des adjectifs. Forts de cette expérience, nous savons que, jusqu'à nouvel ordre, le procès-verbal est ce qu'il y a de mieux ; il n'a pas besoin d'être complété.
Ne dévalorisez pas le procès-verbal sous prétexte qu'il y a un enregistrement. C'est une erreur ! Une susceptibilité de corps s'est manifestée, ce qui est très compréhensible sur le plan humain. Mais les niveaux de formation et les types de garantie ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit d'officiers de police judiciaire, de magistrats, d'avocats ou de greffiers.
Il est certain - et c'est normal, vous m'avez entendu le dire tout à l'heure - qu'il faut chercher la vérité. Toutefois, convenons-en, les procédés employés par la police sont quand même plus « rustiques » que ceux dont usent les magistrats.
Outre que tout cela n'est pas gratuit, il n'y a pas de véritable raison de créer une double approche du déroulement des interrogatoires chez les juges d'instruction.
Pour ma part, je crois qu'il faut, jusqu'à nouvel ordre, respecter l'importance du procès-verbal et ne pas lui apporter de complément. Ainsi, l'amendement n° 102 de M. Badinter me paraît le bienvenu et, en ce qui me concerne, je suis prêt à le voter. Car on peut, en toute sérénité, avoir une opinion technique sur une telle question. La solidarité de la commission n'est pas en jeu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si !
M. Pierre Fauchon. Cent fois solidaires avec la commission, nous avons quand même le devoir de réfléchir sur chaque problème !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement que l'on a gardé le nom latin et que l'on appelle une chambre d'enregistrement une caméra ! Une chambre d'enregistrement, nous en avions déjà une, c'était la chambre d'accusation !
Cela étant, on sait que la collégialité de l'instruction ne pourra, d'après notre rapporteur, intervenir que dans cinq ans. Pourquoi ce délai ? Par manque de personnel du fait des très nombreux départs en retraite de magistrats. Alors même qu'il n'y a pas assez de greffiers, on veut enregistrer ce qui se passe dans le cabinet du juge d'instruction et, éventuellement, dans les pôles.
Que se passe-t-il à l'instruction ? En général, un greffier enregistre, sous le contrôle de l'avocat, ce que lui dicte le juge, avec possibilité de rectifications. Qui s'occuperait de l'enregistrement audiovisuel ? Le greffier ? Ou bien y aurait-il un photographe en plus ? J'aimerais beaucoup qu'on me le dise !
En vérité, je vous le demande - et je m'adresse à nos collègues pour les convaincre de voter cet amendement n° 102 - à quoi sert-il de faire un enregistrement audiovisuel des interrogatoires dans le cabinet du juge d'instruction alors que ceux-ci se déroulent sous le contrôle de l'avocat et en présence de la greffière, enregistrement que personne n'a d'ailleurs jamais demandé ? Aurait-on trop d'argent pour le jeter ainsi par les fenêtres ?
Nous espérons, mes chers collègues, que vous avez entendu les hésitations du rapporteur lui-même et nous insistons pour que vous adoptiez cet amendement n° 102.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On l'a dit, il s'agit d'un dispositif largement expérimental.
Peut-être rejoignons-nous là le débat que nous avons eu sur le juge. Je crois en effet que l'objet est de protéger le juge. Quant au coût de cette mesure, il ne faut pas exagérer !
Pierre Fauchon le sait, chacun est libre de s'exprimer et les membres de la commission n'ont pas l'obligation de s'en tenir à la position de cette dernière, quand bien même ils n'ont pas émis d'avis divergents lors de ses travaux, mais j'ai le devoir de soutenir son vote, d'autant que nous avons longuement réfléchi. C'est mon rôle, et j'incite donc mes collègues à ne pas changer de position ; sinon, autant supprimer le travail en commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il arrive parfois que l'avis de la commission change !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que les choses évoluent ! Permettez-moi de vous dire, maître Dreyfus-Schmidt, que, sur ce sujet - pas plus d'ailleurs que sur d'autres au cours de cet après-midi - votre plaidoirie ne m'a pas convaincu.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vois pas le rapport !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. J'ai fait état d'une certaine perplexité dans le cheminement de notre réflexion, mais je tiens à dire que ma position en tant que rapporteur n'est pas ambiguë.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle est même très claire !
M. François Zocchetto, rapporteur. Mon expérience personnelle, qui est d'ailleurs partagée par ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui sont ou ont été avocats, me permet de dire qu'il y a des moments particulièrement tendus dans les cabinets des juges d'instruction, notamment lors de la signature du procès-verbal. L'avocat qui fait correctement son métier doit empêcher son client de signer d'emblée et doit commencer par tout relire. C'est alors que les attitudes des uns et des autres peuvent changer, et il est assez fréquent que le ton monte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. François Zocchetto, rapporteur. À la lumière de cette expérience, je pense que l'enregistrement audiovisuel - qui ne me paraissait pas nécessairement utile au départ - pourra contribuer à modifier le comportement des différents acteurs qui interviennent dans le cabinet du juge d'instruction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cinéma !
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, je souhaitais voter pour cet amendement !
M. le président. Monsieur Portelli, je ne peux que vous donner la parole pour explication de vote sur l'amendement n° 78.
M. Hugues Portelli. Il est vrai qu'en commission, comme beaucoup d'entre nous, j'ai voté dans le sens qu'indique la commission. Mais, il faut être honnête, les amendements de l'opposition sont examinés « au pas de charge » et votés de même.
Mme Éliane Assassi. Merci de le reconnaître !
M. Hugues Portelli. Je dois dire ensuite que, lors de l'examen d'un autre texte relatif à la procédure pénale, je me suis trouvé seul dans cet hémicycle à défendre un texte adopté en commission, mais rejeté en séance par ceux-là mêmes qui l'avaient voté !
Cela me donne une certaine liberté et m'autorise à voter pour l'amendement n° 102.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Trop tard !
M. le président. Monsieur Portelli, le vote sur l'amendement n° 102 a eu lieu, mais il sera pris acte de votre déclaration.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut revoter !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne peux pas revenir sur le vote et que M. Portelli ait ou non voté l'amendement ne change rien au résultat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On n'en sait rien ! Heureusement que nos débats sont enregistrés ! (Rires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Deux ans après l'entrée en vigueur des articles 6 et 7, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le bilan de la mise en oeuvre de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des personnes placées en garde à vue ainsi que des personnes mises en examen et présente les possibilités d'une extension de ces dispositifs.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. J'ai déjà largement évoqué l'objet de cet amendement, à savoir la présentation d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en oeuvre de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite obtenir des explications. En effet, je n'avais pas compris que ces enregistrements audiovisuels, qui concernent d'ailleurs tant les personnes placées en garde à vue que les personnes mises en examen, constituaient une expérience. Je me demande donc pourquoi il faudrait que le Gouvernement présente - à la saint-glinglin - un rapport sur « les possibilités d'une extension de ces dispositifs ».
Nous serions d'accord si vous nous annonciez que vous allez faire des expériences pour éventuellement les étendre ensuite, mais ce n'est pas le cas, et je souhaiterais vivement obtenir une réponse à mes interrogations. À quoi donc ces enregistrements pourraient-ils bien être étendus puisqu'il est déjà prévu d'y recourir dans tous les cas ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Article 8
I. - Après l'article 80-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 80-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 80-1-1. - Sans préjudice de son droit de demander l'annulation de la mise en examen dans les six mois de sa première comparution, conformément aux articles 173, 173-1 et 174-1, la personne mise en examen peut au cours de l'information, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81, demander au juge d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté si elle estime que les conditions prévues par les premier et troisième alinéas de l'article 80-1 ne sont plus remplies.
« Cette demande peut être faite à l'issue d'un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois suivants.
« Cette demande peut également être faite dans les dix jours qui suivent la notification d'une expertise ou un interrogatoire au cours duquel la personne est entendue sur les résultats d'une commission rogatoire.
« Le juge d'instruction statue sur cette demande après avoir sollicité les réquisitions du ministère public.
« Si le juge d'instruction fait droit à la demande, il informe la personne qu'elle bénéficie du statut de témoin assisté. Si la personne est détenue, le juge ordonne sa mise en liberté d'office.
« Si le juge d'instruction estime que la personne doit rester mise en examen, il statue par ordonnance motivée faisant état des indices graves ou concordants justifiant sa décision. »
II. - Après l'article 120 du même code, il est inséré un article 120-1 ainsi rédigé :
« Art. 120-1.- Lorsque la personne mise en examen ou le témoin assisté sont mis en cause par plusieurs personnes, ils peuvent demander, conformément au premier alinéa de l'article 82-1 ou au deuxième alinéa de l'article 113-3, à être confrontés séparément avec chacune d'entre elles. Le juge d'instruction statue sur ces demandes conformément au deuxième alinéa de l'article 82-1. Le refus d'une demande de confrontation individuelle ne peut être motivé par la seule raison qu'une confrontation collective est organisée.
III. - Dans le premier alinéa de l'article 186 du même code, après le mot : « articles », est insérée la référence : « 80-1-1, ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 103, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus - Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 80-1-1 du code de procédure pénale :
« Art. 80-1-1. - À l'issue d'un délai d'un an en matière correctionnelle et de deux ans en matière criminelle, la mise en examen est caduque. Toutefois, le juge d'instruction peut justifier le maintien de la mise en examen par une décision motivée. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement tend à remplacer la possibilité de contestation à intervalles réguliers de la mise en examen par une caducité de cette dernière au bout d'un an en matière correctionnelle et deux ans en matière criminelle, à charge pour le juge d'instruction d'expliquer en quoi la mise en examen est toujours justifiée.²
Il s'agit donc d'accélérer les choses, avec enregistrement puisque vous venez d'en décider ainsi, sous réserve, bien entendu, de ce que feront la commission mixte paritaire puis le Conseil constitutionnel.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte prévu par le I de cet article pour l'article 80-1-1 du code de procédure pénale par les mots :
ou sur les déclarations de la partie civile, d'un témoin, d'un témoin assisté ou d'une autre personne mise en examen.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 103.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 8 du projet de loi ouvre à la personne qui est mise en examen la possibilité de demander le statut de témoin assisté soit six mois après la mise en examen puis tous les six mois, soit dans les dix jours suivant la notification d'une expertise ou un interrogatoire au cours duquel la personne est entendue sur les résultats d'une commission rogatoire.
Cependant, des éléments nouveaux justifiant une remise en cause de la mise en examen peuvent aussi procéder de déclarations de la partie civile, d'un témoin, d'un témoin assisté ou d'une autre personne mise en examen. La personne mise en examen doit donc aussi pouvoir demander l'octroi du statut de témoin assisté.
Il s'agit d'une innovation importante, qui répond d'ailleurs, dans une certaine mesure, aux préoccupations des auteurs de l'amendement n° 103, sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Rendre caduque, au bout d'un certain temps, toute mise en examen ne me paraît pas une bonne idée. Imaginons en effet les conséquences : cela signifie que le non-lieu serait, dans ce cas, automatique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lisez l'amendement en entier, monsieur le garde des sceaux : il y a une deuxième phrase.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si la personne ne conteste pas sa mise en examen, pourquoi cette dernière serait-elle caduque ? Seriez-vous plus zélé que les intéressés eux-mêmes ?.... Bref, cette proposition est un peu trop systématique et mérite d'être davantage travaillée. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement est en revanche favorable à l'amendement de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC également.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. - Le quatrième alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette copie, notamment celle concernant les rapports d'expertise, peut être adressée à l'avocat sous forme numérisée, le cas échéant par un moyen de télécommunication selon les modalités prévues à l'article 803-1. La délivrance de cette copie doit intervenir dans le mois qui suit la demande. »
II. - Après l'article 161 du même code, il est inséré deux articles 161-1 et 161-2 ainsi rédigés :
« Art. 161-1. - Copie de la décision ordonnant une expertise est adressée sans délai au procureur de la République et aux avocats des parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81.
« S'ils estiment que les circonstances le justifient, le procureur de la République ou les avocats des parties peuvent, selon les mêmes modalités, demander au juge d'instruction d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés, un expert de leur choix figurant sur une des listes mentionnées à l'article 157.
« Si le juge ne fait pas droit, dans un délai de dix jours à compter de leur réception, aux demandes prévues aux deux premiers alinéas, il rend une ordonnance motivée. Cette ordonnance ou l'absence d'ordonnance peut être contestée dans un délai de dix jours devant le président de la chambre de l'instruction. Ce dernier statue par décision motivée qui n'est pas susceptible de recours.
« Le présent article n'est pas applicable lorsque les opérations d'expertise et le dépôt des conclusions par l'expert doivent intervenir en urgence et ne peuvent être différés pendant le délai de dix jours prévu au premier alinéa ou lorsque la communication prévue au premier alinéa risque d'entraver l'accomplissement des investigations.
« Il n'est pas non plus applicable aux catégories d'expertises dont les conclusions n'ont pas d'incidence sur la détermination de la culpabilité de la personne mise en examen et dont la liste est fixée par décret.
« Art. 161-2. - Si le délai prévu à l'article 161 excède un an, le juge d'instruction peut demander que soit auparavant déposé un rapport d'étape, qui est notifié aux parties selon les modalités prévues à l'article 167. Les parties peuvent alors adresser en même temps à l'expert et au juge leurs observations en vue du rapport définitif. »
III. - Le quatrième alinéa de l'article 166 du même code est complété par les mots : « ou aux avocats des parties ».
IV. - Le deuxième alinéa de l'article 167 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si les avocats des parties ont fait connaître au juge d'instruction qu'ils disposent d'une adresse électronique, l'intégralité du rapport peut leur être adressée par cette voie, selon les modalités prévues par l'article 803-1. »
V. - Après l'article 167-1 du même code, il est inséré un article 167-2 ainsi rédigé :
« Art. 167-2. - Le juge d'instruction peut demander à l'expert de déposer un rapport provisoire avant son rapport définitif. Le ministère public et les parties disposent alors d'un délai fixé par le juge d'instruction, qui ne saurait être inférieur à quinze jours ou, s'il s'agit d'une expertise comptable ou financière, à un mois, pour adresser en même temps à l'expert et au juge les observations écrites qu'appelle de leur part ce rapport provisoire. Au vu de ces observations, l'expert dépose son rapport définitif. Si aucune observation n'est faite, le rapport provisoire est considéré comme le rapport définitif.
« Le dépôt d'un rapport provisoire est obligatoire si le ministère public le requiert ou si une partie en a fait la demande selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81 lorsqu'elle est informée de la décision ordonnant l'expertise en application de l'article 161-1. »
VI. - Le deuxième alinéa de l'article 168 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le ministère public et les avocats des parties peuvent également poser directement des questions aux experts selon les modalités prévues par les articles 312 et 442-1. »
VII. - L'article 186-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'appel d'une ordonnance refusant une demande de contre-expertise, les troisième et cinquième alinéas ne sont pas applicables et le président est tenu de transmettre le dossier au procureur général, sauf si l'appel a été formé hors délai ou si l'appelant s'est désisté de son appel. »
VIII. - L'article 803-1 du même code est complété par les mots : « ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l'adresse électronique de l'avocat et dont il est conservé une trace écrite ».
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus - Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les méthodes des experts psychologiques près la Cour d'appel ainsi qu'un code de bonnes pratiques sont élaborés par décret en Conseil d'État après consultation des professions concernées. Ce même décret définit dans les mêmes conditions des critères de distinction entre les missions d'expertise relevant de la psychologie, de la psychiatrie et de la criminologie.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les expertises mentales, on le sait, sont un problème majeur, surtout à une époque où les malades mentaux sont traités non pas comme des malades, mais comme des criminels, et sont mis en prison et non pas dans les asiles, où ils devraient être.
Notre amendement se justifie dès lors par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. J'ai été très étonné par cet amendement. Je veux bien que nous détenions la science universelle et que nous puissions prétendre déterminer ce que doivent faire les experts psychologiques, mais alors, pourquoi s'en tenir à ces seuls experts ? Pendant que l'on y est, pourquoi pas les médecins, ou encore, même si je sais bien que nous sommes en matière pénale, les ingénieurs ou les architectes ?
Il n'est vraiment pas envisageable, monsieur Dreyfus-Schmidt, de vous suivre sur ce point.
Par ailleurs, il ne vous échappe pas que si des dispositions de cette nature devaient être prises, ce qui ne me paraît pas devoir être le cas, elles ne relèveraient absolument pas du domaine de la loi.
L'avis de la commission est donc totalement défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pour ma part, je ne comprends même pas l'amendement : « Les méthodes des experts psychologiques près la Cour d'appel ainsi qu'un code de bonnes pratiques sont élaborés par décret en Conseil d'État après consultation des professions concernées. » La psychologie serait-elle une science exacte ?.... Non, et elle n'est pas près de le devenir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Justement !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ne comprends pas que l'on puisse envisager de codifier les « bonnes pratiques » en matière de psychologie et de psychiatrie.
Si vous voulez dire, en revanche, que 40 % environ des détenus relèvent de la psychiatrie, je vous donne raison.
J'ai d'ailleurs, en collaboration avec M. Xavier Bertrand, ministre de la santé, lancé un projet, que j'espère voir déboucher le plus rapidement possible, d'hôpital-prison - je ne sais pas exactement quel sera le nom retenu, mais tel en est en tout cas le concept. Ce projet devrait permettre d'éviter d'avoir recours à la prison pour les cas les plus lourds du point de vue psychiatrique, et ce afin de soulager les surveillants qui, les pauvres, doivent remplir une mission absolument impossible.
Au reste, monsieur à M. Dreyfus-Schmidt, sans avoir la prétention de détenir une quelconque compétence en la matière, mais en tant que citoyen de base, si je puis dire, j'ai cru observer que la psychiatrie avait beaucoup évolué et que, depuis une quarantaine d'années, plus personne n'était enfermé.
Par conséquent, si vous rendez à la psychiatrie ce qui, dans la détention, relève de la psychiatrie, vous viderez effectivement nos prisons de 40 % de leur population, mais je ne suis pas certain que, dans cette hypothèse, la sécurité des Français soit réellement prise en compte, raison pour laquelle cette solution me semble dangereuse.
Le problème est très difficile. La preuve en est d'ailleurs que, lorsque des expertises sont réalisées, les différents psychiatres et psychologues consultés produisent rarement des conclusions convergentes.
Vous voudriez, monsieur M. Michel Dreyfus-Schmidt, que tout soit codifié, ce qui montre, là encore, l'aspect purement théorique de votre approche de la vie.
En revanche, pour ce qui me concerne, je souhaite de tout coeur que des améliorations soient apportées dans ce domaine en espérant que la psychiatrie elle-même fasse des progrès, car il semble que cette science en soit encore à rechercher des solutions durables pour soigner les malades les plus gravement atteints.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, je ne suis pas aussi dans la lune que vous voulez le faire croire ; je suis même l'auteur de la formule retenue dans le code pénal et qui reprend d'ailleurs le dispositif existant en matière de tutelle.
Je veux dire par là que l'avis de deux experts est requis pour libérer un malade mental de l'hôpital, experts qui rédigent chacun un rapport séparé et qui sont choisis sur une liste arrêtée par le préfet sur proposition du procureur de la République. Il se trouve donc que je connais tout de même un peu la question !
Par ailleurs, comment pouvez-vous dire, monsieur le garde des sceaux, qu'il n'y a plus personne dans les centres psychiatriques ? Si, monsieur le garde des sceaux, il reste des patients qui ne peuvent en sortir précisément en vertu des précautions prises dans la loi.
Je souhaitais simplement faire cette mise au point.
Pour le reste, cet amendement n'a pas l'importance de beaucoup d'autres de ceux que, chers collègues de la majorité, vous avez, comme d'habitude, rejetés à l'unanimité. Mais, après tout, vous assistez à ces débats parce que vous avez été désignés pour cela. Alors, soit ! Vous rejetterez celui-là comme vous avez rejeté les autres !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus- Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene- Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les experts sont inscrits sur une liste d'agrément établie par la cour d'appel, avis pris d'une commission comprenant des personnalités faisant autorité, et au moins un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre du siège de la cour. Un décret détermine les modalités d'application du présent paragraphe.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Chacun sait que, dans la pratique, des experts ou des prétendus experts, demandent à être inscrits sur la liste d'agrément. Cette demande est adressée à la cour d'appel et, sauf erreur de ma part, c'est le premier président qui décide.
Or juge unique, juge inique ! Il nous paraît donc normal que des précautions soient prises afin que les experts soient inscrits de manière contradictoire sur la liste établie par la cour d'appel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis tellement convaincu par les arguments que je viens d'entendre de la part tant de M. le rapporteur que de M. le garde des sceaux que je demande un scrutin public sur cet amendement ! (M. le garde des sceaux s'exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 154 |
Pour l'adoption | 105 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Les quatre amendements suivants sont présentés par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 38 est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
«, notamment celle concernant les rapports d'expertise, »
L'amendement n° 39 est ainsi libellé :
I. Après les mots :
« juge d'instruction,
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 161- 1 du code de procédure pénale :
« , selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81, de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés, un expert de leur choix figurant sur une des listes mentionnées à l'article 157.
II. En conséquence, supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 161- 1 du code de procédure pénale.
L'amendement n° 40 est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le III de cet article :
III. - Le dernier alinéa de l'article 166 du même code est complété par les mots :
«, au procureur de la République ou aux avocats des parties ».
L'amendement n° 41 est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le VII de cet article :
VII. - 1. - Dans le premier alinéa de l'article 186- 1 du même code, les mots :
« et le quatrième alinéa de l'article 167 » sont supprimés et, avant les mots :
« par le deuxième alinéa de l'article 156 »
est inséré le mot : « et ».
2. - Dans la première phrase de l'article 186 du même code, après la référence : « 148 » est insérée la référence : « 167, quatrième alinéa, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces quatre amendements.
M. François Zocchetto, rapporteur. Les amendements nos 38, 39 et 41 sont d'ordre rédactionnel.
S'agissant de l'amendement n° 40, nous proposons que les conclusions des experts qui, selon le code de procédure pénale, peuvent aujourd'hui être communiquées aux officiers de police judiciaire et qui seront, si nous suivons les dispositions votées par l'Assemblée nationale, également transmises aux avocats des parties, puissent être également communiquées au procureur de la République, ce qui paraît normal dans le cadre de l'équilibre des droits des parties.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
I. - L'article 175 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 175. - Aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties et leurs avocats, soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, cet avis peut également être notifié par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d'instruction l'original ou la copie du récépissé signé par l'intéressé.
« Le procureur de la République dispose alors d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction. Copie de ces réquisitions est adressée dans le même temps aux avocats des parties par lettre recommandée.
« Les parties disposent de ce même délai d'un mois ou de trois mois à compter de l'envoi de l'avis prévu au premier alinéa pour adresser des observations écrites au juge d'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81. Copie de ces observations est adressée en même temps au procureur de la République.
« Dans ce même délai d'un mois ou de trois mois, les parties peuvent formuler des demandes ou présenter des requêtes sur le fondement des articles 81, neuvième alinéa, 82- 1, 156, premier alinéa, et 173, troisième alinéa. À l'expiration de ce délai, elles ne sont plus recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.
« À l'issue du délai d'un mois ou de trois mois, le procureur de la République et les parties disposent d'un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d'un mois dans les autres cas pour adresser au juge d'instruction des réquisitions ou des observations complémentaires au vu des observations ou des réquisitions qui leur ont été communiquées.
« À l'issue du délai de dix jours ou d'un mois prévu à l'alinéa précédent, le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement, y compris s'il n'a pas reçu de réquisitions ou d'observations dans le délai prescrit.
« Les premier, troisième et cinquième alinéas et, s'agissant des requêtes en nullité, le quatrième alinéa du présent article, sont également applicables au témoin assisté. »
I bis. - Dans le septième alinéa de l'article 116 du même code, les mots : « au plus tard le vingtième jour suivant l'avis prévu par le dernier alinéa de l'article 175 » sont remplacés par les mots : « avant l'expiration du délai d'un mois ou de trois mois prévu par le troisième alinéa de l'article 175 ».
I ter. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 173 du même code, la référence : « 175, deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « 175, quatrième alinéa ».
II. - L'article 184 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d'instruction en application de l'article 175, en précisant les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen. » - (Adopté.)
CHAPITRE IV
Dispositions tendant à assurer la célérité de la procédure pénale
Article 11
L'article 4 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 4. - L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
« Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
« La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 4 du code de procédure pénale, après le mot :
« Toutefois »
insérer les mots :
« lorsque la décision civile dépend exclusivement de la décision pénale,
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 83, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus- Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene- Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 4 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous souhaitons donc la suppression du troisième alinéa du texte proposé par l'article 11 pour l'article 4 du code de procédure pénale.
Cela étant, je lis, dans le comparatif qui figure au rapport, que l'alinéa dont il s'agit est supprimé par la commission. Mais où est l'amendement de suppression de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je me dois d'intervenir pour la clarté du débat. Vous étiez présent en commission et vous savez que nous avons pris tout le temps nécessaire pour examiner ce problème.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout va tellement vite !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, mon cher collègue, nous avons eu un long débat à propos des amendements « extérieurs », notamment l'amendement n° 80 de M. Lecerf, qui n'a pas été soutenu, et le vôtre, débat au terme duquel nous avons estimé, contrairement à ce que nous avions conclu, à tort, en première analyse, que cet alinéa était indispensable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Donc, après en avoir délibéré, la commission a explicitement proposé que nous votions l'article 11 tel qu'il nous venait de l'Assemblée nationale ; cela figure d'ailleurs dans le Bulletin des commissions, que vous pourrez consulter.
En résumé, s'il est vrai que, dans le rapport initial, la commission avait souhaité la suppression de ce troisième alinéa, aujourd'hui sa position a changé.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie de cette précision, monsieur Hyest.
Évidemment, nous n'avons pas les moyens d'un président de commission, nos collaborateurs ne sont pas près de nous dans l'hémicycle et nous ne pouvons pas nous souvenir toujours de tout, notamment parce que nous ne sommes pas personnellement à l'origine de tous les amendements que par ailleurs nous cosignons !
Je comprends mieux à présent, mais avouez que, si l'on se réfère au tableau comparatif, on peut s'y tromper, ce qui n'a pas manqué !
Donc, nous ne sommes saisis d'aucun amendement de suppression par la commission, et c'est le texte adopté par l'Assemblée nationale qu'il s'agirait d'adopter. Or cet alinéa pose un problème extrêmement grave, si grave que je me permets de rappeler le texte dont il s'agit : « La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »
Or le texte initial du projet de loi autorisait certaines exceptions : « La décision rendue par la juridiction pénale postérieurement à la décision rendue par la juridiction civile peut cependant constituer une cause de révision du procès civil si au cours de l'instance civile une demande de sursis à statuer pour bonne administration de la justice a été déposée et rejetée. » Ce passage a tout simplement disparu !
En fait, c'est le vieux principe selon lequel « le criminel tient le civil en l'état » qui se trouve ici effacé d'un coup de baguette magique, ce qui est tout de même gênant, et qui mériterait certainement un long débat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'état actuel de notre information, sans débat ni audit pour nous éclairer, nous nous refusons à porter atteinte à ce vieux principe de notre droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est favorable, sans la moindre ambiguïté, au maintien de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l'état ».
Néanmoins, monsieur Dreyfus-Schmidt, il s'agit de rétablir le véritable champ d'application de cette règle, car celle-ci a connu une dérive sur le plan des pratiques mais également sur celui du droit.
En effet, je ne crains pas de l'affirmer, la Cour de cassation a malencontreusement encouragé par sa jurisprudence les pratiques dilatoires, sinon parfois irresponsables, de certains auxiliaires de justice, avec pour résultat qu'aujourd'hui 80 % des plaintes avec constitution de partie civile reçues au tribunal de grande instance de Paris aboutissent à des non-lieux.
Ces plaintes encombrent le cabinet des juges d'instruction, qui gagneraient à se consacrer aux affaires réellement importantes, celles qui méritent une information judiciaire. La règle que vous évoquez est donc véritablement dévoyée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. À Paris !
M. François Zocchetto, rapporteur. Pas seulement, hélas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est pire en province !
M. François Zocchetto, rapporteur. En effet, les barreaux de province ont tendance à imiter ce qui se fait à Paris. Cette pratique s'est donc répandue un peu partout sur le territoire, au point qu'aujourd'hui on n'imagine plus déposer un dossier en matière de divorce, de conflit du travail devant les prud'hommes, ou dans une affaire de droit économique, sans l'accompagner d'une plainte, ne serait-ce que pour pouvoir accéder au dossier en tant que partie civile, connaître ce qu'il contient, réaliser des photocopies et diffuser les informations.
Honnêtement, cette situation ne peut plus durer, toutes les personnes que nous avons interrogées nous l'affirment !
Cette réforme n'est pas facile, mais je me dois d'être très clair, nous tenons à maintenir une règle favorable aux victimes authentiques, auxquelles elle permet de déposer une plainte avec constitution de partie civile. Nous avons eu de longs débats à ce sujet. Ai-je besoin de le rappeler, la commission s'est réunie trois fois en formation plénière à propos de ce texte. Notre décision de retirer l'amendement que j'avais déposé initialement a donc été précédée d'une longue réflexion.
Cependant, s'il est vrai que la commission est favorable au maintien de la règle, elle est non moins favorable à la restriction apportée à la règle, et ce tant pour des raisons pratiques que pour préserver l'économie générale du texte dont nous débattons aujourd'hui. Le seul moyen d'y parvenir, semble-t-il, est d'adopter la rédaction de l'Assemblée nationale.
Ainsi, lorsqu'une plainte sera déposée en relation avec une action au civil, le juge s'interrogera et il pourra, dans certains cas, décider qu'il n'est pas obligé de surseoir à statuer.
Telle la solution que nous avons trouvée, mais je n'exclus pas que, dans quelques années, si les attitudes de certains ont changé, nous puissions revenir sur cette disposition, car je conviens avec vous qu'elle n'est pas pleinement satisfaisante. Toutefois, aujourd'hui, il n'est pas possible de faire autrement.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, comme nous l'avons fait en commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Dreyfus-Schmidt, cet alinéa n'a aucunement pour objet d'imposer une quelconque décision aux magistrats. Vous avez commis à mes yeux une faute de compréhension en affirmant tout à l'heure que le juge serait obligé de ne plus tenir le civil en l'état lorsqu'une affaire criminelle serait pendante, car en réalité, ce sera toujours à lui d'en décider.
Cet amendement n'est pas l'oeuvre du Gouvernement, ni même de la Chancellerie. Il est issu du rapport de la commission Magendie,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... rapport qui, d'ailleurs, mais vous le savez, a été commandé par mon prédécesseur à la suite de l'affaire d'Outreau.
Or je crois que la simplification et la souplesse qu'il tend à introduire n'ont rien qui puisse inquiéter un juriste sourcilleux. Je vous en donne deux exemples.
Prenons, tout d'abord, le cas de l'employeur qui est attrait aux prud'hommes par un salarié irrégulièrement licencié et qui, aussitôt, dépose plainte pour vol avec constitution de partie civile contre ce même salarié, afin de le gêner dans l'exercice de ses droits. Cet exemple est parlant, je l'espère, et il montre que le dépôt de plainte constitue un moyen dilatoire, qui interdit souvent aux salariés de faire valoir leurs droits, tout au moins devant les prud'hommes.
Envisageons, à l'inverse, le cas d'une personne qui demande réparation pour vol à un individu devant le juge civil, alors que la juridiction pénale se trouve saisie en même temps pour déterminer si cet individu a véritablement volé. Si tel n'est pas le cas, la personne qui a déposé plainte ne recevra pas d'indemnisation, et en l'occurrence il ne sera pas possible de déroger à la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l'état ». Dans cette hypothèse, ce texte n'apportera aucun changement.
Ce que je veux vous montrer, c'est que nous introduisons une certaine souplesse, à rebours de la solution abusive qui prévaut aujourd'hui. Celle-ci, certes, est le fruit d'une jurisprudence de la Cour de cassation, mais elle n'en a pas moins créé une situation très inquiétante, puisque seule une infime minorité des plaintes avec constitution de partie civile reçoivent une suite. Le système est aujourd'hui à ce point dévoyé qu'il serait presque choquant de ne pas vouloir le corriger ; c'est précisément ce que nous proposons au Parlement de faire.
Je remercie la commission des lois du Sénat d'avoir accepté, après avoir longuement réfléchi, une solution qui, issue des travaux de la commission Magendie, me semble très utile pour les justiciables.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai bien entendu les explications qui m'ont été fournies, mais je ne comprends toujours pas pourquoi la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 11 du projet de loi initial a été supprimée. En effet, celle-ci disposait que « la décision rendue par la juridiction pénale postérieurement à la décision rendue par la juridiction civile peut cependant constituer une cause de révision du procès civil si au cours de l'instance civile une demande de sursis à statuer pour bonne administration de la justice a été déposée et rejetée. » Il me semble que cette disposition complétait heureusement l'article et qu'elle aurait dû être reprise.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je comprends votre préoccupation, et vous avez raison, sur le fond.
Néanmoins, cette disposition est inutile ici dans la mesure où elle figure déjà dans le code de procédure pénale ! Il est évident que, si une décision ultérieure de la juridiction pénale était susceptible de remettre en cause un procès au civil, celui-ci ferait l'objet d'une révision. Je vous rassure, ce cas de figure se trouve déjà prévu dans le code de procédure pénale.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, dans ces conditions, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
I. - L'article 85 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. Cette condition de recevabilité n'est pas requise s'il s'agit d'un crime ou s'il s'agit d'un délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou par les articles L. 86, L. 87, L. 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 108 et L. 113 du code électoral. »
II. - Supprimé..........................................................................
III. - Après l'article 88-1 du même code, il est inséré un article 88-2 ainsi rédigé :
« Art. 88-2. - Le juge d'instruction peut, en cours de procédure, ordonner à la partie civile qui demande la réalisation d'une expertise de verser préalablement un complément de la consignation prévue par l'article 88 afin de garantir le paiement des frais susceptibles d'être mis à sa charge en application du second alinéa de l'article 800-1. Cette décision est prise par ordonnance motivée susceptible d'appel devant la chambre de l'instruction. Elle peut également être prise par la chambre de l'instruction saisie après que le juge d'instruction a refusé d'ordonner l'expertise demandée.
« Le complément de consignation est restitué s'il n'est pas fait application du second alinéa de l'article 800-1. »
IV. - L'article 800-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsqu'il est fait application des articles 177-2 ou 212-2 à l'encontre de la partie civile dont la constitution a été jugée abusive ou dilatoire, les frais de justice correspondant aux expertises ordonnées à la demande de cette dernière peuvent, selon les modalités prévues par ces articles, être mis à la charge de celle-ci par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction. Le présent alinéa n'est pas applicable lorsque la partie civile a obtenu l'aide juridictionnelle. »
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
La prescription de l'action publique est suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu'à la réponse du procureur de la République ou, au plus tard, une fois écoulé le délai de trois mois.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à préciser explicitement que la prescription de l'action publique sera suspendue entre le dépôt de la plainte auprès du ministère public et la réponse du procureur de la République, ou passé un délai de trois mois si ce dernier ne répond pas.
Il s'agit donc de préserver les droits des victimes dans le nouveau dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rétablir le II de cet article dans la rédaction suivante :
II. - Après la première phrase du quatrième alinéa de l'article 86 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte ou en application des dispositions du troisième alinéa du présent article, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir une disposition du projet de loi initial qui a été supprimée par l'Assemblée nationale.
Il s'agit de permettre au procureur de la République de prendre des réquisitions de non-lieu lorsqu'il est manifeste que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis.
En effet, il semble judicieux que le juge d'instruction puisse connaître ces réquisitions
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du second alinéa du IV de cet article, après les mots :
pas applicable
insérer les mots :
en matière criminelle et en matière de délits contre les personnes prévus par le livre II du code pénal, ou
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Mes chers collègues, je le rappelle, nous examinons, avec le chapitre IV, des mesures susceptibles d'accroître la célérité de la justice, et donc de lutter contre toutes les procédures dilatoires.
L'une de ces procédures consiste précisément à demander des expertises à répétition. Dans ce cas de figure, la chambre de l'instruction ou le juge d'instruction peuvent mettre les frais de justice à la charge de la partie civile, sauf lorsque celle-ci a obtenu l'aide juridictionnelle. Cet amendement a pour objet de restreindre le champ de cette disposition.
En effet, il nous semble judicieux qu'en matière de crimes et de délits contre les personnes les frais d'expertise, même s'il s'agit de nouvelles expertises, ne puissent être mis à la charge des parties civiles, donc des victimes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 236 du code de procédure pénale, les mots : « après avis » sont remplacés par les mots : « sur proposition ».
II. - Dans le premier alinéa de l'article 237 du même code, les mots : « après avis » sont remplacés par les mots : « sur proposition ».
III. - L'article 238 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 238. - Sur proposition du ministère public, le rôle de chaque session est arrêté par le président de la cour d'assises ou, à la demande du procureur général, par le premier président de la cour d'appel. »
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le projet de loi apporte des modifications à l'audiencement devant la cour d'assises.
Ces dispositions ne garantissent guère les droits légitimes des parties à s'exprimer au cours des débats et à faire citer les témoins qui leur paraissent utiles à la manifestation de la vérité.
Si de nouvelles audiences criminelles doivent être organisées, il faut augmenter les moyens et non réduire le temps consacré à l'examen des dossiers.
Nous traitons ici des cours d'assises ! Il est peut-être nécessaire que la justice aille plus vite, et Dieu sait, monsieur le ministre, si vous avez pris des mesures afin qu'elle aille vite, très vite, et même trop vite. Toutefois, en matière criminelle, c'est tout de même un peu gênant !
L'article 236 du code de procédure pénale dans sa version actuelle dispose que : « Cependant, le premier président de la cour d'appel peut, après avis du procureur général, ordonner qu'il soit tenu, au cours d'un même trimestre, une ou plusieurs sessions supplémentaires. »
Aux termes du projet de loi, les mots : « après avis » seraient remplacés par les mots : « sur proposition ». Un président de cour d'appel n'est-il pas assez grand pour savoir s'il doit tenir compte de l'avis du procureur ? Faut-il vraiment inscrire dans la loi qu'il s'agit d'une « proposition » ?
La même modification est apportée, dans le texte proposé pour l'article 237 du code de procédure pénale, qui concerne la fixation de la date de l'ouverture de chaque session d'assises, ordinaire ou supplémentaire. Comme s'il s'était trouvé un cas d'un premier président de cour d'appel ayant refusé de fixer cette date ! Je suis certain que cela n'est jamais arrivé, et je ne vois pas pourquoi on attribue cette nouvelle prérogative au deuxième chef de cour.
La même modification est encore introduite dans le texte proposé pour l'article 238 du code de procédure pénale, s'agissant cette fois du rôle de chaque session, qui serait arrêté par le président de la cour d'assises, sur proposition du ministère public. Une fois de plus, vous prévoyez de donner des pouvoirs supplémentaires au procureur général, qu'à notre avis il ne demande pas, et dont rien ne prouve qu'ils soient justifiés. Pourquoi ce désaveu des premiers présidents ? Je serais heureux que l'on me réponde, car je ne tiens pas du tout, étant donné l'heure, à demander un nouveau scrutin public !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. J'ai indiqué ce matin qu'un des problèmes de la détention provisoire résidait dans les délais d'audiencement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. François Zocchetto, rapporteur. Le délai moyen d'audiencement en matière criminelle est de douze mois, et même de plus de quatorze mois à Paris. Toutes les mesures qui permettront de réduire ce délai seront donc les bienvenues.
Je vous rassure tout de suite, cher collègue : les dispositions de l'article 13 ne changeront pas le déroulement du procès devant la cour d'assises ! L'intervention du procureur général dans l'audiencement et dans la fixation du calendrier des sessions d'assises permettra sans doute de raccourcir les délais d'audiencement.
Avouez que, lorsqu'une affaire est en état d'être jugée, il vaut mieux que le procès se déroule le plus rapidement possible. Vous n'avez aucun mal à imaginer, monsieur Dreyfus-Schmidt, à quel point est difficile la situation d'un accusé qui attend de passer devant la cour, sans savoir précisément quand il sera jugé.
J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement, et je me permettrai de développer un argumentaire similaire pour les deux amendements qui suivent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je constate que M. Dreyfus-Schmidt s'oppose systématiquement, comme à son habitude, à tout ce qui lui est proposé.
J'ai cependant du mal à comprendre pourquoi, en l'occurrence, car les grands principes sont préservés. C'est bien le siège qui, dans tous les cas, décide de l'audiencement. On fait simplement en sorte que, en cas de désaccord entre le parquet et le siège, c'est le procureur général qui suive le premier président, et c'est très bien ainsi !
Nous n'entendons pas exclure le procureur général, qui est souvent plus au fait des urgences que le siège, en raison de son ancrage très concret, très quotidien, dans la vie locale.
Vous pouvez vous opposer à cette disposition, comme d'ailleurs à tout le reste, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais, très honnêtement, je trouve votre position excessive.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que M. le garde des sceaux se rassure, c'est seulement en fin de séance que je demanderai la parole pour un fait personnel. M. le ministre a tenu en effet tout à l'heure à mon égard des propos insultants.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'enregistrement pourra d'ailleurs l'attester, le cas échéant.
M. le président. Je peux vous assurer que je n'ai rien entendu de tel dans cet hémicycle, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous laisse le soin de faire vérifier l'enregistrement d'ici à la fin de la séance.
M. le président. J'ignore ce qu'il en est des conversations privées, mais je n'ai entendu prononcé dans cet hémicycle aucun des propos auxquels vous faites allusion !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourtant bien dans l'hémicycle qu'ils ont été tenus !
Mais j'en reviens à l'amendement.
Est-ce de la faute des premiers présidents si les dates des sessions ne sont pas fixées, ou si elles sont fixées trop tard ? Je ne le crois pas ! L'avis du procureur général est, de toute façon, déjà requis. Mais vous souhaitez, désormais, qu'elles soient fixées sur proposition du procureur. C'est là que réside le véritable problème.
En conséquence, oui, c'est vrai, nous ne sommes pas d'accord. Nous en avons parfaitement le droit, et nous avons également le droit de le dire, monsieur le garde des sceaux ! Évidemment, ce serait plus facile si vous disposiez d'une majorité encore plus grande au Sénat - elle n'est jamais aujourd'hui que des deux tiers -, et cela vous arrangerait peut-être qu'elle soit de 100 %... Mais on ne pourrait plus du tout, alors, parler de démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 13
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. L'article 297 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de cet article, les mots : « le ministère public ensuite », sont remplacés par les mots : « en l'absence de partie civile le ministère public ensuite ou, s'il en est une, la partie civile ».
2° Au deuxième alinéa de cet article, après les mots : « ni le ministère public », sont insérés les mots : « ni la partie civile ».
II. L'article 298 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou la partie civile ».
2° Dans la seconde phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou la partie civile ».
III. L'article 299 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après le mot : « accusés », sont insérés les mots : « ou parties civiles ».
2° Le second alinéa est complété par les mots : « ou une seule partie civile ».
IV. Dans la première phrase de l'article 300 du code de procédure pénale, après les mots : « les accusés », sont insérés les mots : « ou les parties civiles ».
V. Dans l'article 301 du code de procédure pénale, après les mots : « les accusés », sont insérés les mots : « ou les parties civiles ».
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement reprend une proposition de loi déposée il y a longtemps déjà.
Il tend, afin de prendre en considération les intérêts des victimes, à autoriser les parties civiles à récuser les jurés en cour d'assises, en lieu et place du parquet.
L'institution de la constitution de partie civile doit, en principe, permettre aux victimes de réclamer réparation de leur préjudice et n'entretient aucun lien avec la peine. Mais, dans la pratique, on sait bien que les victimes - sans doute est-ce là un écho lointain de l'ancienne vengeance privée - souhaitent en vérité que la personne poursuivie soit condamnée. Et la question les concerne finalement davantage que le procureur de la République !
Je pense donc qu'il n'y aurait aucun inconvénient à ce que les victimes puissent récuser. Dans ce cas, il serait évidemment raisonnable que le procureur ne le puisse plus, sous peine de rompre l'équilibre entre les parties.
Actuellement, le procureur peut récuser quatre jurés, la défense, cinq. Évidemment, s'il y a beaucoup de parties civiles, ou beaucoup d'avocats de la défense, ils devront se mettre d'accord pour ne pas récuser plus de jurés que la loi ne le permet !
Telle est la teneur de notre amendement. Vous me direz, monsieur Hyest, que la commission l'a examiné avec attention. Mais je constate, moi, que, comme tous les amendements de l'opposition, il a été rejeté à toute allure. (M. le garde des sceaux manifeste son impatience.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je précise que tous les amendements de l'opposition sont étudiés avec le sérieux qu'ils méritent.
Je suis en l'occurrence fermement opposé à cet amendement ainsi qu'aux deux autres qui seront appelés tout à l'heure. Je l'ai fait savoir à la commission, qui m'a suivi.
Vous proposez de modifier les modalités de récusation des jurés de cour d'assises. Aujourd'hui, outre l'accusé, le ministère public est autorisé à récuser. Par conséquent, tant l'intérêt public que celui des victimes me semblent, d'ores et déjà, pleinement assurés.
J'avoue donc ne pas très bien comprendre pourquoi, dans un texte qui vise à renforcer les droits de la défense et l'équilibre de la procédure pénale, vous voulez permettre aux parties civiles de récuser les jurés. Qui plus est, d'un point de vue purement pratique, ce serait ingérable !
Je m'étonne d'ailleurs que ces trois amendements, nos 87, 86 et 88, soient cosignés par tous les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés. En effet, il ne vous a sans doute pas échappé, lors des discussions en commission, qu'un certain nombre de vos collègues du groupe socialiste n'étaient pas tout à fait favorables à ce que vous proposiez.
Évidemment, il ne m'appartient pas de rectifier vos amendements. En revanche, il m'incombe de donner un avis, au nom de la commission, et il est en l'occurrence défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, j'ai à ma disposition un bon moyen de prouver que c'est bien le groupe tout entier qui soutient cet amendement : il me suffirait de demander un scrutin public...Vous trouveriez dans l'urne l'intégralité des bulletins du groupe socialiste ! Rassurez-vous, je ne le ferai pas. Mais sachez que je trouve votre insinuation, infondée au demeurant, de très mauvais goût, monsieur le rapporteur !
J'ajoute que ma proposition ne présente rien d'extraordinaire. Je ne suis pas un malade des droits des victimes ! Au contraire, je trouve que, bien souvent, on leur fait la part trop belle dans la procédure.
Vous vous étonnez également, monsieur le rapporteur, qu'une telle proposition soit faite à l'occasion de la discussion d'un projet visant à renforcer les droits de la défense. Excusez-moi, mais je ne m'étais absolument pas rendu compte que tel était l'objet du texte !
M. François Zocchetto, rapporteur. Vous ne l'avez donc pas lu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est même pas dans le titre ! Pour le reste, je n'avais pas compris que le projet de loi tendait à renforcer autre chose qu'un équilibre déjà largement compromis, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire.
Au demeurant, je ne vois pas qui pourrait être choqué par le fait que les victimes exercent le droit de récusation à la place du procureur.
Vous pouvez en penser ce que vous voulez, monsieur le rapporteur, vous avez le droit d'être contre, mais vous n'avez pas le droit de mépriser une proposition qui a ses mérites !
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après les mots : « et que le doute doit lui profiter », la fin du premier alinéa de l'article 304 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : «, que vous ne pouvez en conscience, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à une femme ou à un homme probe et libre, retenir sa culpabilité que si la preuve en est rapportée par l'accusation et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions ».
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Plus que jamais, cet amendement me paraît relever de cet état d'esprit dont vous prétendez, monsieur le rapporteur, qu'il est celui du projet de loi.
Souvent, on prétend que les jurés n'ont qu'une seule question à se poser, celle de leur intime conviction. Pour la plupart des gens, l'intime conviction, c'est un pari. Mais ce n'est pas le discours que les présidents d'assises consciencieux, et on en connaît beaucoup, tiennent aux jurés.
Si l'on promet en effet à l'accusé qu'au moindre doute il sera acquitté, il apparaît dès lors normal que l'on exige des jurés qu'ils se demandent si la preuve de la culpabilité a été, oui ou non, rapportée.
C'est pourquoi nous proposons de modifier la rédaction de l'article 304 du code de procédure pénale, afin d'insister sur la nécessité, pour les jurés, de s'assurer que la preuve de la culpabilité a bel et bien été rapportée par l'accusation avant d'entrer en voie de condamnation.
Quant à la précision « à une femme ou à un homme », avant les mots « probe et libre », elle se justifie par l'évolution qu'a connue notre société et qui fait que la parité, contrairement à ce qui prévalait auparavant, est maintenant un concept acquis.
Tel est l'objet de l'amendement n° 86, déposé par moi-même et par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La nouvelle rédaction du serment des jurés qui est ici proposée n'est pas opportune. Le libellé actuel de l'article 304 du code de procédure pénale consacre un équilibre satisfaisant dans la prise en compte tant des charges que des moyens de défense.
Il est essentiel que l'« intime conviction » reste inscrite dans le serment des jurés. Vous en conviendrez, tous les cas ne peuvent être résolus grâce à des preuves rationnelles que seuls des arguments fondés pourraient réfuter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
M. François Zocchetto, rapporteur. Ce serait trop simple !
C'est justement l'une des difficultés de l'arrêt de cour d'assises que de reposer très souvent sur l'intime conviction des jurés. Encore faut-il que cette notion subsiste dans le serment !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ferai deux observations.
D'une part, cet amendement n'a que peu à voir - même absolument rien ! - avec ce projet de loi.
D'autre part, je rappelle que la loi Guigou de 2000 - ce n'est pas si ancien ! - a déjà modifié la rédaction du serment des jurés. Vouloir y revenir est un peu surprenant de la part d'un ami de Mme Guigou !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La loi Guigou a été votée par l'ensemble du Parlement, y compris par le Sénat ! Aujourd'hui, vous refusez que l'on en modifie certaines dispositions, alors que votre majorité l'a fait dès son arrivée au pouvoir. C'est tout de même un peu fort !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par ailleurs, je ne peux entendre sans frémir un rapporteur, avocat de son état, soutenir que l'on ne peut exiger de preuves rationnelles.
M. le rapporteur a donc parfaitement compris notre démarche. L'amendement n° 88, que je retirerai dans un instant, vise à reconnaître l'acquittement au bénéfice du doute. Mes collègues cosignataires et moi-même y renonçons, car les conséquences que nous en tirons sont déjà dans le droit positif.
Mais le principe qui le sous-tend montre bien que, dans notre esprit, la condamnation suppose des preuves rationnelles. Dans le cas contraire, c'est un pari, et c'est ainsi que naissent les erreurs judiciaires.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, mes chers collègues, lorsque nous siégeons dans une enceinte parlementaire, nous le faisons en tant que législateur, et non en tant qu'avocat, homme d'affaires, professeur d'université, ouvrier ou salarié de qui que ce soit !
Nous n'avons donc pas à faire état de notre expérience professionnelle,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne manquez pas de le faire !
M. Hugues Portelli. ...même si elle peut nourrir notre réflexion.
Gardons-nous par conséquent de nous jeter à la tête nos professions respectives ou d'en tirer argument dans le débat, ce n'est pas le lieu.
Lors de l'examen du projet de loi de modernisation du dialogue social, j'ai senti le poids d'un lobby extrêmement influent. Or notre déontologie de législateur doit nous prémunir autant que possible contre ce genre de travers ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas dit que j'étais avocat !
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le premier alinéa de l'article 363 du code de procédure pénale, après les mots : « la cour d'assises prononce l'acquittement » sont insérés les mots : « ou l'acquittement au bénéfice du doute ».
II. Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 366 du code de procédure pénale, après les mots : « condamnation, absolution » sont insérés les mots : «, acquittement au bénéfice du doute ».
III. Il est inséré après l'article 706-3 du code de procédure pénale un article ainsi rédigé :
« Art. ... - En cas d'acquittement au bénéfice du doute prononcé par une cour d'assises, dans les conditions prévues aux articles 363 et 366 du présent code, la partie civile peut demander à la commission d'indemnisation des victimes d'infractions la réparation intégrale du préjudice résultant des faits qui sont l'objet de l'accusation. »
IV. Les pertes de recettes résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je retire cet amendement, comme je l'ai annoncé. En effet, aujourd'hui, il est déjà possible d'indemniser les victimes, dès lors qu'elles sont reconnues comme telles, même si celui qui a été poursuivi n'est pas condamné.
M. le président. L'amendement n° 88 est retiré.
Article 13 bis
Après le deuxième alinéa de l'article 380-11 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans tous les cas, le ministère public peut toujours se désister de son appel formé après celui de l'accusé en cas de désistement de celui-ci. » - (Adopté.)
Article 13 ter
Après l'article 585-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 585-2 ainsi rédigé :
« Art. 585-2. - Le mémoire du ministère public, lorsque ce dernier se pourvoit en cassation, doit parvenir au greffe de la Cour de cassation au plus tard un mois après la date du pourvoi. »
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par cet article pour l'article 585-2 du code de procédure pénale, ajouter les mots :
Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 13 ter, modifié.
(L'article 13 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 13 ter
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 13 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 48-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans le neuvième alinéa, les mots : «, du juge d'instruction, du juge des enfants ou du juge de l'application des peines » sont remplacés par les mots : « ou des magistrats du siège exerçant des fonctions pénales ».
2° Dans le dixième alinéa, les mots : «, les juges d'instruction, les juges des enfants et les juges de l'application des peines » sont remplacés par les mots: « et les magistrats du siège exerçant des fonctions pénales ».
3° Dans le onzième alinéa, les mots : « et aux juges d'instruction » sont remplacés par les mots : « et aux magistrats du siège exerçant des fonctions pénales ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement, de nature technique, vise à revoir la rédaction de l'article 48-1 du code de procédure pénale, résultant de la loi du 9 mars 2004, qui a prévu la création d'un bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires pour l'ensemble des juridictions, afin de tenir compte de la création des pôles de l'instruction et des collèges de l'instruction.
L'expérimentation de ce traitement informatique, dénommé Cassiopée, commencera à la fin du premier semestre 2007 dans certaines juridictions, avant d'être étendue à l'ensemble des tribunaux au cours de l'année 2008.
L'article 48-1 nécessite un décret d'application, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et du conseil d'État, qui est actuellement en cours de finalisation.
Les dispositions du présent projet de loi, créant les pôles de l'instruction et, à terme, les collèges de l'instruction, nécessitent toutefois de modifier cet article. Dans sa rédaction actuelle en effet, celui-ci prévoit l'accès au fichier aux magistrats du parquet ainsi qu'aux seuls « juges d'instruction, juges des enfants et juges de l'application des peines ».
Il convient donc de faire référence, de façon plus large, aux « magistrats du siège exerçant des fonctions pénales ». Cette expression sera précisée dans le décret d'application, qui pourra notamment faire référence aux pôles et aux collèges.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission n'a pu se prononcer sur cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j'y suis favorable.
Il s'agit d'un amendement de nature technique, dont l'adoption permettra d'assurer utilement une coordination entre le présent projet de loi, qui crée les pôles de l'instruction et instaure la collégialité, et le traitement informatique Cassiopée. Il semble en effet indispensable que tous les juges cosaisis, puis, plus tard, les juges du collège chargés d'une affaire, puissent avoir accès à ce système informatique.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13 ter.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 85 rectifié est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 13 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 370 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la cour d'assises statue en appel, le président informe également l'accusé que pour la défense de son pourvoi le ministère d'un avocat à la Cour de cassation est obligatoire, cet avocat étant choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le président de l'Ordre, et il indique à l'intéressé que les frais seront à sa charge sauf s'il remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle. »
II. L'article 567 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sauf en ce qui concerne la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577, le ministère d'un avocat à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur au pourvoi et les autres parties.
« Cet avocat est choisi par le demandeur au pourvoi ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l'Ordre : la désignation intervient dans un délai maximum de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2 ; les frais d'avocat sont à la charge du demandeur ou de la partie sauf si les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle sont remplies. »
III. Dans la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2 du même code, les mots : « ou son avocat » sont supprimés.
IV. L'article 585-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 585-1 - Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des dispositions des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l'avocat qui se constitue au nom d'un demandeur au pourvoi doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. »
V. À l'article 586 du même code, les mots : «, une expédition de l'acte de pourvoi et, s'il y a lieu, le mémoire du demandeur », sont remplacés par les mots : « et une expédition de l'acte de pourvoi » ;
VI. L'article 588 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 588 - Le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle. »
VII. Les articles 584 et 585 du même code sont abrogés.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 47.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'instituer, comme en matière civile, la représentation obligatoire par un avocat à la Cour de cassation pour les pourvois en cassation relevant de la matière pénale.
Cet amendement répond à deux objectifs.
En premier lieu, cette représentation vise à assurer l'égalité des justiciables devant la justice. En effet, nombreux sont ceux qui croient pouvoir former un pourvoi devant la Cour de cassation et qui rédigent un mémoire ne répondant pas du tout aux exigences formelles de l'exercice. Si la chambre criminelle peut faire preuve d'indulgence et inviter les auteurs du pourvoi à reformuler leur demande, du moins lorsque les délais le permettent, il arrive malheureusement que certains mémoires soient déclarés irrecevables uniquement pour des questions de forme. C'est regrettable et même tragique pour les intéressés.
En second lieu, il s'agit de limiter les pourvois injustifiés, fantaisistes et inutiles.
J'attire l'attention de M. le garde des sceaux sur le fait que, si nous instituons cette représentation obligatoire par avocat, l'aide juridictionnelle en la matière devra être effective. Il faut donc s'assurer que la Chancellerie veille à ce que la désignation d'un avocat à la Cour de cassation par le président de l'Ordre ait lieu rapidement et avec toutes les garanties nécessaires pour le justiciable.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 85 rectifié.
M. Robert Badinter. Monsieur le garde des sceaux, à l'instar du rapporteur, nous insistons sur la question des mesures financières à prendre : il faut en effet prévoir pour les avocats une juste rémunération de leur travail. Il s'agit là d'une préoccupation majeure des avocats.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 85 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13 ter.
CHAPITRE V
Dispositions renforçant la protection des mineurs
Article 14
Après l'article 706-51 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-51-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-51-1. - Tout mineur victime d'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 est assisté par un avocat lorsqu'il est entendu par le juge d'instruction. À défaut de désignation d'un avocat par les représentants légaux du mineur ou par l'administrateur ad hoc, le juge avise immédiatement le bâtonnier afin qu'il commette un avocat d'office. Les dispositions de l'article 114 sont applicables à cet avocat en cas d'auditions ultérieures. » - (Adopté.)
Article 15
L'article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : «, avec son consentement ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal, » sont supprimés ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « si le mineur ou son représentant légal en fait la demande » sont remplacés par les mots : « sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, si l'intérêt du mineur le justifie » ;
3° Le troisième alinéa est supprimé.
M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Après l'antépénultième alinéa de cet article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'audition, qui précise la nature de cette impossibilité. Si l'audition intervient au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire, le procureur de la République ou le juge d'instruction en est immédiatement avisé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article 15 bis
Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, les mots : « quatrième à neuvième » sont remplacés par les mots : « troisième à huitième ». - (Adopté.)
Article 15 ter
Le VI de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est supprimé ;
2° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« L'enregistrement ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire, sur décision du juge d'instruction, du juge des enfants ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties. » ;
3° Le même troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1 du code de procédure pénale. » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent VI. »
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'antépénultième alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
3° bis Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire, qui précise la nature de cette impossibilité. Le procureur de la République ou le juge d'instruction en est immédiatement avisé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 ter, modifié.
(L'article 15 ter est adopté.)
CHAPITRE VI
Dispositions finales
Article 16
I. - La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication, sous réserve des I bis, II et III.
I bis. - Le chapitre Ier A entre en vigueur le premier jour de la cinquième année suivant la date de publication de la présente loi. À compter de l'entrée en vigueur de ce chapitre, sont abrogés :
- les articles 83-1 et 83-2 du code de procédure pénale ;
- les deuxième et troisième alinéas de l'article 52-1 du même code ;
- dans le premier alinéa du II de l'article 80 du même code, les mots : « En matière criminelle, ainsi que lorsqu'il requiert une cosaisine, » ;
- le quatrième alinéa de l'article 118 du même code.
II. - L'article 2 entre en vigueur à la date fixée par le décret prévu par l'article 52-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant du I de l'article 1er de la présente loi, et au plus tard le premier jour du neuvième mois suivant la publication de la présente loi.
Toutefois, jusqu'à la date d'entrée en vigueur de l'article 2, un décret pris en application de l'article 52-1 du même code peut instituer des pôles de l'instruction dans les ressorts d'une ou plusieurs cours d'appel ou partie de ces ressorts, en fixant dans ces ressorts la date d'entrée en vigueur de l'article 1er de la présente loi.
Les juges d'instruction des juridictions dans lesquelles ne sont pas institués des pôles demeurent compétents pour poursuivre jusqu'à leur terme les informations en cours à la date d'institution des pôles pour des faits de nature criminelle, sans préjudice de la possibilité d'un dessaisissement s'il y a lieu à cosaisine.
III. - Les articles 6 et 7 entrent en vigueur le premier jour du quinzième mois suivant la date de publication de la présente loi.
Toutefois, jusqu'à cette date, le procureur de la République ou le juge d'instruction peut, d'office ou à la demande de l'officier de police judiciaire, ordonner qu'il soit procédé à un enregistrement audiovisuel conformément à l'article 64-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant du I de l'article 6, et le juge d'instruction peut, d'office, sur réquisition du procureur de la République ou à la demande des parties, décider de procéder à un enregistrement audiovisuel conformément à l'article 116-1 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 7.
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
I. - Les articles 3, 4, 4 bis, 8, 9, 10 et 12 et le chapitre V de la présente loi entrent en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant sa publication.
Toutefois, les dispositions des articles 173, 175 et 184 du code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'article 10 de la présente loi demeurent applicables aux informations ayant fait l'objet, avant cette date, de l'avis de fin d'information prévu par l'article 175.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement ne manquera pas de susciter l'intérêt du Sénat, puisqu'il vise à préciser les dates d'application du présent texte.
D'abord, il s'agit de permettre l'application immédiate - et non dans trois mois - de certaines dispositions dont il n'est pas justifié de différer l'entrée en vigueur, comme la limitation des critères de placement en détention provisoire ou les audiences de contrôle devant la chambre de l'instruction. Cela répond aux objections de M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui soutenait que rien ne serait applicable immédiatement. Le voila démenti !
Ensuite, il s'agit de reporter de quatre mois, et non de trois mois, l'entrée en vigueur des autres dispositions, afin de bénéficier d'un délai supplémentaire pour adapter les applications informatiques des juridictions. Le nouveau traitement informatique Cassiopée, que j'ai déjà évoqué, suppose, vous l'avez compris, une nouvelle coordination informatique.
Enfin, il s'agit de prévoir une disposition transitoire clarifiant les conditions d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions instituant une procédure contradictoire pour le règlement de l'information.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I bis de cet article, remplacer le mot :
cinquième
par le mot :
troisième
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Au cours de la discussion générale, j'ai souligné combien la commission des lois partageait le souci du Gouvernement de susciter un véritable travail d'équipe de la part des juges d'instruction.
Il faut reconnaître que nous sommes échaudés par les expériences précédentes, notamment par la loi du 10 décembre 1985, qui n'avait pas été suivie d'effet. Il nous semble aujourd'hui que l'échéance fixée par le Gouvernement pour créer la collégialité - cinq ans - est trop lointaine. Et cela correspond à la durée d'un mandat présidentiel ou à celle d'un mandat législatif. De nombreux événements peuvent survenir dans cet intervalle et empêcher la mise en place de ce nouveau dispositif.
C'est pourquoi la commission des lois propose de réduire ce délai à trois ans, rejoignant d'ailleurs en cela les préoccupations des auteurs de l'amendement n° 89. Cela contraindra le prochain garde des sceaux, quel qu'il soit, à se saisir de cette question dès sa prise de fonction. Même si je sais les difficultés que l'on rencontre pour former les juges ou en recruter de nouveaux, ce délai de trois ans paraît raisonnable.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa I bis de cet article,
remplacer les mots :
cinquième année
par les mots :
troisième année au plus tard
II. - Après cette même phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :
Pendant cette période, la carte judiciaire est révisée afin de permettre une meilleure répartition des collèges.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement est défendu, car nous considérons qu'il est, sur le fond, identique au précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. le rapporteur a rappelé avec raison le précédent de 1985. En l'espèce, je n'ai pas les mêmes souvenirs que vous, monsieur Badinter. Parlant de M. Peyrefitte, vous avez dit qu'il voulait « débadintériser » la justice, laissant entendre qu'il vous avait succédé à la Chancellerie. Mais vous faites erreur : il vous y avait précédé ! Aussi, il ne risquait pas de « débadintériser » la justice, puisqu'il n'était plus en fonction, et il n'était animé d'aucun sentiment personnel contre vous !
M. Robert Badinter. Puis-je vous interrompre, monsieur le garde des sceaux ?
M. Robert Badinter. Comme il s'agit de considérations qui me touchent particulièrement, vous me permettrez de faire une mise au point rapide, monsieur le garde des sceaux.
M. le président. La parole est à M. Badinter, avec l'autorisation de M. le garde des sceaux.
M. Robert Badinter. Vous auriez dû prêter plus d'attention à mes propos : j'ai dit qu'en 1984 M. Peyrefitte avait annoncé qu'il ne faudrait pas une matinée pour « débadintériser » la justice. Mais, sur l'ensemble des innovations introduites, c'est précisément la collégialité, c'est-à-dire la toute dernière mesure, qui est passée à la trappe !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je puis vous dire en tout cas, monsieur Badinter, que M. Chalandon, votre successeur à la Chancellerie, n'y était pas du tout opposé. C'est un homme qui a toujours agi de façon très empirique (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.) et qui n'avait aucun a priori sur des questions qu'il avouait ne pas connaître lorsqu'il a pris ses fonctions. Il n'existait donc aucune raison pour que fût supprimée cette collégialité, que le Parlement avait d'ailleurs votée à la quasi-unanimité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est Pasqua qui l'a supprimée !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Simplement, nous n'avions pas le nombre de magistrats nécessaires pour assurer cette collégialité.
Aussi, j'estime qu'il faudrait éviter de renouveler les erreurs du passé, passé que j'ai personnellement connu.
Le projet de loi fixe à cinq ans le délai de mise en place de la collégialité. Vous proposez de le réduire à trois ans, sans doute pour que je transige à quatre ans. Soit ! Mais, franchement, je ne suis pas sûr que ce dispositif sera opérationnel au bout de quatre ans. En revanche, je suis certain qu'il ne le sera pas au bout de trois ans.
Ainsi que je m'en suis expliqué lors du débat budgétaire, les départs en retraite sont, eux, parfaitement quantifiables et environ 240 magistrats intègrent chaque année l'École nationale de la magistrature. Il ne nous serait pas possible de repousser les murs de l'École au motif que nous aurions subitement besoin de recruter un certain nombre de magistrats supplémentaires. Certes, il peut être procédé à des recrutements parallèles, mais, d'une part, les possibilités en sont limitées, d'autre part, les candidatures ne sont pas toujours aussi excellentes que la Chancellerie le souhaiterait.
Pour toutes ces raisons, je propose à M. le rapporteur de rectifier son amendement en fixant à quatre ans et non à trois ans le délai de mise en place de la collégialité, si tant est qu'il soit réaliste. Ce n'est pas tant un problème d'idées qu'un problème de moyens.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le ministre ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, le texte est examiné selon la procédure d'urgence, mais, si la navette est réduite, elle existe néanmoins. Aussi, je propose au Sénat de maintenir le délai de trois ans, à charge pour la commission mixte paritaire d'achever le travail et de juger s'il est nécessaire de revenir sur ce celui-ci.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Puisqu'on est revenu sur un lointain passé, je tiens à partager le fruit de mon expérience.
Monsieur le garde des sceaux, ce que vous dites est inexact. Soixante-quinze postes avaient été inscrits sur les crédits du ministère de la justice pour l'année 1986, sur les cent cinquante qui étaient nécessaires.
M. Robert Badinter. Ils ont disparu au profit de la création de postes de conseillers près les cours d'appel. À partir de ce moment-là, tout était joué.
Je vais faire mon autocritique. Nous avons commis l'erreur de vouloir, si je puis dire, rapprocher le piano du tabouret. Au contraire, il aurait fallu transformer immédiatement la carte judiciaire de l'instruction. Dès lors, soixante magistrats auraient été suffisants. J'assume cette erreur, mais je vous le dis clairement : ne la renouvelez pas !
À mes yeux, votre texte présente l'intérêt d'en revenir à une évidence - on a perdu vingt ans à cet égard - : faire travailler ensemble les magistrats en équipe d'instruction. À l'époque, tout le monde était d'accord ; pour de multiples raisons, cela ne s'est pas fait. Or, si l'on veut mettre en place la collégialité, il faut parachever la transformation de la carte judiciaire de l'instruction.
Mais laissons le passé.
La fixation à trois ans du délai de mise en place de la collégialité obligera vos successeurs, peut-être vous-même, monsieur le garde des sceaux, à réaliser enfin ce qui aurait dû être fait depuis si longtemps. Je mesure combien la tâche est difficile et n'ignore pas les résistances que cette mesure suscitera, mais sa réussite est un enjeu d'importance. La mise en place des pôles de l'instruction préfigure en filigrane ce que sera cette révision de la carte. Fixons donc ce délai à trois ans et espérons même qu'il pourra être raccourci dans les faits.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ferai simplement un point d'histoire.
La collégialité, mise en place par la loi du 10 décembre 1985 portant réforme de la procédure d'instruction en matière pénale, a été supprimée par la loi du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale. Elle l'a été sur l'initiative du ministre de l'intérieur de l'époque, notre collègue Charles Pasqua. À cette époque, déjà, les ministres de l'intérieur s'occupaient de procédure pénale...
Je tenais à faire ce rappel : avant M. Chalandon, il y a eu M. Pasqua !
M. le président. Monsieur Badinter, puisque l'amendement n° 89, que vous avez présenté, est, sur le fond, quasi identique à l'amendement n° 50, peut-être pourriez-vous le rendre totalement identique ?
M. Robert Badinter. En effet, monsieur le président, et nous supprimons pour ce faire le II de l'amendement n° 89.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I bis de cet article, remplacer le mot :
cinquième
par le mot :
troisième
Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 89 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 81 est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 105 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du II de cet article, remplacer le mot :
neuvième
par le mot :
douzième
L'amendement n° 81 n'est pas soutenu.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 105.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'article 2 du projet de loi, relatif aux pôles de l'instruction et à la cosaisine, doit, aux termes de l'article 16, entrer en vigueur au plus tard le premier jour du neuvième mois suivant la publication de la présente loi.
Ainsi, une publication en mars 2007 conduirait à une entrée en vigueur le 1er décembre prochain.
Ce délai de neuf mois est malheureusement tout à fait insuffisant pour permettre l'arrivée effective à cette date des moyens humains supplémentaires que nécessite la création des pôles, moyens estimés en l'état à 28 magistrats instructeurs et à 102 fonctionnaires - 73 greffiers et 29 agents de catégorie C.
En effet, la publication de la loi devra être suivie, conformément à l'article 52-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 1er de ce projet de loi, de la détermination par décret de la liste des tribunaux dans lesquels existe un pôle de l'instruction et de la compétence territoriale des juges d'instruction qui le composent.
Or la fixation de la liste de ces pôles devra nécessairement être précédée, ainsi que je l'ai indiqué, d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. Dans la mesure où il apparaît que cette concertation ne sera pas susceptible d'être finalisée avant les prochaines échéances électorales, la localisation des pôles ne pourra, en pratique, être réalisée au mieux que dans le courant de l'été 2007.
Aussi, il est indispensable de porter ce délai de neuf à douze mois, ce qui est l'objet du présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Les modifications apportées aux articles 370, 567, 567-2, 574-1, 574-2, 584, 585, 585-1, 586 et 588 entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la date de publication de la présente loi, pour les pourvois formés contre les décisions rendues après cette date.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons adopté tout à l'heure un amendement tendant à étendre à la matière pénale l'obligation d'une représentation par avocat dans le cas d'un pourvoi en cassation.
Nous proposons au moyen de cet amendement que ce dispositif entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la date de publication de la présente loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
I. - La présente loi est applicable, sous les réserves prévues au II, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L'article 804 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 52-1, 83-1 et 83-2 ne sont pas applicables dans les îles Wallis et Futuna. » ;
1° bis Le premier alinéa de l'article 805 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les termes : «pôle de l'instruction» et «collège de l'instruction» sont remplacés par les termes : «juge d'instruction». » ;
2° Dans l'article 877, après le mot : « articles », sont insérées les références : « 52-1, 83-1, 83-2 » ;
2° bis Après le sixième alinéa de l'article 878, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les termes : «pôle de l'instruction» et «collège de l'instruction» sont remplacés par les termes : «juge d'instruction». » ;
3° Au début du chapitre II du titre III du livre VI, il est inséré un article 905-1 ainsi rédigé :
« Art. 905-1. - Les termes : «pôle de l'instruction» et «collège de l'instruction» sont remplacés par les termes : «juge d'instruction». Les articles 52-1, 83-1 et 83-2 ne sont pas applicables. »
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le 3° du II de cet article pour l'article 905-1 du code de procédure pénale, ajouter les mots :
Pour l'application du présent code,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
Deux ans après l'entrée en vigueur des articles 6 et 7, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les deux premières années d'application de l'obligation d'enregistrement des interrogatoires des personnes mises en garde à vue en matière criminelle et des interrogatoires des personnes mises en examen en matière criminelle dans le cabinet du juge d'instruction.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 36.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On nous a reproché de nous opposer à ce projet de loi. M. le ministre a même prétendu que nous nous opposions à tout. C'est inexact. Mais il est évident que ce projet de loi constitue un leurre et que, en tout état de cause, il ne sera pas appliqué. M. le garde des sceaux l'a lui-même reconnu, il sera impossible de faire entrer en vigueur avant un délai de six ans deux de ses mesures essentielles, à savoir les pôles de l'instruction et la collégialité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Peut-être essaierons-nous de réduire ce délai. À tout le moins, nous ne faisons pas confiance au Gouvernement pour s'y employer puisqu'il reconnaît lui-même son incapacité en ce domaine.
Pour le reste, nous avons en effet exprimé notre opposition à de nombreuses autres dispositions de ce projet de loi. Nous avons combattu l'enregistrement des interrogatoires dans le bureau du juge d'instruction, mais vous avez refusé la présence de l'avocat partout et pour tous, mesure pourtant très importante.
C'est vrai, nous avons combattu ce projet de loi. Inversement, vous n'avez accepté aucune de nos propositions, rejetées chaque fois par un vote automatique de la majorité sénatoriale.
Pour ces raisons, il n'est pas question pour nous de voter ce texte.
J'ajoute que nous n'avons pas trouvé trace dans le dérouleur d'un amendement que nous croyions pourtant avoir déposé. Néanmoins, nous aurons l'occasion de le redéposer lors de la commission mixte paritaire. Prenant le contre-pied de la circulaire de M. le garde des sceaux, il visait à ce que la cour d'assises d'appel appartienne à un autre ressort que celui de la première cour d'assises, de manière à éviter que l'affaire devant être rejugée ne le soit par des magistrats côtoyant fréquemment, voir journellement, ceux qui ont rendu la décision frappée d'appel.
De toute façon, si justifié et utile soit-il, vous n'auriez pas retenu cet amendement. On verra ce qu'il en sera en commission mixte paritaire !
Enfin, mes chers collègues, puisque M. le président n'a rien entendu, puisque M. le garde des sceaux n'assume pas la responsabilité des propos qu'il a tenus à mon égard, je ne demanderai pas la parole pour un fait personnel.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est indéniable, il existe un profond malaise et une réelle crise de confiance dans notre pays entre l'institution judiciaire et les justiciables.
Bien entendu, ce divorce a été mis en relief par les dysfonctionnements dramatiques de notre justice dans l'affaire dite d'Outreau.
Dans un tel contexte de crise et devant l'urgence de la situation, nul ne peut douter de l'impérieuse nécessité pour le législateur d'agir et de réformer en profondeur notre procédure pénale sur la base des conclusions de la commission d'enquête de nos collègues députés, dont les travaux ont été salués par tous les acteurs de la justice.
Le groupe du RDSE, auquel j'appartiens, considère que, pour répondre aux attentes et aux légitimes inquiétudes des Français, il est impératif de refonder au plus vite une institution judiciaire fragilisée dans ses fondations. Il faut donc rétablir la confiance sans laquelle aucune justice ne peut être rendue. L'adage est connu : Fidus et verax in justicia judicat et pugnat.
Il nous faut construire une justice qui soit plus proche des citoyens et mieux comprise par les justiciables, tout en maintenant la distance nécessaire à tout jugement. C'est le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, qui définit fort habilement la vraie justice comme « la justice de la juste distance ».
Les changements proposés dans le projet de loi mais aussi dans les amendements issus de l'excellent travail de notre rapporteur, François Zocchetto, sont globalement positifs, et, pour ma part, je les approuve. Je voterai donc ce texte tel qui résulte de nos débats.
Néanmoins, je ne crois pas que nous pourrons faire l'économie, dans les mois qui suivront les prochaines échéances électorales, d'une réforme de grande ampleur de notre justice. Car, en la matière, mes chers collègues, le chantier demeure encore très vaste, et il nous faudra l'envisager de manière globale.
On ne peut pas décevoir les attentes et les espoirs des Français sur cette question. Les auditions de la commission d'enquête en 2006 ont été suivies par un très grand nombre d'entre eux, qui se sont ainsi emparés d'un débat qui avait été initié par les travaux de la commission Delmas-Marty en 1991, prolongés par ceux de la commission Viout en janvier 2005.
Les réflexions, les études, les rapports existent et sont connus. Reste à mettre en oeuvre une nouvelle architecture et un nouveau fonctionnement de notre justice.
Parce que cette grande réforme est capitale et qu'un consensus existe sur sa nécessité, toute la difficulté est désormais de la conduire au plus vite, sans retard ni précipitation, en allant bien au-delà du texte dont nous venons de débattre.
Dans l'attente d'une réforme plus ambitieuse et plus globale, qui ne pourra voir le jour qu'après les prochaines élections, une partie des membres du groupe du RDSE, à laquelle je me joins, votera ce projet de loi, modifié et amélioré par les travaux du Sénat. L'autre partie de mes collègues du RDSE ne l'approuvera pas, certains marquant ainsi leur opposition notamment à la création des pôles de l'instruction.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au terme de ce débat, je ne reviendrai pas sur des arguments déjà avancés, qui tiennent à la modestie du texte au regard, par exemple, des préconisations de la commission d'enquête créée à la suite de l'affaire d'Outreau.
D'ailleurs, quand les réformes sont insuffisantes, nous savons exprimer notre opinion, et c'est ce que nous avons fait en nous abstenant sur le texte relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.
S'agissant du présent projet de loi, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, le problème est bien différent. Nous ne pouvons que constater l'absence flagrante de tout examen critique à l'égard du rôle du législateur. Or, depuis cinq ans, la majorité a voté pas moins de huit textes aggravant le code pénal et la procédure pénale !
L'affaire d'Outreau a placé nos concitoyens, bien malgré eux, face à la question des dysfonctionnements de notre institution judiciaire. Il eût été intéressant, et pour le moins utile et honnête, que, à la suite de cette affaire et manifestant un désir de réforme, même modeste, le Gouvernement appelle le législateur à revisiter les dispositions qui, depuis cinq ans, ont aggravé la procédure pénale.
Or il n'en a rien été. Aucune disposition en ce sens ne figure dans le projet de loi, et c'est la raison principale pour laquelle nous voterons contre ce texte.
Les mesures dont nous avons débattu, notamment la collégialité, l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des personnes gardées à vue et de ceux des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction, sont contestables, et elles sont contestées. Nous ne sommes pas, pour notre part, opposés aux enregistrements, mais nous nous interrogeons sur ce que vous avez décidé en ce qui concerne la présomption d'innocence et la collégialité. Des avancées correspondant mieux à l'idée que nous pouvons nous faire du respect de la présomption d'innocence auraient pu être obtenues. Mais vous n'en avez absolument pas voulu !
Donc, en définitive, vous avez fait de l'affichage, vous avez proposé quelques mesures, minimales et minimalistes, sachant que, quelle que soit l'issue des prochains scrutins, ce ne serait pas votre gouvernement qui aurait à les appliquer. Ces dispositions ne témoignent pas d'un grand courage - je pense à la carte judiciaire, sur laquelle vous ne vous êtes pas avancé -, et, dans la mesure où elles impliquent une augmentation des moyens de la justice, nous émettons les plus grands doutes - c'est le moins que l'on puisse dire ! - quant à leur application.
En effet, le candidat du parti majoritaire de la majorité ne cesse de faire des promesses tous azimuts qui ne pourront être tenues que si les dépenses publiques augmentent. Or, dans le même temps, il s'engage à réduire les impôts des plus aisés, donc à diminuer le budget de l'État !
En conclusion, tant les mesures elles-mêmes que l'absence de volonté de revisiter ce que vous avez fait depuis cinq ans, pour en rester, au fond, à un simple affichage qui n'engage pas grand monde, tout cela nous conforte dans notre décision de voter contre cette réforme.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je dirai juste un mot pour remercier la commission des lois, son président, Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, François Zocchetto. Notre dialogue fructueux a permis un certain nombre d'avancées.
Fallait-il une grande réforme ? Je constate que les plus hauts magistrats ne s'accordent pas sur la réforme qu'il s'agit de mettre en place : certains sont sûrs de leur affaire, d'autres prônent la solution inverse.
La question qui a été posée par les accusés d'Outreau n'était pas celles de la composition du Conseil supérieur de la magistrature ni de l'indépendance ou non du parquet par rapport au garde des sceaux, c'était celle des libertés, des droits de la défense et des contrôles qui ne sont pas exercés. Ce projet de loi y a répondu.
L'ambition était non pas de changer l'architecture, mais de répondre aux problèmes révélés effectivement à l'occasion du procès d'Outreau. Je pense que nous y sommes parvenus. Avec le recul, tout le monde dira que l'enregistrement pendant la garde à vue ou pendant l'interrogatoire dans le cabinet du juge d'instruction est une petite révolution. Qui l'aurait dit voilà quelques mois ?
La création des pôles de l'instruction, qui sont une étape avant la collégialité, est sans doute la proposition majeure de la commission d'enquête d'Outreau reprenant la loi Badinter du 10 décembre 1985. Nous finirons par instaurer cette collégialité, et je m'en réjouis profondément pour la justice française.
Avec l'existence d'une chambre de l'instruction renforcée où les assesseurs seront désormais présents à plein temps, un véritable contrôle s'exercera, permettant de remettre en cause certaines mises en examen, qui durent quelquefois des années sans que l'action publique bouge d'ailleurs d'un centimètre ! Ces situations inacceptables ne se produiront plus dorénavant.
Ceux qui ne connaissent pas la vie quotidienne des palais de justice peuvent considérer que c'est une « réformette », mais les vrais praticiens ne peuvent pas ne pas prendre en compte les mesures importantes qui viennent d'être adoptées.
Évidemment, la période ne s'y prête pas. En pleine campagne électorale, il est difficile de reconnaître qu'une majorité peut faire quelque chose de bien. Alors, oublions les critiques a priori, laissons cette loi s'incarner dans la réalité judiciaire de notre pays et, d'ici peu, nous rendrons hommage aux parlementaires qui l'auront votée. C'est ce qui me conforte dans l'idée que nous avons fait ensemble du bon travail ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les grands domaines programmatiques de la politique spatiale du futur « Politique spatiale : l'audace ou le déclin - Comment faire de l'Europe le leader mondial de l'espace », établi par M. Christian Cabal, député, et M. Henri Revol, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 223 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 février 2007, à quinze heures et le soir :
Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 154, 2006 2007), modifié par l'Assemblée nationale, réformant la protection de l'enfance.
Rapport (n° 205, 2006 2007) de M. André Lardeux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat (n° 24) de M. Jean-Paul Emorine à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire sur les pôles de compétitivité ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires » (n° 184, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.
Conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 214, 2006 2007) sur la proposition de loi tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, présentée par M. Nicolas Alfonsi (n° 156, 2006 2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 215, 2006 2007) sur la proposition de loi visant à organiser le recours aux stages, présentée par M. Jean Pierre Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 364, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 211, 2006 2007) sur la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance, présentée par M. Louis Duvernois (n° 126, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (n° 169, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 13 février 2007, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (n° 172, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 février 2007, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD