M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :
« Article L. 302-7. - À compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5, à l'exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue par l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales lorsque le nombre des logements sociaux y excède 15 % des résidences principales.
« Ce prélèvement est égal à 800 euros multipliés par la différence entre 20 % des résidences principales au sens du I de l'article 1411 du code général des impôts et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5.
« Pour toutes les communes dont le potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est supérieur à 800 euros l'année de la promulgation de la loi nº 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ce prélèvement est fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant multipliés par la différence entre 20 % des résidences principales au sens du I de l'article 1411 du code général des impôts et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente.
« Le seuil de 800 euros est actualisé chaque année suivante en fonction du taux moyen de progression du potentiel fiscal par habitant de l'ensemble des communes de plus de 1 500 habitants.
« Le prélèvement n'est pas effectué s'il est inférieur à la somme de 2400 euros. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L'article 55 de la loi SRU posait le principe de l'existence, dans l'ensemble des localités urbaines, d'un parc locatif social constituant 20 % des résidences principales. Les années quatre-vingt-dix avaient en effet été marquées par la dérive croissante d'un mode de production de logements frappé de plein fouet par l'augmentation du coût du foncier et l'obstination d'un certain nombre d'élus locaux à refuser de répondre à la demande sociale.
Les années quatre-vingt-dix ont également été marquées par la quasi-disparition de tout dispositif d'accession sociale à la propriété, tandis que la poussée du niveau des loyers créait des difficultés majeures et renouvelées à de nombreuses familles pour se loger. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains visait, dans sa philosophie, et notamment par son article 55, à remédier à ces difficultés.
On peut craindre au demeurant que l'adoption de la loi portant engagement national pour le logement ne remette en question les objectifs de cette loi fondatrice du droit à la ville en intégrant la programmation de logements sociaux dans un cadre supposé plus large, celui des plans locaux d'urbanisme. Elle tend, de fait, à faire de ce besoin socialement impérieux de construction de logements locatifs sociaux un objectif secondaire au regard des politiques d'urbanisme menées par les collectivités territoriales. Elle risque même de créer les conditions d'une forme d'inversion des priorités, en qualifiant de fait la réalisation de logements sociaux de « supplément d'âme » des politiques urbaines.
Notre amendement pose concrètement la question essentielle qui devrait animer toute réflexion sur le logement. En effet, la loi doit-elle faire place aux seules préoccupations urbanistiques des élus, à leur capacité d'élaborer des plans locaux d'urbanisme, ou doit-elle les mettre en situation de respecter le cadre législatif fixé depuis cinq ans, afin de répondre aux besoins de la population ?
Comment peut-on aujourd'hui concevoir une politique d'aménagement urbain sans prendre en compte le fait que les revenus de la majorité des demandeurs de logement sont largement inférieurs aux plafonds de ressources - le plus souvent, même, en dessous de 60 % -, que près d'un ménage français sur deux n'est pas imposable au titre de l'impôt sur le revenu, et que le salaire moyen dans notre pays avoisine les 1 600 euros mensuels ?
La situation présente, d'ailleurs, un caractère de plus en plus insoutenable. Ainsi, dans une région comme l'Île-de-France, qui compte 20 % de la population nationale et où l'on ne construit aujourd'hui que 10 % des logements de l'ensemble du pays, chaque jour qui passe voit s'aggraver les discriminations dont souffrent les demandeurs de logement.
Notre amendement vise, en fait, à revenir à la rédaction de l'article 55 de la loi SRU moyennant quelques aménagements, le principal d'entre eux consistant à accroître sensiblement la pénalité exigée des communes qui ne respectent pas les principes édictés dans cet article.
Sous le bénéfice de ces observations, nous ne pouvons que vous inviter, chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « à l'exception de celles qui » sont insérés les mots : « , tout en ayant sur leur territoire une zone urbaine sensible définie au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ».
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Ce prélèvement est égal à 762,25 euros multipliés par la différence entre 20 % des résidences principales et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice. »
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour toutes les communes dont le potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est supérieur à 762,25 euros, ce prélèvement est égal au potentiel fiscal par habitant multiplié par la différence entre 20 % des résidences principales et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice. »
4° Dans le troisième alinéa, la somme : « 3 811,23 € » est remplacée par la somme : « 3 000 € ».
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. En matière de droit opposable au logement, nous avons bien évidemment insisté sur l'importance que revêt la loi SRU, notamment l'article 55 et les conditions de son application. Cet amendement tend à les renforcer en accentuant le caractère incitatif du prélèvement de solidarité effectué au titre de l'article 55 de la loi SRU.
Dans certaines communes, le maire ne joue délibérément pas le jeu, voire parfois, pour être populaire ou pour se faire réélire, s'engage à ne pas construire de logements sociaux et explique qu'il vaut mieux payer une pénalité additionnelle plutôt que de respecter la loi. Par conséquent, il est nécessaire de réviser un tant soit peu les conditions d'application d'une telle pénalité.
Dans cette optique, cet amendement vise tout d'abord à mieux cibler les communes exemptées du prélèvement de solidarité. Le droit en vigueur permet en effet aux communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, de n'avoir que 15 % de logements locatifs sociaux. Or plusieurs communes perçoivent, au titre de la DSU, une somme relativement faible et voient donc réduits leurs objectifs de réalisation de logements sociaux sans pour autant connaître de graves difficultés économiques ou sociales justifiant de créer une exception au principe des 20 % édicté par l'article 55.
Aussi est-il proposé dans cet amendement de restreindre les conditions d'exonération et, donc, d'adjoindre au critère de la DSU celui de la présence sur le territoire communal d'une zone urbaine sensible. Dans de telles conditions, les objectifs de mixité sociale des communes concernées pourraient alors être ramenés à 15 %.
Le deuxième objet de cet amendement consiste à renchérir, dans les communes soumises à l'obligation des 20 %, le prélèvement de solidarité effectué par logement social manquant. C'est le principe de la pénalité unitaire. Son montant a été réduit par la loi ENL, qui a supprimé le plancher de 152 euros et l'a fixé, pour toutes les communes, à 20 % du potentiel fiscal.
Vous en conviendrez, mes chers collègues, cela représente, somme toute, un effort relativement faible pour les communes contrevenantes, qui sont bien souvent les plus riches. C'est d'ailleurs pour cela que les Français continuent à acclamer tout candidat qui promet d'enfreindre la loi SRU ! Le fait de quintupler ce montant et de réintroduire dans le dispositif une certaine proportionnalité par rapport aux ressources des communes sera sûrement de nature à les inciter à jouer le jeu de la mixité sociale afin de participer à l'effort national de construction de logements locatifs sociaux.
Pour celles qui respectent l'article 55, cela sera totalement neutre. À titre indicatif, une commune comme Paris qui, depuis 2001, investit massivement dans le domaine du logement social, a des dépenses déductibles cinq fois supérieures à son prélèvement annuel !
Enfin, cet amendement tend à ramener à 3 000 euros le seuil en deçà duquel le prélèvement n'est pas effectué.
M. le président. L'amendement n° 201, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « à l'exception de celles qui » sont insérés les mots : « , tout en ayant sur leur territoire une zone urbaine sensible définie au 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ».
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Ce prélèvement est égal à 762,25 euros multipliés par la différence entre 20 % des résidences principales et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 10 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice. »
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour toutes les communes dont le potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est supérieur à 762,25 euros, ce prélèvement est égal au potentiel fiscal par habitant multiplié par la différence entre 20 % des résidences principales et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 10 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice. »
4° Dans le troisième alinéa, la somme : « 3 811,23 € » est remplacée par la somme : « 3 000 € ».
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement est une variante du précédent. Il modifie simplement le plafond du montant des dépenses réelles de fonctionnement. Dans l'amendement n° 200, le plafond est prévu à 5 % de ses dépenses de fonctionnement. Dans l'amendement n° 201, ce plafond est porté à 10 %.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car ces trois amendements tendent à durcir encore, par rapport à la loi SRU, les conditions dans lesquelles des pénalités sont imposées aux communes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il n'est pas possible de laisser entendre que la loi SRU, particulièrement son article 55, aurait déclenché à elle seule la construction de logements, notamment sociaux.
Regardons les chiffres : 50 000 logements sociaux en 2000 et 143 000 en 2006.
Mme Michelle Demessine. C'est trop facile !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Voilà la nouvelle offre sociale nouvelle de ces cinq dernières années. Une véritable machine de guerre a été mise en place, d'ailleurs essentiellement fondée sur la confiance. Je ne dirais pas pour autant que l'article 55 n'a pas mobilisé un certain nombre d'élus.
Dans l'ensemble, le programme de rattrapage est en place.
M. Jean-Pierre Caffet. Pas partout !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je ne vois donc pas très bien pourquoi ces collectivités, comme la Ville de Paris, qui essaie de rattraper son retard, feraient l'objet de sanctions particulières, d'autant moins qu'on leur demande d'autres efforts en matière d'urgence, de grande urgence, de centres d'hébergement et de réinsertion sociale et de maisons relais.
L'offre sociale ne s'arrête pas à la définition que vous en avez donnée ; vous disiez d'ailleurs vous-même que vous ne considériez pas comme des logements sociaux 70 % des logements financés par un prêt locatif social.
Il reste quelques endroits en France où nous estimons qu'il est nécessaire de dresser un constat de carence et de construire des logements sociaux. Nous suivons individuellement ces cas avec les préfets. L'un d'entre eux devrait trouver - je l'espère en tous les cas - son épilogue le 16 février prochain : il s'agit d'un conseil municipal d'une ville très proche de Paris qui ne souhaitait pas voir réalisé un programme de 490 logements sociaux et avait voulu délibérer pour annuler la ZAC. Devant la position publique et administrative du préfet menaçant d'établir un programme d'intérêt général - un PIG -, et de signer lui-même le permis de construire, le conseil municipal a reculé et la décision favorable à la construction des logements sociaux devrait intervenir le 16 février.
Cette commune représente l'un des cas de carence les plus graves. Si, à cette date, alors que toutes les études d'urbanisme démontrent que le programme est franchement faisable, la décision n'est pas prise, nous officialiserons le PIG dès le 17 février et le préfet signera lui-même les permis de construire.
Nous appliquons scrupuleusement les possibilités offertes par la loi SRU. Nous souhaitons procéder de cette façon et progresser ainsi.
Le présent texte de loi porte sur le droit opposable au logement. Nous avons soutenu un amendement qui portait sur la véritable grande urgence et sa réparation territoriale. Pour le reste, nous n'irons pas plus avant dans ce domaine.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Une différence de fond majeure nous sépare quant aux relations que nous devons avoir avec les élus. Faute de réussir à convaincre, on nous propose toujours de contraindre.
Je rejoins l'analyse du ministre sur la loi SRU : dans l'immense majorité - pour ne pas dire la quasi-totalité - des cas, c'est par la conviction que l'on réussit à faire prendre conscience aux élus que, de toute façon, il leur faut un certain nombre de logements sociaux.
Pour que les choses soient claires, je rappelle tout de même que le Sénat vient d'adopter l'amendement n° 8 rectifié bis qui permet de pénaliser les communes pour les places manquantes par une amende dont le montant est dix fois supérieur à celui qui figure dans l'article 55 de la loi SRU. Dix fois supérieur, mes chers collègues !
Monsieur le ministre, puisque nous parlons de conviction, j'ai demain une réunion avec 117 maires de l'arrondissement de Mantes-la-Jolie et avec l'AORIF. Je vais essayer de convaincre les élus des Yvelines, mais je ne sais pas quelle sera leur réaction lorsque je vais leur annoncer que le Sénat a décidé, sur proposition d'un sénateur, avec l'appui du président de la commission des affaires sociales, qui est aussi un élu des Yvelines, et avec l'appui du ministre, de les pénaliser par une amende d'un montant dix fois supérieur à la pénalité prévue par l'article 55.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'amendement a été adopté sans ma voix, car je me suis abstenu, mon cher collègue !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Sachez que je leur expliquerai comment je me suis opposé à cette mesure.
Je crois profondément qu'il est grand temps maintenant d'instaurer d'autres relations avec les élus. Ce n'est pas le rôle du Sénat d'adopter des dispositifs contraignants sans aucune concertation avec les élus locaux, sans même les avoir prévenus, et de les laisser découvrir demain les mesures que nous aurons votées, alors que nous sommes censés être leurs représentants.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Roland Muzeau. Mais non !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'objectif doit être de porter à 20 % le nombre de logements sociaux par arrondissement. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement porte sur la question de la construction de logements sociaux, plus particulièrement sur leur présence dans le patrimoine locatif des trois communes les plus importantes de notre pays, communes qui, chacun le sait, sont aujourd'hui partagées entre arrondissements de tailles et de populations fort diverses.
Cette réalité spécifique, prise en compte par la loi PLM et par la législation électorale en particulier, est clairement connue : Paris est divisé en vingt arrondissements, tandis que Lyon en compte neuf et Marseille, seize.
Ces arrondissements sont le résultat, de manière propre à chacune de ces villes, des conditions historiques de la création et du développement des trois agglomérations. Mes chers collègues, ce serait faire injure à chacun des membres de la Haute Assemblée que de rappeler dans le détail, par exemple, les conditions dans lesquelles le territoire de la ville de Paris s'est constitué, dépassant au fil du temps les limites des fortifications et des enceintes pour finir par annexer les communes situées dans les faubourgs immédiats.
À Marseille, au-delà du centre historique, la ville s'est construite sur la base de cent dix noyaux villageois.
Ces différences historiques de développement ont également influé sur la sociologie et la composition du parc de logements de chacun des arrondissements concernés.
Il est en effet connu que le VIe arrondissement de Paris a quelques points communs avec le VIe arrondissement de Lyon ou celui de Marseille en termes de sociologie ou de composition de son parc de logements, tandis que le XVIe arrondissement de Paris n'a qu'un rapport assez lointain avec le XVIe arrondissement de Marseille, Auteuil n'accueillant pas la même population que l'Estaque Gare. S'il en était autrement, cela se saurait !
De manière générale, le parc locatif social de chacune des trois villes n'atteint pas 20 %, à l'exception de celui de Marseille, qui s'en approche. Pour autant, l'importance de ce parc est fort variable d'un arrondissement à l'autre et, parfois, d'un quartier à l'autre, ce qui pose d'incontestables problèmes. Par exemple, à Marseille, trois arrondissements sur seize accueillent près de 70 % du parc locatif social, dans les quartiers nord de la ville.
De surcroît - cela est notamment vrai pour Paris -, on constate d'ores et déjà que le territoire susceptible d'être urbanisé n'est pas extensible, compte tenu de la densité déjà très élevée des logements existants.
Monsieur le ministre, l'objectif de 20 % de logements sociaux doit donc, de notre point de vue, être appréhendé de manière dynamique. C'est l'un des premiers objectifs de cet amendement. Il nous semble donc nécessaire d'être plus précis qu'aujourd'hui dans la définition des choses. Des réponses adaptées doivent être trouvées.
Compte tenu notamment de la problématique foncière, il faut s'interroger sur les politiques de restauration immobilière ou de résorption de l'habitat insalubre qui peuvent être menées. Un développement des opérations d'acquisition et d'amélioration doit être mis en oeuvre pour permettre de préserver la diversité sociale.
Prévoir des opérations de rénovation dans le cadre de cette procédure permettrait, en dernière instance, de répondre aux besoins en logements des habitants actuels de ces villes, contrairement aux trop nombreuses opérations de restauration. Celles-ci, en effet, sont fréquemment coûteuses pour les deniers publics, car elles sont souvent soumises au régime particulier de la loi Malraux, qui conduit à l'exclusion des couches les plus populaires et à leur relégation dans des communes périphériques.
Paris et Lyon ont d'ores et déjà largement souffert de ces orientations, qui ont permis leur recomposition sociale.
Marseille est à son tour aujourd'hui directement concernée par ce processus qui aboutit, sous prétexte de résorber l'habitat insalubre patent dans certains quartiers, à l'exclusion progressive des occupants actuels, au mépris de leur droit au maintien dans les lieux dans des conditions de confort dignes de notre époque.
Cette recomposition sociale intervient notamment dans le périmètre de l'opération de l'établissement public Euroméditerranée conduite autour du Vieux Port, dans les quartiers du Panier et de la Belle de Mai.
La politique de réalisation de logements sociaux doit donc clairement préserver - cette dimension est indispensable - la diversité des habitants de chacun des arrondissements de nos trois grandes cités. Cela passe par la fixation d'objectifs de réalisation de logements plus adaptés à la situation, permettant notamment la mise en oeuvre d'une véritable dynamique.
Cette dynamique passe, selon nous, par la fixation complémentaire, monsieur le ministre, d'un seuil minimal précis et d'un objectif à atteindre pour chacun des arrondissements.
On notera d'ailleurs que cette politique de réalisation de logements sociaux s'est développée tant sur Paris que sur Lyon ces dernières années, mais qu'elle continue de se heurter à des difficultés qu'une politique foncière de l'État plus adaptée aux besoins permettrait de surmonter, monsieur le ministre.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, compte tenu de la contrainte trop rigide qu'il imposerait aux collectivités.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mise au point au sujet d'un vote
M. Dominique Braye. Monsieur le président, lors du vote, par scrutin public, des amendements identiques nos 8 rectifié bis et 208 rectifié, j'ai été à tort comptabilisé comme ayant voté pour. Compte tenu des arguments que j'ai défendus, il est bien évident que j'ai voté contre.
M. le président. Je vous donne acte, monsieur Braye, de cette mise au point.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je pensais que M. Braye avait changé d'avis. Pour ma part, je me suis abstenu et je souhaite que cela figure au Journal officiel !
Article additionnel avant l'article 1er ou avant l'article 2 (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation est abrogé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Sans revenir sur les termes de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, introduit par la loi portant engagement national pour le logement sur proposition de notre collègue Dominique Braye, nous en rappellerons la philosophie.
Promulguée en décembre 2000, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains a posé, selon toutes vraisemblances, quelques difficultés d'application à l'échelon local, du fait des décisions d'urbanisme validées par certains élus locaux, comme M. Borloo l'a confirmé il y a quelques instants.
En effet, un grand nombre de communes n'ont toujours pas atteint, parfois délibérément, les objectifs fixés par la loi, malgré la programmation de la réalisation de logements sociaux et l'insertion des logements PLS dans la liste des logements éligibles à la définition de logement social.
Dans certaines villes, il faut le savoir, la réalisation de logements sociaux prévue par la loi n'a jamais parfaitement été intégrée ni dans les POS ni dans les PLU. Certaines communes importantes de la région Île-de-France sont même encore, six ans après la promulgation de la loi, dépourvues de PLU !
Outre fait que - à l'évidence ! -, aux termes de la loi SRU, 80 % des logements ne doivent pas obligatoirement être des logements sociaux, les dispositions que votre majorité a introduites dans le code de la construction et de l'habitation conduisent in fine à la mise en cause même de la philosophie du texte. Ce code contient un article qui autorise purement et simplement à ne pas appliquer la loi !
C'est en effet ainsi qu'il faut appréhender la fameuse commission d'évaluation de l'application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. Comment voir autre chose en ce texte qu'un formidable cadeau fait à tous ceux qui ne jouent pas le jeu de la mixité sociale ?
Nous nous étonnerons toujours de constater que certaines villes ne trouvent pas de place dans leurs documents d'urbanisme pour des logements sociaux alors qu'elles en ont pour des immeubles de standing ou des bureaux hors de prix, tout en acier et vitres fumées !
Les villes les plus huppées des Hauts-de-Seine, plus largement de la région Île-de-France, continuent de percevoir des droits de mutation et de constater une progression de leur base taxable au foncier bâti. Personne ne me contredira sur ce point !
Nous vous invitons donc à adopter cet amendement afin de supprimer cette inutile scotie que constitue l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation.
M. le président. L'amendement n° 207, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation est abrogé.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Lors de la discussion du projet de loi ENL, M. Braye avait proposé au Sénat, qui l'avait alors suivi, d'adopter une modification de l'article 55 de la loi SRU visant, grâce à la création d'une commission nationale, à alléger les obligations de construction de logements sociaux. Pour reprendre l'expression de mon collègue Jean-Pierre Sueur, il nous avait alors été proposé de créer une « commission de non-application de la loi » !
Vous me direz que, dans ce domaine, le Gouvernement et sa majorité sont devenus des experts, car ce n'était pas la première fois que l'on nous proposait de ne pas appliquer un texte pourtant voté peu de temps avant par le Parlement.
Si nous remettons aujourd'hui ce sujet sur la table, c'est bel et bien pour réaffirmer que, selon nous, aucune commune ne doit se soustraire à ses obligations de réalisation de logements sociaux. Celles qui connaissent les contraintes urbanistiques les plus lourdes sont déjà exonérées. Pour les autres, il existe mille façons de se mettre en règle avec l'article 55, soit par l'acquisition de logements existants, soit par l'apport de terrains à des organismes HLM, soit par la construction directe de logements sociaux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de supprimer le nouveau moyen qui a été offert aux communes d'échapper à leurs obligations de solidarité urbaine.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 12 rectifié vise à remettre en cause une disposition constructive de la loi ENL. La commission y est défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 207, qui est quasi identique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. La commission dont il s'agit introduit de la transparence et de l'homogénéité. Sincèrement je ne vois pas bien quel est le sens de ces amendements.
M. Roland Muzeau. Cherchez un peu, monsieur le ministre !