sommaire
présidence de M. Roland du Luart
2. Souhaits de bienvenue à Mme la présidente de la Chambre des Lords du Royaume-Uni
3. Droit opposable au logement. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Article additionnel après l'article 5 (précédemment réservé)
Amendement no 143 rectifié bis de M. Thierry Repentin. - Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité ; M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel après l'article 5 (suite)
Amendement no 150 de M. Thierry Repentin. - MM. Pierre-Yves Collombat, Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme la ministre déléguée, M. Thierry Repentin. - Retrait.
Amendement n° 222 de M. Thierry Repentin. - MM. Jean-Pierre Caffet, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Amendement n° 260 de M. Jean Desessard. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Division additionnelle après l'article 5
Amendement n° 121 rectifié de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement n° 6 rectifié de Mme Michelle Demessine. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement n° 107 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Charles Revet. - Rejet.
Amendement n° 108 de M. Bernard Vera. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement n° 109 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Philippe Dallier, Mme Catherine Procaccia. - Rejet.
Amendement n° 116 de Mme Michelle Demessine. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement n° 123 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, MM. René Beaumont, José Balarello. - Rejet.
Amendement n° 127 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité.
Articles additionnels avant l'article 6
Amendement n° 35 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 62 rectifié de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. - MM. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 61 de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. - MM. Dominique Braye, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 33 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 32 rectifié de la commission et sous-amendement no 285 du Gouvernement ; amendements (identiques à l'amendement no 32) nos 59 rectifié de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, 81 rectifié de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, et 151 rectifié ter de M. Thierry Repentin. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Mme Bariza Khiari. - Adoption du sous-amendement no 285 et des amendements nos 32 rectifié, 59 rectifié, 81 rectifié et 151 rectifié ter, modifiés, insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 31 rectifié bis de la commission, 58 rectifié de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, 80 rectifié de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, et 144 rectifié bis de M. Thierry Repentin. - MM. le rapporteur, Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Jean-Pierre Sueur, Mme la ministre déléguée, Philippe Dallier, Alain Vasselle. - Adoption des quatre amendements insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
Amendement n° 60 de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. - MM. Dominique Braye, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 152 de M. Thierry Repentin. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement n° 153 de M. Thierry Repentin. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement n° 154 rectifié de M. Thierry Repentin. - Mme Bariza Khiari, le rapporteur, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 82 de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. - MM. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 84 rectifié ter de Mme Catherine Procaccia et sous-amendements nos 286 de M. Jean Desessard et 289 de M. Thierry Repentin. - Mmes Catherine Procaccia, Alima Boumediene-Thiery, Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Mme la ministre déléguée, M. le président de la commission. - Retrait du sous-amendement no 286 ; adoption du sous-amendement no 289 et de l'amendement no 84 rectifié ter modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 90 rectifié de M. Thierry Repentin. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendements nos 111 à 115 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet des cinq amendements.
Amendement no 288 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel avant l'article 6 ou avant l'article 9
Amendements nos 239 de M. Michel Mercier et 284 du Gouvernement. - M. Yves Pozzo di Borgo, Mme la ministre déléguée, MM. le rapporteur, Roland Muzeau, Philippe Dallier. - Retrait de l'amendement no 239 ; adoption de l'amendement no 284 insérant un article additionnel.
Mme Bariza Khiari.
Amendements nos 14 de M. Roland Muzeau, 64, 65 de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, et 88 rectifié de M. Michel Houel. - MM. Roland Muzeau, Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Michel Houel, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 14 ; adoption des amendements nos 64, 65 et 88 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 6
Amendement n° 87 rectifié bis de M. Alain Vasselle, repris par la commission. - MM. le rapporteur, le président de la commission, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 267 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, MM. le rapporteur, Roland Muzeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels avant l'article 7
Amendement n° 224 rectifié de M. André Lardeux, repris par la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 192 rectifié bis de M. René Beaumont. - Mme Catherine Procaccia, M. le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, MM. Roland Muzeau, Pierre-Yves Collombat, Mme Bariza Khiari. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
MM Pierre Jarlier, Roland Muzeau, Mmes Annie David, Bariza Khiari, Claude Domeizel.
Demande de priorité de l'amendement n° 290. - MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; le président de la commission. - Adoption.
La priorité est ordonnée.
Article additionnel après l'article 7 (priorité)
Amendement no 290 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Mme Bariza Khiari, M. Roland Muzeau, Mme Bariza Khiari. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 110 rectifié de Mme Annie David, 262 à 264 de M. Jean Desessard, 39 à 44, 280 de la commission, 91 rectifié et 93 rectifié de Mme Bariza Khiari. - Mmes Annie David, Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme Bariza Khiari, MM. le ministre, Claude Domeizel, le président de la commission. - Retrait des amendements nos 110 rectifié, 263, 91 rectifié, 92 rectifié, 42, 93 rectifié, 262 et 44 ; adoption des amendements nos 39, 40 rectifié, 41 rectifié, 280, 264 et 43, l'amendement no 262 devenant sans objet.
Mmes Bariza Khiari, Annie David.
Adoption de l'article modifié.
M. le ministre.
Mme Raymonde Le Texier.
Amendement n° 15 de M. Bernard Vera. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements nos 281 de la commission et 220 de Mme Catherine Procaccia. - M. le rapporteur, Mme Catherine Procaccia, M. le ministre. - Retrait de l'amendement no 220 ; adoption de l'amendement no 281.
Amendements identiques nos 218 rectifié du Gouvernement et 221 de Mme Catherine Procaccia. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 8
Amendement n° 122 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques nos 16 de M. Roland Muzeau et 95 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy. - M. Roland Muzeau, Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre, Jean Desessard. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 9
Amendement n° 83 rectifié ter de M. Claude Domeizel. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre, Hugues Portelli. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 223 rectifié bis de M. Xavier Pintat. - Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, le ministre, Pierre-Yves Collombat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 287 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 45 de la commission et 155 rectifié de M. Thierry Repentin ; amendement n° 128 de Mme Michelle Demessine. - M. le rapporteur, Mme Bariza Khiari, M. le ministre. - Adoption des amendements nos 45 et 155 rédigeant l'intitulé, l'amendement no 128 devenant sans objet.
Mmes Bariza Khiari, Alima Boumediene-Thiery, MM. Roland Muzeau, Pierre-Yves Collombat, Pierre Laffitte, Ladislas Poniatowski, Jack Ralite, Yves Pozzo di Borgo, Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Nicolas About.
Adoption du projet de loi.
MM. le rapporteur, le ministre.
4. Candidatures à une commission mixte paritaire
5. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
6. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
7. Recrutement, formation et responsabilité des magistrats. - Équilibre de la procédure pénale. - Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi
Discussion générale commune : MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur pour le projet de loi organique ; François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi ; Robert Badinter, Pierre Fauchon, Christian Cambon, Georges Othily.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Transmission d'un projet de loi
9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
11. Dépôt de rapports d'information
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
SOUHAITS DE BIENVENUE à MME LA PRéSIDENTE DE LA CHAMBRE DES LORDS DU ROYAUME-UNI
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de la présidente de la Chambre des lords du Royaume-Uni.
La baronne Hayman occupe depuis l'été 2006 le nouveau poste de président de la Chambre des lords. C'est son premier déplacement bilatéral à l'étranger depuis son élection.
Cette visite a débuté ce matin par une rencontre avec les sénateurs de la commission des lois, du groupe d'amitié France - Royaume-Uni et de la délégation pour l'Union européenne, rencontre qui a permis des échanges riches et fructueux.
Je forme des voeux pour que cette visite officielle au Sénat contribue au développement des relations amicales et de proximité qui unissent nos pays, nos institutions et nos peuples. Vive l'entente cordiale ! (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
3
Droit opposable au logement
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (nos 170, 181, 174, 175).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 143 rectifié bis, précédemment réservé.
Article additionnel après l'article 5 (précédemment réservé) (suite)
M. le président. L'amendement n° 143 rectifié bis, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
...° D'exercer au nom de la commune le droit de priorité défini aux articles L. 240-1 et suivants du code de l'urbanisme. ».
Je vous rappelle que cet amendement a été présenté hier par M. Repentin. La commission avait souhaité connaître l'avis du Gouvernement et le Gouvernement avait demandé la réserve de cet amendement jusqu'à ce matin.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur Repentin, les jours se suivent et ne se ressemblent pas !
La loi portant engagement national pour le logement, dite ENL, a fusionné le droit de préemption urbain, ou DPU, et le droit de priorité dans le cas de la vente de terrains de l'État et de certains de ses établissements. Dorénavant, le droit de priorité s'applique seul et, contrairement au DPU, l'exercice du droit de priorité ne doit pas être motivé.
La loi ENL n'a pas prévu de délégation directe du droit de priorité aux maires et réserve l'exercice de ce droit au cadre formalisé d'une délibération en conseil municipal. Une telle disposition ne facilite pas, il est vrai, les opérations de commercialisation de terrains.
Toutefois, l'esprit du législateur étant de faciliter la cession des terrains de l'État en vue de la réalisation de logements, et notre volonté de construire étant donc forte, le Gouvernement s'en remet, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat.
Mme Michelle Demessine. Très bien !
M. Thierry Repentin. Cela présage une belle journée !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Sagesse, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Articles additionnels après l'article 5 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 132 rectifié bis, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conditions fiscales des aides de l'État aux structures d'hébergement, aux établissements ou logements de transition ou aux logements - foyers destinés aux personnes relevant des articles 2 et 3 de la présente loi sont assimilées à celles en vigueur pour les aides de l'État au logement locatif social et à celles des concours de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine lorsqu'ils concernent la construction, l'acquisition avec ou sans travaux et la réhabilitation de logements locatifs sociaux.
Leur attribution aux bénéficiaires peut être déléguée par l'État dans les conditions prévues aux articles L. 301-3 à L. 301-5-4 du code de la construction et de l'habitation. Dans ce cas l'agrément des opérations est prononcé par le délégataire et les conventions mentionnées à l'article L. 353-2 du code de la construction et de l'habitation ainsi que les décisions favorables mentionnées au 3° de l'article L. 351-2 du même code sont signées par le délégataire. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 150, présenté par MM. Repentin, Bockel, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conditions fiscales des aides de l'État aux structures d'hébergement, aux établissements ou logements de transition ou aux logements-foyers destinés aux personnes relevant des articles 2 et 3 de la présente loi sont assimilées à celles en vigueur pour les aides de l'État au logement locatif social et à celles des concours de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine lorsqu'ils concernent la construction, l'acquisition avec ou sans travaux et la réhabilitation de logements locatifs sociaux.
Leur attribution aux bénéficiaires peut être déléguée par l'État dans les conditions visées à l'article L. 301-3 du code de la construction et de l'habitation. Dans ce cas, l'agrément des opérations est donné par le délégataire et les conventions mentionnées à l'article L. 351-2 du même code ainsi que les décisions favorables mentionnées au 3° du même article sont signées par le délégataire.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le présent amendement a pour objet de ne pas remettre en cause l'organisation des responsabilités partagées en matière de politiques locales de l'habitat progressivement mise en place par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi relative aux libertés et responsabilités locales, la loi de programmation pour la cohésion sociale et la loi portant engagement national pour le logement.
La loi de programmation pour la cohésion sociale avait prévu l'assimilation des conditions fiscales des concours de l'ANRU, lorsqu'ils concernent la construction, l'acquisition, avec ou sans travaux d'amélioration, et la réhabilitation de logements locatifs sociaux, avec celles des aides de l'État relevant du code de la construction et de l'habitation. Cette assimilation comprend l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, ou TFPB, la TVA à 5,5 %, l'accès aux prêts des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations. La loi ENL a, dans son article 73, étendu cette assimilation aux aides de l'État à l'hébergement d'urgence et aux résidences hôtelières à vocation sociale.
Cet article additionnel permettra de définir le champ de cette assimilation des aides de l'État en tenant compte des opérations adaptées à l'hébergement, telles qu'elles sont développées dans la présente loi.
Il permettra, en outre, d'étendre cette assimilation aux conditions d'engagement et d'agrément des opérations bénéficiant des aides de l'État : possibilité de délégation de leur attribution, agrément des opérations par le délégataire, signature des conventions de financement et des conventions APL par le délégataire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. En premier lieu, l'amendement vise à étendre à toutes les structures adaptées prévues par le présent projet de loi tous les avantages fiscaux, notamment en matière de TVA et de TFPB, et tous les avantages financiers dont bénéficie le logement social.
L'article 73 de la loi portant engagement national pour le logement, que vous avez votée, a étendu le bénéfice de ces avantages fiscaux aux structures d'hébergement temporaire ou d'urgence. Il ne nous apparaît donc pas nécessaire de légiférer de nouveau pour ces différents types d'hébergement.
En second lieu, l'amendement vise à étendre le champ de la délégation de compétence des aides à la pierre prévue par l'article 61 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales à l'ensemble des mêmes structures adaptées. La loi relative aux libertés et responsabilités locales prévoit explicitement que la convention de délégation précise les crédits alloués au logement social, ainsi qu'à l'hébergement.
Le Gouvernement partage, bien sûr, les objectifs définis dans cet amendement. En revanche, il considère que les lois existantes permettent de les atteindre. Aussi vous invite-t-il à retirer cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Avis identique, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 150 est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Selon Mme la ministre, les dispositions de la loi ENL permettent d'atteindre l'objectif qui est le nôtre avec cet amendement. La loi nous donnant satisfaction, je fais confiance à Mme la ministre, sachant que le texte sera examiné dans quelques jours à l'Assemblée nationale.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 150 est retiré.
L'amendement n° 222, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement chaque année un bilan de la mise en oeuvre du numéro unique de demande de logement social.
Ce bilan met notamment en évidence une évaluation chiffrée la plus précise possible du nombre total de demandes de logement social en attente.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement porte sur le système d'information du logement.
Depuis le début de l'examen de ce texte, nous ne cessons d'insister sur l'impérieuse nécessité de réaliser davantage de logements et surtout de logements bien adaptés aux besoins des demandeurs. Or, en matière de politique de l'offre, la puissance publique se heurte à l'absence d'un système d'information général du logement et, en conséquence, à la difficulté de disposer de chiffrages fiables.
C'est ainsi que ne sont connus avec précision ni le nombre de demandeurs de logements sociaux, ni le nombre des logements sociaux eux-mêmes. Les définitions ne sont pas harmonisées et les enquêtes statistiques sont certes multiples, mais non coordonnées.
L'exemple du numéro unique départemental est, à ce titre, emblématique. Ce dispositif, institué par la loi de 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, devait permettre de repérer les personnes ayant une demande non satisfaite depuis un délai anormalement long et de contribuer à la connaissance statistique de la demande sociale.
Les demandes non satisfaites dans le délai normal devaient être traitées en priorité. Or, il apparaît que ce dispositif ne fonctionne pas encore correctement et que les services déconcentrés de l'État ne se sont pas suffisamment mobilisés sur le traitement des demandes non satisfaites dans les délais prévus. On peut d'ailleurs se demander si ces services seront plus réactifs après l'adoption de ce projet de loi. Il est permis de l'espérer !
L'objet de cet amendement est de prévoir la présentation d'un rapport annuel du Gouvernement devant le Parlement dans lequel serait dressé le bilan de la mise en oeuvre du numéro unique départemental. L'objectif fixé par les parlementaires du groupe socialiste est de préfigurer ainsi un vaste et unique système d'information sur le logement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Lors des auditions, j'ai appris qu'il existait un rapport sur le numéro unique, rédigé récemment par le ministère de l'équipement, mais qu'il était destiné seulement au Gouvernement.
Madame la ministre, pourriez-vous vous engager à nous le communiquer ? En cas de réponse positive de votre part, le présent amendement deviendrait sans objet et pourrait donc être retiré.
M. Jean-Pierre Caffet. Effectivement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est bien volontiers que je m'engage à ce que le Gouvernement présente chaque année ce rapport aux commissions concernées des deux assemblées, c'est-à-dire aux commissions des affaires sociales et des affaires économiques, afin que l'ensemble des parlementaires puissent en disposer. Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Caffet, l'amendement n° 222 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Caffet. Je prends acte de cet engagement du Gouvernement. La réponse de Mme la ministre me semble très positive et je retire donc l'amendement.
Les rapporteurs du budget du logement pourraient-ils aussi être destinataires de ce rapport ?
M. le président. Cela relève d'ailleurs de l'organisation interne du Sénat. Il nous appartiendra de veiller à ce que ces rapporteurs en soient les premiers destinataires.
L'amendement n° 222 est donc retiré.
L'amendement n° 260, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les opérations de démolition reconstruction, faisant l'objet d'une convention prévue à l'article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, sont conditionnées à l'approbation de la population du quartier concerné. Chaque projet donne donc lieu à un référendum local.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, il s'agit par cet amendement de s'assurer que la concertation prévue dans les textes aura bien lieu.
Je vous rappelle que, sur le site de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, on peut lire que « les projets doivent être pensés pour et avec les habitants ».
Or, qu'en est-il dans les faits ? Le présent projet de loi étant dédié à la mémoire de l'abbé Pierre, je citerai ce que soulignait d'ailleurs dès 2005 le rapport de la Fondation Abbé-Pierre : « S'il existe bien, dans le cadre de la mise en oeuvre des opérations de renouvellement urbain, une phase de consultation des habitants, il n'y a pas vraiment de délibération collective permettant aux habitants de faire valoir leur point de vue au moment de la prise de décision de la démolition. Celle-ci est d'ailleurs le plus souvent antérieure à la consultation et l'on ne trouve pas d'exemple, à notre connaissance, de débat collectif impliquant les habitants qui soit revenu sur la décision de démolition. »
En réalité, le seul moyen de garantir qu'une vraie concertation soit engagée est de soumettre toute opération de démolition-reconstruction à un référendum local. Étant touchées dans leur intimité, les populations concernées devraient donc bénéficier d'un droit de veto sur ces opérations.
D'ailleurs, si ces projets sont conduits dans leur intérêt, et non dans celui d'élus locaux prompts à déconcentrer les quartiers d'habitat social pouvant déranger la tranquillité de leurs autres administrés ou celle de leur réélection, les habitants sont sensés, ils voteront « oui ». Il n'y a donc pas à s'inquiéter d'un tel vote.
Par ailleurs, quand les logements sont reconstruits, où le sont-ils ? L'ANRU estime que 52 % de ces logements sociaux seront construits en dehors du territoire des quartiers. En outre, de quel type de logements « sociaux » sera-t-il alors question ? S'agira-t-il de plans locatifs sociaux, ou PLS, qui, contrairement à la définition du logement social donné dans la loi, ne sont pas réservés aux ménages modestes ?
Bref, on le voit bien, le compte n'y est pas.
Si cela peut vous rassurer, je vous rappelle que notre proposition fait partie des idées défendues par la Fondation Abbé-Pierre, qui propose d'« introduire dans les opérations de renouvellement urbain une obligation de consultation et de validation du projet par les locataires. » Mais vous me répondrez peut-être, comme l'a fait ici même M. Braye, lors de la discussion générale du projet de loi portant engagement national pour le logement, que la fondation est entourée par de dangereux gauchistes !
Pourtant, il s'agit là tout simplement de rappeler que les habitants ont quand même le droit de parler, de dire leur mot sur leur quotidien et leur lieu de vie !
Une véritable « co-élaboration » avec les habitants serait possible. Cela s'est d'ailleurs fait dans certaines communes, par exemple à Arcueil et à Gentilly, où un référendum « non consultatif », mais décisionnel, a permis aux habitants de choisir entre quatre projets différents allant de la réhabilitation à la destruction.
Les collectifs « anti-démolitions » se multiplient, tout spécialement en Île-de-France. Si vous cherchez une explication à la crise des banlieues, on pourrait d'ailleurs en trouver une dans le sentiment qu'ont certains habitants d'être méprisés par les pouvoirs publics, y compris en ce qui concerne l'avis qu'ils peuvent avoir sur leur quartier et leur lieu de vie quotidien.
Toutefois, nous ne sommes pas hostiles par principe aux démolitions. C'est pourquoi nous proposons l'organisation d'un référendum. Dans certains cas, il peut s'avérer nécessaire de démolir, mais pourquoi détruire des logements qui sont parfois spacieux, éclairés et en bon état, comme l'était par exemple la barre 260, réhabilitée en 1997, puis en 2001 ?
Il y a une crise du logement grave en France. Au lieu de faire du « un pour un », vous devriez construire ou bien réhabiliter sans démolir, la réhabilitation étant généralement la demande exprimée par les habitants. Voilà pourquoi elle est bien mieux acceptée que la démolition. Par ailleurs, on le sait bien, ce procédé est moins coûteux.
Il ne faudrait pas que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine serve à « déloger » les pauvres, les familles à problèmes, celles que les maires rechignent à accueillir, des familles, disons-le, qui sont souvent issues de l'immigration.
Je crois que de nombreux maires se frottent les mains en pensant à l'ANRU, car ils se disent qu'ils pourront grâce à elle éloigner ces familles, comme si le problème résidait dans la concentration de la pauvreté, alors qu'il tient simplement à la pauvreté elle-même.
Voilà pourquoi nous vous demandons de ne pas oublier de consulter les habitants et de respecter leur parole.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales considère que les procédures de consultation de la population déjà en vigueur, notamment pour les opérations de l'ANRU, sont suffisantes. Elle émet donc un avis défavorable à l'extension de ces méthodes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage la position de la commission. Nous n'avons de cesse de travailler sur l'ensemble des projets pour renforcer la concertation avec les populations. C'est lorsque nous discutons avec les habitants de l'évolution de leur quartier et de leur « parcours résidentiel » que nous avons la meilleure possibilité de faire un bilan avec chacune des familles. Projet après projet, nous rénovons donc les quartiers avec les habitants en échangeant avec eux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 260.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Division additionnelle après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 121 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre...
Dispositions relatives aux rapports locatifs
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a pour objet de placer l'ensemble des amendements portant sur les questions de rapports locatifs dans un chapitre spécifique.
On peut d'ailleurs regretter que cet amendement arrive après la discussion de dispositions relatives aux aides personnelles au logement, dont les rapports locatifs sont pourtant, depuis les lois Barre de 1976, largement imprégnés.
La question des rapports locatifs est au coeur de la problématique du logement. Il faut rappeler que le texte, relativement équilibré, de la loi Mermaz-Malandain de 1989 a été progressivement mis en question par les dispositions législatives postérieures. Je pense à la loi sur la diversité de l'habitat, à la loi sur l'habitat, au renforcement du surloyer et plus généralement à l'ensemble des lois qui, depuis 2002, ont de plus en plus lié le logement aux règles du marché.
La logique libérale en matière de rapports locatifs est depuis longtemps établie à partir de l'illusion d'une égalité des droits des parties dans la détermination des termes du contrat. Or, cette illusion ne résiste pas un instant à l'analyse concrète de la situation.
Nous n'avons pas connu, dans un passé récent et en fait depuis le début de la Première Guerre mondiale, une situation de logement aussi désastreuse que celle d'aujourd'hui.
La spéculation immobilière est effrénée. Les loyers montent continuellement. Leur hausse est deux fois supérieure à celle des prix à la consommation. Le taux d'effort des familles pour se loger est en augmentation permanente. La ségrégation et la discrimination spatiales font que certaines villes ou quartiers sont destinés à l'accueil des personnes les plus modestes, tandis que d'autres villes et quartiers sont réservés exclusivement à l'habitat des plus riches. Tout concourt aujourd'hui à engendrer une crise dont le caractère massif est inédit.
De surcroît, les évolutions de la vie familiale et les mutations sociales qui en découlent créent un appel d'air supplémentaire qui vient s'ajouter au dérèglement d'un marché déjà incapable de répondre à la demande sociale.
La disparition du parc social privé, la banalisation des loyers élevés et les efforts d'incitation créent une insécurité du logement qui fait honte à un pays aussi riche que le nôtre.
Remédier à cette situation passe naturellement par l'adoption des mesures que nous avons jusqu'ici préconisées, notamment en ce qui concerne la production de logements, je n'y reviens pas, mais aussi par une forte régulation des rapports locatifs. Tel est le sens de l'amendement « chapeau » que nous vous proposons d'adopter.
M. Jack Ralite. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission n'a pas retenu cette proposition. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 18 de la loi n° 89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le décret peut prévoir, soit un gel des loyers, soit une évolution limitée à l'indice des prix à la consommation si celle-ci est inférieure à l'indice de référence des loyers. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. La question des rapports locatifs est posée au premier chef par la crise du logement que connaît notre pays. Cette crise exclut de l'accès au logement des couches de plus en plus larges de la population et, particulièrement dans les plus grandes villes, ce qui est en cause c'est bien souvent, au-delà de l'insuffisance manifeste de la construction de logements sociaux, le processus constant d'accroissement des loyers que nous connaissons depuis de trop longues années.
Depuis 1990 - nous l'avons déjà dit, mais la pédagogie est l'art de la répétition... - les loyers ont progressé de plus de 66 %, quand l'indice des prix à la consommation augmentait de 35 %, alors que nombre de revenus ne connaissaient pas d'évolution aussi significative.
Le poids du poste logement est devenu particulièrement intolérable dans le budget de nombreux ménages. Nous avons tous, dans nos permanences, l'occasion d'avoir sur ce sujet de nombreuses discussions avec nos concitoyens.
Des taux d'effort de 25 à 40 % sont aujourd'hui le lot quotidien de milliers de familles, et c'est sans compter l'impact des dépenses liées au logement : assurances, consommation d'eau, d'énergie et services téléphoniques, sans oublier la fiscalité.
Comment peut-on vivre quand on doit déjà consacrer près de la moitié de son revenu mensuel à faire face à ces charges fixes ?
Le dynamisme des loyers est une des tendances lourdes des deux dernières décennies. Depuis l'adoption de la loi Méhaignerie en 1986, la part du logement locatif soumis aux règles du marché n'a cessé de progresser dans l'ensemble des logements mis en location par la déshérence du patrimoine régi par la loi de 1948 et par l'insuffisance de la construction de logements sociaux au regard de l'ensemble de la construction et de la demande.
Vingt ans après, les résultats sont là : logements vides, loyers en hausse constante et indice de révision largement supérieur à l'indice des prix à la consommation. La machine à trier les candidats au logement et à exclure les plus modestes, les plus vulnérables et les plus pauvres est à l'oeuvre.
Je vous rappelle les termes de l'article 18 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 : « Dans la zone géographique où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire révèlent une situation anormale du marché locatif, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximum d'évolution des loyers des logements vacants (...). Ce décret précise sa durée de validité qui ne peut excéder un an et peut prévoir des adaptations particulières, notamment en cas de travaux réalisés par les bailleurs ou de loyers manifestement sous-évalués. »
Madame la ministre, ce décret intègre donc la possibilité pour l'autorité publique de mettre en oeuvre une politique de modération des loyers en vue d'éviter aux familles des difficultés majeures de paiement et de prévenir la vacance de logements locatifs.
Mes chers collègues, dans le contexte actuel, il importe donc que cette intervention de la puissance publique permette éventuellement un moratoire sur la progression des loyers, moratoire au demeurant reconductible en tant que de besoin. Une telle mesure serait susceptible de mettre un frein à la poussée continue des loyers sans nuire cependant, pour ceux qui pourraient s'en inquiéter, à la rentabilité globale de la propriété foncière, dont les plus récents éléments fiscaux disponibles montrent suffisamment la progression ces dernières années.
La question est de savoir si l'on souhaite favoriser le pouvoir d'achat des locataires plutôt que les revenus de ceux qui font du logement un placement financier spéculatif.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, tout en faisant sien le souci exprimé par ses auteurs. Elle considère que la mise en place du nouvel indice de référence contribue et contribuera de plus en plus à la modération des loyers, et ce dans le cadre d'un équilibre entre locataires et propriétaires, puisqu'il comprend notamment l'indice des prix et l'indice du coût de la construction.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Les auteurs de cet amendement préconisent le gel des loyers. Une telle mesure modifierait substantiellement l'équilibre des rapports locatifs, ce qui est très difficilement envisageable en dehors de toute concertation entre les bailleurs et les locataires.
En outre, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, le Gouvernement a mis en place le 1er janvier 2006 l'indice de référence des loyers, constitué à hauteur de 60 % par l'indice des prix à la consommation. La référence à ce nouvel indice, en limitant la hausse des loyers, a contribué à rendre celle-ci plus conforme à l'évolution du coût de la vie.
Enfin, je rappelle que le Sénat a voté hier un amendement tendant à indexer les aides à la personne sur l'indice de référence des loyers. Si elle est définitivement adoptée, cette importante disposition apportera une réponse à l'ensemble de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 19 de la loi n° 89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs est ainsi rédigé :
« Le nombre minimal des références à fournir par le bailleur est de six. Toutefois, il est de neuf dans les communes, dont la liste est fixée par décret, faisant partie d'une agglomération de plus de deux cent mille habitants. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le présent amendement vise à homogénéiser les pratiques locatives en tendant à permettre, à travers une appréciation plus large de la réalité du parc locatif, une relative modération de la progression des loyers du secteur locatif dit libre.
Mon collègue Robert Bret vient de rappeler les grandes lignes de la loi du 6 juillet 1989. En vertu du b de son article 17, les loyers du secteur dit libre peuvent, lorsque les logements concernés sont vacants ou lorsqu'ils font l'objet d'une première location, être fixés par référence aux loyers du voisinage.
Avec le temps - la loi Méhaignerie a été votée il y a vingt ans -, il s'avère que cette référence au voisinage a été l'un des moteurs essentiels de la progression continue des loyers.
Si la relocation de logements vacants ou la mise en location de nouveaux logements contribuent à la hausse globale des loyers, cela a été particulièrement significatif en 2004 avec une hausse moyenne de 6,4 % des loyers soumis au régime du b de l'article 17.
Au demeurant, la progression des revenus fonciers pour la même année trouve sans doute pour une part essentielle son origine dans ce dispositif.
Il est donc temps de créer les conditions d'une progression bien plus modérée des loyers.
L'accroissement du nombre des références exigibles pour déterminer le montant d'un loyer lors d'une relocation après vacance ou au moment d'une première location contribue sans doute à cette orientation.
C'est pourquoi je vous demande d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cet amendement, qui vise à augmenter le nombre de références aux loyers de voisinage qui doivent être fournies au bailleur souhaitant réévaluer le montant du loyer lorsque celui-ci est manifestement sous-évalué, ne nous paraît pas applicable. En effet, des bailleurs pourraient, dans certaines circonstances, avoir des difficultés à fournir six ou neuf références au lieu des trois et six qui sont actuellement exigées, en particulier lorsque la situation locale présente un marché locatif rare ou lorsque les difficultés d'accès à l'information ne permettent pas de collecter tous ces renseignements.
Surtout, le Gouvernement ne veut pas modifier encore une fois l'équilibre des rapports entre les bailleurs et les locataires sans avoir préalablement organisé une concertation.
Pour toutes ces raisons, il émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 107, présenté par MM. Muzeau et Ralite, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 443-15-5 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret peut prévoir, dans les zones où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées, une suspension temporaire de l'application de ces dispositions. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La vente de logements HLM constitue l'un des outils de la gestion des organismes bailleurs dès lors qu'il s'agit de requalifier leur bilan financier ou de procéder à une « remise en ordre » de leur comptabilité.
Elle prend parfois appui sur le désir de se « libérer » des contraintes de gestion d'un groupe d'immeubles ou d'une cité, notamment lorsque le conventionnement parvient à son terme ou lorsque se rapproche le moment où il faudra procéder à la réhabilitation de ce groupe ou de cette cité.
Mais la vente de logements sociaux a pour objectif principal de contribuer à la réduction du nombre de logements sociaux disponibles, sans garantie absolue que soient évités, sur la durée, les travers de la copropriété et les dérèglements du marché du logement tels que nous les connaissons.
De plus, elle peut, dans un contexte de forte tension sur le logement, contribuer à la dérive spéculative qui est aujourd'hui dramatiquement à l'oeuvre et qui fonctionne comme une machine à exclure du droit au logement des couches de plus en plus larges de population.
Nous estimons donc que les décrets autorisant la vente de logements sociaux doivent clairement intégrer la notion de non-réalisation des opérations de vente de logements sociaux dans les zones tendues du territoire, c'est-à-dire, pour ce qui concerne l'actualité, dans les zones visées par référence au décret pris en application de l'article 232 du code général des impôts.
Seraient donc concernées par cette adaptation du droit les communes situées dans l'agglomération de Paris, celles de la petite couronne comme celles des départements de la grande couronne comprises dans le périmètre de l'agglomération ; l'essentiel des communes de l'agglomération lilloise ; une part des communes de l'agglomération bordelaise ; celles de l'agglomération toulousaine ; la plus grande partie des communes du Rhône, notamment celles qui sont comprises dans le périmètre de la communauté urbaine de Lyon et dans le prolongement de cette agglomération dans le département de l'Ain ; la ceinture des communes en développement autour de Montpellier ; enfin, les communes des agglomérations de Cannes, de Grasse, d'Antibes et de Nice.
Dans tous ces secteurs, le logement connaît une très forte tension et la progression tant des loyers que des prix de vente justifie pleinement que nous puissions laisser à l'autorité publique, c'est-à-dire aux préfets, la faculté de demander la suspension de toute procédure de cession d'éléments du patrimoine locatif social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Dans le cadre de la loi ENL, le Gouvernement s'est engagé à favoriser le parcours résidentiel des occupants des logements sociaux, notamment en améliorant les conditions de la vente d'HLM.
En tout état de cause, ce type de transaction est soumis au contrôle du préfet, qui peut s'opposer à toute vente ayant pour effet de réduire de manière excessive le parc de logements sociaux locatifs existant sur le territoire de la commune ou de l'agglomération concernée.
Le déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements sociaux au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées est un motif possible d'opposition du préfet. Il n'est donc pas nécessaire de compléter le droit actuel sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Madame la ministre, si tel était le cas, le préfet des Hauts-de-Seine auraient dû user du droit qui lui est reconnu par la loi et que vous venez de rappeler.
Dans ce département, une commune sur deux est en dessous du seuil de 20 % de logements sociaux. La quasi-totalité des communes concernées n'ont engagé aucun programme de construction de logements sociaux. Ou alors, ces programmes sont tellement modestes qu'un siècle sera nécessaire pour parvenir à ce taux de 20 %.
Par conséquent, je souhaiterais que le Gouvernement donne pour consigne claire au préfet des Hauts-de-Seine de mettre en demeure, si nécessaire, les communes soit de construire des logements sociaux, soit, comme le disait hier Jean-Louis Borloo, de s'y substituer pour en construire sur des terrains appartenant à l'État, voire de procéder à des réquisitions ou de préempter des terrains.
Les préfets disposent ainsi théoriquement de toute une panoplie d'instruments, qu'ils n'utilisent jamais pour ne pas fâcher les maires qui se refusent à construire des logements sociaux.
L'office départemental du logement des Hauts-de-Seine - c'est, si j'ose dire, la « cerise sur le gâteau » -, département présidé par Nicolas Sarkozy, qui possède un stock de 26 000 logements, a décidé d'en vendre 4 000, malgré le dramatique déséquilibre que connaît le département.
Si c'est votre conception de la politique du logement social, nous ne la partageons pas.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Ainsi que je l'ai déjà dit hier, l'idée selon laquelle la vente d'un logement social à son occupant tend à réduire le nombre de logements sociaux est totalement fausse.
M. Roland Muzeau. Mais non !
M. Charles Revet. En général - il y a peut-être des exceptions -, le produit de la vente d'un logement à son locataire sert à la construction de nouveaux logements.
M. Charles Revet. Aussi, le nombre de logements sociaux ne s'en trouve pas diminué, mais, au contraire, augmenté. En outre, la famille qui devient ainsi propriétaire de son logement réalise un voeu. Les exemples sont nombreux.
Par conséquent, je suis surpris que, au moyen de tels amendements, certains essaient d'accréditer l'idée que la vente d'un logement social à son occupant tend à faire décroître le nombre de logements sociaux. C'est totalement inexact.
M. Roland Muzeau. Mais si !
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par MM. Vera et Ralite, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le texte de l'article 234 quindecies du code général des impôts, le pourcentage : « 2,5 % » est remplacé par le pourcentage : « 3 % ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement porte sur la question du financement de la garantie des risques locatifs.
Le paragraphe XV de l'article 76 de la loi de finances pour 2006 a prévu l'extinction de la contribution sur les revenus locatifs dégagés par les sociétés de propriété immobilière. Ce faisant, l'État sera privé d'une ressource qui était parfaitement susceptible d'être mobilisée pour le financement de la politique publique du logement.
Nous avons déposé cet amendement par cohérence avec notre amendement relatif à la mise en place de la garantie des risques locatifs, au profit de laquelle la solidarité entre bailleurs doit pleinement jouer.
Il s'agit seulement de réévaluer le niveau d'une contribution sur les revenus locatifs maintenue, afin de disposer des moyens de financement du risque locatif dans le secteur locatif privé.
Tel est l'objet de cet amendement que je vous propose d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, d'autant plus que la contribution sur les revenus locatifs sera bientôt supprimée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage pleinement l'avis de la commission.
Jean-Louis Borloo a eu l'occasion hier soir de revenir longuement sur l'intérêt de la nouvelle garantie des risques locatifs. Grâce au travail qui a été fait avec les partenaires sociaux, elle est un moyen d'accéder au logement pour celles et ceux qui, faute de caution, ne le pouvaient pas jusqu'alors.
Parallèlement, ce nouveau dispositif sécurise certains bailleurs. Il apporte donc une réponse importante. Aussi, la contribution sur les revenus locatifs n'est plus concernée directement par ce sujet.
Enfin, si nous voulons que l'ensemble des investisseurs puissent continuer à investir, il faut leur adresser quelques signes.
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par MM. Muzeau et Ralite, Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 234 du code électoral, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les maires dont les communes ne respecteraient pas l'objectif de réalisation d'au moins 20 % de logements locatifs sociaux fixé à l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation sont déclarés inéligibles. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le respect de la loi par les élus locaux implique qu'ils puissent être redevables de l'accomplissement de cette mission devant leurs concitoyens.
Or, six ans après l'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, force est de constater que nous sommes encore bien loin d'avoir atteint les objectifs que ce texte avait fixés.
Dans certaines localités, en dépit des engagements pris, nous ne sommes pas encore en situation de répondre à cette demande, loin s'en faut.
Ce qui est incontestable, c'est que la loi SRU a permis, parce qu'elle était la règle imposée et applicable partout, de relancer la construction de logements sociaux, quand bien même la part des logements sous le régime des prêts locatifs sociaux, ou PLS, est significative dans ce total.
On se souviendra simplement que, en comparant la production de logements en 2000 et en 2004, on s'aperçoit que le nombre des logements en PLUS, ou prêt locatif à usage social, n'a augmenté que de 10 % quand celui des logements en PLS a quintuplé.
Notons également que ce sont, le plus souvent, des communes où le pourcentage de logements sociaux était compris entre 15 % et 20 % des habitations principales qui se sont le plus naturellement conformées à la loi.
La pénurie sévit, en dépit des efforts louables ici et là et d'une réelle imagination concrète, en matière d'acquisition et d'amélioration par exemple, de la part des communes où le nombre de logements sociaux n'a pas varié dans des proportions spectaculaires.
Elle reflète la réticence de certains élus locaux à faire construire des logements sociaux dans le périmètre de leur commune, c'est-à-dire à respecter la loi. Associant logements sociaux et concentration de populations à faibles revenus et en détresse sociale, ces élus redoutent une dégradation de l'image de leur commune. Une ségrégation spatiale redouble en conséquence les effets de l'exclusion sociale subis par les ménages les plus modestes.
La loi prévoit des sanctions, notamment financières, pour les communes qui contreviennent à celle-ci et impose depuis janvier 2002 une pénalité de 152,45 euros par logement manquant et par an, qui peut être doublée en cas de constat de carence du préfet.
Or, force est de constater que, en dépit de ces sanctions tout à fait minimes, une part déterminante des 742 communes assujetties à ces obligations législatives ne s'est pas soumise à ces exigences.
L'adoption de cet amendement permettrait de tenir compte, d'une part, des efforts faits par les municipalités en matière de logement social, et, d'autre part, des contraintes de chaque commune, tout en déplaçant le débat public local.
La question est de savoir non plus désormais où l'on doit faire du logement social, mais plutôt comment on va le faire, puisque, quelle que soit la couleur politique du maire, les logements sociaux devront exister.
Il importe donc que les maires, se plaçant délibérément hors du champ du respect de la loi, soient clairement responsables de leurs choix contraires à l'intérêt général.
C'est le sens de cet amendement, visant à rendre inéligibles les maires qui ne respectent pas cette loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Vous voulez rendre les maires inéligibles. En quoi s'agit-il d'un amendement de précision, comme l'indique votre exposé des motifs ?
M. Roland Muzeau. Il s'agit d'appliquer la loi !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils l'appliquent !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cette mesure, dont la nature imprécise rendrait plus délicate l'application de l'article, n'est pas envisageable, car elle viserait à ajouter une pénalisation aux dispositions qui sont d'ores et déjà prévues par la loi, à savoir la majoration du prélèvement en cas de constat de carence et la possibilité pour le préfet de se substituer au maire pour la réalisation d'un programme de logements locatifs sociaux.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est, bien sûr, défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je répondrai brièvement à Mme la ministre, qui serait étonnée que je ne réagisse pas.
C'est un signal fort que nous voulons envoyer à l'adresse des élus locaux qui refusent d'appliquer la loi ! Quiconque enfreint le code de la route, refuse de payer ses impôts, contrevient au droit de l'urbanisme ou à je ne sais quelle autre norme juridique est pénalisé.
Chacun est censé respecter la loi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils la respectent !
M. Roland Muzeau. C'est le Parlement qui fait la loi et ce sont des parlementaires, des élus locaux qui refusent d'appliquer une loi qui devrait être respectée par tout le monde !
Vous voudriez nous faire avaler - M. About peut-être moins que d'autres, encore que je n'en sois pas si sûr (Sourires.)... -, que c'est normal de ne pas respecter la loi. Eh bien non ! Ceux qui édictent la loi doivent être les premiers à s'y soumettre !
En la matière, madame la ministre, vous faites fort, parce que vous venez de donner un blanc-seing à ceux qui refusent d'appliquer la loi républicaine.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Décidément, mon cher collègue, la nuit ne vous a pas porté conseil !
M. Roland Muzeau. Nous n'avons pas beaucoup dormi !
M. Philippe Dallier. Je vous disais hier que, pour vous, tout était blanc ou noir et que rien n'existait entre les deux. On en est encore là aujourd'hui.
De grâce, rédigez vos amendements de telle façon qu'ils puissent être interprétés correctement ! Qui est visé ? S'agit-il de ceux qui font l'objet d'un constat de carence ou de tous les maires dont les communes n'appliquent pas la règle des 20 % de logements sociaux ?
M. Roland Muzeau. Ceux qui font l'objet d'un constat de carence !
M. Philippe Dallier. Mon cher collègue, votre amendement n'est pas clair à ce sujet, et j'en ai assez que vous fassiez sans cesse l'amalgame...
M. Roland Muzeau. Mais non !
M. Philippe Dallier. ...entre ceux qui font l'objet d'un constat de carence, ceux qui ont de réelles difficultés pour atteindre les objectifs visés, et tous les autres.
M. Roland Muzeau. Ceux qui font l'objet d'un constat de carence !
M. Philippe Dallier. Alors, apportez cette précision dans votre amendement,...
M. Roland Muzeau. Vous n'avez qu'à présenter un sous-amendement !
M. Philippe Dallier. ...et arrêtez, mon cher collègue, de mettre tout le monde dans le même sac ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
La commune que j'ai reprise en 1995 avait été gérée pendant quatre-vingt-deux ans par les socialistes. Elle dispose aujourd'hui de 11 % de logements sociaux, dont quatre cents ont été réalisés au cours des dix dernières années. Qui doit-on rendre inéligible, mon prédécesseur ou moi-même ?
Nous en avons assez d'être sans cesse désignés à la vindicte populaire !
M. Roland Muzeau. Il n'y a pas de constat de carence chez vous !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Les électeurs trancheront !
M. Philippe Dallier. Il y en a assez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Vous êtes gêné, monsieur Dallier !
M. Philippe Dallier. Non !
M. le président. Monsieur Muzeau, laissez M. Dallier s'exprimer !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Monsieur 3 %, vous feriez mieux d'être plus discret !
M. Philippe Dallier. Un jour, monsieur Muzeau, ...
M. Roland Muzeau. Appliquez la loi !
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, j'aimerais pouvoir terminer mon propos.
Mme Michelle Demessine. C'est indigne !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. Philippe Dallier. Monsieur Muzeau, avec les propos que vous tenez et les amalgames que vous faites, un accident se produira un jour.
Pendant les émeutes de 2005 en Seine-Saint-Denis, rappelez-vous, un cocktail Molotov a été jeté en pleine nuit sur la façade de la maison d'une élue, qui s'y trouvait avec ses enfants.
Avec des propos irresponsables comme les vôtres, nous connaîtrons d'autres accidents.
J'en ai assez que vous mélangiez tout et que vous fassiez sans cesse des amalgames ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Les électeurs rendent leur verdict tous les jours !
M. Roland Muzeau. Respectez la loi !
M. Philippe Dallier. Je le fais !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Monsieur 3 %, vous ne devriez pas être là ! (M. Roland Muzeau s'exclame.)
M. le président. Monsieur Muzeau, vous vous êtes déjà exprimé ! Je souhaiterais que ce débat retrouve un peu de calme et de sérénité.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je soutiens les propos de M. Dallier. (Brouhaha sur l'ensemble des travées.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, nous sommes ici au Sénat et non à l'Assemblée nationale !
Mme Catherine Procaccia. Je ne comprends pas pourquoi le maire serait inéligible.
Monsieur Muzeau, par qui est élu le maire ? Il est désigné par l'ensemble des conseillers municipaux. Donc, à mon avis, vous devriez aller au terme de votre logique en proposant que l'ensemble du conseil municipal soit inéligible.
M. Roland Muzeau. Non, le maire !
Mme Catherine Procaccia. Le maire ne peut rien faire voter tout seul. C'est donc toute la liste majoritaire qui doit être déclarée inéligible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement fait face à ses obligations, dans ce domaine comme dans d'autres. Entre 2002 et 2005, 363 communes sur 736 n'avaient pas rempli leurs objectifs pendant la première période triennale. Près de 144 arrêtés de carence ont été pris et, hier, Jean-Louis Borloo vous a dit que, pour certaines communes de la très proche banlieue parisienne qui avaient suscité des commentaires, nous serions probablement en mesure, dans quelques jours, d'annoncer la construction de logements sociaux.
Dans ce domaine, pour que nous puissions atteindre l'objectif qui est le nôtre, à savoir la réalisation, sur tout le territoire, des programmes envisagés, l'heure est vraiment au rassemblement et non à la stigmatisation ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 123-1-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans les zones urbaines, le plan local de l'urbanisme peut délimiter des secteurs dans lesquels, en cas de construction d'un programme de logements, un pourcentage de ce programme devra être affecté à des logements locatifs sociaux mentionnés à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.
« Dans les communes visées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, 50 % de la surface hors oeuvre de tout programme de construction de dix logements au moins sont affectés à la construction de logements locatifs sociaux. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Il est déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 366-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :
« Art. L. 366-1. - À l'initiative conjointe du département et de l'État, il est créé une association départementale d'information sur le logement associant les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale compétents et tout organisme concerné par le logement.
« L'association départementale d'information sur le logement a pour mission d'informer gratuitement les usagers sur leurs droits et obligations, sur les solutions de logement qui leur sont adaptées, notamment sur les conditions d'accès au parc locatif et sur les aspects juridiques et financiers de leur projet d'accession à la propriété, ceci à l'exclusion de tout acte administratif, contentieux ou commercial.
« En liaison avec les services de l'État et les services publics locaux compétents, elle est habilitée à recueillir toute démarche de logement établie par les usagers, et de les informer de toute proposition existante de logement locatif ou en accession à la propriété.
« Les associations départementales sont agréées après avis d'une association nationale composée de représentants des associations départementales, d'une part, des instances nationales auxquelles sont affiliés les organismes membres des associations départementales, d'autre part.
« Un décret fixe les statuts types, les conditions d'agrément et de contrôle des associations nationale et départementale. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. La question de la transparence du logement est au coeur de l'amendement que nous vous présentons ici.
Sous une forme qu'il faudra sans doute améliorer se pose clairement pour nous la question de la constitution d'un véritable service public national et décentralisé du logement.
De la même manière qu'il existe dans notre pays, avec l'Agence nationale pour l'emploi, un service public national de l'emploi, au demeurant efficace dans le traitement de la situation des demandeurs d'emploi, même s'il est largement perfectible, il importe que nous réfléchissions dès maintenant à la constitution d'un service national du logement.
Cela passe, dans notre proposition, par un renforcement du rôle des associations départementales d'information sur le logement, qui deviendraient le support territorial d'une connaissance plus approfondie de la réalité de la demande de logements, au-delà de leur mission traditionnelle d'information.
Les agences départementales seraient le socle d'une connaissance plus claire des demandes de logement existantes - on peut d'ailleurs envisager que, au fur et à mesure, ces instances connaissent une extension de leurs implantations locales -, mais également de la consistance et de la qualité de l'offre de logements.
Elles assumeraient de fait une mission d'information élargie, allant de la connaissance de la réalité des rapports locatifs - offres de logements disponibles, évolution des loyers, conditions d'accès à tel ou tel type de logement - à la mise en relation de l'offre et de la demande.
Le logement souffre d'un manque de transparence évident. Nous le reconnaissons tous.
Le numéro unique d'inscription - nous en avons débattu - sur les listes préfectorales des demandeurs de logement se heurte à la méconnaissance de l'offre au niveau des services de l'État dans le département, au-delà des possibilités offertes par le contingent de réservation du préfet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Hier, nous avons voté deux amendements ayant pour objet, d'une part, d'améliorer l'information sur le logement en rendant le préfet responsable de la coordination et, d'autre part, d'aménager et de développer la formation des travailleurs sociaux.
Cette responsabilité et ce souci de l'information sont donc au coeur de nos réflexions, et j'ai eu l'occasion, au cours de la discussion générale, d'évoquer aussi la perspective d'un service public de l'habitat, qui est manifestement en gestation.
À mon sens, la réflexion n'est pas encore suffisamment mûre pour pouvoir passer à ce stade, d'autant plus que ce service public, avant d'être conçu à l'échelon départemental, doit être envisagé au niveau national.
C'est pourquoi je suggérerai à Mme Demessine de bien vouloir retirer son amendement, tout en précisant que je suis attentif à la réflexion qu'il sous-tend et que la discussion me semble aller dans le bon sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je rappellerai la mission des associations départementales d'information sur le logement, les ADIL, qui consiste à fournir aux particuliers, notamment aux personnes à revenus modestes, les informations de nature juridique ou financière dont elles ont besoin dans le domaine du logement et de l'habitat. C'est une information qui est à la fois neutre, objective, gratuite et qui doit exclure - le texte le prévoit expressément - tout acte administratif, contentieux ou commercial.
Votre amendement, madame Demessine, vise à élargir considérablement les missions de ces agences, qui s'apparenteraient quasiment à la fourniture de logements et à la mise en rapport de l'offre et de la demande, ce qui suppose une activité de gestion de fichiers de biens immobiliers.
Il nous semble que les ADIL, qui sont de petites structures, n'ont pas vocation à effectuer un travail d'agence alors même que, localement, des partenariats peuvent être créés entre les acteurs de l'immobilier sans qu'il soit nécessaire de passer par une loi.
Donc, madame Demessine, je vous invite, comme M. le rapporteur, à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.
M. René Beaumont. J'interviendrai brièvement pour dire à Mme Demessine que son amendement présente un aspect très positif dans la mesure où il rend hommage à l'action des associations départementales d'information sur le logement dans les départements où elles existent.
Pour avoir été pendant dix ans le président de l'association nationale d'information sur le logement, j'en apprécie les mérites.
Cela dit, dans un nombre important de départements qui n'ont pas d'ADIL, des structures plus ou moins analogues ont été créées, soit par le département, soit par des groupements associatifs divers.
L'amendement de Mme Demessine tend à créer une association. Or je ne pense pas que ce soit le rôle du Parlement d'adresser une injonction pour créer des associations.
M. René Beaumont. Certes, il nous faut encourager l'information sur le logement. Les ADIL sont, il est vrai, très performantes et donnent des renseignements gratuits performants et rapides. Mais, comme vient de le dire Mme la ministre, elles n'ont pas à se constituer en agences ni à se fonctionnariser.
M. le président. La parole est à M. José Balarello, pour explication de vote.
M. José Balarello. En ma qualité de président de l'agence départementale d'information sur le logement des Alpes-maritimes, je considère que cet amendement est superflu et inopérant.
En effet, permettez-moi de vous signaler, madame Demessine, qu'à l'heure actuelle les ADIL peuvent déjà se voir confier des contrats et des missions, par exemple par les conseils généraux.
C'est ainsi que l'ADIL de mon département fonctionne en collaboration avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, et le conseil général afin d'exécuter toutes les missions que vous préconisez dans votre amendement.
Ce dernier me paraissant inutile, je vous suggère donc de le retirer.
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 542-5-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'allocation de logement est versée mensuellement. Les personnes remplissant les conditions de l'aide ne peuvent en être privées. Au cas où l'allocation mensuelle est d'un montant inférieur à un seuil fixé par décret, elle peut être versée par trimestre échu. »
II. - Après l'article L. 831-4-1, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'allocation de logement est versée mensuellement. Les personnes remplissant les conditions de l'aide ne peuvent en être privées. Au cas où l'allocation mensuelle est d'un montant inférieur à un seuil fixé par décret, elle peut être versée par trimestre échu. »
III. - L'article L. 351-3-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
«... - L'aide personnalisée au logement est versée mensuellement. Les personnes remplissant les conditions de l'aide ne peuvent en être privées. Au cas où l'allocation mensuelle est d'un montant inférieur à un seuil fixé par décret, elle peut être versée par trimestre échu. »
IV. - La perte éventuelle de recettes résultant pour l'État de l'application du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a trait au constat de carence en matière d'aides personnelles au logement.
Ce sujet ayant été largement débattu hier, je considère qu'il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Tout en partageant le souci des auteurs de l'amendement, la commission constate que le seuil de non-versement des aides personnelles au logement a déjà été ramené de 24 euros à 15 euros par la loi de finances pour 2007, ce qui constitue un pas important.
En outre, elle observe que cet amendement tend à augmenter davantage encore la charge publique.
Elle souhaite, par conséquent, entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je rappelle que, dans le projet de loi de finances pour 2007, le Gouvernement a effectivement souhaité ramener le seuil de non-versement des aides personnelles au logement de 24 euros à 15 euros et qu'une indexation importante a été introduite hier.
Je me dois d'invoquer l'article 40 de la Constitution à l'encontre de cet amendement.
M. le président. Monsieur Dallier, l'article 40 est-il applicable ?
M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'article 40 est applicable, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 127 n'est pas recevable.
CHAPITRE II
Dispositions en faveur de la cohésion sociale
Articles additionnels avant l'article 6
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1°. - L'article L. 353-15-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont applicables aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail motivée par l'existence d'une dette locative du preneur. Elles sont également applicables aux demandes reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation motivée par l'existence d'une dette locative. » ;
II. - L'article L. 442-6-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont applicables aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail motivée par l'existence d'une dette locative du preneur. Elles sont également applicables aux demandes reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation motivée par l'existence d'une dette locative. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une lacune rédactionnelle des articles L. 353-15-1 et L. 442-6-1 du code de la construction et de l'habitation permettant aux bailleurs sociaux de contourner le dispositif de prévention des expulsions du parc social mis en place par le législateur.
Afin d'éviter le détournement de la procédure préventive instaurée pour le secteur de l'habitat social, cet amendement précise que les dispositions des articles que je viens d'évoquer du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail lorsqu'elle est motivée par l'existence d'une dette locative du preneur et qu'elles sont également applicables aux demandes reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation motivée par l'existence d'une dette locative.
C'est le Médiateur de la République qui a souhaité cette disposition, dont la technicité dépasse - je l'avoue - mes compétences personnelles. N'étant pas en mesure de la discuter, j'ai proposé à la commission de déposer un amendement en ce sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement, qui a également été saisi par le Médiateur de la République de ce sujet, estime que cet amendement est très intéressant et il émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé : Après l'article L. 313-26 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 313-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 313-26-1. - Lorsque, dans le cadre d'un dispositif d'accession sociale à la propriété par portage foncier prévu par une convention conclue entre l'État et l'Union d'économie sociale du logement, un bail à construction est signé par une personne morale, désignée par un associé de cette union, et par un ménage accédant pour la première fois à la propriété de sa résidence principale et disposant de ressources inférieures à des plafonds fixés par voie réglementaire, les droits résultant du bail à construction ne peuvent être cédés qu'en totalité et avec l'agrément du bailleur.
Cet agrément est accordé de plein droit si le cessionnaire acquiert pour la première fois sa résidence principale, dispose de ressources inférieures aux plafonds mentionnés au premier alinéa du présent article et destine l'habitation concernée à l'usage exclusif de sa résidence principale.
Dans le cas contraire, l'agrément n'est accordé que si le cessionnaire s'engage à verser un loyer périodique fixé par le contrat de bail à construction ou à lever l'option de la promesse de vente afférente au terrain, dans les conditions prévues par le bail à construction et dans un délai maximal de trois mois à compter de la date de cession.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas en cas de défaillance constatée du preneur à l'égard d'un créancier hypothécaire ayant financé la réalisation des constructions, en cas de vente amiable avec l'accord du créancier ou en cas de saisie à l'initiative de ce dernier. »
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Le 20 décembre 2006, l'État a signé une convention avec l'Union de l'économie sociale du logement et la Caisse des dépôts et consignations afin de développer les opérations d'accession sociale à la propriété.
Cette convention, qui a créé le Pass-Foncier, donne aux comités interprofessionnels du logement ou aux chambres de commerce et d'industrie la possibilité de réaliser des opérations de portage foncier, au moyen d'un bail à construction, pour faciliter la réalisation de programmes de logements en accession sociale à la propriété au bénéfice des primo-accédants. Il convient de souligner que, compte tenu du prix du foncier, de plus en plus d'élus ont recours à cette possibilité.
À l'appui de ce dispositif conventionnel, votre commission saisie pour avis vous présente un amendement garantissant que, dans le cas où le bénéficiaire du Pass-Foncier revendrait son logement, le dispositif continuera à bénéficier à des personnes qui y sont éligibles.
En conséquence, il est proposé que, en cas de cession du logement, le bail à construction ne puisse être transféré au nouvel acheteur que si ce dernier répond aux mêmes critères que l'accédant initial. Cette condition est normale, puisqu'il y a apport d'argent public.
À défaut, si son revenu était supérieur au plafond, l'acheteur devrait soit s'acquitter d'un loyer, soit lever l'option de la promesse de vente afférente au terrain en achetant ce dernier.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Elle souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement ne peut être que favorable à une disposition visant à préciser cette convention, dont le sens même est de privilégier l'accompagnement des primo-accédants au sein du dispositif d'accession sociale à la propriété que nous ne souhaitons pas voir évoluer différemment.
Cet amendement constitue une sécurité supplémentaire pour garantir que le dispositif du Pass-Foncier sera bien orienté vers cette accession sociale à la propriété et je remercie votre rapporteur pour avis de l'avoir déposé.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
L'amendement n° 61, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 633-4 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :
« Le conseil doit être mis en place au plus tard le 31 décembre 2007. »
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. L'article 74 de la loi portant engagement national pour le logement, dite loi ENL, a modifié les dispositions relatives à la protection des occupants de logements-foyers.
Dans le cadre de cette réforme, la mise en place de conseils de concertation dans ces établissements a été rendue obligatoire. Ces conseils, composés de représentants du gestionnaire, du propriétaire et des personnes logées, sont notamment consultés sur l'élaboration et la révision du règlement intérieur et sur tous les projets et organisations susceptibles d'avoir une incidence sur les conditions de logement et de vie des occupants.
La loi ENL a rendu obligatoire la création de ces conseils « dans l'année qui suit la publication de la loi », c'est-à-dire au plus tard le 16 juillet 2007.
Dans la mesure où un décret en Conseil d'État - qui n'a pas encore été pris, madame la ministre - doit fixer les conditions de création de ces conseils, notamment celles qui sont relatives à l'élection des représentants des personnes logées dans ces établissements, les gestionnaires de logements-foyers font valoir que les délais prévus par la loi ENL ne permettront pas d'organiser ces élections dans de bonnes conditions. En effet, nous ne savons pas quand le décret sera publié alors qu'il ne nous reste plus que six mois.
Par conséquent, afin de lever cette difficulté et de permettre à ces dispositions de pouvoir s'appliquer dans les meilleures conditions, votre commission pour avis vous propose de repousser au 31 décembre 2007 la date limite de création des conseils de concertation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
J'ajoute qu'il s'engage à ce que le décret, qui est prêt, soit publié dans les meilleurs délais.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Merci, madame la ministre !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Dans la troisième phrase du quatrième alinéa du m du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, les mots : « ou, si celui-ci », sont remplacés par les mots : «, sauf à l'occasion du renouvellement du bail, ou, si le logement ».
II.- La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement prévoit que le propriétaire d'un logement privé conventionné peut, à l'occasion du renouvellement du bail du locataire occupant, bénéficier de la nouvelle déduction fiscale de 30 % à 45 %.
L'article 39 de la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 a prévu que les baux conclus dans le cadre d'une convention avec l'ANAH ouvrent le bénéfice, pour le propriétaire, d'une déduction de 30 % à 45 % des revenus bruts du logement.
Ce même article précise que, pour bénéficier de cette déduction, le bail ne peut être conclu avec une personne occupant déjà le logement. Cette disposition exclut donc les renouvellements de bail. Il en résulte l'effet pervers suivant : certains propriétaires donnent congé à leur locataire pour pouvoir bénéficier de ces nouvelles déductions.
L'amendement permettrait donc de protéger le locataire en place, en contrôlant l'évolution du loyer, et d'accorder des avantages fiscaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je comprends bien l'intérêt de cet amendement, qui vise à faire bénéficier les bailleurs du dispositif fiscal de déduction forfaitaire majorée, non seulement à l'occasion d'une nouvelle location respectant un plafond de loyer, mais aussi lors du renouvellement du bail au profit du locataire en place.
Pour autant, cet amendement soulève deux difficultés, à savoir le fort risque d'effet d'aubaine qu'il présente et l'impact budgétaire de la mesure, qui n'est pas neutre, en particulier au regard de l'effet d'aubaine.
Telle est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, le Gouvernement émet malheureusement un avis défavorable sur cet amendement.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement me semble réellement de bon sens.
Certes, je peux comprendre qu'un ministre adopte la position que Mme Vautrin vient de défendre, mais le coût induit par cet amendement ne doit pas dissuader le Gouvernement de corriger la loi pour empêcher les situations absurdes résultant du droit actuel, notamment l'expulsion d'une personne, alors même que nous examinons un texte instituant un droit opposable au logement.
Mme la ministre voudra donc bien m'en excuser, mais je maintiens cet amendement.
M. Roland Muzeau. C'est le résultat d'un sondage des propriétaires !
Cet amendement n'est-il pas passible de l'article 40 ?
M. Roland Muzeau. C'est une question !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 59 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 81 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 151 rectifié bis est présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier, Demontès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le quatrième alinéa du m du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La location du logement consentie dans les mêmes conditions à un organisme public ou privé pour le logement ou l'hébergement de personnes physiques à usage d'habitation principale, à l'exclusion du propriétaire du logement, de son conjoint ou des membres de son foyer fiscal, ne fait pas obstacle au bénéfice de la déduction. Un décret précise les modalités d'appréciation des loyers et des ressources de l'occupant ainsi que les conditions de cette location. »
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 32.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Dans la situation actuelle, les logements éligibles au dispositif fiscal dit « Borloo ancien » ne peuvent être loués qu'à des personnes physiques à titre d'habitation principale ; la location à des personnes morales est à ce jour exclue.
Cet amendement autorise des associations ou des bailleurs sociaux à louer des logements pour les mettre à disposition de personnes physiques qui rencontrent des difficultés particulières à se loger ou pour les donner en sous-location dans les conditions de plafonds de loyer et de ressources de l'occupant définies par la convention signée par le propriétaire.
L'occupant du logement, même non titulaire d'un bail, devra l'occuper à titre d'habitation principale et respecter les conditions de ressources prévues dans l'engagement du propriétaire.
Ce système vise à favoriser une meilleure mobilisation du parc privé existant, la location par une personne morale représentant une garantie supplémentaire pour le propriétaire. Il permet, de plus, d'offrir des loyers accessibles aux familles modestes, développant ainsi une offre de logements privés à vocation sociale.
M. le président. Le sous-amendement n° 285, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Au début de la première phrase du second alinéa du I de l'amendement n° 32, ajouter les mots :
Lorsqu'elle fait l'objet d'une convention mentionnée à l'article L. 321-8 du code de la construction et de l'habitation,
II. - Dans la même phrase, remplacer mots :
de son conjoint ou des membres de son foyer fiscal
par les mots :
des membres de son foyer fiscal ou de ses descendants ou ascendants
III. - Compléter la même phrase par les mots :
, à la condition que cet organisme ne fournisse aucune prestation hôtelière ou para-hôtelière
IV. - Après le I de l'amendement n° 32, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
I bis. - Dans le dernier alinéa du même m, après les mots : « aux f à l » sont insérés les mots : «, à l'article 199 decies I ».
I ter. - Les dispositions prévues aux I et I bis s'appliquent aux baux conclus à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Ce sous-amendement a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles l'application du dispositif « Borloo ancien » serait étendue aux locations intermédiées dans le secteur locatif social ou très social, bénéficiant de la déduction spécifique au taux de 45 %.
Seraient exclues les sous-locations consenties au profit du propriétaire, de membres de son foyer fiscal ou de ses descendants et ascendants.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 59.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Cet amendement, identique à l'amendement n° 32, a été excellemment défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 81.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement a également été défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 151 rectifié bis.
Mme Bariza Khiari. Comme notre collègue Thierry Repentin a déjà eu l'occasion de le développer dans cet hémicycle, notre conception du logement social repose sur la définition qui en a été donnée au lendemain de la guerre, à savoir le logement pour tous et non pas seulement le logement des plus défavorisés.
De la même manière, notre conception du parc privé veut que celui-ci puisse accueillir des ménages aux revenus variés, notamment des personnes disposant de très faibles ressources, avec éventuellement les conditions d'accompagnement s'avérant nécessaires.
C'est précisément selon ces principes que des associations louent des logements dans le parc privé afin de les sous-louer à des personnes défavorisées ou de les y héberger.
Les propriétaires privés qui louent des logements dans ces conditions bénéficient de la sécurisation et des garanties offertes par les associations. Toutefois, ils ne peuvent bénéficier du dispositif fiscal dit « Borloo ancien », qui, contrairement au « Besson ancien », ne prévoit que la location directe à une personne physique.
Il s'agit, selon toute vraisemblance, d'un oubli, que je vous propose de corriger. Mais il me semble que cela va être fait...
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 285 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements identiques ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est, ô combien, favorable à ces amendements.
Nous le savons tous, les associations qui aident des personnes ayant encore besoin d'un accompagnement social rencontrent souvent, aujourd'hui, des difficultés pour leur trouver un logement.
Ces amendements nous permettront de sécuriser les bailleurs, donc d'élargir l'offre de logements et de répondre enfin à la grande question de l'accès au logement des personnes les plus défavorisées.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement, je le répète, est favorable aux amendements, sous réserve, bien sûr, de l'adoption du sous-amendement qu'il a présenté, et qu'il lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc des amendements identiques nos 32 rectifié, 59 rectifié, 81 rectifié et 151 rectifié ter.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 285.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié, 59 rectifié, 81 rectifié et 151 rectifié ter, modifiés.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 31 rectifié est présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 58 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 80 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 144 rectifié est présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 236 rectifié bis est présenté par Mmes Létard et Férat et M. J.-L. Dupont.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 1388 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est également applicable aux impositions établies au titre des années 2008 et 2009 lorsque qu'une convention a été conclue ou renouvelée en 2007. » ;
2° Dans le second alinéa du II bis, l'année : « 2009 » est remplacé par l'année : « 2013 ».
II. - La perte de recettes éventuelle pour les collectivités territoriales résultant de la prolongation prévue au I de l'abattement de 30 % de la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties des logements locatifs sociaux situés en zone urbaine sensible est compensée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
III. - La perte de recettes pour l'État résultant du II est compensée par la majoration à due concurrence des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 31 rectifié.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai au rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques le soin de le défendre.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Je m'exprimerai donc au nom des trois commissions, puisque chacune est signataire de l'un de ces amendements identiques ; c'est même la troisième fois que la commission des affaires économiques le défend !
Il me paraissait tout à fait indispensable de saisir l'occasion que nous fournit ce projet de loi de prolonger l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, dont bénéficient les logements locatifs sociaux situés en zone urbaine sensible.
En effet, l'avantage fiscal en question représente actuellement une part déterminante de l'équilibre financier des opérations locatives sociales réalisées dans les quartiers en difficulté. Il ne serait pas sain que les organismes d'HLM, qui, tout le monde en convient, y gèrent des patrimoines particulièrement difficiles, soient contraints de conclure des conventions globales de patrimoine dans la précipitation, simplement pour pouvoir continuer de bénéficier de cet avantage. Nous souhaitons qu'ils puissent le faire dans la sérénité, car c'est un travail de longue haleine.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 80.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 144 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous vivons en ce moment la période des soldes, mais aussi celle des conversions !
Cet amendement n° 144 rectifié a déjà été présenté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, et M. le rapporteur général du budget avait alors déclaré qu'il ne pouvait pas être retenu.
De même que la notion de droit opposable au logement a beaucoup progressé en quelques jours, et nous nous en réjouissons, il semble que cet amendement, puisqu'il a été déposé par les trois commissions saisies au fond et pour avis, ait connu un regain d'intérêt.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. C'est la troisième fois que la commission des affaires économiques le présente !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la troisième fois que vous le défendez, monsieur Braye, et je rends hommage à votre ténacité, que nous connaissons par ailleurs !
M. le président. Nous connaissons aussi la vôtre, monsieur Sueur ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il est vrai, monsieur le président, que nous ne l'exerçons pas toujours dans le même sens !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Bien heureusement pour moi !
M. Jean-Pierre Sueur. L'article 1388 bis du code général des impôts prévoit l'application, jusqu'en 2006, de cet abattement de 30 % sur la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties des logements à usage locatif situés en zone urbaine sensible et appartenant aux organismes d'HLM ou à des sociétés d'économie mixte ayant passé convention avec l'État.
L'article 92 de la loi de programmation pour la cohésion sociale a modifié cet article 1388 bis : le dispositif institué en 2001 a été prorogé jusqu'en 2007 et l'abattement de 30 % étendu aux logements faisant l'objet d'une convention globale de patrimoine, définie à l'article L. 445-1 du code de la construction et de l'habitation, passée entre le propriétaire et l'État. Cette mesure s'applique aux impositions établies au titre des années 2006 à 2009 et à compter de 1er janvier de l'année suivant celle de la signature de la convention.
Comme cela a déjà été indiqué, l'objet de l'amendement n° 144 rectifié est de rendre le dispositif applicable aux logements situés en ZUS pendant toute la durée du programme national de rénovation urbaine, lequel, vous le savez, mes chers collègues, a été prolongé jusqu'en 2013 par l'article 63 de la loi portant engagement national pour le logement.
L'amendement prévoit donc la prorogation jusqu'en 2009 du dispositif institué en 2001 pour les logements situés en ZUS, afin de laisser deux années supplémentaires pour la négociation des conventions globales de patrimoine. Un tel délai paraît indispensable, dans la mesure où il sera très difficile de conclure des conventions globales de patrimoine avant la fin de 2007. En effet, d'après les informations que vous nous avez données, madame la ministre, le décret d'application ne devrait être publié qu'au cours du premier trimestre de 2007. Si nous voulons que le dispositif soit applicable, il faut ajouter ces deux années.
Nous proposons également, et j'en termine, la prorogation du dispositif d'abattement de TFPB pour les logements faisant l'objet d'une convention globale de patrimoine pour toute la durée du programme national de rénovation urbaine. Nous aurons ainsi un dispositif d'une grande cohérence.
Vous le savez, mes chers collègues, cet amendement est très attendu par l'ensemble du mouvement du logement social. C'est pourquoi j'espère vivement qu'il sera adopté.
M. Thierry Repentin. Belle argumentation !
M. le président. L'amendement n° 236 rectifié bis n'est pas soutenu.
M. François Zocchetto. Il a tout de même été bien défendu ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Devant une telle unanimité de l'assemblée, et connaissant surtout l'attente de l'ensemble des acteurs sur le sujet, le Gouvernement ne peut qu'être favorable à la prorogation de l'exonération de taxe foncière en zone urbaine sensible. Il accepte donc les amendements et lève le gage.
Vous me permettrez, monsieur le président, de donner une brève information : le décret portant sur les conventions globales de patrimoine est actuellement devant le Conseil d'État, et sa publication devrait être maintenant l'affaire de quelques jours, au pire de quelques semaines.
M. le président. Il s'agit donc des amendements identiques nos 31 rectifié bis, 58 rectifié, 80 rectifié et 144 rectifié bis.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. J'aimerais obtenir quelques précisions, en relation avec l'article 40 de la Constitution.
La disposition proposée semble effectivement gagée, dans la mesure où la diminution de recettes que subiront certaines collectivités locales doit être compensée par une augmentation de la DGF. Or, dans l'esprit de l'article 40, une diminution de recettes ne peut être compensée par des recettes provenant d'une autre entité morale.
Un problème théorique se pose donc, puisque l'on semble gager une diminution de recettes pour certaines collectivités par la diminution de recettes d'autres collectivités. En conséquence, j'aimerais savoir si c'est l'enveloppe globale de la DGF qui servira à la compensation, auquel cas l'ensemble des collectivités en pâtira.
L'État s'engage-t-il, oui ou non, à abonder la DGF globale à due concurrence de cette diminution ? Si ce n'est pas le cas, je crains que l'article 40 de la Constitution ne s'applique !
M. le président. Madame la ministre, vous avez pour votre part la liberté de lever le gage. J'aimerais, cependant, que vous répondiez à M. Dallier.
Vous avez la parole.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je lui répondrai d'autant plus volontiers qu'il ne s'agit pas d'un dispositif nouveau, monsieur le sénateur : nous prorogeons un dispositif existant, afin qu'il continue d'être mis en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je laisserai le soin à M. Dallier de revenir sur ce sujet, mais la question qu'il a posée me semble revêtir une grande pertinence et mérite, en effet, une réponse un peu plus précise. La DGF sera-t-elle réellement abondée ? Je ne suis pas persuadé qu'il en était ainsi dans le cadre de l'ancien dispositif.
J'appelle l'attention du Gouvernement sur deux points.
Premièrement, je voudrais être sûr que l'extension de ce dispositif, qui ne profite qu'aux zones urbaines sensibles, ne s'appliquera qu'aux constructions existantes ; les conventions globales de patrimoine y veilleront peut-être. Il ne faudrait pas, en effet, que cette incitation fiscale constitue un appel d'air permettant la construction de nouveaux logements sociaux dans des zones qui en sont déjà suffisamment dotées.
Deuxièmement, je préside un office d'HLM. Nous intervenons dans la rénovation des parties communes des bâtiments ; or je constate, madame le ministre, que l'on gaspille de l'argent public, parce que ce que nous avons fait une année est à refaire quelques mois après. En effet, l'accompagnement social des familles qui logent dans ces immeubles est insuffisant, la sécurité n'est pas assurée aux alentours et les bâtiments sont en permanence détériorés.
Pour ma part, je veux bien que l'on dépense de l'argent public, mais encore faudrait-il s'assurer que ce soit à bon escient et qu'il ne soit pas gaspillé. Il ne faut pas négliger le problème de l'accompagnement social.
J'aimerais donc que l'on tire des enseignements des dépenses qui ont été engagées depuis déjà deux années au travers de cette compensation financière au profit des collectivités et je souhaite en connaître les résultats.
M. le président. Madame la ministre, pour éclairer le Sénat, je précise que M. Dallier, en tant que membre de la commission des finances, a la faculté de dire si, oui ou non, l'article 40 de la Constitution est applicable. Ensuite, il peut donner son interprétation sur tel ou tel problème, mais si vous décidez de lever le gage, le gage est levé, et l'article 40 ne peut plus s'appliquer.
Je vous donne la parole, madame la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je voudrais revenir sur deux points.
Tout d'abord, ce qui est proposé, c'est la prolongation de dispositifs qui existent déjà et qui concernent les zones urbaines sensibles.
Quant à l'accompagnement social, qui vient d'être évoqué, c'est tout le sens des programmes de rénovation urbaine : comment donner les moyens de l'accomplir dans les quartiers difficiles ? Monsieur le sénateur, il ne vous a pas échappé que, après le vote de la loi du 1er août 2003, nous avons mis en place le plan de cohésion sociale, qui a précisément pour objectif de réaliser cet accompagnement social permettant non seulement de travailler sur l'urbain, mais également sur l'humain.
Enfin, pour ce qui est des moyens d'évaluation, vous avez également créé, dans la loi du 1er août 2003, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Il doit rendre chaque année au Parlement un rapport qui vous permettra de mesurer les évolutions dans les quartiers.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, sur le fond, je partage votre avis.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'article 40 de la Constitution, je tiens à préciser que le gage qui est proposé doit compenser la diminution de ressources.
M. Philippe Dallier. Si, le gage n'a pas à chiffrer, mais il doit compenser !
Or, si la DGF n'est pas abondée, certaines collectivités locales qui ne sont qu'à la part forfaitaire, par exemple, -permettez-moi de vous dire que c'est le cas de la mienne - verront une diminution à due proportion de leur DGF. Ce n'est pas compensé, ce n'est pas levé et ce n'est pas gagé !
Mme Michelle Demessine. Il n'y a pas que Les-Pavillons-sous-Bois en France !
M. le président. Monsieur Dallier, vous n'avez pas à vous substituer au Gouvernement ; croyez-en mon expérience de commissaire des finances !
Lorsque l'on est sollicité sur l'application de l'article 40, on doit donner son avis, mais à partir du moment où le Gouvernement a dit qu'il levait le gage, ce que vous ressentez ne regarde pas l'assemblée !
Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 rectifié bis, 58 rectifié, 80 rectifié et 144 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a des abstentions à droite !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Dans la discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 6, nous en sommes parvenus à l'amendement no 60.
Cet amendement, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
1°Les deux dernières phrases du premier alinéa sont ainsi rédigées :
« À défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation peut être saisie et rendre un avis dans les conditions fixées à l'article 20. La saisine de la commission ou la remise de son avis ne constitue pas un préalable à la saisine du juge par l'une ou l'autre des parties. »
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié:
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« Le juge, saisi par l'une ou l'autre des parties, détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. »
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le juge peut transmettre au représentant de l'État dans le département l'ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 6. »
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent amendement vise à clarifier les rapports locatifs entre propriétaires et locataires.
Certains logements locatifs privés ne répondent pas aux caractéristiques de la décence. La loi portant engagement national pour le logement a rendu les commissions départementales de conciliation compétentes pour ce type de litiges afin de faciliter la médiation et d'éviter, dans la mesure du possible, que l'action judiciaire ne soit le seul recours en cas d'absence de réponse du propriétaire.
Le présent amendement a pour objet de lever une ambiguïté résultant de cette disposition. Il s'agit d'éviter toute incertitude portant sur le caractère obligatoire ou non d'une saisine préalable de la commission départementale de conciliation avant toute action judiciaire, en la rendant clairement facultative.
Si la commission de conciliation est saisie, la délivrance de son avis, à la suite de la constatation d'un désaccord entre le locataire et le propriétaire, ne sera pas un préalable à la saisine du juge, et ce de façon à éviter des manoeuvres dilatoires.
Enfin, cet amendement tend à autoriser le juge à transférer au préfet son jugement constatant que le logement ne répond pas aux caractéristiques du logement décent. Le préfet aura ainsi la possibilité d'assurer un suivi opérationnel des situations de logement non décent constatées par la justice.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement, sensible à la volonté de M. le rapporteur pour avis de clarifier la rédaction du projet de loi, s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission s'en remet également à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
L'amendement n° 152, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 22-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi rédigé :
« Art. 22-2. - En préalable à l'établissement du contrat de location, le bailleur, ou son mandataire, ne peut demander au candidat à la location la production d'un document autre que ceux définis par décret en Conseil d'État.
« Le bailleur, ou son mandataire, ne peut exiger du candidat à la location le versement d'une somme sur un compte ouvert au nom du candidat à la location, du bailleur, du mandataire de ce dernier, ou de toute autre personne.
« La violation, par le bailleur, ou son mandataire, des dispositions du présent article constitue une contravention de cinquième classe. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Aux termes de l'article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur peut exiger du candidat à la location les documents suivants : photographie d'identité, carte d'assuré social, copie de relevés de compte bancaire ou postal, attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal.
Or, en pratique, non seulement les dispositions de cet article sont régulièrement bafouées, mais les bailleurs n'hésitent pas à solliciter une multitude de documents des candidats à la location. En outre, ces demandes sont parfois de nature à violer la vie privée de ces derniers : copies de la carte d'identité, du permis de conduire, du passeport, du livret de famille, de la carte grise, attestation d'emploi pour une personne titulaire d'un CDI, dernier bulletin de salaire, avis d'imposition, acte de titularisation pour les fonctionnaires, informations sur les charges d'emprunt, et la liste n'est pas exhaustive.
Pis encore, certains bailleurs n'hésitent pas à réclamer des documents dont la production est pourtant interdite par la loi. Mais cette dernière ne prévoyant aucune sanction en cas de demande prohibée d'un document, les bailleurs bénéficient, sur ce point, d'une impunité de fait.
Par ailleurs, il n'est pas rare que le futur locataire se voie contraint de verser sur un compte bloqué une certaine somme d'argent correspondant à six mois, voire à un an, de loyers en réservation du logement ou garantie du loyer.
Si le propriétaire doit être à même de choisir librement la personne avec laquelle il souhaite signer un contrat, il convient néanmoins de mettre fin à ces abus.
Nous vous proposons donc que l'article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 soit modifié afin qu'il comprenne non plus une liste de documents dont il est interdit d'exiger la production, mais, au contraire, la liste des seuls documents que le bailleur peut demander.
Nous vous proposons également que ce même article interdise explicitement tout versement de sommes d'argent en dehors de celles qui sont prévues par la loi.
Enfin, il nous paraît indispensable qu'une sanction spécifique soit prévue lorsqu'un bailleur exige un document dont la production est interdite par la loi.
Madame la ministre, un amendement identique avait, je le rappelle, été déposé lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement, avant d'être retiré à la suite de l'engagement de M. Borloo à avancer sur cette question.
Depuis, la garantie des risques locatifs a effectivement vu le jour, mais elle reste fondée sur le volontariat des bailleurs et repose sur une logique de prévention du risque d'impayé et non pas sur la protection des locataires contre les demandes discriminantes susceptibles de violer leur vie privée.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission souhaite entendre le Gouvernement sur ce point.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Fidèle à l'engagement qu'il avait pris devant vous, Jean-Louis Borloo a saisi, le 11 septembre 2006, la présidente de la Commission nationale de concertation de cette question.
Dans sa réponse en date du 21 décembre, la présidente de la Commission nationale de concertation indique que l'examen qui a été fait par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, et les débats qui ont eu lieu ont permis de rapprocher les points de vue des collèges, jusqu'à présent opposés sur ce sujet.
Le collège des locataires, favorable dans un premier temps à l'établissement d'une liste limitative telle que l'avait élaborée la HALDE, a finalement rejoint l'opinion du conseil des bailleurs, qui estimait que ce n'était pas souhaitable, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, il y a des différences importantes entre les exigences du secteur social et celles qui sont les plus communément pratiquées par les bailleurs privés ou par leurs représentants. Les documents demandés semblent donner un certain pouvoir d'inquisition sur la vie privée des candidats, mais ils peuvent aussi permettre à une personne qui ne réunirait pas les conditions requises d'avoir malgré tout accès à un logement.
Ensuite, les débats ont mis en évidence le fait qu'une liste limitative deviendrait rapidement une liste standard correspondant à un minimum obligatoire qu'il convient de demander systématiquement à chaque candidat locataire.
Aussi, avoir pris connaissance des conclusions de la Commission nationale de concertation et des pièces qui lui ont été communiquées, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission partage l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 153, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du second alinéa de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi rédigée :
« Elles ne s'appliquent pas non plus, à l'exception de l'article 3-1, des deux premiers alinéas de l'article 6, de l'article 20-1 et de l'article 22-2, aux locaux meublés, aux logements attribués ou loués en raison de l'exercice d'une fonction ou de l'occupation d'un emploi, aux locations consenties aux travailleurs saisonniers. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement, comme le précédent, porte sur l'article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989, mais il vise son champ d'application et non pas son contenu.
Je vous propose d'étendre à tous les locataires la protection ébauchée dans l'article 22-2, en dépit de ses imperfections, que nous venons d'ailleurs d'évoquer.
Nous ne pouvons en effet accepter qu'il devienne quasiment plus difficile, pour certaines catégories de populations, d'accéder à un meublé ou à un logement saisonnier que de contracter un prêt bancaire.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 154 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « et les distributeurs d'eau » et les mots : « ou de la distribution d'eau » sont supprimés.
II. - Ce même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions s'appliquent aux distributeurs d'eau pour la distribution d'eau tout au long de l'année. »
La parole est Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement a été rectifié à la suite de la réunion de la commission des affaires sociales.
La loi portant engagement national pour le logement a, je le rappelle, posé le principe de la non-interruption de la fourniture d'eau, d'électricité, de chaleur et de gaz pendant la période hivernale, soit du 1er décembre au 15 mars. Or, l'accès à l'eau est un besoin fondamental en toutes saisons. Il est même primordial en été, son absence pouvant avoir des conséquences sanitaires dramatiques pour les enfants en bas âge.
Le présent amendement vise donc à interdire durant toute l'année les interruptions de distribution d'eau pour non-paiement des factures. Ces dispositions, je le rappelle, ne s'appliqueront qu'aux publics en grandes difficultés.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier. La commission, compte tenu de la rectification qui a été opérée, émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Cette question avait fait l'objet d'un long débat lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Il avait alors été convenu que l'interdiction des coupures d'eau, que nous proposent à nouveau les auteurs de l'amendement no 154 rectifié, n'était pas la bonne solution, car elle risquait de créer un effet d'appel. Or, ce n'est pas aux distributeurs d'eau de supporter les conséquences d'une telle disposition.
Les personnes qui sont de bonne foi et qui ne peuvent pas payer leur facture d'eau peuvent d'ores et déjà bénéficier de certains dispositifs ; je pense notamment, à cet égard, aux centres communaux d'action sociale. Je n'insisterai pas sur ce point, car vous connaissez aussi bien que moi les aides auxquelles peuvent prétendre les personnes démunies ne pouvant pas s'acquitter de leur facture d'eau.
En tout état de cause, je le répète, les distributeurs d'eau n'ont pas à supporter les conséquences d'une telle disposition. Cette dernière créerait des appels d'air considérables pour toutes les personnes qui affirment être de bonne foi mais qui ne le sont pas.
Au Royaume-Uni, une disposition comparable a entraîné une multiplication par cinq, si ma mémoire est bonne, du nombre des factures d'eau impayées.
Je vous mets donc en garde, mes chers collègues. S'il convient en effet de prévoir des dispositifs afin que les personnes démunies et de bonne foi ne fassent pas l'objet de coupures d'eau et que leurs factures soient réglées, il ne faut pas pour autant entrer dans un système qui provoquerait des détournements que nous connaissons tous.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Sur le fond, le Gouvernement est convaincu de la nécessité de trouver des solutions à ce problème. Or la saisine du FSL, le Fonds de solidarité pour le logement, suspend toute coupure d'eau jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'aide à apporter aux ménages en difficulté, et ce quelle que soit la période de l'année.
À mes yeux, cet amendement est donc sans objet. Par conséquent, j'invite ses auteurs à le retirer, puisque le FSL répond déjà aux préoccupations qui le sous-tendent.
Mme la présidente. Madame Khiari, l'amendement n° 154 rectifié est-il maintenu ?
Mme Bariza Khiari. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 154 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
L'amendement n° 82, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin de l'article L. 442-4 du code de l'urbanisme, les mots : « ou avant l'expiration du délai de réponse à la déclaration préalable » sont supprimés.
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de réparer une erreur matérielle figurant dans la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, concernant les règles applicables aux lotissements et aux divisions de terrains.
Initialement, aucune promesse de vente ou de location ne pouvait être consentie avant l'arrêté d'autorisation de lotir.
L'ordonnance du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme, ratifiée par la loi du 13 juillet 2006, prévoit qu'aucune promesse de vente ou de location d'un terrain compris dans un lotissement ne peut être consentie avant la délivrance du permis d'aménager ou - et c'est ce dernier point qui pose problème - avant l'expiration du délai de réponse à la déclaration préalable.
La mention de cette dernière condition a aggravé la situation antérieure, puisqu'elle a pour effet de prohiber non seulement la promesse de vente de lots soumis à autorisation, mais également toute promesse relative à un lot provenant d'une première division.
Cet amendement vise donc à réparer une erreur matérielle, en supprimant cette disposition à l'article L. 442-4 du code de l'urbanisme, afin d'éviter que les divisions de terrain ne puissent pas bénéficier d'une promesse de vente sous condition suspensive avant la date limite du délai de réponse.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Compte tenu de la très grande technicité de cette proposition, la commission souhaite recueillir l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
L'amendement n° 84 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, M. Cambon, Mmes Brisepierre et B. Dupont, MM. Pointereau et Cornu, Mmes Bout, Troendle, Rozier, Sittler et Malovry, MM. Demuynck, de Broissia et Leroy, Mmes Henneron, Mélot, Desmarescaux et Lamure, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas d'occupation d'un logement habité par des personnes physiques de manière illicite et par voie de fait, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Au cours de la discussion générale, j'avais évoqué cet amendement, dont l'objet est de protéger les locataires et les propriétaires occupants de leur habitation contre les squatteurs qui s'installent chez eux à l'occasion d'un départ en vacances, d'un séjour à l'hôpital ou d'un déplacement professionnel.
Comme vous l'avez peut-être lu dans la presse, des associations se sont inquiétées des dispositions prévues dans cet amendement, dont la rédaction a été rectifiée, afin de rendre son objet plus clair, en introduisant notamment la notion de « logement habité ». Pour répondre à la demande de la commission des affaires sociales, ces termes ont ensuite été remplacés par ceux de « logement habité par des personnes physiques ». Sont donc exclus de cette proposition les squats des logements et des bureaux vides.
Je tiens à le préciser, les dix-sept signataires de cet amendement n'approuvent pas pour autant une politique qui viserait à squatter tous les immeubles ! Il s'agit non pas de réformer tout le système, mais de protéger les personnes qui ne peuvent plus rentrer chez elles parce qu'elles sont confrontées à la procédure actuelle, qui impose un délai de quarante-huit heures pour constater l'effraction.
Telles sont donc les raisons pour lesquelles j'ai rectifié cet amendement dans le sens souhaité par les associations. Je n'ai cependant pas adopté la rédaction précise que ces dernières demandaient et qui a d'ailleurs été reprise dans les sous-amendements. J'estime en effet ne pas être en mesure de choisir les termes les mieux appropriés. Je laisse donc le soin aux juristes de retenir ensuite la rédaction adéquate, si cet amendement n° 84 rectifié ter était adopté.
Quoi qu'il en soit, je salue l'attitude adoptée par certaines associations, qui m'ont écrit pour me faire part de leurs inquiétudes, alors que d'autres se sont insurgées contre cet amendement sans chercher à savoir quel était son objet.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 286, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. Au premier alinéa de l'amendement n° 84 rectifié ter, remplacer les mots :
En cas d'occupation d'un logement habité par des personnes physiques de manière illicite et par voie de fait
par les mots :
En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet
II. Dans le même alinéa, après les mots :
quitter les lieux
insérer les mots suivants :
après avoir déposé plainte et avoir fait constater l'occupation illicite par un huissier de justice.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement vise à apporter certaines précisions.
Nous sommes très heureux de constater que Mme Procaccia a rectifié son amendement. En effet, la version initiale de ce texte avait suscité un émoi bien légitime au sein des associations de personnes mal logées. Si les signataires prétendaient lutter contre les squats de « logements habités », et non de locaux laissés vacants par négligence ou dans le but de spéculer, l'amendement qu'ils avaient déposé n'opérait pas cette subtile distinction et concernait indistinctement les squats de logements vacants et de logements occupés.
Après rectification, l'amendement initial ne vise plus désormais, fort heureusement, que les « logements habités », ce qui constitue un progrès. Mais ces termes restent encore trop flous. Il semble préférable d'utiliser ceux de « domicile d'autrui » et d'apporter la précision suivante : « en cas d'introduction et de maintien dans le domicile à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet ».
En effet, le mot « domicile » est encadré juridiquement par l'article 102 du code civil, lequel précise que « le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement ». À l'inverse, l'expression « logement habité » est trop imprécise, puisqu'elle pourrait englober n'importe quel local plus ou moins meublé, parfois habité quelques jours par an.
Par ailleurs, il serait sans doute judicieux d'exiger, avant toute expulsion, qu'une plainte et un constat par un huissier de justice aient été effectués. En effet, la procédure en question, pour laquelle l'avis du juge n'est pas demandé, constitue une entorse aux droits de la défense. Il serait donc nécessaire de faire appel à un tiers, afin d'éviter tout abus.
Cependant, face à ce sujet délicat, peut-être serait-il plus prudent de ne pas trancher aujourd'hui, au moment où nous discutons d'un projet de loi instituant le droit opposable au logement, afin de garantir la lisibilité de ce texte, qui est déjà suffisamment compliqué ! N'oublions pas en effet que, dans l'écrasante majorité des cas, les squatteurs squattent non pas par plaisir, mais par nécessité. Il s'agit pour eux d'éviter de dormir dehors, dans le froid, l'insécurité et la précarité, ou dans des locaux complètement insalubres et dangereux. Pénaliser encore davantage des personnes qui sont avant tout des victimes ne serait donc pas du meilleur effet dans ce projet de loi, qui est censé répondre aux problèmes des personnes mal logées ou sans logis.
Ce sous-amendement tend donc à distinguer les logements habités des logements simplement occupés quelques jours par an.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 289, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa de l'amendement n° 84 rectifié ter, remplacer les mots :
En cas d'occupation d'un logement habité par des personnes physiques de manière illicite et par voie de fait,
Par les mots :
En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte,
II. Compléter ce même alinéa par les mots :
, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. L'amendement n° 84 rectifié ter tend à créer une procédure d'expulsion d'exception, diligentée directement par le préfet, sans jugement, à l'encontre des squatteurs.
Ses auteurs justifient leur proposition en faisant référence à des situations très particulières de locataires ou de propriétaires occupants qui trouveraient leur logement squatté, par exemple à leur retour de vacances. Ces situations existent, mais elles sont fort heureusement marginales. En tout état de cause, elles sont déjà sanctionnées, depuis 1992, par l'article L. 226-4 du code pénal, aux termes duquel « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Les parlementaires du groupe socialiste, apparentés et rattachés, s'interrogent donc sur l'opportunité de légiférer à nouveau sur un cas marginal déjà prévu par la loi.
Si la motivation réelle des auteurs de cet amendement est de viser les squatteurs de logements et locaux vacants, il s'agit d'une mauvaise réponse à une question mal posée.
En effet, dans leur rédaction improvisée, les dispositions prévues dans l'amendement n° 84 rectifié ter seront susceptibles de concerner également tous les occupants ne pouvant justifier d'un titre de location ou de sous-location en bonne et due forme, notamment les occupants à titre gratuit, certains occupants de logements de fonction, les locataires non déclarés et payant en espèce, et toutes les victimes de la crise du logement dont les marchands de sommeil abusent.
Les dernières rectifications apportées ne nous rassurent pas totalement sur ces points. Si Mme Procaccia et ses collègues souhaitaient absolument maintenir l'amendement n° 84 rectifié ter, il conviendrait d'en améliorer substantiellement la rédaction, afin d'éviter tout risque de dérive.
La rédaction du sous-amendement n° 289 remplace la notion de « logement habité par des personnes physiques », non usitée en droit, par celle de « domicile d'autrui », qui renvoie à l'article L. 226-4 du code pénal et dont les contours sont tracés par la jurisprudence.
De même, il est proposé de mieux encadrer la procédure exceptionnelle prévue par l'amendement n°84 rectifié ter, afin de s'assurer qu'elle garantit les droits de la défense, notamment en vérifiant que les preuves matérielles du domicile du requérant sont bien établies.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission, à l'occasion de l'examen de cet amendement, a été étonnée d'apprendre qu'il s'agissait de situations bien plus nombreuses qu'elle ne l'imaginait. Il est d'ailleurs normal que les médias n'en fassent pas trop état, puisqu'il s'agirait alors d'une incitation à la multiplication de telles exactions.
Quoi qu'il en soit, la commission a considéré que l'amendement n° 84 rectifié ter avait toute sa place dans le cadre de l'examen de ce projet de loi. Le droit opposable au logement comporte en effet aussi bien le droit à l'accès au logement que le droit au maintien dans le logement, pour ceux qui l'occupent à titre normal, quelle que soit leur condition. De ce point de vue, c'est vraiment la défense du citoyen qui est en cause.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales émet, à ce stade de l'examen de ce texte, un avis favorable sur l'amendement n° 84 rectifié ter et un avis défavorable sur les sous-amendements nos 286 et 289, afin de permettre à l'Assemblée nationale ou à la commission mixte paritaire d'apporter certaines précisions juridiques, qui semblent par ailleurs souhaitables.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Au moment où nous débattons du droit opposable au logement, nous pouvons tous convenir que les propriétaires et les locataires doivent être en situation de profiter de leur logement, pour lequel ils ont bien souvent consenti d'énormes sacrifices.
Au demeurant, si je comprends les préoccupations exprimées par nos collègues du groupe socialiste, la rédaction proposée par les sous-amendements ne semble pas appropriée.
L'expression « en cas d'introduction et de maintien », en particulier, me gêne, car elle est floue et introduit l'idée d'une durée. Il ne faudrait pas que les propriétaires soient obligés d'attendre trois ou quatre semaines à l'hôtel avant de récupérer leur logement !
Par ailleurs, s'il me paraît normal de prévoir qu'une plainte est déposée et que l'on fait constater l'occupation illicite, en revanche, il me paraît excessif de demander le constat d'un huissier de justice. N'instaurons pas, pour nos concitoyens, ce que nous ne voulons pas envisager pour les maires, concernant l'occupation illicite de terrains par les gens du voyage !
À chaque fois, les maires se plaignent d'être obligés de dépenser des sommes importantes pour faire simplement valoir leur droit. Or ce n'est pas à celui qui est dans son droit et qui est victime d'un fait de dépenser de l'argent pour prouver son bon droit !
Nous devons donc essayer de mettre au point un système qui permette à ces personnes de retrouver la jouissance de leur logement sans que, pour autant, elles soient obligées de débourser des sommes importantes.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je comprends bien l'intention des auteurs de ces propositions.
Les sous-amendements nos 286 et 289 visant à préciser et à clarifier les différentes définitions, le Gouvernement y est favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 84 rectifié ter, c'est-à-dire le fond de la procédure en tant que telle, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Dans ces conditions, j'aligne ma position sur celle du Gouvernement puisque, si j'ai bien compris, la mise au point juridique et précise sera faite sur la base de l'ensemble que constituent l'amendement et les sous-amendements, dont la rédaction sera affinée lors de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À mon avis, mieux vaut retenir le sous-amendement n° 289, dont la rédaction est meilleure. En effet, le sous-amendement n° 286 comporte les termes : « hors les cas où la loi le permet ». À l'évidence, quand la loi permet quelque chose, il n'y a pas lieu de le préciser !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je me rallie tout à fait à l'avis de M. le président de la commission des affaires sociales.
Mme la présidente. Madame Boumediene-Thiery, le sous-amendement n° 286 est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 286 est retiré.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 289.
Mme Catherine Procaccia. Je suis très satisfaite de constater que mes collègues de l'opposition, à l'instar des associations, ont bien compris l'esprit de l'amendement n° 84 rectifié ter, qui est de protéger les gens voulant rentrer chez eux.
S'agissant des précisions demandées par les associations, reprises notamment par le sous-amendement n° 289 auquel Mme la ministre s'est déclarée favorable, je m'interroge. S'agissant notamment de la notion de « domicile d'autrui », peut-on parler ou non de « domicile » pour un logement parisien occupé cinq jours par mois par un sénateur représentant les Français de l'étranger ? Ce sont des précisions qui dépassent mes compétences juridiques et sur lesquelles je ne veux pas m'engager. La commission mixte paritaire permettra certainement d'approfondir cette question.
En tout cas, je remercie tous ceux qui ont cosigné cet amendement et qui ont cherché à l'améliorer.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 289.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 84 rectifié ter, modifié.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
L'amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy et Desessard, Mmes Printz, Le Texier, San Vicente-Baudrin, Demontès, Khiari et Herviaux, MM. Madec, Caffet, Sueur, Guérini, Ries, Bockel, Collombat, Dauge, Lagauche, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa du I de l'article 3 de la loi n° 82-684 du 4 août 1982 relative à la participation des employeurs au financement des transports publics urbains et des chèques-transports est ainsi rédigé :
« Le chèque-transport est une contribution de l'employeur aux dépenses liées au déplacement des salariés entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Il peut prendre la forme d'une mention sur le bulletin de paie ou d'un titre spécial de paiement nominatif que tout employeur peut préfinancer au profit des salariés de l'entreprise.
II. - Après le deuxième alinéa de ce même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les salariés peuvent bénéficier du remboursement de leur abonnement de transport public, dans des conditions fixées par décret, d'une somme équivalente à la part contributive de l'employeur dans le chèque-transport augmentée le cas échéant, de la part du comité d'entreprise. Ce remboursement est mentionné sur le bulletin de paie.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Comme les autres dispositions de cette deuxième partie du projet de loi, notre amendement revient sur une mesure déjà adoptée, mais dans la précipitation, et donc à notre sens incomplète.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous remplacez une précipitation par une autre !
M. Claude Domeizel. Pas du tout, monsieur Braye !
Tel qu'il a été ajouté à la fin du projet de loi relatif à la participation, le chèque-transport reste une mesure partielle, génératrice d'inégalités entre les salariés, selon la volonté de leur employeur.
II ne résoudra pas la carence en moyens de transports collectifs non polluants que notre pays connaît encore. Au contraire, il contribue à encourager l'usage de la voiture particulière, en permettant le paiement des achats de carburant en chèque-transport. Faute de financer les transports collectifs, il financera les compagnies pétrolières et les distributeurs.
Nous retrouvons la thématique à laquelle nous venons d'être confrontés, s'agissant du logement. Les effets d'annonce du Gouvernement ne sont pas assortis des moyens correspondants et nécessaires.
Plus encore, cette absence de moyens permet, par une rédaction habile, de détourner les mesures annoncées à « sons de trompe » de l'intention affichée auprès de l'opinion.
Il en est ainsi d'un point précis de cette disposition. En effet, le chèque-transport sera nécessairement un titre de transport qui pourra être présenté aux guichets des entreprises de transport et des distributeurs de carburants. Certes, la dématérialisation sera possible, mais elle sera réalisée par l'organisme, la société ou l'établissement de crédit émetteur du titre.
N'aurait-il pas été plus simple de prévoir au départ que le chèque-transport pourrait être une contribution de l'employeur mentionnée sur la fiche de paie ? Il suffirait que le salarié présente au service comptable de l'entreprise son abonnement aux transports locaux ou une note de carburant, et que le montant des frais ainsi engagés soit inscrit sur le bulletin de paie. Il ne s'agit que d'une manipulation extrêmement simple, qui ne complique absolument pas l'établissement de la fiche de paie.
De plus, l'entreprise réaliserait une économie puisqu'elle n'aurait pas à payer une société émettrice. Après tout, le chèque-transport n'a évidemment pas été créé pour augmenter les bénéfices des sociétés émettrices.
Enfin, cela faciliterait le quotidien des personnes qui utilisent les transports collectifs et ont maintenant l'habitude de payer leur abonnement par carte bancaire auprès des bornes installées à cet effet. Au contraire, avec ce titre de paiement, il leur faudra perdre du temps à faire la queue au guichet, comme autrefois.
Si le chèque-transport a réellement pour objet de faciliter la vie de nos concitoyens, tout en encourageant à l'usage des transports collectifs, il faut que son utilisation soit la plus simple possible.
En laissant à l'employeur toute latitude pour avoir recours à une société émettrice, l'adoption de cet amendement permettrait aussi une gestion directe et - reconnaissez-le -beaucoup plus économique.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission, ne souhaitant pas revenir sur le mécanisme du chèque-transport qui a été adopté voilà seulement un mois, émet un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, afin de s'assurer que son analyse n'est pas erronée, elle souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour le Gouvernement, la faculté pour un employeur hors Île-de-France de prendre en charge les frais de transport entre le domicile et le lieu de travail de son salarié sous forme d'un remboursement mentionné sur le bulletin de paie est déjà possible en application de l'article 2 de la loi du 4 août 1982, introduit par l'article 109 de la loi SRU.
Toutefois, il doit être observé que ce dispositif ne fonctionne pas.
Le Gouvernement a donc souhaité offrir aux salariés une autre possibilité, sous la forme d'un dispositif plus familier, inspiré du chèque-restaurant, dont le succès n'est plus à démontrer : c'est le chèque-transport, voté très récemment et actuellement déployé par les opérateurs, sous l'égide de l'Agence nationale des services à la personne.
La loi pour le développement de la participation prend déjà en compte votre souci de gestion simplifiée du chèque-transport puisque sa dématérialisation est d'ores et déjà prévue. Ainsi, il sera par exemple possible de recourir à une carte rechargeable, utilisable comme une carte de crédit et compatible avec les modes de règlement acceptés par les automates actuellement utilisés par les usagers de transports collectifs comme d'ailleurs dans les stations-service, voire dans les péages.
Comme cela a déjà été dit lors d'autres discussions, le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette avancée, et c'est la raison pour laquelle il est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 111, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « Nouvelles embauches » est abrogée.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Ma défense de cet amendement vaudra pour les amendements nos 113, 115, 112 et 114 rectifié, qui relèvent de la même problématique.
Au terme de l'examen des articles du projet de loi consacrés au droit au logement opposable et avant d'entamer la discussion de l'autre volet du texte contenant diverses dispositions « en faveur de la cohésion sociale », nous avons tenu, à travers cet amendement et les quatre amendements suivants, à illustrer les liens étroits entre emploi et logement, et à témoigner ainsi de la nécessité d'agir à la source sur les inégalités au travail en vue de prévenir les discriminations au logement et inversement.
Je vous entends déjà nous dire que nos propositions visant à agir sur les facteurs contribuant au développement des bas salaires en France - temps partiel, rémunérations au-dessous du SMIC, sous-contrats de travail, et bien d'autres encore - n'ont pas leur place dans le présent texte ! Vous savez pourtant que le chômage, le sous-emploi et la précarité influent directement sur l'accès au logement et que, en refusant de poser transversalement ces questions, vous participez en les amplifiant aux phénomènes d'exclusion sociale.
Ce n'est pas un hasard si, aujourd'hui, plus de trois SDF sur dix ont un travail, gagnent entre 900 et 1300 euros par mois et cherchent pourtant désespérément où se loger.
Ce n'est pas non plus le fait de la fatalité si, durant les dix dernières années, l'intérim a augmenté de 130 %, le nombre de CDD de 60 % et les CDI seulement de 2 %.
Il n'est pas normal que de 50 % à 66 % des femmes qui travaillent aient un contrat atypique, un contrat aidé, un contrat à temps partiel... La situation est d'ailleurs la même pour les jeunes.
Bien que les dirigeants patronaux veuillent nous faire croire que l'emploi, au même titre que l'amour, serait précaire, comme le dit Mme Parisot, nous ne pensons pas qu'il faille se résoudre à la pauvreté des jeunes, des femmes seules avec enfants, d'une frange toujours croissante de notre population dont les revenus du travail ne permettent pas de vivre dignement et encore moins d'accéder aux droits fondamentaux, dont celui du logement.
Je vous épargne de nouveaux commentaires sur la fiabilité des chiffres du chômage que vous avancez afin de présenter un bilan plutôt positif avant les élections présidentielles ! La réalité, c'est que ces chiffres peinent à masquer l'intensification de la précarité, sa généralisation à la plupart des salariés, sans compter les fonctionnaires, comme autant de résultats de vos choix politiques, fiscaux et sociaux.
La question de l'emploi est déterminante concernant l'accès au logement en termes non seulement de moyens financiers - à condition donc d'être correctement rémunéré -mais aussi de garantie de stabilité.
C'est pourquoi nous envisageons, par le présent amendement et les amendements suivants, d'abroger le CNE, qui fait peser sur le salarié une menace permanente de licenciement, de requalifier les contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet quand l'horaire effectué le justifie, de limiter le nombre de CDD au sein des entreprises, d'agir pour que plus aucune grille de salaire ne soit en dessous du SMIC - c'est encore le cas dans certains secteurs largement subventionnés par l'État, notamment -, et, enfin, de lutter contre l'usage abusif des stages.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Comme M. Muzeau l'a justement laissé entendre au début de son intervention, l'avis de la commission est défavorable sur cet amendement n°111 comme sur les amendements suivants.
M. Roland Muzeau. Il n'y a pas de surprise !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur Muzeau, nous connaissons votre préoccupation quant au CNE.
Pour autant, outre que cet amendement n'a pas vraiment de lien avec le texte qui nous rassemble aujourd'hui, je souligne que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, estime à 775 000 le nombre de déclarations d'intention d'embauche en contrat nouvelles embauches depuis août 2005. On sait également que, sur ce total, plus de 200 000 emplois sont situés dans de très petites entreprises.
D'une certaine manière, cela montre donc bien que le CNE a ouvert des possibilités d'accès à l'emploi pour des gens qui n'auraient peut-être pas pu en bénéficier autrement. Le CNE nous semble par conséquent apporter des réponses tout à fait satisfaisantes à un certain nombre de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable tant à l'amendement n° 111 qu'aux amendements suivants.
Mme la présidente. L'amendement n° 113, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives, ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire moyen effectué par un salarié équivaut ou dépasse un horaire à temps complet, le contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat de travail à temps complet, si le salarié intéressé le demande. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 115, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121-1 du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le nombre de personnes embauchées en contrat autre qu'un contrat à durée indéterminée ne peut excéder un seuil, équivalent à 10 % de l'effectif de l'entreprise, calculé dans les conditions définies à l'article L. 620-10. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 112, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucune grille de salaire ne peut débuter en dessous du SMIC.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Lorsqu'une personne exerce des fonctions dans une entreprise en qualité de stagiaire depuis plus de douze mois, elle peut, si elle le souhaite, demander que sa convention de stage soit requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée.
II. - Les stages doivent faire l'objet d'une contrepartie financière fixée par un barème national. Celui-ci devra faire l'objet d'une négociation nationale et s'appliquera à toute entreprise qui recourt à des stagiaires. Il prendra en compte le niveau d'études, la durée du stage et la qualification, lesquels devront correspondre à la convention de stage.
Les déplacements donneront lieu à des indemnités de transport, de repas et de logement selon les besoins.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 288, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles, il est inséré une division ainsi rédigée :
« Chapitre IV
« Domiciliation
« Section 1
« Droit à la domiciliation
« Art. L. 264-1 - Pour prétendre au bénéfice des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles, ainsi qu'à la délivrance d'un titre national d'identité, à l'inscription sur les listes électorales ou à l'aide juridique, les personnes sans domicile stable doivent élire domicile soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale, soit auprès d'un organisme agréé à cet effet.
« L'organisme compétent pour attribuer une prestation sociale légale, réglementaire ou conventionnelle est celui dans le ressort duquel la personne a élu domicile.
« Sous réserve des dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier relatives au domicile de secours, lorsqu'une prestation sociale légale relève de la compétence d'une collectivité locale, la collectivité débitrice de la prestation est celle dans le ressort duquel la personne a élu domicile.
« Section 2
« Élection de domicile
« Art. L. 264-2 - Les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale ainsi que les organismes agréés remettent aux intéressés une attestation d'élection de domicile. Sa durée de validité est limitée. Elle est renouvelable de droit et ne peut prendre fin que dans les conditions mentionnées à l'article L. 264-5.
« Art. L. 264-3 - L'absence d'une adresse stable ne peut être opposée à une personne pour lui refuser l'exercice d'un droit, d'une prestation ou l'accès à un service essentiel garanti par la loi, dès lors qu'elle dispose d'une attestation en cours de validité.
« La possession d'une attestation en cours de validité permet à son titulaire de justifier de sa résidence en France.
« Art. L. 264-4 - Lorsque les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale refusent l'élection de domicile des personnes sans domicile stable qui en font la demande, notamment parce qu'elles ne présentent aucun lien avec la commune ou le groupement de communes, ils doivent motiver leur décision.
« Dans ce cas, le représentant de l'État dans le département peut conclure une convention de prise en charge des activités de domiciliation avec un organisme agréé.
« Les organismes agréés ne peuvent refuser l'élection de domicile que dans les cas prévus par leur agrément.
« Lorsqu'un des organismes mentionnés à l'article L. 264-1 refuse une élection de domicile, il doit orienter l'intéressé vers un organisme en mesure d'assurer sa domiciliation.
« Art. L. 264-5 - L'organisme qui assure la domiciliation peut y mettre fin lorsque l'intéressé le demande, lorsqu'il acquiert un domicile stable ou lorsqu'il ne se manifeste plus.
« Section 3
« Agrément des organismes procédant à l'élection de domicile
« Art. L. 264-6 - L'agrément délivré aux organismes mentionnés à l'article L. 264-1 est attribué par le représentant de l'État dans le département.
« Art. L. 264-7 - L'agrément a une durée limitée.
« Il est attribué à tout organisme qui s'engage à respecter un cahier des charges arrêté par le représentant de l'État dans le département dans des conditions définies par décret.
« L'agrément peut déterminer un nombre d'élections de domicile au-delà duquel l'organisme n'est plus tenu d'accepter de nouvelles élections. Il peut autoriser l'organisme à restreindre son activité de domiciliation à certaines catégories de personnes ou à certaines prestations sociales. Dans ce dernier cas, les attestations d'élection de domicile délivrées par l'organisme ne sont opposables que pour l'accès aux prestations sociales mentionnées par l'agrément.
« Section 4
« Contrôle et évaluation
« Art. L. 264-8 - Les organismes mentionnés à l'article L. 264-1 s'assurent que la personne qui élit domicile est bien sans domicile fixe. Ils rendent régulièrement compte de leur activité de domiciliation au représentant de l'État dans le département.
« Art. L. 264-9 - Le rapport mentionné à l'article L. 115-4 évalue les conditions de mise en oeuvre du présent chapitre et l'effectivité de l'accès aux droits mentionnés à l'article L. 264-1.
« Section 5
« Dispositions d'application
« Art. L. 264-10 - Les conditions d'application du présent chapitre sont déterminées par décret ».
II. Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l'article L. 232-2 est ainsi rédigé :
« Les personnes sans résidence stable doivent élire domicile dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du livre II. ».
2° Dans l'article L. 252-2, les mots : « soit auprès d'un organisme agréé à cet effet par le représentant de l'État dans le département soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du livre II. ».
3° L'article L. 262-18 est ainsi modifié :
a) Les deuxième et dernière phrases du premier alinéa ainsi que les deuxième, troisième, quatrième et dernier alinéas sont supprimés.
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes sans résidence stable doivent élire domicile dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du livre II. ».
III. Le troisième alinéa de l'article L. 161-2-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
b) « Les personnes sans domicile stable doivent élire domicile dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles. ».
IV. L'article L. 15-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « où est situé l'organisme d'accueil agréé », sont ajoutés les mots : « dans les conditions prévues aux articles L. 264-7 et L. 264-8 du code de l'action sociale et des familles » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « une attestation » sont remplacés par les mots : « l'attestation mentionnée à l'article L. 264-2 du code de l'action sociale et des familles ».
V. L'article 79 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est ainsi rédigé :
« Art. 79 - Par dérogation aux dispositions de l'article 10 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, les personnes qui sont sans domicile stable peuvent, si elles le souhaitent, élire domicile dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles pour bénéficier des prestations sociales mentionnées au 1° de l'article L. 264-1 dudit code. ».
VI. Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article 13 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les mots : « l'organisme d'accueil choisi par lui » sont remplacés par les mots : « l'organisme qui lui a délivré une attestation d'élection de domicile dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles ».
VII. Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 1er juillet 2007.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. La domiciliation permet à une personne sans domicile stable de justifier d'une adresse et de recevoir du courrier en s'inscrivant auprès d'un centre communal d'action sociale ou d'une association. Elle concerne un million de Français privés de domicile personnel.
Le bon fonctionnement de la domiciliation est crucial, car l'enjeu est la capacité effective des personnes concernées à accéder aux prestations qui leur garantissent un minimum décent, par exemple le RMI. Des démarches de la vie quotidienne, comme la réception de son courrier personnel ou l'utilisation d'un compte bancaire, se heurtent à de nombreux obstacles lorsque l'on ne dispose pas d'une adresse.
La domiciliation est le premier pas de la réinsertion. D'un certain point de vue, l'accès à un logement juridique est même la première phase de l'accès au logement.
Or la domiciliation connaît aujourd'hui de graves difficultés. En effet, le droit de la domiciliation est très complexe, avec une dizaine de textes différents. Les personnes sans domicile fixe sont obligées de se rendre à un endroit pour avoir accès au RMI, à un autre pour pouvoir bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU, et à un autre encore pour recevoir leur carte d'identité. Nombre de centres communaux d'action sociale ne remplissent pas leur mission, qui, il est vrai, est assez mal définie. De nombreuses associations sont débordées et ne peuvent pas répondre à l'ensemble des besoins.
Cet amendement - je tiens à le souligner - est issu d'un vaste travail qui a associé pendant deux ans toutes les parties concernées : je pense notamment aux associations, à la Fondation Abbé-Pierre, à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, à l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPS, au Secours catholique, aux centres communaux d'action sociale, les CCAS, aux départements, au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à la sécurité sociale.
Cet amendement vise à apporter plusieurs avancées.
D'abord, la dizaine de régimes existants seront remplacés par un système unique.
Ensuite, les droits des personnes seront garantis, car l'attestation d'élection de domicile devra être connue de tous. Le système sera encadré pour en prévenir les abus ; les attestations seront délivrées par des associations agréées par le préfet.
Enfin, les obligations des CCAS seront clairement définies en concertation avec leur union représentative, et le préfet pourra en dernier recours se substituer au CCAS défaillant.
La simplification sera donc considérable.
L'essentiel de ces dispositifs et des conclusions du groupe de travail ont été exposés devant le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale voilà un peu plus d'un mois.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien entendu, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. Je voudrais d'ailleurs remercier M. le rapporteur de l'avoir présenté.
Avec votre autorisation, monsieur le rapporteur, j'aimerais reprendre votre expression : une domiciliation juridique est effectivement le premier pas vers une réinsertion.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
Article additionnel avant l'article 6 ou avant l'article 9
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 239, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les départements sont autorisés à expérimenter, dans le cadre d'une convention conclue avec l'État pour la durée de l'expérimentation, un contrat aidé, dénommé contrat unique d'insertion qui se substitue au contrat d'accompagnement dans l'emploi, au contrat initiative emploi, au contrat d'avenir et au contrat insertion-revenu minimum d'activité prévus respectivement aux articles L. 322-4-7, L. 322-4-8, L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail et qui peut être conclu avec l'ensemble des personnes et employeurs qui satisfont aux conditions requises pour bénéficier de l'un de ces contrats.
Ce contrat peut être conclu pour une durée déterminée en application de l'article L. 122-2 ou indéterminée. Il est conclu pour une durée minimale de travail hebdomadaire de vingt heures. Lorsqu'il est conclu pour une durée déterminée, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 122-2 relatives au nombre maximal des renouvellements ne sont pas applicables.
La signature du contrat unique d'insertion ouvre droit pour l'employeur à une aide modulable. La convention passée entre l'État et le Conseil général définit le montant, la durée et les modalités d'attribution de cette aide en fonction de critères liés à la situation du bénéficiaire du contrat avant la signature de celui-ci, au statut juridique de l'employeur, aux engagements pris par celui-ci en matière d'accompagnement, de formation et de pérennisation de l'emploi. La convention prévoit également la répartition du financement entre l'État et le conseil général qui sont chacun chargés de la mise en oeuvre de ce contrat dans le département. La part de l'aide correspondant au revenu minimum d'insertion (RMI), à l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou à l'allocation de parent isolée (API) antérieurement versée au bénéficiaire du contrat unique d'insertion reste, en tout état de cause, à la charge de l'État ou de la collectivité débitrice de cette allocation.
II. - La charge supplémentaire pour l'État est compensée dans des conditions fixées par la prochaine loi de finances.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. L'objet principal de cet amendement est d'autoriser les départements volontaires à expérimenter un contrat unique d'insertion, qui serait ouvert à l'ensemble des personnes remplissant les critères actuels pour bénéficier de l'un des quatre contrats aidés suivants : contrat d'avenir, contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, contrat d'accompagnement dans l'emploi et contrat initiative-emploi.
L'ouverture d'une telle faculté aux départements volontaires permettra de décloisonner les dispositifs et de gagner en efficacité. Ce contrat simplifié sera également plus lisible tant pour le bénéficiaire que pour l'employeur. Pour éviter les effets de précarisation qu'induirait un contrat temporaire, le contrat unique d'insertion sera donc signé pour une durée, déterminée ou non, qui ne sera jamais inférieure à six mois.
Le contrat unique d'insertion sera assorti d'un financement modulable, en fonction, d'une part, du degré d'éloignement de l'emploi du bénéficiaire et, d'autre part, des engagements pris par l'employeur en matière d'accompagnement, de formation ou de pérennisation du contrat.
Cette aide modulable versée à l'employeur devra être clairement identifiable. Elle sera prise en charge par l'État pour les bénéficiaires de l'allocation de parent isolée, l'API, et de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, et par le département pour les bénéficiaires du RMI.
Cet amendement se situe dans la lignée des propositions qui avaient été formulées dans le rapport au Premier ministre intitulé Plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires des minima sociaux d'insertion, présenté par nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt au mois de décembre 2005.
Mme la présidente. L'amendement n° 284, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 142 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 est complété par trois paragraphes ainsi rédigés :
« XI. - Dans les départements mentionnés au II du présent article et pour une durée de trois ans, une expérimentation peut être menée selon les dispositions de l'article 37-1 de la Constitution, afin de favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation aux adultes handicapés, à l'exception des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion visés au IV du présent article et de simplifier l'accès au contrat d'avenir institué à l'article L. 322-4-10 du code du travail et au contrat insertion-revenu minimum d'activité institué à l'article L. 322-4-15 du même code. Le représentant de l'État dans le département est autorisé dans ce cadre et dans les conditions prévues au XIII du présent article à déroger par arrêté :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 322-4-12 du même code, qui définit le contrat d'avenir comme un contrat à durée déterminée afin de permettre aux employeurs privés mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 322-4-11 du même code de conclure un contrat d'avenir sous la forme soit d'un contrat à durée déterminée, soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat de travail temporaire ;
« 2° Aux premier et troisième alinéas du II de l'article L. 322-4-12 et au troisième alinéa du I de l'article L. 322-4-15-6 du même code, qui instituent des aides à l'employeur ayant conclu un contrat d'avenir ou un contrat insertion-revenu minimum d'activité et en fixent les modalités. Le représentant de l'État dans le département met en oeuvre une aide modulable en fonction du nombre d'heures de travail effectuées, de la catégorie à laquelle appartient l'employeur, des initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle en faveur du bénéficiaire, des conditions économiques locales et de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi.
« 3° À l'article L. 351-10 du même code, ainsi qu'au troisième alinéa du I de l'article L. 524-5 et à l'article L. 821-7-2 du code de la sécurité sociale, dans le cas où une aide modulable est mise en oeuvre en vertu du 2° du présent XI. Le montant de l'allocation versée respectivement aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation aux adultes handicapés ayant conclu un des contrats mentionnés à l'article L. 322-4-10 ou à l'article L. 322-4-15 est alors diminuée du montant de l'aide versée à l'employeur, dans la limite d'un montant égal à l'allocation de revenu minimum d'insertion garanti à une personne isolée en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles.
« 4° Aux douzième et treizième alinéas de l'article L. 322-4-11 du même code, en tant qu'ils fixent la durée minimale, le nombre de renouvellements et la durée maximale de la convention individuelle conclue entre le bénéficiaire du contrat d'avenir et la collectivité publique chargée de la mise en oeuvre de ce contrat, ainsi qu'aux premier et deuxième alinéas du I de l'article L. 322-4-12 du même code, en tant qu'ils fixent la durée minimale et le nombre de renouvellements du contrat d'avenir. Les contrats d'avenir conclus dans le cadre de l'expérimentation ont une durée minimale de six mois. Lorsqu'ils revêtent la forme d'un contrat à durée déterminée, ils sont renouvelables dans la limite de vingt-quatre mois.
« Les conventions individuelles de contrat d'avenir ont une durée minimale de six mois et sont renouvelables dans la limite de vingt-quatre mois ;
« 5° Au troisième alinéa de l'article L. 322-4-15-2 du même code, en tant qu'il fixe la durée maximale de la convention conclue entre la collectivité publique débitrice de la prestation et l'employeur du bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité, et au cinquième alinéa de l'article L. 322-4-15-4 du même code, en tant qu'il fixe la durée maximale du contrat insertion-revenu minimum d'activité lorsque celui-ci est conclu pour une durée déterminée. Lorsqu'il revêt la forme d'un contrat à durée déterminée, le contrat insertion-revenu minimum d'activité est renouvelable dans la limite de vingt-quatre mois.
« Les conventions individuelles de contrat insertion-revenu minimum d'activité sont renouvelables dans la limite de vingt-quatre mois ;
« 6° Au cinquième alinéa du I de l'article L. 322-4-12 du même code, en tant que celui-ci fixe à vingt-six heures la durée hebdomadaire de travail des personnes embauchées dans le cadre d'un contrat d'avenir. Le contrat d'avenir conclu dans le cadre de l'expérimentation comprend une durée hebdomadaire du travail minimale de vingt heures sans dépasser la durée prévue au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail et à l'article L. 713-2 du code rural ;
« 7° Au deuxième alinéa du IV de l'article L. 322-4-12 du même code, qui prévoit les cas dans lesquels le contrat d'avenir peut être suspendu. Lorsque le contrat d'avenir est conclu pour une durée déterminée, il peut être suspendu, outre les cas déjà énumérés par cet alinéa, afin de permettre au bénéficiaire d'effectuer des stages en entreprise ou des missions de travail temporaire lorsque celles-ci ont une durée minimale de deux semaines ;
« 8° Au premier alinéa du III du L. 322-4-8 qui définit le contrat initiative emploi comme un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée, afin de permettre aux employeurs mentionnés au I de l'article L. 322-4-8 de conclure un contrat initiative emploi, soit sous la forme d'un contrat à durée déterminée, soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat de travail temporaire ;
« 9° Au quatrième alinéa du L. 322-4-7 qui définit le contrat d'accompagnement dans l'emploi comme un contrat à durée déterminée, afin de permettre aux organismes de droit privé à but non lucratif et aux personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public de conclure un contrat d'accompagnement dans l'emploi soit sous la forme d'un contrat à durée déterminée, soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat de travail temporaire ;
« 10° Au deuxième alinéa du III du L. 322-4-8 et au dernier alinéa de l'article L. 322-4-7 qui prévoient les cas dans lesquels le contrat initiative emploi et le contrat d'accompagnement dans l'emploi peuvent être suspendus. Lorsque le contrat initiative emploi ou le contrat d'accompagnement dans l'emploi sont conclus pour une durée déterminée ils peuvent être suspendus, outre les cas déjà énumérés par ces alinéas, afin de permettre au bénéficiaire d'effectuer des stages en entreprise ou des missions de travail temporaire lorsque celles-ci ont une durée minimale de deux semaines ;
« 11° Au dernier alinéa du I du L. 322-4-8 du code du travail, les règles relatives à la durée maximale de la convention contrat initiative emploi prévue et à celle du contrat conclus pour son application, ainsi que les règles relatives aux conditions de son renouvellement. Les conventions individuelles et les contrats de travail y afférant lorsqu'ils revêtent la forme d'un contrat à durée déterminée ont une durée minimale de 6 mois et sont renouvelables dans la limite de 24 mois ;
« 12° Au troisième alinéa du I de l'article L 322-4-7, les règles relatives à la durée maximale de la convention contrat d'accompagnement dans l'emploi et à celle du contrat de travail conclu en application de celle-ci, ainsi que les règles relatives aux conditions de son renouvellement. Les conventions individuelles et les contrats de travail y afférant lorsqu'ils revêtent la forme d'un contrat à durée déterminée ont une durée minimale de 6 mois et sont renouvelables dans la limite de 24 mois ;
« 13° Au II de l'article L 322-4-7 et au II de l'article L. 322-4-8 qui fixent les règles relatives au montant maximal de l'aide versée par l'État pour l'embauche de personnes en contrat d'accompagnement dans l'emploi ou contrat initiative emploi ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent être modulées. Le représentant de l'État dans le département peut créer une aide modulable en fonction du nombre d'heures de travail effectuées, de la catégorie à laquelle appartient l'employeur, des initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle en faveur du bénéficiaire, des conditions économiques locales et de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi ;
« 14° Les contrats conclus dans le cadre de l'expérimentation prévoient obligatoirement des actions de formation et d'accompagnement au profit de leurs titulaires. Adaptées en fonction de la durée du contrat, elles peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci.
« XII. - Dans l'objectif de mettre en oeuvre un projet commun de contrat unique d'insertion, la convention de mise en oeuvre de l'expérimentation prévue au IX peut prévoir les modalités de rapprochement des règles déterminées par l'État pour les contrats dont il a la charge et dont il assure le financement en vertu du XI du présent article, et des règles déterminées par le département pour les contrats dont il a la charge et dont il assure le financement dans les conditions du IV du présent article;
« Ces expérimentations peuvent également porter sur une partie du territoire du département, qui connaît des difficultés de retour à l'emploi des publics concernés d'une importance ou d'une nature particulière.
« XIII. - Le représentant de l'État dans le département adresse pour accord au ministère chargé de l'emploi un dossier décrivant les expérimentations envisagées, les objectifs poursuivis, les résultats attendus, les dispositions législatives et réglementaires auxquelles ils entendent déroger ainsi qu'un protocole d'évaluation. Après examen de ces dossiers, le Ministre chargé de l'emploi arrête une liste de départements dans lesquels le représentant de l'État dans le département est autorisé à conduire l'expérimentation selon les dispositions du XI du présent article.
« Les représentants de l'État qui mettent en oeuvre une expérimentation sur le fondement du XI du présent article élaborent chaque année un rapport contenant les informations nécessaires à son évaluation, notamment les données agrégées portant sur les caractéristiques des bénéficiaires et sur les prestations fournies ainsi que les éléments relatifs à l'impact de ces mesures sur le retour à l'emploi.
« Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, ils adressent au ministre chargé de l'emploi un rapport d'évaluation de l'expérimentation. Ils peuvent à cette fin requérir l'appui du comité d'évaluation mentionné au X du présent article.
« Avant l'expiration de cette même durée, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les expérimentations mises en oeuvre en application du présent article. »
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 239.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien entendu, le Gouvernement cherche à atteindre les mêmes objectifs que les parlementaires.
Cet amendement n° 284 respecte l'esprit du plan de cohésion sociale, qui a pour objet de simplifier et de clarifier le champ des contrats aidés.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, une expérimentation sur le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI a été ouverte ; elle pourra être mise en oeuvre dans les départements qui se porteront volontaires.
L'objet de l'amendement n° 284 est de nous permettre de franchir une étape supplémentaire, par la fusion de l'ensemble des contrats aidés en un contrat unique d'insertion.
L'amendement n° 239, qui vient d'être présenté par M. Pozzo di Borgo, ne permet pas, dans sa rédaction actuelle, la mise en oeuvre d'un contrat unique d'insertion et ne présente de garanties juridiques suffisantes ni pour les salariés, ni pour les employeurs, ni pour les collectivités locales. Or l'institution d'un contrat unique implique de définir clairement les responsabilités respectives du département et de l'État.
Pour répondre aux préoccupations qui ont été exprimées par M. Pozzo di Borgo, le Gouvernement propose donc à ce dernier de retirer son amendement au profit de l'amendement n° 284, qui permet de répondre à de tels problèmes juridiques.
Les expérimentations pourraient être menées en lien avec les conseils généraux dans les départements qui sont déjà volontaires pour l'expérimentation votée dans le cadre de la loi de finances. Par un partenariat entre l'État et les présidents de conseils généraux, nous rendons ainsi possible l'expérimentation de ce contrat.
C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l'amendement n° 239 au profit de l'amendement n° 284, afin que cette expérimentation puisse devenir une réalité.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Comme vous le savez, je suis particulièrement sensible à la problématique du contrat unique.
À cet égard, vous me permettrez de faire référence au rapport que j'avais remis sur le sujet au Premier ministre, en 2003, en tant que parlementaire en mission auprès de François Fillon, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Roland Muzeau. Et du chômage !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je préconisais un contrat unique, à une époque où il était déjà difficile de le mettre en oeuvre.
Je remercie donc les auteurs de ces deux amendements. Je salue également notre collègue Louis de Broissia, qui avait déposé un amendement de même nature et qui l'a retiré.
Je partage l'avis de Mme la ministre, qui souhaite le retrait de l'amendement n° 239 au bénéfice de l'amendement n° 284. En effet, ce dernier me semble mieux adapté, car, s'agissant d'un parcours difficile, une phase expérimentale incontestable s'impose. Or l'encadrement prévu par le Gouvernement permettra, me semble-t-il, d'atteindre cet objectif. Ce sera donc un gage de succès.
Je me réjouis donc de l'initiative du Gouvernement tendant à évoluer vers un contrat unique, et je l'en remercie.
Mme la présidente. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° 239 est-il maintenu ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 239 est retiré.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 284.
M. Roland Muzeau. Chacun l'aura mesuré, il ne s'agit pas d'un amendement banal ou simplement technique.
M. Roland Muzeau. Le dispositif que cet amendement tend à instituer est dans l'air du temps, et ce depuis plusieurs années.
Je pense notamment au « vrai faux » rapport rédigé par MM. Mercier et de Raincourt (Sourires.), dont ils ont toujours refusé la paternité. En effet, quand on les sollicitait à ce sujet, nos collègues se défendaient presque d'en être les auteurs. Peut-être a-t-on donné leur nom à ce rapport « à l'insu de [leur] plein gré », pour reprendre les propos d'un célèbre coureur cycliste ?... (Nouveaux sourires.)
Après cette première tentative, le sujet a été à nouveau abordé. Ainsi, la commission des affaires sociales avait mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir sur les minima sociaux, en abordant toutes les problématiques afférentes, par exemple la question de leur unicité.
En raison des coûts supplémentaires que cela pouvait créer et de l'article 40 de la Constitution, qui avait été invoqué de manière précoce, ces tentatives avaient été abandonnées.
Puis, notre collègue Valérie Létard a récemment émis sur le sujet une nouvelle proposition, dont nous connaissons tous la destinée.
Or, à présent, dans le cadre d'un amendement tendant à instituer un dispositif faussement banal, la même mesure, qui était sortie par la porte, revient par la fenêtre, à moins que ce ne soit l'inverse ! (Sourires.)
Il est donc hors de question que nous adoptions un tel dispositif en l'absence d'une appréciation rigoureuse de ses conséquences. À lui seul, le contrat unique mériterait presque de faire l'objet d'un texte législatif accompagné de tableaux comparatifs et précédé d'un important travail préparatoire de la commission des affaires sociales, par exemple avec l'audition des grandes associations nationales travaillant sur la question de l'insertion. Or il n'y a rien eu de tel !
On nous présente cette mesure via un amendement en prétendant qu'il n'y a aucun risque, puisqu'il s'agit d'une simple expérimentation. Le problème est que nous avons de plus en plus d'« expérimentations » dès lors qu'il s'agit de textes législatifs portant sur le droit du travail ou les questions sociales.
Certes, la République a sans doute besoin d'expérimentations pour généraliser un certain nombre de dispositifs. Mais, à mon sens, mener autant d'expérimentations, avec des dispositifs dérogatoires selon les régions ou les territoires, devient véritablement insupportable.
Nous sommes à quelques semaines ou à quelques mois de la fin de ce gouvernement, dont l'action n'a que trop duré, et nous ne pouvons pas vous laisser instituer une telle mesure !
Vous le comprendrez donc bien, nous voterons résolument contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Pour ma part, je voterai évidemment cet amendement, mais je souhaiterais obtenir une précision quant à la durée de ce contrat unique.
En effet, comme je l'expliquais hier à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, nous rencontrons quelques difficultés dans la mise en oeuvre des contrats d'accompagnement dans l'emploi, les CAE.
En effet, alors que les CAE peuvent légalement durer vingt-quatre mois, le préfet de la région d'Île-de-France a, semble-t-il, adressé une circulaire aux ANPE pour leur demander de limiter le renouvellement du contrat à une seule fois. Par conséquent, dans notre région, un CAE peut durer pendant une première période de six mois, être renouvelé une fois pour la même période, et c'est tout. Cela pose tout de même un certain nombre de problèmes.
On nous demande de mettre en place, outre le CAE, des plans de formation, ce que je fais en tant que maire. Or nous avions eu l'imprudence d'instituer ces plans pour une durée supérieure à un an, et l'ANPE nous a annoncé que le deuxième renouvellement des contrats n'était pas possible ! J'aimerais donc avoir des précisions sur la durée de ce nouveau contrat unique.
Par ailleurs, madame la ministre, j'aimerais être rassuré sur un point. En effet, la collectivité que je dirige réalise des efforts importants : trente-cinq personnes bénéficient ainsi d'un CAE. Nous appliquons ce dispositif dans l'esprit des textes législatifs, c'est-à-dire en vue de « mettre le pied à l'étrier » à des bénéficiaires du contrat, auxquels nous assurons également une formation. Il faut donc que les règles soient précisées, faute de quoi nous serions totalement dépendants des ANPE, qui peuvent décider d'accorder ou non leur agrément. Cela nous pose de réelles difficultés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, compte tenu de ce que vous venez de souligner, le dispositif mérite effectivement de faire l'objet d'une expertise, et nous y procéderons.
Par ailleurs, je vous le rappelle, la durée du contrat unique est de six mois au minimum et n'a pas de limite supérieure.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.
Article 6
I. - L'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa, les mots : « Les cotisations sont calculées, chaque année, » sont remplacés par les mots : « Les cotisations sont établies sur une base annuelle. Elles sont calculées, » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux quatrième et sixième alinéas, les travailleurs non salariés, entrant dans le champ de l'exonération prévue à l'article L. 131-6-2, peuvent, pour l'année au cours de laquelle débute leur activité professionnelle et les deux années civiles suivantes, demander que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le trimestre précédent la fraction visée à l'article L. 131-6-2. Ce régime reste applicable au titre de l'année civile au cours de laquelle les limites de chiffre d'affaires ou de recettes prévues par les articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont dépassées. »
II. - Au premier alinéa de l'article L. 131-6-1 du même code, après les mots : « code du travail » sont insérés les mots : « et lorsqu'il n'est pas fait application du dernier alinéa de l'article L. 131-6 ».
III. - Après l'article L. 131-6-1 du même code, il est inséré un article L. 131-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-6-2. - Les cotisations obligatoires de sécurité sociale applicables aux travailleurs non salariés non agricoles imposés suivant le régime visé aux articles 50-0 ou 102 ter du code général des impôts font l'objet d'une exonération égale à la différence, si elle est positive, entre le total des cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables et une fraction de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux.
« Un décret fixe la fraction applicable aux catégories d'activités relevant du même seuil d'imposition en vertu de l'article 50-0 ou de l'article 102 ter du code général des impôts, ainsi que les conditions particulières que doivent remplir les bénéficiaires de l'exonération. Le bénéfice de l'exonération résultant de la fraction fixée par décret ne peut jouer lorsque le chiffre d'affaires de l'entreprise, au titre de chacune des activités concernées, atteint un montant égal aux seuils fixés par les articles 50-0 et l'article 102 ter du code général des impôts.
« Cette disposition n'est pas applicable au titre des périodes au cours desquelles les travailleurs non salariés non agricoles bénéficient des exonérations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 161-1-1, aux articles L. 161-1-2, L. 161-1-3, L. 756-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et à l'article 146 de la loi de finances pour 2002 n° 2001-1275 du 28 décembre 2001. »
IV. - L'article L. 133-6-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, les travailleurs indépendants relevant des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont dispensés de la déclaration de revenus auprès du régime social des indépendants. Un décret fixe les obligations déclaratives particulières qui leur sont applicables. »
V. - L'article L. 136-3 du même code est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « La contribution est, à titre provisionnel, assise » sont remplacés par les mots : « La contribution est établie sur une base annuelle. Elle est assise, à titre provisionnel, » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux troisième et quatrième alinéas, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont applicables lorsque les employeurs ou les travailleurs indépendants ont exercé l'option prévue par cet alinéa. »
VI. - Les dispositions du III s'appliquent pour la première fois pour le calcul des cotisations assises sur les revenus de l'année 2007.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. L'article 6 vise à instaurer une sorte de « bouclier social » pour les travailleurs indépendants en microentreprises.
Le dispositif qui nous est proposé s'appuie sur la proportionnalité des cotisations sociales au chiffre d'affaires dans les premières années d'activité de l'entreprise.
En effet, durant les deux premières années, le montant des cotisations sociales des entreprises est fixé de façon forfaitaire et peut se révéler supérieur au revenu du créateur d'entreprise. Nous le savons, les rémunérations des travailleurs indépendants en microentreprises sont particulièrement faibles durant les premières années d'activité.
Les règles relatives à l'assiette des cotisations sociales sont justifiées, et il n'est nullement question de les remettre en cause. Pourtant, elles sont souvent contraignantes pour les jeunes microentreprises.
Dans l'objectif de favoriser le retour à l'emploi par la création d'entreprise, il était donc nécessaire de remédier à ce problème et d'établir, pour les premières années d'exercice, une assiette des cotisations sociales proportionnelle au chiffre d'affaire.
Ce nouveau dispositif nous paraît justifié, puisqu'il lèvera une partie des contraintes financières à la création de microentreprises, tout en permettant à ces nouveaux travailleurs indépendants de bénéficier de droits sociaux équivalents. La mise en place d'un régime plus simple de déclaration et de paiement des cotisations sociales pour les microentreprises nous semble également constituer une avancée.
Dans l'ensemble, le dispositif proposé paraît donc aller dans le bon sens. Je tiens pourtant à observer qu'il se surajouterait à un ensemble foisonnant et peu lisible d'aides déjà existantes. Voilà quelques jours, une mission d'audit menée conjointement par l'Inspection générale des finances, l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale de l'administration a rendu un rapport sur les aides publiques aux entreprises. Ce rapport souligne le poids financier et le manque de lisibilité de ces dispositifs d'aide directe et d'exonération de charges.
L'ensemble des aides publiques aux entreprises représente 65 milliards d'euros par an, dont 90 % sont financés par l'État, soit plus que le budget de l'éducation nationale. La mission recommande surtout que ces dispositifs, aujourd'hui très nombreux, soient harmonisés et que l'information du public soit améliorée.
Le dispositif que vous nous présentez aujourd'hui constitue certes une avancée, d'autant que, pour une fois, il concerne la création de microentreprises et pourra peut-être réellement favoriser des initiatives individuelles et le retour à l'emploi.
Mais si l'on veut assurer son succès, il faudra prendre garde à ce qu'il ne soit pas noyé parmi les aides déjà existantes. L'harmonisation et l'évaluation de toutes les aides publiques aux entreprises constituent donc, selon nous, une priorité à laquelle il faudra répondre rapidement. Cette réserve exceptée, ce dispositif nous semble le bienvenu.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 6 du présent projet de loi vise à introduire une mesure qui n'a pu l'être dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
C'est apparemment pour des raisons de forme que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l'article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale, que l'on nous invite à adopter à nouveau au travers de cet article 6. En clair, c'est au détour d'un amendement déposé bien après l'examen du texte par le Conseil d'État, et en vue de tenir une promesse à l'intention d'un électorat précis, que cet article 13 avait été introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ces dispositions sont-elles plus recevables dans le cadre du présent projet de loi ? Nous ne le croyons pas, et ce pour des raisons de fond que le Conseil constitutionnel n'a pas eu besoin d'invoquer, car il a motivé sa censure en relevant un vice de procédure dans l'adoption de ces dispositions.
Sur le fond, cet amendement méconnaît le principe d'égalité entre assurés sociaux, au regard de la sécurité sociale. Nous n'y sommes donc pas favorables.
Parce qu'ils seraient travailleurs indépendants, certains seraient, en s'en tenant aux termes de l'article 6, en situation de pouvoir moduler leur participation au financement de la sécurité sociale proportionnellement à la réalité de leurs revenus.
Pour le coup, l'État crée d'ailleurs les conditions de la couverture éventuelle de cette « exonération », car certains déclareront un peu plus au titre de leurs revenus d'activité non salariée, avec tout ce que cela implique pour les recettes fiscales de l'État.
L'évidence, c'est que ces entrepreneurs vont moins payer pour leur protection sociale : en fait, on adapte le principe de mutualisation, principe général fondateur de la sécurité sociale, à la situation particulière des bénéficiaires de la couverture !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 64, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après les mots :
code général des impôts
supprimer la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Les conditions que devront remplir les bénéficiaires de l'exonération, prévues par l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, semblent suffisamment claires et précises. Je les résume : ne pas relever de l'un des deux régimes de la microentreprise et ne pas bénéficier d'autre exonération légale. Il ne nous semble donc pas utile que la loi prévoie des conditions particulières supplémentaires ; ces dernières seront fixées par décret.
Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au VI de cet article, remplacer la référence :
III
par les mots :
présent article
La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un simple amendement de clarification, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Houel, Dulait et Bécot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont également applicables aux groupements d'employeurs visés à l'article L. 127-1 du code du travail pour les salariés mis à la disposition de ceux de leurs membres qui ont un effectif inférieur à vingt salariés. »
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Cet amendement vise les groupements d'employeurs et, particulièrement, les entreprises artisanales.
Les groupements d'employeurs sont des associations constituées dans le but exclusif de recruter un ou plusieurs salariés afin de les mettre à disposition de leurs adhérents en fonction de leurs besoins respectifs. Cette formule leur permet de couvrir leurs besoins fluctuants de main-d'oeuvre pour lesquels ils ne possèdent pas de capacité d'embauche. Elle permet également à plusieurs entreprises de partager les compétences spécifiques d'un salarié. L'objectif est de permettre aux petites entreprises de se regrouper pour employer une main-d'oeuvre qu'elles n'auraient pas, seules, les moyens de recruter.
Le contrat de travail est signé entre le salarié et le groupement. Ces groupements peuvent donc employer plus de vingt salariés, alors qu'en réalité ces embauches sont destinées à de très petites entreprises. Les salariés sont effectivement recrutés par le groupement d'employeurs, mais il ne s'agit en réalité que d'un rattachement juridique, leur affectation économique étant celle des entreprises.
Or, l'esprit initial de cet article 6 est bien de soulager les plus petites entreprises d'une partie de leurs charges sociales afin de les aider à recruter davantage et à produire mieux. Dans ces conditions, ne pas appliquer les mêmes mesures aux groupements d'entreprises revient à discriminer les petites entreprises désirant se grouper pour partager une compétence qui, autrement, leur serait inaccessible.
L'adoption brute d'une telle mesure est de nature à détourner les entreprises de la formule du groupement qui, par ailleurs, a fait ses preuves en termes de mutualisation des compétences. Il serait donc juste de prévoir que les groupements d'employeurs bénéficieront de l'exonération de l'ensemble des cotisations sociales pour les salariés qu'ils mettent à la disposition de leurs adhérents dont le nombre de salariés est inférieur à vingt.
Les groupements d'employeurs disposent des données relatives à leurs adhérents. Ces données sont indispensables pour moduler au cas par cas l'application des différentes réglementations. Tel est notamment le cas lorsqu'ils mettent un salarié à la disposition d'un adhérent installé en zone urbaine pour lequel il est nécessaire d'effectuer un versement de taxe transport ; le même salarié, mis à la disposition d'un adhérent employant moins de dix salariés, n'entraînera pas le paiement de cette taxe.
L'application de cette pondération serait donc de nature à encourager les plus petites entreprises à former des groupements, tout en maintenant le principe de la participation à l'effort de tous sur les charges sociales.
Je voudrais simplement ajouter, pour répondre à notre collègue Roland Muzeau, que cet amendement s'adresse en particulier aux entreprises artisanales. En France, l'artisanat représente aujourd'hui 930 000 entreprises qui emploient 2,5 millions de salariés. Dans le bâtiment, 94 % des entreprises comptent moins de dix salariés. Ce dispositif peut donc leur permettre de se regrouper.
N'oublions pas que le secteur du bâtiment a pu créer 150 000 emplois dans les dernières années. Ses effectifs ont augmenté de 5 % en 2006 et, en espérant que 2007 soit aussi favorable, une telle mesure pourrait permettre de créer encore près de 15 000 emplois.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales est tout à fait favorable à la mesure présentée par le Gouvernement.
J'y suis personnellement d'autant plus favorable que j'ai été sensibilisé depuis plusieurs années à cette question. Cette mesure revêt une importance capitale pour la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
En effet, dans le rapport que j'avais remis en 2003 au Premier ministre et que j'ai déjà cité, j'avais préconisé une mesure de cette nature. Je n'en étais pas l'inventeur, car elle m'avait été suggérée par Maria Nowak, qui a transposé et créé en France le microcrédit afin de permettre aux personnes dépourvues de ressources et de tous moyens de subsistance de créer une entreprise.
Maria Nowak m'avait convaincu très facilement du fait que deux obstacles s'opposaient à la création et au succès de ces petites entreprises : d'une part, les formalités administratives - mais il n'est pas question de renoncer au passage devant les services d'hygiène ou à la vérification d'autres formalités -, et, d'autre part, les charges qui pèsent instantanément sur les entreprises dès leur création et les empêchent de démarrer en les plongeant tout de suite dans les déficits.
La solution que je préconisais à l'époque est reprise dans la disposition qui nous est soumise aujourd'hui. Je la salue donc avec une particulière émotion, d'autant plus que le prix Nobel de la paix vient d'être accordé à l'inventeur du microcrédit ! Cette mesure s'inspire bien de la même philosophie, ce qui lui confère, en cette année, une portée symbolique considérable.
Évidemment, l'amendement n° 14 qui s'oppose à la mise en place et au succès de cette mesure ne peut que recevoir un avis défavorable de la commission. Les amendements nos 64 et 65, en revanche, reçoivent un avis favorable puisqu'ils confortent cette disposition.
S'agissant de l'amendement n° 88 rectifié, compte tenu de sa technicité et de sa spécificité, la commission souhaiterait recueillir l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je voudrais d'abord m'associer aux propos de M. le rapporteur ainsi qu'à l'hommage qu'il a rendu à Mohammed Yunus et à Maria Nowak, dont on ne peut que saluer le remarquable travail.
Alors que l'on parle beaucoup de la remontée massive de la création d'entreprise, il convient d'insister sur le nombre de petits projets portés grâce au microcrédit qui offre à nombre de nos concitoyens, et surtout de nos concitoyennes, l'occasion de retrouver un emploi.
Monsieur Muzeau, la cotisation sociale proportionnelle proposée dans cet article ne touche pas aux droits sociaux et permet incontestablement de réduire les charges pesant sur l'entreprise. De plus, c'est un concept vraiment dédié aux petites entreprises, qui étaient hier les plus taxées et que nous souhaitons développer. C'est la raison pour laquelle je ne peux qu'être tout à fait défavorable à votre amendement.
En revanche, le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement n° 64. Il partage le souci de la commission des affaires économiques de ne pas subordonner l'application de la cotisation sociale proportionnelle au seul fait de relever du régime fiscal de la microentreprise. M. le rapporteur pour avis a compris l'intérêt d'élargir cette approche.
L'amendement n° 65 est un simple amendement de coordination auquel le Gouvernement est favorable.
S'agissant de l'amendement n° 88 rectifié, je reconnais que je l'ai lu avec d'autant plus d'intérêt qu'il s'inspire de principes d'équité tout à fait fondamentaux. En revanche, son adoption reviendrait à permettre à un groupement d'employeurs de plus de dix-neuf salariés de bénéficier de l'exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale, hors cotisations d'accident du travail, instituée par la loi de finances pour 2007 en faveur des très petites entreprises, dès lors que les salariés employés sont mis à disposition d'entreprises de moins de vingt salariés.
Cela ne me paraît pas satisfaisant. Peut-être suis-je trop encline à soupçonner des risques de détournement du dispositif ; toujours est-il que ce risque existe incontestablement. C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je souhaiterais que vous acceptiez de retirer cet amendement, faute de quoi le Gouvernement serait conduit à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 14.
M. Roland Muzeau. Je suis tout ouïe quand j'entends l'intense satisfaction exprimée par Mme la ministre et M. le rapporteur. Fermant les yeux, je me demande si je ne suis pas en train de siéger au parlement de New Delhi !
Il ne faut quand même pas exagérer ! Nous sommes en France, l'une des principales puissances mondiales ! Il existe déjà divers dispositifs, qui ont même été renforcés par les différentes lois de décentralisation, attribuant aux régions la compétence pour créer des dispositifs d'aide au développement économique. Le gouvernement actuel et les gouvernements précédents ont largement multiplié les mesures en faveur de l'« assouplissement » - c'est le terme qui est systématiquement employé - des règles régissant la qualité du travail et la pression fiscale et sociale qui s'exercerait sur les petites entreprises.
Vous oubliez de rappeler toutes ces avancées : elles se chiffrent en millions, voire en centaines de millions d'euros, et sont incontestables. Vous exagérez donc un peu en prétendant que rien n'a été réalisé à cet égard dans ce pays !
En revanche, ce qui ne s'est jamais fait dans notre pays en faveur des artisans et des très petites entreprises et que nous considérons depuis des années comme une nécessité, c'est faciliter l'accès au crédit à des conditions plus avantageuses et améliorer les rapports, tout à fait épouvantables à l'heure actuelle, entre les donneurs d'ordre, d'une part, et les PME, les très petites entreprises et les artisans, d'autre part.
Ce sont ces petites entreprises que vous défendez vous aussi, monsieur Houel, qui sont les premières victimes des tensions existant sur le terrain économique. En la matière, rien n'est fait puisque les donneurs d'ordre sont toujours les grands vainqueurs. Peut-être y a-t-il là une voie à explorer ?
Mme la présidente. Monsieur Houel, l'amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Je regrette très sincèrement que l'on me demande de retirer cet amendement, car il vise à défendre l'emploi dans notre pays, particulièrement l'emploi non délocalisable. Cela intéresse donc notamment nos petites entreprises. C'est pourquoi je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
M. Roland Muzeau. Le groupe CRC vote contre.
(L'article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Lardeux, est ainsi rédigé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - A. ? L'ordonnance n° 2005?1529 du 8 décembre 2005 instituant un interlocuteur social unique pour les indépendants est ratifiée.
B. - L'article L. 611?20 du code de la sécurité sociale, dans la rédaction résultant de l'article 6 de l'ordonnance mentionnée ci-dessus, est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « l'encaissement », sont insérés les mots : « et le contentieux » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « par le présent livre » sont remplacés par les mots : « par le présent titre, y compris ».
II. - A. - L'ordonnance n° 2005?1528 du 8 décembre 2005 relative à la création du régime social des indépendants est ratifiée.
B. - Le IV de l'article 2 de l'ordonnance mentionnée ci-dessus est complété par la phrase suivante : « Les articles L. 614?2 et L. 614?3 sont abrogés. »
C. - Le 4° de l'article 6 de l'ordonnance mentionnée ci-dessus est abrogé.
D. - Au premier alinéa de l'article L. 652?3 du code de la sécurité sociale, après les mots : « pour l'assurance maladie et maternité », sont insérés les mots : « ainsi que les caisses d'assurances vieillesse des professions libérales ».
III. ? Dans le quatrième alinéa de l'article L. 953?1 du code du travail, dans sa rédaction issue du III de l'article 16 de la loi n° 2005?882 du 2 août 2005, les mots : « au plus tard le 15 février » sont remplacés par les mots : « s'ajoutant à l'échéance provisionnelle des cotisations et contributions sociales du mois de février ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je le reprends au nom de la commission des affaires sociales, madame la présidente !
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 87 rectifié bis.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour le défendre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est indispensable d'insérer les dispositions du présent amendement dans le texte pour garantir une mise en oeuvre correcte du régime social des indépendants et du dispositif de l'interlocuteur social unique.
En effet, cet amendement vise à abroger ou à compléter les articles du code de la sécurité sociale issus des deux ordonnances du 8 décembre 2005, qui, dans leur rédaction actuelle, posent des problèmes juridiques très importants.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales avait émis un avis favorable sur l'amendement de MM. Vasselle et Lardeux, qui a notamment pour objet de proposer la ratification de deux ordonnances du 8 décembre 2005 portant, l'une, sur la création du régime social des travailleurs indépendants, l'autre, sur l'institution d'un interlocuteur social unique pour les travailleurs indépendants.
Cet amendement prévoit en outre quelques ajustements ponctuels et nécessaires pour permettre une insertion correcte du dispositif au sein du code de la sécurité sociale.
La création du régime social des travailleurs indépendants et de l'interlocuteur social unique constitue une réelle avancée. Elle était vivement souhaitée par la commission, afin de simplifier les mécanismes propres au régime des travailleurs indépendants des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 87 rectifié bis.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 267, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au 1° du I de l'article 32 de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « trois ans ».
II. - Dans le premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006 relative à l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, les mots : « le 1er mars 2007 » sont remplacés par les mots : « le 1er mars 2008 ».
III. - Dans le second alinéa de l'article 2 de la même ordonnance, les mots : « le 23 mars 2007 » sont remplacés par les mots : « le 23 mars 2008 ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'ordonnance du 13 avril 2006 a prévu une expérimentation sur deux ans du contrat de transition professionnelle, le CTP, sur sept bassins d'emploi. Afin de limiter la durée de l'expérimentation à deux années, plus aucun salarié licencié pour motif économique ne pourra plus signer de CTP après le 15 avril 2007. Les salariés dont les procédures de licenciement auront été engagées postérieurement au 1er mars prochain ou à qui un CTP aura été proposé après le 23 mars ne pourront adhérer au dispositif.
Ce délai paraît vraiment trop court pour permettre de tirer toutes les leçons de l'expérimentation. Afin de pouvoir prendre une décision éclairée quant à son avenir, reposant sur un bilan le plus solide possible, nous souhaitons une prorogation de l'expérimentation de douze mois sur les sept bassins d'emploi retenus. Cela laissera le temps à l'État et aux partenaires sociaux, au cours de l'été et de l'automne prochains, d'examiner ensemble, dans le respect du dialogue social, l'avenir des dispositifs de sécurisation professionnelle des mobilités professionnelles subies.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission est favorable à ce dispositif visant à faciliter et à mieux sécuriser les mobilités professionnelles subies.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je voudrais souligner l'impréparation du Gouvernement, car c'est la troisième fois que nous nous penchons sur le dispositif du CTP depuis que ce dernier a été introduit, par voie d'amendement, dans un texte relatif au CPE qui a donné lieu, on s'en souvient, à des échanges assez vifs...
Peut-être y reviendrons-nous encore pendant le petit mois de travail parlementaire qui reste avant la fin de la législature ; mais quand vous prétendez, madame la ministre, que la durée d'expérimentation est trop courte pour que vous puissiez apprécier l'efficacité du dispositif, franchement, c'est presque risible ! En effet, c'est le Gouvernement qui avait créé le CTP par le biais d'un amendement, en le présentant comme une trouvaille géniale, puis qui l'avait modifié une première fois sur je ne sais plus quels points, avant de remettre aujourd'hui l'ouvrage sur le métier ! Jamais deux sans trois, certes, mais ce n'est pas très sérieux !
Par conséquent, nous sommes défavorables à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Articles additionnels avant l'article 7
Mme la présidente. L'amendement n° 224, présenté par MM. Lardeux et Vasselle, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I- Le premier alinéa de l'article L. 314-9 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les montants des éléments de tarification afférents aux soins mentionnés au 1° de l'article L. 314-2 sont modulés selon l'état de la personne accueillie au moyen de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2 et du référentiel mentionné deuxième alinéa du III de l'article 46 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006.
« Les montants des éléments de tarification afférents à la dépendance mentionnés au 2° de l'article L. 314-2 sont modulés selon l'état de la personne accueillie au moyen de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2. »
II- À compter de l'année 2007, l'utilisation du référentiel mentionné au III de l'article 46 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006 s'applique aux établissements renouvelant la convention pluriannuelle mentionnée au I de l'article L. 313-12 et aux établissements dont le niveau de perte d'autonomie moyen des résidents est égal ou supérieur à 800.
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission des affaires sociales, madame la présidente.
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 224 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à permettre une modulation de la dotation « soins » des établissements pour personnes âgées dépendantes selon le niveau de soins requis par les résidants, grâce à l'utilisation du référentiel PATHOS.
Cette disposition s'inscrit dans la droite ligne des mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 dont l'objet est de mieux séparer ce qui relève des unités de soins de longue durée de ce qui ressortit au domaine médicosocial.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 224 rectifié.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 7.
L'amendement n° 192 rectifié bis, présenté par M. Beaumont, Mme Procaccia, MM. P. Blanc, Texier et Lardeux, Mme Kammermann, M. Esneu et Mme Henneron, est ainsi rédigé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 443-12 du code de l'action sociale et des familles est abrogé.
II. - Au premier alinéa de l'article L. 443-4 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « Le bénéficiaire de l'agrément », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, la personne morale employeur ».
III. - Après l'article L. 443-10 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré une division ainsi rédigée :
« Chapitre IV
« Accueillants familiaux employés par des personnes morales de droit public ou de droit privé
« Article L. 444-1 - Les personnes morales de droit public ou de droit privé peuvent, après accord du président du conseil général du département de résidence de l'accueillant familial, être employeurs des accueillants familiaux mentionnés à l'article L. 441-1.
« Les accueillants familiaux employés par des collectivités territoriales ou leurs établissements publics administratifs sont des agents non titulaires de ces collectivités. Les accueillants familiaux employés par des établissements sociaux ou médicosociaux publics sont des agents non titulaires de ces établissements.
« Les dispositions particulières qui leur sont applicables sont fixées par voie réglementaire.
« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux accueillants familiaux mentionnés à l'article L. 443-10 ayant passé un contrat avec un établissement ou service de soins pour accueillir des malades mentaux en accueil familial thérapeutique.
« Art. L. 444-2 - Sont applicables aux personnes relevant du présent chapitre les dispositions suivantes du code du travail :
« Livre Ier, titre II, chapitre II, section 1, sous-section 1 (Contrat à durée déterminée - Règles générales), section 2 (résiliation du contrat de travail à durée indéterminée), section 3 (conséquences de la rupture du contrat), section 4-2 (règles particulières aux salariés devenus physiquement inaptes à leur emploi), section 5 (Protection de la maternité et éducation des enfants), section 5-1 (règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle), section 5-2 (congé et période de travail à temps partiel pour la création ou la reprise d'entreprise et congé sabbatique), section 7 (Discriminations), section 8 (Harcèlement), chapitre III : dernier alinéa de l'article L. 123-1 ;
« Livre Ier, titre III (conventions collectives) ; Livre Ier, titre IV : chapitre préliminaire (égalité de rémunération entre hommes et femmes). Chapitre III (paiement du salaire). Chapitre V (saisie-arrêt et cession de rémunérations dues par un employeur). Chapitre VI (salaire de la femme mariée).
« Livre II, titre II, section II du chapitre II (dispositions particulières à la journée du 1er mai), section II du chapitre III (durée du congé), chapitre V (congés non rémunérés), chapitre VI (congés pour événements familiaux).
« Livre III, titre V, chapitre Ier, section I (dispositions générales). Livre II, titre IV (services de santé au travail).
« Livre IV, titre Ier (les syndicats professionnels), titre II (les délégués du personnel) et titre III (les comités d'entreprise), titre VI (droit d'expression des salariés).
« Livre V (conflit du travail). Livre IX (formation professionnelle continue), à l'exception du titre VII.
« Art. L. 444-3.- Il est conclu pour chaque personne accueillie entre l'accueillant familial et son employeur un contrat de travail écrit.
« Tout contrat de travail fera l'objet d'une période d'essai de trois mois, éventuellement renouvelable après accord écrit du salarié.
« Pour chaque personne accueillie, il est conclu entre la personne accueillie, l'accueillant familial et, si ce dernier le souhaite, l'employeur, un contrat d'accueil conforme aux stipulations d'un contrat type établi par voie réglementaire après avis des représentants des présidents de conseil général.
« Art. L. 444-4 - Les accueillants familiaux perçoivent une rémunération garantie dont le montant minimal est déterminé en référence au salaire minimum de croissance. Le montant de la rémunération est fonction du nombre de personnes accueillies et de la durée du travail. Cette rémunération est complétée des indemnités mentionnées aux 2° à 4° de l'article L. 442-1. Les montants des indemnités mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 442-1 sont compris entre un minimum et un maximum fixés par décret.
« Le nombre de journées travaillées ne peut excéder pour chaque salarié un plafond annuel de 258 jours. Les modalités de détermination de la durée de travail des accueillants familiaux salariés sont fixées par convention collective ou accord d'entreprise ou à défaut par décret.
« La convention ou l'accord collectif détermine, également les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés.
« L'employeur doit tenir à la disposition de l'inspecteur du travail, pendant une durée de trois ans, le ou les documents permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail effectués par le salarié.
« Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord, après déduction, le cas échéant, du nombre de jours effectués sur un compte épargne temps et des congés reportés dans les conditions prévues à l'article L. 223-9, le salarié doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit le plafond annuel de l'année durant laquelle ils sont pris.
« Art. L. 444-5 - Lorsque, du fait de la personne accueillie, l'accueil d'une ou plusieurs personnes est provisoirement suspendu notamment en cas d'hospitalisation ou de séjour dans la famille naturelle, l'accueillant familial a droit à une indemnité, dont le montant et les conditions de versement sont définies par décret.
« L'employeur qui ne peut pas confier à un accueillant familial le nombre de personnes prévues contractuellement, pendant une durée de quatre mois consécutifs, est tenu soit de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période, soit de procéder au licenciement économique de l'accueillant familial motivé par cette absence de personne à confier ou à la modification d'un élément essentiel du contrat de travail.
« Art. L. 444-6 - Les accueillants familiaux ne peuvent se séparer des personnes qu'ils accueillent pendant les repos hebdomadaires, jours fériés, congés payés, congés de formation sans l'accord préalable de leur employeur sur leur date de départ en congé. Toutefois, l'employeur est tenu d'accorder les congés annuels demandés pendant la période légale de référence.
« Après avoir fixé la date de départ en congé de l'accueillant familial qui en a fait la demande écrite, l'employeur autorise ce dernier à se séparer simultanément de toutes les personnes accueillies pendant les congés annuels et une durée minimale de jours à répartir sur l'année définie par décret.
« L'employeur qui a autorisé l'accueillant familial à prendre ses congés payés, organise les modalités d'accueil des personnes accueillies en leur garantissant un accueil temporaire de qualité.
« La formation initiale et continue prévue à l'article L. 441-1 est à la charge de l'employeur qui organise et finance l'accueil de la ou des personnes accueillies pendant les heures de formation.
« Art. L. 444-7 - Lorsque l'accueillant familial relevant de la présente section exerce un mandat de délégué syndical, de représentant syndical ou de représentant du personnel, l'employeur organise et finance, le cas échéant, l'accueil des personnes qui lui sont habituellement confiées pendant les temps correspondant à l'exercice de cette fonction.
« Art. L. 444-8 - En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
« Le président du conseil général informe la personne morale qui l'emploie du retrait ou de la modification du contenu de l'agrément d'un accueillant familial.
« Art. L. 444-9 - En cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur (sauf en cas de faute grave ou lourde), ainsi qu'en cas de rupture à l'initiative du salarié, les parties respecteront les délais de préavis suivants :
1° quinze jours pour une ancienneté comprise entre trois et six mois ;
2° un mois pour une ancienneté comprise entre six mois et moins de deux ans ;
3° deux mois pour une ancienneté d'au moins deux ans. »
IV- Le II de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« II. - Les particuliers et personnes morales qui ont passé un contrat conforme aux dispositions des articles L. 442-1 et L. 444-3 du code de l'action sociale et des familles pour l'accueil par des particuliers à leur domicile, à titre onéreux, de personnes mentionnées aux a), c), d) et e) du I. sont exonérées totalement, dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa du I, des cotisations d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales dues sur la rémunération qu'elles versent à ces accueillants familiaux.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement concerne plus particulièrement le milieu rural. Si je suis, pour ma part, une citadine, ce n'est pas le cas de tous les autres signataires !
C'est un amendement très technique,...
M. Roland Muzeau. C'est une commande du Gouvernement !
Mme Catherine Procaccia. ... qui vise à parfaire les dispositifs d'accueil familial des personnes âgées ou des adultes handicapés.
Il s'agit, au-delà des formes de placement traditionnelles, que nous connaissons tous, dans les maisons de retraite, les foyers d'accueil ou les maisons d'accueil spécialisées, d'offrir une autre solution judicieuse en milieu rural, où l'habitat est, on le sait, disséminé, ce qui rend l'accueil beaucoup plus difficile à organiser.
Il s'agit de placer dans des familles dûment agréées par le président du conseil général des personnes âgées ou handicapées. Naturellement, le contrôle est conforme à tous les règlements en vigueur du code du travail relatifs à l'action sociale.
Ce texte a fait l'objet d'une large concertation avec la direction des relations du travail du ministère chargé de l'emploi et avec la direction générale de l'action sociale du ministère de la santé et des solidarités.
L'adoption de cet amendement permettra à ces employeurs que sont les personnes âgées ou handicapées accueillies d'avoir le choix de s'adresser soit à des institutions ou à des établissements agréés, comme les maisons de retraite ou les foyers d'accueil, soit tout simplement à un groupement d'employeurs local constitué à cet effet, ce qui évite une fonctionnarisation systématique du dispositif.
Il s'agit de rendre le plus souple possible le placement familial afin d'encourager son développement, car c'est le seul mode de placement qui permette aujourd'hui d'éviter le déracinement de la personne, laquelle se considère souvent dans l'antichambre de la mort dès qu'elle est éloignée de son lieu de vie habituel.
Cet amendement nous semble donc très humaniste.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission souhaiterait recueillir l'avis du Gouvernement sur cet amendement visant à créer un statut d'accueillant familial sur le modèle de celui des assistants familiaux.
A priori, cette disposition semble bienvenue, mais elle est d'une grande technicité, car il s'agit en particulier d'ouvrir la possibilité de salarier les accueillants familiaux dans le cadre d'un emploi par une personne morale de droit privé ou public.
L'amendement ne revient toutefois pas sur la possibilité, pour les personnes accueillies ou leurs représentants, de salarier eux-mêmes les accueillants familiaux, ni surtout sur le principe fondateur de l'accueil familial, qui repose sur un engagement personnel pour un accompagnement responsable et continu des personnes accueillies dans leur vie quotidienne.
La commission est donc a priori favorable à cet amendement mais, étant donné la grande technicité du texte, dont chacun est en mesure de percevoir l'importance et la portée, elle souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage la volonté des parlementaires de diversifier les formes de prise en charge des personnes âgées dépendantes et des adultes handicapés.
Je me souviens fort bien de structures d'accueil que j'ai pu visiter lorsque j'étais chargée des personnes âgées, et qui permettaient effectivement que des personnes âgées soient accueillies dans des conditions tout à fait intéressantes. En particulier, des réponses pertinentes étaient apportées à cette difficulté très grande que constitue aujourd'hui la solitude pour les personnes âgées.
On s'accorde à reconnaître, me semble-t-il, qu'il y a non pas une réponse unique à la question du vieillissement de la population de notre pays, mais une palette de réponses.
Au travers de cet amendement, nous permettrons à l'accueil familial de progresser. C'est là un mode de prise en charge qui mérite d'être développé, puisque 9 000 accueillants ont été agréés par des conseils généraux et que 13 000 personnes sont aujourd'hui accueillies de cette façon.
Cet amendement permettra donc de favoriser grandement ce type d'accueil. Je crois que cela est bon pour les personnes âgées de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je voudrais féliciter Mme Procaccia d'avoir très bien présenté un amendement dont l'origine se trouve probablement chez Mme Vautrin... (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. In cauda venenum !
M. Roland Muzeau. Mon propos n'a rien de méchant ! Cela me fait penser à une discussion récente que nous avions eue lors de l'examen du projet de loi de modernisation du dialogue social : sur toutes les travées, on s'était juré de ne plus jamais présenter un amendement pour le compte d'un lobby ou du Gouvernement ! Nous parvenons au terme de la législature, mais je crois que cette pratique subsistera dans l'avenir...
Quoi qu'il en soit, nous nous abstiendrons sur cet amendement, pour une raison qui est plus sérieuse que les petits propos que je viens de tenir : nous considérons en effet que nous n'avons pas disposé de suffisamment de temps pour examiner un amendement aussi lourd - pour un amendement technique, il pèse tout de même son poids ! - et pour nous forger une opinion très fouillée.
Par conséquent, nous ne voterons pas contre cet amendement, eu égard à ce qui vient de nous en être dit, mais, très sincèrement, nous ne saurions affirmer que nous avons pu pleinement mesurer sa portée.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je serai très bref, mon collègue Roland Muzeau ayant exprimé ma pensée.
Il paraît tout de même un peu léger et peu judicieux d'adopter en cette fin d'après-midi un amendement aussi lourd d'engagements sans pouvoir mieux évaluer la portée de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Je fais miens les propos de MM. Muzeau et Collombat.
Cet amendement vise les accueillants familiaux qui hébergent à leur domicile des personnes âgées ou handicapées. Selon ses auteurs, il s'agit de doter les accueillants familiaux d'un statut salarié analogue à celui des assistants maternels.
A priori, on ne peut qu'approuver une telle intention.
Toutefois, un détail a attiré notre attention : l'amendement, ainsi d'ailleurs que l'exposé des motifs, indique que l'accueillant familial sera éventuellement salarié d'une personne morale publique ou privée, sans que celle-ci soit obligatoirement une institution ou un établissement.
De quelle sorte de personne morale s'agit-il ? Si ce n'est ni une institution ni un établissement, peut-on imaginer qu'il s'agisse d'une entreprise privée ? Et si l'accueillant familial est salarié, comment peut-on écrire que, pendant la durée des congés, les personnes accueillies resteront sous sa responsabilité, alors qu'il est lié à son employeur, la personne morale, par un lien de subordination ?
Dans sa rédaction actuelle, et alors que se développent les enseignes de services à la personne montées par des banques et des multinationales, cet amendement contient nombre de dangereuses ambiguïtés. Il présente aussi le risque de voir se distendre le lien entre les accueillants familiaux et les personnes âgées accueillies. En cela, il modifie profondément l'esprit de la loi.
Une décision aussi lourde de conséquences ne peut être prise au débotté, sans aucune concertation avec les personnes concernées, aussi bien les accueillants que les personnes accueillies.
Une véritable proposition de loi, faisant l'objet d'un examen approfondi, serait pour le moins nécessaire afin de s'assurer que toutes les garanties sont apportées pour assurer un accueil décent des personnes âgées.
Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 7.
Article 7
Après l'article L. 117-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 117-3. - Il est créé une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine.
« Cette aide est ouverte aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen, en situation régulière, vivant seuls :
« - âgés d'au moins soixante-cinq ans ou d'au moins soixante ans en cas d'inaptitude au travail ;
« - qui justifient d'une résidence régulière et ininterrompue en France pendant les quinze années précédant la demande d'aide ;
« - qui disposent en France, au moment de la demande et pendant leurs séjours ultérieurs, d'un logement dont les caractéristiques répondent aux normes pour l'attribution de l'aide personnelle au logement définie au titre V du livre III du code de la construction et de l'habitation, ou à l'allocation de logement sociale définie au titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale ;
« - dont les revenus sont inférieurs à un seuil fixé par décret en Conseil d'État ;
« - et qui effectuent des séjours de longue durée dans leur pays d'origine.
« Son montant est calculé en fonction des ressources du bénéficiaire. Elle est versée annuellement et révisée, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année.
« L'aide est supprimée lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est plus remplie.
« L'aide est cessible et saisissable dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Toutefois, elle ne l'est que dans la limite de 90 % au profit des établissements hospitaliers et des caisses de sécurité sociale pour les frais d'hospitalisation.
« Elle est servie par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.
« Elle est exclusive de toute aide personnelle au logement et de tous minima sociaux.
« Les conditions donnant droit au bénéfice de la prestation concernant la résidence, le logement, les ressources et les séjours dans le pays d'origine, ainsi que les modalités de calcul et de versement de l'aide, sont définies par décret en Conseil d'État. Les autres modalités d'application, concernant notamment le contrôle des conditions requises, sont définies par décret. »
La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l'article.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite intervenir à titre personnel pour soutenir cet article dont la portée est déterminante pour les conditions de vie des « chibani », qui sont de vieux migrants étrangers résidant dans notre pays dans des conditions difficiles.
C'est un sujet que je souhaitais soumettre à l'examen du Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006. Mais des contraintes techniques m'avaient contraint à retirer mon amendement, et je souhaite vous faire part de ma satisfaction de voir la situation préoccupante des vieux migrants prise en compte dans ce texte.
En effet, ces étrangers sont venus en France dans les années soixante et soixante-dix pour travailler et, le plus souvent, envoyer une partie de leurs revenus à leur famille restée au pays. Ces hommes vivent seuls, et surtout sans leurs proches. Ils pensaient repartir chez eux à l'âge de la retraite. Ils ne peuvent pourtant pas effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d'origine et ainsi accomplir le rapprochement familial dont ils rêvent depuis longtemps.
Une étude menée par la Fondation Hassan II conclut que 63 % des ressortissants marocains de plus de soixante-cinq ans souhaiteraient retourner dans leur pays s'ils en avaient les moyens économiques.
En parallèle, la demande de places en foyer de travailleurs migrants et en résidence sociale est très forte et difficile à satisfaire, à tel point que plusieurs gestionnaires de ces foyers expérimentent un système de location alternée permettant de loger jusqu'à quatre personnes dans la même chambre, trois mois par an chacune.
Cette solution est tout à fait intéressante pour des séjours ponctuels et peut au demeurant faciliter la libération de nouvelles places d'hébergement, ces places qu'il va falloir encore multiplier avec la mise en oeuvre du projet de loi que nous discutons.
Encore faudra-t-il que ces vieux migrants bénéficient des moyens nécessaires pour que leur rapprochement familial soit rendu possible. C'est le sens de l'article 7, qui crée une aide à la réinsertion de ces personnes dans leur pays d'origine.
Sur le plan humain, c'est une mesure juste, car ces chibani vivent depuis de nombreuses années séparés de leur femme et de leurs enfants, et aspirent légitimement à retrouver leurs proches.
Sur le plan de la solidarité, c'est pour notre pays une juste reconnaissance des sacrifices qu'ils ont consentis à la faveur du développement économique de la France.
Sur le plan financier, aucune dépense nouvelle ne sera nécessaire pour la mise en place de cette allocation, car cette dernière remplacera des aides auxquelles ils ne pourront plus prétendre.
Enfin, dans le contexte difficile des banlieues que nous connaissons, il est important de montrer aux jeunes Français issus de l'immigration que la République sait traiter dignement leurs aînés qui ont contribué au développement de notre pays par leur travail.
Aussi soutiendrai-je cet article si important pour les quelque 37 000 personnes concernées par le dispositif qui nous est proposé. Je veux remercier le Gouvernement qui a su montrer une fois encore qu'il est à l'écoute des personnes en situation difficile et y répondre par des mesures concrètes, comme c'est le cas ici en matière de droit au logement.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Comme de nombreux textes présentés par le Gouvernement au cours de cette législature, ce projet de loi prévoit, en plus des dispositions les plus médiatiques ayant trait à son objet principal - l'opposabilité du droit au logement -, un second volet fourre-tout supposé contenir des mesures en faveur de la cohésion sociale.
Pour mémoire, la loi de programmation pour la cohésion sociale s'était vu greffer lors de sa discussion en 2004 un titre consacré aux licenciements économiques qui avait avant tout pour but de faciliter ces derniers. Une fois de plus donc, le Gouvernement profite de l'affichage d'un texte social pour faire passer des mesures pénalisantes, socialement moins-disantes, voire discriminantes pour certaines d'entre elles.
Avec le talent qu'on leur connaît, nos rapporteurs ont présenté positivement les articles 7 et 9, considérant le premier comme favorable aux vieux migrants, et le second comme favorisant une régulation harmonieuse de la circulation des citoyens de l'Union européenne.
En fait, il s'agit non pas du tout de promouvoir la solidarité nationale envers les plus fragiles en reconnaissant des droits liés à la personne, mais d'introduire de nouvelles inégalités entre les droits des uns, les Français, et ceux des autres, c'est-à-dire les vieux migrants ou certains ressortissants communautaires.
Je reviendrai sur l'article 9 qui, sous couvert de transposition de directive européenne, vise clairement à exclure du bénéfice de l'attribution du RMI, de la CMU et des prestations familiales l'ensemble des ressortissants de l'Union européenne venant en France pour travailler, c'est-à-dire principalement les Roumains ou les Bulgares.
Je tiens à insister sur les dispositions de l'article 7 traitant de la vie des chibani, ces retraités d'Afrique du Nord, parce que là, monsieur le ministre, si je peux me permettre l'expression, la ficelle est un peu grosse !
Le décalage est énorme entre les déclarations généreuses de nos dirigeants les plus élevés et la réalité des faits, bien moins reluisante. Si l'on s'en tient à l'exposé des motifs ou au commentaire du rapporteur de la commission des affaires sociales sur cet article, il est possible de penser qu'effectivement ce gouvernement, en créant un nouveau mécanisme à certains égards inédit, consacre enfin les droits sociaux auxquels les vieux migrants peuvent prétendre.
Si vous devez intervenir aujourd'hui, c'est tout simplement parce que, hier, ce même gouvernement - le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur Borloo ! - a grignoté les droits au minimum vieillesse des vieux migrants. Souvenez-vous de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 !
Le droit européen sert d'alibi, mais il n'a rien à voir avec l'arrêt de l'exportation du premier niveau du minimum vieillesse, qui reste exportable pour ceux qui ont liquidé leur retraite avant le 1er janvier 2006. Quant au second étage du minimum vieillesse - l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse -, la France a décidé de ne pas le rendre exportable en l'inscrivant sur la liste des prestations non exportables au sein de l'Espace économique européen.
À tout moment, vous pourriez décider qu'il en soit autrement. Vous pourriez considérer qu'il ne faut plus lier cette allocation non contributive à une condition de résidence stable en France. Tel n'est pas votre choix, et nous le regrettons, comme je vous l'ai indiqué lors de votre audition par la commission des affaires sociales, monsieur le ministre. Pour tenter de résoudre la situation des vieux travailleurs perdant le minimum vieillesse, vous proposez à ces derniers une aide à la réinsertion familiale et sociale.
Mais, comme l'Association des travailleurs maghrébins de France n'a pas manqué de le remarquer, derrière les belles promesses, vous portez un mauvais coup à ces personnes qui n'ont pu bénéficier du regroupement familial, qui ne disposent pas de la liberté d'aller et venir, qui ont vécu et travaillé en France dans des conditions pour le moins indignes, voire inhumaines, sans obtenir en retour ni la considération due ni surtout les droits sociaux communs acquis par toute personne travaillant sur notre territoire.
L'aide financière dont il est question vise exclusivement les vieux migrants vivant en foyer s'engageant à effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d'origine. Elle est exclusive de toute aide personnelle au logement et de tous minima sociaux. Vous recyclez donc les aides au logement. Il apparaît clairement que votre objectif est avant tout comptable, qu'il participe du développement des pratiques de l'ex-Sonacotra comme des chambres partagées, afin de faire face à la pénurie du logement.
Nous peinons à croire à vos préoccupations humanitaires dans la mesure où - ce sont là les failles du dispositif - la question du droit à l'assurance maladie est occultée, les conditions donnant droit au bénéfice de la prestation étant renvoyées à un décret en Conseil d'État. Une condition de résidence ou de durée de séjour sera-t-elle requise ? Le montant de l'allocation sera-t-il strictement égal à celui du minimum vieillesse ? Les bénéficiaires garderont-ils leur carte de résident ? Devront-ils pointer ? Voilà autant de questions sur lesquelles nous attendons une réponse avant de nous prononcer sur cet article.
Mais un amendement de dernière minute portant le numéro 290, vient de nous être distribué. Lors de votre audition, monsieur le ministre, je vous ai interrogé, ainsi que M. le rapporteur, sur le maintien des droits à l'assurance maladie. Vous m'avez tous deux répondu qu'il n'y avait aucun problème, que ces travailleurs ne tomberaient pas dans le régime de l'aide médicale d'État. J'avais enregistré votre réponse mais, à la lecture du texte, il me semblait bien que cela n'apparaissait pas.
Nous n'étions pas loin de la vérité, car l'amendement que vous venez de déposer vient corriger l'une des dispositions inscrites dans le code de la sécurité sociale en y dérogeant, ce qui va fort heureusement dans le bon sens. Cette mesure faisait l'objet de l'un de nos amendements. Je suis donc satisfait par cette réponse concrète, à défaut d'en obtenir sur toute une série d'autres questions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Nous en arrivons à cet article 7, qui nous laisse, comme vous venez de l'entendre à travers les propos de mon collègue Roland Muzeau, un goût d'inachevé, pour ne pas dire un goût amer.
En effet, vous créez un droit nouveau, ce qui en soi devrait nous satisfaire. Mais, sous couvert de ce droit qui prend la forme d'une aide aux personnes âgées étrangères ayant un pied dans deux mondes - celui où elles ont travaillé et acquis durement des droits à la retraite et l'accès aux soins, c'est-à-dire la France, et celui où vit bien souvent leur famille, c'est-à-dire leur pays d'origine -, cet article 7 va permettre au Gouvernement de réaliser des économies. En même temps, ce dernier répond à la pression des gestionnaires pour faire de la place dans les foyers, sans pour autant reconnaître à ces vieux migrants le droit d'aller et venir, ce qui impliquerait des droits à la personne et non au lieu de résidence.
Vous proposez à ces personnes appelées couramment « chibani », ce qui signifie en arabe littéraire « cheveux blancs », envers qui la France a pourtant un devoir de mémoire et de vérité, une aide au retour qui ne répond en rien à leur exigence d'un véritable droit attaché à leur personne.
Il n'est pas besoin ici de rappeler que leur va-et-vient permanent résulte de notre histoire et, qu'une fois arrivés en France pendant les Trente Glorieuses, alors que notre pays avait besoin de bras pour se reconstruire, ils ont travaillé dur dans des conditions précaires et ont été bien souvent spoliés par des entrepreneurs peu scrupuleux qui n'ont pas hésité, pour certains, à les embaucher au noir, et donc à ne pas verser la totalité des cotisations de retraite. Ces travailleurs migrants ont mené une vie effacée et empreinte de solitude, car certains d'entre eux ont laissé leur famille au pays compte tenu des règles d'immigration qui prévalaient à cette époque.
Aujourd'hui, ces chibani perçoivent les minima sociaux et sont pour la grande majorité d'entre eux dans un état de santé précaire. Ces hommes, qui ont toujours pensé rejoindre leur famille, n'arrivent pas à quitter définitivement la France, pour laquelle ils ont un profond attachement, pour retourner dans un pays qui a beaucoup changé. D'autant, et c'est bien normal, qu'ils ne veulent pas renoncer à l'accompagnement sanitaire et social dont ils ont besoin et auquel ils ont droit !
Mais contre toute attente, monsieur le ministre, le Gouvernement a pris des mesures allant à l'encontre de ce que ces chibani réclament.
En premier lieu, comme mon collègue Roland Muzeau vient de le rappeler, lors de la discussion très récente du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, soit en décembre 2005, vous avez fait adopter, dans le souci de réaliser des économies, la suppression d'une disposition du code de la sécurité sociale qui permettait d'exporter le minimum vieillesse, en prétextant le droit européen. La France a ainsi inscrit le minimum vieillesse dans la liste des prestations ne pouvant être exportées, alors que l'Europe ne l'y obligeait pas !
Aujourd'hui, c'est ce même souci de réduire à tout prix les dépenses de l'État et, dans le même temps, de libérer des places dans les foyers de l'ex-Sonacotra, dénommée aujourd'hui « Adoma », qui sous-tend cet article, et ce au détriment des chibani.
Vous proposez en effet une allocation équivalente à l'aide au logement des bénéficiaires de telle sorte - je vous cite, monsieur le ministre - qu'« elle ne créera aucune charge nouvelle pour l'État », et vous leur supprimez leur minimum vieillesse !
En outre, cette allocation est restrictive, car les couples, les propriétaires, les personnes dépourvues d'aides au logement, les vieux migrants ayant acquis la nationalité française et les ressortissants de l'Union européenne en sont exclus. Il s'agit donc d'une mesure discriminatoire !
Nous avons une autre inquiétude, peut-être la plus importante, mais j'espère que vous nous rassurerez avec cet amendement n° 290 déposé en dernière minute, monsieur le ministre. En effet, pour le moment, vous ne garantissez pas aux vieux migrants l'accès aux soins, auquel ils ont pourtant droit, dans la mesure où ils ne répondront plus à la condition de résidence de plus de six mois posée par le code de la sécurité sociale. Dans le texte initial, seul l'accompagnement en fin de vie est prévu.
Après s'être usés au travail chez nous, ils se voient interdire le droit de se faire soigner en France, mais ont le droit d'y mourir ! Cette aide sera bien sûr au choix du bénéficiaire, mais ce choix sera fait de manière irréversible, alors que le Gouvernement se réserve le droit d'y revenir dans trois ans.
Finalement, monsieur le ministre, il n'est plus question de reconnaissance, de justice et de progrès social, des thèmes qui pourtant, me semble-t-il, vous tenaient à coeur !
C'est plutôt la même logique discriminante que celle qui inspire la question des pensions des anciens combattants partiellement résolue grâce à la mobilisation autour du film Indigènes ! Dois-je le rappeler, la revalorisation proposée ne touche que la retraite du combattant ; quant à la décristallisation des pensions, que nous exigeons depuis des années, elle n'est toujours pas décidée.
À la lumière de ces constats, le groupe CRC a déposé un amendement afin que le rêve que ces hommes ont fait de vivre un jour avec une retraite digne aux côtés de leur famille devienne réalité. Nous insistons dans cet amendement sur leur droit à l'assurance maladie - nous serons donc très attentifs à l'amendement n° 290 - mais aussi sur le montant et la réversibilité de cette aide, tout en permettant au Parlement d'être partie prenante de cette disposition en supprimant la définition par décret des autres modalités d'application, concernant notamment le contrôle des conditions requises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions de l'article 7 concernent une catégorie spécifique de retraités : les « chibani ».
Derrière ce mot plein de respect et d'affection se dissimulent des hommes vieux, seuls, pauvres, souvent analphabètes. Leur existence au quotidien tourne autour du foyer de l'ex-Sonacotra et de parties de dominos. Le pécule qu'ils envoient à leur famille restée au pays légitime, à leurs yeux, leur existence.
De nombreux chibani ont mené une vie professionnelle faite de contrats courts, non déclarés et mal rémunérés, dans le bâtiment et l'agriculture, deux secteurs qui, dans le passé, étaient réputés pour les libertés qu'ils prenaient avec le droit du travail.
N'ayant eu d'autres choix que de travailler clandestinement et n'étant pas informés de leurs droits, les chibani ne bénéficient aujourd'hui que d'une retraite contributive d'un montant moyen de 150 euros, complétée par des aides au logement et par le minimum vieillesse.
En adoptant l'article 7, nous permettrions à cette catégorie de retraités pauvres de pouvoir retourner chez eux pour des périodes longues, tout en préservant leurs ressources.
Il s'agit avant tout d'une question de dignité : dignité pour ces anciens, d'une part ; dignité pour la République, d'autre part. C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues Guy Fischer, Valérie Létard et Alima Boumediene-Thiery, nous avions évoqué la situation dramatique des anciens migrants en 2005, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans grand succès à l'époque. J'ai encore en mémoire la réponse particulièrement dure du ministre.
Monsieur le rapporteur, j'ai apprécié la qualité et la tonalité de votre rapport sur cet article. J'émettrai toutefois une réserve : vous prenez soin de préciser que l'aide envisagée représente « dans les pays en voie de développement un montant plusieurs fois supérieur, en termes de parité de pouvoir d'achat, à son niveau relatif en France ». J'espérais que l'émotion soulevée par le film Indigènes sur la cristallisation des pensions allait sonner le glas de ce genre d'arguments...
Mme Annie David. Eh non !
Mme Bariza Khiari. Vous reconnaissez avec pertinence, monsieur le rapporteur, l'aspect novateur, je dirai même précurseur, de ce dispositif, qui constitue une première étape rendant effectif le droit à la mobilité.
La situation de ces migrants vieillissants et les mouvements migratoires en général nous obligent à imaginer des droits nouveaux, inédits, adaptés à la mobilité.
Ce droit de l'homme fondamental, consacré par le droit international, notamment par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, doit, comme tout droit, être imaginé et organisé.
À cet égard, la création de cette aide constituerait une première étape dans la mise en oeuvre d'une mondialisation maîtrisée et solidaire. En effet, elle permet une approche renouvelée de la question migratoire : l'enjeu est d'accompagner la création d'un droit émergent à la mobilité et de le consolider par des garanties adaptées.
Nous aimerions donc avoir des précisions sur les garanties suivantes : l'accès au droit avec la garantie d'une information effective des migrants, le maintien de l'accès aux soins, quelle que soit la durée de résidence - c'est l'objet de l'amendement n° 92 rectifié -, le renouvellement de leur carte de résidence, la réversibilité du dispositif, la pérennité de cette aide.
Je connais les convictions qui vous portent dans ce dossier, monsieur le ministre. J'attends de votre part des explications claires sur les différents points qui permettront aux chibani de faire un choix éclairé.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par les orateurs qui m'ont précédé, particulièrement par Bariza Khiari.
C'est en tant que président du groupe sénatorial d'amitié France-Algérie que j'interviens. Je croise en effet de temps en temps dans les aéroports ces anciens travailleurs.
Pour ma part, je voterai l'article 7, mais à deux conditions.
La première, c'est que les procédures administratives soient simplifiées. Ces personnes sont souvent analphabètes, et il ne faut donc pas leur réclamer de multiples justificatifs.
La seconde condition - et je m'adresse en particulier à M. le rapporteur -, c'est que le dernier amendement qui a été déposé par la commission ne soit pas adopté. L'objet de cet amendement est de permettre de relever et de mémoriser « les empreintes digitales, ainsi qu'une photographie des bénéficiaires de l'aide », qui pourront « faire l'objet d'un traitement automatisé ».
Je trouve en effet inacceptable et humiliant...
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Claude Domeizel. ... que l'on demande à ces personnes d'être photographiées et que l'on relève leurs empreintes digitales. Ces travailleurs, qui font toujours preuve d'un grand respect à l'égard de la France et de notre république, doivent être traités dignement.
Demande de priorité
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la présidente, je demande l'examen par priorité de l'amendement n° 290, déposé par le Gouvernement et tendant à insérer un article additionnel après l'article 7. Cet amendement vise à faire la synthèse des préoccupations qui ont été exprimées sur l'ensemble des travées, concernant notamment les problèmes de santé, sujet compliqué.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Il n'y a pas d'opposition ? ...
La priorité est ordonnée.
Article additionnel après l'article 7 (priorité)
Mme la présidente. L'amendement n° 290, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article L. 311-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa et à toutes dispositions contraires, le bénéficiaire de l'allocation de réinsertion familiale et sociale des anciens migrants a droit, lors de ses séjours en France, au bénéfice des prestations en nature des assurances maladie et maternité du régime obligatoire d'assurances maladie et maternité dont il relevait au moment de son départ ou, à défaut, du régime général de sécurité sociale. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je ne reviendrai pas sur le fond.
L'article 7, qui concerne les chibani, nous tient particulièrement à coeur. Sur ce sujet, nous avons eu à faire face à un grand nombre de difficultés, à l'échelon tant français qu'international, à des problèmes législatifs et de discrimination, à des risques d'effet d'aubaine. Le parcours fut très compliqué. Nous avons à de nombreuses reprises été aidés par le Conseil d'État. Je tenais à rassurer la Haute Assemblée à cet égard. Ce texte ne vise donc que ceux qu'il doit concerner.
Par ailleurs, nous avions le souci qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés.
Les précisions demandées sur l'ensemble de ces travées concernaient le droit à la santé. Après de nombreux travaux, il est apparu que, compte tenu de la combinaison des articles L. 161-25-1 et L. 115-6, une rédaction spécifique n'était pas nécessaire s'agissant de la santé.
Après en avoir débattu, après avoir lu vos amendements, écouté vos interrogations, mesdames, messieurs les sénateurs, et afin qu'il n'y ait aucun doute, nous vous proposons une rédaction synthétique, probablement superfétatoire, mais l'inquiétude individuelle est telle sur ce sujet qu'il importe que les choses soient écrites noir sur blanc.
Il me semble que tous les cas ont été prévus dans l'amendement n° 290. Si vous adoptez cet amendement de synthèse générale, tout le monde, me semble-t-il, sera donc rassuré.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Je remercie M. le ministre d'avoir proposé une rédaction compatible avec le code de la sécurité sociale, rédaction qui répond à nos angoisses, à nos interrogations, et qui apporte des garanties sur un sujet extrêmement important. Compte tenu de la fatigue, de l' « usure » de ces vieux migrants, il nous semblait important de garantir l'accès au droit à la santé. C'est chose faite avec cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, l'amendement n° 290 me satisfait. Comme vous l'avez rappelé, nous avions déjà eu ce débat en commission, lors de votre audition. Vous nous aviez alors apporté des précisions oralement, considérant que les choses étaient évidentes, même si, à la lecture du projet de loi et des documents à notre disposition, elles ne l'étaient pas pour nous.
Vous apportez aujourd'hui une précision fort utile. Cet amendement vient juste de nous être soumis et je n'ai pas le code de la sécurité sociale sous les yeux, mais je suppose qu'il correspond à ce que nous demandons. Sous cette réserve, nous le voterons.
Par ailleurs, j'espère vivement que, lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale et en commission mixte paritaire, aucun mauvais coup ne sera porté à cette précision tout à fait indispensable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous nous réjouissons de cet amendement et nous sommes satisfaits que les chibani aient l'assurance de pouvoir bénéficier d'une protection sociale lorsqu'ils seront sur notre territoire ; mais, monsieur le ministre, nous avons d'autres sujets d'inquiétude, en particulier le montant de cette allocation, point que nous avons soulevé dans notre amendement n° 110 rectifié.
Je suis véritablement très inquiète concernant le montant que toucheront les vieux migrants s'ils font le choix de retourner chez eux. Bariza Khiari en a parlé, certains d'entre eux perçoivent une retraite d'environ 150 euros.
Qu'advient-il de leur minimum vieillesse, qui leur permet d'avoir un revenu digne ? Qu'en est-il également de la réversibilité de cette aide ?
Un bilan sera fait dans trois ans, monsieur le ministre. Si, de votre point de vue, ce bilan est négatif, à savoir si cette aide coûte trop cher, que ferez-vous ? Reviendrez-vous complètement sur cette aide ? Dans ce cas, quels choix auront les chibani ? Si vous décidez de modifier cette aide, les personnes concernées pourront-elles revenir en arrière ? Ou devront-elles subir de plein fouet les changements que vous déciderez ?
J'ai donc encore de nombreuses autres interrogations, sur lesquelles je reviendrai au cours de l'examen de l'article 7.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Article 7 (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons l'examen de l'article 7.
Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 85, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 110 rectifié, présenté par Mme David, M. Ralite, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Après l'article L. 117-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 117-3. - Il est créé une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine :
« - âgés d'au moins soixante-cinq ans ou d'au moins soixante ans en cas d'inaptitude au travail ;
« - qui justifient d'une résidence régulière et ininterrompue en France pendant les quinze années précédant la demande d'aide ;
« - qui disposent en France, au moment de la demande et pendant leurs séjours ultérieurs, d'un logement dont les caractéristiques répondent aux normes pour l'attribution de l'aide personnelle au logement définie au titre V du livre III du code de la construction et de l'habitation, ou à l'allocation de logement sociale définie au titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale ;
« - dont les revenus sont inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance ;
« - et qui effectuent des séjours de neuf mois au minimum dans leur pays d'origine.
« Son montant est au moins égal au minimum vieillesse perçu par le bénéficiaire. Elle est versée annuellement et révisée, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année.
« À chaque date anniversaire, le bénéficiaire peut revenir à son ancien régime.
« L'aide est supprimée lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est plus remplie.
« L'aide est cessible et saisissable dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Toutefois, elle ne l'est que dans la limite de 90 % au profit des établissements hospitaliers et des caisses de sécurité sociale.
« Elle est servie par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. »
II. - Les droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme je l'ai déjà souligné lors de mon intervention sur l'article, l'aide créée par ce texte est selon nous discriminatoire, inéquitable, floue, même si elle l'est un peu moins depuis l'adoption de l'amendement n° 290. De plus, elle n'est pas réversible.
L'amendement n° 110 rectifié vise donc à une nouvelle rédaction de l'article 7.
En premier lieu, la mesure que vous proposez exclut de fait les couples, les propriétaires, les personnes dépourvues d'aide au logement, parmi lesquelles des milliers d'étrangers hébergés par des membres de leur famille ou ceux qui habitent des logements insalubres ou des hôtels meublés. Autrement dit, l'ensemble des personnes qui ne perçoivent pas d'aide au logement en sont exclues, ce qui permet au Gouvernement de ne pas engager de dépenses supplémentaires.
En outre, sont exclus de ce dispositif les ressortissants de l'Union européenne, ce qui est juridiquement contraire au droit communautaire.
Monsieur le ministre, la logique comptable qui vous anime prend le pas sur l'équité de traitement et vous conduit à proposer une mesure discriminante, que notre amendement vise donc à supprimer.
Par ailleurs, l'aide est également exclusive du minimum vieillesse. Autrement dit, non content de financer cette mesure par redéploiement, vous allez même réaliser quelques économies. Or, nous estimons que cette prestation sociale est un dû, que l'on ne peut en aucun cas supprimer.
En effet, si ces vieux migrants perçoivent le minimum vieillesse, et non une retraite à taux plein, c'est souvent en raison des pratiques illégales de certains employeurs ou encore de fréquents accidents ou maladies liés à leur emploi !
Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous rappelle que les personnes seules qui perçoivent le minimum vieillesse sont considérées comme « pauvres ». En décidant de leur supprimer cette prestation, vous aggraverez considérablement leur précarité. C'est pourquoi nous proposons que l'aide versée soit au moins égale au montant du minimum vieillesse.
En outre, le dispositif que vous présentez n'est a priori pas réversible. Or, on peut imaginer que, pour des raisons de santé notamment, certains d'entre eux aient besoin de séjourner pour une période indéterminée en France. La non-réversibilité de leur choix contrevient donc à leurs intérêts, mais influe également sur leur liberté de circuler entre leurs deux pays. Vous prévoyez un bilan d'ici à trois ans, mais pour réserver quel sort à cet article ? Là encore, la question reste sans réponse... Nous vous proposons donc de permettre cette réversibilité.
Le problème de l'accès aux soins a été résolu par l'amendement n° 290 du Gouvernement que nous venons d'adopter, et je n'y reviendrai donc pas.
Enfin, pour que l'ensemble des questions liées à cet article n'échappe pas à la représentation nationale, je vous propose d'en spécifier d'emblée les modalités d'application et donc de supprimer toute référence à des décrets.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les chibani, en dépit de leur rôle incontournable dans le développement économique et social de notre pays, que tout le monde s'accorde ici à reconnaître, sont aujourd'hui exclus de la reconnaissance sociale et, le plus souvent, de la mémoire ouvrière. Il est plus que temps aujourd'hui d'honorer ces travailleurs de l'ombre devenus vieux en leur permettant de profiter pleinement et sereinement de leur retraite auprès de leur famille.
Mme la présidente. L'amendement n° 263, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 117-3. - Il est créé une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine.
« Cette aide est ouverte aux étrangers, ayant acquis ou non la nationalité française, en situation régulière:
« - qui bénéficient d'une prestation de l'assurance vieillesse ;
« - quel que soit leur mode d'hébergement en France ;
« - et qui effectuent des séjours de longue durée dans leur pays d'origine.
« Son montant est calculé en fonction des ressources du bénéficiaire. Elle est versée annuellement et révisée, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année. Le montant de la prestation, cumulé aux autres ressources, garantit des ressources d'un montant au moins égal à celui de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.
« L'aide est supprimée lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est plus remplie.
« Le bénéfice de l'aide est également supprimé à la demande des bénéficiaires, à tout moment, en cas de renonciation à effectuer des séjours de longue durée dans le pays d'origine. En cas de renonciation au bénéfice de cette aide, les bénéficiaires retrouvent tous les droits liés à la résidence».
« L'aide est cessible et saisissable dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Toutefois, elle ne l'est que dans la limite de 90 % au profit des établissements hospitaliers et des caisses de sécurité sociale pour les frais d'hospitalisation.
« Elle est servie par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.
« Elle est exclusive de toute aide personnelle au logement et de tous minima sociaux, mais ne remet pas en cause les droits liés à l'assurance maladie - Couverture maladie universelle Couverture maladie universelle complémentaire.
« Les conditions donnant droit au bénéfice de la prestation concernant la résidence, le logement, les ressources et les séjours dans le pays d'origine, ainsi que les modalités de calcul et de versement de l'aide, sont définies par décret en Conseil d'État. Les autres modalités d'application, concernant notamment le contrôle des conditions requises, sont définies par décret. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. À mon tour, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire combien je suis satisfaite par la mesure que vous venez de proposer ; elle ne fait que rendre justice, me semble-t-il, à ces personnes qui ont cotisé toute leur vie en France.
L'amendement n° 263 s'inscrit dans le prolongement de cette volonté d'aider à la réinsertion des anciens dans leur pays d'origine, en leur permettant enfin de bénéficier de l'assurance maladie et de la couverture maladie universelle.
Dans la mesure où vous venez d'accepter de garantir cette protection, monsieur le ministre, cet amendement a plutôt pour objet de vous interroger quant au caractère très sélectif du dispositif.
En effet, compte tenu de l'objectif que vous donnez à cette proposition, que je soutiens d'ailleurs, je ne trouve aucune raison valable pouvant justifier que cette aide ne s'applique qu'aux célibataires, aux bénéficiaires de l'aide au logement et à ceux qui résident en France de façon régulière et ininterrompue depuis quinze ans. J'avoue d'ailleurs que cette période de quinze ans m'étonne, puisque, en France, au bout d'une dizaine d'années, les cartes de résident de dix ans sont renouvelées pratiquement de droit.
Sont exclus de cette aide les ressortissants de l'Union européenne et les naturalisés Français, qui conservent d'ailleurs souvent la double nationalité. Une telle discrimination pourrait au demeurant être contraire au droit communautaire.
Sont exclus également les couples, les propriétaires, les personnes dépourvues d'aide au logement, parmi lesquels des milliers d'étrangers qui sont hébergés par les membres de leur famille, par des tiers, ou qui habitent dans des hôtels meublés. Évidemment, comme ceux-ci ne reçoivent pas d'aide au logement, on ne pourra pas faire l'économie de la suppression de cette dernière pour financer de nouvelles aides !
Ensuite, le dispositif requérant déjà une situation régulière, je me demande pourquoi il faudrait le durcir en exigeant une résidence ininterrompue de quinze ans en France. Permettez-moi de m'en étonner !
L'amendement vise donc à élargir l'aide à tous les anciens migrants en situation régulière en France qui bénéficient d'une prestation vieillesse. Il s'agit en quelque sorte de les ramener dans le droit commun. Il s'agit aussi, comme je le disais au début de mon propos, de leur rendre justice et de leur accorder tout simplement les mêmes droits qu'aux Français qui décident d'aller vivre leur retraite à l'étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Cette aide est à la charge de l'État.
II. - En conséquence, rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du même texte :
« Elle est ouverte aux étrangers...
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Après avoir entendu les interventions de nos collègues, j'aimerais faire la mise au point suivante.
J'approuve le principe inscrit dans cet article. J'ai d'ailleurs personnellement fait adopter un amendement prévoyant d'exclure cette aide de l'assiette de l'impôt sur le revenu, ce qui n'était pas prévu par le texte initial. Il s'agit donc d'un amendement de protection.
J'ai fait adopter plusieurs amendements en commission sur le fondement d'une interrogation d'ordre purement juridique, sur le risque de requalification juridique au niveau de l'Union européenne. Seule la préoccupation de protéger le système mis en place m'a guidé.
Je suis toujours inspiré, compte tenu de mes responsabilités sociales, par un principe de base de la lutte contre l'exclusion, à savoir rejoindre le droit commun, selon une formule que m'a enseignée Geneviève de Gaulle-Anthonioz : « l'accès de tous aux droits de tous ».
À ce titre, je ne veux pas faire de discrimination. Cher collègue Claude Domeizel, nous avons tous une carte d'identité sur laquelle figurent nos empreintes digitales. Je ne souhaite pas que l'on puisse dire, demain, que nous avons favorisé une certaine catégorie de personnes. C'est le seul motif qui m'a inspiré : il n'y a pas de stigmatisation !
C'est un amendement technique que je défendrai avec conviction, car toutes les cartes d'identité, dans notre pays, comportent des empreintes digitales ; il en est ainsi également de la mienne ! Par conséquent, monsieur Domeizel, je suis désolé que cette raison vous amène à ne pas voter cet amendement.
Madame Khiari, je suis désolé de l'interprétation qui a été faite de mon rapport. En écrivant que « cette prestation représente dans les pays en développement un montant plusieurs fois supérieur, en termes de parité de pouvoir d'achat, à son niveau relatif en France » - niveau de 1 à 3 -, il s'agissait, dans mon esprit, de montrer que l'on ne mettait pas les personnes en question en situation de pauvreté en leur permettant de retourner dans leur pays. Je voulais simplement souligner que le faible niveau de revenu assuré par cette prestation leur donnait la possibilité de vivre correctement. C'était mon unique inspiration. Je disais non pas qu'ils seraient riches là-bas, mais simplement qu'ils auraient les moyens de vivre. À ce titre, je n'ai pas eu de souci de revalorisation de l'allocation.
J'ai agi en mon âme et conscience par rapport au risque juridique. J'ai lu, monsieur le ministre, la note du Conseil d'État que vous avez bien voulu me transmettre, dans laquelle cette institution considère qu'il n'y a pas de risque majeur de requalification. Il existe simplement un tout petit risque. Nos correspondants à Bruxelles procédaient à une évaluation de même nature. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
J'indique d'ores et déjà que la commission est défavorable aux autres amendements qui, soit sont trop larges, soit visent à réécrire complètement le dispositif.
Mme la présidente. L'amendement n° 91 rectifié, présenté par Mme Khiari, MM. Godefroy, Repentin et Desessard, Mmes Printz, Le Texier, San Vicente-Baudrin, Demontès et Herviaux, MM. Madec, Caffet, Sueur, Guérini, Ries, Bockel, Collombat, Dauge, Lagauche, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles, remplacer mots :
vivant seuls
par les mots :
n'ayant pas fait de demande de regroupement familial
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. La rédaction de l'article 7 me paraît ambiguë : s'agit-il des vieux migrants vivant seuls sur le territoire français, ou bien vivant seuls dans leur logement ?
Il est tout à fait possible qu'un descendant d'un travailleur migrant soit entré en France de sa propre initiative, hors regroupement familial, et qu'il y ait établi un foyer. Son choix individuel ne modifie en rien la situation du père.
C'est pourquoi nous proposons de remplacer les mots : « vivant seuls » par la formule : « n'ayant pas fait de demande de regroupement familial », afin que la disposition prévue ne soit pas limitée.
Cet amendement vise surtout à obtenir des précisions de la part de M. le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 40, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
À la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
vivant seuls
ajouter les mots :
et qui en font la demande avant le 31 décembre 2009
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il est défendu, ainsi que les amendements nos 41 rectifié, 42 et 280.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 41 rectifié est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles :
« - qui sont hébergés, au moment de la demande, dans un foyer Adoma ou dans un logement à usage locatif dont les bailleurs s'engagent à respecter certaines obligations dans le cadre de conventions conclues avec l'État ;
L'amendement n° 42 est ainsi libellé :
Après le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette aide est versée dès lors que le bénéficiaire justifie d'une résidence d'au moins six mois dans le pays d'origine et d'au moins trois mois en France au cours de l'année civile considérée.
L'amendement n° 280 est ainsi libellé :
Après le huitième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu.
Ces amendements ont été défendus.
L'amendement n° 264, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice de l'aide est supprimé à la demande des bénéficiaires, à tout moment, en cas de renonciation à effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d'origine. En cas de renonciation au bénéfice de cette aide, les bénéficiaires sont réintégrés dans leurs droits liés à la résidence. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à garantir la réversibilité du dispositif d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine et la réintégration dans les droits liés à la résidence en cas de renonciation des bénéficiaires à effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d'origine.
Puisqu'il s'agit, selon l'exposé des motifs, « de faciliter les séjours de longue durée dans le pays d'origine des personnes immigrées à faibles ressources », l'aide créée ne peut se refermer comme un piège sur ceux qui souhaiteraient en bénéficier.
En effet, si vos intentions sont bonnes, rien ne devrait empêcher qu'un bénéficiaire puisse revenir sur sa décision !
Imaginez que quelqu'un ayant vécu trente, quarante, cinquante ans en France décide de rentrer dans son pays d'origine pour vivre avec son épouse. Si celle-ci meurt au bout d'un ou deux ans, il peut se retrouver seul, ses enfants vivant ailleurs. S'il décidait de revenir en France pour retrouver ses amis ou le reste de sa famille, il ne faudrait pas qu'il puisse perdre tous ses droits.
L'aide étant supprimée, si une condition exigée pour son service n'est plus remplie, un ancien migrant qui, pour une raison ou pour une autre, n'effectuerait pas cette année complète ou ce séjour de longue durée dans son pays d'origine perdrait le bénéfice de l'aide et se retrouverait d'un seul coup sans aucun droit.
Puisque le système, selon vos propres termes, monsieur le ministre, permet aussi une reconnaissance des sacrifices consentis par ces travailleurs au développement de notre pays, il ne peut être question pour un ancien migrant de perdre ainsi ses droits s'il veut revenir en France. Il est donc nécessaire de lui assurer la réversibilité du système.
Mme la présidente. L'amendement n° 93 rectifié, présenté par Mme Khiari, MM. Godefroy, Repentin et Desessard, Mmes Printz, Le Texier, San Vicente-Baudrin, Demontès et Herviaux, MM. Madec, Caffet, Sueur, Guérini, Ries, Bockel, Collombat, Dauge, Lagauche, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles :
« L'aide est servie par L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, qui est soumise à une obligation d'information écrite et orale concernant notamment le renouvellement de la carte de résident et l'accès aux soins en France et dans le pays d'origine.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. La méconnaissance de leurs droits par les anciens migrants est une réalité au sein d'une population en grande partie analphabète. Il est important de leur apporter une connaissance exacte des conditions d'octroi de l'aide. Ainsi, si un ancien migrant demeure plus de trois ans dans son pays d'origine sans en informer la préfecture ou le consulat, il risque de perdre le bénéfice du renouvellement de sa carte de résident.
De même, il est indispensable que le bénéficiaire de l'aide soit informé de l'évolution de la législation et de la réglementation s'y référant. La sécurisation de l'environnement juridique de l'aide est une condition de son effectivité.
Mme la présidente. L'amendement n° 262, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles par deux phrases ainsi rédigées :
Les bénéficiaires de l'aide conservent cependant leurs droits à l'assurance maladie et à la couverture maladie universelle complémentaire quelle que soit la durée de leur séjour hors de France. La condition de résidence pour l'accès à l'assurance maladie prévue par les articles L. 111-1 et L. 380-1 du code de la sécurité sociale et pour l'accès à la couverture maladie universelle complémentaire prévue à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas aux bénéficiaires de l'aide.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous ne pouvons que nous réjouir de l'annonce faite par M. le ministre selon laquelle ce projet de loi va enfin permettre aux anciens migrants, par la création d'une aide à la réinsertion familiale et sociale, de rentrer plus longtemps dans leur pays d'origine. Mais nombre de ces anciens migrants restent effectivement en France pour leur retraite, à contrecoeur, après y avoir longuement travaillé, juste pour ne pas perdre les droits pour lesquels ils ont cotisé toute leur vie. Les associations réclamaient donc cette mesure depuis longtemps.
Le texte proposé n'est malheureusement pas à la hauteur de cette annonce. Si le Gouvernement se plaît à déclarer que le système est idéal, car, globalement, aucune charge nouvelle ne sera créée pour l'État, les anciens migrants, eux, ont de quoi ne pas être entièrement satisfaits dans la mesure où la signature du contrat instauré par le texte et ouvrant droit à l'allocation spéciale leur fait perdre le bénéfice de l'assurance maladie ou de la couverture maladie universelle complémentaire.
En l'état actuel, le droit de bénéficier de cette assurance maladie est soumis à des conditions de résidence. Or il serait important pour nous que cette condition de résidence soit supprimée. Tel est l'objet de cet amendement.
Monsieur le ministre, je souhaiterais également que vous m'indiquiez les raisons qui empêchent encore de créer des droits liés à la personne, à plus forte raison en faveur de ceux qui, de par leur histoire, vivent une partie en France et une partie là-bas. Il serait bien pour ces étrangers de disposer exactement des mêmes droits que ces Français qui décident de passer leur retraite à l'étranger ou que les binationaux qui, eux, conservent leurs droits.
Mme la présidente. L'amendement n° 43, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après le douzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle ne constitue en aucun cas une prestation de sécurité sociale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement a déjà été défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 92 rectifié, présenté par Mme Khiari, MM. Godefroy, Repentin et Desessard, Mmes Printz, Le Texier, San Vicente - Baudrin, Demontès et Herviaux, MM. Madec, Caffet, Sueur, Guérini, Ries, Bockel, Collombat, Dauge, Lagauche, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions de durée de résidence mentionnées à l'article L. 311-7 du code de la sécurité sociale ne s'appliquent pas aux bénéficiaires de l'aide.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 290, je retire celui-ci.
Mme la présidente. L'amendement n° 92 rectifié est retiré.
L'amendement n° 44, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 117-3 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« Les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des bénéficiaires de l'aide peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent alinéa. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement a déjà été défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 290, je pense qu'un certain nombre d'amendements sont devenus sans objet. De toute façon, la commission avait émis un avis défavorable sur tous ces amendements.
Mes chers collègues, je vous invite donc à écouter l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie David. Quid de la réversibilité !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vais vous répondre, madame David. Ensuite, je me contenterai d'indiquer au Sénat l'avis favorable ou défavorable du Gouvernement, car, sur les différents sujets, nous voulons tous la même chose.
La réversibilité est automatique. Cependant, je ne vois pas d'inconvénient au fait de faire figurer cette notion dans le texte.
Le principe, c'est la liberté à tout instant. C'est la raison pour laquelle je suis hostile à l'instauration d'un délai, qu'il soit de six mois, de neuf mois ou de onze mois.
Mme Annie David. D'accord !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. On est d'accord ou non sur le principe. Mais, si l'on est d'accord, les choses sont assez simples : les droits acquis par le travail sur le territoire national ne sont plus soumis à une condition de résidence de neuf mois. Et cette mesure est à budget constant.
Dans ces conditions, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement et invite Mme Boumediene-Thiery à agir de même avec l'amendement n° 263. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 39.
Madame Khiari, vous auriez préféré remplacer les mots « vivant seuls » par les mots « n'ayant pas fait de demande de regroupement familial ». Notre rédaction vise tout simplement à prendre en compte les cas de divorce. En outre, une personne qui serait entre-temps devenue veuve n'entrerait pas dans le cas de figure. Les termes « vivant seuls » sont donc plus larges et plus conformes à la réalité.
Mme Bariza Khiari. Je suis contente d'entendre cette précision !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 290, j'imagine que les amendements nos 40 et 42 tombent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est Gravelotte ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 280 et, comme je l'ai déjà indiqué, sur l'amendement n° 264 visant à garantir la réversibilité du dispositif, ce qui devrait satisfaire les demandes de la commission.
S'agissant de l'amendement n° 262, soit il tombe, soit le Gouvernement émettra un avis défavorable, car, compte tenu des précisions apportées, il n'existe plus d'ambiguïté en matière d'accès aux soins.
Quant à l'amendement n° 44, il est d'ordre technique. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, il faut que le dispositif offre une très grande simplicité.
Le fait d'avoir un document ultrasécurisé et ultrasimplifié pour passer les frontières est indispensable. Je le rappelle, il s'agit de garantir la liberté d'aller et venir et non de « déstocker », ce qui n'a jamais été l'esprit du texte. Cet amendement vise donc à procéder à une simplification administrative. J'ai bien retenu vos propos ainsi que ceux d'un certain nombre d'intervenants : la méconnaissance du français dans bien des cas nécessite que l'on mette en place des procédures et des documents simples.
Sécurité et réversibilité, tel est, je crois, l'objet de l'amendement de la commission. Je ne cherche pas particulièrement à le défendre, mais je suis convaincu qu'il procède de cet état d'esprit.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
Mme la présidente. Madame David, l'amendement n° 110 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je vais le retirer, car nous avons obtenu satisfaction au moins sur deux des trois points qui nous semblaient importants, à savoir l'assurance maladie et la réversibilité. Le troisième point, c'est-à-dire le montant exact de l'aide, sera peut-être l'objet d'un prochain amendement de notre part si cet article n'évolue pas.
Monsieur le ministre, les chibani ne doivent pas être perdants. Il est très important qu'ils conservent leur minimum vieillesse. Si vous pouviez nous rassurer sur ce point, nous serions totalement satisfaits.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir répondu sur ce point.
L'allocation est calculée en fonction des prestations actuellement perçues sur le territoire français. On vous l'a dit et on n'a jamais triché, c'est à charge constante. Autrement dit, il n'y aura ni réduction ni augmentation des budgets publics. Il ne peut pas y avoir de diminution autonome de cette prestation.
Mme la présidente. L'amendement n° 110 rectifié est retiré.
Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 263 est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 263 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Madame Khiari, l'amendement n° 91 rectifié est-il maintenu ?
Mme Bariza Khiari. Non, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 91 rectifié est retiré.
Monsieur le rapporteur, il semble que l'amendement n° 40 tombe.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Ce n'est pas à moi d'en juger, madame la présidente.
Mme la présidente. C'est ce que M. le ministre a indiqué.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. M. le ministre l'a vu tomber un peu vite !
M. Roland Muzeau. C'est le Gouvernement qui tombe ! (Sourires.)
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Pour mieux ressusciter !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement visait à éviter au maximum tout risque de requalification. Quoi qu'il en soit, j'ai compris la demande de M. le ministre et je ne suis pas hostile à l'idée qui figure dans l'exposé des motifs du projet de loi, à savoir établir un bilan.
Je propose donc de rectifier cet amendement de façon à compléter ainsi l'article 7 : « Avant le 31 décembre 2009, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation du dispositif institué au présent article ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 40 rectifié, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, qui est ainsi libellé :
Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2009, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation du dispositif institué au présent article.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est une bonne chose que la démocratie soit éclairée. Il ne faut pas laisser croire que le dispositif de la réversibilité peut cesser.
Par conséquent, le Gouvernement est favorable au fait de présenter un rapport d'évaluation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Nous étions opposés à l'amendement n° 40 dans sa version initiale. Maintenant qu'il a été rectifié, nous y sommes favorables.
L'établissement d'un rapport d'évaluation avant trois ans permettra de rendre ce dispositif plus efficace. En effet, comme pour toute nouvelle mesure, des ajustements sont souvent nécessaires.
Nous sommes pour que cette aide soit pérennisée, car, même si la formule est un peu triviale, il ne s'agit pas de gérer un stock, mais des flux. La liberté qui prévaut aujourd'hui doit continuer à prévaloir demain.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je vais me montrer un peu pointilleuse, mais j'aimerais savoir si, à l'issue de cette évaluation, des modifications sont apportées, quelles conditions seront imposées aux chibani ? J'aimerais être sûre, là encore, qu'ils auront le choix.
Cette évaluation pourra-t-elle se faire à leur détriment ? Servira-t-elle à connaître la somme véritablement dépensée par le Gouvernement ? Si tel est le cas, pourra-t-on revenir en arrière ?
Comme vous pouvez le constater, je suis un peu inquiète du sort qui sera réservé à cette aide à l'issue de l'évaluation.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Un texte de loi est d'application générale. Derrière, il y a la vraie vie : comment on accueille, comment on résout les problèmes sanitaires, de transport, les opérations lourdes.
Ainsi, des antennes de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, ont été installées pour assurer l'accueil de ceux qui quittent le foyer Sonacotra de Gennevilliers, par exemple, où ils ont eu l'habitude de vivre pendant vingt ans.
Il ne s'agit pas d'évaluer seulement l'application d'un texte. Il faut aussi évaluer le dispositif. Tel est le sens de cette mesure.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le risque est uniquement en cas d'alternance politique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'amendement n° 41 rectifié.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement créé-t-il une restriction alors que les anciens migrants peuvent être également logés par des bailleurs privés ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
Mme Bariza Khiari. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'idée est d'éviter les marchands de sommeil en précisant qu'il s'agit des foyers agréés par l'État.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 42 est-il maintenu ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 42 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 280.
(L'amendement est adopté.)
M. Jean Desessard. Ça fait plaisir qu'un amendement Vert soit adopté à l'unanimité !
Mme la présidente. Madame Khiari, l'amendement n° 93 rectifié est-il maintenu ?
Mme Bariza Khiari. Nous souhaitions que les migrants soient informés, car la plupart d'entre eux sont analphabètes, et M. le ministre ne nous a pas répondu sur ce point.
Il est absolument indispensable que les migrants puissent faire un choix éclairé et que leurs droits leur soient expliqués par écrit et oralement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Une telle disposition est-elle d'ordre législatif ?
Nous mettons en oeuvre un programme de ce type avec l'ANAEM et Adoma au niveau des agences locales. Cette disposition relève en effet de la mission de l'ANAEM. L'inscrire dans un texte de loi me paraît superfétatoire.
Quoi qu'il en soit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Comme M. le ministre vient de le préciser, le risque de non-information n'existe pas.
En revanche, introduire une telle précision dans la loi risque de susciter des démarches contentieuses et des procédures inutiles dont nous devons essayer au maximum de nous garder dans l'intérêt des personnes bénéficiaires.
Mme Bariza Khiari. Nous acceptons de retirer cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 93 rectifié est retiré.
L'amendement n° 262 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 43.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
M. Claude Domeizel. Aux termes de l'amendement, « les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des bénéficiaires de l'aide peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé... ».
Monsieur le rapporteur, vous avez justifié cet amendement en nous disant qu'il est obligatoire d'avoir une carte nationale d'identité.
Je vous signale que ces ressortissants étrangers, lorsqu'ils arrivent à Marseille ou ailleurs, sont détenteurs d'un visa, d'un passeport, d'une carte d'identité ! Je ne vois donc pas très bien pourquoi on leur demanderait de surcroît d'être photographiés et de fournir leurs empreintes digitales !
Monsieur le rapporteur, je vous demande de bien vouloir m'écouter un instant, car j'aimerais vous convaincre !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je vous écoute, mon cher collègue !
M. Claude Domeizel. Par ailleurs, cet amendement est inutile.
En effet, il est précisé la fin de l'article 7 : « Les autres modalités d'application, concernant notamment le contrôle des conditions requises, sont définies par décret. » Laissez donc au décret le soin de fixer les règles !
Lorsque je me rends à Alger, en tant que président du groupe France-Algérie, j'entends partout parler des visas. C'est une des grandes difficultés que nous rencontrons avec le gouvernement algérien, je tiens à le rappeler !
J'ai vécu des moments de malaise avec nos amis Algériens lorsqu'a été voté l'article 14 de la loi de février 2004 concernant les bienfaits de la colonisation ! Je n'ai vraiment pas envie, lorsque j'irai de nouveau en Algérie, de m'entendre reprocher que la France demande maintenant, en plus du visa, en plus de la carte d'identité ou du passeport, une photographie et l'enregistrement des empreintes digitales !
Alors, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne sais pas si je vous ai convaincus, mais, pour ma part, au fur et à mesure que je parlais, je me convainquais moi-même encore plus !
C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. Habituellement, ce type de demande émane du rapporteur ou du Gouvernement. Changeons donc un peu nos habitudes !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite que nous puissions réfléchir davantage sur cet amendement.
S'il était adopté aujourd'hui, nous pourrions, à l'occasion de l'examen du texte à l'Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire, préciser davantage la disposition, voire revenir sur elle si elle se révélait franchement inutile.
M. Claude Domeizel. Elle est inutile !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh bien, nous verrons !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je m'aperçois que nous n'avons pas réussi à nous convaincre mutuellement, M. Domeizel et moi-même. Mais soyez sûr, mon cher collègue, qu'il n'y a aucune intention scélérate derrière cette affaire, bien au contraire !
Il s'agit d'un amendement technique qui a été inspiré par le système de protection sociale. En tout cas, il n'est nullement dans mes intentions d'imposer des obligations que les intéressés ne seraient pas en mesure de remplir et qui seraient superflues.
Il me semble donc important, comme l'a suggéré M. le président de la commission des affaires sociales, de continuer à réfléchir sur cette proposition.
Pour ma part, je suis prêt à retirer l'amendement, quitte à le reprendre ensuite.
J'espère que cela suffira à vous convaincre, mes chers collègues, de mes bonnes intentions. Ma seule ambition en la matière est de sécuriser les allers-retours de ces personnes entre leur pays d'origine et la France.
Mme la présidente. L'amendement n° 44 est retiré.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article 7.
Mme Bariza Khiari. Je suis très heureuse de pouvoir voter en faveur de cet article.
Nous avons obtenu finalement pratiquement tout ce que nous voulions sur la pérennité de cette aide, sur la réversibilité, sur la garantie des droits à la santé, sur le montant des retraites puisque, monsieur le ministre, vous nous avez assuré que ces retraités toucheront à l'euro près la même chose qu'en France.
Par ailleurs, le retrait de l'amendement n° 44 de M. le rapporteur me réjouit.
Monsieur le ministre, nous passons d'une assignation à résidence pour ces personnes à une offre qui représente pour elles le choix de la liberté. Je me réjouis du fait que, sur toutes nos travées, nous ayons la volonté d'avancer sur le problème des chibani.
C'est une question de dignité pour eux, pour la République, mais aussi pour le Parlement.
Monsieur le ministre, je vous remercie tout particulièrement, car je sais que, dans cette affaire, vous avez accompli le plus gros du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article.
Mme Annie David. À mon tour, je veux vous dire combien le groupe CRC est heureux de pouvoir voter cet article 7.
Au vu de ce qui nous était proposé initialement, nous étions extrêmement inquiets.
Aujourd'hui, à l'issue de cet échange très intéressant et constructif, nous avons effectivement obtenu des réponses importantes sur l'assurance maladie, sur la réversibilité... Sur tous ces points, nous avons pu avancer ensemble.
Monsieur le ministre, je vous en remercie, car je sais que vous travaillez sur ce dossier depuis décembre 2005. Depuis un certain temps également, Robert Bret, à Marseille, agit beaucoup en faveur des vieux migrants de son secteur. Nous avions envie de pouvoir voter ce droit, qui accorde une véritable reconnaissance à des salariés, à des travailleurs qui méritent de vivre tranquillement dans leur pays et de choisir le lieu où ils finiront leur vie.
M. Roland Muzeau. Nous voici avec un gouvernement d'Union nationale ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je veux vous faire part du message qui me parvient à l'instant.
Deux acteurs que vous connaissez bien m'informent qu'ils sont nominés aux César pour le film Indigènes. Ils concluent : « C'est génial, cette loi. Vive la République ! » (M. le président de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur applaudissent.)
Article 8
A. - L'article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
I. - Le 1 est ainsi modifié :
1° Au a, les mots : « ou le recours à une association ou à une entreprise agréée par l'État » sont supprimés ;
2° Le b devient un c ;
3° Il est inséré un b ainsi rédigé :
« b) Le recours à une association, une entreprise ou un organisme, ayant reçu un agrément délivré par l'État et qui rend des services mentionnés au a ; ».
II. - Le premier alinéa du 4 est ainsi modifié :
1° Les mots : « aux 4° et 5° de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° Les mots : « pour l'emploi d'un salarié à leur résidence » sont remplacés par les mots : « à leur résidence au titre de l'emploi d'un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné au b ou au c du 1° ».
III. - Le b du 5 est remplacé par les dispositions suivantes :
« b) Les personnes mentionnées au 4 qui n'ont pas utilisé pour ces dépenses un chèque emploi-service universel prévu à l'article L. 129-5 du code du travail ou qui ont supporté ces dépenses à la résidence d'un ascendant. »
B. - Le présent article est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2007.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Proposer un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile destiné aux ménages qui ne sont pas imposables et étendre le champ d'application de cette mesure permet de rétablir une certaine équité.
En effet, les besoins sont souvent les mêmes, que l'on ait ou non des revenus suffisants pour payer l'impôt sur le revenu, lorsqu'il s'agit non seulement de la garde d'un jeune enfant, bien sûr, ou du soutien scolaire, mais aussi du maintien à domicile des personnes âgées, de l'aide à apporter à une personne handicapée ou encore de tout autre service à la personne.
Pour faire face à de telles situations, le fait que certains bénéficient d'abattements sur l'impôt sur le revenu alors que les plus modestes sont exclus de ce type de service faute de soutien de l'État était une injustice aussi symbolique que réelle. L'article 8 visant à améliorer la situation et à remédier à cette injustice, nous le voterons, bien sûr, d'autant que, lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avions déposé un amendement qui, précisément, prévoyait la création d'un crédit d'impôt, mais qui avait été rejeté. Le temps a fait son oeuvre et vous voilà rendu à nos arguments ; tant mieux !
Toutefois, l'article 8 vise à accorder ce crédit d'impôt aux seuls paiements effectués via le chèque emploi-service universel, CESU. De notre point de vue, cette limite est tout à fait discutable. Un certain nombre d'amendements rectificatifs ont été déposés, notamment par le Gouvernement. Ces dispositions vont dans le bon sens.
Pour autant, nous ne sommes pas dupes ! La période électorale vous pousse à redorer votre blason en matière de politique sociale. Ainsi, vous faites quelques aumônes en fin de législature, mais le vrai bilan de ce Gouvernement est quand même la multiplication du nombre de travailleurs pauvres et la précarisation des contrats de travail.
Aujourd'hui, la précarité devient le lot commun. Or le secteur des services à la personne est particulièrement sensible à cette évolution. Faiblement qualifié, à temps très partiel, soumis à des horaires fractionnés, ce type d'emploi pose le problème du statut et des conditions de travail des personnes concernées. Ce ne sont pas des mesures fiscales qui apporteront des réponses à cet état de fait.
Si cet article relatif au crédit d'impôt constitue une avancée, il n'en reste pas moins anecdotique compte tenu de l'ampleur des problèmes et il est - hélas ! - révélateur de vos méthodes. Vous améliorez quelques détails pour mieux vous exonérer des travaux de structure. Vous ajoutez un pot de géraniums aux fenêtres, mais la maison menace toujours ruine !
Aujourd'hui, en France, on peut avoir un travail et ne pas être en mesure de vivre décemment. Comme l'a rappelé Jean-Pierre Godefroy lors de la discussion générale, le défi consiste à faire en sorte que ces emplois ne gonflent pas les cohortes de travailleurs pauvres. Relever ce défi serait une bonne chose, mais je ne suis pas sûre que vous y parveniez !
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Vera, Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 3° du I du A de cet article et dans le 2° du II du même A, supprimer les mots :
, une entreprise ou un organisme,
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 8 de ce projet de loi a toutes les caractéristiques d'un article de pure opportunité. Il nous est présenté comme la réparation d'un oubli de ce qui constituerait une formidable avancée : la transformation de la réduction d'impôt pour emploi de services à domicile en crédit d'impôt éventuellement remboursable. Bien entendu, les plus intéressés par ce crédit d'impôt sont ceux qui sont au plafond pour la réduction d'impôt actuelle !
La moyenne actuelle des dépenses prises en compte pour la réduction d'impôt est de 2 350 euros par article. Dans l'absolu, le crédit d'impôt correspondant serait donc de 1 175 euros par contribuable, ce qui signifie, au mieux, que chaque contribuable percevra une remise de 1 175 euros sous forme de crédit remboursable. Mais encore faut-il avoir réalisé la dépense correspondante, qui représente tout de même - devons-nous le souligner ? - près de 15 % du revenu net fiscal moyen dans notre pays...
Décidément, parce que le crédit d'impôt sera étroitement dépendant du niveau de dépenses exposées, la faculté de le rembourser n'aura de sens que pour ceux qui ont beaucoup à faire valoir à ce titre.
Les 7 500 euros de crédit remboursable, qui concernent-ils, sinon les contribuables devant s'acquitter de cette somme auprès du trésor public, c'est-à-dire disposant de revenus fiscaux proches des 80 000 euros annuels ? Nous avons cherché : il s'agit tout simplement d'un peu moins de 450 000 foyers fiscaux, c'est-à-dire 1 % des foyers déclarants ou peu s'en faut !
Mesure démagogique donc que cet article 8 qui, sous couvert de prendre en compte le cas des familles les plus modestes et confrontées aux difficultés quotidiennes, propose une disposition dont le plein effet ne vise toujours que les mêmes privilégiés !
Enfin, et ce n'est pas innocent, dans cet article 8 - ce qui explique notre amendement -, quel que soit le prestataire de service, c'est du pareil au même ! Votre article, monsieur le ministre, sous couvert de lutte contre le travail non déclaré, n'est rien d'autre qu'une individualisation des droits acquis par la collectivité, notamment en matière d'éducation. De ce qui procède normalement et naturellement des missions de l'éducation nationale, vous faites un service marchand destiné à être rémunéré comme tel et susceptible, à ce titre, d'être fiscalement pris en charge par la collectivité !
Cet article n'est pas que le bouclier fiscal du pauvre ; c'est un article que l'on pourrait qualifier d' » Acadomia » ou du nom de je ne sais quelle autre officine de cours privés à domicile, en rupture avec l'égalité de tous les enfants devant l'instruction.
C'est aussi pour ces raisons que nous demandons la suppression des mots : « une entreprise ou un organisme ».
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Le groupe CRC propose de supprimer l'aide fiscale prévue en matière de services à la personne lorsque ces services sont proposés par des entreprises ou des organismes.
Je précise que les entreprises ou les organismes concernés doivent être agréés ; cela signifie qu'il existe, en principe, une réelle garantie sur la qualité du service qui doit être rendu.
Par ailleurs, la catégorie « organismes » comprend notamment les centres communaux d'action sociale, qu'il serait très dommage et peu justifié d'exclure du champ des services permettant de bénéficier de l'aide fiscale.
Le plus souvent, ce sont les personnes ayant des faibles revenus qui font appel non pas directement à une personne, mais à des associations, à des organismes intermédiaires, pour délivrer le service à la personne.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame la présidente, je suis convaincu que M. Muzeau va retirer son amendement. Le voter reviendrait à n'autoriser l'aide à la personne non redevable de l'impôt sur le revenu que lorsque les services sont proposés par des particuliers, ce qui exclurait des organismes tels que les CCAS, par exemple. C'est absurde ! Cette aide directe à la personne doit être également applicable lorsqu'il s'agit d'organismes agréés.
Très sincèrement, je pense qu'il y a un problème de compréhension, monsieur Muzeau ; le processus doit être explicité. Si l'amendement n'était pas retiré, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Muzeau, l'amendement est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau. C'est justement parce que j'ai l'impression d'avoir presque tout compris que je maintiens mon amendement ! Peut-être serai-je davantage convaincu par le débat, si tant est qu'il y en ait un, qui aura lieu à l'Assemblée nationale ?
En attendant, je crains fort qu'une partie importante de la motivation de cet article 8 soit, justement, de privilégier le caractère d'entreprise ; c'est l'exemple que je donnais. Je me trompe peut-être, je vous vois hocher la tête en signe de dénégation, monsieur le ministre.
Peut-être parviendrez-vous, dans la vraie vie, comme vous dites, à me convaincre. Pour l'instant, très franchement, vous n'avez pas fait assez d'efforts !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Madame la présidente, puisque notre collègue attend des clarifications des débats futurs, je peux d'ores et déjà lui en apporter une.
J'ai cité les centres communaux d'action sociale, CCAS, mais je peux aussi faire référence aux associations d'aide à domicile en milieu rural, ADMR, que tout le monde connaît et qui font partie des organismes en question.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 281, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° du II du A de cet article :
2° Les mots : « pour l'emploi d'un salarié à leur résidence » sont remplacés par les mots : « au titre de l'emploi, à leur résidence, d'un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné au b ou au c du 1° »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 220, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
I - Dans le 2° du II du A de cet article, après les mots :
à leur résidence
insérer les mots :
ou à celle d'un de leurs ascendants remplissant les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles
II - À la fin du second alinéa du III du même A, supprimer les mots :
ou qui ont supporté ces dépenses à la résidence d'un ascendant
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement a pour objet de prévoir qu'à l'instar de la réduction d'impôt le crédit d'impôt bénéficie au contribuable à raison des dépenses de services à la personne exposées au domicile de son ascendant qui ouvre droit à l'allocation personnalisée d'autonomie. À nos âges, nous avons tous un parent concerné. Cette idée me semble acceptable.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le bénéfice du crédit d'impôt aux dépenses de services à la personne exposées au domicile d'un ascendant ouvrant droit à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Les textes en vigueur autorisent la prise en compte de ces dépenses pour la réduction d'impôt, mais non pour le crédit d'impôt. L'extension proposée n'est pas sans justification, mais elle aura un coût. C'est pourquoi la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame Procaccia, accepteriez-vous de retirer l'amendement n° 220, afin que seul l'amendement n° 281 reste en discussion ?
Mme la présidente. Madame Procaccia, accédez-vous à la demande de M. le ministre ?
Mme Catherine Procaccia. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 220 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 281.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 218 rectifié est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 221 est présenté par Mme Procaccia.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Compléter le II du A de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° Les mots : « et payées à l'aide du chèque emploi-service universel prévu à l'article L. 129-5 du même code » sont supprimés.
II - Dans le second alinéa du III du A, supprimer les mots :
qui n'ont pas utilisé pour ces dépenses un chèque emploi-service universel prévu à l'article L. 129-5 du code du travail ou
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 218 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 221.
Mme Catherine Procaccia. M. le ministre ayant considéré qu'il était défendu, il en est de même pour moi !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 218 rectifié et 221.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
M. Roland Muzeau. Le groupe CRC s'abstient.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 122, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 165 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les sections internationales qui existent dans un certain nombre d'établissements scolaires depuis une quarantaine d'années et dont la généralisation à toutes les académies a été, je le rappelle, adoptée par le Parlement, sont financées pour partie par l'État et pour partie par le privé - gouvernements étrangers, entreprises, associations de parents d'élèves, notamment.
Cet amendement vise à pérenniser leur financement. En effet, si ce système de financement était menacé, le ministère de l'éducation nationale serait alors obligé de recruter des centaines de contractuels.
L'exigence de qualité de l'enseignement secondaire nécessite, de notre point de vue, que les garanties les plus significatives soient mises en avant pour développer les sections à vocation internationale de nos établissements.
Sous ce prétexte, la mise à disposition par convention avec des pays étrangers ou le recrutement et la rémunération par des associations ad hoc ont été favorisés dans les lycées à vocation internationale par un amendement devenu l'article 165 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre de finances rectificative pour 2006. Cette solution ne nous semble pas être - devons-nous le souligner ? - la meilleure solution au problème qui nous est posé.
En effet, si l'on peut, à la rigueur, admettre que des accords de coopération entre administrations éducatives, c'est-à-dire entre ministères de chaque pays investi de missions d'éducation nationale, trouvent leur traduction dans le cas qui nous préoccupe, il n'en est pas de même, loin de là, des recrutements d'intervenants ou de vacataires externes, pilotés en premier lieu par des associations ad hoc, car cela ouvre la voie à une remise en cause du principe de gratuité.
Le problème est que l'éducation nationale de notre pays n'a pas vraiment d'équivalent dans le monde, les compétences en la matière n'étant pas assurées de la même manière partout, notamment en Europe.
En fait, il s'agit d'une atteinte aux garanties statutaires des enseignants, qui pourraient ainsi être recrutés et rémunérés par des personnes privées. Or, qualité pédagogique des enseignements et précarité des conditions d'embauche - c'est bien de cela qu'il s'agit avec les recrutements de personnels enseignants extérieurs aux administrations - ne font pas nécessairement bon ménage.
Aussi, nous souhaitons, par cet amendement, abroger l'article 165 créé, bien opportunément, devons-nous le dire, lors de la loi de finances rectificative pour 2006, qui nie la réalité de la compétence acquise par le corps enseignant dans notre pays et qui crée les conditions d'une détérioration de la qualité du service rendu dans certains établissements scolaires à la réputation pourtant flatteuse.
En effet, la solution apportée par cet article n'a qu'un rapport fort éloigné avec les besoins qu'il est censé prendre en compte.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission, n'ayant pas saisi le lien de cet amendement avec le texte examiné, émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. La sagacité du Gouvernement ne lui a pas davantage permis de comprendre l'opportunité de cet amendement. (Sourires.)
Avis défavorable par conséquent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 122.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
I. - Le dernier alinéa de l'article L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre ne bénéficient pas du revenu minimum d'insertion. »
II. - L'article L. 380-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre. »
III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale est complété par la phrase suivante : « Il ne s'applique pas également aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 95 rectifié est présenté par MM. Godefroy, Repentin et Desessard, Mmes Printz, Le Texier, San Vicente - Baudrin, Khiari, Demontès et Herviaux, MM. Madec, Caffet, Sueur, Guérini, Ries, Bockel, Collombat, Dauge, Lagauche, Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Roland Muzeau. L'article 9 décide d'exclure du bénéfice du RMI, de la CMU et des prestations familiales les ressortissants de pays membres de l'Union européenne entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre.
Cette mesure intervient en application de la directive européenne 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L'article 24 de cette directive prévoit la possibilité de déroger au principe de l'égalité de traitement entre les citoyens de l'Union européenne.
Il y est en effet prévu que le pays d'accueil membre de l'Union n'est pas obligé d'accorder à un ressortissant d'un autre État membre le droit à une prestation d'assistance sociale pendant les trois premiers mois de son séjour. Il en est de même pendant la période plus longue prévue à l'article 14 de la même directive, c'est-à-dire lorsque les citoyens de l'Union sont entrés sur le territoire du pays d'accueil pour y chercher un emploi. Dans ce dernier cas, les personnes concernées doivent être en mesure de faire la preuve qu'elles continuent à chercher un emploi et qu'elles ont des chances réelles d'être engagées.
Afin de « prévenir les abus » et, comme le précise encore une note gouvernementale, de rendre impossible pour les personnes de venir « s'installer en France dans le but de toucher les minima sociaux ou la CMU » et de bénéficier « dès l'installation en France simplement en s'inscrivant à l'ANPE », le présent article supprime le droit à l'obtention des trois types de prestations pour les ressortissants de pays membres de l'Union à la recherche d'un emploi.
C'est un bien étrange objet européen que l'on nous propose de mettre en oeuvre !
Si l'on en croit les auteurs de la directive, il y aurait trois catégories de ressortissants européens.
D'une part, les ressortissants des pays jouissant d'une appartenance ancienne à l'Union - autrement dit, les pays fondateurs et ceux dont l'adhésion est intervenue dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt - qui pourraient, sans difficulté majeure, bénéficier des prestations de toutes natures versées en France.
D'autre part, les deux catégories de pays ayant adhéré plus ou moins récemment à l'Union européenne et qui, pour des raisons diverses, verraient leurs ressortissants privés du droit de bénéficier des prestations sociales.
Une telle démarche est tout bonnement sidérante !
Cette directive européenne, soutenue d'ailleurs par la plupart des députés européens français, à l'exception notable des parlementaires communistes, membres du groupe de la gauche unitaire européenne et des élus Verts, est une remise en question de l'un des principaux fondements de l'Union, la libre circulation des ressortissants des pays membres.
La directive et le présent article constituent tout bonnement une sorte d'« euroracisme » à l'encontre de populations dont on présume qu'elles risquent de profiter de manière « déraisonnable », pour reprendre les termes de la directive, des prestations sociales servies dans notre pays.
Or une telle démarche ne changera rien au problème. Cet article 9 fait donc franchement désordre.
Nous avions commencé par le droit au logement opposable, nous finissons avec une opposabilité à la mise en oeuvre des droits sociaux qui se fonde sur le fantasme, régulièrement entretenu, de la peur de l'étranger.
Il est vrai que, venant d'un Gouvernement qui, le lendemain même de l'annonce de ce projet de loi, envoyait plusieurs compagnies de CRS pour déloger un camp de Roms installé à la Plaine-Saint-Denis, il ne faut probablement s'étonner de rien ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Cette intervention a d'ailleurs motivé la saisine par certains élus locaux de la Plaine-Saint-Denis de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ce qui se justifiait d'autant plus que, au-delà du caractère éminemment précaire des conditions de vie des personnes concernées, un travail de suivi social et scolaire avait été engagé depuis un certain temps pour permettre aux familles roms de s'intégrer.
C'est en effet un camp de personnes sédentarisées, dont les enfants fréquentaient régulièrement les établissements scolaires du secteur, qui a été « visité » de manière quelque peu brutale par les forces de l'ordre !
Pour en revenir à l'article 9, en tout état de cause, les attendus fondamentaux de la construction européenne ne peuvent, à notre sens, être compatibles avec de telles dispositions discriminatoires, manifestement contraires à l'esprit comme à la lettre des traités européens, sauf à penser que cette construction européenne-là se couvre bel et bien des oripeaux de la générosité pour mieux faire accepter discriminations et inégalités entre ses propres citoyens.
Nous ne pouvons donc que refuser de voter cet article et proposer sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 95 rectifié.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous avez choisi pour la transposition de la directive du 29 avril 2004 la solution la plus restrictive, alors que vous vous en teniez jusqu'à présent à la condition de résidence de trois mois pour ouvrir la possibilité de demande d'allocation à un demandeur d'emploi originaire d'un autre État membre de l'Union européenne.
Cet article 9 traduit un durcissement de la position du Gouvernement sur la question de l'immigration.
Nous sommes bien ici dans le cadre de l'« immigration choisie », telle que la veut le candidat à la présidence de la République et ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy.
Vous prenez prétexte de demandes de RMI présentées indûment par des résidents étrangers fortunés auprès de certains conseils généraux du sud-ouest pour viser en réalité de tout autres personnes.
En effet, ces cas demeurent marginaux et ont pu être résolus par les présidents de conseils généraux qui ont, à bon droit, supprimé le versement de la prestation.
Les populations visées par cet article sont, chacun en est parfaitement conscient, celles des nouveaux pays entrants dans l'Union européenne.
Le Gouvernement n'entend certes pas stopper toute immigration, puisque notre économie, dans certains secteurs, a besoin de main-d'oeuvre. Vous voulez donc permettre l'immigration, mais en sélectionnant des travailleurs immédiatement exploitables.
C'est un choix que nous ne pouvons pas cautionner, mais il recouvre de surcroît un autre enjeu. On a beaucoup glosé sur l'impréparation et la précipitation dans lesquelles a eu lieu l'élargissement à vingt-cinq. Il aurait sans doute fallu, tant sur le plan économique que sur le plan politique, et en particulier en matière d'harmonisation fiscale et sociale, une meilleure coordination.
Toutefois, nous savons aussi que, dans ces deux domaines, l'absence d'harmonisation fait les affaires de ceux qui tirent profit des bas salaires, des conditions de travail et de la faiblesse de la protection sociale qui perdurent ici et là.
Une question se pose alors : les populations réellement visées par ce texte, apparemment de portée générale, doivent-elles, sauf si certains intérêts économiques les réclament, demeurer là où elles se trouvent, en quelque sorte assignées à résidence ?
L'élargissement a eu lieu dans les conditions que l'on sait. Nous ne devons pas seulement en profiter, mais aussi l'assumer. Il n'existe pas plusieurs catégories de citoyens européens.
Ce que démontre le fait que vous présentiez cette disposition, c'est que l'Europe ne peut se passer d'un projet politique et social cohérent, respectueux des citoyens et auquel ceux-ci puissent adhérer. L'Europe ne se réduit pas à un réservoir de main-d'oeuvre et à une zone de libre-échange.
Pour l'ensemble de ces raisons nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Elle considère en effet que le meilleur moyen d'instaurer un régime de protection sociale dans le cadre européen consiste à procéder progressivement. Vouloir aller trop vite, c'est-à-dire considérer que ce régime existe déjà et est accessible immédiatement, aboutirait exactement à l'inverse et détruirait les régimes de protection nationaux avant que soit mise en place une protection sociale au niveau européen. En partant d'une bonne intention, on provoquerait ainsi la ruine des régimes de protection sociale.
Je suis persuadé, et j'attire sur ce point l'attention des auteurs des amendements, que, dans la compétition qui existe entre le politique et l'économique, c'est à l'intérieur du cadre territorial que l'on peut garantir l'équilibre entre ces deux aspects. Le tout est donc d'élargir progressivement ce cadre pour préserver la compatibilité entre le politique et l'économique, et de procéder dans le même temps à une extension progressive des systèmes de protection. Pour ce faire, il est évident qu'il faut au minimum commencer par les protéger !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. L'avis du Gouvernement est bien sûr identique à celui de la commission.
Je crois vraiment que, si l'on ne veut pas assister à une course à la réduction des protections sociales dans chaque pays, en réponse à la liberté de mouvement totale des personnes, il ne faut pas créer un système aussi ouvert que vous le souhaitez.
Nous irions en effet vers le moins-disant social. Il faut, sous le regard attentif du Conseil d'État, conjuguer la capacité de circulation et l'exigence d'installation pendant un temps minimum pour accéder aux avantages sociaux de chaque pays, en l'occurrence ceux de la France.
Si nous faisons le contraire, nous provoquerons de véritables catastrophes, en particulier dans les territoires transfrontaliers. Les régimes sociaux de chaque pays seront revus à la baisse. Voilà pourquoi nous adaptons en ces termes la directive européenne, qui constitue à nos yeux un élément de protection élémentaire pour nos systèmes sociaux.
J'avoue avoir du mal à comprendre comment vous pouvez proposer une telle course à l'allocation. Ce sera à qui ira là où on peut toucher le plus : en France le RMI, en Belgique autre chose, et ainsi de suite. On aboutira ainsi forcément à une désescalade des prestations.
Je suis d'autant plus étonné que la question a été excellemment exposée par un certain nombre de conseillers généraux, indépendamment d'ailleurs de leur sensibilité politique puisque tous n'appartenaient pas à la majorité actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, je voudrais poser une question à M. le ministre.
En ce qui concerne la construction de l'Europe sociale, indispensable pour que nous allions vers un mieux-disant social dans chaque pays, où en sommes-nous de la discussion avec les autres pays européens au sujet de l'instauration d'un minimum d'insertion sociale dans toute l'Europe ?
Pouvez-vous nous faire part aujourd'hui de réponses positives ? Cela nous intéresse !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. M. le ministre aurait dû compléter son intervention. Il nous dit en effet de prendre garde, que nous nous lançons dans la course au moins-disant social, alors que nous souhaitons évidemment l'inverse.
Vous auriez pu ajouter, monsieur le ministre, que cette « course » se fait à l'exemple de celle au mieux-disant fiscal, dans laquelle se sont lancés les supporters de Nicolas Sarkozy, qui s'en vont tous en Suisse, à Monaco, aux Bermudes ou je ne sais où !
Dans le système actuel, l'Europe fiscale, il faut le dire, est tout de même bien mal en point. De ce point de vue, on ne peut pas dire que les problèmes sont pour demain, car nous les connaissons dès aujourd'hui.
Je discutais tout à l'heure avec une délégation de salariés du Pas-de-Calais victimes des Leverage Buy Out, les LBO, dont il a été question la semaine dernière lors des questions au Gouvernement.
Ces salariés voient l'entreprise Samsonite se livrer à un tour de passe-passe consistant à arrêter de fabriquer des bagages pour se lancer dans les panneaux solaires. Cela risque de ne pas durer longtemps, mais entre-temps l'entreprise aura empoché un bon paquet d'argent.
Telle autre entreprise, spécialisée dans un autre domaine, procédera de même. Ce sera « kif-kif bourricot », comme on dit familièrement : elle s'installera dans un autre pays européen, toujours au nom du mieux-disant social, c'est-à-dire en l'espèce des salaires plus bas, une protection sociale quasiment inexistante ou tellement faible que s'instaure nécessairement une concurrence sauvage à l'intérieur de l'Europe.
Je crois donc que, tant sur le plan fiscal que sur le plan social, nous avons encore beaucoup de travail !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 95 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 83 rectifié bis, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Printz et Le Texier, MM. Repentin, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 108 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est ainsi rédigé :
« Art. 108. - Les fonctionnaires qui demanderont leur intégration dans la fonction publique territoriale relèveront du régime spécial de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales à compter de la date d'effet de l'intégration. Lorsqu'ils réuniront les conditions prévues par la réglementation de ce régime, ils pourront bénéficier d'une pension rémunérant les services effectifs accomplis, y compris à l'État, antérieurement à l'intégration. En contrepartie, afin d'assurer une compensation financière intégrale des charges ainsi assurées pour le compte de l'État, une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée visée à l'article 256 du code général des impôts sera affectée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dans des conditions fixées par une loi de finances. »
II. La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I est compensée à due concurrence par le relèvement de l'impôt sur les sociétés visé à l'article 205 du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. C'est la troisième fois que je présente cet amendement, qui avait été adopté une première fois par le Sénat lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Par la suite, il avait fait son petit bonhomme de chemin. Accepté par la commission mixte paritaire, il était devenu l'article 115 de la loi. Cependant, le Conseil constitutionnel a décidé de censurer ce dernier au motif que l'amendement dont il était issu ne prévoyait pas le financement de la mesure.
Si le présent amendement est identique aux précédents, il est néanmoins gagé cette fois-ci.
Monsieur le ministre, je n'ai pas encore eu l'occasion de m'exprimer devant vous sur ce sujet. Aussi, je rappelle que l'acte II de la décentralisation prévoit le transfert de 130 000 agents de la fonction publique de l'État vers la fonction publique territoriale. Quand ces agents prendront leur retraite, il appartiendra à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, de verser leur pension ainsi que celle des fonctionnaires hospitaliers, celle-ci couvrant également les fonctionnaires hospitaliers, et ce alors que ces agents n'y auront que très partiellement cotisé.
C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à ce que l'État, en application d'un principe désormais constitutionnel, compense à l'euro près les charges qui seront assumées pour son compte.
Notre assemblée ne peut que renouveler son vote en faveur de cet amendement. Sa rédaction ayant été améliorée, il n'encourra pas, cette fois-ci, la censure du Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission considère que cet amendement qui vise à prévoir la compensation par l'État à la CNRACL des récents transferts de charges décidés dans le cadre des lois de décentralisation correspond à sa jurisprudence traditionnelle en faveur des mesures de compensation.
Précédemment voté lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, en tant qu'article additionnel, il a été censuré pour des raisons de procédure par le Conseil constitutionnel.
Aussi, la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement souhaite procéder à une expertise du dispositif visé dans cet amendement. Dans cette attente, il s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Certes, nous sommes en fin de session, mais est-ce bien une raison pour voter n'importe quoi, en l'occurrence des amendements qui sont sans rapport avec le texte que nous examinons depuis plusieurs jours ? Il s'agit là d'un cavalier de la plus belle eau !
Personnellement, je voterai contre cet amendement pour des raisons de principe.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je ferai observer à notre collègue que le présent projet de loi non seulement institue le droit opposable au logement, mais encore porte diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Cet amendement y a donc parfaitement sa place.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur l'amendement n° 83 rectifié bis ?
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 83 rectifié ter.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
L'amendement n° 223 rectifié bis, présenté par MM. Pintat, J. Blanc, Fournier, Merceron et Amoudry, Mmes Procaccia et Malovry, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots : « ou de la tarification spéciale « produit de première nécessité » ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à lever une imprécision. En effet, dans sa rédaction actuelle, la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité n'indique pas clairement si la fourniture d'électricité au tarif social « produit de première nécessité » est comprise dans le service public de fourniture d'électricité, qui, pour sa part, comprend explicitement la fourniture d'électricité au tarif réglementé.
C'est assez paradoxal dans la mesure où la prise en considération des consommateurs domestiques les plus vulnérables est précisément au coeur même de la notion de service public et de service public de l'électricité.
Cet amendement vise à donner une base légale claire aux contrats de concession passés avec EDF afin de permettre aux autorités concédantes de traiter cette question dans le cahier des charges.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Lors de l'examen de la loi du 10 février 2000, nous avions déjà eu une longue discussion sur ce sujet, sur l'initiative de notre collègue Xavier Pintat, par ailleurs président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR.
Le législateur avait souhaité consacrer le rôle des collectivités territoriales en tant qu'autorité organisatrice du service public local de fourniture d'électricité pour les clients bénéficiant des tarifs réglementés de vente.
Il s'agissait là d'une avancée majeure, qui avait fait l'objet de discussions approfondies avec la FNCCR, le ministère de l'industrie et EDF.
En effet, les collectivités concédantes sont des acteurs de proximité incontournables dans l'organisation du service public de l'électricité. Cet amendement vise à préciser qu'elles sont également compétentes pour la fourniture d'électricité aux clients bénéficiant du tarif social d'électricité, appelé également tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Pour mémoire, je rappelle que de nombreux ménages disposant de ressources modestes bénéficient aujourd'hui d'un tarif social sur une part de leur consommation d'électricité, alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a jeté un trouble certain quant à l'avenir du système tarifaire français.
À quelques mois de l'ouverture totale à la concurrence du marché de l'électricité dans notre pays, il me semble que cet amendement apporte une précision très utile. Toutefois, avant de donner l'avis définitif de la commission, je souhaiterais savoir si le Gouvernement partage cette analyse.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement fait observer que, à l'initiative des mêmes sénateurs que ceux qui ont déposé cet amendement, la loi du 7 décembre 2006 a prévu l'organisation des tarifs dans ce domaine. Il s'en remet cependant à la sagesse du Sénat, bien que le dispositif actuel lui paraisse devoir fonctionner.
Mme la présidente. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est fort bienvenu. Il est question ici du service public de l'électricité, mais nous aurions pu tout aussi bien évoquer ce soir le problème de La Poste.
Nous entrons dans une zone de turbulences. On ne sait pas bien ce que deviendra ce qu'il reste de nos services publics. Pour cette raison, cet amendement de précaution sociale me paraît fort opportun.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
M. Jean Desessard. Vous voyez, nous votons votre amendement ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Il nous arrive aussi de voter les vôtres ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 287, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du deuxième alinéa de l'article 111 de la loi de finances pour 2005 (n° 2004-1484 du 30 décembre 2004), le montant : « 3,2 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 6,2 millions d'euros ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il s'agit d'un amendement de « cohésion corse », si j'ose dire (Sourires.), qui vise à augmenter le montant maximal des aides de soutien aux exploitations dont le niveau d'endettement compromet la pérennité. Ce plafond avait été initialement fixé à 3,2 millions d'euros. L'analyse objective des choses porte le Gouvernement à considérer qu'il est nécessaire de le porter à 6,2 millions d'euros.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Sagesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
Intitulé du projet de loi
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 155 rectifié est présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
Projet de loi instituant le droit au logement opposable
et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il a semblé à la commission qu'il était préférable, dans l'intitulé du projet de loi, de faire référence au « droit au logement opposable » plutôt qu'au « droit opposable au logement ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 155 rectifié.
Mme Bariza Khiari. La sagesse voudrait effectivement qu'il soit fait référence au « droit au logement opposable ».
Mme la présidente. L'amendement n° 128, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
Projet de loi relatif aux politiques publiques du logement, instituant le droit au logement opposable, tendant à l'équilibre des rapports locatifs et portant diverses mesures d'ordre social.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 45 et 155 rectifié.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 et 155 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi rédigé et l'amendement n° 128 n'a plus d'objet.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Faire du droit au logement un droit réel et opposable est un combat mené de longue date par les socialistes. Nous ne pouvons donc que nous réjouir que cette idée ait été reprise par le Gouvernement.
Inscrire dans la loi l'opposabilité d'un droit est une chose, mais le rendre effectif et réellement opposable en est une autre. Malheureusement, le texte que vous nous proposez a manifestement été élaboré dans la plus grande précipitation afin de répondre à la médiatisation du problème des sans-abri, et il ne permettra sans doute pas de faire du droit au logement un droit effectif.
La complexité de la procédure proposée et ses lacunes évidentes empêcheront de donner une réelle substance à l'opposabilité du droit au logement. (M. le ministre proteste.)
Votre procédure s'appuie sur les commissions de médiation alors qu'elles n'existent pas partout et que l'amendement visant à rendre leur création obligatoire le 1er décembre 2008 a été repoussé.
De toute évidence, ces commissions joueront un rôle de filtrage, interdisant à nombre de demandeurs d'introduire un recours devant le juge administratif, ce qui restreindra évidemment la portée du droit au logement.
Vous prétendez que l'existence d'une sanction donnera son effectivité au droit au logement. Mais le système d'astreintes que vous proposez est - pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre - une supercherie.
Mme Bariza Khiari. Condamner l'État à verser ces astreintes au fonds d'aménagement urbain, c'est le condamner à se verser une amende à lui-même. Dans l'optique d'une réelle opposabilité du droit au logement, ces astreintes devraient être versées aux demandeurs.
De même, ce texte ne permettra pas d'assurer de façon satisfaisante le suivi de la mise en oeuvre du droit au logement. Vous prévoyez bien la création d'un comité de suivi, mais le plus grand flou entoure ses attributions et sa composition.
Enfin, il est évident que la mise en oeuvre de ce droit au logement reposera essentiellement sur les communes qui sont déjà les plus mobilisées en faveur du logement social, ce qui contribuera donc à aggraver les déséquilibres entre les territoires.
Au cours de la discussion, nous avons proposé un certain nombre d'améliorations qui ont, pour la plupart, été repoussées par la majorité. L'adoption de quelques propositions socialistes a cependant permis des avancées. Par exemple, l'introduction de l'amendement n° 208 rectifié est une réelle satisfaction et un tournant décisif dans la question de l'hébergement d'urgence des personnes sans-abri. En ayant pour objet l'obligation pour les communes, sous peine de sanctions financières, de disposer d'un certain nombre de places d'hébergement d'urgence, cet amendement rappelle solennellement que la solidarité envers les plus démunis et la mixité sociale sont des devoirs qui s'imposent à tous.
Je tiens à remercier M. Borloo pour l'avancée réelle que constitue l'article 7, qui permettra aux vieux travailleurs migrants de retourner dans leur pays d'origine pour de longues périodes sans perdre le bénéfice des droits sociaux. Il était plus que temps de se soucier du sort des chibani. Nous l'avons dit tout à l'heure, c'est une question de dignité, et il est tout à fait appréciable que, dans un effort commun, nous ayons réussi à lever les incertitudes, qui se sont transformées en garanties. C'est tout à l'honneur de la Haute Assemblée.
Pour en revenir au droit opposable au logement, je tiens à rappeler que, si l'intention qui sous-tend ce projet de loi est bonne, ses modalités d'application ne nous paraissent pas garantir une réelle opposabilité. Avec une volonté politique plus affirmée, ce texte aurait pu être une réforme majeure. Mais, en l'état, il ne reste qu'un texte d'affichage dont la portée demeurera très limitée. C'est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je souhaite signaler que les Verts sont tout à fait favorables à l'opposabilité du droit au logement. Ce texte est une victoire pour tous les acteurs concernés et l'ensemble des associations qui se sont mobilisés dans ce sens. L'État reconnaît en effet son devoir impérieux de loger ceux qui ne peuvent pas accéder seuls au logement, devoir assorti d'une obligation de résultat et d'un calendrier et permettant aux personnes lésées de saisir le tribunal administratif pour faire condamner la puissance publique. Bref, nous aurions pu voter de manière consensuelle un texte historique « à la Ferry », comme l'a dit M. le ministre.
Hélas, nous ne pouvons pas mentir à nos concitoyens : ce texte est un leurre. Comme l'a répété ce matin la Fondation Abbé-Pierre, qui a fait la présentation de son rapport annuel - sans l'abbé - ce projet de loi est vide, en dépit de quelques amendements ayant permis une petite avancée, comme celui qui a trait à l'hébergement minimum obligatoire.
Ce projet de loi est vide, car l'opposabilité du droit au logement qu'il prévoit ne sera pas effective. En effet, le parcours du combattant du mal-logé à la recherche d'un toit s'apparente à un véritable labyrinthe. Le schéma de la commission des affaires économiques censé résumer ce dispositif parle de lui-même : c'est infaisable, inapplicable. Les pièges et les chausse-trappes sont innombrables. On veut nous faire trier les plus pauvres parmi les pauvres, les plus exclus parmi les exclus.
Les commissions de médiation prévues depuis 1998 n'existent pas partout et sont même encore rares ! Ces instances pourront écrémer les personnes justifiant d'une priorité non urgente, sans aucun critère précis, sans délai de réponse, sans motivation écrite et sans possibilité de recours, ce qui me laisse assez pantoise !
Ces commissions pourront également orienter les demandeurs vers un simple hébergement qui ne permet pas de sortir de la précarité. Le droit au logement se transforme alors en simple droit à l'hébergement. On peut même se poser la question suivante : à quand le droit à la tente opposable ?
Seul le contingent préfectoral sera mobilisé pour loger les demandeurs alors qu'il aurait pu être renforcé par le contingent patronal, celui du bailleur, des collectivités locales, le parc privé conventionné et même les locaux vacants réquisitionnés.
Enfin, si le demandeur, à la fin de ce parcours semé d'embûches, parvient à obtenir gain de cause devant le tribunal administratif, l'État pourra avoir à verser une astreinte, dont on ignore le montant, à un fonds régional qui n'a rien à voir avec la personne en difficulté, ce qui n'aidera pas celle-ci à se reloger, même de manière précaire. Avec une telle absence d'incitation à faire respecter ces droits vides, on peut parier que les tribunaux ne seront pas engorgés de mal-logés.
Bref, en dépit de l'adoption de quelques amendements, ce projet de loi n'est, en réalité, que de la poudre aux yeux, plus une opération médiatique que l'affirmation du droit effectif au logement.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le texte aurait pu être amélioré si les mesures élémentaires que nous revendiquions dans nos amendements avaient été prises en compte.
Parmi ces mesures figurent l'augmentation et l'élargissement de la taxe sur les logements vacants, l'application de la loi de réquisition et le partage de cette compétence indispensable avec les élus locaux, l'extension et l'application réelle de l'article 55 de la loi SRU, mais aussi l'exclusion des PLS du décompte des logements sociaux.
Sur ce point, je vous rappelle que le Gouvernement prétend avoir relancé la construction des logements sociaux alors que, selon les chiffres du ministère de 2006, hors PLS et hors ANRU, le nombre de PLAI-PLUS est en baisse.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce qui explose, ce sont les PLS, dont le nombre a été multiplié par huit depuis 2000. Oui, monsieur le ministre, des constructions ont eu lieu, mais ce ne sont pas celles dont ont besoin les plus pauvres !
La soumission des démolitions à des référendums à l'échelon des quartiers concernés a été écartée. La construction de logements sociaux PLAI, pour répondre aux véritables besoins des personnes qui se trouvent en situation d'exclusion totale, n'a malheureusement pas encore été envisagée.
Enfin, le blocage à la hausse pure et simple des loyers, qui ont doublé en dix ans, a aussi été écarté.
Pourquoi ces refus ? Quelles sont les raisons de ce manque de volonté politique ? Le bilan de la gauche plurielle est, il est vrai, très insatisfaisant sur cette question...
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le reconnais tout à fait. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Mais la droite n'a pas fait mieux !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous ne pouvez pas dire cela !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Elle mène une politique en faveur des classes moyennes aisées, qui ne sont certainement pas les plus défavorisées.
Permettez-moi de citer quelques exemples de choix politiques à l'envers.
Le nombre des expulsions locatives avec le recours à la force publique a explosé,...
Mme Alima Boumediene-Thiery.... dépassant la barre des 10 000 par an.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sont les chiffres du ministère.
Mme Alima Boumediene-Thiery. La part du PIB que les pouvoirs publics consacrent au logement est passée sous la barre des 2 %,...
Mme Alima Boumediene-Thiery.... en raison du désengagement de l'État. Cette année, les crédits de la mission « Ville et logement » sont en baisse, même sans tenir compte de l'inflation.
La part de logements sous plafond de ressources ou sous plafond de loyers est en chute libre ; elle est passée de 60 % des constructions nouvelles en 2000 à 40 % en 2006. En chiffre absolu, le nombre de ces logements accessibles chute également, passant de 208 000 à 178 000.
Les deniers publics ont été gaspillés par les défiscalisations « Robien » au profit des riches propriétaires, sans contrepartie sociale - cela coûte cette année 400 millions d'euros à l'État -, ou au profit des classes moyennes.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il faut aussi rappeler que la bulle immobilière, si elle fait de nombreuses victimes parmi les jeunes, les personnes en situation de précarité et les classes populaires, en arrange tout de même bien d'autres : les spéculateurs, les propriétaires, les rentiers.
Il va bien falloir que les pouvoirs publics choisissent ce qu'ils veulent faire : concentrer leurs efforts sur ceux qui en ont le plus besoin ou non. Il est important de s'arrêter sur cette question, car il ne suffit pas de clamer le droit au logement, il faut aussi donner les moyens pour que ce droit devienne effectif. Et ce n'est malheureusement pas le cas !
Telle est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de la discussion du projet de loi annoncé à la fin de l'année 2006 sous la pression de l'évidente et insupportable crise du logement et de ses manifestations les plus criantes, nous sommes partagés quant à l'appréciation à porter sur ce texte tel qu'il a été modifié par le Sénat.
Nous sommes d'autant plus perplexes que certaines dispositions introduites dans le texte résultent de propositions que nous avons formulées et qui ont été acceptées. Je pense, entre autres, à l'amendement n° 8 rectifié bis.
Comment ne pas souligner que l'amendement relatif à la réalisation de centres d'accueil des sans-abri a été adopté au Sénat par scrutin public, à la quasi-unanimité des voix, alors que cette proposition avait été balayée d'un revers de main voilà à peine quelques mois ?
De la même manière, les dispositions accroissant le nombre de communes devant se conformer à l'obligation de construction de logements locatifs sociaux participent de la volonté de diversification de l'habitat telle que nous la concevons et telle qu'elle répond réellement aux attentes sociales.
Quand 70 % des demandeurs de logement disposent de ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources HLM, il est normal que les politiques publiques se fixent comme objectif de résoudre ce problème de logement.
Peut-être le climat si particulier des élections majeures à venir est-il suffisamment lourd et prégnant pour que quelques lignes soient modifiées.
Notons que nous n'en sommes qu'au stade de la lecture au Sénat et que celle qui aura lieu à l'Assemblée nationale peut encore changer les choses, ce que l'on peut craindre, ou espérer, pour peu que certaines dispositions non adoptées ici soient prises en compte. Mais dans quel sens ?
Comment d'ailleurs ne pas regretter que notre proposition constante d'inéligibilité des maires se refusant à appliquer la loi SRU n'ait pas été adoptée (M. Philippe Dallier s'exclame), alors même qu'elle reprend une proposition de loi d'un député UDF de Seine-Saint-Denis,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un vilain coup bas ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Je vous avais dit, monsieur About, que je ferais cette remarque !
Rien, décidément, ne peut justifier objectivement que les élus locaux...
M. Philippe Dallier. C'est une obsession !
M. Roland Muzeau. J'ai bien vu qu'il existait des dissensions entre l'UMP et l'UC-UDF en Seine-Saint-Denis. Mais vous vous en arrangerez, monsieur Dallier...
Je disais donc que rien ne peut justifier objectivement que les élus locaux ne se conforment pas aux lois que nous votons ici.
Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler que la plupart des mesures ainsi ajoutées au cadre législatif du logement n'auront de sens qu'à compter de l'après période électorale, ce qui veut dire que c'est un autre gouvernement que celui-ci qui les mettra en application.
À la vérité, c'est la ténacité et la pugnacité de nombre des acteurs du droit au logement qui s'avère en partie satisfaite avec l'adoption de telles dispositions ; en partie seulement, parce que le processus d'affirmation de l'opposabilité du droit au logement sera complexe, long, difficile à mettre en oeuvre et, manifestement, insuffisamment universel.
L'exemption dont risquent de bénéficier certains territoires du fait de la suppression des articles 4 et 5 tels qu'ils ont été modifiés pèsera en effet sur l'universalité du droit et l'égalité des demandeurs de logement devant la loi. Dans les Hauts-de-Seine, par exemple, le droit au logement opposable sera quasiment inapplicable.
Mais l'acquis de la lutte et de la pugnacité est là, et les obstacles dressés sur la route de l'opposabilité - l'opposition à l'opposabilité en quelque sorte - témoignent surtout de la volonté, minoritaire dans le pays, de faire passer le droit de propriété avant le droit au logement et de s'arc-bouter sur des fantasmes dépassés concernant tantôt les demandeurs de logement, tantôt le logement social.
Notre approbation, monsieur le ministre, aurait pu être gagnée sans ces entraves à l'opposabilité et la réécriture de l'article 1er, comme elle aurait pu être obtenue sans l'ajout, dans la seconde partie du projet de loi, de dispositions qui ont beaucoup à voir avec la remise en cause des droits fondamentaux mais n'ont que peu de rapport avec l'équilibre des relations sociales.
Le groupe CRC se félicite, en revanche, de l'adoption des amendements concernant la situation des vieux travailleurs migrants. À l'issue de ce débat très intéressant qui a donné lieu à un vote unanime, nous pouvons être satisfaits d'avoir consacré plusieurs jours et quelques morceaux importants de nuit pour parvenir à cette avancée importante.
Nous nous sommes opposés à plusieurs dispositions de la seconde partie du projet de loi et nous restons convaincus de leur caractère profondément injuste. Je pense aux exonérations de cotisations et au crédit d'impôt concernant les entreprises de services, ainsi qu'aux dispositions ségrégatives à l'égard des salariés des nouveaux pays entrants.
La mobilisation continuera donc à la fois sur le droit au logement opposable - le débat à l'Assemblée nationale y contribuera probablement - et sur des dispositions de la seconde partie qui sont déjà remises en question par nombre des acteurs de la lutte pour les droits sociaux.
Sous le bénéfice de ces observations, les membres du groupe CRC s'abstiendront sur l'ensemble de ce projet de loi tel qu'il a été modifié par le Sénat, ce qui n'était pas, a priori, la position que nous comptions prendre.
Nous considérons que les luttes actuelles et à venir transformeront la reconnaissance partiellement acquise au début de ce projet de loi et mèneront à un futur débat public sur un droit au logement opposable dont le contenu pourra être encore plus concret et ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, tel que nous l'avons amendé, apporte quelques mesures bienvenues de justice, comme l'article 7, et de perfectionnement du dispositif de cohésion sociale. Sur le plan pratique, il prévoit aussi des améliorations, dont il faut se féliciter, s'agissant de l'hébergement des plus démunis.
Au fil de la discussion, un quasi-consensus, impensable voilà quelques semaines, a pu se dégager sur quelques dispositions améliorant les mesures visant à favoriser la construction de logements sociaux.
Et pourtant nous sommes loin de compte, si l'on attendait vraiment du présent projet de loi qu'il apporte une réponse à la hauteur de cet extraordinaire paradoxe : jamais on n'aura autant construit en France, jamais les Français n'auront eu autant de mal à se loger ! Ceux qui en douteraient encore peuvent consulter, entre autres, le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre : quelque six millions de Français sont mal logés !
C'est qu'avec un soutien financier de l'État, à travers des réductions d'impôt qui représentent des sommes supérieures à celles qui sont accordées au logement social, la promotion privée bat des records.
Le problème, c'est que la masse de nos concitoyens peuvent de moins en moins en profiter. Les ménages qui, il n'y a pas si longtemps, après avoir passé quelques années dans le secteur social rejoignaient le secteur privé, libérant ainsi des logements, ne peuvent plus le faire, ce qui bloque l'ascenseur social.
Tel est, monsieur le ministre, le fameux « parcours » qui, hier, vous a fourni un thème de leçon à destination de l'opposition. Comme le rappelait ma collègue tout à l'heure, selon le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, la part de logements accessibles sous plafond de revenus est tombée de 67 % en 2000 à 40,8 % en 2006. Cela se passe de commentaires !
À vous en croire, monsieur le ministre, à en croire les orateurs de la majorité, l'effort en matière de construction de logements sociaux aurait été, depuis 2002, sans commune mesure avec celui des cinq années précédentes.
M. Pierre-Yves Collombat. J'attendais que vous donniez des chiffres, monsieur le ministre, car ce ne sont là que des effets de tribune !
N'ayant pas eu vos chiffres, j'ai consulté la presse d'aujourd'hui et j'ai pu y voir qu'au cours de l'année 2000 33 200 logements HLM - non compris les logements PLS et ceux des programmes de reconstruction et de rénovation urbaine - ont été mis en chantier. Ils représentaient 10,8 % de l'ensemble des mises en chantier. En 2006, ces chiffres sont respectivement de 31 400 - contre 33 200 - et de 7,5 % - contre 10,8 % !
Conséquence de cette insuffisance globale de l'offre de logements et, plus encore, de son inadaptation à la demande : la mise en oeuvre du droit opposable au logement reposera essentiellement sur les communes qui se sont déjà le plus mobilisées en faveur du logement social, souvent les plus en difficulté, contribuant à aggraver les déséquilibres entre territoires, entre communes parfois limitrophes, suscitant aussi une forme de concurrence entre les pauvres et mettant à mal le principe de mixité sociale.
Mais, nous dit-on, inscrire dans une loi le principe du droit au logement opposable est une révolution. À l'ère médiatique, peut-être !
À y regarder de près, cependant, ce droit au logement n'est, pour l'heure, qu'un nouveau mode d'emploi du contingent préfectoral de logements sociaux.
Vous-même, monsieur le ministre, vous n'êtes pas si convaincu de son caractère opposable. Ce que vous avez déclaré, le 11 janvier dernier, devant le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui devait donner son avis sur le projet de loi, m'incite en tout cas à le penser.
Après avoir rassuré sur l'augmentation de leurs charges de travail les magistrats administratifs, inquiets de ne disposer d'aucun moyen supplémentaire pour remplir leur mission de gardiens de ce nouveau droit, vous avez déclaré : « Le recours au juge ne devrait être qu'ultime. La commission de médiation devra jouer un rôle de filtre ; notamment, les intéressés ne seront pas reconnus prioritaires sur n'importe quel logement. Et si un mal-logé refuse un logement qui lui a été accordé, le juge devra lui faire comprendre qu'il n'a pas un droit absolu à un logement. »
Un mal-logé n'aura pas un droit absolu à un logement ! Tout est dit ! Un droit qui n'est pas absolu, est-ce encore un droit ?
M. Pierre-Yves Collombat. Comme je ne dispose pas des données des Renseignements généraux, j'ai simplement consulté le site internet de l'Union syndicale des magistrats administratifs !
M. Pierre-Yves Collombat. Peut-être ont-ils eu des visions !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cela ne vous empêche pas de dire des choses fausses ! Je comprends votre embarras !
M. Pierre-Yves Collombat. Pour les raisons que j'ai énoncées au début de mon explication de vote et pour saluer l'ouverture de M. le ministre sur quelques dispositions de justice très significatives, nous ne voterons pas contre ce texte, mais pour les raisons les plus essentielles, nous ne pourrons pas voter pour ; comme l'a dit Bariza Khiari, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Madame la présidente, monsieur le ministre et cher ami, mes chers collègues, ce texte, très attendu, marque une véritable avancée en termes de lutte pour l'intégration sociale.
Une telle initiative mérite d'être saluée, comme tous les efforts déployés depuis plusieurs années par vous-même et par notre ami Bernard Seillier, rapporteur du projet de loi.
Ce texte est marqué par la continuité - vous l'avez évoqué à différentes reprises -, la générosité, ainsi que par le réalisme.
Il va susciter un immense espoir chez ces milliers d'hommes et de femmes en attente d'un toit, tant chez les plus démunis, qui relèvent tout particulièrement du domaine social, que chez tous ceux qui travaillent et ont besoin de se loger. En effet, dans toutes les municipalités, dans tous les départements, le logement des actifs constitue un problème non résolu, compte tenu de l'augmentation massive des prix et de la difficulté de trouver des terrains adéquats.
Espoir, volonté et capacité doivent guider votre effort. Celui-ci doit s'articuler autour d'une politique du logement ambitieuse, accompagnant la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine et du plan de cohésion sociale.
Cet effort sans précédent, déjà amorcé par le Gouvernement et par vous-même, monsieur le ministre, fait suite à l'action très énergique menée dernièrement, dont les premiers résultats chiffrés sont déjà visibles.
J'émets toutefois quelques réserves sur les mesures en faveur de la cohésion sociale votées en fin de débat, car je me demande si elles ont toujours fait l'objet des concertations indispensables. Ces points mériteraient d'être éclaircis, notamment à l'occasion de la commission mixte paritaire.
Malgré cette réserve, le groupe du RDSE approuve bien évidemment votre démarche et, dans son immense majorité, il votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite expliquer le vote du groupe UMP sur ce texte que nous avons examiné au cours des trois derniers jours, car il constitue une nouvelle étape déterminante d'une politique dynamique en faveur du logement et du logement social, menée depuis 2002 par les gouvernements Raffarin et Villepin.
Si nous pouvons consacrer aujourd'hui le droit opposable au logement, c'est bien parce que cette réelle avancée sociale a été rendue possible par l'effort sans précédent fourni au cours de cette législature.
Je rappelle que la loi de programmation de cohésion sociale a été le point de départ de la réalisation concrète d'un programme de construction sans précédent. Entre 2005 et 2009, 500 000 logements sociaux auront été construits dans le parc public et 200 000 dans le secteur à loyer maîtrisé. En 2006, 144 000 logements à loyer accessible ont été produits, dont 106 000 dans le parc public, contre 50 000 logements sociaux au total, en 2000 !
Au-delà de ces chiffres historiques en matière de construction, je tiens aussi à rappeler les actions engagées tout au long de la chaîne du logement, tant au niveau de la rénovation qu'à celui de la modération et de la sécurisation des loyers ou encore à celui de l'accès à la propriété.
Mes chers collègues, sans vouloir ni donner de leçons à quiconque, ni en recevoir, je tiens à affirmer que nous sommes fiers de concrétiser un droit légitime à posséder un toit, étape essentielle de la socialisation de tout citoyen.
Les débats ont été riches et animés. Ils ont permis à notre Haute assemblée d'approuver le principe d'un droit opposable au logement opérationnel.
Nous avons ainsi confirmé le calendrier proposé par le Gouvernement. Dès 2008, ce droit sera ouvert aux catégories de personnes les plus fragiles, en situation d'urgence, pour qui le droit à l'hébergement est prioritaire. Dès 2012, il sera étendu à tous les autres mal-logés. Ce calendrier est réaliste ; nous pourrons en tenir les délais si la volonté politique est au rendez-vous, et nous ne doutons pas de la vôtre, monsieur le ministre !
Il faudra, bien sûr, veiller scrupuleusement à sa compatibilité avec le rythme de construction de logements sociaux et ne jamais relâcher l'effort engagé.
Nous nous félicitons que la distinction entre hébergement d'urgence et logement soit clarifiée. Il était, en effet, important de bien définir, sans ambiguïté, les missions qui allaient être confiées aux commissions de médiation.
À cet égard, nous saluons l'action du Gouvernement sur les créations supplémentaires de places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, qui viendront rapidement compléter les places existantes.
Nous nous donnons ainsi les moyens de répondre aux demandes et de ne laisser personne sans toit dès l'hiver prochain. C'est une décision exemplaire et je tiens, notamment, à saluer l'implication de Catherine Vautrin dans cette action...
M. Ladislas Poniatowski.... à laquelle elle consacre toute son énergie.
M. Ladislas Poniatowski. S'agissant de l'obligation de créer des places d'hébergement, il faudra se montrer vigilants pour laisser aux communes le temps de s'adapter et ne pas les pénaliser trop fortement en termes financiers, ce qui serait contre-productif.
Il était également essentiel pour nous de prévoir une responsabilité exclusive de l'État plutôt qu'un transfert automatique de la responsabilité du droit au logement aux collectivités signataires d'une convention de délégation du contingent préfectoral.
Ne disposant pas des moyens coercitifs du préfet, tel le pouvoir de réquisition, pour mettre en oeuvre le droit au logement, aucune collectivité locale n'a les moyens d'exercer cette responsabilité. Selon nous, la garantie de l'État est le gage d'une application équitable du droit au logement sur l'ensemble du territoire national.
Pour la réussite de ce nouveau droit, nous nous sommes dotés des outils de suivi et des clauses de rendez-vous indispensables pour en assurer l'effectivité. Ainsi, avant le 1er octobre 2010, le Conseil économique et social remettra au Président de la République et au Parlement un rapport d'évaluation relatif à la mise en oeuvre de la loi.
En outre, il est institué un comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable, qui associera, dans des conditions prévues par décret, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, les associations représentatives d'élus locaux et les associations et organisations oeuvrant dans le domaine du logement.
Plusieurs autres mesures importantes ont été adoptées, comme le renforcement de la garantie des risques locatifs, la nouvelle indexation de l'APL sur l'indice des loyers, une mesure qui permet de lutter efficacement contre les squats de logements habités, un nouveau contrat unique d'insertion à titre expérimental dans les départements et un nouveau statut pour les accueillants familiaux.
S'agissant des quatre articles en faveur de la cohésion sociale, nous nous félicitons de ces mesures de bon sens.
Concernant les vieux travailleurs migrants, il était important de clarifier la rédaction de cette disposition prise en faveur de ceux qui ont reconstruit notre pays avec nous et à qui il était normal de ne plus imposer des séjours prolongés en France pour qu'ils puissent bénéficier de leurs droits.
Quant à la cotisation sociale professionnelle, nous ne pouvons qu'approuver cette simplification en faveur de ceux qui créent leur entreprise, en invitant cependant à une grande vigilance pour que la cotisation proportionnelle demeure toujours plus intéressante qu'une cotisation forfaitaire.
Je tiens enfin à saluer et à féliciter nos trois rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, qui ont permis d'éclairer et d'enrichir nos débats.
Pour l'essentiel, ce texte est un immense progrès social, qui va contribuer à faire avancer encore notre politique en faveur du logement.
Monsieur le ministre, soyez assuré du soutien du groupe UMP, qui votera ce projet de loi en saluant votre investissement personnel dans ce combat pour que les choses changent vraiment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens non seulement comme membre du groupe auquel j'appartiens, mais également en tant que membre, depuis plusieurs années, du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et, à ce titre, témoin des démarches de cet organisme, dont je me dois de rendre compte.
Institution créée en 1992, sur l'initiative de l'abbé Pierre, ce Haut comité déploie, dans sa façon d'être, des qualités remarquables.
J'aborderai pour commencer ses objectifs. Aucun de ses membres n'accepte la situation de mal-logement, de non-logement, qui constitue, aujourd'hui, une véritable plaie nationale.
Pour chacun de ses membres, cette situation est inadmissible, injuste, intolérable, parce que destructrice d'individualités innombrables. C'est là notre socle de pensée, et quand nous nous réunissons, nous qui sommes divers, c'est pour régler les problèmes qui ont trait à ce fait.
Nous avons, ensuite, une pratique. J'en discutais avec certains d'entre nous, à l'occasion des suspensions de séance, et plusieurs fois je me suis servi de cette phrase du maire de Venise, par ailleurs philosophe, Massimo Cacciari, selon qui le pluralisme serait un malheur si chacune de ses composantes, tout en gardant son opinion, n'avait pas d'hospitalité pour les autres. Eh bien, si le Haut comité est productif d'idées positives, acceptables, acceptées et opératoires, c'est qu'il pratique un pluralisme de construction et non un pluralisme où chacun se compte et, voulant triompher de l'autre, n'écoute plus l'autre.
Cette pratique-là pourrait être entendue ici ! Car, pendant une partie du débat, j'ai senti comme une volonté, de la part de certains membres de la majorité, que nous ne puissions nous entendre. Or, vous l'avez remarqué, les pas en avant qui ont été faits sont le résultat de discussions où nous avons été francs les uns avec les autres, mais où nous avons voulu résoudre la question : nous avons eu une volonté politique que nous avons su, à ce moment précis, rendre commune.
La pratique du Haut comité, c'est aussi le contact avec les intéressés. Il émet une opinion, mais parallèlement à lui s'est créée une plate-forme de soixante associations avec laquelle s'est instauré non pas un jeu, le mot ne serait pas approprié, mais un échange réciproque d'idées qui, finalement, enrichit les uns et les autres. Parmi ces associations, je ne peux pas ne pas singulariser la Fondation Abbé-Pierre, qui, aujourd'hui, a présenté un livre que, vraiment, tout le monde doit lire ; car nous avons évoqué des situations graves, mais c'est encore plus grave quand on les lit dans ce document, dont on sait bien qu'il est indiscutable.
Je citerai aussi les Enfants de Don Quichotte : moi qui aime tant les questions culturelles, je trouve bien d'avoir Cervantès comme allié ! D'ailleurs, on a vu que cela poussait...
Enfin, j'évoquerai le DAL, parce que c'est un organisme qui, depuis un certain nombre d'années, ne cède jamais, en quelque endroit que ce soit. Il ne cède pas ! On a besoin, dans un pays, de gens qui ne cèdent pas sur un certain nombre de valeurs.
Pour en revenir à la pratique du Haut comité, celui-ci a travaillé depuis 2002 sur le droit au logement opposable, dont l'idée a été lancée par l'un de ses membres, Paul Bouchet. Il a établi quatre rapports qui ont été remis au Président de la République, aux Premiers ministres. Juste avant Noël, il en a présenté un dernier dans lequel il examinait comment ce droit pouvait être appliqué.
Enfin, le Haut comité a des relations avec les pouvoirs publics. C'est ainsi que j'ai pu évoquer récemment comment, monsieur le ministre, vous avez reçu Paul Bouchet et Bernard Lacharme, un dimanche soir, et accepté une modification fondamentale de l'article 1er et l'ajout d'un nouvel article, l'article 5. (M. le ministre approuve.)
Je voulais dire cela dès le début, car, lorsque je parle de cette question, je suis tout de même habité par cet arrière-plan - qui pousse, savez-vous !
Le texte qui a été déposé sur le bureau du Sénat était différent de celui de ce beau dimanche soir. Le Haut comité a émis un avis, que j'ai ici, mais que je ne vous lirai pas ce soir, faites-moi confiance. Il a été donné par des femmes et des hommes - la parité est d'ailleurs presque atteinte au sein du Comité - qui voulaient moins faire de l'histoire, si précieux cela soit-il, que contribuer, pour la part qui leur revenait, à faire l'histoire, et ce n'est pas une petite remarque.
Nous avons émis un avis favorable, mais nous l'avons assorti d'un certain nombre de remarques qui ne sont pas négligeables.
La première, maintenant résolue, était fondamentale : il faut un comité de suivi. Nous regrettions par ailleurs que des limites soient posées à cette loi, qui n'établit que la responsabilité de l'État, cela n'a pas changé ; qui n'a pas d'effet sur le développement de l'offre, cela n'a pas changé ; qui laisse l'attribution des logements sociaux comme le seul endroit où existe une voie de recours, cela n'a pas changé ; qui ne tient pas compte de la spécificité francilienne - elle est énorme, tout le monde le sait -, cela n'a pas changé ; qui ne prévoyait pas de comité de suivi et ne définissait pas de deuxième étape, cela a changé.
À l'issue du débat, que, malheureusement, j'ai trouvé jumelé avec des mesures pour la cohésion sociale - elles ont d'ailleurs été corrigées, et l'intervention des parlementaires de gauche, notamment celle de mon groupe, a été décisive -, je constate qu'il y a eu une compréhension réelle de la part du ministre et de la part de « la majorité de la majorité », si j'ose dire. Demeure tout de même cet amendement qui me reste en travers de la gorge, et là je m'exprime à titre personnel : c'est celui qui vise à faire des Bulgares et des Roumains des sous-Européens.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui a fait cela ?
M. Jack Ralite. C'est quelque chose qui ne passe pas !
M. Jack Ralite. Quel est le bilan, ce soir ?
Le premier élément, l'avancée principale, c'est la question du droit au logement opposable. Est-il total ? Est-il aussi fin que nous l'avions défini ? Je ne le pense pas. Mais il existe ! C'est une nouvelle liberté qui est mise au jour dans notre pays : à ceux qui peuvent l'utiliser de la prendre en main et de la porter plus avant !
Quand on a une liberté nouvelle, c'est bien de souligner ce qui lui manque, mais c'est bien aussi de dire le coeur qu'elle porte en elle et qui peut être un point d'appui décisif et multiplicateur. Je suis pour que les Don Quichotte aient encore beaucoup plus d'enfants... De surcroît, le droit au logement opposable a été défini comme droit fondamental et non comme droit catégoriel. Le danger existait, il a été évité, et c'est très important.
Deuxième élément, la juridiction choisie est la juridiction administrative. C'est bien. Et c'est sans compter la naissance de ce que l'on appelle désormais le « référé logement » ! Cela n'existait pas, maintenant cela existe. Il faut l'utiliser, il faut se battre là-dessus !
Troisième élément, le comité de suivi. Non seulement le décret l'instituant sera publié en même temps que la loi, mais j'ai ici la lettre que le Premier ministre a adressée à notre président, Xavier Emmanuelli, et dans laquelle il précise que le Gouvernement souhaite que le premier rapport du comité de suivi soit remis au plus tard le 1er juillet 2007. C'est très important ! C'était notre volonté, elle a été entendue, tant mieux ; mieux encore, l'assemblée l'a inscrite dans la loi. J'espère seulement que le Conseil constitutionnel n'adoptera pas une position négative sur ce point !
S'est donc produit un lever de rideau incontestable, que pour ma part j'apprécie.
Il y a enfin quelques autres avancées dont nous sommes assez contents sur les travées de ce côté-ci de l'hémicycle.
Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.
M. Jack Ralite. J'ai encore quelques mots à ajouter, madame la présidente. (Protestations.)
Mme la présidente. Il serait néanmoins utile que vous alliez vers votre conclusion !
M. Jack Ralite. Il y a donc quelques avancées, que je ne vais qu'énumérer.
Qu'une sorte d'article 55 ait été adopté pour l'hébergement ; qu'un programme de constructions ait été voté, à travers un amendement, qui met davantage l'accent sur les PLAI ; que l'APL soit versée dès le premier mois et indexée sur une nouvelle base tenant compte du prix du loyer et non sur un indice du prix de la construction dont vous savez comme il était dangereux ; que le risque locatif soit garanti : ce sont là des choses intéressantes.
Cela étant, la majorité a opposé certains refus, ce qui, bien sûr, ne nous plait pas. J'évoquerai d'abord le refus de prendre en considération le privé - c'est tout de même une sacrée question ! -, encore que les propos de M. Borloo sur les logements vacants laissent à penser qu'un travail est possible qui nous permettra peut-être de nous rapprocher. Il y a le refus de l'accompagnement des personnes par les différentes associations. Il y a le refus de la responsabilité des maires quand ils ont choisi la délégation préfectorale, et c'est pour moi un point capital : ce refus-là risque d'être un danger, de miter le droit opposable au logement. Il y a le refus de mettre en place une sorte de protection pour les villes qui font leur travail depuis des années et qui doivent être traitées d'une manière à part. Enfin, il y a eu le refus à l'article 1er, pour les travailleurs migrants qui ne totalisent pas dix ans de séjour, d'un statut identique à celui des autres citoyens.
La question est donc : que faire ? Et j'arrive ainsi à ma conclusion ! (Exclamations.)
Je pense que ce texte est une avancée, que c'est un lever de rideau, que les lignes ont bougé, mais que le changement de cap n'est pas encore pris avec l'ampleur que la situation rend nécessaire. Maintenant, il faut aller plus loin. Le comité de suivi va organiser des séminaires toutes les trois semaines sur les questions fondamentales qui ont été abordées ou qu'il avait déjà abordées auparavant, avec les associations, de façon que le premier rapport soit prêt le 1er juillet 2007.
Donc, c'est clair : je ne voterai pas contre le projet de loi. Je m'abstiendrai. Mais je veux qualifier mon abstention. C'est une abstention positive (Rires sur les travées de l'UMP.), je le dis parce que je le pense. Oui, elle est positive, et vous ne devriez pas rire, parce qu'il faut savoir ce que cela signifie quand, dans un Parlement, un membre de l'opposition dit : « abstention positive ». C'est une réflexion, c'est une action personnelle, comme celle des autres membres du Haut Comité, que j'entends voir respectée dans ses valeurs et dans sa volonté d'être productive. J'en ai fait un frein éthique en moi. Le rideau, si vous vous rappelez mon image, n'a pas été, à mon avis, levé jusqu'au cintre. Il faut faire plus. Toutes les associations et le Haut comité doivent travailler sur la base de leur expérience, sur la base du rapport de la Fondation Abbé-Pierre, sur la base de la richesse de nos interventions.
C'est donc une abstention positive et ouverte que j'émettrai, et j'espère des avancées nouvelles à l'Assemblée nationale, qui pourra s'appuyer sur ce que nous avons fait. Cela dépendra beaucoup de M. Borloo, qui, ici, par moments, a permis l'ouverture d'une solution.
Mme la présidente. Terminez, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Il me reste encore un mot à dire, madame la présidente !
Mme la présidente. Vous avez utilisé trois fois plus de temps qu'il ne vous en est imparti. J'ai été très indulgente, mais je vais vous demander d'arrêter là.
M. Jack Ralite. Laissez-moi dire encore une petite phrase et c'est terminé !
Un grand intellectuel, Jean-Pierre Vernant, qui vient de décéder, disait : « Entre les rives du même et de l'autre, l'homme est un pont. » Il manque encore une ou deux arches fondamentales au pont qu'il y avait à construire. C'est ce qui explique mon abstention, que j'appelle positive. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cette explication de vote, je m'en tiendrai à l'aspect « droit opposable au logement ».
Sur ce point, l'intérêt de ce projet de loi est incontestable. Alors que de plus en plus de gens souffrent de ne pas avoir de toit et que d'autres sont logés dans des conditions précaires, comment ne pas être favorable à la création d'un véritable droit au logement, d'un droit au logement opposable ? C'est impossible.
Mais qu'y a-t-il derrière cette loi ? Le fait de donner un droit donnera-t-il un toit ? C'est là la vraie question, et c'est là que nous disons qu'il faut être honnête. Le problème du logement, c'est avant tout l'absence de logement et une absence de logement à coût possible.
Je formulerai une remarque sur la construction des logements. Je voudrais, pour ma part, féliciter les gouvernements de cette législature du nombre de logements qui ont été construits en cinq ans. J'en suis d'autant plus fier qu'il s'agit de deux ministres de courant de pensée UDF, Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo ; même si ce dernier a quitté nos rangs, il vient de l'UDF, et je le félicite de son action.
M. Jean Desessard. L'un a quitté l'UDF, l'autre le fera bientôt !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je m'attache plus aux courants de pensée qu'aux appareils.
Il faut construire des logements, c'est ce que prévoit la loi de programmation pour la cohésion sociale que nous avons votée, et c'est très bien. Mais il faudra construire aussi en fonction des besoins réels. Or nous craignons que trop peu de logements très sociaux soient construits, c'est pourtant de ces logements-là que nous aurons besoin. Nous avons présenté des amendements dans ce sens ; ils n'ont malheureusement pas été retenus.
Mais cela n'est valable que pour le moyen et le long terme. Dans l'immédiat, que faire ? Le projet de loi contourne le problème en ne distinguant pas assez « droit au logement » et « droit à l'hébergement » ; nous le déplorons. Une telle confusion - mais en est-ce une ? - pourrait le vider de sa substance et le rendre incantatoire. C'est un véritable risque.
Sur le fond, reste la question délicate de la relation entre droit au logement opposable et responsabilité des communes.
La solution de dissocier l'action d'attribution du contingent préfectoral en cas de délégation et la responsabilité liée à cette action, adoptée par le Sénat sous l'impulsion de la commission des affaires sociales, est meilleure que celle qui nous était proposée au départ. La première mouture du texte aurait dissuadé les collectivités d'accepter la délégation du contingent préfectoral.
La nouvelle rédaction est meilleure, mais elle constitue une curiosité juridique et elle sera certainement de nature à ne pas beaucoup améliorer les relations, déjà parfois très tendues, entre les mairies et les préfectures. Les préfets, après avoir vu la responsabilité de l'État engagée, pourront se retourner contre les communes. Ne voit-on pas là se profiler une recentralisation de la politique du logement ? Dans l'affirmative, la seconde étape de la décentralisation aurait vite fait long feu...
Ce texte pose un autre problème et non des moindres : celui de la mixité sociale. En créant un public de « super-prioritaires », ne risque-t-il pas d'engendrer l'émergence de nouveaux ghettos de personnes en difficulté ?
L'impératif de mixité sociale devra toujours être respecté dans l'attribution des logements. Malheureusement, le projet de loi, telle qu'il se présente, ne la garantit pas suffisamment à nos yeux, mais la loi ne peut pas tout faire.
En outre, nous nous réjouissons que les travaux du Sénat aient pu améliorer le projet de loi à propos de l'accompagnement des titulaires du droit au logement. C'est là un point fondamental. Lorsque l'on se trouve en état d'exclusion, on ne connaît pas ses droits ni les moyens de les faire valoir. De plus, chacun doit avoir droit à un traitement différencié car tout le monde n'est pas en état d'occuper un logement normal sans un accompagnement spécifique. Sur cette question, les travaux de notre Haute Assemblée ont été fructueux.
La rapidité d'élaboration de ce texte pourrait peut-être mettre en question sa pertinence et son effectivité. Toutefois, dans son immense majorité, le groupe UC-UDF le votera, parce qu'il constitue une avancée juridique, mais nous resterons extrêmement vigilants pour qu'il ne reste pas une coquille vide.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de ces trois journées de discussion sur le projet de loi instituant le droit au logement opposable, je souhaiterais à mon tour vous faire part des réflexions que m'inspirent les nombreux échanges que nous avons eus à cette occasion.
En première analyse, je ne méconnais pas l'importance de l'instant : nous nous apprêtons, en effet, à inscrire dans notre droit un principe fondamental qui, s'il est mis en oeuvre de manière efficace et pragmatique, est de nature à changer la vie de nombre de nos concitoyens touchés par le phénomène du « mal-logement ».
Au terme de ce processus législatif, pour la première fois dans le domaine du logement, nous allons fixer à l'État une obligation de résultat et non plus une simple obligation de moyens. Il s'agit là d'une avancée capitale en matière de droits économiques et sociaux à mettre au crédit du Gouvernement et, en particulier, de nos ministres chargés du pôle de cohésion sociale.
Avec ce texte, le Parlement adresse un message clair aux Français : nous leur garantissons à terme - mais pas immédiatement - que l'État sera tenu de leur apporter sécurité et stabilité dans le domaine du logement.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, je suis bien obligé d'admettre que le calendrier que le Sénat a retenu n'a pas été celui qui aurait eu ma préférence. Toutefois, j'ai bien entendu les déclarations des uns et des autres et je constate qu'une mobilisation générale a été déclarée afin de mettre les acteurs du logement et l'État sous pression.
Je ne doute pas d'ailleurs que le prochain gouvernement, quel que soit le résultat des prochaines échéances électorales, aura à coeur de s'inscrire pleinement dans cette dynamique, même si, personnellement, je dois bien avouer que je ferai plus confiance à une majorité qu'à une autre, compte tenu de leurs résultats respectifs récents dans le domaine du logement.
Cela étant dit, je ne dois pas vous cacher, mes chers collègues, un certain sentiment d'étonnement.
Étant membre de notre Haute assemblée depuis bientôt douze ans, je pensais avoir vu un certain nombre de choses et être bien au fait des surprises que peut offrir le débat parlementaire : eh bien, je me trompais !
J'ai assisté, plus particulièrement au cours des débats qui se sont tenus hier, à des revirements plutôt surprenants, conduisant notre assemblée à voter des dispositifs en totale contradiction avec les positions qu'elle avait défendues dans un passé très récent.
Alors que s'est-il passé ?
M. Jean Desessard. Il y a eu le CPE !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Pourquoi ceux qui, hier, défendaient les collectivités territoriales ont-ils subitement décidé, dans un grand élan, d'ajouter dans notre législation plusieurs couches supplémentaires de contraintes pour les maires ?
Le rôle de notre assemblée n'est-il pas au contraire de faire en sorte que nos élus locaux puissent, dans les meilleures conditions possibles, assumer leurs missions d'intérêt général, dans l'intérêt quotidien des Français qui les ont choisis ? N'ont-ils pas le droit à une certaine stabilité du cadre juridique régissant l'exercice de leurs missions, au risque - nous le voyons tous les jours - d'être perdus, voire noyés par les changements incessants de la législation applicable ?
Je me demande aussi pourquoi ceux qui hier affirmaient ne pas vouloir remettre en cause, au détour d'un amendement et sans aucune analyse, des équilibres délicats et difficilement obtenus ont brusquement changé du tout au tout.
Je trouve, mes chers collègues - je le dis très calmement - que nous légiférons parfois de manière bien inconséquente. La réaction de notre collègue Hugues Portelli doit tous nous interpeller.
Certains ont eu parfois la « tentation de Venise ». Pour ma part, je dois bien avouer que ces errements m'ont amené, à titre personnel, à avoir la tentation de l'abstention.
Cela étant, tous ces revirements aussi surprenants qu'inattendus ne me conduisent pas pour autant à négliger les avancées substantielles qui ont été réalisées lors de la discussion devant notre Haute assemblée.
Je pense tout particulièrement à l'indexation des aides au logement sur l'évolution de l'indice de référence des loyers.
Certes, on nous avait dit il y a seulement un mois et demi, lors de la discussion de la dernière loi de finances, qu'une telle mesure était impossible, inenvisageable, compte tenu de l'état de nos finances publiques.
M. Roland Muzeau. C'est pour cela qu'il ne faut pas les croire !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. On reconnaît aujourd'hui que c'est une mesure indispensable pour maintenir le pouvoir d'achat des locataires les plus modestes.
Je crois, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous ne pouvons que nous féliciter que nos finances publiques se soient rétablies aussi rapidement (Mme Raymonde Le Texier rit.), en deux mois seulement, et qu'elles soient aujourd'hui en état de permettre une telle avancée majeure ! D'ailleurs, cela a été si rapide, mes chers collègues, que nous n'avons plus aucun souci à nous faire sur le problème de la dette publique, parce que si la même pente est suivie, elle sera rapidement comblée !
Je pense aussi à la mise en place - fait là encore historique - d'un mécanisme de garantie contre les risques locatifs, qui va permettre de limiter les expulsions locatives et les situations dramatiques sur le plan social d'impayés et de surendettements liés au logement.
J'interprète ce dispositif comme un nouveau pacte entre les bailleurs et les locataires, un pacte rééquilibré, de nature à remettre un certain nombre de personnes sur le chemin de l'investissement locatif et de redonner confiance aux propriétaires, parfois découragés de mettre leur bien en location. À l'évidence, il s'agit là d'un élément qui va stimuler le développement de l'offre locative dans notre pays, qui en a bien besoin - et vous n'avez peut-être pas jugé ce phénomène à sa juste valeur.
Enfin, je n'oublie pas non plus les amendements que nous avons votés en faveur du parc social, avec l'augmentation du nombre de logements sociaux prévus par le plan de cohésion sociale ou encore les fonds supplémentaires alloués par l'État pour la réhabilitation des quartiers en difficulté. Là encore, mes chers collègues, on peut reconnaître que ces avancées sont très importantes.
Au total, monsieur le ministre, même si ma préférence aurait été très nettement - j'y insiste - en faveur d'un texte resserré, compatible avec le peu de temps qui nous a été laissé pour l'examiner, et qui aurait inscrit le principe du droit au logement opposable et la création d'un comité de suivi dont les réflexions auraient éclairé le prochain gouvernement, qui, lui, aurait dû mettre en place les modalités d'application de ce droit au logement, je suis persuadé que si vous aviez fait cela, ce texte aurait été voté à l'unanimité par notre assemblée.
M. Jean Desessard. J'en doute !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Quoi qu'il en soit, je le voterai. Je ne peux néanmoins m'empêcher de penser, au vu de la complexité des problèmes évoqués, que ces sujets auraient certainement mérité d'être débattus dans des conditions plus sereines et dans un contexte politique moins particulier.
Monsieur le ministre, le droit opposable au logement méritait mieux que ce que nous avons fait au cours de ces trois jours.
M. Jean Desessard. C'est un vote « pour » négatif !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux m'associer aux propos très consensuels qui ont été tenus.
Je saluerai d'abord le mérite de M. Jean-Louis Borloo, sans lequel - soyons clairs - il n'y aurait pas ce soir de texte sur le droit opposable au logement. Je saluerai ensuite Mme Catherine Vautrin, qui a largement contribué à nos travaux. Mais permettez-moi aussi de remercier la commission des affaires sociales, qui a fait confiance à Bernard Seillier en le nommant rapporteur, Bernard Seillier dont chacun connaît l'engagement et la compétence. Il est - d'autres le diraient peut-être mieux que moi - le plus compétent d'entre nous sur les questions de l'exclusion, son engagement fait l'admiration de tous et je lui sais gré d'avoir mis son expertise au service de ce texte majeur.
Il a largement contribué à l'amélioration de ce texte, les propositions les plus importantes émanent de lui et je le remercie du fond du coeur d'avoir su donner le ton qu'il fallait tant en commission que dans cet hémicycle, sur ce texte compliqué, qui exige à la fois tolérance et mesure et qui - je n'en doute pas - évoluera encore lors de son passage à l'Assemblée nationale et en commission mixte paritaire.
Ensemble, nous parviendrons à en faire un texte équilibré, respectueux des droits des collectivités mais aussi respectueux de ce nécessaire engagement en faveur des plus défavorisés.
Mes chers collègues, je souhaite que, par un vote le plus large possible, nous donnions tout son éclat à ce texte tout à fait historique. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?....
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Mme Bariza Khiari. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Madame la présidente, je tiens, avec des mots auxquels la fatigue m'empêchera peut-être de donner la puissance et la force qu'ils mériteraient, à me réjouir de la grande qualité de nos travaux et à adresser mes profonds remerciements à tous ceux qui ont participé à la discussion de ce texte et contribué à son élaboration.
Permettez-moi d'évoquer rapidement quelques mesures qui ont été acquises et qui me semblent significatives : le renforcement du programme de construction des logements sociaux et très sociaux, l'évaluation à mi-parcours par le Conseil économique et social, l'extension de la garantie des risques locatifs, la domiciliation des sans domicile fixe, la mobilisation du parc privé, l'indexation des aides au logement sur l'indice de référence des loyers, la sécurisation de l'aide créée au bénéfice des chibani.
Je veux surtout m'arrêter sur la méthode de travail qui a été retenue et sur l'atmosphère dans laquelle se sont déroulés nos débats, car elles me semblent caractéristiques d'un échange exceptionnellement riche. Je rejoins là les propos très sensibles qu'a tenus tout à l'heure Jack Ralite.
Lorsque nous débattons de la construction et de la cohésion sociale, nous sommes au coeur d'une mécanique qui, par bien des aspects, reste très mystérieuse et dont les ressorts nous échappent. Nous devons aborder ces questions avec beaucoup de respect, car nous édifions une oeuvre commune, dans une dialectique substantielle, loin d'un dialogue purement formel et superficiel. Nous allons au fond des choses, tendant vers un but aux contours encore incertains, mais qui est un bien commun qu'il nous faut bâtir ensemble, sans nier nos différences ni les valeurs spirituelles et culturelles qui donnent un sens à notre vie. Nous recherchons, par cet échange sans fard, sans masque, mais au contraire dans une quête de vérité, à oeuvrer pour la construction du « vivre ensemble », de l'« habiter ensemble ».
Bien sûr, une société n'est jamais parfaite : n'attendons pas de réaliser des miracles, contentons-nous de chercher à atteindre le meilleur possible dans l'instant présent. C'est à cette construction vivante, prenant en compte ce qui fait l'actualité d'aujourd'hui, que j'ai été le plus sensible, car les uns et les autres y ont pris part, sur toutes les travées de notre assemblée.
En effet, nous n'avons pas été de simples spectateurs. Nous ne sommes pas restés extérieurs à l'événement que constitue la création d'un droit opposable au logement. Nous nous sommes efforcés de l'instituer sans nous considérer comme supérieurs aux personnes qui sont à l'extérieur de cet hémicycle, dans le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains, dans le respect aussi de notre belle devise.
Je crois que, dans ce débat, nous avons fait plus que transmettre un message : nous avons aussi fait en sorte de donner un exemple.
De ce point de vue, je tiens à remercier les deux ministres, Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin, dont l'apport a été essentiel. Je suis frappé par l'interactivité qui a marqué notre discussion. Cette interactivité exige que personne ne reste étranger à l'autre, que chacun essaie de comprendre ce que l'autre veut dire, afin de trouver le plus possible de points de convergence.
Il n'est pas étonnant que des ministres qui sont en charge la cohésion sociale témoignent de ces valeurs existentielles qui permettent de nouer des relations de qualité, de construire une cohérence sociale pour une société libre.
Je tiens également à remercier notamment nos collègues Catherine Procaccia et Christian Cambon, qui n'ont pas hésité à aller discuter avec les représentants des associations qui suivaient nos débats, afin d'éviter qu'un amendement soit mal compris. C'est un acte suffisamment important et symbolique pour que je leur rende en cet instant un hommage particulier.
Bien entendu, je remercie également tous les collègues qui ont pris part à nos travaux, les présidents de séance, toujours très attentifs, qui ont su conduire des discussions parfois difficiles - j'ai moi-même failli être un moment submergé par le flot des amendements et sous-amendements ! -, sans oublier les deux rapporteurs pour avis, qui ont accompli un important travail.
Je remercie enfin tous les services du Sénat et ceux des ministères qui, par leur dévouement, leur attention et leur disponibilité nous ont permis d'accomplir un travail de qualité.
Madame la présidente, monsieur le ministre, ce texte est sans aucun doute très innovant. Après la santé, l'éducation, c'est avec le logement que nous faisons un nouveau pas essentiel dans le sens de l'édification d'une protection sociale nouvelle.
Je pense que les années prochaines nous permettront de continuer dans cette direction afin de préserver la liberté de notre pays et - c'est le plus précieux - de construire l'avenir dans le respect de l'égale dignité des êtres humains, quels que soient leur statut, leur religion ou leurs opinions. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame la présidente, je serai bref puisque nous avons six heures de retard - je prie M. le garde des sceaux et tous ceux d'entre vous qui attendent le début de la discussion suivante de bien vouloir nous en excuser -, mais ce sont six heures de retard pour un beau texte !
Je remercie M. Christian Poncelet, qui a tenu à présider la séance lors de l'ouverture de ce débat, ainsi que les différents présidents qui se sont succédé : MM. Richert, du Luart, Fischer et vous-même, madame la présidente.
Je remercie également les rapporteurs des commissions qui, avec des regards forcément différents, ont néanmoins, avec des tensions positives, construit un grand texte.
Je remercie aussi le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées qui, depuis trois ou quatre ans, va à l'essentiel. Il a su laisser du temps au temps afin que les choses avancent, que la machine à construire soit relancée, sans exiger d'emblée une rédaction parfaite parce qu'il savait que c'était quasiment impossible.
Je remercie toutes les associations qui contribuent à la vie de ce secteur.
Je ne saurais conclure ce bref propos sans dire un mot de M. Bernard Seillier, qui, non seulement dans l'exercice de son mandat de sénateur, mais aussi dans d'autres fonctions, honore la République. Comme vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le président About, il est particulièrement heureux que M. Bernard Seillier, qui oeuvre beaucoup à la lutte contre l'exclusion, ait été désigné rapporteur de ce grand texte, texte de dignité pour les chibani, texte qui inverse la charge de la preuve pour tous les responsables, quels qu'ils soient.
Je souhaite que les abstentions soient exclusivement positives, de façon que chacun, là où il sera demain, fasse en sorte que l'on puisse vraiment faire vivre cette loi. (Applaudissements.)
4
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait connaître qu'elle à procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée.
La nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
5
DÉPÔT D'UN RAPPORT du gouvernement
Mme la présidente. M. le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 104 de la loi no 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le rapport sur le fonctionnement et l'évolution des parcs de l'équipement.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et sera disponible au bureau de la distribution.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Nomination de membres d'une COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
La liste des candidats établie par la commission des affaires culturelles a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Valade, Louis de Broissia, Bruno Retailleau, Serge Lagauche, Mmes Marie-Christine Blandin, Catherine Morin-Desailly et Colette Mélot.
Suppléants : MM. Jean-Marie Bockel, Jean-Claude Carle, Ambroise Dupont, Jean-François Humbert, Pierre Laffitte, Jack Ralite et Robert Tropeano.
7
Recrutement, formation et responsabilité des magistrats
équilibre de la procédure pénale
Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats (nos 125, 176) et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (nos133, 177).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un peu plus d'un an, le drame d'Outreau suscitait une émotion sans précédent dans notre pays. Le traitement de cette affaire a entraîné une crise de confiance des Français envers la justice. Chacun s'est en effet demandé : et si c'était moi ?
Je tiens néanmoins à rappeler combien il est difficile de rendre la justice. S'il y a eu un « Outreau », des milliers de décisions sont rendues chaque année par des magistrats aux qualités remarquables, assistés de fonctionnaires passionnés et compétents.
Que l'on se souvienne du procès des pédophiles d'Angers, à bien des égards comparable à celui d'Outreau : il montre bien que la justice, en France, peut être exemplaire.
Qu'attendent nos concitoyens à la suite de ce drame ? Au-delà des réflexions à long terme, souvent théoriques, sur l'avenir de notre système judiciaire, ils souhaitent des réponses immédiates et concrètes aux principaux dysfonctionnements constatés dans l'affaire d'Outreau.
Les projets que je vous présente aujourd'hui au nom du Gouvernement répondent point par point à ces dysfonctionnements. Le projet de loi ordinaire met en place des pôles de l'instruction pour lutter contre la solitude du juge, instaure un véritable contrôle de la chambre de l'instruction pour éviter les détentions provisoires injustifiées, accroît la transparence de la procédure en prévoyant l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires en garde à vue et devant le juge d'instruction ainsi que la publicité des débats sur la détention provisoire, fait progresser le contradictoire, notamment pour les expertises, et rend obligatoire l'enregistrement de l'audition du mineur victime. Le projet de loi organique améliore la formation des magistrats, précise leur régime disciplinaire et met en place une nouvelle voie de recours pour les justiciables, à travers la saisine du Médiateur de la République.
Comme toute synthèse, cette réforme a suscité un certain nombre de critiques : pas assez ambitieuse pour certains, elle est irréaliste pour d'autres. J'ai cependant la conviction qu'elle constitue une étape incontournable pour permettre aux Français de retrouver confiance en leur justice.
Le projet de réforme de la procédure pénale apporte des réponses précises et concrètes aux principaux dysfonctionnements constatés dans l'affaire d'Outreau.
Ce qui a d'abord frappé nos concitoyens, c'est la solitude d'un juge d'instruction dans une affaire particulièrement complexe.
Je souhaite mettre fin à cette solitude en faisant travailler les juges d'instruction au sein d'une équipe. Les affaires criminelles et les affaires correctionnelles complexes ne seront plus instruites par un magistrat isolé dans un tribunal, mais par un ou plusieurs juges d'instruction, réunis au sein d'un pôle, qui pourront échanger entre eux sur les points difficiles.
Le succès rencontré par le pôle antiterroriste de Paris et les juridictions interrégionales spécialisées, qui traitent des affaires de grande criminalité, m'ont convaincu que les dossiers d'instruction complexes ne pouvaient plus être confiés à des juges d'instruction isolés, mais devaient faire l'objet de regards croisés.
De manière plus générale, je souhaite que ces pôles conduisent les juges d'instruction à ne plus travailler seuls au sein de leur cabinet et les incitent au contraire à acquérir la culture du travail en équipe.
Ces pôles permettront de rendre plus faciles les co-saisines, qui pourront désormais être imposées par le président de la chambre de l'instruction, même sans l'accord du magistrat initialement saisi.
Ces co-saisines permettront, sur des affaires complexes, de faire travailler les juges d'instruction peu expérimentés avec des magistrats confirmés. Sans attendre l'adoption de ce dispositif, j'ai demandé à ce que les postes de juge d'instruction soient, autant que faire se peut, pourvus par des magistrats expérimentés, et non par de jeunes magistrats sortant de l'École nationale de la magistrature.
En pratique, les pôles auront un ressort départemental. Cependant, compte tenu des particularités locales, certains pôles pourraient s'étendre à plusieurs départements, et certains départements pourraient accueillir plusieurs pôles.
Contrairement à ce que d'aucuns ont pu affirmer, le système ne remet nullement en cause la carte judiciaire actuelle. Chaque tribunal de grande instance conservera en effet un juge d'instruction chargé des affaires correctionnelles les plus simples. Par ailleurs, les affaires instruites au sein des pôles continueront à être jugées par la juridiction territorialement compétente.
Pour accompagner cette réforme, je souhaite que soient pris en compte les frais de déplacement supplémentaires supportés par les avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle pour se rendre dans les pôles de l'instruction.
Par ailleurs, afin d'assurer un accès en temps réel au dossier, j'ai décidé d'accélérer la mise en place de la numérisation des procédures pénales, qu'une centaine de tribunaux de grande instance expérimentent actuellement.
Enfin, j'ai demandé que, pour limiter les déplacements, l'on utilise la visioconférence chaque fois que cela est possible. Tous les tribunaux de grande instance en sont désormais équipés.
Comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire, ces pôles constituent pour moi la première étape vers la collégialité de l'instruction, que l'Assemblée nationale a souhaité inscrire dans le projet de loi et à laquelle je suis tout à fait favorable.
Toutefois, la pyramide des âges de la magistrature, qui entraînera des départs massifs à la retraite à l'horizon 2010, conjuguée à l'importance des moyens humains nécessaires pour une telle réforme - il faudrait environ 240 magistrats et 400 fonctionnaires de greffe supplémentaires -, nous oblige à différer celle-ci et à nous limiter, dans un premier temps, aux pôles de l'instruction.
Le deuxième enseignement que l'on peut tirer de l'affaire d'Outreau, c'est le caractère excessif du recours à la détention provisoire.
Le présent projet de loi contient donc un certain nombre de dispositions tendant à éviter les détentions provisoires injustifiées. Il renforce le caractère exceptionnel de la détention provisoire, en limitant le recours au critère du trouble à l'ordre public, qui ne pourra plus être employé en matière correctionnelle pour la prolongation ou le maintien en détention.
Votre commission souhaite interdire également l'utilisation de ce critère pour le placement initial en détention. Le Gouvernement ne peut être favorable à une telle proposition, car c'est parfois le seul critère qui permette une détention provisoire nécessaire, notamment en matière de violences urbaines ou d'homicide involontaire.
Limiter la détention provisoire, c'est aussi mieux assurer la défense du mis en examen. Le projet de loi prévoit la présence obligatoire d'un avocat lors du débat sur la détention provisoire, ce qui, semble-t-il, n'a pas toujours été le cas dans l'affaire d'Outreau. Il permet par ailleurs au juge des libertés et de la détention de reporter ce débat pour favoriser le recours au contrôle judiciaire.
Enfin - et c'est, à mes yeux, une disposition fondamentale pour limiter la durée des détentions provisoires -, cette réforme instaure une audience publique de la chambre de l'instruction permettant d'examiner contradictoirement tous les aspects de la procédure en cours, dès lors qu'une personne est détenue.
Cette audience permettra à la chambre de l'instruction d'avoir une vision globale du dossier, vision qui a clairement manqué lors de l'affaire d'Outreau et qui aurait sans doute permis d'éviter le recours à la juridiction de jugement pour que l'innocence des personnes mises en cause soit reconnue.
L'Assemblée nationale a souhaité, avec l'accord du Gouvernement, que ce réexamen de l'ensemble de la procédure puisse avoir lieu au bout de trois mois, au lieu des six mois initialement prévus, afin de permettre un contrôle approfondi du dossier au début de l'instruction.
J'ajoute que le contrôle des chambres de l'instruction sur les cabinets des juges d'instruction sera également renforcé par la mise en place d'assesseurs permanents au sein de ces chambres, lorsque l'activité de ces dernières le justifie.
Il est ainsi prévu la création de quarante-deux emplois de président de chambre ou de conseiller. Ces emplois supplémentaires permettront de poursuivre les efforts engagés en 2006, qui ont d'ores et déjà permis à chaque cour d'appel de bénéficier d'un emploi de conseiller supplémentaire.
La crédibilité de la justice passe par une plus grande transparence des procédures.
Ce souci de transparence se concrétise au travers de deux mesures : la publicité des audiences relatives à la détention provisoire et l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de garde à vue et devant le juge d'instruction en matière criminelle.
Cet enregistrement est souvent interprété, à tort, comme une mesure de défiance à l'égard des forces de police et des magistrats. Il s'agit, au contraire, de lever tout soupçon et de prévenir les mises en cause injustifiées dont font parfois l'objet ces interrogatoires. L'enregistrement, qui pourra être consulté en cas de contestation, permettra de mieux sécuriser les procédures.
J'ai pu constater, lors de mes déplacements en Angleterre et en Italie, combien ces mesures étaient appréciées, bien qu'elles aient fait l'objet de longs débats au moment de leur adoption.
Dans une société de plus en plus transparente, la justice ne peut refuser les garanties que sont susceptibles d'apporter les nouvelles technologies.
Le caractère contradictoire de l'instruction, qui a fait défaut dans l'affaire Outreau, sera également renforcé.
La mise en examen pourra être contestée à intervalles réguliers, et non pas seulement dans les six premiers mois, et des confrontations individuelles pourront être demandées.
Le caractère contradictoire des expertises sera également renforcé : information des parties de la décision du juge ordonnant une expertise, sauf si cette information nuit à l'efficacité des investigations ; possibilité de désigner un co-expert de leur choix ; suppression du filtre du président de la chambre de l'instruction en cas d'appel de refus d'une contre-expertise.
Enfin, le règlement des informations sera plus contradictoire, puisque le juge devra statuer au vu des réquisitions du parquet et des observations des parties, chacun ayant pu répliquer à ces réquisitions ou observations. L'ordonnance de renvoi - c'est une disposition à laquelle je tiens beaucoup - devra préciser les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen.
Enfin, le projet de loi rend obligatoire l'enregistrement des auditions des mineurs victimes, alors qu'actuellement cet enregistrement peut être écarté par simple décision motivée du procureur ou du juge d'instruction. Par ailleurs, le mineur victime devra obligatoirement être assisté d'un avocat, le cas échéant commis d'office.
Mais la crédibilité de la justice passe aussi par sa célérité et par la nécessité de limiter, autant que faire se peut, les informations injustifiées, afin de permettre aux juges d'instruction de ne traiter que les affaires réellement complexes.
Comment un juge peut-il consacrer son temps et son énergie à des affaires difficiles et sensibles comme celle d'Outreau quand son cabinet d'instruction est encombré d'informations dilatoires qui se terminent toutes, au bout de quelques mois, par un non-lieu ? Je rappelle, à titre d'illustration, que près des trois quarts des informations ouvertes sur plaintes avec constitution de partie civile à Paris font l'objet d'un non-lieu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur. Eh oui !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il s'agit non pas d'empêcher le dépôt de plaintes avec constitution de partie civile, mais simplement d'éviter que cette procédure ne soit détournée de son objet et utilisée pour paralyser le fonctionnement de la justice.
Reprenant les conclusions du rapport Magendie, le projet de loi maintient la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état lorsque l'action civile est engagée en réparation du dommage causé par l'infraction, mais la supprime dans les autres cas, revenant ainsi à l'application originelle de cette règle avant qu'elle ne soit étendue par la jurisprudence.
Ainsi, par exemple, une plainte avec constitution de partie civile pour vol déposée par l'employeur à seule fin de paralyser la contestation du licenciement aux prud'hommes n'aura plus l'effet recherché, ce qui devrait limiter le nombre de plaintes avec constitution de partie civile, et donc d'informations.
De la même manière, le projet de loi cherche à éviter l'ouverture d'une information lorsqu'une affaire peut être résolue plus simplement et plus rapidement par une enquête du parquet.
Ainsi, en matière délictuelle, il faudra, avant de pouvoir déposer une plainte avec constitution de partie civile, avoir saisi le parquet. À l'issue d'un délai de trois mois, si le parquet n'agit pas ou refuse de poursuivre, la plainte sera alors recevable.
Ces deux séries de mesures ont le même objectif : permettre aux juges d'instruction de disposer de plus de temps pour instruire les affaires complexes, en évitant que leur cabinet ne soit encombré de plaintes ne justifiant pas l'ouverture d'une information.
Elles ont été accueillies très favorablement par les associations de victimes, qui ont salué leurs conséquences positives sur la durée des instructions.
J'y suis donc très attaché, car je pense que ces mesures auront un impact réel sur le fonctionnement quotidien des cabinets d'instruction.
Le coût de l'ensemble de la réforme pour le ministère de la justice a été estimé à 30 millions d'euros. Elle nécessitera en particulier la création de 70 postes de magistrat et de 102 emplois de fonctionnaire de greffe. Les postes de magistrat seront pourvus par redéploiement et un recrutement supplémentaire de fonctionnaires devra être organisé.
Ce financement ne figure pas dans la loi de finances pour 2007, car le chiffrage précis de la réforme dépendait du périmètre effectif de la loi et de son calendrier de mise en oeuvre. Sur l'année 2007, ce besoin est évalué à 13 millions d'euros. Dès que la loi sera promulguée, le Gouvernement mettra les crédits nécessaires à la disposition du ministère.
Par ailleurs, je crois que le moment est venu de procéder à une véritable modernisation de la formation et du régime disciplinaire des magistrats, comme l'a souhaité la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
On ne peut plus considérer aujourd'hui que la formation et le régime disciplinaire des magistrats tels qu'ils ont été définis voilà près de cinquante ans sont adaptés à la société française de 2006. C'est pourquoi je vous propose des mesures concrètes destinées à améliorer cette formation et à préciser ce régime disciplinaire.
Un bon magistrat, c'est un magistrat, qui, avant de décider, doute, écoute et examine tous les arguments qui lui sont soumis, en accordant la même importance à la parole de la victime et à celle du mis en examen.
Il n'y a pas d'autre moyen de vérifier qu'un futur magistrat est capable de s'obliger à cette méthode qu'en le soumettant à un stage obligatoire préalable à toute nomination aux premières fonctions.
Or tous les magistrats aujourd'hui en poste n'ont pas été soumis à cette formation indispensable qu'est le stage. C'est pourquoi je propose de donner, pour toutes les voies d'accès à la magistrature, un caractère probatoire obligatoire à la formation préalable à la nomination dans les premières fonctions.
Cette généralisation de la formation probatoire est d'autant plus justifiée que l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements permettant d'ouvrir l'accès au corps judiciaire à des candidats bénéficiant déjà d'une expérience professionnelle dans le domaine juridique.
Ce n'est pas la seule modification de la formation des magistrats à laquelle je suis attaché. Depuis mon arrivée à la Chancellerie, je me suis fixé comme objectif d'ouvrir l'École nationale de la magistrature vers le monde extérieur. À ma demande, ce changement radical de la pédagogie est déjà mis en oeuvre.
Désormais, une trentaine d'élèves avocats suivent à Bordeaux la même scolarité que les élèves magistrats. Il faut absolument éviter qu'une coupure ne se crée entre magistrats et avocats, et il n'y a pas de meilleur moment pour éviter cette rupture que la période de formation des uns et des autres.
Les manuels de droit nous apprennent que les avocats sont des auxiliaires de justice. Je veux que ce concept fondamental ne reste pas lettre morte. C'est la raison pour laquelle je considère que la durée du stage que les auditeurs de justice effectuent au sein de cabinets d'avocats, qui est actuellement de deux mois, doit être augmentée, comme l'a d'ailleurs voté l'Assemblée nationale.
Il faut toutefois veiller à ne pas mettre en péril l'architecture de la formation dispensée par l'ENM, laquelle dure déjà trente et un mois. Allonger la durée totale de la formation, outre le coût financier que cela représente, découragerait les candidats à l'ENM, dont, je me permets de le souligner devant la Haute Assemblée, le nombre diminue d'année en année.
Par ailleurs, il me paraît exclu de supprimer les stages actuels, qui permettent aux auditeurs d'apprendre les techniques de rédaction, d'entretien, ou de se familiariser avec les services de police ou l'administration pénitentiaire.
C'est pourquoi je suis favorable à l'amendement adopté par votre commission des lois et tendant à porter à cinq mois la durée de ce stage, durée compatible avec la formation actuellement dispensée à l'ENM.
Désormais, les enseignants de l'École nationale de la magistrature ne sont plus uniquement des magistrats. Il s'agit, là aussi, de tout mettre en oeuvre pour que la formation soit plurielle. Les avocats, les universitaires, les psychologues ont maintenant leur place au sein du corps enseignant de l'ENM.
La justice est rendue au nom du peuple français. Les juges doivent être issus d'horizons plus variés et doivent également, au cours de leur carrière, pouvoir aller travailler au sein d'autres institutions, au sein d'entreprises, d'associations, afin de mettre leurs méthodes, leurs convictions et parfois leurs certitudes à l'épreuve d'autres réalités.
C'est pour cette raison que j'ai approuvé les amendements votés par l'Assemblée nationale visant à rendre obligatoire la mobilité des magistrats avant que ne leur soient confiées les fonctions les plus importantes.
Cela signifie concrètement qu'un magistrat qui souhaite être nommé conseiller à la chambre sociale de la Cour de cassation pourra utilement effectuer une mobilité de deux ans au sein d'une direction des ressources humaines d'une entreprise. Vous imaginez le changement considérable que cela représente !
Avec sagesse, votre commission des lois a adopté un amendement permettant au Conseil supérieur de la magistrature de s'assurer, préalablement au départ en mobilité d'un magistrat, que son choix est compatible avec les fonctions qu'il a précédemment exercées. Je suis favorable à cet amendement, qui adapte à la magistrature le régime existant déjà dans le reste de la fonction publique.
Adapter le statut de la magistrature de 1958 à la France de 2006, c'est aussi adapter le régime disciplinaire des magistrats aux exigences de notre société. Mais je sais que toucher à la discipline des magistrats, c'est toucher à une question extrêmement sensible, car liée à l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Je veux être efficace, c'est-à-dire que je souhaite que les modifications proposées entrent effectivement en vigueur sans risquer d'encourir la censure du Conseil constitutionnel.
L'article qui vous est soumis aujourd'hui tend à sanctionner la violation grave et intentionnelle par un magistrat des règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive.
J'indique dès maintenant que je suis favorable aux modifications de cet article que proposera votre commission des lois.
La rédaction de cette nouvelle faute disciplinaire serait incontestablement améliorée en précisant que la faute est non plus « intentionnelle » mais « délibérée », et que cette faute doit être constatée par une décision de justice devenue définitive. Cette rédaction s'inscrit plus sûrement encore dans le cadre qui nous a été fixé par le Conseil d'État.
Ainsi, il n'existera plus de risque de confusion entre l'office des juges d'appel et de cassation et celui du juge disciplinaire. Il s'agit d'éviter que la voie disciplinaire ne puisse être utilisée dans le cadre d'une instance en cours pour déstabiliser un magistrat.
Cette rédaction s'inscrit dans le respect des principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire. Elle me paraît de nature à éviter la censure du Conseil constitutionnel, tout en précisant les termes de la faute disciplinaire.
Les événements récents ont démontré que tous les magistrats n'étaient pas aptes à exercer toutes les fonctions. Il faut aujourd'hui rendre possible l'interdiction, pour une durée déterminée, d'exercice de fonctions à juge unique lorsqu'une faute disciplinaire établit la nécessité d'encadrer un magistrat dans l'exercice de ses fonctions. Je pense évidemment aux fonctions spécialisées : juge d'instruction, juge de l'application des peines, juge des enfants, juge d'instance, mais aussi juge aux affaires familiales ou juge présidant une audience correctionnelle à juge unique.
Je vous propose donc d'élargir la gamme des sanctions disciplinaires par la création d'une nouvelle sanction : l'interdiction d'exercer des fonctions à juge unique pour une durée maximale de cinq ans.
Il y a enfin une situation que j'estime inacceptable et à laquelle je veux mettre un terme : lorsqu'un magistrat a un comportement qui révèle des problèmes pathologiques et qu'il est indispensable de l'écarter sans délai de l'exercice de toutes fonctions juridictionnelles, nous ne pouvons pas actuellement apporter de réponse immédiate à ce dysfonctionnement majeur puisque seule la voie disciplinaire est possible dans l'attente de la suspension décidée par une commission médicale.
Je vous propose donc de donner au garde des sceaux la faculté, sur avis conforme du CSM, car les garanties statutaires doivent êtres respectées, de suspendre de ses fonctions un magistrat dont le comportement justifie la saisine du comité médical, qui sera tenu de statuer dans un délai de six mois.
Votre commission des lois a voté un amendement, que je soutiendrai, tendant à créer un comité médical spécifique, susceptible de prendre en compte les particularités du métier de magistrat. C'est une avancée importante qui mérite d'être saluée.
Par ailleurs, les Français nous demandent de développer les contrôles externes à la justice.
Aujourd'hui, il n'existe pas d'autorité extérieure à l'institution judiciaire habilitée à recueillir, à examiner et à donner suite aux réclamations des justiciables sur les dysfonctionnements de la justice liés au comportement des magistrats.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé de conférer au Médiateur de la République la possibilité d'être saisi de réclamations émanant de toute personne mettant en cause le comportement d'un magistrat.
En effet, le Médiateur me semble être l'autorité extérieure à laquelle cette lourde tâche doit incomber, et ce pour les raisons que je vais détailler.
D'abord, l'institution du Médiateur de la République existe depuis 1973. Elle est connue et respectée des Français, qui l'ont saisie en 2004 de plus de 57 000 affaires, dont 23 % étaient relatives à un dysfonctionnement de la justice. Les Français ne comprendraient pas que l'on complexifie le système en dissociant les dysfonctionnements de la justice, qui relèvent de la compétence du Médiateur, des comportements de magistrats susceptibles de constituer une faute disciplinaire. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Ensuite, la légitimité du Médiateur sur le plan national n'est plus à démontrer. Il suffit d'observer l'écho que recueille chaque année dans l'opinion le rapport d'activité qu'il établit. Ce rapport est toujours attendu par les organismes auxquels le Médiateur a demandé des explications et, je dois le dire, il est souvent craint.
Enfin, il s'agit d'une institution très rigoureuse, tant dans le traitement des affaires qui lui sont soumises que dans les conclusions qu'elle en tire.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que le Médiateur de la République me semble la seule autorité compétente pour recevoir les réclamations émanant de toute personne mettant en cause le comportement d'un magistrat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et le CSM, cela n'existe pas ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je le précise d'ailleurs, nombre de nos voisins européens ont déjà fait le choix de confier à leur institution homologue la compétence que je vous propose d'accorder au Médiateur de la République.
S'il estime une réclamation sérieuse, le Médiateur pourra la transmettre au garde des sceaux et, lorsque celui-ci décidera de ne pas engager de poursuites disciplinaires, il devra en informer le Médiateur par une décision motivée. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.)
L'intervention du Médiateur de la République permettra de donner un caractère public et officiel à une éventuelle saisine du garde des sceaux.
À la suite des réponses du ministre de la justice, un rapport spécial établi par le Médiateur pourra faire l'objet d'une publication au Journal officiel.
L'Assemblée nationale a souhaité renforcer l'information du Médiateur pour permettre un examen plus approfondi des réclamations qui lui sont transmises, de manière à mieux identifier celles qui sont « sérieuses ». C'est la raison pour laquelle le Médiateur pourra demander aux chefs de cour tous les éléments d'information utiles à ses investigations.
Bien entendu, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises au Médiateur, la Chancellerie mettra à sa disposition les moyens nécessaires pour faire face à ces nouvelles missions.
J'en ai la conviction, dans un domaine aussi difficile d'accès que la justice, nous devons simplifier la vie des Français.
Votre commission des lois envisage de créer une commission de transparence de la justice, qui pourrait être saisie par tout justiciable s'estimant lésé par un fait susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.
Pourquoi créer une nouvelle et énième commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur. Nous vous l'expliquerons !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ne nous le cachons pas, celle-ci demeurera longtemps inconnue des Français et sa composition fera encourir à ses décisions des accusations de corporatisme.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et qu'en est-il du CSM ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Justement, c'est déjà le cas !
Cette critique est d'autant plus forte que la commission pourra saisir le garde des sceaux aux fins de saisine du CSM, composé en majorité de magistrats, des procédures relevant, selon elle, du disciplinaire.
On pourrait craindre, même si je connais l'opposition du président de la commission des lois à cette idée, que la faculté pour le ministre de saisir le CSM ne se transforme en une obligation. Sur ce point, la rédaction même de l'amendement est relativement ambiguë.
Le garde des sceaux doit demeurer libre de décider ou non, parce que lui seul dispose des éléments d'information fournis par la direction des services judiciaires ou par l'Inspection générale des services judiciaires, qui lui apportent des éléments essentiels à l'appréciation des procédures disciplinaires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est donc un juge unique ? Juge inique ! (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Non ! Le ministre de la justice n'est pas un juge ; il transmet simplement les dossiers.
Par ailleurs, en confiant à une telle commission le pouvoir d'apprécier les plaintes des justiciables et d'imposer au ministre les suites à leur donner, nous irions à l'encontre du souhait des Français de bénéficier d'un regard extérieur à l'institution judiciaire.
C'est plus profondément encore l'architecture de nos institutions qui serait mise en cause puisque le ministre de la justice deviendrait une simple courroie de transmission entre la commission et le CSM.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai que c'est inutile !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. De la même manière, je suis opposé aux amendements tendant à accorder à cette commission le pouvoir de saisir directement le CSM.
Je ne veux pas être le ministre qui fera de la place Vendôme le témoin impuissant d'un corporatisme trop souvent dénoncé.
M. Robert Badinter. Quelle vision dramatique !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Telles ont les grandes lignes de la réforme de la justice que je souhaite proposer à la représentation nationale.
Son ambition n'est pas de bouleverser l'architecture de notre procédure pénale. Pourtant, je le pense profondément, il s'agit de modifications essentielles, qui illustrent la volonté du Gouvernement et du Parlement de ne pas laisser l'affaire d'Outreau sans réponse.
Ces deux projets de loi constituent une avancée notable dans le rééquilibrage de notre procédure pénale et dans l'approfondissement de la responsabilité des magistrats, notamment grâce au travail constructif de votre commission des lois. À cet égard, je tiens à remercier chaleureusement le président Jean-Jacques Hyest et M. François Zocchetto, rapporteur pour le projet de loi ordinaire. Tous deux ont largement contribué à améliorer les dispositifs proposés.
Les deux projets de loi apporteront de nouveaux sujets de réflexion à ceux qui souhaitent modifier plus profondément notre procédure pénale. Seul le temps permet de savoir si l'on ne s'est pas trompé.
Nous sommes tous convaincus d'une chose : si la justice est rendue au nom du peuple français, elle doit également l'être à son bénéfice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur pour le projet de loi organique. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la demande croissante de justice exprimée par les citoyens donne une place centrale aux magistrats dans notre société. Dès lors, en raison de leurs prérogatives étendues, les magistrats sont plus que jamais, et encore bien plus que tout autre agent public, tenus de rendre compte de leurs actes, conformément aux exigences de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Or, ces dernières années, le comportement peu scrupuleux ou les insuffisances professionnelles de certains magistrats, dans quelques affaires isolées, ont porté atteinte à la confiance des justiciables dans la justice.
Les dysfonctionnements apparus dans l'affaire d'Outreau, qui ont été analysés par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale au mois de juin dernier, n'ont fait que donner un plus large écho à la mise en évidence de certaines défaillances de la justice judiciaire.
Bien entendu, l'institution judiciaire n'est pas restée indifférente à la crise qu'elle traverse.
La mise en place, par le ministère de la justice, d'une commission chargée de réfléchir sur l'éthique dans la magistrature, la création d'un groupe de travail par ce même ministère sur la responsabilité des magistrats au mois de juillet 2005 ou encore les nombreuses suggestions esquissées par le Conseil supérieur de la magistrature dans ses récents rapports d'activité témoignent d'une volonté réelle de rechercher les moyens efficaces pour mieux détecter et prévenir les difficultés préjudiciables à son bon fonctionnement.
Toutes les pistes de réforme évoquées dans ces rapports convergent vers une même orientation : le renforcement de la responsabilité du corps judiciaire.
La responsabilité dont il s'agit ici doit s'entendre au sens large. En effet, elle ne saurait se réduire à l'obligation de réparer les dommages causés à autrui ou de répondre de ses fautes devant une instance disciplinaire. Elle implique plus généralement d'avoir conscience à tout instant de toutes les obligations qu'implique l'état de magistrat.
Le présent projet de loi organique s'inscrit dans cette perspective, en proposant de nombreuses innovations pour responsabiliser les magistrats à tous les stades de leur carrière.
C'est le cas en amont, à l'occasion du recrutement dans le corps, durant la formation initiale, puis dans l'exercice quotidien de leur métier, au moyen de la formation continue ou encore grâce à des règles de mobilité plus ouvertes. Il en est de même en aval, en cas de manquement aux obligations qui découlent de leur statut ou lorsque le magistrat est affecté par une pathologie incompatible avec ses fonctions.
La réforme aujourd'hui soumise au Sénat opère une synthèse des travaux de la commission de réflexion sur l'éthique dans la magistrature et des recommandations de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau.
Le Sénat a toutes les raisons de se réjouir des avancées ainsi proposées, car elles sont l'aboutissement d'une réflexion plus ancienne. À cet égard, permettez-moi de mentionner les travaux de contrôle menés en 2002 par la commission des lois sur l'évolution des métiers de la justice. Beaucoup de choses avaient alors déjà été dites.
Dans la mesure où l'économie du dispositif vous a déjà été excellemment présentée par M. le garde des sceaux, je centrerai mes propos sur les principales propositions de modifications adoptées par la commission.
Je tiens à le souligner, les principaux amendements de fond qui vous seront soumis ont été guidés par un même souci : assurer un équilibre satisfaisant entre l'exigence accrue de responsabilité et le respect intangible de l'indépendance de l'autorité judiciaire, principe consacré par la Constitution de 1958.
Tout d'abord, s'agissant de la formation des magistrats judiciaires, on ne peut qu'approuver la généralisation à tous les magistrats judiciaires de l'obligation de formation continue, qui a été introduite par les députés. Ainsi, la formation est non pas un droit, mais bien une obligation.
Monsieur le garde des sceaux, je souhaite toutefois attirer votre attention sur un point important : les moyens qu'il faudra allouer à l'ENM pour assurer la mise en oeuvre de cette réforme, dont le coût budgétaire est loin d'être négligeable puisqu'il est évalué à 4,4 millions d'euros. Or le budget de fonctionnement de cette école prévu pour l'année 2007 ne permettra pas de financer la réforme.
L'allongement du stage d'immersion au sein de la profession d'avocat, qui a été proposé par l'Assemblée nationale, mérite d'être approuvé. En effet, la brièveté du stage actuel n'offre aux auditeurs qu'un trop modeste aperçu de ce métier. Il est vrai que certains trouvaient que ce stage était déjà à la fois trop long et inutile... Mais peut-être en percevront-ils mieux l'utilité si ce stage dure plus longtemps.
Dans le souci de ne pas perturber le bon déroulement de la scolarité de l'École nationale de la magistrature, il nous a semblé judicieux de proposer de réduire la durée de ce stage de six mois à cinq mois.
Par ailleurs, la commission des lois souscrit pleinement à l'objectif de l'Assemblée nationale de diversifier le recrutement des magistrats. Une telle évolution est nécessaire pour enrichir le corps judiciaire d'expériences nouvelles et lui apporter une respiration.
À cet égard, monsieur le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur le fait que l'ouverture du corps de la magistrature, pour être effective, exige que les voies de recrutement parallèles soient suffisamment attractives pour susciter des candidatures du haut niveau. C'est un véritable sujet !
Il est impératif que le Gouvernement respecte l'engagement pris voilà cinq ans, dans le cadre de la réforme statutaire du mois de juin 2001, d'ouvrir aux magistrats recrutés par concours complémentaires la possibilité de racheter leurs droits à pension au titre des activités exercées antérieurement à leur entrée dans le corps judiciaire. Cette réforme est très attendue par les intéressés.
La question du recrutement des magistrats est essentielle, car un recrutement de qualité constitue le gage d'une justice de qualité. À ce propos, il est essentiel que les magistrats disposent de capacités qui les distinguent particulièrement, afin de leur permettre d'assumer au mieux leurs responsabilités. Une telle exigence suppose non seulement d'avoir un minimum de connaissances juridiques et techniques, mais, plus encore, de savoir faire preuve d'un nécessaire recul et d'un minimum de bon sens et de maturité, compte tenu des conséquences de leurs décisions sur la vie des justiciables.
Aussi la commission des lois a-t-elle souhaité amplifier la diversification du recrutement en déposant plusieurs amendements relatifs à la procédure de recrutement des candidats à l'intégration directe, à l'exercice temporaire des fonctions judiciaires et à la composition de la commission d'avancement, qui est aujourd'hui majoritairement composée de magistrats du second grade.
L'obligation de mobilité statutaire au premier grade pour l'accès aux emplois placés hors hiérarchie, qui a été proposée par les députés, doit être approuvée et confortée. Ainsi, afin de faciliter la gestion du nouveau dispositif par le corps judiciaire, la commission a déposé un amendement visant à instituer un dispositif plus souple, donc plus facile à mettre en oeuvre.
Le projet de loi prévoit également de regrouper les règles déontologiques au sein d'un recueil. Cette initiative heureuse présente l'avantage, par rapport à un code de déontologie, de ne pas figer une matière par nature évolutive.
La commission tient à rappeler le rôle essentiel des chefs des cours d'appel : placés au coeur du système judiciaire, ils sont les mieux placés pour détecter d'éventuels dysfonctionnements. Certes, la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour engager des poursuites disciplinaires, qui leur a été ouverte en 2001 sur l'initiative du Sénat, a été peu mise en oeuvre jusqu'à présent Aussi doivent-ils être encouragés à assumer pleinement leurs responsabilités en devenant les « gardiens de la déontologie » dans leur juridiction.
La commission des lois a souhaité apporter sa contribution à l'approfondissement de la déontologie des magistrats en comblant certaines lacunes du droit actuel, notamment lorsque les magistrats demandent à exercer une activité dans le secteur privé ou le secteur public concurrentiel. Au moment où nous venons de voter un projet de loi de modernisation de la fonction publique, qui oblige maintenant tous les fonctionnaires de l'État à passer devant une commission de déontologie, il était paradoxal que les magistrats soient les seuls à ne pas être soumis à la vérification de la compatibilité entre les fonctions exercées précédemment et celles qui leur seraient confiées dans une institution privée.
Le projet de loi organique comporte un volet disciplinaire important. Il renforce notamment l'effectivité des sanctions disciplinaires en en élargissant la portée par plusieurs dispositifs. Cette évolution nous paraît nécessaire.
Un des apports du texte qui nous est soumis concerne la clarification des contours de la faute disciplinaire à raison des actes juridictionnels, introduite à l'Assemblée nationale.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le garde des sceaux, le dispositif voté par les députés nous semble présenter deux écueils. Il paraît excessif au regard des limites fixées par nos principes constitutionnels et notre organisation judiciaire, en créant une confusion possible entre l'exercice des voies de recours et le pouvoir d'appréciation du CSM en matière disciplinaire. Il paraît également trop étroit, en ne permettant pas de sanctionner efficacement les carences d'un magistrat, car la poursuite ne pourrait être engagée que tardivement, une fois l'instance close par une décision de justice définitive. Cela pourrait durer dix ans !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pendant ce temps, ce magistrat resterait en fonctions, continuant éventuellement à avoir un comportement répréhensible ou à commettre des erreurs récurrentes.
La commission a donc jugé opportun de proposer un autre système, notamment en vue de prévenir plus efficacement les défaillances d'un magistrat à l'occasion des actes juridictionnels qu'il prend.
Par ailleurs, les citoyens qui s'estiment lésés par le comportement d'un magistrat aspirent à un traitement plus efficace de leurs réclamations.
Monsieur le garde des sceaux, votre projet initial, qui était un projet de loi ordinaire, prévoyait que le Médiateur transmette au garde des sceaux les réclamations des justiciables. Cette solution aurait été acceptable, à condition que chaque citoyen puisse saisir directement le Médiateur. C'est une des questions qui a créé quelques incompréhensions avec l'Assemblée nationale.
M. Robert Badinter. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le système proposé par l'Assemblée est en outre fort complexe. Alors qu'il faudrait mettre en place un dispositif d'accès direct, on aboutit à une procédure peu lisible.
La saisine finale du CSM serait en effet soumise à trois filtres : un parlementaire, le Médiateur de la République et le ministre de la justice. Sans oublier les chefs des cours d'appel, qui fourniraient au Médiateur les informations lui permettant de décider s'il y a lieu de transmettre la réclamation au garde des sceaux. Or les chefs des cours d'appel peuvent eux-mêmes saisir directement le CSM. L'ensemble ne paraît pas d'une cohérence parfaite !
L'instauration d'un triple filtre, là où existait auparavant un accès direct, n'apporte donc pas un réel renforcement des garanties offertes aux justiciables.
On invoque des exemples étrangers. Or, non seulement comparaison n'est pas raison, mais notre Médiateur, créé en 1973, est doté de compétences particulières, qui ne correspondent pas tout à fait à celles des ombudsmans existant dans d'autres démocraties, notamment celles d'Europe du Nord.
On ne peut donc que s'interroger sur la pertinence de cette nouvelle mission confiée au Médiateur.
La commission des lois a estimé que la procédure définie par le texte issu de l'Assemblée nationale paraissait trop complexe et peu adaptée aux spécificités de la magistrature. Le renforcement de la confiance des citoyens dans la justice suppose au contraire la mise en place d'un dispositif simple et efficace d'examen des réclamations.
Il a donc paru souhaitable de confier l'examen des plaintes des justiciables à un organisme collégial, rassemblant des personnalités ayant l'expérience du milieu judiciaire mais n'appartenant pas, dans leur majorité, au corps judiciaire. Cette commission aurait vocation à recevoir les réclamations de toute personne physique ou morale qui s'estimerait lésée par un fait susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, commis par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions. Placée auprès du ministre de la justice, elle aurait pour mission d'examiner le bien-fondé des plaintes et, le cas échéant, de les transmettre au garde des sceaux aux fins de saisine du CSM.
Monsieur le garde des sceaux, il n'y a pour nous aucune ambiguïté : c'est le garde des sceaux qui apprécie s'il y a lieu de transmettre la réclamation au CSM. Si notre formulation n'est pas complètement claire, nous sommes tout à fait prêts à la rectifier.
Les modifications que vous propose la commission des lois sont le fruit d'un travail approfondi et recueillent un large consensus au sein du monde judiciaire. Or, nous le savons bien, l'adhésion des praticiens de la justice à la réforme que nous entreprenons sera une condition de sa réussite.
Mais ce projet utile, monsieur le garde des sceaux, n'épuise sans doute pas le sujet de la place de l'institution judiciaire dans notre société. Certains réclament d'autres réformes plus ambitieuses, prônant un bouleversement complet de la procédure pénale, pour lui donner un caractère accusatoire. Je ne suis pas sûr qu'ils en apprécient toutes les conséquences. Et puis pourquoi irions-nous plaquer sur notre système judiciaire des éléments empruntés à d'autres systèmes !
M. Robert Badinter. On réserve ça à la Constitution !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le projet de loi organique. L'équilibre entre la répression nécessaire et l'appréciation des strictes règles permettant de garantir la protection des libertés fondamentales n'est facilité ni par l'opinion publique, changeant au gré des affaires médiatisées et estimant la justice alternativement trop laxiste ou trop répressive, ni par une institution parfois trop enfermée dans ses certitudes.
Nous souhaitons néanmoins, comme vous l'avez dit, monsieur le garde des sceaux, que ce projet contribue à restaurer la confiance dans notre justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto, rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le projet de loi ordinaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait ici et vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, le drame d'Outreau a profondément ébranlé l'opinion publique.
Au-delà de la défaillance des hommes, cette affaire a mis en lumière de graves dysfonctionnements de notre procédure pénale. Le retentissement qui y a été donné a aussi été vécu douloureusement par la quasi-totalité des magistrats.
Or, il faut le redire ici avec force, la faute de quelques-uns ne doit pas rejaillir sur l'ensemble de l'institution : dans leur grande majorité, les hommes et les femmes qui la composent s'acquittent de leurs missions, dans des conditions souvent difficiles, avec compétence et humanité.
Notre travail de législateur, je crois utile de le rappeler, doit s'efforcer de conjurer tout réflexe de repli du corps judiciaire sur lui-même. Un tel repli serait en effet très dommageable au regard de l'indispensable confiance qui doit prévaloir entre la magistrature et les justiciables.
L'affaire d'Outreau offre, au contraire, l'occasion d'une réflexion partagée pour améliorer le fonctionnement de notre justice pénale, et c'est une bonne chose que nous ayons à en discuter assez rapidement.
Le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, qui constitue le deuxième volet de la réforme présentée ce soir, s'efforce d'apporter une première réponse - que d'aucuns trouveront sans doute trop partielle, ils l'ont déjà fait savoir - aux insuffisances de notre droit.
Ce travail n'a pas été improvisé au dernier moment. Il s'inspire de nombreuses recommandations formulées lors de travaux antérieurs, réalisés ici même, mais aussi des conclusions du groupe de travail présidé plus récemment par le procureur général Viout, ainsi que, bien sûr, des travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau. N'oublions pas non plus le rapport de M. Magendie, que vous avez cité, monsieur le garde des sceaux : le président du tribunal de grande instance de Paris s'était penché sur le problème des délais et des retards de production des décisions judiciaires.
Ce projet de loi tend à favoriser un travail plus collectif au sein de la magistrature, à encadrer le placement en détention provisoire, à renforcer le caractère contradictoire de la procédure pénale, à favoriser la célérité de la justice et, enfin, à améliorer les conditions de recueil de la parole du mineur victime.
Nous cherchons, tout d'abord, à rompre la solitude du juge d'instruction. C'est un changement majeur car, il n'y a pas si longtemps, lorsqu'on interrogeait les juges d'instruction, la plupart d'entre eux ne se plaignaient pas de cette solitude. Depuis quelques mois, un esprit nouveau se manifeste, sous l'influence d'événements difficiles. Une grande majorité des juges d'instruction que nous avons entendus, en particulier les représentants de l'association des magistrats instructeurs, nous ont dit leurs attentes quant à la perspective de travailler dans une collégialité pérenne.
M. François Zocchetto, rapporteur. Le projet de loi prévoit, dans un premier temps, la mise en place rapide de pôles de l'instruction dans certains tribunaux de grande instance. Ces pôles seront seuls compétents pour connaître des informations en matière criminelle ainsi que des informations faisant l'objet d'une co-saisine. Le texte prévoit, dans un deuxième temps - nous reviendrons sur le délai de cinq ans que vous nous proposez -, d'instituer la collégialité de l'instruction.
La constitution de pôles de l'instruction, puis la mise en oeuvre de la collégialité suscitent des inquiétudes. Tout d'abord, l'inquiétude des avocats d'un certain nombre de barreaux de province qui y voient l'amorce d'une révision de la carte judiciaire. Cependant, vous nous l'avez bien indiqué, monsieur le garde des sceaux, le principe de l'affectation d'au moins un juge d'instruction par tribunal de grande instance n'est pas remis en cause. En outre, le projet de loi prévoit que l'instruction se fera dans un pôle mais que l'audience se déroulera toujours devant la juridiction territorialement compétente.
Pour sa part, notre commission estime essentiel d'encourager des méthodes de travail plus collectives. Il faut reconnaître que la co-saisine ne fonctionne pas très bien aujourd'hui, probablement en raison de l'insuffisance des effectifs de juges d'instruction au sein de nombreux tribunaux de grande instance. Mais ce n'est pas la seule raison. Faut-il rappeler que, sur cent quatre-vingts tribunaux de grande instance, soixante-six ne comportent qu'un seul juge d'instruction qui, au 31 décembre 2004, traitaient moins de 5 % des affaires ? Il est important d'avoir ces chiffres présents à l'esprit : un tiers des juridictions ne pourront pas constituer de pôle de l'instruction. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de juge d'instruction dans ces tribunaux, mais il est vrai que la quantité d'affaires qui leur seront affectées sera très faible.
Les pôles devraient contribuer à répondre à ces difficultés et encourager le travail d'équipe. En outre, ils permettraient de mutualiser les moyens humains et matériels en même temps que de renforcer l'autorité des magistrats sur les services d'enquête. Enfin, ils auront aussi vocation à assurer la continuité dans la prise en charge des procédures ; actuellement, on observe régulièrement la succession de deux, trois, voire quatre juges d'instruction pour un même dossier, et c'est un problème qui n'est pas suffisamment mis en avant.
Par rapport au pôle d'instruction et à la co-saisine, même renforcée, la collégialité marquera un pas en avant car elle généralisera le principe de concertation pour les décisions les plus importantes.
Il convient de rappeler - vous ne nous en voudrez pas, monsieur le garde des sceaux - que la collégialité n'est pas une idée nouvelle. Notre collègue le président Robert Badinter - un de vos prédécesseurs -, l'avait proposée dans la loi du 10 décembre 1985, qui est malheureusement restée inappliquée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est Pasqua qui l'a supprimée !
M. François Zocchetto, rapporteur. Il faut espérer que la collégialité proposée par ce projet de loi deviendra effective. Or le délai de cinq ans pour la mise en oeuvre de la réforme nous a paru, à tous, bien lointain et notre commission proposera au Sénat de le ramener à trois ans. Ainsi, l'une des premières tâches du prochain garde des sceaux consistera à s'attaquer à ce problème.
Pôle de l'instruction, puis collégialité : nous sommes conscients que le travail d'équipe procédera nécessairement d'un renforcement des moyens humains et matériels. Vous nous avez rassurés sur ce point tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, en nous communiquant des données chiffrées sur ces moyens supplémentaires.
Il nous faudra aussi rester vigilants sur un autre point : les postes de juge d'instruction « hors pôle », cantonné aux dossiers les plus simples, pourraient souffrir d'une certaine désaffection et se voir réservés aux jeunes magistrats issus du concours,...
M. François Zocchetto, rapporteur.... ceux-là mêmes qui ont besoin du « compagnonnage » ou de l'encadrement de juges plus expérimentés. À cet égard, l'expérience permettra de décider des éventuels ajustements nécessaires.
Le deuxième point abordé dans le projet de loi, qui est sans doute le point fondamental, celui auquel s'est le plus attachée l'opinion à l'occasion de l'affaire d'Outreau, c'est la détention provisoire. On pourrait même presque dire que c'est ce problème de la détention provisoire qui a donné lieu à « l'affaire d'Outreau ».
Entre 1985 et 2000, pas moins de six lois se sont succédé pour tenter de fixer les garanties nécessaires au placement en détention provisoire. Les problèmes demeurent : la primauté accordée à la détention provisoire sur le contrôle judiciaire en vertu du « principe de précaution », qui recueille paradoxalement l'assentiment de bon nombre de nos concitoyens ; une prise en compte souvent très stéréotypée des critères prévus à l'article 144 du code de procédure pénale pour décider de la détention ; la durée excessive de la détention provisoire, à savoir, en moyenne, deux ans en matière criminelle et 6,4 mois en matière correctionnelle, soit des durées très significatives, pour les personnes détenues, bien sûr, mais aussi pour toutes les parties prenantes au procès ; le contrôle insuffisant du juge des libertés et de la détention et de la chambre de l'instruction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Du président de la chambre de l'instruction !
M. François Zocchetto, rapporteur. Devant ces constats, le projet de loi apporte quatre séries de réponses : premièrement, l'assistance obligatoire de l'avocat pour la personne mise en examen lors du débat concernant le placement en détention ; deuxièmement, la publicité de l'audience, tant pour le placement en détention par le juge des libertés et de la détention que pour le contrôle de cette mesure par la chambre de l'instruction, l'audience de cabinet devenant l'exception ; troisièmement, la redéfinition de certains des critères permettant le recours à la détention provisoire et le choix de limiter l'utilisation du critère du « trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public » au placement en détention, mais non à la prolongation de cette détention ; quatrièmement, la possibilité de réexamen par la chambre de l'instruction de l'ensemble de la procédure trois mois après la mise en examen, puis tous les six mois.
Ces mesures sont réellement importantes, et à ceux qui prétendent qu'il s'agit d'une « réformette », puisque nous avons entendu employer ce terme, je répondrai qu'ils n'ont pas vraiment examiné les dispositions de ce texte.
M. François Zocchetto, rapporteur. Ces mesures vont évidemment dans le bon sens. Toutefois, sur certains points, il a paru nécessaire à la commission des lois du Sénat de les ajuster.
En ce qui concerne, tout d'abord, la publicité de l'audience, nous pensons qu'elle n'est pas toujours favorable au mis en examen. Aussi proposerons-nous de donner à celui-ci la possibilité de s'y opposer, au regard du risque d'atteinte à la présomption d'innocence. Je sais que, pour l'heure, vous ne partagez pas forcément notre avis, monsieur le garde des sceaux, mais peut-être réussirons-nous à vous convaincre ! (M. le garde des sceaux sourit.)
En ce qui concerne, ensuite, la redéfinition de certains des critères du placement en détention provisoire que vous présentez, elle ne nous a pas paru apporter des garanties significatives et semble plutôt source de complexité inutile, voire de contentieux. Pour deux des critères, par conséquent, nous proposerons d'en rester au texte actuellement en vigueur, légèrement amélioré. Je pense que nous trouverons un accord.
En revanche, s'agissant du critère du trouble à l'ordre public, il est nécessaire d'aller plus loin que le projet de loi et d'interdire complètement de l'invoquer en matière correctionnelle.
En effet, aujourd'hui, le trouble à l'ordre public n'est pas invoqué de manière suffisamment rigoureuse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une tarte à la crème !
M. François Zocchetto, rapporteur. Il est d'ailleurs le plus souvent combiné avec un ou plusieurs des autres critères de l'article 144 du code de procédure pénale. En matière correctionnelle, un placement en détention nous semble donc toujours pouvoir être justifié indépendamment du trouble à l'ordre public.
Cependant, si la détention apparaît indispensable et qu'aucun autre critère que celui du trouble à l'ordre public ne trouve à s'appliquer, le jugement de l'intéressé pourra intervenir selon l'une des procédures rapides dont l'éventail n'a cessé d'être étendu par le législateur. Nous renvoyons ceux qui seraient intéressés par cette question au rapport de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement, qui témoigne du succès que celles-ci rencontrent.
En tout état de cause, jugeons plus vite les personnes qui sont susceptibles d'être condamnées et d'être placées en détention, mais ne laissons pas en détention provisoire, en fonction d'un critère que j'oserai qualifier de « trouble », précisément, des personnes qui ne savent pas ce qui va leur arriver.
En effet, il est inutile de rappeler que ce qui peut être terrible pour celui qui fait l'objet d'une mesure de détention provisoire, c'est de ne pas connaître les raisons pour lesquelles il est détenu ni le terme de la détention. Il me semble que le détenu qui a été jugé et connaît le motif de sa condamnation, ainsi que la durée de sa peine, est plus susceptible d'accepter sa détention et d'organiser sa sortie.
Par ailleurs, la commission des lois se félicite de ce que le principe d'un réexamen de la procédure par la chambre de l'instruction concernant une personne détenue ait été retenu. Toutefois, je tiens à souligner que la mise en oeuvre de cette disposition impliquera un renforcement considérable des moyens humains, qu'il s'agisse des magistrats ou des greffiers.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
M. François Zocchetto, rapporteur. Sinon, les chambres de l'instruction seront encore plus encombrées qu'elles ne le sont aujourd'hui.
La question de la durée de la détention provisoire n'est pas abordée dans le projet de loi et on peut le regretter. Cependant, les difficultés rencontrées n'appellent pas seulement une réponse législative.
On observe ainsi que la détention provisoire se prolonge très souvent alors même que l'instruction est achevée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. François Zocchetto, rapporteur. Vous connaissez ce problème, monsieur le garde des sceaux. L'explication se trouve dans des délais d'audiencement excessivement longs,...
M. François Zocchetto, rapporteur.... s'agissant notamment des cours d'assises, puisqu'ils peuvent atteindre en moyenne quatorze mois à Paris, par exemple.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. François Zocchetto, rapporteur. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de mobiliser des moyens pour remédier à cette situation qui, à bien des égards, nous paraît choquante ?
J'évoquerai maintenant le renforcement du principe du contradictoire dans l'enquête et dans l'instruction.
Sous ce chapitre, le projet de loi prévoit d'abord l'enregistrement, en matière criminelle, des interrogatoires des personnes gardées à vue ou mises en examen.
Si l'obligation d'enregistrer les interrogatoires de garde à vue ne soulève aucune difficulté de principe, en revanche, nous nous sommes interrogés sur l'utilité de rendre obligatoire l'enregistrement des interrogatoires du mis en examen par le juge d'instruction, étant donné que l'interrogatoire, dans le cabinet du juge d'instruction, se déroule en présence du greffier et de l'avocat.
Dans ces conditions, l'enregistrement est-il vraiment indispensable ? Si l'on se réfère aux enregistrements des interrogatoires des mineurs délinquants gardés à vue, qui existent depuis plusieurs années, il semble, selon les informations recueillies par notre collègue Jean-Patrick Courtois dans son rapport sur l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue remis au ministre de l'intérieur, que ces enregistrements n'aient été consultés que très rarement au cours des cinq dernières années, même si cela va peut-être changer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a eu Outreau !
M. François Zocchetto, rapporteur. Si l'on considère néanmoins ces enregistrements comme nécessaires, pourquoi alors en limiter le champ d'application aux crimes ? S'agissant des interrogatoires conduits par le juge d'instruction, pourquoi réserver l'enregistrement aux seuls mis en examen, alors que l'obligation d'enregistrement pourrait être tout à fait justifiée en ce qui concerne les témoins ? Beaucoup de questions se posent donc.
C'est pourquoi la commission des lois du Sénat demandera au Gouvernement de présenter d'ici à deux ans, comme l'Assemblée nationale l'avait proposé, un rapport sur cette mesure et de préciser, en particulier, les conditions d'une éventuelle extension du champ d'application de l'obligation d'enregistrement.
Je ne m'étendrai pas sur les autres dispositions présentées dans ce projet de loi au titre du renforcement du contradictoire. Nous pensons que l'ouverture de la possibilité, pour le mis en examen, de demander le statut de témoin assisté ou la mise en place d'une procédure plus contradictoire en matière d'expertise ou de clôture de l'information sont de très bonnes initiatives.
En ce qui concerne la célérité de la justice, vous avez évoqué, monsieur le garde des sceaux, le rapport de M. Magendie, remis en juin 2004.
Le problème est réel. Améliorer la qualité de la justice suppose aussi de se préoccuper de la durée de l'instruction et de chercher les moyens de désencombrer les juridictions pénales.
Il existe cette fameuse règle, inscrite à l'article 4 du code de procédure pénale, selon laquelle le criminel tient le civil en l'état. Le projet de loi prévoit de confirmer le champ d'application de cette règle en précisant explicitement qu'il se limite aux seules actions civiles en réparation du dommage causé par une infraction faisant l'objet d'un procès pénal. Cela est parfaitement légitime.
Il s'agit ainsi de remettre en cause - vous l'avez déjà dit tout à l'heure, monsieur le ministre, mais je me permets d'insister sur ce point - la multiplication des plaintes pénales abusives et dilatoires, uniquement déposées afin de ralentir une procédure civile. Cette pratique est devenue courante en matière d'affaires financières, prud'homales ou familiales. À cet égard, les chiffres dont je dispose sont différents des vôtres, mais ils vont néanmoins dans le sens de votre démonstration, puisqu'il nous a été indiqué que 80 % des plaintes avec constitution de partie civile aboutiraient à un non-lieu au tribunal de grande instance de Paris. Ce taux progressant de semaine en semaine, il a peut-être été atteint tout récemment.
Je sais que cette mesure est très contestée. Nous en avons d'ailleurs assez longuement débattu en commission. Cela étant, je dirai sans hésitation à ceux qui voudraient que l'on ne modifie pas l'article 4 du code de procédure pénale que c'est évidemment à contrecoeur que nous envisageons de légiférer sur ce point : nous aurions préféré laisser le texte en l'état, mais certains comportements, parfois quasiment irresponsables, nous obligent à intervenir.
La commission des lois se félicite également des mesures présentées visant à empêcher les instructions et expertises injustifiées. Elle proposera d'ailleurs, par le biais d'un amendement, de rétablir le dispositif initialement inscrit dans le projet de loi, mais qui a été supprimé par l'Assemblée nationale, permettant au procureur de la République de prendre des réquisitions de non-lieu lorsqu'il est manifeste que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis.
En outre, afin d'éviter des pourvois en cassation inutiles, voire préjudiciables à leurs auteurs parce que non présentés selon les formes appropriées, la commission a souhaité rendre obligatoire, comme en matière civile, la représentation par un avocat à la Cour de cassation pour tout pourvoi formé devant la chambre criminelle.
Enfin, nous nous intéresserons à la protection des mineurs, sujet qui a été abondamment évoqué à l'occasion de l'affaire d'Outreau.
Afin d'améliorer le « statut » du mineur victime issu de la loi du 17 juin 1998, qui malheureusement ne semble pas toujours appliquée sur le terrain, le projet de loi prévoit tout d'abord de rendre obligatoire l'assistance des mineurs victimes par un avocat, dès leur audition par le juge d'instruction.
Afin de renforcer l'obligation d'enregistrement audiovisuel des auditions des mineurs victimes, il est ensuite proposé de limiter les dérogations.
En particulier, le consentement de l'enfant ou de son représentant légal ne serait désormais plus requis pour procéder audit enregistrement. Il s'agit, par cette disposition, d'éviter que le refus de l'enfant ne soit invoqué, comme c'est trop souvent le cas actuellement, pour cacher une impossibilité technique ou la réticence des services concernés à procéder à l'enregistrement.
En outre, d'après les auditions que nous avons conduites, l'utilité de ces enregistrements est aujourd'hui incontestable, tant pour éviter aux enfants une multiplication excessive des auditions que pour la procédure pénale elle-même, le comportement ou la gestuelle du mineur pouvant également aider à la découverte de la vérité.
Lorsqu'un procès d'assises se tient, il n'est pas rare qu'il se soit écoulé trois ou quatre ans depuis que l'enfant a été entendu. Cela signifie qu'un enfant qui était âgé de onze ans au début de l'affaire se présentera devant la cour d'assises à l'âge de quatorze ans, voire de quinze ans. Son comportement aura alors bien sûr évolué, et il pourra s'avérer très utile, pour le jury, de prendre connaissance de la déposition initiale.
En conclusion, je dirai que, si ce projet de loi peut encore être amélioré, en particulier grâce aux amendements que nous présenterons, il apporte de réels progrès. C'est la raison pour laquelle la commission des lois demande au Sénat de l'approuver. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 76 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nos excellents rapporteurs ont analysé de manière précise, à la suite de M. le garde des sceaux, les projets de loi dont nous commençons à débattre ce soir et dont nous poursuivrons la discussion la semaine prochaine.
Je n'entrerai pas en cet instant dans le détail des mesures proposées : il faut bien réserver quelques surprises en cours de débat sinon nous risquerions de nous ennuyer ! (Sourires.) Je veux simplement, monsieur le garde des sceaux, après l'étalage de satisfaction auquel nous avons assisté - je n'ose dire d'autosatisfaction -, faire état de mon sentiment de déception, car c'est une grande occasion perdue pour notre justice.
Il est vrai que, depuis très longtemps, nous avons des problèmes avec notre procédure pénale. Certes, en ce qui concerne l'audience, sous réserve d'améliorations que l'on pourrait apporter notamment pour le plaider-coupable et maintenant que le double degré de juridiction en matière d'assises a montré ses vertus, nous ne pouvons pas dire que nous ayons des interrogations majeures.
En revanche, au niveau de l'enquête et de l'instruction, nous sommes incapables d'atteindre l'équilibre qui est sans cesse évoqué. Nous nous sommes tous interrogés sur les raisons de cette difficulté, car les efforts n'ont pas fait défaut. L'heure n'est pas aux colloques ni aux réflexions académiques, mais je crois que demeure dans notre justice une sorte de pesanteur inconsciente, culturelle - la culture judiciaire est importante dans une vieille institution comme la nôtre - de plusieurs siècles de tradition inquisitoriale et de mainmise de l'État, depuis l'époque où le roi tenait le glaive de la justice.
Certes, depuis le code de procédure pénale, des améliorations très importantes ont été apportées, mais elles n'ont pas suffi à rééquilibrer et à renforcer les droits de la défense, bref à permettre à notre procédure de se situer dans une perspective contemporaine qui doit être celle de toute justice européenne. Grâce au contrôle de conventionnalité et au contrôle de constitutionnalité, des progrès notables ont été réalisés, mais ils sont encore insuffisants au regard des deux défauts structurels de la procédure pénale française.
Le premier, c'est l'indifférence, dans la pratique sinon dans la rhétorique, à la présomption d'innocence. Dans notre justice, il n'y a pas de véritable culture de la présomption d'innocence. Certes, on en parle, mais cela demeure une façade plaquée sur une réalité bien différente.
Nous n'en avons pas le temps ce soir, mais il faudrait s'interroger plus avant sur ce constat. Je n'ai pas besoin de souligner devant la Haute Assemblée que la présomption d'innocence est pourtant le fondement de toute justice dans un État de droit démocratique.
Le second défaut, c'est le recours excessif à la détention provisoire, qui est la conséquence directe du premier « vice ». On peut y ajouter, mais c'est une autre question, le problème de la solitude du juge d'instruction.
Les efforts du législateur n'ont pourtant pas manqué. On est effaré, pour ne pas dire effrayé, par le nombre de lois de réforme de la procédure pénale intervenues dans ces domaines. Vous avez mentionné les dernières lois adoptées en matière de liberté et de détention provisoire. Malgré tant d'efforts, et ici nous en avons connu, la situation demeure inchangée.
Dans ce contexte est intervenue l'affaire d'Outreau. Elle restera dans les annales judiciaires - j'en suis hélas convaincu ! - comme un véritable désastre. L'opinion publique, qui est pourtant volontiers encline à dénoncer le prétendu laxisme de notre justice et de nos magistrats, souvent flattée par des hommes politiques maniant la démagogie et le populisme, deux maux fatals à la démocratie, a été stupéfiée d'apprendre que des femmes et des hommes pouvaient être ainsi arrêtés, mis en examen, détenus pendant des années, et se donner la mort, désespérés par une machine judiciaire qui s'était emballée et était devenue aveugle. On comprend l'émotion générale.
M. Perben, alors garde des sceaux, a eu raison de présenter des excuses et des regrets, au nom de la justice, à celles et ceux qui en étaient les victimes. On a pointé du doigt des magistrats qui ont été déclarés responsables et aussitôt coupables. Selon moi, il appartient au seul Conseil supérieur de la magistrature de dire ce qu'il en est.
Mais ce qui est acquis, c'est une prise de conscience que de telles affaires ne devaient plus se renouveler, qu'il était intolérable que des innocents subissent du fait de la justice de tels sorts et de telles souffrances, sans qu'aucune illégalité n'ait pu être relevée. C'était donc l'application de la loi qui débouchait sur ce constat terrible. Ce drame s'inscrivait dans le cours ordinaire des choses, en ces temps où la chasse aux pédophiles est devenue, à certains égards, presque obsessionnelle.
Comme c'était son devoir, l'Assemblée nationale a créé une commission d'enquête rassemblant toutes les sensibilités politiques ; il en avait été également question au Sénat. Présidée avec énergie et efficacité par André Vallini, animée vigoureusement par son rapporteur Philippe Houillon, elle a procédé à des auditions publiques, y compris à celle de M. le garde des sceaux, qui mobilisèrent l'attention.
Cette commission a présenté un rapport qui fera date. Il conclut par quatre-vingts propositions de réformes, dont beaucoup concernaient la procédure pénale et en particulier l'enquête et l'instruction. Consensus a été acquis.
C'était un moment important - je dirais même rare - dans l'histoire de notre justice. En effet, pour la première fois depuis près de trente ans, un consensus s'était établi entre la majorité et l'opposition, entre les différentes forces politiques de notre pays, sur un ensemble cohérent de réformes de la procédure pénale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la loi sur la présomption d'innocence ?
M. Robert Badinter. Nous avons obtenu de cette façon la réforme, qui fut longue, du code pénal. La méthode alors utilisée aurait dû inspirer celle que nous devons mettre en oeuvre pour la procédure pénale. Comme mon ami Michel Dreyfus-Schmidt, dont le ton n'altère pas les facultés d'interpellation, le rappelait justement, nous sommes parvenus aussi de la même façon à la loi de juin 2000.
Ce moment de consensus, je l'appelais de mes voeux depuis le 3 octobre 1981 - j'ai attendu un quart de siècle ! -, jour où j'ai rejoint mon ami Chandernagor à Strasbourg pour lever les réserves qui empêchaient les justiciables français de saisir la Commission et la Cour européenne des droits de l'homme. Nous savions que la mise en oeuvre nécessaire de tous les principes de la Convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentales serait dorénavant possible. Désormais, à travers les alternances, les principes du procès équitable et les droits fondamentaux des citoyens s'imposeraient aux majorités politiques successives comme à toutes les juridictions et autorités de l'État.
En ajoutant à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme les décisions du Conseil Constitutionnel, dont le corpus est particulièrement important en cette matière, nous avons assisté - et nous tous qui avions travaillé sur cette question en étions sûrs - à la formation d'un socle de principes et de règles auquel nous ne pourrions pas déroger, quelles que soient les alternances. Ce socle constitue le fondement intangible de notre procédure pénale.
Dès lors, au-delà des inévitables divergences, souhaitables et légitimes dans une démocratie, sur les conditions d'application et de mise en oeuvre des principes, l'essentiel était acquis.
Si la justice pénale doit se prêter au débat, elle ne devrait plus être, dès l'instant où nous sommes enserrés dans ce corps de principes fondamentaux communs auquel nous ne pouvons pas déroger, un champ clos d'affrontements politiques, comme elle l'a été depuis tant d'années. Elle devrait au contraire faire l'objet de travaux réfléchis, consensuels et fouillés, sur la question d'une meilleure mise en oeuvre par notre justice des règles du procès équitable. Les divergences s'inscrivent bien plus dans une réflexion juridique et technique, notamment économique, que dans des affrontements d'ordre politique. La justice française, si elle doit demeurer un sujet de réflexion et de propositions, doit dorénavant échapper à l'affrontement politique dans lequel trop souvent on a voulu la précipiter.
La remise en cause permanente à laquelle nous avons assisté à la suite des alternances - parce que nous avons méconnu cette identité fondamentale de principe et que nous avons voulu utiliser le débat sur la sécurité et la justice pénale dans l'arène politique - a eu pour conséquence la désastreuse inflation législative que vous avez évoquée et dont se plaignent à juste titre les magistrats, les avocats et tous ceux qui participent à un titre quelconque à l'oeuvre de justice. À cet égard, je dirai sans crainte d'être démenti qu'ils n'en peuvent plus ! Ils n'en peuvent plus de ces textes successifs votés par une majorité, auxquels la majorité suivante en substitue d'autres.
Je marque, monsieur le garde des sceaux, que votre gouvernement et sa majorité auront puissamment contribué à cette inflation législative, malgré les déclarations d'un président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, désireux d'y mettre un terme. Voyez ce qu'il est advenu depuis lors !
La commission d'Outreau nous offrait une chance exceptionnelle, comme si, dialectiquement, le bien pouvait sortir du mal, ou plutôt du malheur devrait-on dire ici. Encore fallait-il saisir et exploiter cette occasion unique, cette sensibilité d'un seul coup alertée. Hélas ! vous n'avez pas voulu le faire, pour notre plus grand mal commun, j'en suis convaincu.
Il est vrai que, en la circonstance, le calendrier était cruel. La commission d'Outreau a remis son rapport à la fin du mois de juin. La législature arrivait à son terme - nous y sommes maintenant -, l'automne était nécessairement chargé de textes, en particulier de nature budgétaire, les élections approchaient. Une campagne électorale, nous le savons tous, n'est assurément pas le moment le plus propice à l'analyse, au débat et au vote par le Parlement de profondes réformes de la procédure pénale. De telles réformes, que le rapport consensuel de la commission d'enquête parlementaire laissait espérer, sont pourtant nécessaires après le désastre d'Outreau.
La sagesse, permettez-moi de le dire, aurait été de mettre à profit la période électorale pour soumettre le rapport et les propositions consensuelles de la commission d'Outreau à tous les professionnels intéressés, non seulement aux associations et aux syndicats de tous ordres, mais aussi, comme on l'a fait en d'autres temps, aux assemblées de magistrats, aux barreaux, aux forums universitaires, afin de leur permettre d'en débattre, puis de formuler des observations et des suggestions.
Après cette concertation sérieuse - et seulement après -, dont les fruits auraient été recueillis par la direction des affaires criminelles et des grâces, indépendante, elle, de la conjoncture, le nouveau garde des sceaux - il y a des fortunes judiciaires, peut-être que ce sera vous, monsieur le garde des sceaux, même si, pour des raisons qui ne tiennent pas à votre personne, je ne le souhaite pas - et la nouvelle majorité à l'Assemblée nationale auraient pu sereinement, comme c'est possible en début de législature, se mettre à l'oeuvre, forts de la confrontation des opinions de tous les participants à l'oeuvre de justice.
Hélas ! cela ne s'est pas fait. Après la remise du rapport, vous avez préféré, très vite et sans concertation - les associations professionnelles, les magistrats, la commission des lois et son excellent rapporteur l'ont dit - déposer cet ensemble de propositions, de « réformettes » - le mot est à mettre au pluriel, non au singulier. Or une collection de réformettes n'a jamais fait une réforme.
Quoi qu'il en soit, que reste-t-il des quatre-vingts propositions de la commission d'Outreau dans les textes que vous nous soumettez ? Les textes soumis au Sénat en reprennent dix-neuf. Douze d'entre elles figuraient dans le texte soumis à l'Assemblée nationale, dont huit n'étaient que des reprises partielles. Les sept autres ont été introduites par l'Assemblée nationale. Aucune des autres mesures n'a été reprise.
Comme je l'ai déjà dit, je n'entrerai pas dans le détail de ces propositions. Permettront-elles de remédier aux dysfonctionnements majeurs qui ont été évoqués et qui ont fait toute la cruauté de l'affaire d'Outreau ? Je ne le pense pas, mais nous aurons l'occasion d'en débattre précisément.
Le seul véritable acquis de cette affaire, singulier à mes yeux - je ne parlerai pas de revanche, car je n'aime pas ce mot -, c'est la consécration d'une évidence, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Après l'affaire Grégory, nous avions longuement réfléchi sur ce sujet à la Chancellerie - je dis « nous » parce que je n'étais pas seul à travailler sur cette question, il y avait là des femmes et des hommes éminents, notamment l'actuel président de la chambre criminelle - et considéré que cela ne pouvait plus continuer ainsi.
C'est ainsi que l'évidence suivante nous est apparue : ou bien nous en finissons avec le système de l'instruction - terminé ! - et nous en venons au système du contrôle de l'instruction, à une procédure accusatoire adaptée, ou bien nous gardons le juge d'instruction et, dans ce cas, nous mettons fin à sa solitude et instaurons le travail en équipe. Tout le monde travaille en équipe - le parquet, la police, les avocats -, sauf le juge d'instruction, qui est seul. On vient d'en voir les résultats dans une grande affaire, avec un jeune juge, dans des conditions singulièrement proches de celles qui ont conduit à l'affaire d'Outreau.
La seule façon de remédier à ces dysfonctionnements, c'est de créer des équipes, les aînés travaillant avec les plus jeunes. C'est ainsi que l'on apprend son métier, les décisions étant prises collégialement, les uns s'habituant à travailler avec les autres. Chacun y gagnerait, car cruelle est la condition du magistrat qui doit prendre des décisions si importantes. Rien n'est aussi précieux que l'expérience partagée. Je n'insisterai pas plus longuement sur cette question, mais j'y reviendrai.
Le texte a été préparé, adopté et voté à l'unanimité - M. le garde des sceaux doit s'en souvenir -, et bien sûr mis de côté, remisé.
M. Robert Badinter. Je vous réponds sur le champ, monsieur le garde des sceaux ! J'avais créé soixante-quinze postes. La réforme devant être mise en oeuvre en deux ans, soixante-quinze autres postes devaient être créés. Les soixante-quinze premiers postes ont délibérément été transférés au niveau des cours d'appel.
En lisant de vieux textes, j'ai retrouvé ce qu'avait déclaré Alain Peyrefitte en 1984. Après tant d'années, l'envolée de cet homme du premier talent, qui fut garde des sceaux et avec qui j'ai tant croisé le fer, m'a fait sourire : « en une matinée, nous "débadintériserons" la justice ».
Reconnaissons qu'il était tout de même difficile de rétablir la peine de mort et une juridiction d'exception et de supprimer toutes les lois que j'avais fait voter en faveur des victimes. Je pourrais également évoquer le domaine civil. Mais il restait une dernière réforme - la collégialité de l'instruction -, et celle-là, personne, pas même les magistrats, n'en voulait à l'époque. Le temps n'était pas encore venu.
Alors on a purement et simplement supprimé ces soixante-quinze postes. Depuis lors, on a modifié, bricolé, allais-je dire, et les mêmes causes - solitude, grande affaire, pression médiatique - produisant les mêmes effets, le résultat fut malheureusement l'affaire d'Outreau.
Aujourd'hui, les esprits ont changé, le temps est venu. Comme je l'ai fait en commission des lois, je ne peux que rappeler avec ironie le propos de notre éminent prédécesseur, qui fut également garde des sceaux, Edgar Faure, selon qui on a toujours tort d'avoir raison trop tôt. En politique, c'est assez vrai !
Nous en revenons aujourd'hui à la collégialité de l'instruction. C'est à mon avis le seul véritable acquis de cette réforme. Disons-le clairement, les pôles de l'instruction sont des préliminaires. La cosaisine que vous préparez préfigure évidemment l'instruction collégiale, par des équipes de magistrats instructeurs.
Cette réforme ne peut toutefois se faire ainsi, et ce sera ma remarque conclusive. Elle ne peut être réalisée qu'à trois conditions, qui valent pour toute réforme de la justice.
La première est une condition de moyens. Il est inutile d'y insister. Le budget d'abord ! M. Hyest a d'ailleurs fait quelques observations sur les postes disponibles.
La deuxième condition, c'est la révision de la carte judiciaire. Nous ne transformerons pas, nous ne moderniserons pas la justice française si nous ne nous décidons pas à en finir avec la question de la carte judiciaire. Une telle réforme est plus facile à réaliser pour un garde des sceaux entrant que pour un garde des sceaux sortant.
Les pôles de l'instruction ne constituent qu'un pas vers cette réforme. En effet, même si mille précautions sont prises, c'est bien la transformation de la carte judiciaire de l'instruction qui s'annonce, et elle est souhaitable. Le principe sera celui d'au moins un collège d'instruction par département. Quand cela ne sera pas possible, on procédera à des réunions, même si cela ne satisfait pas toujours les barreaux locaux.
La troisième exigence est la suivante. Toute la législature a été marquée par un accroissement considérable des pouvoirs du parquet. Il est grand temps de donner aux magistrats du parquet les mêmes garanties statutaires, disciplinaires et d'indépendance que les autres magistrats.
Je rappelle que le texte de la réforme constitutionnelle a été voté par l'Assemblée nationale et par le Sénat, mais qu'il dort ! Dans les semaines à venir, le Parlement se réunira en Congrès à Versailles pour adopter des réformes constitutionnelles. Certaines sont excellentes, d'autres le sont moins, nous en reparlerons.
Ce soir, je dis que rien ne sera possible si nous ne nous décidons pas à donner aux magistrats du parquet, grand corps hiérarchisé sous l'autorité du ministre, pour leur carrière et pour leur statut disciplinaire, les mêmes garanties que les magistrats du siège. Je souhaite que l'occasion soit saisie à Versailles prochainement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à la différence de mon prédécesseur, je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il ne faut rien faire quand on ne peut pas tout faire. L'expérience et la sagesse qui en est le fruit nous enseignent que c'est déjà bien de faire quelque chose.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous proposez des dispositions dont vous attendez qu'elles amélioreront le cours de la justice, sans prétendre remédier substantiellement à ses graves difficultés.
Face aux circonstances bouleversantes que l'on vient d'évoquer - et en quels termes ! -, une telle réponse signifie que nous nous refusons à la résignation et au scepticisme. C'est en ce sens que le groupe UC-UDF s'associe à votre démarche, faisant sienne la réflexion de La Bruyère selon qui « un innocent condamné est l'affaire de tous les honnêtes gens ».
Sur le fond cependant, je dois vous avouer que les dispositions de ces deux textes suscitent bien des doutes et, il faut le dire, un enthousiasme assez limité chez tous ceux qui, ici, y réfléchissent consciencieusement.
Pour ma part, et je m'exprime là de manière un peu plus personnelle, j'ai le regret de constater que ces dispositions ne touchent guère, ou si peu, à ce qui me paraît constituer en réalité le fond du problème, je veux parler de la formation des magistrats. Je mets ici à part, sans aucunement l'ignorer, ce qui résulte de l'insuffisance des moyens de la justice, insuffisance persistante - dont il faut avoir conscience et qui doit être sans cesse rappelée -, en dépit de la remarquable amélioration budgétaire...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Pierre Fauchon. ...qui s'est produite durant cette législature, et dont nous pouvons vous féliciter.
Mon ami François Zocchetto ayant traité de la procédure pénale, je limiterai mon propos au statut des magistrats et, très précisément, à leur formation.
Je ne crois pouvoir mieux introduire ce propos qu'en me référant aux diagnostics et aux avertissements de deux magistrats qui, étant tout à la fois au sommet de leur carrière et au sommet des hiérarchies, doivent, me semble-t-il, être écoutés attentivement.
Il s'agit tout d'abord de M. Canivet, Premier président de la Cour de cassation, affirmant lors de la séance solennelle de la rentrée 2006 : « La formation du juge conditionne l'authenticité de la justice. Elle lui apprend non seulement à rendre des décisions conformes au droit ; bien plus, elle l'incite à réfléchir à son rôle, à sa place dans les institutions, à ses obligations, à ses devoirs, à ses habitudes, à ses présupposés... à la vérité, à l'équité. ».
Un an plus tard, il y a quelques jours, dans la même séance de rentrée, le procureur général M. Nadal, dont le positionnement diffère, revenait sur ce thème et en quelque sorte « enfonçait » le clou dans les termes suivants : « Ne nous y trompons pas, c'est une crise majeure. Elle implique de reconsidérer les fondations avant même de modifier telle ou telle disposition de procédure civile ou pénale.
M. Robert Badinter. Eh oui !
M. Pierre Fauchon. Je ne crois pas que quelques ajustements de procédure, comme il en intervient trop souvent, nous sortiront de l'ornière. C'est, je le répète, aux fondations qu'il faut s'attaquer. Par là, j'entends principalement la formation des magistrats [...] ».
De tels propos, dont l'expression est évidemment modérée par les circonstances, doivent être pris comme un très grave avertissement. Ils nous invitent clairement à remettre en cause le système de formation des magistrats professionnels, qui, pour l'essentiel, restent les détenteurs de l'oeuvre de justice. Et cela ne vaut pas seulement pour la procédure pénale, car les errements de la justice civile, pour être évidemment moins scandaleux que ceux qui ont été évoqués tout à l'heure, n'en sont pas moins tout aussi graves et, malheureusement, tout aussi fréquents.
Certes, le présent texte s'efforce d'apporter ici ou là des améliorations ponctuelles - il ne pouvait probablement pas faire mieux dans le court laps de temps dont nous disposions -, soit qu'il allonge le stage initial dans un cabinet d'avocats, soit qu'il prévoie une période de mobilité pour l'accès aux fonctions de second grade, soit qu'il rende obligatoire la formation permanente.
Ces mesures apporteront certainement des améliorations. Elles ne sauraient remédier pour autant à ce qui fait la faiblesse fondamentale et originelle de la plupart de nos magistrats, je veux parler de l'ignorance des réalités et de l'insuffisance d'esprit de discernement, l'un étant lié à l'autre. À quoi semble devoir s'ajouter de plus en plus souvent l'insuffisance de culture juridique, ce qui est tout de même un comble !
Qui peut croire sérieusement que le fait d'être capable de faire de bonnes compositions écrites ou de brillants exposés oraux suffit à rendre un homme ou une femme apte à comprendre les réalités économiques, sociales, familiales qui sont la matière des litiges qu'ils devront trancher ? C'est le coeur de la question ! Et, si le magistrat n'a pas acquis cette compréhension à travers une expérience concrète suffisamment longue pour qu'elle soit entrée en quelque sorte dans sa propre chair, qui peut croire que des stages, nécessairement brefs même s'ils peuvent paraître longs, compenseront cette carence ?
Les fruits de l'expérience sont nombreux et irremplaçables. J'en citerai trois.
Le premier est de saisir ou de pressentir les circonstances dans leur réalité, dans leur vérité, au-delà des formulations judiciaires toujours plus ou moins artificielles, pour ne pas dire artificieuses.
Le second est de rendre le juge plus sensible aux enjeux concrets d'un litige et à l'urgence de le résoudre, et de le détourner de la tentation qui est trop souvent la sienne de se réfugier dans des considérations de procédures, comme de l'indifférence au temps qui s'écoule, à ces fameux delay of the law dont Hamlet se plaignait déjà et auxquels la justice se montre trop souvent indifférente, avec une espèce de superbe véritablement décourageante. Il s'agit, selon la formule du président de la commission des lois, de « mieux mesurer l'impact sur la vie des justiciables » des décisions de justice. Il y a là trop souvent un manque, me semble-t-il.
Le troisième avantage de l'expérience, et peut-être le meilleur, c'est qu'elle est la véritable et l'unique école du « discernement », cette faculté supérieure dont le président Canivet nous rappelait qu'elle est la qualité essentielle des bons juges.
Réalisme, sensibilité au réel, discernement, qui peut nier que ces qualités soient étrangères, pour ne pas dire antinomiques, à l'art de passer des concours, art qui semble devenir de plus en plus l'ultime ratio des grandes écoles confirmant chaque jour le diagnostic d'Ernest Renan, pour qui « le système des examens et des concours n'est pas la moindre cause de notre abaissement » ?
Faut-il rappeler qu'en Grande-Bretagne, dont il y a tant de bons enseignements à recevoir...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela dépend sur quoi !
M. Pierre Fauchon. ...- on en reçoit beaucoup ces temps-ci -, on devient magistrat non pas au prix d'un concours mais au prix du couronnement d'une véritable carrière d'avocat, parce que l'on a « fait ses preuves ». Ces magistrats échappent dès lors à cet excessif particularisme qui caractérise notre magistrature et qui nourrit fatalement des réactions de caractère corporatiste. J'emploie cet adjectif non pas de manière blessante, mais simplement pour caractériser une situation dans laquelle un certain corps vit tout au long de la carrière en vase clos.
Sans aller jusqu'à imiter le système anglais, ce qui serait sans doute bousculer excessivement nos habitudes, est-il inconcevable de poser en principe général que nul ne peut devenir magistrat s'il n'a pratiqué d'autres activités dans des fonctions de responsabilité, de préférence non judiciaires d'ailleurs, pendant une période assez longue - de cinq à dix ans - pour avoir éprouvé concrètement ce que sont les réalités de la vie et appris à discerner le réel des apparences, le bon du mauvais, et à peser la charge d'humanité dont tout litige est porteur ?
J'ai déposé en ce sens un amendement, qui nous donnera, en tout cas, l'occasion d'approfondir cette question.
Est-il nécessaire d'ajouter immédiatement que cette exigence d'expérience ne diminue en rien et exclut moins encore l'exigence de la formation juridique et de la qualification qui la sanctionne ?
Je me heurte cependant ici à une autre difficulté, aussi fondamentale qu'imprévue, et qui, j'en suis sûr, en surprendrait plus d'un dans cette séance si toutefois nous étions assez nombreux, ce qui n'est pas tout à fait le cas.
Il paraît qu'on peut de nos jours devenir magistrat sans avoir fait réellement des études de droit !
M. Pierre Fauchon. Vous en avez été vous-même passablement surpris, monsieur le garde des sceaux, lorsque je vous ai interrogé sur ce point en réunion de commission, voilà quelques semaines. Sur votre réponse finalement affirmative, j'ai cru pouvoir vous demander s'il y en avait beaucoup : sont-ils quatre ou cinq, cinquante, cent ou cent cinquante à ne pas posséder de titre juridique véritable ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est dommage que vous ne connaissiez pas leur nombre !
M. Pierre Fauchon. Je reste curieux de savoir combien nous avons de magistrats non titulaires d'un diplôme sanctionnant des études de droit, au moins une licence et de préférence une maîtrise.
J'attends toujours la réponse ! Dois-je croire qu'il s'agit d'un secret d'État ? Dois-je à mon tour interroger les Renseignements généraux ? (Sourires.) Certainement pas, me direz-vous ! Je me permets donc, monsieur le garde des sceaux, de vous poser de nouveau la question à l'occasion de cette séance publique. J'espère que vous ne me trouverez pas impertinent si j'exprime le souhait, en mon nom personnel et au nom, j'en suis sûr, de beaucoup de mes collègues, de bénéficier d'une réponse à l'occasion de ce débat. À supposer que la Chancellerie l'ignore, ce qui d'ailleurs me surprendrait, l'École nationale de la magistrature détient sans doute cette information.
La question est très importante. Nous ne sommes pas un pays de common law et de jurisprudence, nous sommes un pays de droit écrit, ce qui signifie à tout le moins que les juges professionnels qui seront appelés à présider des tribunaux, plus tard des cours d'appel et, pour certains d'entre eux, à siéger à la Cour de cassation, doivent avoir reçu non les connaissances superficielles de quelques aspects du droit nécessaires pour passer les épreuves de concours et oubliées aussi vite qu'apprises, mais cette culture juridique générale et approfondie qui ne peut résulter que de plusieurs années d'études, avec ce qu'elles comportent de cours, de conférences, de travaux pratiques et d'exercices successifs. C'est cela qui fait la véritable culture juridique.
Il est bien évident que la brève formation reçue à l'École nationale de la magistrature peut compléter et approfondir les connaissances sur tel ou tel point mais ne peut pas remplacer cette culture.
Une telle exigence me paraît d'autant plus évidente qu'elle existe, je le rappelle, en ce qui concerne les avocats. Sauf preuve du contraire, pour devenir avocat, il faut justifier d'un diplôme de maîtrise sanctionnant des études juridiques, ce qui n'est pas exigé d'un juge professionnel.
Est-il concevable que nos présidents de chambre aient une meilleure formation aux sciences politiques ou aux belles lettres qu'à une culture juridique ? Cela est cependant possible puisque nous nous sommes laissés aller sans beaucoup de réflexion, me semble-t-il, à admettre des auditeurs de justice uniquement titulaires du diplôme d'un institut d'études politiques,...
M. Pierre Fauchon. ...ce qui me paraît au demeurant relever d'une fâcheuse symbolique. Cela laisse en effet à penser qu'ils sont peut-être plus doués pour la politique que pour le droit et la justice, ce dont ils donnent parfois des signes inquiétants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Pierre Fauchon. On me dira sans doute que ces magistrats, à l'occasion, jugeront aussi bien que d'autres parce qu'ils jugeront en équité, ce à quoi je répondrai avec Montesquieu : « Dieu nous garde de l'équité des Parlements » !
M. Pierre Fauchon. Montesquieu n'était pas un sot et il savait de quoi il parlait.
Dans cet esprit, j'ai déposé un autre amendement qui tend à exiger de tout candidat à l'École nationale de la magistrature qu'il ait effectivement fait des études sanctionnées par le diplôme de la maîtrise ou à tout le moins de la licence. Je dois dire que je suis surpris qu'il faille déposer un amendement pour aboutir à un tel résultat.
La discussion de ces amendements nous permettra d'approfondir cette réflexion dont je mesure qu'elle soulève bien des questions que nous ne pourrons pas résoudre en quelques jours.
Je mesure donc que ces questions ne sauraient être résolues dans le cadre du présent débat. C'est pourquoi je suggère à la commission des lois, avec la déférence que je lui dois, qu'elle se saisisse du problème de la formation des magistrats dans son ensemble, qu'elle crée une mission d'information consacrée à cette question si capitale, mission qui devra naturellement s'informer des systèmes en vigueur dans quelques États membres de l'Union européenne afin de bénéficier de leur exemple et de placer notre démarche sous le signe de l'espace judiciaire européen.
J'espère que la suite qui sera donnée à cette suggestion permettra de donner à mes amendements un sens aussi « constructif » que possible, et surtout donnera au Parlement la possibilité d'assumer pleinement ses responsabilités dans ce domaine capital de la formation des magistrats. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les deux projets de loi organique et ordinaire que nous examinons aujourd'hui sont destinés à apporter des réponses simples, rapides et surtout efficaces aux dysfonctionnements de la justice révélés par ce qu'il est désormais convenu d'appeler « la tragédie d'Outreau ».
Cette triste et dramatique affaire a mis en exergue ces dysfonctionnements. Même s'il n'est évidemment pas question ici de porter atteinte aux compétences et à l'honorabilité des centaines de magistrats qui rendent la justice dans notre pays, il convient assurément de tirer quelques enseignements de cet événement malheureux, sauf à prendre le risque de voir surgir à l'avenir d'autres affaires Outreau.
Concernant le projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, je souhaiterais tout d'abord rappeler une actualité assez récente.
On a beaucoup commenté cet été les propos qualifiés d'« inadmissibles » du ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la responsabilité des magistrats. Qu'a-t-il dit de si grave pour provoquer une telle colère au sein de la magistrature ? Un émoi qui s'est d'ailleurs parfois révélé pour le moins excessif de la part de certains professionnels qui ont une vision à sens unique de la séparation des pouvoirs.
Est-il réellement scandaleux de considérer qu'un homme qui détient de la société elle-même une parcelle de pouvoir ou d'autorité ait à rendre des comptes sur la manière dont il en use ? Nous-mêmes, élus, avons plus que tout autre à rendre des comptes sur notre action, nos choix et notre probité. Le contestons-nous ?
Et l'on vient nous expliquer doctement que la responsabilité civile des magistrats ne peut pas être engagée. Mais à quel titre ?
Permettez-moi de relater une anecdote que l'un de nos collègues nous a contée il y a quelques jours.
À l'occasion des voeux de la nouvelle année 2000, un président de tribunal de grande instance expliquait, dans une envolée lyrique, le bien-fondé de la responsabilité pénale des élus locaux et dénonçait dans le même temps, sur un ton inquisitorial, la proposition de loi éponyme de notre excellent collègue Pierre Fauchon. Cette loi a d'ailleurs porté ses fruits et équilibré la balance de la justice en la matière.
Or, lors des voeux de cette année, ce même président n'a pas cette fois-ci hésité à dénoncer la réforme scélérate consistant à accroître la responsabilité des magistrats.
M. Christian Cambon. Cette anecdote en dit long sur le travail qu'il reste à accomplir. Et je ne parle pas de la mobilité dans les carrières, bien que ce magistrat soit toujours au même poste !
S'agissant du régime disciplinaire, notre groupe se félicite des mesures prises en matière de mobilité, et notamment de la disposition que nous proposera la commission des lois afin de faciliter la nouvelle obligation de mobilité pour l'accès aux postes les plus élevés, hors hiérarchie.
En fin de législature, il n'était sans doute pas opportun de trancher le débat en réformant le régime de la responsabilité civile des magistrats. Soit ! Je me range donc avec satisfaction aux conclusions pertinentes de notre éminent président et rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest.
Notre groupe souscrit pleinement à ses propositions, qui parviennent à un juste équilibre entre respect de l'indépendance de l'autorité judiciaire et exigence de responsabilité accrue des magistrats.
Ainsi, le dispositif qui nous est proposé va pleinement dans le sens qui doit animer le législateur. Il sera simple à mettre en oeuvre et renforcera la confiance de nos concitoyens en notre justice. Ils ne pourront plus la qualifier d'opaque lorsqu'ils s'estimeront lésés par le comportement d'un juge de l'ordre judiciaire.
La commission de transparence de la justice qui nous est proposée par M. Jean-Jacques Hyest permettra un meilleur accès à la justice, car elle se substitue au triple filtre initial constitué par le triptyque parlementaire, médiateur, ministre de la justice ou chef de juridiction. En saisissant directement cette instance, le justiciable aura la certitude d'obtenir une réponse circonstanciée et, le cas échéant, la transmission de la plainte au garde des sceaux aux fins de saisine du Conseil supérieur de la magistrature.
Nous approuvons également sa composition. En effet, pour éviter toute complaisance corporative, cette autorité collégiale rassemblera des personnalités dont la majorité devra ne pas appartenir au corps de la magistrature.
Mais le véritable enjeu, et il dépasse largement les prérogatives du seul législateur, est celui de la formation des magistrats, comme Pierre Fauchon vient si brillamment de le rappeler avec moult détails.
Bien évidemment, il ne s'agit pas pour notre groupe de remettre en cause l'excellence de la formation que bon nombre de pays nous envient et qui honore l'École nationale de la magistrature. Cependant, il nous semble qu'un effort considérable doit être mené dans les prochaines années afin que les générations qui sortiront des écoles de magistrature, d'avocats, mais également des écoles de police ou de gendarmerie, apprennent à mieux se connaître, à se comprendre et à respecter mutuellement leurs fonctions et leur rôle dans la chaîne judiciaire. Ce qui frappe les étrangers qui viennent étudier chez nous, c'est justement l'existence de ces frontières quasi infranchissables entre les différents corps.
Il est essentiel d'huiler notre chaîne judiciaire pour améliorer son fonctionnement. Il faut offrir cette chance aux futures générations qui sortiront de leurs écoles respectives dans les années à venir. Elles doivent apprendre à se comprendre et à se respecter. Voilà l'enjeu pour le futur immédiat, et il n'est pas négligeable.
Aussi, nous nous félicitons des dispositions du projet de loi organique qui ont pour objet d'allonger la durée du stage en cabinet d'avocat et de l'identifier plus clairement au cours de la scolarité. Cependant, à la lecture des réactions négatives des courriers de magistrats, retraités ou encore en exercice, que nous recevons sur cette simple mesure, je me dis que le chemin à parcourir est encore long. Notre conviction n'en est pas pour autant entamée.
D'ailleurs, pourquoi devrait-on limiter cette mesure aux seuls cabinets d'avocats ? Un stage dans un commissariat de police ou dans une brigade de gendarmerie serait tout aussi formateur pour ceux qui se destinent aussi bien au parquet qu'au siège.
Nous ne pouvons pas non plus passer à côté du défi de la réforme de la formation des magistrats. L'excellence de ce corps passe par une modernisation désormais nécessaire des enseignements. Il est en effet inconcevable qu'il n'y ait ni droit comparé, ni criminologie, ni droit international privé dans les matières enseignées. L'École nationale de la magistrature ne peut pas vivre en vase clos.
Il faudra réfléchir dans les délais les plus brefs aux aménagements nécessaires. Je ne doute pas que notre commission des lois jouera son rôle d'éclaireur en la matière et prendra toute sa part à ce débat.
Je souhaiterais aborder tout de suite le droit de réserve, car il a suscité un certain émoi, tant parmi certains de nos collègues que dans la presse locale.
Nous sommes nombreux à considérer comme totalement inadmissible que des magistrats puissent outrepasser leur devoir de réserve pour investir le champ de la politique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous voulez parler du juge Jean-Pierre ?
M. Christian Cambon. J'espère, monsieur le garde des sceaux, que vous nous donnerez votre sentiment à ce sujet.
La presse a récemment rapporté qu'une conseillère d'une cour d'appel de province, dans la région Est, avait décidé « en prenant ses risques » de coprésider le comité de soutien bas-rhinois d'un candidat à la présidence de la République. Cette magistrate a déclaré : « Jamais je n'ai senti la justice autant en danger. Je m'engage pour que la candidate socialiste, la seule qui puisse permettre à la justice de fonctionner,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme en Chine ?
M. Christian Cambon. ...soit élue. Son principal opposant affiche un irrespect de l'institution judiciaire jusqu'à vouloir la peau de certains magistrats. »
Peut-on admettre que, à ce jour, il n'y ait eu aucune réaction, ni de la part du Premier président de la cour d'appel, ni de la part de la Chancellerie, ni même de la part du Conseil supérieur de la magistrature ?
Ne conviendrait-il pas de rappeler la portée de l'article 10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui dispose que « Toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions » ? Il me semble que cette disposition est particulièrement d'actualité en cette période d'élections présidentielle, législatives et locales, d'autant que dans le cas auquel je fais référence le département où ladite conseillère à la cour d'appel s'est engagée politiquement est du ressort de sa juridiction.
Ne conviendrait-il pas également de compléter l'article 9 de cette ordonnance, aux termes duquel « Nul ne peut être nommé magistrat ni le demeurer dans une juridiction dans le ressort de laquelle se trouve tout ou partie du département dont son conjoint est député ou sénateur » ?
En effet, de plus en plus de magistrats de l'ordre judiciaire, conjoint d'homme ou de femme politiques, sont identifiés comme étant étroitement liés à leur conjoint au risque de créer une confusion des genres et de semer un trouble dans l'opinion publique. Il me semble donc souhaitable d'étendre cette incompatibilité au conjoint de maires de communes de plus de 3 500 habitants, de présidents de conseils régionaux ou généraux, ou de secrétaires départementaux d'un parti politique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et à la télévision aussi !
M. Christian Cambon. Un magistrat doit être insoupçonné et insoupçonnable. Il faut donc adapter les dispositions de l'article 9 à la modernisation de la société et à la médiatisation de la vie judiciaire et politique. Votre opinion sur ce sujet, monsieur le garde des sceaux, nous intéresse tout particulièrement.
J'en viens au second volet de la réforme, à savoir le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, et, en premier lieu, à l'importante réforme des pôles de l'instruction, qui est très attendue.
Certains se sont inquiétés du risque d'éloignement de la justice pénale au détriment des prévenus, mais également des victimes. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Nous ne partageons pas cette position, car notre ambition est au contraire de rapprocher la justice de nos concitoyens.
Tout d'abord, le projet de loi ne porte en aucune manière le germe de la suppression de tribunaux de grande instance, contrairement à ce que nous entendons ici ou là. La constitution de pôles de l'instruction ne mettra nullement en cause le maintien d'un juge d'instruction dans chaque tribunal de grande instance.
Aujourd'hui, il existe, dans les faits, un poste de juge d'instruction par tribunal de grande instance, et cela en dépit de toute contrainte législative. On ne saurait revenir sur ce principe qui garantit un maillage équilibré de la justice judiciaire sur notre territoire.
De plus, le projet de loi a pour principale ambition d'améliorer l'accessibilité de nos concitoyens à la justice. La création de ces pôles - contexte d'Outreau oblige - nous a souvent été présentée comme un gain en matière de décision.
La collégialité permettra de rompre avec la solitude du juge d'instruction en instituant une culture de la concertation sur les actes les plus importants de l'instruction, comme la mise en examen ou le placement sous contrôle judiciaire. Ces pôles garantiront la continuité effective de l'instruction, alors même qu'elle est aujourd'hui trop souvent mise à mal par les mutations des magistrats en charge des procédures.
C'est surtout ce dernier aspect qui est essentiel pour nos concitoyens. Il s'inscrit dans notre volonté de garantir la rapidité de la justice pénale, même si nous ne partageons pas, chers collègues du groupe socialiste, l'engouement de votre candidate pour la justice chinoise, expéditive s'il en est !
J'aborderai maintenant les autres mesures importantes.
Certains esprits chagrins ont considéré que ce texte n'allait pas assez loin par rapport aux ambitions affichées dans les conclusions de la commission d'enquête sur la tragédie d'Outreau. Certes, beaucoup de gens auraient souhaité aller plus loin, mais ce sont les mêmes qui divergeaient sur les objectifs à atteindre en ayant des interprétations parfois très différentes des conclusions de ce rapport.
En la matière, le mieux est l'ennemi du bien. À quelques semaines de la fin de la législature, il n'aurait pas été possible de réformer en profondeur notre procédure pénale. Aussi, la solution que vous avez retenue, monsieur le garde des sceaux, est la bonne : concentrer l'action sur l'essentiel et sur ce qui pose le moins de questions pour avancer. C'est peut-être un pas modeste, mais c'est un pas réel, qui donne le ton de notre ambition pour la prochaine législature. Car, n'en doutons pas, le chantier demeure ouvert !
En matière de placement en détention provisoire, notre groupe souscrit pleinement aux propositions qui nous sont faites. N'oublions pas que l'affaire d'Outreau était avant tout « le procès de la détention provisoire abusive ».
Malgré tout ce qui a été entrepris depuis des années, la détention provisoire apparaît malheureusement toujours comme l'une des principales faiblesses du fonctionnement de la justice : une détention provisoire trop souvent préférée au contrôle judiciaire ; une définition imprécise des critères justifiant le placement en détention provisoire ; une durée de détention excessive, François Zocchetto l'a souligné, de deux ans en moyenne en matière criminelle et de six mois en matière correctionnelle ; enfin, un contrôle insuffisant du juge des libertés et de la détention, ainsi que de la chambre de l'instruction.
Pour corriger ces faiblesses, les dispositions proposées vont dans le bon sens.
Afin de faire disparaître un instrument dont on a plus qu'abusé, notre commission des lois propose, et nous soutenons cette initiative, de supprimer le recours au critère de « trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public » pour justifier un placement en détention provisoire en matière correctionnelle.
Ces dispositions suffiront-elles à tout régler ? Évidemment, non.
Malgré la création des juges des libertés et de la détention, qui ont pour mission de statuer sur le placement en détention des prévenus sur saisine du juge d'instruction, nous savons que plus de 90 % des demandes des magistrats instructeurs sont satisfaites.
Là où la création de magistrats spécifiques n'a pas réussi à faire baisser les statistiques, peut-on espérer que les mesures proposées enrayeront ce processus déjà ancien et pérenne ? Sans doute pas.
Mais ce texte, en posant les bonnes questions, place les jalons indispensables pour préparer le futur.
J'en viens à la question de l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue.
Vous le savez, monsieur le garde de sceaux, notre collègue Jean-Patrick Courtois a remis au ministre de l'intérieur un excellent rapport, particulièrement documenté et détaillé, sur cette question, rapport que François Zocchetto a également évoqué.
Ce rapport n'a malheureusement pas eu l'écho qu'il méritait à l'Assemblée nationale, et les arguments avancés pour en repousser les conclusions ont parfois été un peu légers ou équivoques.
Je ne reviendrai pas sur un débat qui, me semble-t-il, a déjà été tranché, mais je souhaite faire quelques observations.
Comme notre collègue l'a rappelé dans son rapport, la comparaison avec le système répandu dans les pays anglo-saxons n'est pas justifiée, car les situations sont bien différentes.
Ainsi, contrairement à une idée reçue, l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue n'est pas obligatoire dans les pays anglo-saxons. C'est sur l'initiative de la police elle-même que ce système est utilisé en tant qu'outil au service de l'enquête et non en tant que garde-fou.
De plus, ces pays n'ont pas empilé les procédures : la vidéo s'est substituée au procès-verbal détaillé au profit d'un allégement des contraintes procédurales, alors que, en France, elle viendra malheureusement se superposer à d'autres procédures.
Depuis le début, il y a, dans ce débat, une dimension qui gêne mon groupe. Tout le monde nous assure que cette disposition n'est pas une mesure de défiance à l'égard de la police. Pourtant, après les premiers arguments, l'idée de protéger le policier contre lui-même revient systématiquement.
Il ne faut pas accréditer la thèse d'une police violente et opaque. Aucun autre corps ne pratique l'autosanction avec autant d'application. Dans la magistrature, on compte moins de deux sanctions disciplinaires par an, soit soixante-treize sanctions depuis 1958 !
Il faut donc faire confiance à nos enquêteurs. Mais, en contrepartie, en cas de manquement, les sanctions doivent être exemplaires. Mon groupe plaidera donc pour la confiance préalable.
Je ne reviendrai pas sur l'argument du coût de la mesure : 72 millions d'euros, selon notre collègue Jean-Patrick Courtois, auxquels viendront s'ajouter annuellement 6 millions d'euros en budget de fonctionnement. Je ne reviendrai pas davantage sur l'inadaptation des locaux.
Toutefois, le législateur, qui connaît les difficultés budgétaires de la justice en France, peut s'interroger sur l'opportunité du dispositif. En effet, sur 300 000 enregistrements de gardes à vue de mineurs en cinq ans, seules quinze ouvertures de scellés ont été demandées. De plus, la rénovation des locaux de garde à vue - et en premier lieu, celle des cellules elles-mêmes - est indispensable, l'insalubrité de certaines cellules portant atteinte à la dignité des personnes retenues.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Christian Cambon. Mais, au-delà de ces réserves, je suis certain que les policiers et les gendarmes sauront, comme toujours, appréhender ces nouveaux outils.
Pour autant, l'usage de la vidéo ne doit pas être à sens unique. Les magistrats doivent également pouvoir bénéficier de cette technologie, M. le garde des sceaux a évoqué ce point. En effet, on ne peut pas mettre en place l'enregistrement des gardes à vue sans développer parallèlement la visioconférence. Celle-ci représente un enjeu majeur, et le coût réel de la mesure serait totalement compensé par le gain de temps et de moyens humains lors de chaque transfèrement.
Dès l'été 2002, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, prévoyait le développement de la visioconférence. Malheureusement, la pratique n'a pas suivi l'intention du législateur.
La visioconférence doit donc être généralisée pour éviter ces multiples transfèrements de personnes placées en garde à vue. Cette réforme devrait être mise en oeuvre en même temps que l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue. Cela permettrait de réaliser des économies d'échelle dans la conception de ces deux projets, a priori distincts, mais parents.
Il faut que les magistrats s'emparent de cet outil. Dans cette perspective, une expérimentation est menée en Bourgogne depuis le 15 janvier 2006. Deux dispositifs de visioconférence ont d'ores et déjà été mis en place entre des unités de gendarmerie et des juridictions pour un coût de 10 000 euros en investissement et de 1 000 euros en fonctionnement annuel. À ce jour, ce dispositif n'a été utilisé qu'une seule fois. Le chemin à parcourir est donc encore long !
Pour conclure, je souhaite faire part de la satisfaction de mon groupe sur le fait qu'un équilibre ait été trouvé sur l'article 11, qui limite le champ d'application de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l'état » aux seules actions civiles en réparation du dommage causé par une infraction faisant l'objet d'un procès pénal.
La jurisprudence a interprété de façon très extensive le principe selon lequel l'action civile est suspendue si des poursuites pénales sont engagées. Ainsi le juge civil est-il obligé de surseoir à statuer quand l'action publique peut avoir une conséquence sur le jugement d'une affaire civile, et ce même s'il ne s'agit pas de la réparation du dommage causé par l'infraction.
C'est la raison pour laquelle la rédaction actuelle était la seule de nature à répondre réellement au problème qui se pose à nous. Or, pour combattre cette jurisprudence, le législateur doit formuler expressément son intention. C'est ce qui est fait au travers la rédaction de cette disposition.
Ces deux textes ne témoignerait pas d'assez d'ambition, nous dit-on ici ou là. La belle affaire ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.) Pour nous, ils ont le mérite d'exister. Ils ont également le mérite d'avoir cherché à établir un consensus entre les acteurs de la justice judiciaire. Surtout, ils démontrent que, jusqu'à la fin de la législature, le Gouvernement ne se laisse pas saisir par un immobilisme coupable.
En somme, les mesures proposées sont réalistes, ciblées et d'usage immédiat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah non, elles ne sont pas d'usage immédiat !
M. Christian Cambon. Ce sont autant de vertus qu'attendent nos concitoyens.
Mais gardons à l'esprit que les Français attendent aussi, à brève échéance, une réelle et profonde réforme de la justice. La conjoncture est donc favorable à l'établissement d'un calendrier, qu'il sera nécessaire, cette fois-ci, de tenir.
En premier lieu, la double campagne de l'élection présidentielle et des élections législatives ne pourra faire l'impasse sur un débat de fond sur la justice dont notre pays doit se doter. Les candidats et les formations politiques devront très clairement indiquer leurs ambitions en la matière et le projet qu'ils souhaiteront mettre en oeuvre au cours du prochain quinquennat.
En deuxième lieu, fort du choix que les Français feront en mai et juin prochains, il faudra organiser de grandes assises de la justice pénale,...
M. Christian Cambon. ...placées sous l'égide du Président de la République nouvellement élu, auquel le premier alinéa de l'article 64 de la Constitution confère le rôle de « garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ». Ces grandes assises devront mettre à plat l'ensemble de la procédure pénale et définir un projet équilibré auquel magistrats, avocats et enquêteurs pourront adhérer.
En troisième et dernier lieu, quelle que soit la réforme adoptée par le Parlement, un moratoire sur la procédure pénale devra être respecté durant toute la législature. En effet, et cela a déjà été dit précédemment, notre système judiciaire souffre du rythme permanent des évolutions législatives, ce qui l'empêche de se réformer dans la durée. Une fois le projet adopté, ce moratoire permettra de faire une évaluation complète de la réforme à la fin du quinquennat.
Monsieur le garde de sceaux, les textes que vous nous présentez aujourd'hui tirent efficacement les leçons de la lamentable affaire d'Outreau, et posent de nouveaux principes de transparence et de responsabilité qui étaient souhaités par nos concitoyens. Le groupe UMP, qui salue le travail de nos deux rapporteurs, votera bien sûr ces textes tels qu'ils résulteront de nos délibérations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les travaux parlementaires de la législature 2002-2007 touchant à leur fin, un premier bilan peut d'ores et déjà être dressé : en matière de procédure pénale, le Parlement aura examiné pas moins de sept projets de loi depuis 2002.
Cette inflation de textes constitue, à n'en pas douter, la traduction législative d'un profond malaise et d'une réelle crise de confiance dans notre pays entre, d'un côté, l'institution judiciaire et, de l'autre, les justiciables que sont les Français.
Ce divorce croissant a bien entendu été mis en relief et accentué non seulement par les dysfonctionnements dramatiques de notre justice dans l'affaire dite d'Outreau, mais peut-être plus encore par les travaux exemplaires et transparents de la commission d'enquête de nos collègues députés sur cette même affaire.
C'est pourquoi, dans un tel contexte de crise et devant l'urgence de la situation, nul ne peut douter de l'impérieuse nécessité, pour le législateur, d'agir, de clarifier et de réformer en profondeur notre procédure pénale et notre institution judiciaire à partir des enseignements tirés des analyses de l'affaire d'Outreau, mais aussi en nous appuyant sur les conclusions de la commission d'enquête, dont chacun s'accorde à reconnaître le sérieux et l'excellence des travaux.
Je veux saluer ici et maintenant le travail de nos éminents rapporteurs, qui ont amélioré les textes dont nous débattons.
Monsieur le garde des sceaux, mon groupe et moi-même considérons que, pour répondre aux ravages de cette douloureuse affaire, aux souffrances endurées par des innocents et leurs familles, mais aussi aux attentes et aux légitimes inquiétudes des Français, il est impératif de refonder au plus vite une institution judiciaire fragilisée dans ses fondations.
Il faut rétablir la confiance, sans laquelle aucune justice ne peut être rendue.
Nous sommes unanimes pour considérer qu'il faut légiférer. Et s'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, il ne faut pas non plus rester en deçà du nécessaire.
Monsieur le garde des sceaux, les changements que vous proposez sont certes positifs, mais ils demeurent insuffisants pour refonder notre justice sur des bases aussi saines que solides.
Comme nombre de mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, je regrette que vos textes ne reprennent pas les propositions de la commission d'enquête et je déplore le choix fait de préférer le minimum à tout le nécessaire.
Bien sûr, qui peut le plus peut le moins, mais pourquoi attendre quand l'urgence est de mise ? Pourquoi procéder par étapes ? Pourquoi remettre à après les élections quand on connaît les remèdes profonds à apporter et que l'on sait qu'ils ne sont ni de gauche ni de droite ?
D'ailleurs, vous reconnaissez vous-même, monsieur le garde des sceaux, l'insuffisance des textes que vous nous soumettez puisque vous avez dit qu'ils n'ont pas vocation à répondre globalement aux problèmes de la justice.
M. Georges Othily. C'est justement ce que nous leur reprochons.
Vous nous expliquez qu'il ne s'agit que d'une première étape, en attendant une réforme plus profonde après les élections de 2007.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faudra attendre !
M. Georges Othily. Mais pourquoi remettre à demain, et en conscience, ce que l'on peut entreprendre aujourd'hui ?
Il ne faudrait pas décevoir les espoirs des Français sur cette question. Ils ont été nombreux à suivre les auditions de la commission d'enquête en 2006 et se sont ainsi emparés d'un débat jusque-là réservé aux initiés, débat qui avait été lancé dès la remise des travaux de la commission Delmas-Marty en 1991 et plus clairement encore depuis la remise, en janvier 2005 à votre prédécesseur, des travaux de la commission Viout sur les pistes de reformes du fonctionnement de la justice.
Les rapports et les travaux de qualité ne manquent pas, les propositions pertinentes, et pour la plupart indispensables, non plus ; nous les connaissons.
Des réformes simples m'apparaissent comme incontournables et urgentes, tant à la lecture des travaux de la commission d'enquête parlementaire que des rapports qui l'ont précédée. Au nombre de trois, elles sont en partie satisfaites dans le projet de loi ordinaire qui nous est aujourd'hui soumis : réformer la garde à vue, réformer les conditions de la détention provisoire et renforcer les garanties de la défense.
S'agissant de la garde à vue, j'estime qu'il nous faut sans tarder édifier un socle de garanties entourant ses conditions de mise en oeuvre et son déroulement. Autrement dit, il faut reconnaître un droit à l'information de la personne gardée à vue, information sur les motifs de sa rétention et sur la possibilité de recourir à un avocat qui devra lui-même être informé de la nature des faits motivant l'enquête. Ces garanties existent dans la plupart des législations de nos voisins européens. Le temps est désormais venu de les mettre en place dans notre pays.
Concernant la détention provisoire, l'affaire d'Outreau a bien mis en évidence qu'elle pouvait constituer très souvent une atteinte des plus graves au principe de la présomption d'innocence. Il est donc impératif, aujourd'hui, de réduire ce risque. C'est pourquoi il ressort des travaux de nos collègues députés comme une nécessité de supprimer le critère de l'ordre public. Ce motif apparaît insuffisamment précis et, de fait, il génère l'arbitraire. À cela s'ajoute la nécessité de réduire les délais de la détention provisoire. Nous pourrions ainsi revenir aux dispositions prévues par la loi de juin 2000, qui prévoyait une durée maximale en fonction du type de peine encourue.
Enfin, j'évoquerai le renforcement des droits de la défense. Aujourd'hui, le procès-verbal se caractérise par un trop grand déséquilibre entre l'accusation et les droits de la défense. Il apparaît indispensable de rétablir l'équilibre pour permettre les conditions nécessaires à un procès équitable. Il est souhaitable de poser le principe du droit de la défense à faire accomplir tel ou tel acte, qu'il s'agisse de confrontations, de vérifications matérielles ou encore d'expertise. Dans l'affaire d'Outreau, ce droit, s'il avait été exercé par la défense, aurait probablement permis d'éviter le drame que l'on sait.
Au-delà de ces réformes assez simples à mettre en place, il nous faut engager au plus vite une réforme plus globale et plus complète pour parvenir à une nouvelle architecture de notre justice pénale. Ici aussi, nous disposons des analyses et des expertises les plus rigoureuses élaborées avant et après Outreau dans divers rapports, qu'ils soient d'origine parlementaire ou qu'ils proviennent de collèges réunissant les meilleurs spécialistes de notre système judiciaire.
Outreau a mis en exergue la possible, et donc dangereuse, confusion des fonctions de procureur et de juge d'instruction, les deux principaux acteurs de l'instruction. En théorie, le procureur n'est pas en charge directement de l'enquête, mais exerce toutefois une influence qui peut s'avérer déterminante. Le juge d'instruction, quant à lui, a la charge de l'enquête et de son contrôle juridictionnel, en même temps qu'il doit instruire à charge et à décharge : tâche plus facile à dire qu'à faire !
Je ne crois pas qu'il suffise d'introduire des procédures contradictoires ou encore de la collégialité pour faire évoluer le système de façon totalement satisfaisante. À cela il est impératif, je crois, d'ajouter de la clarification. Et pour ce faire, je vois deux évolutions envisageables.
La première, sans remettre en cause le rôle du procureur et du juge d'instruction, consisterait à instaurer une réelle séparation entre le parquet et le siège. Actuellement, ils appartiennent au même corps et peuvent exercer indifféremment des fonctions au parquet comme au siège. Ainsi, le juge qui a instruit l'affaire d'Outreau a été nommé au parquet de Paris. À mon avis, ce système n'est pas judicieux. C'est pourquoi il conviendrait d'instaurer une séparation beaucoup plus nette entre les deux fonctions, voire d'aller jusqu'à scinder les deux corps.
La seconde piste, plus radicale et plus conséquente, me semble-t-il, serait d'envisager de transférer les pouvoirs d'enquête au parquet, de charger le juge d'instruction de contrôler l'enquête et d'instaurer une défense effective. C'est d'ailleurs ce qu'avait proposé la commission Delmas-Marty. Redistribuer ainsi les rôles de chacun est une solution qui suppose que le parquet dispose d'une véritable autonomie et que l'on en finisse avec le recours aux instructions individuelles.
Voilà brièvement exposées, monsieur le garde des sceaux, deux évolutions possibles vers lesquelles nous pourrions nous orienter. Reste qu'il y a un choix politique, mais pas nécessairement partisan, à faire et qu'il devra maintenant résulter des débats de la campagne présidentielle qui s'ouvre. Bien évidemment, une réforme d'une telle envergure nécessitera l'accompagnement de moyens financiers et humains adaptés, et, probablement, une loi de programmation s'imposera à la prochaine majorité, quelle qu'elle soit.
Ne décevons pas les Français ! Après l'adoption des deux textes qui nous sont aujourd'hui proposés par le Gouvernement et que la majorité de mon groupe et moi-même voterons, le chantier demeurera encore très vaste. Nous devons aux acquittés d'Outreau de le mener à bien au plus vite !
Les réflexions, les études, les rapports existent et sont connus. Il ne reste qu'à trancher et à choisir avant de mettre en oeuvre une nouvelle architecture et un nouveau fonctionnement de notre justice. Cette grande réforme de la justice est en effet capitale et un consensus existe sur sa nécessité. Toute la difficulté est désormais de la conduire au plus vite, sans retard ni précipitation !
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est minuit vingt ; vous êtes six en séance ! Je vais par conséquent lever la séance. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame. - Mme Lucienne Malovry applaudit.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
Mme la présidente. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 207, distribué et renvoyé à la commission des affaires culturelles.
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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de Règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République de Madagascar.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3430 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord entre la Communauté européenne et la République de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2012.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3431 et distribué.
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DÉPÔT D'UN RAPPORT
Mme la présidente. J'ai reçu de M. André Lardeux un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant la protection de l'enfance (n° 154, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 205 et distribué.
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DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
Mme la présidente. J'ai reçu de MM. Gérard Cornu, Gérard Bailly, Daniel Reiner et Jean Claude Merceron un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques à la suite d'une mission effectuée en Irlande du 5 au 8 juillet 2006.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 204 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Mercier un rapport d'information, fait au nom de l'Observatoire de la décentralisation, sur le suivi du transfert du revenu minimum d'insertion (RMI) aux départements.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 206 et distribué.
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ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 février 2007 :
À dix heures :
1. Dix-huit questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À seize heures et le soir :
2. Discussion des conclusions des rapports (nos 187 et 188, 2006-2007) des commissions mixtes paritaires sur les projets de loi organique et ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi organique.
3. Suite de la discussion du projet de loi organique (n° 125, 2006 2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.
Rapport (n° 176, 2006 2007) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
4. Suite de la discussion du projet de loi (n° 133, 2006 2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.
Rapport (n° 177, 2006 2007) de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi organique.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'interdiction de la peine de mort (n° 192, 2006-2007) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures.
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du titre IX de la Constitution (n° 162, 2006-2007) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant la protection de l'enfance (n° 154, 2006-2007) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 7 février 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 2 février 2007, à zéro heure vingt.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD