sommaire

présidence de M. Adrien Gouteyron

1. Procès-verbal

2. Remplacement d'un sénateur décédé

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

4. Décision du Conseil constitutionnel

5. Questions orales

élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés

Question de M. Alain Fouché. - Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; M. Alain Fouché.

allègement de la redevance anaem pour les arboriculteurs

Question de M. Bernard Murat. - Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; M. Bernard Murat.

financement des transferts de compétences aux collectivités territoriales

Question de M. Claude Biwer. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Claude Biwer.

sécurité et surveillance du littoral aquitain

Question de M. Xavier Pintat. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Xavier Pintat.

indemnisation des assesseurs appelés à composer les bureaux de vote lors des élections

Question de M. Christian Cambon. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Christian Cambon.

seuils d'éligibilité au régime fiscal de la micro entreprise

Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales ; Mme Anne-Marie Payet.

libéralisation du régime d'assurance des catastrophes naturelles

Question de M. Simon Sutour. - Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; M. Simon Sutour.

réforme du statut et du rôle des architectes en chef des monuments historiques

Question de M. Philippe Richert. - Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; M. Philippe Richert.

projet de réforme du système de nomination des notaires en alsace-moselle

Question de M. Francis Grignon. - Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; M. Francis Grignon.

cité judiciaire de limoges

Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; M. Jean-Claude Peyronnet.

saturation de l'axe autoroutier valence-orange

Question de M. André Vallet. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; André Vallet.

reconversion de certains types de bâtiments agricoles

Question de M. Bernard Piras. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Bernard Piras.

décentralisation des aérodromes civils et compensation des transferts de charges

Question de M. Michel Billout. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Michel Billout.

instauration de diverses mesures en faveur du développement durable

Question de M. Thierry Repentin. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Thierry Repentin.

reprise de médicaments et matériels médicaux non utilisés

Question de Mme Bernadette Dupont. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Bernadette Dupont.

conditions d'enseignement de l'éducation physique et sportive

Question de M. Bernard Vera. - MM. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche ; Bernard Vera.

évolution de la réglementation européenne dans le domaine des spiritueux

Question de M. Henri de Richemont. - M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche ; Mme Bernadette Dupont, en remplacement de M. Henri de Richemont.

difficultés des établissements publics d'enseignement technique agricole

Question de Mme Marie-France Beaufils. - M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche ; Mme Marie-France Beaufils.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

6. Souhaits de bienvenue à une délégation du Parlement estonien

7. Communication relative à des commissions mixtes paritaires

8. Rappel au règlement

MM. Jean-Pierre Sueur, le président.

9. Droit opposable au logement. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme Michelle Demessine.

présidence de M. Adrien Gouteyron

M. Thierry Repentin, Mme Valérie Létard, MM. Jean-Paul Alduy, Jacques Pelletier, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Férat, Catherine Procaccia, MM. Gérard Delfau, Roger Madec.

Demande de réserve

Demande de réserve des articles additionnels proposés au chapitre Ier. - MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le ministre, Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy. - La priorité est ordonnée.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Philippe Richert

Discussion générale (suite)

M. Pierre Hérisson, Mme Bariza Khiari, MM. Christian Cambon, Jean Desessard, André Lardeux.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 89 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er

MM. Roland Muzeau, le président, Mme Michelle Demessine, M. Jack Ralite.

Amendement n° 17 de la commission et sous-amendement no 156 de M. Thierry Repentin ; amendements identiques nos 46 de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, et 66 de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; amendements (identiques à l'amendement n°17) nos 2 de M. Jack Ralite et 217 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 191 de M. Thierry Repentin, 96 de M. Jack Ralite et 86 de M. André Lardeux. - MM. le rapporteur, Thierry Repentin, Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; Guy Fischer, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Annie David, MM. André Lardeux, le ministre. - Retrait de l'amendement no 191 ; rejet du sous-amendement no 156 ; adoption des amendements nos 17, 46 et 66 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 2

Amendement n° 20 rectifié ter de la commission et sous-amendements nos 157 rectifié à 160 rectifié, 269 à 277 de M. Thierry Repentin, 228, 278 et 279 de Mme Valérie Létard ; amendements (identiques à l'amendement n° 20 rectifié bis) nos 47 rectifié de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, et 67 rectifié de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; amendements nos 97, 98 de Mme  Michelle Demessine, 173 rectifié à 175 rectifié de M. Thierry Repentin et 244 de M.  Jean Desessard ; amendements identiques nos 99 de Mme  Michelle Demessine et 176 rectifié de M. Thierry Repentin ; amendements nos 189, 190, 177 rectifié, 178 à 182, 185, 186, 183 rectifié de M. Thierry Repentin, 100 de Mme Michelle Demessine, 250, 245, 248, 249, 246 de M. Jean Desessard, 231 rectifié de Mme Valérie Létard, 211 rectifié de M. Jean-Léonce Dupont, 184 rectifié de M. Thierry Repentin et sous-amendement no 268 de M. Jean Desessard ; amendement no 101 de Mme Michelle Demessine ; amendements identiques nos 229 rectifié de Mme Valérie Létard et 256 rectifié de M.  Jean Desessard ; amendements nos 237 rectifié de Mme Valérie Létard, 243 de M.  Jean Desessard, 187 et 188 de M. Thierry Repentin. - MM. le rapporteur, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; Dominique Braye, rapporteur pour avis ; Thierry Repentin, Mmes Valérie Létard, Bariza Khiari, Mme Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Françoise Férat, M. le ministre. - Retrait des sous-amendements nos 157 rectifié et 271 ; rejet des sous-amendements nos 277, 158 rectifié, 270, 276, 275, 273, 274, 269, 159 rectifié, 160 rectifié, 272, 278 et 279 ; adoption du sous-amendement no 228 rectifié et de l'amendement no 20 rectifié bis modifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Renvoi de la suite de la discussion.

10. Dépôt d'une proposition de loi

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Dépôt de rapports

13. Dépôt de rapports d'information

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Remplacement D'UN SÉNATEUR décédé

M. le président. J'informe le Sénat que M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a fait connaître à M. le président du Sénat que M. Pierre Bernard-Reymond est appelé à remplacer au Sénat, à compter du 26 janvier 2007 à 0 heure, notre regretté collègue, Marcel Lesbros.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques ainsi qu'à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et sera disponible au bureau de la distribution.

4

DÉCision du Conseil Constitutionnel

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil Constitutionnel, par lettre en date du 25 janvier 2007, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi ratifiant l'ordonnance 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

5

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1219, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, ma question porte sur la compétence d'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés, qui peut être transférée aux conseils généraux en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Selon les articles L. 541-14 et L. 541-15 du code de l'environnement, ces plans tendent à la création d'ensembles coordonnés d'installations de traitement à l'échelle départementale, afin d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement.

Le conseil général de la Vienne, que j'ai l'honneur de présider, s'est doté de cette compétence et révise actuellement ce plan. Cependant, le cadre réglementaire ne lui permet pas d'atteindre correctement les objectifs prévus par la loi.

Les centres d'enfouissement techniques représentent l'outil final et incontournable de traitement des déchets au stade ultime. Le département de la Vienne, sensible depuis longtemps à cet enjeu, s'est donc doté de capacités de stockage importantes. Toutefois, il se trouve aujourd'hui pénalisé par des importations massives de déchets en provenance de départements qui ont des difficultés à se doter, sur leurs propres territoires, des installations nécessaires. Il en résulte un remplissage accéléré de ces sites d'enfouissement autorisés, au détriment des collectivités de la Vienne.

Ces flux de déchets constituent également une nuisance environnementale en générant des émissions de gaz à effet de serre, dans la logique inverse de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, qui a pour objet de limiter en distance et en volume le transport des déchets.

Par ailleurs, l'arrêté du 9 septembre 1997 et la circulaire du 17 janvier 2005 indiquent que la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement est indépendante des travaux d'élaboration du plan.

Seules les autorisations d'exploitation nouvelles de centres d'enfouissement techniques précisent l'origine géographique des déchets pouvant être admis sur le site. Leur délivrance est de la compétence exclusive du préfet, qui n'est pas tenu de se conformer strictement aux recommandations du plan et qui peut se prévaloir, dans ses décisions, d'une cohérence régionale ou interrégionale.

Dans ce contexte, et malgré des capacités dépassant largement les besoins des collectivités et des professionnels de la Vienne, des autorisations nouvelles d'exploitation ont été délivrées dans le département, et d'autres sont en cours d'instruction.

De plus, aucune réflexion ne peut être engagée sur la valorisation des déchets importés, puisque, selon la circulaire du 27 juin 2002, le caractère ultime d'un déchet ne peut s'apprécier à l'entrée d'une décharge.

Par conséquent, je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de bien vouloir m'indiquer si vous envisagez de modifier l'article 8 de l'arrêté du 9 septembre 1997, ainsi que la circulaire du 27 juin 2002, afin de rendre opposables, dans un souci de logique et de cohérence, les orientations des plans départementaux d'élimination des déchets en matière d'importation de déchets, et de faire en sorte que les décisions des préfets en matière d'installations classées leur soient alors conformes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, le sujet que vous abordez soulève plusieurs questions importantes en matière de gestion des déchets, notamment l'articulation entre la réglementation relative aux plans de gestion des déchets et celle relative aux installations classées.

Les plans de gestion de déchets visent à organiser la gestion des déchets sur un territoire en évaluant leur production, en définissant leur mode de gestion et en prévoyant les capacités de traitement thermique ou de stockage dont il faudra disposer pour assurer leur élimination.

La réglementation relative aux installations classées vise, quant à elle, à prévenir les nuisances que peut entraîner le fonctionnement des installations de traitement de déchets. Tel est l'objet de l'arrêté du 9 septembre 1997 modifié, applicable aux centres de stockage de déchets non dangereux.

Ces deux réglementations ont des objets différents, mais, comme vous le soulignez, il convient de veiller à leur mise en oeuvre coordonnée.

Ainsi, l'autorisation qui sera délivrée pour un centre de stockage de déchets fixe la quantité totale de déchets admissibles ainsi que leur provenance, sujets qui sont en règle générale évoqués dans le plan.

Par ailleurs, la loi précise que les décisions prises par les personnes morales de droit public, notamment les préfets, doivent être compatibles avec le plan. Cette notion de compatibilité est cependant moins forte que celle de conformité, et elle ne s'applique que pour des sujets dont la loi ou les règlements nationaux prévoient la prise en compte dans les plans.

Il convient aussi de considérer le contexte local. Il est bien sûr souhaitable que les déchets soient traités dans le département dans lequel ils sont produits. Cependant, plusieurs départements ne disposent pas, aujourd'hui, des capacités nécessaires, et vous savez que différentes études ont mis en évidence le risque, pour un certain nombre d'entre eux, de se retrouver en situation de pénurie au cours des prochaines années.

Dans ce cas, la solution, qui ne doit être que transitoire, passe par l'élimination des déchets dans un autre département. Une forme de solidarité est nécessaire dans les départements qui disposent de capacités supérieures à leurs besoins, et il ne serait pas raisonnable d'interdire, dans ce type de situations, l'importation de déchets extérieurs au département. La réglementation en vigueur ne le permet d'ailleurs pas.

Je rappelle que les communes accueillant les centres de traitement installés après le 1er janvier 2006 ou qui ont fait l'objet d'une extension après cette date peuvent lever une taxe de 1,5 euro la tonne sur les déchets entrant dans l'installation. Nous avons voulu, par cette mesure, faire un geste envers les communes qui font preuve de solidarité.

Vous évoquez, enfin, la question de la valorisation de ces déchets, et notamment la notion de déchet ultime. Je confirme que cette notion est à évaluer en fonction du mode de gestion des déchets et des efforts faits pour extraire la part qui peut être recyclée ou valorisée : la vérification du caractère ultime des déchets ne peut donc se faire lors de leur mise en décharge.

Je constate que des efforts importants ont été faits, presque partout, pour valoriser davantage les déchets. S'agissant des emballages, le taux de recyclage augmente de façon continue : il a dépassé 50 % en 2004, alors qu'il n'était que de 44 % en 2001. Différentes filières ont été mises en place pour favoriser la valorisation de différents types de déchets, comme ceux qui proviennent des équipements électriques et électroniques, dits D3E, ou encore des imprimés sans adresse, pour ne prendre que deux exemples récents.

Il faut, certes, aller plus loin, et c'est bien le sens des nouvelles orientations que j'ai fixées en septembre 2005. J'ai ainsi présenté, il y a quelques semaines, un plan national de soutien au compostage domestique. Je crois que de très nombreux acteurs s'engagent dans cette voie, notamment dans les départements qui manquent d'exutoires et dans lesquels le coût de traitement des déchets résiduels est plus élevé du fait de cette pénurie.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions. Le problème, en l'occurrence, est que certains départements ne veulent pas faire d'efforts.

J'ai bien noté votre volonté d'aller plus loin et de veiller à ce que les préfets se montrent attentifs à ce dossier.

allégement de la redevance anaem pour les arboriculteurs

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, auteur de la question n° 1193, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Bernard Murat. Madame la ministre, les producteurs de fruits et légumes emploient environ 300 000 actifs, dont 230 000 salariés, saisonniers pour 90 % d'entre eux, et ce malgré le nombre significatif de demandeurs d'emploi non qualifiés dans notre pays.

Face aux difficultés de recrutement de saisonniers sur le territoire français, certains exploitants arboricoles font appel à de la main-d'oeuvre étrangère saisonnière, principalement en provenance de Pologne, du Maroc et de la Tunisie, par le biais d'une procédure gérée par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM. Dans ce cadre, les producteurs doivent s'acquitter d'une redevance forfaitaire auprès de l'agence, mais variable en fonction du contrat du salarié : de 158 euros pour un contrat de moins de deux mois à 473 euros pour un contrat de six à huit mois.

Cette situation est tout à fait étonnante quand on en connaît les effets médiatiques quant à l'emploi des personnes non qualifiées.

Compte tenu de la pénurie de main-d'oeuvre saisonnière locale en France malgré les efforts de l'ANPE, ainsi que du coût non négligeable de la redevance pour les exploitants en difficulté économique, la libre circulation des travailleurs en provenance des pays de l'Est a été demandée lors des négociations relatives au volet emploi du plan stratégique « fruits », pour que les arboriculteurs n'aient plus l'obligation de passer par la procédure d'introduction gérée par l'ANAEM.

Ne pouvant s'engager sur la libre circulation des travailleurs en provenance des PECO, le ministre de l'agriculture a proposé un allégement de la redevance ANAEM de 50 % du montant de la redevance pour les saisonniers en provenance des nouveaux États membres. Cette proposition figure dans le plan arboricole annoncé en mars dernier.

Dernièrement, lors d'un déplacement en Corrèze, il a renouvelé son engagement, qui, à ce jour, n'a pas été suivi d'effets. Je souhaiterais donc aujourd'hui que me soient précisés les mesures envisagées et le calendrier de mise en place de cette proposition d'allégement de la redevance ANAEM pour les arboriculteurs.

Je saisis l'opportunité qui m'est offerte de m'exprimer sur cette question afin d'attirer votre attention sur le projet de réforme de l'organisation commune du marché, OCM, des fruits et légumes adopté il y a quelques jours par la Commission européenne.

Si nous pouvons nous féliciter de la préservation d'une OCM spécifique à la filière fruits et légumes et des objectifs affichés de renforcement de l'organisation de la production, le contenu du projet inquiète au plus au point : découplage des aides pour les filières de fruits et légumes transformés, outil de gestion de crise réservés aux seuls producteurs organisés, absence d'un volet de « préférence communautaire ».

Les exploitants parlent « d'une copie à revoir ». Quant au ministre de l'agriculture, il a lui-même indiqué que la proposition de la Commission manquait totalement d'ambition et était, sur certains aspects, contestable. Je vous demande donc ce que le Gouvernement compte faire pour que cette proposition soit modifiée et améliorée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Dominique Bussereau, qui est actuellement en entretien avec le Président de l'Azerbaïdjan.

Les producteurs de fruits et légumes, plus particulièrement les arboriculteurs, emploient un nombre important de salariés pour mener à bien les différents travaux saisonniers dans leurs exploitations, contribuant ainsi à maintenir l'activité dans les territoires ruraux. Le marché local du travail ne peut, à lui seul, répondre aux besoins de main-d'oeuvre de ces secteurs.

C'est pourquoi le ministère de l'agriculture et de la pêche se mobilise avec les professionnels pour apporter des réponses à leurs difficultés de recrutement.

Ainsi le ministère de l'agriculture et de la pêche a-t-il ouvert, à l'occasion du dernier salon international de l'agriculture, en partenariat avec l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, l'Association pour l'emploi des cadres, ingénieurs et techniciens de l'agriculture et de l'agroalimentaire, l'APECITA, et l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture, l'ANEFA, un site Internet offrant à tous les employeurs des secteurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et des services en milieu rural, la possibilité de publier gratuitement leurs offres d'emploi.

Dans l'optique de mutualiser l'emploi entre les différents secteurs économiques présents sur un territoire, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est également attaché à promouvoir la création de groupements d'employeurs multisectoriels grâce à des allégements spécifiques pour toute embauche en contrat à durée déterminée ou en contrat à durée indéterminée réalisée entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007 ; c'est l'article 27 de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

Le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est attaché à faire prendre en compte les spécificités du monde rural dans le processus d'ouverture progressive du marché du travail aux salariés des nouveaux États membres de l'Union européenne. Depuis le 1er mai 2006, la situation de l'emploi n'est plus opposée aux demandes d'introduction de travailleurs originaires de ces pays dans de nombreuses activités agricoles.

Sont concernés les métiers de maraîcher horticulteur saisonnier, d'arboriculteur viticulteur saisonnier ou encore d'aide saisonnier agricole.

Concernant la redevance due à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, en cas de recours à la main-d'oeuvre saisonnière originaire des nouveaux États membres, son montant doit être apprécié au regard des prestations rendues par l'agence aux employeurs agricoles. Si la demande de réduction de la redevance n'a pu être retenue dans l'immédiat, elle pourrait être réexaminée en fonction des résultats de l'ouverture progressive et maîtrisée du marché du travail aux ressortissants des nouveaux États membres et en tenant compte de l'objectif de compétitivité des producteurs français de fruits et légumes.

S'agissant du projet de réforme des « Organisations communes de marchés fruits et légumes frais et transformés » que la Commission européenne vient de faire connaître, sachez, monsieur le sénateur, qu'en l'état la proposition de la Commission n'est ni acceptable ni satisfaisante pour la France.

En effet, les outils de gestion de crise proposés ne sont pas de nature à répondre à l'ampleur et à la diversité des crises conjoncturelles auxquelles la filière des fruits et légumes est, par nature, régulièrement confrontée. La Commission n'apporte ni les moyens juridiques, ni, surtout, les moyens financiers nécessaires à la prévention et à la gestion des crises. Il est, en particulier, absolument indispensable que les mesures proposées soient opérationnelles et impliquent tous les producteurs, organisés et indépendants, d'une filière en crise.

De même, l'attractivité des organisations de producteurs doit être renforcée. Ces dernières doivent pouvoir programmer des actions dans le cadre de leur fonds opérationnel pour une part majorée de la valeur de leur production commercialisée.

Un très gros travail reste donc nécessaire pour modifier et améliorer cette proposition. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que la France y apportera sa contribution pour aboutir à des améliorations notables donnant ainsi aux filières fruits et légumes de réelles perspectives de développement, dans un environnement économique stabilisé.

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je vous rappelle que les fruits et légumes font partie du plan nutrition-santé. Nous connaissons tous l'aspect bénéfique de la consommation des fruits et légumes sur la nutrition, en particulier sur des maladies comme le cancer. Au-delà du problème purement agricole, le volet santé mérite d'être pris en compte.

J'ai bien compris que vous alliez réexaminer ce problème et je vous en remercie. Pour votre information, je vous indiquerai que vingt saisonniers polonais employés en Corrèze pendant quatre à six mois coûtent à l'exploitant 6 720 euros. Il faut quand même le savoir, c'est du concret ! Cela ne peut plus durer plus longtemps ! Le réexamen que vous annoncez est tout à fait positif.

Quant à votre position et à celle du Gouvernement vis-à-vis de l'OCM, je n'en attendais pas moins du ministre de l'agriculture et du Gouvernement. Il faut absolument que la France fasse entendre sa voix haut et fort dans ce concert européen où l'agriculture devient une variable d'ajustement politique, ce qui est inacceptable au regard de la tradition française et de ce que représente l'agriculture dans l'économie de notre pays.

Financement des transferts de compétences aux collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 1204, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, la fin de l'année 2006 aura été particulièrement riche dans la production de rapports consacrés aux collectivités territoriales : celui qui est présenté par un membre du Conseil économique et social, CES, M. Philippe Valletoux, qui formule des propositions visant à améliorer le système de financement des collectivités, le rapport de M. Pierre Richard sur le thème des dépenses locales et, enfin, celui qui fait l'objet de la question d'aujourd'hui, le rapport d'information présenté par nos collègues députés Marc Laffineur et Augustin Bonrepaux, mesurant les conséquences des transferts de compétences sur les disparités entre collectivités territoriales. C'est bien cette aggravation des disparités qui fait aujourd'hui l'objet de ma question.

J'observe que ce rapport a été cosigné par deux parlementaires issus des rangs de la majorité et de l'opposition, ce qui me semble lui donner plus de force.

Au-delà du bilan financier des transferts de compétences, les rapporteurs affirment que, si ces transferts ont entraîné une augmentation des dépenses des collectivités territoriales - ce qui n'est pas anormal - ils ont également contribué à accroître les disparités entre collectivités, qui se sont aggravées depuis 2004.

Il est précisé dans ce rapport que les handicaps se cumulent et que plusieurs départements ou régions tendent à être perdants sur plusieurs transferts à la fois, en dépit de l'équilibre global à l'échelle du pays. Ce sont bien évidemment ceux qui ont à faire face aux dépenses sociales les plus importantes.

Les départements dont la population est peu importante voient, du fait de leur faiblesse économique, la fraction de leur jeunesse la mieux formée abandonner leur terroir pour s'installer sur les lieux de leur formation, villes universitaires ou grandes villes.

Dans ces départements, le pourcentage de chômage n'est pas plus élevé qu'ailleurs puisque ces jeunes ne sont pas pris en compte dans les statistiques locales.

On est en présence d'un effet de ciseau non négligeable entre les jeunes qui quittent leur terroir et les retraités qui y reviennent, ce qui risque d'aggraver dans les années à venir les difficultés de ces départements, qui financent les mesures sociales.

Il s'agit là, incontestablement, du principal échec de la décentralisation : faute de solidarité réelle entre territoires, les plus forts se renforcent et les plus faibles continuent de s'affaiblir.

Le rapport de nos collègues députés, en soulevant le problème des inégalités, pose, à juste titre, celui de la péréquation : la seconde est supposée corriger les premières mais nous savons bien que cela n'est pas, présentement, le cas.

Afin de remédier à la situation actuelle, ils estiment que la poursuite de l'acte II de la décentralisation suppose la création d'un ou plusieurs nouveaux outils de péréquation entre les ressources dont disposent les collectivités, par exemple, un mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux, qui sont, il est vrai, très inégalement répartis entre territoires alors qu'ils progressent en France de façon très importante : plus 800 millions d'euros entre 2004 et 2005. Chacun le sait bien, ces recettes sont bien plus abondantes en Île-de-France ou en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur qu'en Lorraine, compte tenu de la flambée des prix de l'immobilier.

Je précise, à cet égard, que ces droits ont rapporté 49,2 euros par habitant au département de la Meuse en 2005, soit 14 fois moins que pour le département des Yvelines, qui a perçu, de son côté, 684 euros par habitant.

S'agissant du produit global de ces droits, il s'élevait, la même année, à 9,45 millions d'euros pour la Meuse contre 327 millions d'euros pour les Hauts-de-Seine : 34 fois plus, c'est énorme !

J'ajoute que, dans un département comme le mien, nous entretenons 16 mètres linéaires de voirie par habitant, alors que la moyenne en France est de 6 mètres.

En matière de santé, compte tenu des trajets et des impératifs horaires, nous avons besoin, pour intervenir rapidement, d'une ambulance pour 4 800 habitants alors que la moyenne en France est de 9 500.

Je serais heureux que le Gouvernement réserve une suite favorable aux conclusions de ce rapport. Je souhaite qu'au-delà des droits de mutation qui peuvent ne pas être des recettes pérennes, une réflexion s'engage également sur une plus grande péréquation dans la répartition de la dotation globale de financement, DGF, dont le moins que l'on puisse dire est que celle-ci comporte encore de trop nombreuses injustices.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la question de la compensation financière des transferts de compétences donne lieu depuis de nombreux mois à maints débats tant sur le montant de la compensation accordée par l'État que sur l'apparition potentielle de nouvelles inégalités entre les territoires. Cette situation impose d'apporter les clarifications nécessaires. Trois points méritent d'être signalés.

Premièrement, les transferts de compétences effectués au profit des collectivités locales ont fait l'objet d'une compensation financière intégrale.

Le Gouvernement est même allé au-delà de ses obligations législatives et constitutionnelles. En effet, il a accepté pour certains transferts - et lorsque cela était plus favorable aux collectivités - de calculer le droit à compensation, non pas conformément à la loi, c'est-à-dire sur la moyenne des trois années, mais au regard des dépenses réalisées par l'État au cours de la dernière année précédant le transfert.

Au total, l'effort supplémentaire ainsi consenti par l'État s'élève à 157,7 millions d'euros.

S'agissant du RMI, l'État a transféré avec exactitude le montant correspondant à ses propres dépenses de l'année 2003, soit près de 5 milliards d'euros. Mais, conscient des difficultés et des interrogations des collectivités locales, notamment des conseils généraux, il est allé plus loin puisqu'il a dégagé 457 millions d'euros au titre des dépenses de RMI de 2004 et doté le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion de 1,5 milliard d'euros, tout cela venant s'ajouter au droit à compensation.

Au total, il me paraît important de noter que la dépense des départements au titre du RMI pour l'année 2005 sera compensée à hauteur de 93,5 %. On ne peut donc accuser l'« acte II » de la décentralisation de toutes les difficultés rencontrées par certaines collectivités.

Cela me conduit à aborder un second point, en effet très important, celui de la péréquation, qui a d'ailleurs été une priorité pendant toute cette législature.

La révision de la Constitution en mars 2003 a ainsi consacré le principe de la péréquation, puis la loi du 18 janvier 2005 a prévu de consacrer chaque année, de 2005 à 2009, 120 millions d'euros supplémentaires au titre de la dotation de solidarité urbaine. Enfin, les lois de finances pour 2004 et pour 2005 ont simplifié l'architecture des dotations de l'État.

Les départements les plus pauvres ont, comme vous le savez, bénéficié de ce mouvement de solidarité puisque de 2004, année de référence puisque c'est celle de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, à 2006, la dotation de péréquation urbaine est passée de 9,79 euros par habitant à 11,81 euros, ce qui représente tout de même une augmentation de 21 %.

Pour les départements ruraux, la dotation de fonctionnement minimale par habitant a augmenté - M. Jean Boyer ne me contredira pas - de 32 %, passant de 17,93 euros à 23,59 euros.

La question de bon sens qui est posée est en réalité la suivante : faut-il faire encore plus et, surtout, faut-il prévoir un fonds de péréquation alimenté par les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, qui constituent la recette dynamique des conseils généraux ?

Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale que vous citez préconise la mise en place d'un « mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux », ce qui m'amène à faire trois observations.

Première observation, la commission suggère non pas la création d'une taxe additionnelle mais un écrêtement dans les départements les plus riches. Cette proposition est donc sage du point de vue des prélèvements obligatoires, mais serait assez difficile à mettre en oeuvre pour les départements. On sait que tous les dispositifs de péréquation horizontale sont difficiles à créer et plus encore à faire vivre : à l'exception du FSRIF, le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, tous ceux qui ont été créés dans le passé ont été finalement supprimés.

Deuxième observation, et c'est un phénomène nouveau que vous êtes nombreux au sein de la Haute Assemblée à connaître, l'impact de l'évolution des prix de l'immobilier a été visible dans la plupart des départements français, alors qu'auparavant c'était essentiellement l'Île-de-France qui était concernée. L'évolution des DMTO département par département fait ainsi apparaître une évolution moyenne de l'ordre de 75 % depuis 2002, évolution donc assez lourde dont bénéficient, avec des pointes encore plus importantes dans certains d'entre eux, la quasi-totalité des départements. De ce fait, la péréquation du produit des DMTO est moins nécessaire.

Troisième observation, cette proposition n'a pas été vraiment expertisée à ce stade. La commission elle-même n'a pas été très précise dans ses intentions. Quel devrait être le niveau de gestion, national, régional ou interdépartemental, du fonds ? Quelles seraient ses règles de répartition ? En outre, si les critères pour déterminer quels départements peuvent être dits riches sont assez aisés à établir, ils mériteraient sans doute d'être affinés.

Si une réflexion est menée sur ce sujet, elle devra donc être particulièrement concertée.

Je conclurai en signalant que la réforme de la DGF entreprise en 2004 n'a pas fini de produire ses effets péréquateurs. La DGF pour 2007 n'a pas encore été répartie par le comité des finances locales. Mais, cette année encore, l'effort en faveur de la péréquation ne devrait pas se démentir, grâce notamment à la reconduction, que nous avons eu l'occasion d'évoquer dans le débat sur la loi de finances, du contrat de croissance et de solidarité ainsi qu'au maintien à hauteur de 2,5 % de l'indexation de la DGF.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions qu'il me semblait utile de vous apporter.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'apportez. Vous confirmez que les réflexions sont bien engagées au niveau du Gouvernement et nous nous en félicitons. Toutefois, si nous insistons régulièrement sur ce thème, c'est bien parce que les « petits » départements sont aujourd'hui confrontés à des difficultés grandissantes. Je vous ai entendu évoquer ces difficultés et je crois que nous sommes sur une bonne voie.

Pour la gestion du fonds et pour la mise en oeuvre de la péréquation, je me permettrai de dire que le meilleur échelon me paraît devoir être l'échelon national, car, à l'échelon départemental ou régional, nous savons bien, les uns et les autres, ce à quoi nous nous exposons.

La dotation de solidarité urbaine a connu des augmentations beaucoup plus importantes en pourcentage que la dotation de solidarité rurale, raison pour laquelle nous regrettons parfois que le fossé ait tendance à se creuser entre zones rurales et zones urbaines. Nous espérons donc que les mesures que vous préconisez porteront leurs fruits.

Sécurité et surveillance du littoral aquitain

M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, auteur de la question n° 1224, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Xavier Pintat. Monsieur le ministre, ma question porte sur la surveillance du littoral aquitain et la difficulté pour les élus locaux d'assurer, dans de bonnes conditions, la sécurité des personnes fréquentant les bords de mer.

Près de 20 millions de personnes sont concernées.

L'exercice de la police de baignade, assuré en partie par les CRS maîtres nageurs sauveteurs, MNS, sous la responsabilité pénale des maires devient, au fil des années, de plus en plus problématique.

Les raisons sont multiples. Elles tiennent à la présence d'une population de plus en plus nombreuse sur les côtes ; à l'indispensable et irremplaçable rôle de police qu'exercent les CRS-MNS sur les plages ; à une implantation des postes de secours qui ne correspond peut-être plus à la fréquentation touristique actuelle ; à l'essor des activités nautiques de toute nature, dépassant largement la surveillance de la baignade ; à la difficulté persistante que rencontrent les communes pour recruter des sauveteurs saisonniers disposant du brevet national de sécurité et sauvetage aquatique, le fameux BNSSA, et pour les fidéliser ; à la nécessité enfin d'assurer le commandement des postes en avant et en après-saison par les CRS-MNS.

Je rappelle que ces derniers sont les seuls à pouvoir commander les quelques postes ouverts en avant ou en après-saison. C'est pourquoi, monsieur le ministre, l'incertitude constante sur le nombre, la date et la durée du déploiement des CRS-MNS est assez mal vécue par les élus locaux, qui s'inquiètent notamment d'ores et déjà d'un désengagement prématuré de ces forces lors de l'organisation de la coupe du monde de rugby.

Aussi, dans le droit fil des politiques de modernisation de l'État, ne serait-il pas opportun de réformer la procédure d'affectation des CRS spécialisés dans le sauvetage, sur la base de règles définitives et concertées, pour pérenniser et rationaliser leur indispensable participation à la politique de surveillance des plages ?

Plus largement, monsieur le ministre, une nouvelle coordination de ces personnels pourrait à mon sens permettre de renforcer la sécurité des personnes, mais aussi la sûreté maritime, par la création d'un corps professionnel de gardes- côtes, élargi à l'ensemble de nos forces d'intervention impliquées dans l'exercice opérationnel du sauvetage en mer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, chaque été, dans le cadre de la politique d'aide aux municipalités du littoral voulue par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, d'importants renforts sont fournis par les compagnies républicaines de sécurité.

Ces effectifs, spécialistes nageurs sauveteurs, prélevés pendant la saison estivale sur les unités de service général assurent la sécurité des plages.

Leur action a, en réalité, deux volets : d'une part, réprimer les actes de délinquance ; d'autre part, assurer la sécurité de la baignade, activité pour laquelle ils sont généralement assistés de sapeurs-pompiers et de personnels non policiers, qui, eux, sont plus généralement recrutés par les communes.

Au titre de la saison 2006, dans le ressort de vingt et un départements côtiers, 106 municipalités ont bénéficié du concours de 634 nageurs sauveteurs, chiffre constant par rapport à l'année précédente.

Le bilan global de ces activités est positif puisqu'il se traduit par une baisse du nombre - treize en 2006 contre 16 en 2005 - de personnes noyées en zone surveillée.

Pour ce qui concerne plus précisément le département de la Gironde, monsieur le sénateur, il convient de relever une augmentation significative du nombre de nageurs sauveteurs affectés : ils étaient cinquante-six en 2000, quatre-vingts en 2006, soit une hausse de 30% pour votre seul département.

Pour l'été prochain, un dispositif sera mis en place entre le 30 juin et le 2 septembre, dispositif qui peut être complété par des périodes d'anticipation ou de prolongation pour les communes qui se caractérisent par la dangerosité particulière des plages et l'affluence touristique. Le nombre des nageurs sauveteurs des compagnies républicaines de sécurité devrait donc être maintenu au même niveau que l'année dernière, les effectifs de certaines plages pouvant même être renforcés.

En tout état de cause, il faudra envisager à terme un désengagement des services de la police nationale s'agissant de cette charge de travail afin qu'ils puissent se consacrer à leur mission prioritaire de lutte contre la criminalité, plus particulièrement contre celle qui est constatée dans les secteurs sensibles.

Votre département n'est pas concerné, mais je suis sûr que M. Gouteyron a été sensible au fait que, depuis plusieurs années déjà, ce ne sont plus les CRS qui assurent la surveillance des lacs en Auvergne.

S'agissant de l'intervention des communes en matière de secours, il est rappelé que le maire exerce la police spéciale des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux et fait obligation au maire de fixer une zone de surveillance adaptée à la réalité de la fréquentation constatée sur le lieu de baignade.

Cette police spéciale consiste notamment en l'organisation des postes de secours des plages. Le maire peut ainsi confier cette mission soit à des agents contractuels, soit à des membres d'associations agréées, telle la Société nationale de sauvetage en mer ou encore, comme c'est généralement le cas, à des sapeurs-pompiers. Une enquête a permis de constater que 1 200 sapeurs-pompiers volontaires étaient affectés à cette mission sur l'ensemble du littoral français.

Le maire exerce en outre ses pouvoirs de police générale. À ce titre, il est tenu de prendre notamment les mesures nécessaires d'information de la population et d'organisation des secours.

Quant à la gendarmerie nationale, si elle n'assure plus, depuis le début des années quatre-vingt, la mise à disposition de maîtres nageurs sauveteurs au profit des collectivités territoriales, elle met parfois en place des postes saisonniers qui remplissent l'ensemble des missions de sécurité publique, à savoir surveillance, enquêtes judiciaires, intervention et secours.

S'agissant de la zone de baignade et au-delà, la gendarmerie concourt à l'ensemble des missions dévolues à l'État, grâce notamment à des moyens nautiques complémentaires, comme les brigades nautiques et les brigades de gendarmerie maritime, ainsi qu'à des formations aériennes.

Dans ce contexte, je vous le dis très clairement, monsieur Pintat, la création d'un corps de gardes-côtes ne paraît pas opportune. Mais, comme vous pouvez le constater, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, tient à assurer la sécurité de nos concitoyens sur les lieux de baignade. Certes, le dispositif évolue, mais aucun moyen n'est négligé pour atteindre cet objectif.

M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.

M. Xavier Pintat. Je remercie M. le ministre de ces précisions et de l'assurance qu'il vient de donner quant au maintien des effectifs.

J'ai relevé aussi ses propos s'agissant de l'avant ou de l'après-saison. Pour les mois de juin et de septembre, étant donné le faible effectif par département, il faut que les maires puissent anticiper les mises à disposition.

Cependant, sur le long terme, il faut être attentif au fait que les postes de surveillance sont assurés en partie par les CRS-MNS, qui sont très appréciés, mais aussi par des employés communaux comme par des employés de la SNSM, la Société nationale de sauvetage en mer. Or, monsieur le ministre, il est difficile de fidéliser ces agents contractuels, en général des étudiants ou des personnes ayant une autre formation professionnelle, qui ne travaillent qu'aux mois de juillet et d'août. Il n'y a pas suffisamment de piscines ou de bassins non plus que d'activités nautiques pour leur permettre de faire de la surveillance à longueur d'année !

S'il devait y avoir à terme un retrait total des effectifs de police sur le territoire national, ce serait donc une vraie catastrophe : les maires ne seraient plus en mesure d'assurer la surveillance du littoral.

Il faudrait donc très sérieusement se demander qui pourrait remplacer à terme ces effectifs dont la participation nous semble quasi indispensable pour apporter professionnalisme, exercer les pouvoirs de police et diriger les postes. Mais je ne vous en remercie pas moins, monsieur le ministre, de vos assurances quant à 2007 et au court terme.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je voudrais simplement confirmer les propos de M. Pintat et les illustrer : ma collègue Christine Lagarde, qui est présente à mes côtés, a elle-même été recrutée par une collectivité pour devenir maître nageur. (Sourires.)

indemnisation des assesseurs appelés à composer les bureaux de vote lors des élections

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 1226, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je souhaiterais appeler votre attention sur les conditions d'une éventuelle indemnisation des assesseurs appelés à composer les bureaux de vote lors des élections.

Par décret du 11 octobre 2006, le Gouvernement a procédé à plusieurs mesures de simplification en matière électorale, en particulier pour ce qui concerne la composition des bureaux de vote ; ces dispositions figurent aux articles R. 42 et suivants du code électoral.

Ainsi, désormais, un bureau de vote ne doit plus comporter, outre le président et le secrétaire, quatre assesseurs au moins mais seulement deux, et le bureau peut fonctionner valablement au cours de la journée si deux de ses membres sont présents et non plus trois.

Il s'agit là d'une innovation évidemment importante, tout à fait positive et parfaitement justifiée, tant il était devenu très difficile, dans certaines communes, de disposer de suffisamment d'assesseurs pour pouvoir ouvrir les bureaux de vote dans les conditions prévues par le code électoral.

Cette difficulté résulte, hélas ! d'une perte d'esprit civique que nous pouvons tous constater et regretter. Dès lors, le fait d'abaisser à deux le nombre minimal d'assesseurs répond à ce problème.

Toutefois, ne conviendrait-il pas d'aller un peu plus loin afin d'encourager le civisme de nos concitoyens, non seulement les jeunes mais aussi les femmes qui sont en charge de famille et que nous avons beaucoup de mal à attirer dans la surveillance de nos bureaux de vote, et de les inciter à s'impliquer davantage dans les opérations électorales en exerçant la fonction d'assesseur ? Dans cette optique, ne pourrait-on pas envisager la possibilité d'indemniser, fût-ce de manière symbolique, cette fonction ?

En effet, un dimanche d'élection - je rappelle qu'il y en aura quatre en 2007 ! - un assesseur titulaire doit être présent à l'ouverture et à la fermeture du bureau de vote, voire pendant une bonne partie de la journée s'il ne dispose pas d'un suppléant, ainsi que pendant toute la durée du dépouillement, jusqu'à la signature du procès-verbal. La journée peut ainsi durer de 7 heures 30 à 23 heures, quand ce n'est pas minuit ! En outre, dans les grandes agglomérations, notamment les jours d'élections européennes, la clôture du scrutin à 22  heures retarde d'autant le moment du dépouillement.

Or un assesseur a souvent à sa charge des frais de repas, pas nécessairement fournis par les communes, voire, éventuellement, des frais de garde d'enfant ou autres. J'indiquerai à cet égard que la commune de Saint-Maurice dans le Val-de-Marne, dont j'ai l'honneur d'être maire, s'est fait rappeler à l'ordre par la Cour des comptes parce qu'elle avait financé de modestes sandwichs pour les assesseurs ! Par conséquent, certains frais sont, je le répète, à la seule charge des assesseurs.

De plus, s'il est, par exemple, salarié, un assesseur ne peut récupérer sur son temps de travail une journée de repos consacrée au service de la collectivité.

Aussi une modeste indemnisation constituerait-elle une marque de reconnaissance de cet esprit civique, ainsi qu'un encouragement. Dois-je rappeler qu'un citoyen désigné par le sort sur les listes électorales et qui participe à un jury d'assises, bénéficie, lui, d'une indemnisation ?

Ne pourrait-on donc pas, monsieur le ministre, prévoir une indemnisation systématique et obligatoire qui ferait partie du remboursement par l'État des frais d'organisation engagés par les communes ?

Cette proposition concerne, certes, principalement les assesseurs titulaires, mais la réflexion pourrait être étendue aux assesseurs suppléants et aux délégués, ainsi qu'aux présidents de bureau de vote, lorsque ceux-ci ne sont pas des élus municipaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, dans la perspective des prochaines échéances électorales, vous vous préoccupez à juste titre des difficultés rencontrées, d'une part, par certaines communes pour trouver le nombre d'assesseurs requis dans chaque bureau de vote et, d'autre part, par les citoyens qui sont appelés à remplir ce rôle.

Le Gouvernement, comme vous le savez, a parfaitement conscience de ces difficultés. Vous avez été l'un des premiers à alerter le Gouvernement à ce sujet et votre message a été largement relayé.

C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez d'ailleurs rappelé, le décret du 11 octobre 2006, qui contenait des mesures de simplification en matière électorale, a réduit de quatre à deux le nombre minimal d'assesseurs présents dans chaque bureau de vote.

En outre, seuls deux membres du bureau, au lieu de trois, doivent désormais être présents en permanence pendant les opérations électorales.

Ces dispositions sont, il est vrai, très récentes, monsieur le sénateur et, si elles apparaissent de nature à répondre en grande partie aux problèmes que vous évoquez, je pense qu'il conviendra de mesurer avec précision leur impact à l'occasion des prochaines consultations électorales. En effet, ce n'est qu'après les scrutins présidentiel et législatif qu'il sera possible d'envisager d'aller plus loin si cela se révèle nécessaire.

Le Gouvernement a bien conscience, monsieur Cambon, des contraintes liées aux fonctions d'assesseur. Toutefois, il convient de garder à l'esprit que la participation au déroulement des opérations de vote, tout comme le vote lui-même, constitue aujourd'hui un engagement civique.

Dès lors, il me paraît souhaitable, à ce stade, que la participation des citoyens au bon fonctionnement de la démocratie demeure bénévole, quitte à vous proposer une « clause de revoyure » à l'issue des prochains scrutins, si les électeurs le décident, cela va de soi !

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie de la qualité de votre réponse et de l'esprit d'ouverture dont vous faites preuve afin que ce dossier puisse être réexaminé après les quatre scrutins de 2007.

Je rappelle, en outre, qu'en 2008 nous risquons d'avoir des élections jumelées. Or l'organisation de deux bureaux conjoints pose également des problèmes

Quoi qu'il en soit, je remercie une nouvelle fois le Gouvernement de son effort en vue de simplifier un dispositif qui soulevait beaucoup de difficultés.

Dans le Val-de-Marne, département dont je suis élu, les élections posent parfois des problèmes, y compris, comme on l'a souvent vu, des problèmes de fraude. Or s'il y en a, c'est parce que la surveillance des bureaux de vote est insuffisante !

Dès lors, je suis persuadé que c'est en prolongeant notre réflexion en ce sens que nous parviendrons à trouver les solutions adéquates pour faire en sorte que l'esprit civique demeure une valeur dans notre pays, ce qui n'est pas toujours le cas les jours d'élections.

seuils d'éligibilité au régime fiscal de la microentreprise

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 1107, adressée à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, ma question concerne la nécessaire modification des seuils de chiffres d'affaires définissant l'éligibilité au régime fiscal de la microentreprise.

J'aimerais d'abord préciser que les travailleurs indépendants soumis au régime fiscal de la microentreprise se réjouissent du dispositif de « bouclier fiscal » inscrit dans le projet de loi instituant le droit opposable au logement et diverses mesures en faveur de la cohésion sociale que nous allons examiner cet après-midi.

Si ce texte est adopté, leur cotisation sociale sera proportionnelle à leur chiffre d'affaires et ne pourra dépasser 14 % à 24 % de ce dernier selon la nature de l'activité.

La mise en place de ce contrat d'accompagnement généralisé permettra véritablement, selon moi, de lever un frein à l'initiative.

Permettez-moi maintenant de vous rappeler, mes chers collègues, que le tissu économique réunionnais est constitué en majeure partie de structures de petite taille.

Ainsi, 95 % des entreprises locales emploient moins de dix salariés. L'économie locale se caractérise également par son dynamisme en matière de créations d'entreprises, puisque 5 680 structures ont vu le jour en 2005, parmi lesquelles 76 % constituent des créations réellement nouvelles.

Cependant, le taux de survie des entreprises reste le plus faible de France : une sur deux seulement passe le cap des trois ans, contre deux sur trois en métropole et dans les autres départements ultramarins.

Dans un tel contexte, le régime fiscal de la micro- entreprise, en limitant les contraintes administratives et comptables, permet réellement de créer et de pérenniser des entreprises.

Je tiens néanmoins à souligner qu'en raison d'une inflation croissante et de l'augmentation du coût de la vie les seuils de chiffres d'affaires qui définissent l'éligibilité au régime fiscal de la microentreprise sont devenus trop bas et demandent à être relevés.

Aussi, la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion souhaite que les seuils de chiffres d'affaires pris en compte pour l'éligibilité au régime de la microentreprise soient majorés de 20 %.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, connaître votre position sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Madame la sénatrice, si vous appelez mon attention sur le régime fiscal de la microentreprise en particulier, je pense que vous faites également allusion au bouclier social que nous avons mis en place. Certes, il s'agit là de deux régimes distincts, mais je vais tout de même essayer de les associer dans ma réponse.

Comme vous le savez, le seuil annuel de chiffres d'affaires est actuellement de 76 300 euros hors taxes s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, et de 27 000 euros hors taxes pour les entreprises relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou de titulaires de revenus non commerciaux.

Bien que conscient des contraintes administratives et fiscales qui existent encore pour les plus petites entreprises - j'aurai l'occasion d'annoncer de nouvelles mesures les concernant dans les jours prochains - le ministère du budget n'envisage pas pour l'heure de modifier ces seuils de chiffres d'affaires ou de recettes.

Ces régimes, mis en place pour alléger les charges administratives des très petites entreprises, consistent à déterminer une assiette calculée de manière forfaitaire indépendamment du bénéfice réel de l'entreprise.

L'existence du régime fiscal des microentreprises ne se justifie que s'il est réservé à une catégorie d'entreprises pour lesquelles l'allégement des obligations comptables et fiscales correspond à l'extrême simplicité de leur gestion.

L'élargissement de leur champ d'application entraînerait automatiquement une extension de même nature des obligations comptables simplifiées, ce qui priverait d'un outil de gestion indispensable les entreprises dont la taille requiert un suivi plus rigoureux de l'activité, suivi qui est souvent exigé de leurs partenaires, notamment financiers, dans les phases de croissance qu'elles peuvent être appelées à connaître.

J'ajoute que les seuils actuels permettent de bénéficier de la franchise de TVA, laquelle dispense les assujettis de déclarer et de payer cette taxe. En contrepartie, ces bénéficiaires ne peuvent déduire la TVA en amont ; ce régime n'est donc pas toujours favorable à l'entreprise.

Nous avons cependant, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 du 21 décembre 2006, augmenté les abattements appliqués aux chiffres d'affaires déclarés afin de déterminer le bénéfice soumis à l'impôt sur le revenu ; cette mesure va dans le sens de votre interrogation, madame la sénatrice.

Ces abattements, qui représentent forfaitairement les charges nécessaires à la réalisation des chiffres d'affaires, sont portés à 71 % pour les activités d'achat-revente et de fourniture de logement au lieu de 68 % ; à 50 % pour les autres activités de prestations de services entrant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les BIC, au lieu de 45 %, et, enfin, à 34 % pour les activités relevant des bénéfices non commerciaux, ou BNC, au lieu de 25 %.

J'ajoute que le régime du bouclier social que nous venons de mettre en place aura un effet important de simplification, puisque, pour les activités d'achat-revente, le taux des prélèvements sociaux sera de l'ordre de 14 % ; quant aux autres prestations, BIC et BNC, ce taux sera d'environ 24 %.

Il s'agit là d'une vraie révolution dans la gestion des cotisations sociales de ces toutes petites entreprises.

Je suis, pour ma part, tout à fait ouvert, au vu d'une évaluation du dispositif, lorsque nous connaîtrons les premiers résultats du champ d'application du régime fiscal et du régime social aux très petites entreprises, à une éventuelle modification de ces régimes. Cela étant dit, pour l'instant, il convient, me semble-t-il, de s'intéresser à la manière dont ce premier pas s'effectue réellement dans ces très petites entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions et je transmettrai votre réponse aux principaux intéressés, c'est-à-dire non seulement aux chefs des petites entreprises, mais aussi à la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion.

libéralisation du régime d'assurance des catastrophes naturelles

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 1222, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, comme vous le savez, le Gard fait partie des départements soumis à plusieurs risques majeurs dont les risques technologiques, le risque nucléaire en particulier, et la sécheresse.

Toutefois, le plus marquant d'entre eux, qui a malheureusement et tristement ému tous les esprits, est bien le risque d'inondation sous toutes ses formes.

Vous envisagez « d'accentuer la concurrence entre opérateurs privés » et de « permettre d'accélérer le remboursement en cas de catastrophe naturelle et de revoir les zones géographiques » ; la presse s'est d'ailleurs fait l'écho de vos déclarations à ce sujet.

Si ces intentions sont louables, il reste que la libéralisation du régime d'assurance des catastrophes naturelles ne sera bénéfique que si, in fine, le montant des indemnisations est à la hauteur pour compenser la détresse dans laquelle se trouvent les particuliers et les collectivités. Dans le cas contraire, il n'y aurait qu'un seul bénéficiaire : les compagnies d'assurance. Or tel n'est pas, j'en suis sûr, le sens de votre proposition.

Par ailleurs, si l'État continuait d'accorder sa garantie financière, avec le réassureur public, c'est-à-dire la Caisse centrale de réassurance, vous proposeriez « la possibilité de moduler le taux de prime additionnelle de la garantie catastrophe naturelle en fonction de l'exposition des biens assurés aux périls naturels au lieu d'être fixé à 12 % uniformément ». Encore une fois, cette proposition peut paraître intéressante, mais ne remettrait-elle pas en cause le principe de solidarité ? De plus, il ne faudrait pas que la modulation permette d'aller au-delà du plafond de 12 % actuel.

Enfin, le Journal officiel ne serait plus chargé de diffuser les arrêtés de catastrophe naturelle. Il reviendrait aux compagnies d'assurance de constater ces événements « sur la base de données scientifiques fournies par des organismes publics ». Toutefois, dans ce cas, les compagnies auraient-elles intérêt à déclarer « l'état de catastrophe naturelle » ? Nous pouvons en douter.

Vous le voyez, madame le ministre, bien des questions se posent quant à la mise en oeuvre de la libéralisation que vous souhaitez. Pouvez-vous nous informer de l'avancée de votre réflexion et des échéances que vous souhaitez respecter à cet égard ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur Sutour, vous interrogez Thierry Breton sur le projet de réforme du régime de couverture des catastrophes naturelles. Vous me permettrez de me substituer à lui et de vous présenter ses excuses, puisqu'il n'a pu venir ce matin au Sénat pour vous répondre.

Le régime des catastrophes naturelles assure depuis plus de vingt ans la protection des biens contre les dégâts causés par les phénomènes exceptionnels, et je sais, pour m'y rendre occasionnellement en été, que le département du Gard n'est, hélas ! pas à l'abri de ce genre d'événements, et en particulier des inondations.

Or le retour d'expérience du fonctionnement de ce régime a conduit le Gouvernement à envisager certains aménagements du dispositif. En effet, une mission d'inspection interministérielle, mandatée par le Gouvernement, a mis en évidence un certain nombre d'insuffisances ou de dysfonctionnements ; j'en évoquerai cinq.

Premièrement, il s'agit d'un système qui manque de transparence, les assurés comme les élus s'interrogeant sur les modalités d'éligibilité de tel ou tel sinistre au régime des catastrophes naturelles.

Deuxièmement, les décisions d'accorder ou non une indemnisation, en particulier lorsque deux communes contiguës ne reçoivent pas le même traitement, sont parfois perçues comme inéquitables par les assurés et les élus.

Troisièmement, ce système reste assez complexe dans son organisation et induit bien souvent de longs délais d'indemnisation, qui ne sont pas favorables aux assurés victimes de sinistres.

Quatrièmement, lorsque les conditions de reconnaissance ne sont pas réunies, s'agissant, par exemple, de sinistres de faible ampleur, les victimes ne disposent d'aucune autre solution pour se couvrir.

Enfin, cinquièmement, ce système entraîne parfois une déresponsabilisation face à la nécessaire prévention des risques naturels.

Le projet de réforme envisagé par le Gouvernement vise à pallier ces inconvénients en améliorant le dispositif.

Parmi ces améliorations, notre objectif principal est clairement de faire en sorte que les assurés puissent bénéficier de l'indemnisation la plus rapide, dès lors que le sinistre est avéré.

Ainsi, dans ce qui n'est aujourd'hui qu'un projet, les victimes pourraient, postérieurement à un dommage, connaître les modalités de leur indemnisation sans attendre la réunion d'une commission interministérielle et la parution d'un arrêté, lequel peut d'ailleurs, pour des raisons inhérentes au fonctionnement de l'administration, prendre souvent plus d'un mois. Ils pourraient s'adresser directement à leur assureur afin d'être indemnisés.

Bien entendu, toutes ces mesures s'inscriraient dans le cadre du principe de la solidarité nationale, j'y insiste, et l'État continuerait en toute hypothèse à accorder sa garantie financière au régime, via la Caisse centrale de réassurance. Il n'est pas question que l'État soit absent du processus d'indemnisation des catastrophes naturelles : bien au contraire, il interviendra par la voie d'une garantie financière.

Conjointement avec Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, nous avons engagé une consultation sur ce projet. Nous l'avons confiée à M. Emmanuel Constans, président du comité consultatif du secteur financier, qui recevra l'appui des services du ministre de l'économie et des finances et du ministère de l'intérieur.

Le Gouvernement a bien noté que de nombreuses parties prenantes, dont les associations d'élus, souhaitaient que des consultations approfondies soient organisées sur certains aspects ; il veillera à ce que ce soit le cas.

Il proposera donc prochainement une méthode pour prolonger la concertation, afin qu'au cours de la prochaine législature - car il n'est pas possible de modifier le régime dès à présent - le Parlement puisse se saisir des dispositions législatives nécessaires afin d'améliorer le système.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je crois que nous pouvons tous nous accorder sur le constat : l'indemnisation des particuliers prend parfois beaucoup de temps.

S'agissant des solutions à apporter, il faut réfléchir aux propositions qui seront formulées. Je note d'ailleurs que, par rapport aux propos de M. le ministre, évoqués notamment dans la presse économique, votre réponse est plus prudente, madame la ministre. Je m'en réjouis, car nous sommes encore dans une phase de consultation. Nous disposerons bientôt d'une méthode nous permettant de résoudre les problèmes qui, à l'évidence, se posent en ce domaine et, lors de la prochaine législature, le Parlement aura à se prononcer.

réforme du statut et du rôle des architectes en chef des monuments historiques

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, auteur de la question n° 1212, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Philippe Richert. Avec l'ordonnance du 8 septembre 2005, le Gouvernement a apporté au régime juridique des travaux sur les monuments historiques un certain nombre de réformes qui sont importantes et, dans leur principe, bienvenues.

Je fais bien sûr allusion à la disposition qui restitue enfin sans ambiguïté au propriétaire la maîtrise d'ouvrage des travaux, ainsi qu'à celle qui réforme la maîtrise d'oeuvre des travaux sur les monuments classés.

C'est sur cette seconde réforme que porte ma question. Aujourd'hui, je le rappelle, dès lors que ces travaux portent sur un monument appartenant à l'État, ou que celui-ci y participe financièrement, la maîtrise d'oeuvre revient obligatoirement à l'architecte en chef des monuments historiques territorialement compétent.

Demain, avec les nouvelles dispositions, le propriétaire disposera d'une marge de choix entre des catégories de professionnels définies par décret. Il s'agit d'une réforme importante, ambitieuse, et qui va sans doute au-delà des recommandations du rapport Bady et des exigences de la Commission européenne.

Le principe du libre choix permettra de remédier aux situations difficiles que nous avons pu connaître dans le passé. Celles-ci tiennent, parfois, à des incompatibilités de personnes et, plus souvent, à la surcharge de travail chronique de certains architectes en chef des monuments historiques ; nous avons tous connu cette situation.

Si ce principe nous paraît positif, nous nous interrogeons cependant sur les modalités de mise en oeuvre de cette réforme et sur ses conséquences. Le décret actuellement en préparation apportera, je n'en doute pas, des réponses précises à ces questions. Toutefois, pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser dès aujourd'hui les orientations qui sont prévues ?

Quelles seront les modalités de cette ouverture ? Comment prendront-elles en compte la dimension qualitative des interventions sur les monuments historiques, qui souvent se succèdent. En effet, il ne faudrait pas qu'il y ait de ruptures dans la conception des interventions.

Quelles seront les conséquences de la remise en question de leur monopole territorial sur le statut et les missions des architectes en chef et sur l'équilibre social et économique de ce corps de fonctionnaires un peu particulier, puisqu'il est rémunéré par vacations et honoraires ?

Quelles seront, enfin, les conséquences de cette marge de choix nouvelle pour les propriétaires, et surtout pour ces propriétaires un peu particuliers que sont les collectivités territoriales ? Je pense notamment aux petites communes qui auront à assumer cette nouvelle responsabilité, seront confrontées parfois à des travaux lourds et connaîtront peut-être des difficultés.

Les collectivités étant assujetties au code des marchés publics, cette liberté, en soi appréciable, ne risque-t-elle pas d'entraîner un alourdissement des procédures et des problèmes pour les petites communes ?

Telles sont, madame la ministre, quelques-unes des interrogations sur lesquelles je souhaiterais que vous puissiez nous apporter des éclaircissements.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur Richert, tout d'abord, permettez-moi d'excuser l'absence de M. Renaud Donnedieu de Vabres. Celui-ci, qui aurait été infiniment plus compétent pour répondre à votre question, se trouve retenu en ce moment même à l'Assemblée nationale, pour l'examen du projet de loi relatif à la télévision du futur, et il m'a donc chargée de vous répondre.

L'ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés réaffirme la qualité de maître d'ouvrage, pour les travaux de restauration de monuments historiques, aux personnes publiques ou privées qui en sont propriétaires ou affectataires.

Par ailleurs, elle modifie l'article L. 621-9 du code du patrimoine et fait obligation à tout propriétaire ou affectataire d'un monument historique classé de recourir à des maîtres d'oeuvre définis par décret en Conseil d'État.

Dans ce cadre, le maître d'ouvrage propriétaire ou affectataire d'un monument historique n'appartenant pas à l'État choisira son maître d'oeuvre, selon les procédures qui lui sont applicables, parmi les architectes en chef des monuments historiques ou parmi d'autres architectes établis dans les États membres de l'Union européenne et présentant un niveau de qualification et d'expérience comparables à nos architectes en chef des monuments historiques.

Les collectivités territoriales pourront donc choisir leur architecte maître d'oeuvre selon les procédures du code des marchés publics.

Cette responsabilité confiée aux propriétaires est nouvelle, car jusqu'à présent prévalait une interprétation de la loi de 1913 autorisant les services de l'État à assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments classés, quel que soit leur propriétaire.

Ce retour au droit commun des prérogatives du propriétaire s'accompagne d'une formalisation du dispositif d'autorisation de travaux et de contrôle scientifique et technique permettant, dans ce nouveau contexte, de continuer à garantir les objectifs de protection et de conservation des monuments historiques, qui ont été posés par la loi de 1913 et n'ont pas été modifiés par l'ordonnance de 2005.

Les décrets d'application de cette ordonnance sont en cours d'élaboration, en concertation avec les services déconcentrés concernés par leur mise en oeuvre. Bien entendu, ils seront également soumis pour observation aux différentes catégories de propriétaires du domaine privé ou public.

Leur orientation générale consiste à privilégier une concertation, le plus en amont possible de l'opération, entre les propriétaires et les services de l'État chargés des monuments historiques qui délivrent l'autorisation de travaux.

Dans le cadre de l'autorisation de travaux, il appartiendra aux services de l'État de préciser les conditions d'expérience et de qualification exigées des candidats à la maîtrise d'oeuvre, selon les caractéristiques du monument et la nature de l'opération exigée.

À cet égard, l'objectif du Gouvernement - et la responsabilité du ministre de la culture - est de généraliser, par le dialogue entre les services de l'État, d'une part, et les propriétaires, d'autre part, la méthodologie spécifique des travaux de restauration des monuments historiques, qui a été élaborée au fil du temps par le ministère de la culture et dont le bien-fondé scientifique et la pertinence pour la qualité des restaurations ne sont plus à démontrer.

projet de réforme du système de nomination des notaires en alsace-moselle

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 1198, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Francis Grignon. Ma question porte sur le projet de réforme, qui se trouve actuellement à l'étude, du système de nomination des notaires en Alsace-Moselle.

Le système qui existe dans ces départements offre de nombreux avantages. Ainsi, les notaires sont nommés par le garde des sceaux sur proposition d'une commission composée paritairement de magistrats et de notaires et à partir d'une liste d'aptitudes constituée des lauréats à un concours.

Comme il est fondé uniquement sur la compétence et le mérite, le statut du notariat en Alsace-Moselle favorise l'égalité des chances et demeure un moyen de promotion sociale pour des personnes issues de milieux modestes. En effet, seul le concours permet d'accéder à cette profession, en dehors de toutes contingences financières et successorales, sauf peut-être dans certains cas de sociétés civiles professionnelles.

Par ailleurs, le statut du notariat en Alsace-Moselle est très proche de celui de certains de nos voisins européens, comme l'Allemagne, l'Italie, ou l'Espagne. Il est également très proche du statut dont se sont dotés la quasi-totalité des pays de l'Europe de l'Est nouvellement membres de l'Union européenne.

Le 8 octobre 2004, les notaires des trois départements ont, par un vote massif, manifesté clairement leur attachement à ce mode de recrutement.

À la lumière de tous ces éléments, serait-il possible de connaître les motifs de la réforme qui se trouve actuellement à l'étude, et éventuellement son calendrier, afin que tous les points de vue puissent s'exprimer lors de l'élaboration de ce projet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur Grignon, vous avez interrogé M. le garde des sceaux sur la situation du notariat en Alsace-Moselle, et voici les éléments qu'il m'a chargée de vous communiquer, en vous priant d'avoir l'obligeance de bien vouloir excuser son absence.

Un groupe de travail vient d'être mis en place afin de réfléchir, conjointement avec les intéressés, aux modes de nomination des notaires dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Le même travail est effectué avec les huissiers de justice, sur leur demande, en ce qui concerne la réintroduction du droit de présentation.

Ces études ont été initialement sollicitées par les huissiers et relayées par la commission d'harmonisation du droit local. Elles se justifient également au regard de la situation particulière du notariat alsacien-mosellan. En effet, la combinaison du droit alsacien-mosellan et du droit applicable sur tout le territoire a révélé des ambiguïtés, voire des contradictions. Ainsi, la forme de société civile professionnelle a été introduite en Alsace-Moselle sans que soit changé le mode de nomination. Celui-ci a donc partiellement perdu son ancienne cohérence et est devenu moins démocratique, la nomination dans les sociétés civiles professionnelles résultant le plus souvent d'une cooptation.

Quant à l'accès à la profession en « vieille France », il est plus aisé que par le passé, les candidats à la reprise d'une étude pouvant facilement obtenir un prêt grâce au soutien de l'Association notariale de caution.

Ces travaux doivent se poursuivre dans les semaines à venir pour connaître les enjeux, les positions de chacun et les orientations possibles, et ce toujours en concertation étroite avec les représentants de la profession.

Aucune décision n'a encore été prise : la réflexion est en cours avec les représentants locaux des professions. Quant à la commission d'harmonisation du droit local et au conseil consultatif du droit local, ils seront bien évidemment consultés.

En tout état de cause, cette réforme devrait être de nature législative. Elle interviendra donc probablement au cours de la prochaine législature.

Cette question me donne l'occasion de rendre personnellement un hommage appuyé à l'ensemble des notaires pour le rôle qu'ils jouent à l'échelon international, en particulier en diffusant le mode d'organisation de leur profession et le droit continental, notamment le droit français.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Madame la ministre, j'ai bien conscience du problème posé par les sociétés civiles professionnelles.

Je vous remercie de votre excellente réponse. L'essentiel est que tous les acteurs soient associés à cette réflexion afin que l'équilibre établi ne soit pas bouleversé.

cité judiciaire de Limoges

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 1203, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question porte sur la cité judiciaire de Limoges. Il s'agit d'un serpent de mer. S'il n'est pas protégé en Haute-Vienne, cet animal y prospère malgré tout, sans doute en raison du microclimat. (Sourires.)

J'ai été élu président du conseil général de la Haute-Vienne en 1982 et j'ai abandonné cette fonction en 2004. Je suis aujourd'hui vice-président de cette institution à laquelle je reste très attaché.

En  1982, lorsque la décentralisation a été mise en place, les crédits de la justice transitaient par les conseils généraux. C'est à ce titre que je fus amené à rétrocéder au ministère de la justice un terrain que mon prédécesseur avait acquis en centre-ville pour construire une cité judiciaire. Je l'ai beaucoup regretté par la suite, mais c'était un engagement qu'il me fallait tenir. Voilà donc plus de vingt-cinq ans que cette affaire est pendante. En effet, le terrain acquis est toujours en friche.

En tant que président du conseil général, j'ai fait rénover, sur un terrain contigu, des bâtiments pour y loger les services sociaux et les services de l'aménagement du conseil général.

Enfin, le conseil général a récemment acquis la caserne de la Visitation - un ancien couvent -, pour regrouper des services qui étaient de plus en plus dispersés dans la ville. Ce dernier projet est en voie de concrétisation : le démarrage des travaux est prévu à la fin de cette année et l'emménagement interviendra en 2010.

Ce redéploiement libérera les bureaux actuellement occupés par des services du conseil général. Ceux qui se trouvent actuellement toujours enclavés au sein de la préfecture de Limoges et qui regroupent les services centraux ont été acquis récemment par le ministère de la justice, avec convention d'occupation jusqu'en 2010.

Les locaux construits dans les années quatre-vingt pour les services sociaux et les services de l'aménagement du conseil général occupent une surface de 4 500 mètres carrés : ils comportent 135 bureaux, des salles de réunion et 170 places de parking. En outre, ils sont absolument contigus au terrain acquis en 1982.

Madame la ministre, dans la mesure où aucune programmation de construction d'une cité judiciaire n'est prévue, alors qu'elle est indispensable au regard des conditions extrêmement précaires dans lesquelles travaille la justice à Limoges - et elle travaille bien -, l'acquisition de tout ou partie des locaux construits par le conseil général dans les années quatre-vingt serait une réelle opportunité pour la Chancellerie. En effet, ces locaux peuvent facilement être séparés en deux lots, l'un de 2 500 mètres carrés, l'autre de 2 000 mètres carrés.

Ces locaux sont situés en centre-ville, à deux cents mètres du palais de justice. Ils sont très convoités par les agents immobiliers. Je sais, pour avoir alerté depuis longtemps les magistrats de Limoges, que ces derniers ont saisi M. le garde des sceaux. Or, à ce jour, aucune décision ferme n'a été prise.

Madame la ministre, la Chancellerie laissera-t-elle passer une occasion qui ne se représentera pas et qui permettrait de résoudre le problème des locaux de l'ensemble des personnels de la justice, dans des conditions financières très raisonnables ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous répondrai au nom de M. le garde des sceaux, que je vous remercie de bien vouloir excuser. Il m'a informée des difficultés que vous évoquez concernant la manière dont la justice est rendue dans la ville de Limoges.

La situation pratique dans laquelle les juridictions de Limoges rendent la justice - et elles la rendent bien ! - est complexe et elle a fait l'objet de nombreuses études depuis les années quatre-vingt-dix.

Si diverses opérations d'acquisition, de location et d'aménagement d'immeubles ont été réalisées à ce jour pour permettre le desserrement ou le relogement de certaines juridictions, en particulier le tribunal d'instance, le conseil des prud'hommes et le tribunal de commerce, le problème de déficit de surfaces et de dispersion des juridictions sur sept sites distincts demeure, ce qui pose des difficultés réelles de fonctionnement entre les services.

Pour remédier à cette situation qui n'avait pas échappé à l'attention du garde des sceaux, un projet de construction d'un nouveau palais de justice a été privilégié. Celui-ci regroupera tout ou partie des juridictions de premier degré sur le terrain auquel vous faisiez référence, qui a été acquis par le ministère de la justice non pas en 1982 mais en 1987 : les transactions prennent du temps ! En outre est prévue la réhabilitation des sites conservés.

Votre proposition de reloger les juridictions de Limoges dans l'immeuble appartenant au conseil général de la Haute-Vienne n'a pas non plus échappé à l'attention des services de la Chancellerie, qui en ont examiné l'opportunité. Néanmoins, elle n'a pas été retenue, en raison, d'une part, d'une différence assez importante de niveaux entre les diverses parties du bâtiment rendant l'accessibilité et la circulation difficiles, d'autre part, du manque de fonctionnalité des locaux pour un usage judiciaire, lequel subsisterait malgré les investissements très lourds à réaliser pour l'adaptation de ce bâtiment.

Afin de mener à bien le projet retenu de construction d'une cité judiciaire, le garde des sceaux a confié, au mois de mars 2006, à l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice, une mission d'études préalables, afin d'approfondir la programmation et de réunir toutes les conditions de faisabilité technique et économique de l'opération, dont le coût est d'ores et déjà estimé à 25 millions d'euros.

À ce jour, une réunion du comité de pilotage de cette opération est prévue le 1er février 2007 à Limoges pour présenter aux chefs de cour et aux chefs de juridiction l'état d'avancement des études de faisabilité en cours.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, qui a le mérite d'être claire. La décision qui a été prise n'affecte en rien le conseil général. Celui-ci aurait évidemment donné la priorité à un service public, mais il ne manque pas d'acquéreurs pour ce terrain.

Je comprends les raisons avancées, notamment celles qui touchent à l'agencement, car il est vrai que le nombre de salles peut être insuffisant. En revanche, les arguments relatifs à l'accessibilité me semblent moins recevables, puisque ces bureaux étaient occupés par les services sociaux, qui reçoivent du public.

Néanmoins, je suis inquiet : je me demande si le serpent de mer ne continuera pas à se développer, tout en restant toujours aussi invisible. Je crains que, dans les années à venir, les atermoiements ne soient tels que la construction ne se fasse pas ou ait lieu dans des délais extrêmement longs.

Acquérir ces locaux me semblait une opportunité financièrement beaucoup plus intéressante que cette construction.

Je prends acte de cette décision. J'en rendrai compte à la présidence du conseil général, qui mettra sur le marché les locaux en question.

saturation de l'axe autoroutier valence-orange

M. le président. La parole est à M. André Vallet, auteur de la question n° 1184, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. André Vallet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les problèmes que crée la saturation de l'autoroute A7, en particulier entre Bollène et Orange. En effet, ce tronçon est le théâtre de nombreux accidents, notamment de poids lourds, souvent spectaculaires, parfois dramatiques.

Aujourd'hui, les différents acteurs reconnaissent la saturation de cet axe autoroutier. Une campagne a été menée auprès du public et des élus locaux. Tous dressent le même constat et s'accordent sur la nécessité de travailler sur des modes alternatifs de transport eu égard aux impératifs environnementaux et énergétiques, conformément aux engagements de Kyoto.

L'acuité des questions environnementales et énergétiques, le développement durable et les modes alternatifs de transport doivent induire des actions réelles en faveur des transports ferroviaire, fluvial et maritime. Il y a urgence et il faut rendre ces modes de transport plus attractifs.

Il s'agit, bien évidemment, non pas d'écarter le mode routier, mais d'en réguler le flux et d'en limiter le développement au profit d'autres modes de transport. À l'instar de l'Allemagne, il est toujours possible de taxer le trafic de transit, afin d'inciter les décideurs économiques à utiliser d'autres modes de transport. Mais cette solution ne peut être efficace que si d'importantes actions sont menées en matière d'infrastructures et d'organisation, afin de rendre praticables ces modes alternatifs de transport. D'ailleurs, l'évolution prévisible du coût du baril de pétrole constitue, à terme, un puissant frein à l'utilisation des véhicules à moteur.

Selon le Conseil économique et social de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la région PACA, « une véritable politique volontariste de l'État est un préalable incontournable pour une plus grande cohérence dans les choix à opérer. Des mesures réglementaires et tarifaires incitatives doivent être mises en oeuvre, sans quoi les meilleures intentions ne déboucheront pas. »

Certes, nous ne manquons pas de bonnes intentions, mais la détermination politique est indispensable pour que notre bonne volonté se traduise dans les faits.

Les atouts du transport fluvial sont bien connus : celui-ci est moins coûteux, moins consommateur d'énergie, moins polluant et plus sécurisant par rapport à d'autres modes de transport. Selon Voies navigables de France, il semble que le trafic fluvial puisse être multiplié par cinq, sans que doive être engagé d'investissement complémentaire important.

À l'évidence, les possibilités de développement existent, mais il reste de nombreux efforts à accomplir, notamment en direction du débouché sud.

Un semblable développement vers le sud de la France permettrait sans doute de repositionner le port autonome de Marseille avec Fos, premier port de la façade méditerranéenne au service de trois régions françaises : Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et PACA.

Sur le plan ferroviaire, la percée sous le Montgenèvre permet d'espérer le transfert d'une partie du trafic de la vallée du Rhône et ouvre d'importantes perspectives s'agissant d'un axe reliant la péninsule ibérique, le nord de l'Italie et l'Europe de l'Est. Parallèlement, elle assurerait le désenclavement des territoires alpins, en particulier avec l'accès au réseau TGV via la liaison Lyon-Turin, et favoriserait le développement du port de Marseille.

Je voudrais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part des intentions du Gouvernement pour l'année 2007 afin de remédier à la saturation de certains axes autoroutiers, notamment de celui qui relie Bollène à Orange, pour lequel il est urgent d'agir.

Par ailleurs, je souhaite savoir si les modes alternatifs de transport ne seraient pas une solution à cet engorgement, et quelles dispositions rapides et efficaces compte prendre le Gouvernement pour rendre ces modes alternatifs de transport plus attractifs.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, les conséquences de la saturation du sillon rhodanien, tant pour les transports que pour les habitants des régions concernées, sont telles que les ministres chargés des transports et de l'écologie avaient demandé, en 2005, à la Commission nationale du débat public d'organiser un débat sur cette problématique. Nelly Olin et Dominique Perben ont donc présenté, le 4 décembre dernier, la décision prise par le Gouvernement.

Pour répondre, à court terme, aux difficultés d'engorgement de la vallée du Rhône, que vous mentionnez à juste titre, le Gouvernement a souhaité tirer le meilleur parti des infrastructures de transport existantes.

Il s'agit notamment d'améliorer la gestion et l'exploitation des autoroutes en recourant à des modulations tarifaires, en prévoyant des interdictions de doubler pour les poids lourds, ou encore en limitant les vitesses lors des périodes d'affluence.

Par ailleurs, des itinéraires complémentaires seront aménagés. Citons, à titre d'exemple, l'itinéraire Toulouse-Lyon, qui passe par la RN88 et qui sera progressivement mis à deux fois deux voies, l'achèvement de l'autoroute A75, ou encore la réalisation de l'enchaînement des autoroutes A48 et A51.

Dans le domaine ferroviaire et fluvial, il s'agit d'améliorer les services rendus. Ainsi, un cadencement des trains sera mis en place pour offrir une plus grande capacité et pour faciliter les correspondances. Le Gouvernement veut aussi poursuivre le développement des autoroutes ferroviaires de plaine avec, en particulier, la mise en service, au mois de mars prochain, de la liaison entre le Luxembourg et Perpignan.

Par ailleurs, tous ses efforts se concentrent sur le projet du Lyon-Turin ferroviaire pour permettre l'engagement de l'opération en 2010.

La mise en oeuvre de l'ensemble de ces dispositions permet de ne pas envisager, à court terme, l'élargissement des autoroutes A7 et A9, tel qu'il avait été soumis au débat public.

Enfin, est prévue la mise en place d'un observatoire partenarial des trafics qui permettra de mesurer le résultat des actions entreprises et d'adapter en conséquence la politique des transports dans la vallée du Rhône.

Telles sont, monsieur le sénateur, les réponses que je peux vous apporter au nom de Dominique Perben.

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. La Commission nationale du débat public indique effectivement, dans ses conclusions, qu'il n'est pas envisageable d'élargir l'autoroute actuelle. Cependant, elle a formulé des propositions pour 2007. Vous les avez évoquées, monsieur le ministre, mais vous n'avez pas précisé si elles allaient être mises en vigueur dans les prochains jours. Elles concernent, notamment, l'interdiction de doubler pour les poids lourds lors des périodes d'affluence - un décret sera-t-il pris en ce sens ? -, des limitations de vitesse, des modulations de tarifs en fonction du trafic.

Par ailleurs, je regrette, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas fait allusion au transport fluvial, qui peut apporter une réponse partielle au problème qui nous préoccupe.

reconversion de certains types de bâtiments agricoles

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 1199, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Bernard Piras. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur la reconversion de certains bâtiments agricoles.

Il s'agit de bâtiments d'élevage à ossature légère, dont le toit et parfois les murs sont en amiante. Ils ne présentent donc pas un intérêt architectural ou patrimonial leur permettant de bénéficier de l'application de l'article L. 123-3-1 du code de l'urbanisme et, par conséquent, de changer de destination.

Ces bâtiments désaffectés, souvent à l'abandon, détériorent le paysage et constituent un risque important de pollution. Leur démolition s'avère donc vivement souhaitable.

Or les règles strictes auxquelles sont soumises de telles démolitions rendent ces opérations très onéreuses, ce qui conduit les propriétaires à ne pas pouvoir, ou à ne pas vouloir, entreprendre ces travaux, pourtant nécessaires. Les élus municipaux se retrouvent ainsi totalement démunis, avec des friches agricoles disséminées sur leur territoire, et ne peuvent que constater la lente dégradation des bâtiments.

Une évolution réglementaire pourrait sans doute résoudre cette difficulté : elle consisterait à attribuer un droit à permis de construire à usage d'habitation, en contrepartie de la démolition du bâtiment d'élevage, ce droit pouvant être, par exemple, de 25 mètres carrés de surfaces hors oeuvre nettes, ou SHON, pour 100 mètres carrés de bâtiment démoli. Une condition pourrait être imposée, à savoir la vocation sociale, totale ou partielle, des logements créés.

Une telle solution permettrait de prendre en compte plusieurs enjeux : l'enjeu environnemental, par l'amélioration du paysage et l'élimination de matériaux dangereux ; l'enjeu social, par l'incitation de personnes privées à investir dans du logement social ; l'enjeu territorial, par la faculté de repeupler certains secteurs ; ou encore l'enjeu économique, par la possibilité offerte aux propriétaires d'exploitations en reconversion de bénéficier d'un revenu complémentaire.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il permettre l'évolution de la législation dans ce sens ou proposer d'autres réformes permettant la disparition de ces bâtiments tout en répondant aux différents enjeux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, il est toujours possible à un propriétaire de démolir un bâtiment désaffecté. Quelquefois, un permis de démolir est nécessaire.

En fait, votre question porte sur la possibilité de reconstruire, à la place de la ruine, en zone agricole.

Les zones agricoles dites « zones A » concernent les secteurs de la commune, équipés ou non, qui doivent être protégés en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles, selon l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme. La définition de celles-ci est plus restrictive que celle des anciennes zones dites « NC » des plans d'occupation des sols, puisque toute construction y est interdite, sauf celle des bâtiments relatifs à l'exploitation agricole et les constructions nécessaires au service public.

Ainsi, dans le cadre des zones A, il appartient au plan local d'urbanisme de définir les zones agricoles qui sont intégralement protégées, c'est-à-dire celles sur lesquelles toute construction, même agricole, est interdite et celles sur lesquelles ne sont autorisées que les constructions nécessaires à l'activité agricole.

Pour autant, les agriculteurs peuvent réaliser des constructions ou des installations, telles que les gîtes ruraux ou les auberges à la ferme, pour exercer des activités non agricoles qui leur permettent de diversifier leurs revenus. Cela répond en partie à votre question, monsieur le sénateur.

En effet, l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme permet, au sein d'une zone agricole, de dessiner des pastilles classées zones naturelles. Il autorise, dans ces petites zones, des constructions non agricoles, à condition que soient respectés la qualité des sites, les milieux naturels et les paysages. Cet article impose, évidemment, que ces pastilles soient de petites tailles et qu'elles n'offrent qu'une capacité de construction limitée, afin de respecter le caractère agricole global du territoire concerné.

Pour répondre totalement à votre question, monsieur le sénateur, il est possible, quand cela se justifie, d'appliquer l'article R. 123-8 du code précité autour des bâtiments à démolir, ce qui permettra, ensuite, de reconstruire. Il n'apparaît donc pas indispensable de modifier le code de l'urbanisme. Diverses solutions permettant de prendre en compte vos préoccupations existent.

Telle est la réponse que je peux vous apporter au nom de Dominique Perben.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas totalement, notamment pour ce qui concerne les bâtiments qui nécessitent un désamiantage onéreux. La faculté de les reconstruire n'étant pas offerte, les communes, plus que les agriculteurs eux-mêmes, sont confrontées à des difficultés. Le code de l'urbanisme mériterait d'être modifié afin d'apporter une solution à certaines situations.

décentralisation des aérodromes civils et compensation des transferts de charges

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 1210, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Michel Billout. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de transfert des aérodromes civils aux collectivités locales au 1er mars 2007, selon le processus de décentralisation prévu par l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Dans le département de Seine-et-Marne, les communes de Grandpuits et Clos-Fontaine se sont portées candidates à la reprise de l'aérodrome de Nangis-les Loges, le 28 juin 2006. Cet acte de candidature constituait un préalable indispensable à l'obtention des informations sur l'aérodrome et à l'ouverture de négociations relatives aux modalités de reprise de cet équipement.

Les communes se sont tournées vers la Direction générale de l'aviation civile, la DGAC, et le service spécial des bases aériennes d'Île-de-France pour obtenir des informations, notamment sur le montant des compensations. Aucune réponse satisfaisante ne leur a été apportée à ce jour.

Tout d'abord, l'inventaire et le diagnostic de l'état des biens appartenant à l'État devant être transférés n'ont pu être réalisés de manière précise et exhaustive, faute d'obtention d'informations sur la nature et l'étendue exacte des bâtiments concernés.

Ensuite, l'assurance du site, prise en charge auparavant par l'État pour ce type d'installation, l'État étant son propre assureur, ne fait l'objet d'aucune compensation de la charge nouvelle, qui devra pourtant être supportée par la collectivité locale candidate

Enfin - et ce point me paraît très important -, un diagnostic amiante, effectué au mois d'octobre 2005, à la demande de la DGAC, sur un nombre restreint de bâtiments dont l'État est propriétaire, relevait la présence de nombreux produits contenant cette substance dégradée. La situation est donc particulièrement dangereuse.

Un rapport assorti de préconisations a été rendu. Certaines de ces recommandations devaient être exécutées dans un délai de trente-six mois.

Les élus de ces deux communes ont constaté qu'aucune décision n'avait été prise par les services de l'État pour mener les travaux de remise aux normes. Les demandes des communes d'obtenir un engagement de l'État sur une compensation financière correspondant au montant des travaux sont restées à ce jour sans réponse.

Quant au diagnostic amiante concernant les bâtiments restants, non encore réalisé, la DGAC s'est engagée le 24 janvier dernier à en effectuer la réalisation courant 2007, bien après la signature de la convention de transfert.

Qu'en sera-t-il du financement des travaux de désamiantage après expertise ?

Un diagnostic relatif à l'état des sols et sous-sols de l'aire d'avitaillement en carburant des avions, demandé par les collectivités, n'a pas été engagé, sous le prétexte que cette mesure n'est pas obligatoire, alors même que la cuve est à simple paroi, dispositif dont la loi prévoit la disparition à l'horizon 2010.

La nappe de Champigny, qui fournit la ressource en eau potable d'une partie importante de notre département, ne mérite-t-elle pas plus d'égard de la part des services de l'État, alors qu'elle est déjà particulièrement fragilisée ? Qui, demain, sera responsable en cas de pollution des nappes phréatiques ?

Ne pensez-vous donc pas, monsieur le ministre, que la date du transfert mérite d'être reportée, afin que les communes puissent obtenir l'ensemble des informations concernant les coûts réels de gestion et de réhabilitation de cet équipement avant de prendre leur décision, ou qu'il serait inacceptable, dans ces conditions, qu'elles se le voient imposer, contre leur gré, par décision préfectorale, comme le prévoit la loi ?

Plus généralement, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les mesures que vous comptez prendre pour que le transfert de propriété des aérodromes civils s'effectue dans une plus grande transparence et dans le strict respect de l'article 72-2 de la Constitution qui dispose : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. »

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de rappeler les principes prévus par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales en matière de compensation des transferts de charges.

Pour pouvoir assumer ses nouvelles compétences, chaque collectivité territoriale bénéficiaire du transfert d'un équipement se voit attribuer les moyens, financiers et humains, que l'État consacrait aux missions transférées, dans le strict respect du principe de juste compensation inscrit dans notre Constitution.

En termes financiers, notamment, les collectivités concernées disposeront, à compter de l'entrée en vigueur du transfert, de ressources équivalentes aux dépenses de l'État en moyenne actualisée sur les dernières années, aussi bien en investissement qu'en fonctionnement.

L'aérodrome de Nangis-les-Loges, terrain d'aviation générale, est à ce jour exploité par l'État en régie directe. L'État y perçoit des redevances pour services rendus acquittées par les usagers, ainsi que des redevances domaniales versées par les occupants du domaine public. Sur cet aérodrome, ces produits excèdent les charges consacrées par l'État à l'exercice des missions transférées. Ce produit sera perçu par la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert, la commune de Grandpuits-Bailly-Carrois, à la disposition de laquelle, en outre, des personnels seront mis à disposition en 2007. Cette commune se verra ensuite attribuer, à partir de 2008, une compensation financière équivalente au coût desdits personnels.

L'ensemble de ces moyens permettra à la commune de faire face à ses nouvelles responsabilités, notamment en matière d'assurances.

Un diagnostic technique concernant l'amiante de l'aérodrome a été effectivement réalisé en octobre 2005 et révélait une situation relativement préoccupante. Le montant des opérations préconisées est en cours d'estimation et une solution appropriée sera proposée dans les meilleurs délais à la collectivité concernée.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Cependant, elle ne me satisfait pas totalement.

La rétrocession de cet équipement doit avoir lieu en mars 2007, alors même que de grandes zones d'ombre subsistent, notamment quant à la présence d'amiante dans les bâtiments où travaillent aujourd'hui des salariés d'entreprises privées, ces bâtiments étant loués par l'État à ces dernières.

Il faut bien avouer que l'attitude de l'État en la matière n'est pas tout à fait exemplaire. Je vous demande, monsieur le ministre, d'intervenir fermement auprès des services concernés pour que cesse très rapidement cette situation.

Si le désamiantage doit incomber aux collectivités qui reprendront l'équipement, il est important d'avoir un diagnostic très précis et une évaluation des coûts. Or certains bâtiments sont encore en attente d'un diagnostic. Vous comprendrez donc que l'échéance de mars 2007 soit inopportune pour la conclusion d'un accord.

instauration de diverses mesures en faveur du développement durable

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 1214, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Thierry Repentin. La très forte croissance du transport des poids lourds génère de grandes nuisances partout en Europe.

Certains pays de l'arc alpin, la Suisse et l'Autriche, en particulier, ont pris des mesures volontaristes afin de limiter le trafic et de promouvoir le transport combiné rail-route.

Cette prise de conscience gagne progressivement les autres pays européens, mais la France reste sourde à l'appel de ses citoyens concernant la question environnementale. C'est d'autant plus dommageable que sa position géographique centrale en fait une plaque tournante du transit routier au sein du continent européen.

Certains axes sont particulièrement encombrés, notamment ceux qui correspondent aux grandes liaisons Nord-Sud de l'Europe.

C'est le cas de deux des trois passages alpins, l'axe Nice-Vintimille et l'axe Chambéry-Turin, via la Maurienne et le tunnel du Fréjus. C'est aussi le cas de l'autoroute A31, en Lorraine, dont la gratuité ne fait qu'accroître l'attractivité vis-à-vis des autoroutes alsaciennes et allemandes payantes.

Lors du comité interministériel du développement durable du 13 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé diverses mesures en faveur du développement durable. Il a aussi précisé que le ministre des transports lancerait prochainement un appel à projets auprès des grandes agglomérations, alors même que, dans la loi de finance pour 2007, est confirmée la suppression totale des crédits de soutien au développement des transports publics, malgré les nombreux appels de grandes associations d'élus, notamment le GART, le groupement des autorités responsables de transports, et l'AMGVF, l'association des maires des grandes villes de France, et les recommandations contenues dans le récent rapport de mes collègues Alex Türk et Pierre André.

Dans son discours du 13 novembre dernier, le Premier ministre indiquait que l'instauration de péages urbains et de nouveaux modes de gestion du stationnement serait envisageable, ainsi que le préconisent dans leurs rapports divers parlementaires, notamment notre collègue Roland Ries.

Dans les faits, l'actuelle majorité a constamment rejeté tout amendement faisant évoluer les dispositions législatives en la matière, qu'il s'agisse de l'instauration du péage urbain ou de la décentralisation du stationnement payant.

Nous ne voyons pas venir les mesures attendues et tant annoncées concernant le nécessaire rééquilibrage entre les différents modes de transport de marchandises. En France, le rail recule tous les jours face à la route, et la désertification ferroviaire de certaines zones de notre pays a déjà commencé.

L'instauration, à titre expérimental, d'une taxe sur les camions en Alsace est un franc succès et nous en convenons aisément de concert avec vous.

Cependant, il reste à appliquer cette mesure à l'ensemble du territoire national en transposant rapidement en droit français la directive du Parlement européen du 17 mai 2006 relative à la taxation des poids lourds, mesure dite « eurovignette ».

Le rééquilibrage rail-route, l'optimisation de l'usage des infrastructures, la lutte en faveur de l'environnement, tout cela passe par la généralisation de cette mesure à l'ensemble du territoire français.

Le mal est connu ; des solutions ont de longue date été proposées par la voie parlementaire et l'Europe a d'ores et déjà ouvert la route.

Quand donc allons-nous passer à l'action et donner des preuves de notre volonté d'instaurer au plus vite des mesures concrètes, comme la mise en place de l'eurovignette ou les péages urbains pour les agglomérations qui seraient candidates à des expérimentations et à la décentralisation du stationnement payant ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, dans le cadre de l'actualisation du plan climat, approuvé lors du comité interministériel de développement durable du 13 novembre dernier, un appel à projets auprès des collectivités a été lancé. Il doit permettre de susciter des initiatives locales, concrètes et opérationnelles, pour répondre à l'objectif d'améliorer la qualité de vie en ville, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de rendre les déplacements plus faciles.

S'agissant des investissements des collectivités en matière de transports collectifs urbains, j'ai le plaisir de vous confirmer que Dominique Perben a trouvé un accord, à la fin de l'année 2006, avec le groupement des autorités responsables de transport et l'Association des maires des grandes villes de France, pour compléter les aides d'État affectées aux projets décidés avant 2006 à hauteur de 50 millions d'euros et solder ce dossier. Les prochaines subventions seront désormais inscrites dans les contrats de projets État-région, actuellement en cours de négociation.

Quant à la nouvelle directive, dite « eurovignette », elle est entrée en vigueur le 9 juin 2006. Elle doit donc être transposée par voie législative dans un délai de deux ans, soit d'ici au 10 juin 2008.

Quelques mesures techniques sont obligatoires, dont la plus significative, qui s'appliquera à partir de 2010, concerne la modulation des péages en fonction des normes Euro de pollution des poids lourds.

Sans attendre la transcription de cette directive, Dominique Perben a confié une mission à Jean-Pierre Beltoise afin qu'il propose des mesures pour encourager l'utilisation des véhicules les plus propres grâce à une modulation environnementale des péages. Celui-ci devrait rendre son rapport dans les prochaines semaines.

Par ailleurs, le projet de décret nécessaire à la mise en place effective d'une taxe sur les poids lourds circulant sur certaines routes en Alsace sera très prochainement transmis au Conseil d'État après une phase de concertation approfondie.

S'agissant du rééquilibrage rail-route, le débat public sur la problématique des transports dans la vallée du Rhône et sur l'arc languedocien organisé entre le 27 mars et le 20 juillet 2006 a montré que la priorité était donnée aux modes de transport non routiers, notamment à l'optimisation des infrastructures existantes.

L'évolution du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, dont 60 % des crédits en 2007 seront consacrés aux transports ferroviaires, maritimes et fluviaux, illustre également l'inflexion que le Gouvernement entend donner à la politique des transports. Cette évolution devra naturellement se poursuivre.

Telle est la réponse que je peux vous apporter au nom de Dominique Perben, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments d'informations.

Je profite de votre présence, à la veille du débat sur le projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui s'ouvrira demain dans cet hémicycle, pour vous indiquer qu'un certain nombre de parlementaires ont déposé un amendement visant à faciliter l'utilisation du chèque transport.

Cette disposition, qui a été actée, ne peut s'appliquer qu'à travers l'émission d'un titre de transport. Cet amendement tend à faire en sorte que ce dernier puisse être pris en compte sur la fiche de paye de tout salarié qui, contre un justificatif, pourrait se voir aidé par l'employeur dès lors qu'il utilise les transports en commun sur le périmètre de vie qui est le sien.

C'est une mesure de simplification qui va dans le bon sens, me semble-t-il, par rapport à votre réponse, et qui permettra de réaliser des économies : il ne sera plus obligatoire d'avoir un chèque matérialisé, en quelque sorte.

Par ailleurs, beaucoup de nos concitoyens, aujourd'hui, prennent leurs abonnements soit à un guichet automatique, soit par Internet ; un chèque transport qui serait émis préalablement les contraindrait à s'adresser à un guichet spécifique.

J'espère que M. le ministre des transports sera ouvert à cette proposition, qui doit être actuellement à l'étude dans ses services. Je vous remercie de vous faire notre interprète auprès de lui, monsieur le ministre.

reprise de médicaments et matériels médicaux non utilisés

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, auteur de la question n° 1209, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le ministre, je suis très sensible au fait que vous soyez présent alors que ma question sera la seule qui vous sera adressée.

Je souhaite aborder un sujet qui me paraît préoccupant.

Lorsque l'on connaît l'augmentation exponentielle des dépenses de sécurité sociale, que l'on sait que le Gouvernement fait du ralentissement de ces dépenses l'une de ses priorités, on peut se poser la question des dépenses entraînées du fait des hospitalisations à domicile.

En effet, quand une chimiothérapie se fait à domicile, les produits sont apportés chez le patient dans la quantité nécessaire. Or il peut s'avérer que le malade ne supporte pas le traitement, dont le coût est particulièrement élevé ; le traitement doit alors être modifié. Il peut aussi arriver, malheureusement, que le patient décède avant la fin du traitement.

Jusqu'alors, ces médicaments n'étaient pas restitués aux hôpitaux et étaient confiés soit à des pharmacies soit à des organismes humanitaires pour être expédiés vers des pays connaissant des besoins en la matière.

Or, nous le savons, un tel système doit être supprimé par le projet de loi, actuellement en discussion, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament. Dans ces conditions, quel sera le sort de ces produits ?

Par ailleurs, ne serait-il pas possible de permettre à un infirmier, ou à une infirmière, diplômé d'État, donc assermenté, d'assurer lui-même le tri des médicaments et des matériels utilisés lorsqu'ils n'ont pas été éventés ? Ce faisant, les produits ne seraient pas indûment facturés aux patients qui ne les auraient pas utilisés et les organismes de sécurité sociale ne seraient pas contraints de les rembourser.

Monsieur le ministre, cette mesure entraînerait très certainement des économies tout à fait importantes. Je vous remercie de me préciser ce qui pourrait être envisagé dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame Dupont, à mon tour, je vous remercie non seulement de votre question, mais surtout de la proposition que vous faites au Gouvernement. Si ma réponse aujourd'hui reste, bien sûr, partielle, je suis tout à fait prêt à approfondir ce sujet avec vous.

Les structures d'hospitalisation à domicile constituent des établissements hospitaliers, qui sont régis à ce titre par la carte sanitaire. Elles permettent d'assurer des soins continus et coordonnés, différents par la complexité et la fréquence des actes de ceux qui sont habituellement dispensés à domicile, notamment les services de soins infirmiers à domicile.

Nous avons ainsi prévu un programme d'augmentation du nombre de places d'hospitalisation à domicile, qui se met en oeuvre très rapidement : en 2002, on comptait environ 3 000 places, contre 8 000 aujourd'hui, et leur nombre devrait atteindre 15 000 d'ici à 2010. Il s'agit donc d'un effort considérable pour soigner à leur domicile les malades qui ont besoin d'une hospitalisation, au lieu de les contraindre à se rendre jusqu'à l'hôpital.

La prise en charge d'une hospitalisation à domicile est assurée dans le cadre de la tarification à l'activité commune à l'ensemble des établissements de santé. Elle comprend une facturation par groupe homogène de séjour, ou GHS, certains médicaments et dispositifs médicaux étant facturables en plus de ce GHS.

Dans tous les cas, il appartient à l'hôpital d'optimiser les traitements, afin d'éviter au maximum les coûts inutiles.

À l'heure actuelle, la règle est la suivante : les procédures de récupération des matériels et médicaments, qui, effectivement, peuvent être restés inemployés, pour de multiples raisons que vous avez vous-même mentionnées, doivent être prévues au sein de la structure gestionnaire de l'hospitalisation à domicile, dans la mesure où les structures d'hospitalisation à domicile constituent des établissements hospitaliers.

Par conséquent, la règle applicable à ces établissements hospitaliers à domicile est la même que celle qui s'applique aux autres établissements. C'est la raison pour laquelle il n'existe pas, actuellement, de possibilité de restitution de tels produits, notamment à des officines, même par l'intermédiaire d'une infirmière libérale. Tous les produits doivent être repris par la structure d'hospitalisation à domicile et être ensuite utilisés ou détruits dans les règles normales de l'hospitalisation.

Au demeurant, votre souhait d'élargir les missions des infirmiers et des infirmières diplômés d'État, afin qu'ils puissent décider du sort de ces matériels, est intéressant. Je m'engage donc à étudier cette possibilité avec vous, en liaison avec les services du ministère de la santé et des solidarités.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mon souci est de limiter les dépenses inconsidérées que pourrait avoir à rembourser la sécurité sociale. À l'évidence, il serait pour le moins malvenu d'imputer un débours à un patient qui n'aurait pas utilisé des médicaments. Ce serait fort désagréable pour lui !

Il faudrait éviter ce genre de situations, qui sont préjudiciables d'un point de vue non seulement psychologique, mais également financier. En effet, le produit ainsi restitué à l'hôpital pourrait être utilisé au profit d'un autre patient et ne ferait l'objet que d'un seul remboursement par la sécurité sociale.

conditions d'enseignement de l'éducation physique et sportive

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 1213, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Bernard Vera. Le projet de décret modifiant les décrets relatifs aux obligations de service du personnel enseignant du second degré et les décrets relatifs à leurs statuts particuliers intervient alors même que la réduction drastique des effectifs, entamée il y a deux ans, entraîne une dégradation alarmante des conditions d'enseignement, en particulier pour l'éducation physique et sportive, l'EPS.

Motivée avant tout par des raisons d'économie budgétaire, cette réforme qui vise à banaliser l'affectation des professeurs sur trois établissements, à imposer la bivalence et à réduire les moyens des associations sportives, va inévitablement fragiliser l'enseignement de l'EPS.

Les règles de compléments de service dans un autre établissement, collège ou lycée de la même commune ou d'une autre commune, sans restriction de distance ni financement supplémentaire, ne feront que priver les professeurs d'éducation physique et sportive des moyens de s'impliquer pleinement dans une équipe et d'y élaborer des projets d'enseignement, ainsi que des moyens de suivre l'évolution de leurs élèves d'une année à l'autre.

La possibilité, pour ne pas dire l'obligation, qu'un professeur d'EPS effectue le complément de service dans une autre discipline ou, à l'inverse, qu'un enseignant d'une autre matière enseigne l'EPS, sans qualification avérée, n'est pas plus rassurante.

Il me paraît en effet difficile, pour un professeur d'éducation physique et sportive, enseignant quelques heures de mathématiques ou de français, d'incarner un véritable gage de réussite pour les élèves. De même, que faudrait-il penser de la possibilité pour un autre professeur d'enseigner l'EPS sans garantie de formation ? La qualification STAPS ainsi que les qualifications en sauvetage et en secourisme sont en effet requises pour l'enseignement de l'éducation physique et sportive.

En outre, vous conditionnez le principe du forfait de trois heures consacrées à une association sportive au fonctionnement même de cette association et vous le laissez à l'appréciation du chef d'établissement. Vous le savez bien, cela pose inévitablement la question de la fragilisation de ces associations sportives et celle du risque de leur disparition progressive.

Je dois noter que cette dernière mesure intervient au moment même où la baisse des dotations horaires est susceptible de confronter les académies et les établissements à des choix complexes.

Il me paraît donc important de rappeler ici le rôle essentiel joué par l'enseignement de l'éducation physique et sportive, en particulier par les associations sportives, dans la formation fondamentale des élèves, notamment des jeunes filles, y compris dans les zones rurales et dans les zones difficiles.

C'est un lieu d'apprentissage du vivre ensemble, de la découverte et du respect de l'autre. Il permet à un million de collégiens et de lycéens de s'épanouir en pratiquant volontairement des activités physiques et de participer à des rencontres.

Il me semble essentiel, dans ces conditions, de renoncer à ces réformes et de rechercher, en concertation avec les enseignants et leurs organisations syndicales, les possibilités d'améliorer non seulement les conditions d'exercice du métier d'enseignant, mais également les modalités de fonctionnement des établissements.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur Vera, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. de Robien, qui m'a chargé de vous répondre en son nom.

Non, monsieur le sénateur, la lecture que vous faites de ce projet de décret n'est pas conforme à la réalité ! Il n'est en aucun cas question de remettre en cause les missions, les services ou les qualifications des enseignants d'éducation physique et sportive. Il n'est pas plus question d'obliger tous les enseignants à effectuer des services partagés entre plusieurs établissements, alors même que cela n'est pas nécessaire.

Ce projet de décret énonce au contraire plusieurs garanties, qui sont clarifiées et simplifiées par rapport à celles qui figurent dans des textes remontant à 1950.

S'agissant d'abord du complément de service effectué par des professeurs dans un autre établissement, ce qui est souvent le cas, vous le savez, dans des collèges ou des lycées de petite taille en milieu rural, le projet de décret permet la reconnaissance d'une réduction de service et d'un complément de salaire.

S'agissant ensuite plus particulièrement des professeurs d'EPS, le décret confirme que trois heures hebdomadaires sont consacrées à l'animation et à l'entraînement sportifs, conformément aux statuts de ces enseignants. En outre, ce texte apporte à ces professeurs une reconnaissance professionnelle et éducative, qui était absente des décrets de 1950. Il consacre l'importance du sport, dont les vertus sont définies et rappelées dans le socle commun des connaissances et des compétences.

S'agissant enfin, monsieur le sénateur, de la possibilité pour un professeur de compléter son service dans une autre discipline, celle-ci est bien inscrite dans ce projet de décret. Mais, cela va de soi, cette possibilité est impérativement liée à la nécessité de maîtriser les compétences nécessaires à l'enseignement d'une autre discipline. Compte tenu de la spécificité de l'éducation physique et sportive, il est obligatoire que le professeur volontaire soit titulaire des diplômes et des titres exigés pour cet enseignement, en particulier dans le domaine du secourisme et de l'aptitude au sauvetage aquatique.

Pour terminer, je vous précise que la possibilité d'enseigner dans deux disciplines, autrement dit la « bivalence », connaît un succès croissant chez les futurs professeurs. Ils étaient un peu plus de 7 500 à la session 2006 des CAPES à se porter candidat à une mention complémentaire conduisant à cette bivalence. Ils sont 8 500 à la session 2007. C'est la preuve, s'il en fallait une, que, contrairement à ce que vous déclarez, les professeurs ne se sentent pas en danger, mais se considèrent comme partie prenante d'un service public que le sens de l'innovation rend encore plus attractif, surtout lorsqu'il est au service de la réussite des élèves.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention.

Certes, la reconnaissance de trois heures consacrées à l'animation des associations sportives est un élément positif : si cela n'apparaissait effectivement pas dans les décrets précédents, depuis vingt ans, force est de reconnaître que la mobilisation des enseignants a permis l'existence du forfait de trois heures.

M. François Goulard, ministre délégué. Le voilà aujourd'hui reconnu !

M. Bernard Vera. Cela étant, ce projet de décret prévoit deux restrictions importantes.

Premièrement, la notion de forfait est précisément supprimée, ce qui ne la rend plus du tout automatique. Deuxièmement, la fixation de ces heures sera à la disposition du chef d'établissement. Dès lors, chacun le sait, avec la pression imposée par la dotation horaire globale, le risque sera grand qu'un tel choix se fasse au détriment des associations sportives, ce qui, à mes yeux, n'est pas acceptable.

Par ailleurs, je vous précise que mon interprétation de ce projet de décret, que vous semblez remettre en cause, est également celle de nombre de membres du corps enseignant en éducation physique et sportive. Vous avez fait le choix le 18 décembre 2006, puis le 20 janvier dernier, de ne pas tenir compte de l'inquiétude et de la colère qu'ont massivement exprimées les enseignants.

Vous en rajoutez même avec l'annonce de la suppression de 6 000 postes, toutes disciplines confondues, à la prochaine rentrée scolaire. C'est un chiffre plus élevé encore que celui qui est inscrit au budget pour 2007, ce qui n'est pas fait pour rassurer. En tant qu'élu du département de l'Essonne, vous comprendrez que la suppression de 500 postes dans la seule académie de Versailles me concerne tout particulièrement. Cette surenchère est une véritable provocation.

Monsieur le ministre, le 8 février prochain, les enseignants d'éducation physique et sportive, avec l'ensemble de leurs collègues, seront de nouveau dans la rue. Je serai bien entendu à leur côté pour soutenir ce que j'estime être une juste revendication. J'espère qu'à cette occasion ils seront enfin entendus.

évolution de la réglementation européenne dans le domaine des spiritueux

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, en remplacement de M. Henri de Richemont, auteur de la question n° 1201, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mme Bernadette Dupont. C'est au nom de mon collègue Henri de Richemont que j'interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'évolution actuelle de la réglementation européenne dans le domaine des spiritueux est de nature à remettre en cause les efforts consentis par les producteurs de produits à appellation d'origine contrôlée tels que le cognac - vous comprendrez l'intérêt que porte M. de Richemont au sujet - pour lutter contre les véritables fléaux que constituent la contrefaçon et la piraterie commerciale.

En effet, après avoir assuré pendant des décennies la traçabilité de l'appellation d'origine cognac, en exigeant un entreposage de ce produit séparément des autres spiritueux dans des chais dits « jaune d'or » et en le faisant circuler sous couvert de documents spécifiques, les acquits jaunes, la réglementation française a assuré le suivi de cette appellation en habilitant l'interprofession, en charge de la gestion des mouvements et des stocks, à délivrer le certificat d'authentification de l'appellation. Le régime applicable aujourd'hui se fonde, en particulier, sur un certificat d'origine que seul le Bureau national interprofessionnel du cognac, le BNIC, est habilité à délivrer.

Ce dispositif est en tout point conforme à l'habilitation des États membres par la Commission européenne à mettre en place « un système de documents d'authentification afin d'éliminer les fraudes et les contrefaçons ». Une telle habilitation est visée au paragraphe 2 de l'article 10 du règlement CEE n° 1576/89 établissant les règles générales relatives à la définition, à la désignation et à la présentation des boissons spiritueuses.

Toutefois, à l'occasion de la refonte du règlement précité et des négociations en cours au Conseil des communautés, il ressort que ce dispositif d'habilitation n'est pas repris. Or, devant l'ampleur des dégâts économiques causés, un tel dispositif aurait pu être harmonisé à l'échelon communautaire, en particulier pour tous les produits à indications géographiques bénéficiant d'une forte notoriété.

Monsieur le ministre, dans un contexte de lutte contre les contrefaçons, auquel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est également sensible, et dans l'attente de l'harmonisation européenne des instruments de lutte, les efforts déployés par les États membres pour protéger les consommateurs et notre économie doivent être maintenus et le dispositif communautaire repris dans le texte qui se substituera au règlement CEE n° 1576/89.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Madame le sénateur, vous posez une question au nom de M. Henri de Richemont et je vous réponds au nom de M. le ministre Dominique Bussereau, qui me prie de bien vouloir vous présenter ses excuses pour son absence de ce matin.

Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, comprend parfaitement le souhait exprimé par Henri de Richemont de voir maintenues, dans le règlement relatif aux boissons spiritueuses en cours de discussion au Conseil et au Parlement européen, les dispositions de l'article 10 du règlement CEE n° 1576/89 permettant aux États membres d'appliquer sur leur territoire des règles spécifiques concernant la circulation des produits bénéficiant d'une indication géographique. Ainsi, chaque État membre, dans la mesure où il le souhaitait, pouvait fixer ses propres règles concernant la circulation des produits.

L'actuel projet de règlement va plus loin encore. En effet, il prévoit que, dans le cadre d'une politique de qualité pour les boissons produites sur leur territoire, les États membres peuvent établir des règles plus strictes que celles du règlement pour la production, la désignation ou la présentation et l'étiquetage.

Les mesures concernant la circulation, dont le cadre général était fixé par le règlement, sous réserve de dispositions différentes prises par les États membres, ne figurent plus du tout dans le projet de règlement actuellement en discussion au Conseil et au Parlement. De fait, elles sont considérées comme relevant de la subsidiarité.

En conséquence, le régime de circulation spécifique du cognac doit pouvoir être maintenu. De même, la délivrance des certificats d'authentification de l'appellation pourra continuer à être assurée par le Bureau national interprofessionnel du cognac, dans la mesure où le futur règlement laissera aux États membres la possibilité de fixer les règles de circulation, dans la limite de l'application du principe de subsidiarité.

La réponse du ministre de l'agriculture et de la pêche me semble claire. Par ailleurs, elle répond très exactement aux voeux de M. Henri de Richemont.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, que je transmettrai à mon collègue.

difficultés des établissements d'enseignement technique agricole

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 1208, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mme Marie-France Beaufils. Nous assistons, depuis 2003, à une dégradation constante des moyens alloués à l'enseignement technique agricole public ; cela a été évoqué à plusieurs reprises par les personnels et a été rappelé dans cette assemblée, en particulier lors du vote du budget.

Toutefois, il semble que M. Bussereau ne soit pas très réceptif à ce qui est martelé depuis trois ans. En effet, il persiste dans une politique qui ne fait qu'aggraver la situation de l'enseignement agricole, dont tout le monde reconnaît la qualité et l'efficacité en termes de débouchés.

Lors d'une précédente discussion, M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ne reconnaissait que la suppression de huit emplois pour l'enseignement public agricole dans le budget pour 2007. Mais ce sont, en réalité, 548 emplois qui auront disparu depuis le début de la législature, dont 48 pour le budget 2007.

Dans la loi de finances, M. le ministre se glorifiait de ne remplacer que trois départs en retraite sur quatre dans ce secteur. Or le Gouvernement a plafonné le recrutement, ce qui a conduit de nombreux établissements à refuser des élèves faute de moyens pour les accueillir.

En outre, et c'est la cerise sur le gâteau, si vous me permettez l'expression, l'interdiction de redoublement pour les élèves de terminale qui n'ont pas réussi leur examen vient s'ajouter à l'ensemble de ces mesures, privant ainsi malheureusement certains jeunes d'une nouvelle chance. Cela me semble totalement anti-pédagogique et peut être lourd de conséquences pour ceux dont on n'accepte pas le moindre échec.

La situation devient grave. L'enseignement agricole public, déjà minoritaire, a vu sa part se réduire de deux points, pour ne représenter aujourd'hui que 38 % du total des effectifs.

Les conséquences de cette politique d'austérité sont inquiétantes pour les élèves et pour les enseignants : les horaires des enseignements obligatoires ont été réduits ; de nombreux dédoublements ont été supprimés dans plusieurs disciplines ; les heures de soutien, qui contribuaient à remettre à niveau les élèves en difficulté, ont été annulées dans de nombreuses formations ; les enseignements facultatifs ont été diminués de façon drastique. On assiste ainsi à des suppressions d'emplois contractuels.

Cette réalité n'est pas contestable ! Jusqu'à ce jour, comme moyen de défense pour justifier cette politique, M. le ministre invoque le contexte budgétaire difficile. Mais celui-ci dépend en fait des décisions du Gouvernement, qui a organisé sciemment la baisse des impôts pour les plus riches et amoindri ainsi les ressources de l'État.

Le prétexte de la réduction du déficit public a bon dos ! Les choix budgétaires effectués pendant toute la législature ont eu comme fil conducteur l'affaiblissement des services publics en direction des citoyens, au profit du renforcement de ce que le Gouvernement appelle les pouvoirs régaliens.

Le budget pour 2007 n'a pas dérogé à la règle. On enregistre une baisse de 10,54 millions d'euros pour l'enseignement agricole public, quand l'enseignement agricole privé bénéficie d'une augmentation de 6,72 millions d'euros.

Vous semblez donc prendre pour cible l'enseignement public agricole. Vous l'avez affaibli depuis trois ans, tout en déclarant qu'il obtenait de bons résultats. C'est une drôle de façon de le soutenir ! C'est surtout faire peser sur lui un risque très lourd d'être dans l'impossibilité de poursuivre sa mission.

Comptez-vous prendre des mesures pour que cet enseignement puisse répondre aux besoins du secteur agricole, de l'aménagement et du développement de nos territoires, et pour qu'il puisse assurer sa mission d'insertion scolaire, dont tout le monde vante l'intérêt ? Cela serait d'ailleurs conforme à la loi d'orientation agricole de 1999.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Dominique Bussereau, qui m'a chargé de vous répondre en son nom au sujet de l'enseignement agricole public. Il s'agit d'un domaine que je connais également.

La dotation globale horaire attribuée aux lycées agricoles publics permet de couvrir l'intégralité des enseignements obligatoires et des dédoublements prévus par les programmes dans les classes ouvertes pour l'année scolaire 2006-2007.

S'agissant du contexte budgétaire, c'est un autre débat. Mais nous assumons cette politique nécessaire de maîtrise des dépenses publiques.

La dotation a été quasiment maintenue par rapport à l'année scolaire précédente. Pour la prochaine année scolaire, le budget voté par les assemblées parlementaires garantit une stabilité des moyens.

Dans la loi de finances pour 2007, le Gouvernement a de nouveau porté une attention particulière à l'enseignement technique agricole, tant public que privé. Il a en particulier conforté l'accompagnement éducatif, pédagogique et social des élèves en consolidant trois postes particulièrement importants.

Tout d'abord, les crédits consacrés aux assistants d'éducation progressent de 5 %, ce qui est essentiel pour assurer un bon encadrement des nombreux élèves accueillis dans les internats de nos établissements. Nous le savons, c'est une spécificité de l'enseignement agricole.

Ensuite, les crédits relatifs au remplacement des personnels augmentent de 1,8 % pour assurer la continuité pédagogique et le bon fonctionnement des établissements.

Enfin, l'aide sociale aux élèves est confortée.

En matière d'emploi, l'enseignement a également été préservé. Le taux de renouvellement des postes à la suite des départs à la retraite est plus élevé chez les enseignants que chez les autres catégories d'agents : trois départs à la retraite sur quatre seront remplacés, c'est incontestable, et ce ratio est le même qu'à l'éducation nationale. Au final, ce sont seulement huit emplois d'enseignants qui seront supprimés dans l'enseignement public et dix emplois dans l'enseignement privé.

Madame la sénatrice, ces efforts réalisés par le ministère de l'agriculture et de la pêche dans le contexte que nous connaissons constituent, à l'évidence, la traduction d'une détermination forte du Gouvernement à préserver la spécificité de l'enseignement agricole au sein de notre système éducatif, sa qualité, son ancrage dans nos territoires, en particulier dans les territoires ruraux.

En conclusion, votre inquiétude est largement entendue et nous donnons à l'enseignement agricole public les moyens d'un fonctionnement de qualité, qui est sa marque depuis fort longtemps.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, sur ce sujet, nous ne disposons vraiment pas des mêmes chiffres !

Prenons l'exemple des heures consacrées au soutien. Pour un certain nombre de formations, elles ont disparu. Le fait est même assez marquant dans un certain nombre de secteurs. Ainsi, pour le brevet de technicien supérieur agricole, elles sont passées de cent vingt heures à soixante ! Et je pourrais vous citer d'autres exemples !

S'agissant de l'évolution des emplois, vous reprenez, dans votre réponse, ce que m'a dit M. Bussereau lors d'une précédente rencontre, à savoir que, dans le budget 2007, huit emplois contractuels seront supprimés dans l'enseignement privé. Mais, dans l'enseignement technique public, ce sont dix postes d'enseignants qui seraient supprimés et quarante-huit équivalents temps plein sur l'ensemble des personnels.

Un autre exemple montre clairement à quel point la situation est en train de se dégrader : alors que cent trente-cinq postes devaient être supprimés dans le budget 2006, en définitive, quarante-six postes de plus le seront, ce qui porte le nombre de suppressions à cent quatre-vingt-un.

Aujourd'hui, vous prétendez que la situation s'améliore ; vous comprendrez que je ne puisse accepter de tels propos.

Les crédits consacrés à l'aide sociale aux élèves ont été en diminution et le sont encore, dans la loi de finances pour 2007 par rapport à la loi de finances pour 2006, de 2 150 000 euros. Il s'agit là d'un véritable problème ! Cela est dû, nous a-t-on dit, au fait qu'en 2006 il a fallu rattraper les retards antérieurs.

Sur le terrain, la réalité est tout autre s'agissant de l'accueil des élèves, et je le constate aussi dans mon département : un certain nombre de jeunes qui auraient voulu suivre ces formations n'ont pas pu intégrer les établissements, faute de capacités d'accueil suffisantes.

Le travail qui a été engagé avec les lycées agricoles est pourtant d'une très grande richesse. Dans mon département, une réflexion a été menée, sur toutes ces terres touchées par la déprise agricole et situées particulièrement dans les zones inondables de la Loire, avec les professionnels, la chambre d'agriculture et le lycée agricole de notre agglomération. Il y avait là, pour des jeunes, un potentiel de formation et d'avenir. Or, aujourd'hui, compte tenu des moyens de l'enseignement agricole public qui diminuent, alors que, parallèlement, ceux de l'enseignement privé augmentent fortement, une barrière est en train de se dresser, qui ne nous permet pas d'envisager l'avenir dans les mêmes conditions.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

6

Souhaits de bienvenue à une délégation du Parlement estonien

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle, à notre invitation, d'une délégation du Parlement estonien, conduite par son président, M. Toomas Varek.

Cette visite, après ma visite à Tallinn, en juin 2006, contribue, à l'évidence, à la poursuite des échanges de grande qualité entre nos deux assemblées et au renforcement des liens qui unissent, au sein de l'Union européenne, la France et la si dynamique République d'Estonie.

Je suis heureux d'adresser, au nom du Sénat, mes souhaits de cordiale bienvenue à cette délégation. (M. le ministre, Mme la ministre, Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

7

Communication relative à des commissions mixtes paritaires

M. le président. J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d'une part, du projet de loi organique et, d'autre part, du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer sont parvenues à l'adoption d'un texte commun.

8

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mon rappel au règlement porte sur la décision qu'a rendue, le 25 janvier dernier, le Conseil constitutionnel quant à la loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique, dont il a déclaré contraire à la Constitution l'article 23.

Cet article 23, introduit sur l'initiative du Gouvernement, avait pour objet d'autoriser celui-ci à « modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement », dispositions dont il était par ailleurs question dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, ce que le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de souligner.

Nous étions nombreux dans cet hémicycle, monsieur le président, à nous être élevés contre cette très étrange procédure.

D'une part, nous considérions comme anormal que des dispositions relatives aux maladies mentales soient insérées dans un projet de loi consacré à la prévention de la délinquance dans la mesure où cela tendait à présupposer que les malades mentaux étaient des délinquants. Cette démarche a d'ailleurs été jugée très sévèrement tant par les associations des familles concernées que par les psychiatres.

D'autre part, M. le ministre de la santé était convenu du caractère inapproprié de ce projet de loi pour une telle disposition. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a fait le choix de demander une habilitation à légiférer par ordonnance sur cette question, dans un projet de loi dont l'objet était sans rapport avec celle-ci, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel.

Il en résulte un véritable imbroglio juridique, et ce n'est pas une bonne façon de légiférer.

Monsieur le président, vous ne manquerez sans doute pas d'évoquer cette question avec le Gouvernement. En tout cas, nous espérons vivement que sera respectée la parole de M. le ministre de la santé, lequel a déclaré en substance que le maintien des dispositions relatives aux maladies mentales dans la loi relative à la prévention de la délinquance était inapproprié ; nous souhaitons également que le Parlement ait ultérieurement l'occasion de débattre sereinement, sur le fond, d'une grande loi sur la maladie mentale et la psychiatrie, loi qui est assurément nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Le Gouvernement vous a entendu. Pour ma part, je ne manquerai pas de lui faire part de vos remarques.

9

 
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Discussion générale (suite)

Droit opposable au logement

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Demande de réserve

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (nos 170, 181, 174, 175).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est aujourd'hui présenté prévoit diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. L'un de ses articles revêt une importance particulière parce qu'il pose un acte politique, sociétal, social et humain fondamental pour notre pays.

Le logement n'est pas seulement une affaire de statistiques. Il n'est pas forcément non plus une affaire d'ingénieurs. Dans les sociétés modernes, notamment urbaines, les individus et les familles ont besoin d'un nid. Le logement, c'est l'habitat, c'est l'endroit où l'on fabrique sa personnalité. C'est l'endroit où l'on peut disposer d'une corde de rappel quand les choses vont mal.

Tout le monde sait que le véritable isolement et la vraie pauvreté résident en réalité dans l'absence de logement décent. Un certain nombre de personnes mènent d'ailleurs un combat à cet égard depuis vingt ans. Nul n'ignore que les échecs scolaires trouvent essentiellement leurs causes dans des conditions de logement inadaptées ou insalubres. De même, on connaît la relation entre le logement et l'emploi : le premier influe directement sur la capacité à trouver un emploi ; inversement, l'absence d'emploi peut conduire à la perte de son logement.

Après que le Parlement, dans la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite « loi Besson », eut fait de la garantie du droit au logement « un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation », après que le Conseil constitutionnel eut affirmé, dans une décision rendue en 1995, que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent était un objectif de valeur constitutionnelle, le présent texte, prenant acte du fait que l'offre de logements n'a pas correspondu à la demande entre 1990 et 2002 ou 2003, a pour ambition de nous donner les moyens de rendre effectif le droit au logement en le rendant opposable, au même titre que l'éducation ou la santé. En effet, la décision du Conseil constitutionnel n'y suffisait pas.

Ce texte n'a ni pour vocation ni pour objet de rendre le logement gratuit. Un ancien premier ministre avait jadis déclaré qu'il ne voulait plus de bidonvilles dans un délai de cinq ans. À l'époque, de grands programmes avaient été lancés. Dans les mêmes conditions, avec ce texte, nous nous fixons l'obligation absolue d'engager les chantiers de construction nécessaires aux besoins et nous nous en donnons les moyens. Nous n'accepterons plus que, au cours de longues périodes, on construise moins qu'il n'est nécessaire en raison de l'émiettement du pouvoir de décision entre différents statisticiens et prévisionnistes, consécutivement à la décentralisation.

Évidemment, on nous objectera peut-être que ce texte ne fera pas « pousser les constructions », que ce projet est trop ambitieux, trop rapide. Mais nous ne pouvons plus attendre. Chacun d'entre nous, à son poste de responsabilité, qu'il se situe dans le secteur public ou dans le secteur privé, doit se donner les moyens pour que la période noire qu'a connue notre pays ne se reproduise plus jamais.

Dois-je vous rappeler que, à l'époque de l'appel de l'abbé Pierre, 200 000 logements, toutes catégories confondues, étaient construits tous les ans en France, et que, pendant une dizaine d'années, nous n'avons cessé d'augmenter le nombre de ces constructions pour les porter à 600 000 par an ? Puis, cela s'est effondré,...

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...puisque, de 1980 à 2002,...

M. Guy Fischer. Pour quelles raisons ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...230 000 logements par an en moyenne ont été construits.

Mme Marie-France Beaufils. Dans quelles communes ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est là, dans un secteur qui a besoin de temps, qu'est née la crise du logement, rendant indispensable le coup de reins qui est présenté aujourd'hui.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il est toujours difficile de déposer un texte de principe devant avoir un effet opérationnel, de prévoir le bon curseur et la date la plus appropriée afin de répondre de façon optimale aux exigences en la matière, mais sans donner de faux espoirs ou faire des promesses inutiles. C'est toujours une responsabilité difficile, et c'est dans cet esprit que nous avons élaboré ce texte.

Ce projet de loi se situe intellectuellement dans la continuité des efforts tant de Louis Besson que des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, ces deux premiers ministres ayant toujours affirmé qu'ils plaçaient leur action en faveur du logement « dans la perspective du droit au logement opposable ».

C'est cette même perspective qui était inscrite dans l'exposé des motifs de la loi portant engagement national pour le logement, que j'ai eu l'honneur de faire adopter par le Parlement en 2006. Lors des débats sur ce projet de loi, j'avais proposé, vous vous en souvenez, que le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli, approfondisse les conditions objectives permettant de franchir le cap de l'opposabilité du droit au logement. (M. Roland Muzeau s'exclame.) Cela a donné lieu à la commande, par le Premier ministre, en juin 2006, d'un rapport sur cette question, que le Haut comité a rendu à la fin de l'automne dernier.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui répond également à la demande formulée par le Président de la République le 31 décembre 2006, lors de ses voeux aux Français ; si des femmes et des hommes ont contribué à faire avancer le moment de la présentation au Parlement de ce texte, ce dernier n'est pas pour autant une improvisation, tant il est vrai qu'il prolonge et renforce les résultats déjà obtenus par la loi portant engagement national pour le logement, en s'appuyant sur le rapport demandé à Xavier Emmanuelli, le président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées. Nous avons décidé d'aller vite, car ce texte nous le permettait.

Mais cette avancée sociale, attendue par nombre de nos concitoyens, n'est possible aujourd'hui qu'en raison de l'effort sans précédent qui a été réalisé en matière de logement depuis plusieurs années par les gouvernements qui se sont succédé au cours de cette législature. L'arrivée à maturité du caractère opposable du droit au logement consacre en effet, d'une certaine manière, l'action entreprise depuis 2002 pour relancer toute la chaîne du logement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Depuis 2002, le Gouvernement a pris toute une batterie de mesures pour augmenter considérablement la construction de logements.

L'année 2006 a battu tous les records depuis vingt-huit ans,...

M. Guy Fischer. Pour les riches !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...avec près de 430 000 mises en chantier sur les douze derniers mois, toutes catégories de logements confondues. Le nombre de permis de construire délivrés en 2006, soit quelque 565 000, se situe lui aussi à un niveau historique : c'est le record depuis trente ans ! (M. Guy Fischer s'exclame.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les loyers aussi battent des records !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Afin d'atteindre l'objectif de lancement annuel de 450 000 logements neufs et de 120 000 logements locatifs sociaux dans le parc public, l'État a, de surcroît, décidé de montrer l'exemple en mobilisant ses terrains, représentant 30 000 logements sur trois ans.

Sur la période 2005-2009, la construction de 500 000 logements sociaux dans le parc public et de 200 000 logements à loyer maîtrisé dans le parc privé a été prévue par la loi de programmation pour la cohésion sociale qui - faut-il le rappeler ?- est une première dans l'histoire des politiques sociales.

En 2006, 144 000 logements à loyer accessible ont été produits, dont 106 000 dans le parc public social, selon la définition de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, et 38 000 dans le parc privé, contre à peine - veuillez m'excuser de cette comparaison - 50 000 logements accessibles produits en l'an 2000 (Voilà ! sur les travées de l'UMP), dont seulement 33 000 dans le parc social !

M. Adrien Gouteyron. L'opposition peut être fière !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Alors, au moment où un consensus est en train de se dégager sur ce texte,...

M. Thierry Repentin. C'est faux !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...sur cette ardente obligation que nous nous imposons, de grâce, évitons d'entamer une polémique sur les années noires de la construction des logements sociaux en France (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) ...

M. Guy Fischer. C'est précisément ce que vous êtes en train de faire !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...avec ceux qui, aujourd'hui, voudraient nous donner des leçons ! Prenons de la hauteur ! Mais si vous ne voulez pas en prendre, je peux vous donner le nombre exact des prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI, et des prêts locatifs à usage social, les PLUS, accordés en l'an 2000 (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) : par rapport à 5 009 PLAI et à 33 000 PLUS en 2000, l'augmentation s'élève respectivement à 66 % et à 76 % !

MM. Roland Muzeau et Guy Fischer. Dans les Hauts-de-Seine ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le nombre de logements sociaux du parc public est ainsi passé de 42 000, en 2000, à 103 000 cette année, et il faudra encore trois ou quatre ans pour sortir réellement de la crise du logement que vous nous avez laissée. (M. Roland Muzeau s'exclame.)

À un moment où l'ensemble des partis de ce pays, à l'instar de nombreuses associations aux opinions d'ailleurs extrêmement diverses, parfois mêmes contradictoires, expriment le sentiment d'une impérieuse nécessité quant à un droit au logement opposable, de grâce, n'abaissons pas le débat ! Un tel droit permettra à la France de rester toujours vigilante et de devenir, après l'Écosse, le deuxième pays européen à se doter d'un dispositif de ce type.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons l'occasion de débattre de la mise en place de la commission de médiation, instance nécessaire dans ce type de dispositif, du rythme auquel elle se réunira, des voies de recours qui pourront être utilisées contre certaines décisions et des contraintes qui seront éventuellement prévues.

Un droit aussi fondamental - nous pouvons être d'accord sur ce point, qui est peut-être le plus important -mérite qu'une instance de suivi puissante et précise existe et que le Parlement - Assemblée nationale et Sénat - soit tous les ans associé à l'évolution de sa mise en place.

Je vous propose, dans ce texte, la création du comité de suivi pour la mise en place du droit au logement opposable. En clair, c'est sur la base des décisions du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, enrichi des représentants des communes, des départements, des régions de France et de tous les grands acteurs et opérateurs, que le droit opposable au logement sera progressivement mis en place.

Nous n'ignorons pas qu'il faudra probablement, peut-être dès l'année prochaine, examiner le mode de gouvernance en matière de logements, notamment en Île-de-France, car, comme l'a signalé à juste titre le Haut comité, il s'agit d'un sujet dans le sujet. Mais nous n'allons pas attendre que tout soit examiné avant de poser les principes. (Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité acquiesce.) La machine est en marche depuis quatre ans, mais elle devra accélérer son rythme à partir de demain. Il nous faut ce droit au logement opposable,...

M. Guy Fischer. Vous avez souvent dit le contraire !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...et, dans cette action, je compte sur chacun des sénateurs. Sincèrement, quand j'entends les leçons que nous donnent ceux qui ont laissé le 1% du logement social, inutilisé pendant des années,...

M. Thierry Repentin. C'est faux !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...rejoindre le budget général de l'État,...

M. Adrien Gouteyron. Ils ont fait ça !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... je ressens un peu de colère ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. C'est de la comédie !

Mme Michelle Demessine. Et la loi SRU, qui l'a fait voter ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, d'autres éléments sont à prendre en compte, et je vous donnerai tout à l'heure les chiffres, qui sont spectaculaires.

Mais je souhaite revenir au fond du sujet, parce que la République doit reprendre de la hauteur ! Ce projet de loi s'apparente à ceux qui ont été adoptés en matière d'éducation ! C'est un texte à la Jules Ferry ! Qu'avait affirmé ce dernier ? « Un instituteur, une classe par commune ! » (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Le principe a été édicté, et la réalisation a suivi. Le texte qui vous est soumis a la même ambition et la même importance. (M. Jean-Pierre Caffet s'exclame.)

M. Guy Fischer. C'est un discours à la Sarkozy !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce texte comprend quelques éléments complémentaires que je souhaiterais évoquer brièvement.

Nous proposons tout d'abord un article sur nos « vieux » travailleurs migrants, au sens le plus noble du terme, ces travailleurs maintenant retraités qui ont construit notre pays avec nous, mais qui n'ont pas cotisé assez longtemps et qui doivent, pour bénéficier de leurs droits sociaux, séjourner obligatoirement neuf mois sur notre territoire national. Vous en connaissez probablement tous certains.

M. Guy Fischer. Ce sont les Chibanis !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Absolument ! Ce très beau terme de la langue arabe signifie « vieux ». Ces vieux travailleurs migrants n'ont pas choisi, à l'époque, le regroupement familial, et ils sont restés isolés dans notre pays. Ils ont contribué au développement de la France, mais n'ont pas tous les points de retraite nécessaires. Ils vivent essentiellement de l'assurance vieillesse, seuls ou dans des résidences sociales.

Par ce texte, nous leur proposons de choisir leurs conditions de vie pour la dernière partie de leur existence.

M. Guy Fischer. Vous auriez pu aller beaucoup plus loin !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce dispositif se présente sous forme d'indemnités complémentaires. Ces immigrés retraités auront le choix d'aller et venir où ils veulent en conservant les mêmes droits que ceux qu'ils ont acquis.

M. Guy Fischer. Nous y reviendrons !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. J'espère que cet article sera, lui aussi, voté à l'unanimité !

M. Guy Fischer. Vous allez retirer des droits !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Quand je suis allé le présenter dernièrement à Asnières dans une résidence Sonacotra, organisme qui vient de changer de dénomination, j'ai vu des larmes, presque de l'incrédulité chez certains : cela sera-t-il vraiment possible ? Pourra-t-on réellement le faire ? Je crois juste que c'est une mesure nécessaire, une mesure d'humanité, de respect à l'égard de nos Chibanis. Il était temps que nous puissions la mettre en place.

Par ailleurs, ce texte prévoit une disposition relative aux travailleurs indépendants en micro-entreprises, à savoir l'instauration d'un régime de cotisations sociales proportionnelles au chiffre d'affaires, permettant ainsi aux entreprises nouvellement créées de ne pas supporter immédiatement les forfaits de charges sociales qui tuent une création avant même le décollage. Ce texte est déjà venu en discussion et vous l'aviez alors soutenu. Mais il a connu quelques vicissitudes, et nous vous le proposons donc à nouveau.

Enfin, le dernier rapport du Conseil économique et social sur les services à la personne préconise que les salariés français qui ne paient pas d'impôts sur le revenu puissent bénéficier du crédit d'impôt non pas sur deux secteurs des services à la personne, mais sur les vingt métiers concernés, qui contribuent à l'augmentation de 26 % des offres d'emploi référencées par l'ANPE. C'était une demande de l'ensemble des acteurs de la filière. Je suis à peu près convaincu que nous y parviendrons.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je défends devant vous un texte qui tourne pour l'essentiel autour de ce grand droit qu'est le droit opposable au logement, que je vois comme une vigie républicaine. En effet, quand toute la chaîne du logement tousse, ce sont ceux qui se situent au bout qui connaissent le plus de difficultés ; j'ai croisé, comme vous tous, des jeunes en errance, et Catherine Vautrin s'occupe de ce problème jour et nuit. Les conditions globales d'accueil ne sont pas à la hauteur des besoins. Certes, nous avons augmenté de 30 % le nombre de places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale ...

M. Guy Fischer. Alors ça...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... ainsi que le nombre de places en centres d'accueil des demandeurs d'asile, ...

M. Guy Fischer. Oui, bien sûr...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... mais c'est l'ensemble de la chaîne du logement qui doit progresser sous peine que l'objectif visé ne puisse être atteint.

Je vous rappelle que le projet de loi qui vous est soumis a reçu l'assentiment unanime du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, et je vous demande de prendre acte de notre engagement à publier le jour même de la promulgation de la loi le décret créant le comité de suivi, indispensable pour procéder aux ajustements nécessaires au fur et à mesure de la mise en oeuvre de ce texte.

En espérant que la période qui s'ouvre ne fera pas déraper la qualité de ce débat sur des considérations à court terme, je vous demande du fond du coeur de soutenir le présent projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Démagogie et irréalisme !

M. Jean Desessard. Vous étiez moins éloquent sur le CPE, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons la discussion n'est pas un texte de mise au point technique ni de régulation d'un mécanisme à perfectionner, ce qui est souvent le cas des textes que nous avons à examiner ici.

En effet, le projet de loi que nous abordons aujourd'hui est d'une nature particulière et rare, une sorte de retour aux fondamentaux de l'humanité.

C'est un texte d'une nature rare, parce qu'il affirme de façon exceptionnelle le primat du politique sur l'économique, reconquête qui mérite d'être saluée dans un temps où la politique se soumet désormais trop souvent aux lois du marché.

Il est d'une nature particulière, parce qu'il défend l'idée d'une véritable écologie humaine, en proclamant que la personne humaine ne s'arrête pas à l'enveloppe extérieure de son corps, mais s'étend au logement dans lequel il doit pouvoir s'abriter, y développer sa vie intime et organiser celle de sa famille immédiate. La dignité humaine comporte, en effet, cet impératif d'habitat que constituent le corps de notre mère jusqu'à notre naissance et, ensuite, un logement conforme à notre dignité.

Partant de ce constat, l'État est en passe de reconnaître, avec ce texte, sa propre responsabilité au regard de cet impératif catégorique que constitue le droit, pour chaque être humain, d'avoir un toit, une maison. Nous sommes ici en train de poser les fondations d'une véritable protection sociale contre le mal-logement ou l'absence de logement. C'est un événement dont le succès dépendra de l'attention que nous lui porterons.

Il faut, dans un premier temps, se protéger des écueils qui pourraient contrarier la mise en oeuvre de ce nouveau droit.

Une première erreur consisterait à croire que tout est réglé, alors que ce texte n'est qu'une première étape, qui va permettre de faire évoluer nos pratiques juridiques et nos comportements, pour les adapter à cette nouvelle réalité.

Les premières difficultés viendront des divergences d'interprétation sur la définition et les causes du mal-logement. Autant la problématique est claire quand on se trouve en présence de causes étrangères au mal-logement - insuffisance de l'offre ou insolvabilité, du fait de la pauvreté, par exemple - autant la question sera plus délicate lorsque la responsabilité du demandeur de logement sera partiellement engagée dans la naissance de la situation, ou lorsqu'il s'agira d'apprécier la « stabilité » de résidence d'un demandeur. Nous reparlerons d'ailleurs de cette question de stabilité lors de l'examen des articles.

En proposant au vote du Parlement ce texte très particulier, le Gouvernement prend date, et ce sur des bases dont on ne connaît guère d'exemples étrangers, hormis celui de l'Écosse. Peut-être faudra-t-il d'ailleurs nous en inspirer et élaborer un « code d'orientation » à destination des autorités concernées, sorte de manuel d'utilisation de la loi afin de qualifier juridiquement les situations et de poser quelques principes pour faciliter les arbitrages et limiter les décisions d'opportunité.

En effet, si la commission des affaires sociales a apporté avec conviction son soutien aux objectifs fixés par le texte, elle a aussi mesuré les difficultés d'application qu'il est susceptible de soulever.

Ainsi, dans le système qui nous est ici proposé, il reviendra aux commissions de médiation de distinguer les demandes simplement prioritaires de celles qui ont un caractère urgent ; mais la définition des catégories telle qu'elle est établie ne leur laisse, à ce stade, qu'une faible latitude d'appréciation.

Un autre écueil devra être évité : celui qui est lié au risque de confusion des responsabilités entre l'État et les collectivités territoriales. Or il nous est apparu qu'un consensus semble se dégager en faveur d'une responsabilité exclusive de l'État.

Les associations représentatives des élus que nous avons consultées sont, en effet, unanimement hostiles au transfert automatique de la responsabilité du droit au logement aux collectivités signataires d'une convention de délégation du contingent préfectoral. On peut le comprendre, car, en l'absence des moyens coercitifs du préfet - le pouvoir de réquisition, par exemple - pour mettre en oeuvre le droit au logement, aucune collectivité locale n'a de vocation naturelle à exercer cette responsabilité.

Madame, messieurs les ministres, en prévoyant ce transfert de responsabilité, n'existe-t-il pas un risque de décourager les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de signer des conventions de délégation ?

Enfin, l'on ne peut écarter l'argument repris par les associations en charge de l'insertion et du logement des personnes défavorisées, qui considèrent que la garantie de l'État est le gage d'une application équitable et solidaire du droit au logement sur l'ensemble du territoire national.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales ne s'est pas montrée favorable à ce transfert automatique de responsabilité ni, par voie de conséquence, à l'expérimentation éventuelle de ce dispositif à l'échelon local proposée par le texte.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Bernard Seillier, rapporteur. Il est encore une troisième menace dont nous devons être conscients : il s'agit du risque d'un engorgement, spontané ou organisé, des tribunaux administratifs. Sur ce point, une part d'inconnu existe, il est vrai. D'ailleurs, est-il illégitime de considérer que si la loi ouvre un droit, c'est bien pour qu'il soit utilisé ?

En réalité, poser cette question nous renvoie à celle du calendrier proposé par le texte. Ce point n'a pas manqué de soulever un certain nombre d'interrogations, voire de doutes, chez quelques-uns de nos collègues. Certes, on ne peut nier que ce calendrier soit ambitieux.

Rappelons-le, il ouvre le droit au logement opposable aux cinq catégories prioritaires en 2008 et à tous les autres demandeurs en 2012. Nous nous sommes bien sûr interrogés sur la pertinence de cet échéancier et nous avons posé la question au ministre, qui nous a convaincus de sa faisabilité.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. En effet !

M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales n'a pas souhaité contester le calendrier proposé, et ce pour différentes raisons.

Tout d'abord, nous ne disposons, à ce jour, d'aucune donnée chiffrée précise nous permettant d'évaluer le nombre de recours qui pourraient intervenir à compter de la mise en oeuvre du dispositif.

M. Alain Vasselle. C'est bien dommage !

M. Bernard Seillier, rapporteur. Le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement estime toutefois à près de deux millions le nombre de personnes qui seraient susceptibles d'être concernées au 1er décembre 2008.

Ensuite, il ne faudrait pas sous-estimer les effets positifs que pourrait susciter la dynamique nouvelle enclenchée par ce texte.

Pour ces motifs, la commission des affaires sociales a considéré qu'en reportant les échéances, d'une manière d'ailleurs tout aussi aléatoire, on risquait surtout d'anéantir l'effet d'entraînement attendu de ce texte.

Pour autant, nous n'avons pas jugé utile d'anticiper d'un an la mise en oeuvre du droit au logement des personnes sans abri. Qu'on ne se méprenne pas, nous sommes très vigilants sur cette question, mais il ne faudrait pas entretenir une confusion regrettable entre droit au logement et droit à l'hébergement.

Notre attitude a donc plutôt consisté à organiser, sur une base pragmatique, un suivi précis et scrupuleux du déroulement du processus que nous enclenchons.

Nous proposons donc de confier au comité de suivi, mis en place autour du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, le soin de l'organiser, et notamment, de proposer dès juillet prochain des adaptations éventuelles du calendrier, modulables selon les degrés de tensions immobilières que connaissent les territoires. Il nous faut, en effet, tenir compte du cas particulier de la région parisienne et, de façon plus générale, des zones urbaines ou des territoires où la situation du logement est particulièrement critique.

Parallèlement, il m'a paru judicieux et légitime de recourir à la compétence reconnue du Conseil économique et social en ce domaine, à qui pourrait être confiée la rédaction d'un rapport d'évaluation à présenter au Président de la République et au Parlement avant le 1er octobre 2010, soit à mi-parcours, avant la généralisation du dispositif au 1er janvier 2012. Ce rapport aurait pour vocation d'apprécier les progrès réalisés dans le domaine du logement et de l'hébergement, ainsi que les besoins de la population à partir des données chiffrées précises concernant l'activité des commissions de médiation et des tribunaux administratifs. Nous pourrons alors proposer l'aménagement éventuel du dispositif et préciser les échéances à suivre.

D'ici là, la vraie solution passe par l'augmentation de l'offre de logements, notamment de logements adaptés aux besoins des ménages à revenus modestes. Nous ferons sur ce point plusieurs propositions pour accélérer le programme de construction de logements très sociaux, pour mieux mobiliser le parc privé et pour améliorer la solvabilité des ménages, en augmentant l'efficacité sociale des aides au logement et en étendant le système de garantie des revenus locatifs.

Avant de conclure, permettez-moi d'ajouter quelques mots sur la seconde partie du texte, qui traite de sujets plus divers, mais non moins intéressants.

D'abord, il s'agit de la reprise du mécanisme de « bouclier social », disposition adoptée par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mais invalidée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure.

L'objectif, comme je l'avais d'ailleurs préconisé en mai 2003 dans un rapport au Premier ministre sur la mise en place d'un contrat d'accompagnement généralisé, est de lever un frein à l'initiative, parfois découragée par la complexité et le coût des procédures, et de permettre de légaliser un certain nombre de petites activités qui fonctionnent « au noir », faussant ainsi la concurrence avec les commerçants et les artisans qui exercent dans un cadre légal. Cette mesure mérite, à notre avis, d'être soutenue.

Ensuite, le texte reprend une proposition faite au Sénat, sur l'initiative de notre collègue Alain Gournac, visant à instituer un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile au profit des ménages non imposables qui ne peuvent, par définition, bénéficier de la réduction d'impôt actuelle. Le projet de loi étend cette disposition à tous les métiers des services à la personne, c'est-à-dire aux vingt métiers recensés, en particulier concernant l'aide aux personnes âgées ou handicapées, et permet d'y avoir accès y compris lorsqu'il est fait appel à un organisme agréé, tel un centre communal d'action sociale.

Cela a paru tout à fait opportun à la commission, et je vous inviterai donc à adopter cet article, mes chers collègues.

Une troisième disposition opère la transposition en droit national de l'article 24 de la directive européenne relative aux droits des citoyens de l'Union européenne de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, qui autorise les États d'accueil à ne pas accorder de droits à une prestation d'assistance sociale aux personnes entrées sur leur territoire pour y chercher un emploi.

Le projet de loi applique cette mesure à trois types de prestations : le revenu minimum d'insertion, ou RMI, la couverture maladie universelle, ou CMU, et les prestations familiales. Il s'agit simplement d'éviter des mouvements de population liés à de seuls effets d'aubaine. Nos voisins ont d'ailleurs tous adopté des mesures similaires.

Enfin, la dernière mesure tend à créer un mécanisme nouveau, et à certains égards inédit, d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine.

Il est ainsi proposé d'accorder à ces personnes une aide équivalente à la somme qu'elles auraient perçue si le minimum vieillesse était toujours exportable.

Nous comprenons parfaitement l'objectif humain de cette mesure, mais nous sommes plus réservés sur ses modalités qui soulèvent de réelles difficultés sur les plans juridique et financier. C'est pourquoi je vous ferai des propositions afin, notamment, d'éviter le risque d'une requalification de cette aide en prestation de sécurité sociale par la Cour de justice des Communautés européennes, car, dans ce cas, la France serait obligée de rétablir le caractère exportable du minimum vieillesse.

Pour conclure, je suis convaincu que ce texte, qui a rencontré l'adhésion de tous les acteurs associatifs et institutionnels du logement et de l'insertion, aura un effet stimulant et amplifiera les résultats déjà acquis et ceux qui sont à venir.

Je forme le voeu que chaque Français prenne la mesure de l'engagement pris par le Président de la République et le Gouvernement devant l'opinion publique.

À nous, parlementaires, de mettre en forme aujourd'hui ce texte, sans en dénaturer l'inspiration et en lui donnant l'énergie de notre confiance.

L'abbé Pierre se plaisait à dire ceci : « La politique, c'est rendre possible ce qui est nécessaire ».

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Eh oui !

M. Bernard Seillier, rapporteur. Parce que la réalisation de cet objectif nous oblige, je suis certain que les mesures nécessaires seront prises pour honorer l'engagement que nous prenons ensemble devant nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, six mois après la promulgation de la loi portant engagement national pour le logement et à quelques semaines d'échéances électorales majeures pour notre pays, le Parlement est à nouveau appelé à débattre de la question du logement. Pour la dernière fois de cette législature, il est demandé à notre assemblée de se prononcer sur les moyens donnés à la puissance publique pour garantir à chacun la mise à disposition d'un logement adapté à ses besoins et à ses ressources.

Il s'agit, mes chers collègues, d'une question cruciale pour notre société.

Tout le monde en conviendra, sans logement, rien n'est possible. Dans notre République, qui a fait de la solidarité l'une de ses valeurs fondamentales, il est de notre devoir d'apporter sécurité et stabilité à nos concitoyens, en particulier aux plus démunis. Or, disposer d'un toit conditionne l'accès à l'éducation, aux soins et, surtout, au travail. Le logement est de ce fait placé au coeur des politiques publiques.

Nous ne pouvons feindre de redécouvrir en plein coeur de l'hiver une réalité qui est malheureusement devenue une évidence : la France, l'une des principales puissances économiques mondiales, ne permet pas à chacun de ses citoyens de se loger dans des conditions décentes.

Nous avons amplement débattu de cette question au cours des cinq dernières années. Pas moins de cinq projets de loi ont été soumis à notre approbation, chacun ayant, totalement ou partiellement, un seul objectif clair : apporter des solutions à la grave crise du logement que connaît notre pays. Chaque fois, il nous a été demandé de faire preuve d'imagination, de bon sens et de réalisme face à l'urgence des situations auxquelles nous, responsables politiques, sommes tenus d'apporter des réponses.

C'est cette exigence qui m'a constamment guidé lors de ces débats, quand, aux côtés du Gouvernement, à ma modeste place de parlementaire ou de rapporteur, j'ai souhaité prendre part à ce défi, lequel nous impose de répondre à la détresse de centaines de milliers de personnes qui, dans la rue ou mal logées, souffrent de leurs conditions de logement. Il est inacceptable, mes chers collègues, que notre société, au seuil du xxie siècle, laisse des femmes et des hommes dans la rue, quelquefois pour y périr.

Au cours de ces vingt dernières années, le droit au logement a été progressivement érigé par la loi en principe fondamental de notre organisation sociale. Cette reconnaissance, fruit d'un long processus politique, social et législatif, n'a pourtant pas permis de régler ce mal terriblement déstabilisant pour notre société qu'est le mal-logement. Le constat est amer : le droit au logement n'est toujours pas effectif dans le pays. (M. Jean Desessard s'exclame.)

Mme Marie-France Beaufils. Vous n'y êtes pas pour rien !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Dans le prolongement de ces évolutions, il nous est proposé de franchir un cap dont je souhaite qu'en toute conscience nous mesurions pleinement les implications. Il s'agit de reconnaître l'opposabilité du droit au logement avant même d'avoir traité les causes de la crise du logement, qui reste en très grande partie liée à la pénurie et à l'inadaptation de l'offre dans notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Ne sous-estimons pas l'innovation juridique majeure qui sous-tend cette proposition. Pour la première fois en matière de droits économiques et sociaux, nous nous apprêtons à fixer à l'État une obligation de résultat dans un domaine si fondamental pour l'épanouissement de chacun d'entre nous.

Si je suis résolument convaincu de la nécessité de se fixer des objectifs ambitieux, je suis en revanche plus sceptique, monsieur le ministre, sur la stratégie qui nous est proposée pour les atteindre.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. À cet égard, je reste persuadé que la reconnaissance de l'opposabilité du droit au logement ne peut résulter que d'une construction progressive.

M. Guy Fischer. C'est toujours repousser ad vitam aeternam !

Mme Michelle Demessine. Comment va-t-il faire pour expliquer qu'il est favorable au projet de loi ?

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Ce n'est pas parce que, un hiver de plus, nous avons pris conscience que l'on souffrait dans notre pays qu'il nous faut céder à un mal très français qui voudrait que le vote d'une loi suffise à résoudre tous les problèmes.

M. Guy Fischer. Vous entendez, monsieur Borloo ?

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Doit-on, parce que cette prise de conscience trouve cette année un écho particulièrement retentissant auprès des médias, prendre des décisions hâtives ?

Je le dis très sereinement, mes chers collègues, il serait dangereux de croire qu'il suffit de proclamer, un peu à la manière d'un slogan, l'opposabilité du droit au logement pour rendre celui-ci effectif.

Mme Marie-France Beaufils. La loi SRU a été votée, et vous ne l'appliquez pas !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Il serait illusoire de penser que l'ouverture de voies de recours contentieuses permettra de répondre aux besoins de nos concitoyens en matière de logement.

M. Guy Fischer. Vous entendez, monsieur Borloo ?

Mme Michelle Demessine. Y a qu'à, faut qu'on !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Affirmer le contraire ne pourrait que créer au sein de la population un immense sentiment de frustration et de déception qui viendrait discréditer un peu plus la parole politique, laquelle n'a pas besoin de cela aujourd'hui.

Au fond, il convient de rappeler l'enjeu de ce projet de loi. Nous nous demandons aujourd'hui si l'État a les moyens de fournir à tous un logement décent et indépendant, sous peine de se faire condamner par la justice administrative, à compter du 1er décembre 2008 pour certaines catégories de la population et à compter du 1er janvier 2012 pour tous les demandeurs restés sans réponse.

Avant de nous engager sur cette voie, il nous faut regarder avec lucidité la situation actuelle et ses perspectives d'évolution à court terme. Notre pays compte plus de 80 000 personnes sans abri, et plus de 3 millions de ménages y souffrent de mauvaises conditions d'habitat.

Plus de 1 300 000 ménages sont en attente d'un logement social, depuis plusieurs années pour certains. Compte tenu des retards accumulés par le passé...

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. ... - et la période la plus funeste de ces vingt dernières années, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, a été la période 1997-2002 -,...

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. ... on estime qu'il manque entre 800 000 et 1 000 000 logements, notamment à destination des personnes les plus démunies.

M. Guy Fischer. Eh oui ! On construit pour les plus riches !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Certes, la France a récemment retrouvé le goût de la construction.

M. Guy Fischer. Pour qui ?

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Elle a retrouvé le goût de la construction en général, avec 430 000 mises en chantier en 2006.

M. Guy Fischer. À quel prix ?

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Mais elle a aussi, monsieur Fischer, retrouvé le sens de la justice sociale, avec plus de 100 000 logements sociaux financés la même année, alors que vous n'en faisiez, quand vous étiez au pouvoir, que 38 000 ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Michelle Demessine. Vous ne voulez pas en construire ! C'est pour cela que nous avons fait la loi SRU !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Cette dynamique vous doit beaucoup, monsieur le ministre, et je tenais à vous en rendre hommage. Vous avez su, quand d'autres avaient baissé les bras - et ils hurlent aujourd'hui ! -, mobiliser des moyens financiers considérables afin que la République reprenne à bras-le-corps la question des quartiers en difficulté.

Mme Marie-France Beaufils. Vous avez tout fait pour que la loi SRU ne s'applique pas !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous avez su, dans un cadre pluriannuel et sécurisé, réinscrire au coeur des politiques publiques la nécessité de développer une offre de logements abordables pour le plus grand nombre.

M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Sans tomber dans l'autosatisfaction, il y a lieu, à mon avis, de se féliciter de ces résultats, qui ne sont pas le fruit du hasard mais procèdent bel et bien d'une mobilisation intense de tous les acteurs du logement en général, et, naturellement, de l'État en particulier.

Pour autant, monsieur le ministre, nous ne devons pas nous arrêter au milieu du chemin, car, comme vous l'avez vous-même rappelé, il reste encore beaucoup à faire. Selon certaines estimations, il faudrait construire chaque année plus de 350 000 logements pour absorber au moins la croissance démographique et le solde des flux migratoires.

M. Guy Fischer. Ce serait plutôt entre 400 000 et 500 000 !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. À supposer que notre pays soit en mesure de continuer à produire plus de 430 000 logements par an, il faudrait plus de dix années pour résorber le déficit que j'évoquais à l'instant !

Certes, monsieur le ministre, vous avez indiqué à la suite de la présentation de ce projet de loi que l'État redoublerait d'efforts pour augmenter encore le niveau de la construction de logements sociaux dans le pays et pour développer les capacités d'hébergement pour les ménages les plus en difficulté.

Toutefois, malgré ces efforts substantiels, dont je ne peux que me féliciter, je me demande si nous ne confondons pas mobilisation et précipitation.

Je prends pleinement la mesure du saut qualitatif qu'il nous est demandé de franchir avec ce texte en inscrivant dans le droit français, de manière irréversible, le droit au logement opposable. Sur le principe, j'y suis, à titre personnel et au nom de la commission des affaires économiques, tout à fait favorable.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Pour autant, vous me permettrez de diverger légèrement sur la méthode, qui nous conduit à débattre d'un projet de loi soulevant des questions complexes restées pour la plupart sans réponse. Vous m'autoriserez également à vous faire part de certaines de mes réserves sur le fond quant à plusieurs dispositions du texte.

Je regrette tout d'abord la méthode, qui nous conduit à discuter dans une certaine précipitation (M. Thierry Repentin rit.) et dans des conditions bien peu respectueuses du débat démocratique. (M. Jean Desessard s'exclame.)

M. Guy Fischer. Cela fait six mois qu'on devait en discuter !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Celui-ci aurait commandé que les parlementaires disposent d'une étude d'impact évaluant les conséquences du projet de loi. Or, à ce jour, personne n'est en mesure de nous indiquer les implications exactes de ce texte, notamment s'agissant du nombre de personnes qui seront en position de demander à l'État un logement dès le 1er décembre 2008 - autant dire demain ! -, et peut-être de le faire condamner. De même, personne n'est capable de nous donner une estimation du coût pour les finances publiques que pourraient représenter les astreintes que l'État serait amené à verser.

M. Alain Vasselle. Et les collectivités locales !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Nous savons bien que, dans un contexte de pénurie, la possibilité de former un recours contentieux devant la juridiction administrative ne suffira pas à faire sortir des logements de terre. Si l'offre fait défaut, certes l'État sera condamné. Mais quelles seront les solutions concrètes pour les personnes en attente d'un logement ?

M. Alain Vasselle. Qui paiera ?

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous me permettrez également, monsieur le ministre, d'être réservé sur les moyens qui sont mis en oeuvre pour assurer le droit au logement. Le dispositif repose exclusivement sur la mobilisation du contingent préfectoral de logements sociaux, qui représente dans le meilleur des cas 25 % des attributions annuelles de logements. Cet outil, nous le savons tous, ne suffira pas à satisfaire la demande. Il me paraît d'ailleurs illusoire de penser que certaines collectivités territoriales, comme le prévoit le projet de loi, accepteront d'anticiper l'échéance, déjà irréaliste, de 2008 en demandant la délégation du contingent préfectoral. Sur ce point, les trois commissions sont d'accord.

Pour autant, mes chers collègues, ne croyez pas qu'il s'agisse de frilosité de la part des collectivités territoriales. Il me semble qu'elles ont su, ces dernières années, prendre toutes leurs responsabilités dans la conduite des politiques de l'habitat, dont elles sont aujourd'hui des acteurs de premier plan.

Ne leur demandons pas l'impossible ! Bien souvent, elles ne maîtrisent qu'une infime part des paramètres de cette politique. La reconnaissance d'une responsabilité territoriale dans le domaine du droit au logement suppose donc qu'on leur donne tous les outils qui leur permettront d'assurer la satisfaction des besoins de leurs habitants. Dans cette attente, la solution est claire : seul l'État est en mesure de garantir l'opposabilité du droit au logement.

Enfin, et j'en terminerai par là, je crains que l'institution du droit au logement opposable dans le calendrier que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne se fasse au détriment de certaines catégories de population,...

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. ... de la frange la plus modeste des classes moyennes, malheureusement.

Ces ménages, bien qu'ayant des revenus décents, n'en éprouvent pas moins des difficultés aiguës de logement. Comment allons-nous leur expliquer que, demain, leurs demandes passeront après celles des nouveaux publics prioritaires pour l'accès au logement social ?

M. Thierry Repentin. On ne pourra pas le leur expliquer !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Je souhaite ne pas être mal compris : mon propos n'est pas de nier l'intérêt de ce débat. J'estime toutefois qu'il méritait par son importance un travail plus approfondi, s'appuyant sur une large concertation avec la totalité des acteurs du logement, afin de déterminer une stratégie progressive et ambitieuse, comme le proposait d'ailleurs le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous appartient, tous ensemble, de ne pas décevoir les espoirs suscités par ce projet de loi et de redonner crédit à la parole politique.

Vous êtes, monsieur le ministre, celui qui, après cinq années particulièrement funestes, a révolutionné la construction du logement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. « Révolutionné », c'est un bien grand mot !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous êtes aujourd'hui celui qui va instituer dans notre pays ce droit au logement dont il est si souvent question mais qui n'a jamais été mis en place.

Il nous appartient donc de ne pas décevoir nos concitoyens, et c'est dans ce sens que la commission des affaires économiques a déposé un certain nombre d'amendements qu'elle vous demandera, mes chers collègues, d'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Vous semblez réticent, monsieur le rapporteur pour avis !

M. Guy Fischer. C'est encore renvoyer aux calendes grecques !

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis.

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a une portée historique ainsi qu'une valeur de symbole.

C'est d'abord un acte historique, parce que le droit au logement sera désormais opposable au même titre que le droit à l'éducation ou à la santé.

Et avec cette avancée sociale considérable, la France sera l'un des tout premiers pays au monde - avec l'Écosse - à s'engager dans cette voie d'une solidarité nationale inédite en faveur du logement des personnes défavorisées.

Ainsi, selon le calendrier établi, toute personne en difficulté pourra revendiquer le droit à un logement ou à un hébergement adapté à sa situation.

Je pense bien entendu, en premier lieu, aux quelque 100 000 personnes sans abri, puis aux plus de 2 millions de personnes mal logées qui attendent de nous des mesures concrètes et rapides.

C'est un acte symbolique, car, plus de cinquante ans après l'appel lancé par l'abbé Pierre, et malgré les efforts considérables du Gouvernement depuis cinq ans, la France et les Français souffrent toujours du mal-logement.

Et, concours de circonstance particulièrement émouvant, ce texte arrive en discussion quelques jours seulement après la disparition de l'abbé Pierre, auquel je voudrais rendre hommage au début de ce propos.

Ce texte est aussi un acte symbolique parce qu'il donne une réelle portée juridique à un droit au logement pour tous, pourtant déjà reconnu depuis bien longtemps.

La saisine de la commission des lois s'est limitée aux dispositions tendant à rendre le droit au logement opposable, c'est-à-dire à instituer une obligation de résultat à la charge de la collectivité publique et à ouvrir une possibilité de recours juridictionnel pour en assurer le respect.

Après avoir rappelé l'évolution du droit au logement dans notre pays et ses incidences sur la situation du logement, j'évoquerai les conditions dans lesquelles le droit au logement est rendu opposable et les grands axes des modifications au texte initial que propose la commission des lois.

J'examinerai donc tout d'abord l'évolution du droit.

Sur le principe, le droit au logement existe depuis 1982 avec le droit fondamental à l'habitat, suivi en 1989 par la reconnaissance d'un droit au logement, puis en 1990 par celle du droit au logement décent et indépendant.

Ce droit a été complété en 2004 par le droit de disposer de la fourniture d'eau, d'énergie et des services téléphoniques.

Le Conseil constitutionnel, quant à lui, a considéré en 1995 que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ».

Enfin, le principe du droit au logement comme composante de la « dignité humaine » est consacré dans de nombreux engagements internationaux souscrits par la France, au premier rang desquels figure la Déclaration universelle des droits de l'homme de décembre 1948.

Mais la portée de ce droit reste cependant relative et ne peut être assimilée à une liberté fondamentale en l'état actuel du droit. En effet, si les autorités publiques doivent tendre à sa réalisation, elles ne sont pas tenues pour autant par une obligation absolue de résultat.

Dans ces conditions, le droit au logement peine à être effectif, malgré les efforts considérables consentis par le Gouvernement ces dernières années.

Ces efforts considérables sont concrétisés par de nombreux programmes ambitieux comme le programme de rénovation urbaine, le plan de cohésion sociale ou encore le dernier plan d'action renforcé pour 2007. Mais de nombreuses dispositions législatives et réglementaires ont également été prises pour rendre pleinement opérationnels ces programmes : pas moins de quatre lois et plusieurs ordonnances en quatre ans.

Ces efforts sans précédent commencent à porter leurs fruits car, grâce à ces mesures que vous avez impulsées, madame, messieurs les ministres, le rythme des constructions de nouveaux logements s'accélère très nettement. Et, sans aucun esprit polémique, je veux rappeler trois chiffres : 430 000 mises en chantier de logements en 2006 pour 380 000 en 2000, soit une augmentation de 40 %, 144 000 logements sociaux publics et privés financés en 2006 pour seulement 51 800 en 2000, soit presque trois fois plus, enfin 30 000 places en hébergement et insertion créées depuis 2002, pour atteindre un total de 95 000 places cette année, soit 50 % de plus.

C'est précisément cette amélioration significative qui rend aujourd'hui possible cette nouvelle étape en faveur d'un réel droit au logement.

C'est aussi une réponse concrète et clairement planifiée que veut apporter le Gouvernement à la détresse des personnes défavorisées, face à l'impossibilité ou à la difficulté de se loger.

J'aborderai maintenant l'analyse du texte par la commission des lois, sans revenir sur l'exposé du projet de loi déjà largement commenté.

La commission des lois considère que ce projet de loi consacre un droit essentiel pour le respect de la dignité de chacun et qu'il constitue l'étape déterminante en faveur d'un réel droit au logement.

Toutefois, elle considère qu'il ne faut pas sous-estimer les risques, dans les conditions actuelles, de l'institution du droit au logement opposable.

Le premier risque tient au fait que, si la responsabilité de l'État est clairement définie, elle n'en est pas moins partagée avec les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, dont les maires ou les présidents bénéficient, à leur demande, du contingent préfectoral de logements sociaux.

En l'état actuel du texte, cette délégation de responsabilité risque de freiner fortement la volonté des collectivités d'en bénéficier.

Le deuxième risque est de provoquer une concentration des demandes sur les communes qui disposent déjà de nombreux logements sociaux...

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. ... et qui sont donc les plus à même de répondre à une demande qui va s'amplifier.

Il importe donc de développer l'offre de logements sociaux accessibles sur l'ensemble du territoire...

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. ... pour ne pas remettre en cause les efforts déployés par les maires ou les bailleurs sociaux en faveur de la mixité sociale et de la rénovation urbaine des quartiers sensibles.

Le troisième risque est de provoquer des déceptions au sein de notre société.

En effet, les personnes défavorisées seraient extrêmement déçues si, au terme d'un long parcours jalonné par la constitution d'un dossier, la saisine de la commission de médiation puis du juge administratif, elles ne parvenaient qu'à obtenir la condamnation de l'État à leur verser une indemnité et à payer une astreinte dont le produit serait versé aux fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, ce qui ne réglerait pas leur situation.

Enfin, la saturation des juridictions administratives constitue un quatrième risque non négligeable car, sans moyens supplémentaires, les juridictions ne peuvent traiter convenablement un contentieux qui s'annonce massif.

Compte tenu de ces observations, la commission des lois propose plusieurs aménagements au texte qui nous est proposé.

Ces propositions répondent à trois volontés fortes.

Première volonté, nous voulons affirmer la responsabilité de l'État comme garant du droit opposable au logement et ouvrir le champ de l'expérimentation locale.

Le garant du droit au logement et à l'hébergement doit être en toutes circonstances l'État, et donc y compris en cas de délégation du contingent préfectoral. En effet, une délégation n'implique pas un transfert de compétence, et le délégataire agit pour le compte et sous le contrôle de l'État en l'occurrence. Cela est d'autant plus vrai que l'État, en cas de refus du bailleur social de loger un demandeur, peut se substituer à son délégataire pour procéder à l'attribution d'un logement.

La commission des lois proposera donc de supprimer les dispositions prévoyant une opposabilité du droit au logement aux communes et aux EPCI délégataires du contingent dans le dispositif général.

Pour autant, souscrivant à la proposition d'une expérimentation locale lancée par le Premier ministre et formulée par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, la commission des lois vous propose de permettre aux EPCI délégataires des aides à la pierre qui le souhaitent d'assurer - en contrepartie de compétences renforcées, notamment en matière de police -, pour une durée de six ans, la responsabilité du droit au logement opposable, avec l'accord des maires des communes naturellement.

Dans ce cas, une convention EPCl-État associerait également le département pour offrir à ce dispositif les moyens d'un accompagnement social des demandeurs, gage de la réussite dans ce domaine aussi.

Deuxième volonté, la commission des lois souhaite distinguer aussi le droit à l'hébergement et le droit au logement opposable, et prévoir un calendrier adapté à l'urgence, mais aussi un calendrier réaliste au regard de l'offre actuelle de logements.

Il convient, en effet, de clarifier les contours du droit au logement pour l'adapter clairement à la nature de la demande.

Le droit à l'hébergement constitue le premier niveau du droit au logement : c'est un droit à un accueil en structure d'hébergement, en établissement ou en logement de transition, ou encore en logement dans un foyer.

Ce droit, le plus urgent pour offrir un toit aux quelque 100 000 personnes sans abri, pourrait être mis en place dès le 1er décembre 2007. Il offrirait ainsi une garantie d'hébergement aux personnes les plus en difficulté dès l'hiver prochain.

J'ajoute que ce calendrier semble réaliste au regard des efforts considérables consentis par le Gouvernement pour offrir de nouvelles places d'hébergement depuis cinq ans.

Le droit au logement décent et indépendant ou le droit à se maintenir dans un tel logement doit être précisé, car il diffère du simple droit à obtenir une aide pour se loger, comme le précisait la loi Besson de 1990.

Pour les catégories de demandeurs d'un logement locatif social pouvant saisir la commission de médiation sans délai, le recours juridictionnel pourrait être possible à compter du 1er décembre 2009 pour tenir compte de l'offre réelle de logements et des effets attendus de la totalité du plan de cohésion sociale.

Cette position pourrait être revue si le Gouvernement, en répondant à la demande des trois commissions saisies, s'engageait à accélérer encore la construction de logements très sociaux sur les trois ans à venir. (M. Roland Muzeau s'exclame.)

En tout état de cause, ce calendrier demeure plus ambitieux que celui qui est proposé par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et maintient l'objectif de 2012 fixé par le Gouvernement.

Enfin, troisième volonté, la commission des lois souhaite favoriser une offre de logements adaptée à la demande et assurer une cohésion territoriale à la mixité sociale.

Autrement dit, nous devons nous assurer d'une répartition harmonieuse de l'offre de logements sur tout le territoire. En effet, le droit opposable sera applicable partout, et il doit donc être réellement opposable partout. Il serait en effet regrettable que les communes qui disposent de logements sociaux assument seules l'obligation d'offrir un logement à toute personne qui en fait la demande.

Le souci d'équité entre toutes les communes nous conduit donc à proposer, selon un calendrier souple, d'élargir le champ des communes soumises à l'obligation de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux.

La disposition proposée s'adresserait aux communes de plus de 3 500 habitants et de plus de 1 500 habitants en région parisienne situées dans un EPCI de plus de 50 000 habitants qui dispose d'une ville-centre de plus de 15 000 habitants, et ce pour tenir compte de la réalité des bassins d'emploi déjà organisés solidairement.

Ces commues disposeraient d'un délai de six ans à compter du 1er janvier 2008 sans aucune pénalité financière pour atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux, soit la durée du prochain mandat municipal.

Quant à l'offre de logements, malgré les efforts consentis, le marché de logements disponibles à l'échéance 2008 risque de ne pas être suffisant pour répondre efficacement à un droit au logement opposable. En effet, si l'offre augmente, elle ne répond malheureusement pas toujours à la nature de la demande.

La tension la plus forte porte et portera, à l'échéance de 2008, sur les logements locatifs très sociaux, et ce malgré une augmentation substantielle de leur programmation dans le plan de cohésion sociale et l'annonce du financement de 17 000 logements supplémentaires pour 2007.

C'est pourquoi la commission des lois vous propose également de prévoir pour 2008-2009, comme pour 2007, le financement de 17 000 logements locatifs très sociaux supplémentaires dans le cadre du plan de cohésion sociale.

Enfin, nous savons aussi que la mobilisation du parc social privé peut constituer une vraie opportunité pour répondre à la demande de logements et au véritable challenge qui est lancé.

La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, de favoriser cette mobilisation en ouvrant les logements placés sous le dispositif fiscal « Borloo dans l'ancien » à la location à des personnes morales assurant ensuite la sous-location à des personnes en difficulté, tout en présentant une vraie garantie pour le propriétaire.

Telles sont, monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les principales observations que la commission des lois soumet à l'examen de la Haute Assemblée.

Enfin, je terminerai ce propos en formant un voeu, car c'est encore possible en cette fin de mois de janvier : je souhaite que, au-delà de nos différences, nous trouvions les moyens, dans le débat qui va s'ouvrir, de nous rassembler pour que ce droit au logement - essentiel pour la dignité de chacun - s'inscrive plus fortement dans le marbre de la loi.

C'est en tout cas ce qu'attendent de nous toutes les personnes défavorisées que nous ne pouvons plus laisser sans abri, sans hébergement, sans logement.

Ce texte n'est sans doute pas parfait, car la tâche est immense ; il nécessitera une évaluation régulière et des adaptations législatives,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. ...mais, comme le disait l'abbé Pierre, « il ne faut pas attendre d'être parfait pour commencer à agir ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 76 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, intervenant la première dans la discussion générale, après M. le ministre et MM. les rapporteurs, permettez-moi de changer un peu de musique !

M. Guy Fischer. Ah oui !

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, par deux fois, dans le cadre de la discussion de la loi portant engagement national pour le logement, le groupe communiste républicain et citoyen a déposé un amendement visant à instituer un droit opposable au logement.

Le 23 novembre 2005, lors de la première lecture, M. le rapporteur de la commission des affaires économiques l'avait alors qualifié d' « incantatoire » et taxé notre groupe de « y a qu'à, faut qu'on ». Les « y a qu'à, faut qu'on » sont nombreux maintenant ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)

Le 6 avril 2006, en deuxième lecture, mon ami et collègue Jack Ralite, dans une démonstration exemplaire que chacun se rappelle ici,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah oui, pleine de trémolos !

Mme Michelle Demessine. ...réitérait cette proposition, et le Gouvernement, par la voix de Mme Catherine Vautrin, l'avait alors qualifiée de « prématurée » et « irréaliste ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle l'était !

Mme Michelle Demessine. Ça change vite !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Six mois se sont écoulés !

Mme Michelle Demessine. Dès lors, comment ne pas se poser la question de la raison soudaine qui a pu faire qu'une disposition « prématurée » et « irréaliste » au printemps devienne possible une fois l'hiver venu ?

Ce n'est sans doute pas le dérèglement climatique qui est à l'origine de ce qu'il faut bien appeler au premier abord un « revirement » de la position du Gouvernement, revirement qui engage d'ailleurs également sa majorité parlementaire ! Ou alors, c'est juste le changement de climat né de l'exposition de l'intolérable situation du logement dans notre pays !

Ce changement de climat, mes chers collègues, est sans doute dû à l'atmosphère qui a quelque peu changé, notamment depuis que les bords du canal Saint-Martin se sont couverts de tentes à l'appel de l'association Les Enfants de Don Quichotte...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas de publicité !

Mme Michelle Demessine. ...et que la question du logement a fait une irruption inattendue dans le débat public.

Nous sommes à quelques heures du cinquante-troisième anniversaire de l'appel sur les ondes de Radio Luxembourg de l'abbé Pierre. Malgré la ténacité du combat de ce dernier, auquel je souhaite rendre un hommage particulier aujourd'hui, des situations de logement parfaitement indignes d'une société évoluée, d'une société démocratique comme la nôtre, subsistent encore dans notre pays.

Le mal-logement, mes chers collègues, est une insulte constante à notre société, une violence quotidienne à ceux qui en souffrent !

Nous n'osons donc croire que c'est par pure opportunité que le Gouvernement nous invite aujourd'hui à débattre des questions de logement pour la cinquième fois depuis le début de la législature. Nous n'osons pas croire qu'il ne cherche qu'à se donner bonne conscience avant de devoir s'exposer au verdict des Françaises et des Français.

Ce projet de loi, dont j'évoquerai le contenu dans un instant, lui a été en quelque sorte « arraché » par le rassemblement de tous ceux qui sont attachés à la mise en oeuvre des droits sociaux.

En effet, la situation de mal-logement, qui s'est révélée aux Français en décembre dernier, s'est particulièrement aggravée ces dernières années.

Mme Michelle Demessine. En témoigne d'abord l'accroissement du nombre de personnes privées de logement. Notre pays compte aujourd'hui plus de 100 000 personnes sans domicile fixe, dont 40 % - fait symptomatique de notre situation - ont un contrat de travail. (M. Adrien Gouteyron s'exclame.)

Le nombre de demandeurs de logements sociaux n'a, lui non plus, cessé de croître. Il est estimé actuellement entre 1,3 et 1,4 million, soit 300 000 de plus qu'il y a trois ans, alors que notre pays compte quelque 1,5 million de logements vacants.

Et encore ces données ne rendent-elles pas compte du caractère multiforme de la crise du logement, de la situation tant des victimes de l'insécurité locative, des habitants d'immeubles insalubres ou dégradés, des personnes hébergées dans leur famille ou chez des amis que de nos concitoyens habitant dans des campings à l'année ou vivant dans des squats.

Au total, la crise du logement frapperait aujourd'hui, selon la Fondation Abbé-Pierre, plus de 3 millions de personnes.

Permettez-moi de revenir sur les facteurs qui ont conduit à la situation catastrophique que nous connaissons aujourd'hui,...

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. À qui la faute ?

Mme Michelle Demessine. ... ce que nous ne faisons pas assez, me semble-t-il.

Le premier facteur déterminant réside dans l'explosion de la spéculation immobilière. Les prix du foncier ont augmenté de 94 % entre 1998 et 2004. Cette flambée a été largement encouragée, dans la dernière période - il faut bien le reconnaître -, par la politique fiscale du Gouvernement.

Des dispositifs d'incitation fiscale tels que le « Robien » ou le « Borloo populaire dans l'ancien » (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.),...

M. Guy Fischer. Populaire, Borloo ?

Mme Michelle Demessine. ... ont contribué et contribuent encore non seulement à priver l'État de ressources utiles, mais aussi à alimenter la flambée des prix et à assécher le marché foncier, rendant chaque jour plus difficile la construction de logement sociaux.

Cela nous conduit au second facteur déterminant de la crise : l'insuffisance chronique de la production de logements véritablement sociaux.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2000, la production immobilière était de 311 000 logements. La production sous plafond de ressources, en location et en accession, représentait 208 000 logements, soit 66,9 % de la construction. En 2005, la production globale a été de 410 000 logements, mais la construction sous plafond de ressources est tombée à 169 000 logements, soit 41 % de l'ensemble.

Selon des estimations récentes, les besoins en logements se chiffreraient à 900 000 unités, dont deux tiers de logements sociaux.

À l'heure actuelle, la France dispose de quatre millions de logements sociaux. Le taux de rotation étant de 10 %, le nombre annuel d'attributions se chiffre à 400 000, c'est-à-dire que le tiers à peine de la demande est satisfait. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Le problème se situe donc bien au-delà de la construction de 70 000 ou 80 000 logements sociaux par an.

Toutes ces évolutions, convenez-en, mes chers collègues, ont contribué à vider de leur contenu les dispositions constitutionnelles et législatives visant à la reconnaissance du droit au logement.

Selon l'étude du professeur Michel Mouillard, de l'université de Paris X, relative aux « aides et circuits publics de financement pour le logement », le constat chiffré est particulièrement édifiant.

Si, en 1995, le secteur locatif social bénéficiait encore de 32,4 % des dépenses de la collectivité en faveur du logement, soit, à l'époque, près de deux fois plus que le secteur locatif privé qui n'en captait, lui, que 18,3 %, dix ans plus tard, notamment depuis le désengagement massif du début des années 2000, la part allouée au secteur social ne représente plus que 23,5 %, et est donc inférieure à celle qui est consentie au secteur privé, qui s'établit à 25,6 %.

Mme Marie-France Beaufils. Voilà la vérité !

M. Guy Fischer. Ce sont les chiffres de la Fondation Abbé-Pierre !

Mme Michelle Demessine. Il y a donc un redéploiement des moyens envers ceux qui en ont le moins besoin. Là encore, les chiffres sont édifiants : jusqu'en 2000, 65 à 70 % des flux de la construction concernaient des logements sous plafond de ressources ou à loyer encadré, alors que les prévisions pour 2006 laissent apparaître que moins de 40 % de la construction concernera des logements sous condition de ressources ou ayant des loyers hors marché. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les conditions d'accès à un logement se soient si gravement détériorées !

M. Guy Fischer. Voilà la réalité !

Mme Michelle Demessine. Paradoxalement, cette politique qui ne permet manifestement pas de répondre aux demandes de logements sociaux est particulièrement profitable pour les caisses de l'État. Ce dernier, outre les économies qu'il tire de son désengagement budgétaire, empoche les dividendes de la bonne santé des marchés immobiliers,...

M. Guy Fischer. Voilà !

Mme Michelle Demessine. ... avec une augmentation de 28 % entre 2001 et 2006 sur le total des prélèvements fiscaux et parafiscaux, soit 5,1 % par an.

Autrement dit, la spéculation, qui accable chaque jour plus de ménages, profite opportunément à l'État. Depuis 2002, Bercy peut ainsi se féliciter de retirer bien plus du logement que ce qu'il lui octroie.

Au total, ce sont ainsi près de 10 milliards d'euros qui auront été « récupérés » jusqu'en 2005, montant auquel il convient d'ajouter les 5,8 milliards d'euros attendus cette année.

Cette énumération, un peu longue je l'admets, nous éclaire sur la politique réelle de ce gouvernement en matière de logement social ! C'est une position constante, c'est le moins que l'on puisse dire, et nous l'avons à nouveau constaté lors des débats sur le projet de loi portant engagement national pour le logement.

De tout temps, on a stigmatisé le logement social alors que l'on aurait dû pointer la hausse exorbitante des loyers du secteur privé.

On désigne des populations vulnérables et fragilisées là où l'on devrait s'attaquer aux agissements des spéculateurs de toute obédience. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

On discourt à n'en plus finir sur le manque de logements là où les terrains se libèrent pour réaliser des opérations de pure rentabilité financière !

Alors effectivement, aujourd'hui, l'un des intérêts de ce débat - et de ce projet de loi, si tant est que l'on puisse l'améliorer - est de replacer la question du logement sous le bon angle de vision. Pour la première fois, ce qui importe ici, ce ne sont pas le point de vue de l'investisseur, la pure logique financière ou budgétaire de l'État, la question de la rentabilité fiscale de tel ou tel circuit de financement ; ce qui importe, c'est de se placer du point de vue des personnes mal logées (M. Guy Fischer applaudit.), des victimes de la crise du logement, qu'elles soient sans abri, logées dans des conditions indignes, précairement hébergées par leur famille ou leurs amis, clients temporaires d'hôtels meublés ou résidents de structures d'accueil.

Et puisque l'on dresse le bilan de la situation, ce que l'on ne fait jamais dans cette enceinte, comment ne pas aussi incriminer la responsabilité - cela ne doit pas être occulté - des politiques de régression sociale qui sont intervenues brutalement durant cette législature et dont les conséquences sont les suivantes : l'émiettement du code du travail, permettant de jeter à la rue un nombre grandissant de travailleurs, lesquels basculent ainsi du jour au lendemain dans le camp de la pauvreté,...

Mme Michelle Demessine. ... la précarisation du travail qui devient la règle et qui touche massivement les nouvelles générations de salariés, les baisses de salaire et de pouvoir d'achat, habilement cachées par un indice du coût de la vie aujourd'hui parfaitement tronqué.

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme Michelle Demessine. Et je pourrais ajouter les difficultés grandissantes de notre population pour accéder aux soins.

Une autre conséquence directe de ces politiques de régression sociale est la suppression, en 1991, de l'allocation de logement et du droit de travail des demandeurs d'asile, décision qui a administrativement produit des personnes sans logis !

Lorsque l'on ferme des centaines de milliers de lits d'hôpitaux psychiatriques et que l'on divise par dix le temps de prise en charge, on fabrique administrativement des personnes sans abri !

Lorsque l'on construit pas à pas la précarisation de notre population, il ne faut ensuite ni s'étonner de la situation ni verser quelques larmes de crocodile ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

La crise du logement, mes chers collègues, est orchestrée par les mécanismes spéculatifs, et les dispositions législatives que vous avez adoptées durant cette législature ou de 1993 à 1997 les ont pour ainsi dire légalisés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n'avez pas le monopole du coeur !

Mme Michelle Demessine. Et s'il fallait remonter plus loin encore - c'est utile -, nous dirions même que bon nombre des problèmes auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés étaient contenus en germe dans les lois Barre de 1976 qui, je le rappelle, ont marqué le début du déclin de l'aide de l'État à la pierre (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.), ainsi que dans la loi Méhaignerie de 1986 qui, elle, a ouvert la porte à la libéralisation totale des loyers du secteur privé.

M. Roland Muzeau. Exactement !

Mme Michelle Demessine. Chacun ses priorités, c'est évident !

Que des gouvernements et des majorités parlementaires d'une autre sensibilité que vous ne cessez de conspuer (M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.) aient voté une loi sur le droit au logement, une autre sur la prévention des exclusions, une autre encore sur la solidarité urbaine n'est finalement que très logique.

Si, aujourd'hui, le Gouvernement peut se targuer de faire beaucoup pour le logement, il oublie un peu vite que, sans la loi SRU, votée par une autre majorité et contre nombre de vos propositions, mes chers collègues, il n'y aurait sans doute pas 80 000 logements sociaux construits chaque année...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il y en a 103 000 !

Mme Michelle Demessine. ... depuis deux ans, quand bien même cette définition englobe un peu trop généreusement les logements PLS, qui ne sont pas tout à fait des logements sociaux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme Michelle Demessine. Sans la loi SRU, pas de logements sociaux construits à Neuilly, dans le xvie arrondissement de Paris ou dans nombre de localités qui en étaient dépourvues ou faiblement dotées !

Sans l'obligation faite par la loi SRU, les chantiers de construction dans ces villes continueraient de ne faire émerger que des immeubles de bureaux vides et des logements de standing destinés à la spéculation.

La réalité de la situation du logement dans notre pays appelle donc un examen attentif et réaliste.

Avec 430 000 mises en chantier, l'année 2006 serait la démonstration que nous aurions atteint un niveau particulièrement élevé de constructions neuves ! Quel dommage que, parmi ces logements, on compte moins de 2 % de logements PLA-intégration, auxquels auraient droit 70 % des demandeurs de logement social ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Eh oui, 7 000 seulement !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous avez fait trois fois moins !

Mme Michelle Demessine. Quel paradoxe, enfin, lorsque les crédits budgétaires du logement sont en baisse de 200 millions d'euros dans le budget pour 2007 au regard du budget de 2006 !

M. Guy Fischer. C'est bien dit !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien dit, mais c'est faux ! Vous voulez faire prendre les vessies pour des lanternes !

Mme Michelle Demessine. Le plan d'urgence pour le relogement des personnes sans abri, que la mobilisation des Enfants de Don Quichotte sur le canal Saint-Martin vous a imposé, ne représente jamais que les 70 millions d'euros que vous avez soustraits au budget d'aide aux réfugiés,...

M. Georges Gruillot. Quelle véhémence !

Mme Michelle Demessine. ...ou encore le retour d'une partie des 200 millions d'euros que vous avez ponctionnés sur l'aide personnalisée au logement, ou des 150 millions d'euros qui se sont évanouis pour construire des logements sociaux nouveaux !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Quel amalgame !

Mme Michelle Demessine. Venons-en au texte, puisqu'il résulte de tout cela ! L'inscription de l'opposabilité du droit au logement se présente - nous aurons l'occasion de le souligner de nouveau - comme la reconnaissance de l'évidence et du bien-fondé de l'action de tous ceux qui font du respect du droit au logement l'une des clés de voûte de l'équilibre social de ce pays.

C'est un droit qui est largement à construire et qui devra s'opposer sans doute - c'est du moins notre souhait - au droit à construire des logements vides destinés à la spéculation, tant aidée ces dernières années.

C'est un droit à construire qui devra s'appuyer sur une déclaration de principe intangible, non suspecte d'équivoque.

Ce n'est pas encore le cas du présent projet de loi - je ne suis pas la seule à le dire - dont nous entendons bien améliorer la clarté.

Selon nous, le droit au logement opposable doit être un instrument efficace dans la construction d'un droit au logement effectif pour tous.

Toutefois, cet outil ne peut être une fin en soi. Il ne saurait se résumer à de nouvelles techniques de gestion de la pénurie qui produiraient là encore de terribles effets au regard notamment de la mixité sociale.

Le texte, dans sa rédaction actuelle, crée un droit de recours qui est soumis à des conditions telles qu'il en devient impraticable.

Il faut d'abord déposer une demande auprès d'une commission qui décide, sans qu'aucun délai ne lui soit imposé, de classer la demande comme « prioritaire » ou non. Si elle décide que la demande n'est pas prioritaire, le juge ne peut alors pas être saisi. Autrement dit, le droit de saisir le juge est conditionné à une décision administrative initiale qui n'est contestable que dans les formes du droit commun.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce n'est pas vrai !

Mme Michelle Demessine. Mes chers collègues, j'aimerais que chacun de nous se mette un instant à la place d'une personne en situation d'extrême précarité, confrontée à une telle procédure et à de tels délais !

De plus, le texte prévoit des conditions particulièrement mal définies : « suroccupation manifeste », « demande prioritaire », « ressources insuffisantes » ... Face à un public aussi fragilisé, ces conditions d'accès au droit sont évidemment d'une terrible complexité.

Nous pensons que l'opposabilité du droit au logement doit non seulement se définir selon les procédures prévues par la loi, que nous nous devons, en tant que parlementaires responsables, de rendre lisibles et efficaces, mais aussi s'appuyer sur les outils existants en la matière. Je pense notamment à la réquisition des logements laissés vacants par leur propriétaire, à la sollicitation des autres contingents et à une mobilisation importante du parc locatif privé aidé par l'État.

La crise du logement à laquelle nous sommes confrontés demande une politique plus résolue s'appuyant, dans un même mouvement, sur tous les leviers disponibles.

Il faut un plan d'urgence qui non seulement prévoie d'emblée l'arrêt des expulsions et des coupures d'eau, de gaz et d'électricité, la production massive de logements sociaux et la sécurisation des parcours résidentiels, mais aussi qui freine la spéculation immobilière, recentre la dépense fiscale, revalorise les aides au logement et encadre la baisse des loyers, de façon que ceux-ci n'excèdent pas 20 % des revenus du foyer.

Enfin et surtout, il convient de créer un grand service public du logement chargé de faire valoir le droit sur la loi du marché et d'assurer la transparence concernant l'offre locative et la satisfaction de la demande.

C'est avec ces moyens, que les amendements que nous avons déposés sur ce texte vous permettront d'adopter, mes chers collègues, que nous donnerons sens à l'opposabilité du droit au logement, envisagée dès 2002 par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées.

J'évoquerai rapidement, puisque j'y suis contrainte par le temps, la seconde partie du projet de loi, qui n'a pas de rapport avec la première partie.

Je souhaite simplement vous demander, monsieur le ministre, la raison pour laquelle ces mesures pour le moins diverses se trouvent à la remorque des dispositions relatives à l'opposabilité du droit au logement. Certaines d'entre elles, en tout cas, semblent plus une remise en cause des droits qu'une avancée.

Mes chers collègues, il serait regrettable que l'adoption par le Parlement du texte instituant le droit opposable au logement, qui est le reflet d'une émotion légitime, serve de cache-misère à quelques coups de canif supplémentaires dans notre modèle social.

Bien entendu, c'est en fonction de la prise en compte de nos propositions que nous nous déterminerons sur l'attitude à adopter au terme de la discussion de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà seulement huit mois, la configuration de cet hémicycle était similaire : les mêmes ministres étaient présents, pour évoquer, comme aujourd'hui, le problème du logement. Il avait même été question du droit au logement opposable, dont nous débattons aujourd'hui de façon assez expéditive, hélas ! vous en conviendrez !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mais non !

M. Thierry Repentin. On peut s'étonner que ceux qui, l'année dernière, souhaitaient faire de la question du logement un « engagement national » n'aient pas défendu à cette occasion le droit au logement opposable. Or ils prétendent aujourd'hui régler cet important problème dans la précipitation, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela fait un an que nous réfléchissons !

M. Thierry Repentin. ...laissant ainsi le soin à la majorité qui sortira des urnes de donner vie à ce principe.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cela vous inquiète ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Saisissez le Haut comité, monsieur Repentin !

M. Thierry Repentin. Méfions-nous des attentes légitimes que de telles annonces pourraient susciter au sein de la population, car celles-ci seraient rapidement déçues si ces déclarations restaient lettre morte. Créer une telle attente parmi nos concitoyens sans donner de suites concrètes ne pourra que contribuer à aggraver la défiance à l'encontre des responsables politiques.

Je souhaite donc que nos débats, durant les prochaines soixante-douze heures, soient plus fructueux que les précédents et qu'ils concourent à faire du droit au logement opposable une perspective que j'oserai qualifier de « prochaine et réaliste ».

En effet, c'est l'accès de tous à un logement décent et indépendant qui est au coeur de l'engagement des sénatrices et des sénateurs de gauche, plus particulièrement dans les rangs socialistes.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. On a pu le constater dans les chiffres !

M. Thierry Repentin. Ce combat historique de la gauche s'est traduit dès 1989 par l'inscription dans la loi du droit au logement en tant que droit fondamental.

Mais c'est la loi Besson du 31 mai 1990 qui franchit un pas décisif, en transformant le droit du logement en droit au logement. Parce que son objet est le logement des personnes les plus défavorisées, ce texte de 1990 fait du droit au logement son fondement. Son article 1er précise d'ailleurs que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ». La décision du Conseil constitutionnel, en 1995, viendra conforter ce droit en le reconnaissant « objectif de valeur constitutionnelle ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument ! C'est ça qui importe !

M. Thierry Repentin. C'est à nouveau dans une loi adoptée sur l'initiative de l'union de la gauche plurielle en 1998, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, que ce droit est réaffirmé comme un enjeu majeur des politiques publiques.

M. Jean-Louis Borloo, ministre (brandissant un graphique). C'est bizarre, plus vous faites adopter des textes, plus le nombre de logements sociaux diminue !

M. Thierry Repentin. C'est, enfin, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains adoptée en 2000, sous un gouvernement de gauche, qui témoignera d'un engagement sans précédent en faveur de l'effectivité de l'accès au logement, par le biais, notamment, de son article 55.

M. Jean-Louis Borloo, ministre (brandissant un graphique). Pourquoi le nombre de logements sociaux a-t-il baissé ?

M. Thierry Repentin. Voilà rapidement résumés presque vingt ans de législation relative au sujet qui nous occupe, presque vingt ans de textes audacieux voulus par la gauche et systématiquement déférés au Conseil constitutionnel par l'opposition d'alors, comme M. Braye s'en souvient certainement. Je constate aujourd'hui que la majorité sénatoriale va devoir se ranger derrière nos positions historiques, une fois n'est pas coutume !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous, nous construisons !

M. Thierry Repentin. Je salue cette indéniable avancée, même si je regrette qu'elle soit encore bien timide. J'en veux pour preuve ce curieux glissement sémantique du « droit au logement opposable » au « droit opposable au logement ». (M. Jean-Louis Borloo s'exclame.) Le premier intitulé est celui qui a été retenu par toutes les associations et largement diffusé par les rapports annuels du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées depuis 2002. Il a été supplanté dans ce projet de loi par une innovation malheureuse : un droit, opposable au logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Pour une fois, je suis d'accord !

M. Thierry Repentin. Après l'émotion légitime suscitée par les Enfants de Don Quichotte concernant la situation des personnes sans abri, le présent projet de loi est présenté comme un tournant du droit et des politiques publiques en faveur de nos très nombreux concitoyens éprouvant des difficultés à se loger. Pourtant, j'ai le regret de le dire, il y a, pour l'instant, tromperie. Ce projet de loi n'apportera pas de réponse à la grave crise du logement à laquelle nous sommes confrontés et n'améliorera pas le quotidien des trois millions de personnes mal logées qui vivent dans notre pays.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je peux vous donner les chiffres exacts !

M. Thierry Repentin. Je vais répondre à vos chiffres, monsieur le ministre ! À ce sujet, j'ai lu avec étonnement les propos que vous avez tenus la semaine dernière à l'Assemblée nationale, en réponse à une question de M. le député Pierre-André Périssol. Vous avez alors affirmé ceci : « Plus jamais notre pays ne doit, durant toute une décennie - s'agit-il de celle-ci ? -, construire deux fois moins de logements qu'il n'en a besoin. Tel est l'objectif de cette loi. »

Monsieur le ministre, parlons-nous bien du même texte ? En effet - vous le savez d'ailleurs en votre for intérieur -, ce projet de loi ne créera en vérité pas un seul logement supplémentaire, a fortiori pas un seul logement social supplémentaire, puisqu'il ne comporte aucune disposition visant à renforcer l'application de la loi dite SRU ou à augmenter l'effort public en faveur de la construction abordable. Ce dispositif, imaginé dans la précipitation et discuté en urgence, est en complet décalage avec l'ampleur des besoins.

Monsieur le ministre, vous avez exprimé votre colère, que je partage, au sujet du fonds du 1 % logement. Mais sans doute avez-vous été partiellement - je ne dis pas « partialement » - informé par vos conseillers sur ce sujet.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Non ! Je peux vous communiquer la note qui m'a été remise !

M. Thierry Repentin. En effet, de quoi s'agit-il exactement ? Lorsque M. Périssol était ministre, il avait mis en place le dispositif du prêt à taux zéro, le PTZ. Mais le premier ministre de l'époque, M. Juppé, lui avait demandé de se débrouiller pour trouver les fonds nécessaires. Vous pourrez vérifier cette information dans les archives du ministère : de 1997 à 1998, le PTZ a été financé, à hauteur de 7 milliards de francs, par les seules contributions du 1 % logement. Après le départ de M. Périssol, il a fallu trouver une sortie à ce dispositif.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous répondrai sur ce point !

M. Thierry Repentin. Par conséquent, plutôt que de la colère, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous éprouviez de la reconnaissance à l'égard du ministre qui a résolu ce problème ! Ainsi, quand M. de Robien est devenu ministre du logement, il n'a pas eu à gérer cette difficulté, puisque, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le fonds du 1 % logement avait retrouvé la plénitude de ses moyens.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Non !

M. Thierry Repentin. Telle est la réalité ! Mais sans doute ces informations ne vous avaient-elles pas été données !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Si !

M. Thierry Repentin. J'en reviens au projet de loi, qui distingue cinq catégories de demandeurs prioritaires pouvant saisir la commission de médiation sans condition de délai, dès le 1er décembre 2008 : il s'agit des personnes dépourvues de logement, expulsées sans relogement, hébergées, logées dans des locaux impropres à l'habitation ou insalubres, ou ayant des enfants mineurs et vivant dans un logement indécent ou suroccupé.

Pour répondre aux demandes considérées comme « urgentes » par la commission, l'État est appelé à mobiliser ses droits de réservation dans le parc social : c'est le « contingent préfectoral ». Bien entendu, il ne pourra effectivement le faire que dans le cadre des mutations, c'est-à-dire lorsqu'un logement se libère. Or les taux de rotation, dans le parc social, atteignent à l'heure actuelle des niveaux historiquement bas.

En d'autres termes, le hiatus sera immense entre le nombre de demandes que l'État devra honorer à la suite d'une décision de la commission ou du tribunal administratif et le nombre de logements dont il disposera pour loger ces personnes. À Paris, par exemple, le nombre des publics prioritaires concernés par ce texte est estimé à 35 000 ménages, pour quelque 1 000 attributions effectuées chaque année dans le cadre du contingent préfectoral. Par conséquent, 34 000 demandes resteront sans solution et seront susceptibles de donner lieu à une astreinte ! C'est l'équivalent de trente-quatre années d'attribution : est-ce bien réaliste ?

Au niveau national, selon la Fondation Abbé-Pierre, les critères de priorité établis par le projet de loi concerneront 7,9 millions de personnes. Certes, toutes n'ont pas déposé une demande de logement social, puisque le nombre de dossiers est estimé à 1,4 million environ. Néanmoins, ce sont près de 8 millions de personnes mal logées ou dont le logement est précaire qui attendent potentiellement du débat parlementaire des réponses à leurs difficultés. Près de 8 millions de personnes croient que l'un des aspects les plus précaires et les plus angoissants de leur quotidien disparaîtra grâce à l'adoption de l'opposabilité du droit au logement. Près de 8 millions de personnes, enfin, auront une bien piètre opinion des politiques lorsqu'elles s'apercevront de la mystification.

Prenons bien la mesure de la responsabilité qui est la nôtre, aujourd'hui, dans cet hémicycle. Si la loi instituant le droit opposable au logement ne revient qu'à changer l'ordre de la file d'attente, nous aurons raté le coche, en adoptant une déclaration d'intention, rien de plus.

À ce stade de mon propos, je voudrais dire un mot sur les astreintes prévues à l'article 3 du projet de loi, qui font l'objet d'un autre malentendu. Nos concitoyens ont bien compris que, s'ils obtiennent gain de cause devant le tribunal et si l'État n'est pas en mesure de leur attribuer un logement, ce dernier sera condamné à payer une sorte d'indemnité dénommée « astreinte ». Nos concitoyens imaginent, en toute logique, que cet argent leur sera versé,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. Thierry Repentin. ... ce qui leur permettrait de se loger par eux-mêmes, notamment dans le parc privé. Pourtant, ils n'en toucheront pas un centime, puisque le montant des astreintes abondera un fonds d'aménagement urbain. Belle satisfaction !

Tel qu'il est actuellement rédigé, le projet de loi ne répondra donc pas aux besoins des Français les plus en difficulté, mais il suscitera des interrogations de la part des ménages qui attendent un logement social depuis longtemps, quelquefois depuis plusieurs années. Comme cela a été dit, il sera difficile d'expliquer à ces familles qui remplissent les conditions de ressources pour accéder à un logement social et qui, pour 40% d'entre elles, attendent depuis plus de trois ans cette attribution que la probabilité pour qu'elles en bénéficient diminue encore. Veillons à ne pas dresser les classes moyennes contre les ménages modestes, les ménages modestes contre les personnes en situation de précarité et les personnes en situation de précarité contre les personnes les plus démunies !

Le groupe socialiste n'aura de cesse de défendre, au sein et hors de cet hémicycle, le droit au logement opposable. Encore faut-il que ce dernier soit mis en oeuvre de manière effective et efficace !

Un retour à la définition du droit au logement s'impose à nous, mes chers collègues. La loi de 1990 prévoit que « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité [...] pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir ».

Dans ce texte, chaque mot est important. Il y est tout d'abord question d' « accéder à un logement ». Le droit au logement est donc bien distinct du droit à l'hébergement. Tous deux doivent être garantis, mais ils ne recouvrent pas les mêmes réalités et, surtout, ne doivent pas être assimilés. Il serait en effet absurde de proposer un hébergement en lieu et place d'un logement à une famille jusqu'alors installée dans un appartement suroccupé et menacée d'expulsion sans relogement ou à une personne sans abri qui travaille. J'ai bien entendu les propositions de M. Dominique Braye qui visent à nous faire adopter un texte instituant un droit à l'hébergement et non pas un droit au logement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut les deux ! On ne peut pas mettre immédiatement dans un logement certaines personnes ! Ce serait ridicule ! Il faut un parcours résidentiel !

M. Thierry Repentin. Au-delà des effets d'annonce qui laissent croire à nos concitoyens que le problème des personnes sans domicile fixe pourrait être définitivement résolu en moins de deux ans, l'effort public doit être accru afin de développer le nombre de places en centres d'hébergement d'urgence. Une loi de 1994 impose déjà, il est vrai, la réalisation d'une place d'hébergement par tranche de 1 000 habitants. Toutefois, cette obligation est loin d'être respectée par les acteurs qui en ont la charge.

À l'image du dispositif obligeant les communes déficitaires à proposer 20 % de logements sociaux, les parlementaires du groupe socialiste et apparentés ont déposé un amendement dont l'objet est d'assurer un plus grand respect de la loi de 1994, en mettant en place des sanctions adéquates contre les communes qui ne se conformeraient pas à cet objectif. En contrepartie, l'État devra s'engager à apporter les crédits nécessaires à la réalisation de ces logements.

C'est en distinguant clairement droit au logement et droit à l'hébergement, comme nous vous y inviterons, que l'on peut élaborer un droit au logement opposable universel. Telle est notre conception de l'opposabilité du droit au logement : un progrès pour tous, pas seulement pour les personnes les plus démunies, et un droit effectif, s'appuyant sur un large parc de logements disponibles.

Or, c'est là que le bât blesse. Le contingent préfectoral ne permettra pas de répondre à l'ampleur des besoins existants. J'irai même plus loin : il n'est pas souhaitable que le parc social réponde seul aux besoins de logement des publics prioritaires. En effet, mobiliser le seul parc HLM reviendra à accentuer encore la paupérisation des quartiers.

C'est pourquoi le parc privé conventionné devra contribuer à la mise en oeuvre du droit au logement opposable.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est la garantie des risques locatifs !

M. Thierry Repentin. Vous avez dit tout à l'heure que toute forme de responsabilité, publique ou privée, devait être mise en oeuvre. Nous vous tendons une perche !

Le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements tendant à ce que les conventions passées entre un bailleur privé et l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat prévoient la possibilité pour le préfet de mobiliser le logement concerné en réponse à une injonction du juge.

De façon plus large, la seule mobilisation du parc HLM est une atteinte à la mixité non seulement sociale, mais aussi urbaine et territoriale.

En effet, dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi contribuera à solliciter les seuls territoires disposant d'un nombre significatif de logements sociaux. En d'autres termes, seront à nouveau sollicités ceux qui prennent déjà leurs responsabilités dans l'effort de solidarité nationale. Quant aux communes qui ne respectent pas l'article 55 de la loi SRU, elles resteront complètement étrangères au dispositif !

Aujourd'hui, certaines d'entre elles ne veulent pas construire de logements sociaux et violent délibérément la loi, ...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Repentin. ... sans que l'État use - sauf dans un seul cas, pour le moment - des prérogatives dont il dispose, tels le constat de carence et la substitution à la collectivité défaillante.

Demain, ces mêmes communes ne seront pas le moins du monde concernées par l'opposabilité du droit au logement. On voit mal, en effet, comment elles pourraient accueillir des ménages prioritaires dans des logements sociaux qui n'existent pas sur leur territoire !

Les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste ne peuvent accepter que des maires s'exemptent de tout devoir de solidarité. Ils ont donc déposé plusieurs amendements à cet égard.

L'un d'entre eux vise ainsi à rendre les communes contrevenantes directement responsables de l'opposabilité du droit au logement. Rendre opposable l'article 55 de la loi SRU, voilà qui serait incitatif et symboliquement fort !

Dans le même ordre d'idées, et afin de ne pas ghettoïser davantage les communes dont les habitants sont très défavorisés et qui accueillent sur leur territoire une majorité de logements sociaux - 50 %, 60 %, voire 70% -, ils proposeront que celles-ci soient exclues des attributions préfectorales issues de l'application du présent projet de loi.

J'ajoute que 62 % du parc HLM est localisé dans les aires urbaines de plus de 100 000 habitants, contre 13 % dans les communes rurales et les aires urbaines de moins de 10 000 habitants. Pour autant, les publics décrits comme prioritaires dans le projet de loi ne vivent pas tous à Paris, Lille, Lyon ou Marseille ! Dans certaines zones rurales paupérisées où l'offre locative est très restreinte, l'accès au logement peut représenter une véritable difficulté. Le droit au logement opposable perdra-t-il de sa valeur dans certaines régions ? Sera-t-il moins garanti dans les petites communes que dans les grandes villes ?

Les parlementaires socialistes ne peuvent, pour leur part, se satisfaire de cette perspective et proposeront donc que l'opposabilité du droit au logement s'accompagne d'une politique publique volontariste faisant du logement une grande cause nationale. Celle-ci passera tout d'abord par un renforcement de l'article 55 de la loi SRU, cher au coeur de M. Braye. Grâce à cette dernière disposition, qu'il avait combattue, vous pouvez vous targuer, monsieur le ministre, d'avoir mis en place, en 2006, 16 000 PLAI et PLUS, dont le bénéfice revient, sur le plan statistique, au gouvernement auquel vous appartenez.

Or si ces PLAI et ces PLUS ont été accordés, c'est parce qu'une loi, en 2000, a permis d'enjoindre à ces communes de réaliser les logements qu'elles refusaient de construire.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Quelle captation de résultat !

M. Thierry Repentin. Nous sommes ravis que vous puissiez porter à votre crédit des réalisations rendues possibles grâce à une loi votée sous un gouvernement de gauche !

Un autre de nos amendements tend à conditionner l'octroi du permis de construire, dans les communes faisant l'objet d'un constat de carence, à la réalisation de 30 % au moins de logements sociaux lors de chaque opération nouvelle, et à définir précisément ce qu'est un logement social. En effet, nous avons visiblement, sur ce point, des divergences d'interprétation.

Il ne s'agit plus de construire n'importe quelle offre.

Les PLS sont loin d'être accessibles à une majorité de demandeurs. Il est d'ores et déjà parfois difficile, dans certaines régions, d'attribuer des logements de type PLUS, en raison de la faiblesse des revenus des demandeurs de logement social. La France manque cruellement de logements très sociaux : moins de 8 000 PLAI ont été réalisés en 2006, ce qui est largement insuffisant.

Avant de conclure mon propos, je m'arrêterai sur l'un des termes de la définition du droit au logement donnée par la loi de 1990 : la capacité à se « maintenir » dans le logement. Cette expression a été reprise dans l'article 1er du projet de loi, et seulement dans cet article. Aucune disposition, dans les articles suivants, ne tend à prévoir que la collectivité doit venir en aide aux personnes et aux familles éprouvant des difficultés à se « maintenir » dans leur logement.

Pourtant, rendre effectif ce droit au maintien dans le logement passe immanquablement par la solvabilisation des ménages, laquelle a pour fondements la revalorisation des aides au logement, d'une part, et l'indexation de ces aides sur l'indice de référence des loyers, d'autre part.

C'est l'objet de l'un de nos amendements, qui a déjà été déposé à plusieurs reprises - à l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, du projet de loi portant engagement national pour le logement, mais aussi des projets de lois de finances pour 2005, pour 2006 et pour 2007 -, et auquel a été opposé à chaque fois l'article 40 de la Constitution.

J'ai constaté avec intérêt que M. Seillier, rapporteur de la commission saisie au fond, avait déposé ces jours-ci un amendement identique. Souhaitons, puisque nous vivons une période de conversions soudaines à nos idées (Murmures sur les travées de l'UMP.), qu'un meilleur accueil soit réservé à cette proposition !

En conclusion, je tiens à vous assurer, madame, messieurs les ministres, que mes collègues du groupe socialiste et apparentés et moi-même avons la farouche volonté d'inscrire l'opposabilité du droit au logement dans le droit français. Comment, en effet, pourrait-il en être autrement ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons !

M. Thierry Repentin. Nous ne renierons ni nos combats, ni nos engagements, ni nos ambitions. Nous y contribuerons, par notre vote, dès lors que l'effectivité du droit au logement opposable sera garantie.

Monsieur le ministre, nous serons vigilants, et nous apprécierons la sincérité de l'engagement gouvernemental...

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous auriez mieux fait de le faire en 1997 et en 2002 !

M. Thierry Repentin. ... à la lumière de l'utilisation raisonnée qu'il fera de l'article 40 de la Constitution et des avis qu'il émettra sur les amendements des rapporteurs et des sénateurs.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons la discussion parlementaire dans un esprit de « construction », au sens propre comme au sens figuré du terme, et nous aurons pour exigence morale, au moment du vote, de ne pas mentir à nos concitoyens. L'adoption de nos amendements de fond peut vous aider à nous rejoindre sur la voie de cette exigence morale et républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les tentes dressées le long du canal Saint-Martin et l'action de l'association des Enfants de Don Quichotte ont été emblématiques de la crise du mal-logement à laquelle est confrontée une partie de nos compatriotes.

Cette action emblématique a provoqué une prise de conscience, que les associations oeuvrant dans ce secteur ont eu bien des difficultés, pendant des années, à faire partager, malgré leur énorme mobilisation et le formidable travail qu'elles accomplissent au quotidien, et que je salue en cette occasion. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

Cette action, elles en ont été le flambeau et le porte-drapeau. En effet, on ne répétera jamais assez combien, depuis des années, l'ensemble du tissu associatif défend cette cause auprès de chacun d'entre nous.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Valérie Létard. Cette action très médiatique a placé cette prise de conscience au premier rang de l'actualité. On peut regretter qu'il faille en venir à de telles « opérations coup-de-poing » pour sensibiliser l'opinion. Mais on peut aussi se réjouir que ce coup de projecteur sur la situation des plus démunis d'entre nous ait été l'élément déclencheur permettant de franchir une nouvelle étape vers l'opposabilité du droit au logement.

Comme la plupart d'entre nous, je me félicite que cette mesure, qui paraissait voilà quelques mois encore impossible à atteindre, fasse aujourd'hui l'objet d'un projet de loi. Quelque part, la demande répétée de ces associations n'était donc pas déraisonnable !

Dans le même temps, il nous faut constater que jamais, jusqu'ici, un gouvernement n'avait annoncé un effort de construction aussi important que celui qui est présenté au travers du plan de rénovation urbaine et du plan de cohésion sociale. Pourtant, nos concitoyens ressentent aujourd'hui un décalage énorme entre la difficulté de se loger au quotidien, qui touche quasiment tout le monde, et l'annonce de ces milliers de logements.

Oui, nous sommes favorables a priori au principe du droit opposable au logement, car il est impossible d'accepter que, dans une société comme la nôtre, les personnes en situation particulièrement précaire n'aient pas droit à un toit.

Notre soutien à ce projet de loi s'accompagnera cependant, monsieur le ministre, de nombreuses questions et interrogations concernant sa mise en oeuvre effective, afin de lever toute inquiétude quant à son application concrète.

La première question, évidente, qui se pose porte sur le calendrier. Ce qui était irréalisable, voilà quelques mois encore, doit désormais devenir possible.

Vous avez rappelé, monsieur le ministre, l'effort considérable consenti pour construire et rénover massivement des logements. Nous ne demandons qu'à vous croire. Mais, en tant qu'élus de terrain, nous constatons, dans nos régions respectives, combien il est difficile de faire sortir de terre les logements programmés sur le papier.

L'ambition de rénover les quartiers dégradés tout en produisant des logements supplémentaires exige, il est vrai, non seulement des moyens, mais aussi des opérateurs capables d'assumer ces deux entreprises de front. C'est un sacré pari ! Et sans doute avons-nous demandé aux opérateurs de logements de fournir un effort quelque peu démesuré par rapport à leurs possibilités. Il faudra donc, désormais, les accompagner dans le développement de ces projets.

Dans la perspective de l'ouverture de ce droit nouveau à partir de 2008, et sachant que l'effort de construction de logements sociaux que vous annoncez ne pourra se traduire concrètement avant deux ou trois ans au minimum, il nous faudra redoubler d'énergie et mettre en oeuvre tous les outils nécessaires à la réalisation de cet objectif. Nous aborderons ce point dans nos amendements.

Par ailleurs, nous sommes favorables à l'introduction du droit opposable à l'hébergement. Il nous semble en effet nécessaire de définir ce droit particulier et de le dissocier du droit au logement opposable. Les propositions faites à cet égard sont assez intéressantes. Mais il est avant tout essentiel, selon nous, de respecter le calendrier fixé, dans le texte que vous nous présentez, pour la mise en oeuvre du droit opposable au logement.

Ma deuxième interrogation porte sur l'offre de logements nécessaire afin de garantir à chacun un logement adapté à ses besoins.

Nous présenterons plusieurs amendements tendant à encourager la production de logements très sociaux, en particulier dans les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU. À titre personnel, je soutiendrai également la proposition de notre collègue Pierre Jarlier visant à l'extension du périmètre d'application de l'article 55 de la loi SRU dans les agglomérations.

En effet, la crédibilité de la démarche du Gouvernement reposera entièrement sur cet effort global de construction de logement très social. À défaut d'un tel effort, la procédure de recours ouverte par le projet de loi débouchera sur une nouvelle file d'attente, dont l'ordre de passage aura simplement été un peu revu. Mais l'objectif final, c'est-à-dire trouver un toit, ne sera toujours pas atteint.

S'il nous faut plus de logements sociaux, il nous faut encore plus de logements très sociaux. C'est le chaînon manquant du parcours résidentiel, chacun en est conscient. Il faut désormais passer aux actes.

Enfin, et ce sera le troisième point de mon intervention, il ne suffit pas de produire des logements ; encore faut-il que les personnes qui y vivent soient autonomes et capables de s'y maintenir. L'ouverture du droit au logement opposable nous conduit donc inévitablement à nous interroger sur notre capacité à accompagner ces personnes dans la voie de l'accès et du maintien dans le logement.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est vrai !

Mme Valérie Létard. Les associations, les bailleurs sociaux et les collectivités seront très attentifs à cette question, et nous vous proposerons des amendements sur ce point.

Je souhaite vivement, madame, messieurs les ministres, que cette question fondamentale ne soit pas absente de nos débats, car elle y est intimement liée, qu'il s'agisse du niveau des aides au logement, de leur indexation, ou de l'accompagnement social.

Vous le savez mieux que quiconque, monsieur Borloo, car vous connaissez bien ce type de publics : une personne en très grande difficulté, qui bénéficie d'un relogement à la suite de l'examen de son dossier par la commission de médiation, risque à tout coup de voir sa situation se dégrader à nouveau très rapidement si un accompagnement social n'a pas été assuré parallèlement. En effet, ce droit au logement ne dure qu'un temps.

L'autre point crucial du texte, c'est la place des collectivités locales dans ce dispositif.

Nous soutiendrons, comme les rapporteurs des trois commissions l'ont proposé, une clarification du rôle des collectivités, intercommunalités ou communes ayant en charge la délégation de l'aide à la pierre et assumant la délégation du contingent préfectoral.

Les collectivités sont bien évidemment au coeur du processus de production de logements. Elles pourront ainsi procéder, au plus près des besoins, aux attributions de logement et à la gestion de ce contingent.

Mais, en aucun cas, elles ne peuvent porter une responsabilité qui est celle de l'État. Si ce dernier choisit de s'engager sur le droit opposable, il doit en assumer les conséquences juridiques, et le recours ne peut se faire que contre lui.

Ce débat de clarification, qui sera sans nul doute un moment important de la discussion du texte, sera déterminant sur notre vote définitif si nous voulons que le système ne soit pas verrouillé d'entrée et ne décourage la bonne volonté des collectivités désireuses de s'investir sur ces questions.

Á l'heure où le Gouvernement vient, à l'occasion du projet de loi de modernisation du dialogue social, de proposer la consultation systématique en amont des partenaires sociaux sur les sujets qui les concernent, il est dommage qu'un texte aussi important n'ait pas fait l'objet d'une très large concertation avec les associations.

Au-delà de l'indéniable caractère prioritaire que revêt ce projet, je regrette que la procédure d'urgence ne permette pas une réflexion semblable à celle que nous avons eue lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement. Avec plusieurs lectures, sans doute aurions-nous été en mesure de mieux cerner le dispositif entre hébergement et logement, de mieux préciser le fonctionnement de la commission de médiation et ses voies de recours.

Certes, il fallait entamer le débat, il fallait poser des jalons. Monsieur le ministre, ce que nous souhaitons maintenant, c'est que le travail du Haut comité de suivi porte ses fruits. Fort de ses conclusions, le Parlement reprendra la réflexion pour améliorer encore l'ambition que vous venez d'inscrire dans le marbre et redéfinir les moyens nécessaires.

Telle est, en l'état, notre contribution à ce vaste chantier sur lequel chacun d'entre nous se doit d'avancer. Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir bien voulu inscrire à l'ordre du jour du Parlement ce texte, certes imparfait, sur un sujet qui n'est pas simple.

J'espère que ce débat initiera une vaste réflexion commune et que d'autres projets suivront afin que chacun soit entendu et que les moyens soient ajustés au plus près des besoins. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes devant un texte législatif majeur, un de ceux qui donnent du sens à l'action publique parce qu'ils sont au coeur du pacte républicain, fondé sur l'égalité et la fraternité.

La disparition de l'abbé Pierre, au moment où s'ouvre ce débat, résonne comme un ultime message nous enjoignant d'agir et de créer l'irréversible pour que notre société se mobilise et s'engage définitivement à ne plus accepter l'inacceptable : des femmes, des hommes et des enfants sans habitat pour construire leur parcours de vie.

Monsieur le ministre, je suis heureux que cette loi fondatrice d'un droit essentiel porte votre nom ; j'y associe évidemment celui de Mme Vautrin. J'en suis heureux, car il est juste de reconnaître qu'elle est l'aboutissement naturel de votre action, qu'elle a la crédibilité de votre bilan et de votre démarche. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jean-Paul Alduy. Là où vos prédécesseurs, de gauche comme de droite, restaient prisonniers de lois, de procédures, d'administrations, de budgets qui conduisaient les maires et tous les acteurs du logement à accepter comme une fatalité la stagnation, voire la baisse de la construction sociale et la concentration inéluctable de toutes les précarités dans nos cités HLM, vous avez brisé les scepticismes, rassemblé et mobilisé toutes les énergies pour relever ces défis incontournables.

M. Roland Muzeau. Pas chez Sarkozy ! Pas dans les Hauts-de-Seine !

M. Jean-Paul Alduy. Avec l'ANRU, ce sont 500 projets décidés ou examinés, représentant 33 millions d'euros de travaux, dont un tiers est subventionné. Ce sont 400 000 logements réhabilités ou « résidencialisés », 100 000 qui sont démolis ou reconstruits. Au total, ce sont plus de 500 000 ménages qui vont accéder à un habitat de qualité, dans des quartiers qui n'auront rien à envier, ni par leurs équipements ni par leur mixité sociale, aux autres quartiers de la ville.

Avec le plan de cohésion sociale et la loi portant engagement national pour le logement, vous nous avez démontré qu'il était possible de doubler le rythme de la construction sociale, voire de le porter à 2,5 si l'on se réfère à l'année 2000. Vous nous avez appris également qu'il était possible de multiplier par trois la mise sur le marché de logements privés à loyers maîtrisés produits avec l'aide de l'ANAH. Vous avez contribué à la relance de l'accession sociale qui libérera, dans le parc social, des logements pour les plus nécessiteux.

Oui, monsieur le ministre, vous nous avez démontré qu'on sous-estime l'énergie que peut produire une société rassemblée sur un objectif clair et partagé. Et le droit opposable au logement fait partie de ces objectifs qui doivent, chers collègues, tous nous rassembler.

M. Roland Muzeau. En pratique, ce n'est pas pour demain matin !

M. Jean-Paul Alduy. Vous aurez, quant à vous, du mal à défendre le bilan en la matière des gouvernements que vous souteniez !

M. Roland Muzeau. Ne vous inquiétez pas ! Vous n'en avez pas pour longtemps !

M. Jean-Paul Alduy. Le problème qui se pose à nous est donc non pas de contester le bien-fondé de cette loi, mais de l'enrichir. Je tiens, ici, à saluer la contribution remarquable de nos rapporteurs et la mobilisation des trois commissions : affaires sociales, lois et affaires économiques. Les nombreux amendements déposés illustrent, monsieur le ministre, notre volonté d'être à vos côtés pour renforcer les chances d'atteindre l'objectif.

Personnellement, je souhaite aborder trois questions : quelles étapes et quel calendrier  doit-on retenir ? Quelles accélérations convient-il de donner à la politique déjà mise en oeuvre ? Quelle doit être la place des collectivités locales dans le dispositif ?

Première question : quelles étapes et quel calendrier faut-il retenir ? Vous fixez, monsieur le ministre, au 1er décembre 2008 - c'est-à-dire dans vingt mois - soit à six mois du renouvellement des équipes municipales, la première étape d'application du droit au logement pour une population d'ayants droit largement définie ou, du moins, qui peut être très importante suivant les interprétations locales de la phrase « personnes logées dans des locaux impropres à l'habitat ou ne disposant pas d'un logement décent ».

Je me permets de signaler que l'hébergement est aujourd'hui loin d'être assuré dans des conditions décentes sur l'ensemble du territoire. Vous l'avez, d'ailleurs, vous-même reconnu en définissant un nouveau dispositif destiné à « changer radicalement l'accueil dans les centres d'hébergement d'urgence » - je ne fais que reprendre vos propres termes - et en prévoyant près de 30 000 nouvelles places disponibles pour répondre à toute demande d'hébergement de façon adaptée.

Dès lors, ne faut-il pas définir une étape préalable, à savoir le droit à l'hébergement opposable, avant de renvoyer vers les tribunaux celles et ceux auxquels l'État serait incapable de fournir un logement ? Il s'agit, non de transformer cette loi en droit à l'hébergement opposable, mais d'assumer un constat, à savoir la nécessité d'assurer au préalable le droit à l'hébergement.

Fort de ma propre expérience à Perpignan, je crois sincèrement, monsieur le ministre, que la première étape est fragile dans son calendrier, sauf à compromettre tous les efforts consentis pour promouvoir la mixité sociale dans les cités HLM où se sont concentrées toutes les précarités, sauf aussi à donner les moyens juridiques et financiers à l'État pour réquisitionner massivement les logements privés vacants, ce qui n'est pas le cas.

Vingt mois pour une première étape d'application large, c'est, à mon avis, un peu court. Rien ne serait plus dangereux qu'une loi que tout le monde, ou presque, s'accorde aujourd'hui à juger nécessaire, mais qui, dès la première étape, serait appliquée dans la confusion et, surtout, inégalement suivant les territoires.

M. Thierry Repentin. C'est vrai !

M. Jean-Paul Alduy. J'ai du mal à croire qu'en Île-de-France, compte tenu des difficultés de rénovation urbaine que l'on y connaît, il sera possible d'être, dans vingt mois, au rendez-vous fixé par la loi. Il faut donc se poser la deuxième question : quelles accélérations donner à la politique mise en oeuvre ?

Il est évident, monsieur le ministre, qu'il faudra revisiter tout à la fois votre plan de cohésion sociale, l'article 55 de la loi SRU et l'ensemble des textes qui permettent de mobiliser le parc privé, conventionné ou non par l'ANAH.

Cette tâche incombera...

M. Thierry Repentin. Au prochain gouvernement !

M. Jean-Paul Alduy. ..., pour l'essentiel, à l'équipe gouvernementale et à l'Assemblée nationale qui sortiront des scrutins des mois à venir. Et ce n'est pas votre bilan 1997-2002 en matière de logement que vous pourrez mettre en avant, chers collègues de l'opposition !

M. Henri de Raincourt. C'est bien vrai !

M. Jean-Paul Alduy. En tout cas, il nous appartient, dès à présent, de montrer le chemin, par exemple, en proposant de revisiter l'échéancier du plan de programmation pour la cohésion sociale ; de compléter les financements à la disposition de l'ANRU ; d'améliorer les incitations, notamment fiscales, au bénéfice des bailleurs privés conventionnés ; d'imposer des obligations nouvelles aux communes qui ne respectent pas le seuil des 20 % de logements sociaux, par exemple en réservant 20 % de logements sociaux...

M. Roland Muzeau. Et même 50 % !

M. Jean-Paul Alduy. ... dans toute construction nouvelle de plus de dix logements, voire en liant, dans ces communes, toute vente d'HLM ou tout déconventionnement à la compensation par un nombre équivalent de logements sociaux nouveaux, à l'instar des démolitions dans les programmes de rénovation urbaine.

Mais il faudra aussi aborder, demain, la question de la mobilisation du parc privé. Le conventionnement sans travaux, la réforme des procédures sur l'insalubrité et les logements indignes vont dans le bon sens. Innovation considérable, la garantie des risques locatifs va permettre de remobiliser le secteur privé, mais il faudra certainement aller plus loin.

Permettez au Catalan que je suis d'évoquer au passage la loi projetée par la Catalogne, qui obligera à louer un appartement laissé vacant deux ans, sauf à se voir, en cas de refus, dépossédé temporairement - pendant cinq ans - de la propriété dudit logement.

M. Thierry Repentin. C'est astucieux !

M. Jean-Paul Alduy. Je ne pense pas souhaitable d'en arriver à cette extrémité...

M. Jean-Paul Alduy. ..., mais cet exemple illustre la nécessité de ne pas faire peser la charge du droit au logement opposable sur les seuls bailleurs sociaux.

M. Jean-Paul Alduy. Troisième question : quelle est la place des collectivités locales dans ce dispositif ? Tout en approuvant sans réserve l'objectif de la loi et le fait que l'État assumera cette mission, l'Association des maires des grandes villes de France, présidée par notre collègue, Jean-Marie Bockel, a exprimé plusieurs inquiétudes.

Je ne reviens pas sur la nécessité d'assurer en préalable le droit à l'hébergement décent, ni sur celle d'accroître les moyens financiers du plan de cohésion sociale. Je n'insisterai pas davantage sur le renforcement des contraintes dans les communes qui ne satisfont pas aux 20 % de logements sociaux.

L'inquiétude porte fondamentalement sur trois questions : d'abord, en situation de pénurie et de répartition inégale des logements sociaux, le risque est grand de concentrer à nouveau toutes les précarités dans les quartiers, dans les communes et les communautés qui cherchent, avec votre aide, monsieur le ministre, à améliorer la mixité sociale, condition nécessaire du combat contre le communautarisme, les discriminations à l'emploi ou encore l'échec scolaire. (M. Thierry Repentin applaudit.). Les maires et les présidents d'EPCI doivent être étroitement associés par les préfets à la mise en oeuvre du droit au logement effectif.

Ensuite, si les moyens de l'accompagnement social ne sont pas considérablement renforcés - et, là, les conseils généraux sont directement impliqués - l'accès au logement ne permettra pas à ces ménages de recouvrer rapidement une situation d'autonomie et, donc, d'intégration sociale. Le projet de loi n'aborde pas cette question ; tôt ou tard, il faudra le faire !

Enfin, de nombreux EPCI sont aujourd'hui l'autorité organisatrice de la politique sociale du logement par délégation de l'État. Il est clair que les conventions actuelles seront rendues caduques dès que le droit au logement sera opposable ; de nouvelles conventions devront être négociées avec l'État, comme avec les conseils généraux. L'objectif est de faire émerger un bloc de compétences cohérent depuis le financement, en passant par la planification, l'accompagnement social, les programmes de rénovation urbaine ou le droit de réquisition pour leur permettre d'assumer cette responsabilité.

Monsieur le ministre, je suis de ceux qui sont convaincus que, tôt ou tard, ce seront des EPCI élus démocratiquement qui pourront être l'autorité responsable et efficace parce que proche du terrain et impliquée dans la politique de la ville sous tous ses aspects et sur un territoire pertinent.

Vous le voyez, monsieur le ministre, vous ouvrez un chantier immense, et personne n'était plus crédible que vous pour nous y engager.

La grande vertu de ce texte qui couronne, j'aime à le rappeler, votre bilan exceptionnel est de créer enfin l'irréversible, de briser une fois encore les scepticismes. Et si le scepticisme est d'humeur, avec vous, monsieur le ministre, l'optimisme est de volonté ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en commençant l'examen de ce projet de loi, comment ne pas évoquer la mémoire de l'abbé Pierre, dont l'infatigable combat a porté la voix des plus démunis ?

Pendant plus de cinquante ans, il a conservé intacte sa capacité d'indignation pour essayer de redonner à ceux qui n'avaient plus rien les moyens de vivre dignement. Il bousculait les consciences, du simple citoyen aux plus hauts dirigeants de ce monde. Et il est malheureusement vrai que notre société d'opulence détourne encore souvent les yeux de la souffrance des plus faibles.

En 2007, en France, pays développé, est-il admissible, mes chers collègues, que des dizaines de milliers de nos compatriotes - nos frères ! - dorment dans la rue ? De cela, nous sommes tous un peu responsables.

Le principe de précaution, érigé en dogme à tout bout de champ, n'est pas pris en compte dans ce domaine du logement, pourtant capital pour les SDF, dont l'espérance de vie est faible.

Selon le rapport pour 2006 de la Fondation Abbé-Pierre, environ 86 000 personnes sont dépourvues de logement, plus de 120 000 sont accueillies dans des structures d'hébergement d'urgence et d'insertion, plus de 200 000 sont hébergées de façon précaire par des amis ou des parents, et plus de 2 millions sont logées dans un habitat indécent.

Ces chiffres sont indignes ! Mais il s'agit aussi de garder en mémoire la multiplicité des cas qu'ils recouvrent : travailleurs et retraités pauvres, ménages dépendant des minima sociaux, familles monoparentales, étrangers en situation irrégulière, etc. Chaque situation appelle un traitement adapté.

Les causes du « mal logement » sont également multiples. L'insuffisance du parc social conjuguée à l'augmentation des prix de l'immobilier a poussé de plus en plus de personnes hors des circuits traditionnels. Les délais d'attente sont de plus en plus longs, surtout en région parisienne. Les retards des programmes de construction accumulés ainsi que l'insécurité juridique de certains bailleurs privés ont amplifié le phénomène.

L'espérance de l'abbé Pierre ne doit pas rester vaine. Il nous appartient maintenant, à nous représentants de la souveraineté nationale, de rendre un ultime hommage à son juste combat en inscrivant dans le marbre de la loi républicaine que l'État aura désormais l'obligation de garantir un logement décent à tout citoyen qui n'a pas les moyens d'y accéder.

Du point de vue juridique, le droit au logement a connu bien des vicissitudes. Proclamé par la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, il était déjà reconnu comme principe concourant au droit à une existence convenable par le Préambule de la Constitution de 1946. Il fut également érigé en objectif de valeur constitutionnelle en 1995 par le Conseil constitutionnel. Le législateur ne fut pas en reste, puisqu'il en proclama le caractère fondamental à de nombreuses reprises, en 1982, 1990, 1995 et 1998 notamment.

Aujourd'hui, sous l'impulsion du Président de la République, nous nous apprêtons à dépasser la simple déclaration de bonnes intentions pour transcrire durablement ce devoir de protection des plus faibles par la collectivité. Nous rendons ainsi effectif ce devoir de solidarité dont nous sommes les débiteurs vis-à-vis de nos compatriotes les plus démunis.

Cette loi n'aurait pas vu le jour sans le travail considérable et le concours efficace du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, qui a su mobiliser des experts de tous horizons au service de la cause des sans-logis et des mal-logés pour assigner aux pouvoirs publics une obligation de résultat. Je tiens ici à saluer l'action de ses deux présidents successifs, Louis Besson et Xavier Emmanuelli. Enfin, je veux rendre hommage au remarquable travail de notre rapporteur, Bernard Seillier, dont l'engagement en faveur de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion ne sont plus à démontrer, notamment au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

L'opposabilité du droit au logement doit s'articuler avec une politique du logement ambitieuse. Ce texte resterait lettre morte s'il ne s'accompagnait pas de la construction des logements afférents.

Je connais suffisamment votre détermination à ce sujet, monsieur le ministre, pour savoir que votre volonté est sans faille. L'ensemble des acteurs de la chaîne du logement doivent être impliqués : État, élus locaux, partenaires sociaux ou encore représentants des bailleurs sociaux, des propriétaires privés et des locataires.

Donnons aussi l'exemple : l'accès au logement social doit être réservé à ceux qui en ont vraiment besoin.

En 2006, les premiers résultats tangibles du volet « logement » du plan de cohésion sociale ont été observés, avec la mise en chantier de près de 430 000 logements. Votre objectif de construire 120 000 logements sociaux par an est en passe d'être atteint et contribuera, à n'en pas douter, à rendre effective l'opposabilité du droit au logement.

Il est indispensable que cette politique du logement soit coordonnée avec une politique sociale globale.

L'État et les pouvoirs publics doivent exercer pleinement leur rôle de garant du développement des individus, mais il ne faut pas pour autant négliger la responsabilité et le libre arbitre des bénéficiaires des dispositifs d'aide sociale. Le relogement n'est qu'une étape, certes indispensable, vers la réinsertion. La lutte contre le chômage est ainsi le premier rempart contre la spirale infernale menant à la précarité et à l'exclusion. Sur ce point, vous commencez à recueillir, monsieur le ministre, le fruit des réformes initiées depuis quelques années.

Une fois cette loi votée, notre vigilance sera grande. Le groupe du RDSE, comme Thierry Repentin, veillera particulièrement à la mise en application de ce texte. Le temps des atermoiements a cessé, celui de l'action est venu.

Léon Bourgeois, grande figure radicale, auteur, au début du xxe siècle, de la doctrine solidariste, voulait que la République assurât le progrès et l'épanouissement. C'est ainsi qu'il écrivait en 1902 : « La Nation veut que la République soit une société vraiment équitable où, dans un commun respect pour toutes les lois, le citoyen puisse avec sûreté jouir de tous ses droits, exercer toutes ses activités, trouver la juste récompense de son travail et de son mérite ».

C'est fort de cet état d'esprit, et conscient de la solennité du moment, que je voterai, avec bon nombre de mes collègues, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la disparition de l'abbé Pierre a monopolisé ces derniers jours tous les médias. Rien de plus normal : l'abbé Pierre méritait un tel hommage, lui qui a dédié toute sa vie aux plus démunis et, surtout, aux personnes sans logis.

Je m'y associe pleinement, mais je souhaite également rendre hommage à tous ceux qui oeuvrent sans relâche auprès des familles en difficulté et des sans-abri, de plus en plus nombreux. La tâche des « aidants » est de plus en plus lourde, car les solutions deviennent de plus en plus difficiles à trouver tant les problèmes sont complexes.

J'ai moi-même été assistante sociale durant plus de vingt ans. De nombreuses familles étaient déjà en grande difficulté, mais force est de constater que, depuis ces quinze dernières années, le fossé de la précarité s'est creusé.

Rendre la dignité à toutes ces personnes doit être notre priorité, et leur permettre d'avoir un toit constitue une première réponse.

L'abbé Pierre le savait bien. C'est ainsi qu'à mon collègue député du Nord, Marc-Philippe Daubresse, alors ministre du logement, qui lui parlait du droit au logement opposable pour 2010, il avait répondu : « Cinq ans, c'est trop long, il faut aller plus vite ! »

Notre gouvernement a répondu à l'appel des sans-abri en annonçant, dès la fin du mois de décembre, une série de mesures, dont l'extension immédiate des horaires d'ouverture des centres d'accueil d'urgence. Le 17 janvier, le conseil des ministres adoptait le projet de loi instituant le droit opposable au logement : d'ici à cinq ans, ce nouveau droit sera ainsi placé au même rang que le droit aux soins ou le droit à l'éducation.

Trois millions de personnes sont, en France, mal logées et environ 100 000 vivent dans la rue. À ce jour, un seul pays européen, l'Écosse, a adopté une telle loi.

Monsieur le ministre, je salue votre détermination. Et je m'étonne que cette loi ne fasse pas l'unanimité auprès de mes collègues, car, sauf erreur de ma part, elle répond aux appels des associations et à celui de l'abbé Pierre, qui nous avait demandé de faire vite.

M. Philippe Darniche. Très bien !

Mme Sylvie Desmarescaux. Le droit au logement existe déjà en France - lois de 1982, de 1989, de 1990 et de 1998 -, mais il demeure, d'une certaine façon, virtuel. C'est pourquoi les protections juridiques au profit des plus démunis doivent être renforcées.

Certes, il existe déjà des mécanismes, tels que les commissions de médiation, qui ont pour mission la prise en charge des personnes n'ayant pas obtenu un logement social après un délai anormalement long. Mais ces candidats à la location n'ont aucune garantie quant à l'obtention d'une HLM. Ils restent tributaires des disponibilités dans le parc social et de modalités d'attribution souvent complexes.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, 115 000 personnes sont toujours en attente d'une solution pour se loger, alors que le parc de logements sociaux y est de 10 points supérieur à la densité moyenne nationale.

Pourtant, on ne peut pas dire que rien n'a été fait dans ce domaine depuis 2002. En effet, dès son arrivée aux commandes de notre pays, le Gouvernement a compris la mesure du problème et l'a pris à bras-le-corps. Je citerai simplement la mise en oeuvre du plan de rénovation urbaine, du plan de cohésion sociale et la loi de 2006 portant engagement national pour le logement.

Ainsi, environ 430 000 logements ont été mis en chantier et 565 000 nouveaux logements ont été autorisés depuis cinq ans. De même, le Gouvernement a financé 105 000 logements locatifs sociaux en 2006, soit deux fois plus qu'en 2001. En termes financiers, ce sont 720 millions d'euros qui ont été dévolus à cette politique en 2006, soit 150 millions d'euros de plus qu'en 2001. Jamais un gouvernement n'a construit autant de logements sociaux !

En instaurant un droit opposable au logement, l'État met en place un dispositif coercitif donnant à chacun la possibilité de faire valoir un droit déjà reconnu, je l'ai dit, dans plusieurs textes. Mais l'objectif est bien de tout mettre en oeuvre pour qu'il n'y ait pas de contentieux. Pour ce faire, l'opposabilité doit impérativement s'accompagner d'une production de plus en plus importante de logements à loyers accessibles, mais également d'une forte mobilisation des collectivités locales et de l'État pour parvenir à une offre adéquate de logements sur l'ensemble du territoire.

Avant de conclure, je souhaite dire quelques mots sur l'accueil et l'hébergement d'urgence. Sous l'impulsion de notre ministre Catherine Vautrin, dont je salue le travail de grande qualité, le nombre de places d'hébergement et d'insertion a augmenté de 50 %. De nouveaux types d'hébergement, en maisons relais ou en structures dites « de stabilisation », ont été créés pour accueillir les personnes sans domicile fixe.

Permettez-moi de citer en exemple ce qui a été fait sur mon secteur du Dunkerquois, que je connais particulièrement bien. En tant que vice-présidente du PACT, je me suis en effet impliquée fortement sur ces dossiers.

Depuis 2005, un local dit « grand froid » ouvre ses portes jour et nuit, et quinze personnes y résident. C'était, jusqu'à la fin de l'année dernière, le seul lieu d'accueil en France à avoir cette amplitude d'ouverture.

Je citerai aussi, toujours dans la région de Dunkerque, la construction, en pleine concertation avec les associations et la communauté urbaine, de trois maisons relais, dispositif créé dans les années quatre-vingt-dix sous le nom de « pension de famille ». Ces maisons relais apportent une réponse pertinente, car elles s'adaptent aux gens qui vivent dans la rue, et non l'inverse.

Ce droit à l'hébergement constitue le premier niveau du droit au logement et permet une réinsertion en douceur, avec l'appui d'équipes compétentes en termes d'encadrement. C'est très important, car je reste convaincue que seule fonctionne l'aide qui demande une participation active de la personne aidée. L'application de ce principe, qui n'est rendue difficile, voire impossible, que dans quelques cas extrêmes, respecte réellement la personne aidée et lui permet de se rendre davantage maître de son destin.

L'aide à sens unique, l'État providence, l'assistanat ne peuvent constituer que des solutions à court terme.

Le Gouvernement l'a bien compris et a engagé, depuis cinq ans, une politique volontariste qui a permis d'accroître considérablement le parc locatif social. Cette tendance se poursuivra dans les années à venir, et l'opposabilité du droit au logement servira de piqûre de rappel au cas où l'État ne respecterait pas ses obligations.

Je souscris donc pleinement aux objectifs de ce texte et je tiens à féliciter le Gouvernement pour son audace ainsi que nos collègues rapporteurs pour la qualité de leur travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après Thierry Repentin, qui s'est exprimé sur les dispositions relatives au logement, j'évoquerai, pour ma part, celles qui ont trait à la cohésion sociale.

Les quatre articles concernés permettent en fait au Gouvernement de s'offrir une session de rattrapage, tant il est vrai qu'ils reprennent pour l'essentiel des mesures qui furent, soit censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles constituaient des cavaliers sur d'autres textes, soit retirées parce que « pas au point », soit rejetées par une majorité de députés UMP.

Étant donné le manque de cohérence entre ces articles, je me permettrai de les commenter l'un après l'autre.

L'article 6 crée un bouclier social pour les travailleurs indépendants.

Chacun d'entre nous ici se souvient que cette disposition avait été introduite par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, à la faveur d'un amendement communiqué aux sénateurs présents en séance dix minutes avant son examen, alors même que la presse en annonçait le contenu depuis le matin !

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Jean-Pierre Godefroy. Sur toutes les travées, nous avions protesté contre cette façon de traiter le Parlement et je me plais à croire que c'est aussi cette méthode que le Conseil constitutionnel a censurée dans sa décision du 14 décembre 2006.

Aujourd'hui, nous avons eu le temps d'étudier cette disposition ; elle nous semble a priori positive.

La question des cotisations sociales des travailleurs indépendants qui débutent leur activité est à la fois réelle et récurrente. Les articles L. 131- 6 et L. 131- 6- 1 ont, en effet, déjà été modifiés à plusieurs reprises, tant en 1998 qu'en 1999 et en 2003.

A chaque fois, l'objectif était de parvenir à un taux de cotisations sociales dont le montant ne puisse mettre en péril l'activité de la jeune entreprise, dont nous savons tous que c'est pendant les trois premières années qu'elle est la plus fragile.

Le groupe socialiste est donc prêt à souscrire à cette disposition, à la condition expresse que le Gouvernement réaffirme bien son engagement de compenser à la sécurité sociale les pertes de recettes qu'elle implique. Nous aimerions aussi savoir, monsieur le ministre, si ces mesures seront applicables à ceux qui ont déjà contractualisé et qui rencontrent des difficultés de ce fait.

L'article 7 crée une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens travailleurs migrants dans leur pays d'origine.

Nous connaissons tous, dans nos villes, ces chibani venus travailler dans notre pays dans les années 1960-1970 en laissant leur famille au pays et qui, aujourd'hui, ne peuvent pas rentrer chez eux sous peine de perdre le bénéfice des prestations sociales, notamment le minimum vieillesse. Ainsi, nombreux sont ceux qui vivent complètement isolés dans les foyers ex- Sonacotra, désormais appelés foyers Adoma. Ma collègue Bariza Khiari reviendra plus longuement sur cette mesure lors de l'examen de l'article 7, car sa rédaction comporte quelques incertitudes.

Cela étant dit, je puis d'ores et déjà vous indiquer que nous accueillons plutôt favorablement cet article qui, d'une certaine manière, permet de rétablir la dignité de ces personnes.

L'article 8 ouvre un crédit d'impôt pour les ménages non imposables utilisateurs de services à la personne.

Contrairement à ce qui est affirmé dans l'exposé des motifs du projet de loi, monsieur le ministre, cet article n'est pas seulement rédactionnel ; il vise, en fait, à revenir sur la décision des députés UMP qui, lors du vote de la loi de finances rectificative, ont largement et volontairement restreint la portée du dispositif que vous aviez proposé au Sénat par l'intermédiaire de notre collègue Alain Gournac.

Au groupe socialiste, nous n'avons jamais été, vous le savez pertinemment, opposés au développement des services à la personne, et pour cause ! Il nous semble à cet égard que le fait de permettre aux ménages non imposables de recourir à ces prestations grâce à un crédit d'impôt constitue une mesure d'équité.

Les services à la personne ne doivent pas, en effet, être réservés à ceux qui payent l'impôt, car, lorsqu'il s'agit de faire garder ses enfants, de s'occuper d'une personne âgée ou handicapée, les besoins sont les mêmes, que l'on soit ou non imposable ; je dirais même que la charge est proportionnellement plus lourde quand on dispose de revenus modestes.

Nous l'avions déjà dit au moment du vote de la loi du 26 juillet 2005 et nous avions également déposé un amendement similaire à l'occasion de l'examen du dernier projet de loi de finances, visant à transformer la réduction d'impôt accordée aux ménages ayant recours à une aide à domicile en crédit d'impôt, l'objectif étant d'ouvrir le bénéfice de cette aide aux foyers non imposables, comme l'avait recommandé le Conseil des impôts dans son rapport de 2003 consacré à la fiscalité dérogatoire.

A cette époque, pas si lointaine, notre amendement avait été rejeté ; nous nous réjouissons donc du changement de cap qui est intervenu.

Néanmoins, cela ne règle en rien le problème des conditions de travail des prestataires de ces services à la personne. Certes, monsieur le ministre, le secteur des services à la personne est un vivier d'emplois, mais le plus souvent il s'agit d'emplois faiblement qualifiés, à temps très partiel et avec des horaires fractionnés. Or ce ne sont pas les mesures fiscales que vous proposez qui donneront un statut à ces milliers de salariés.

Comme le précisait il y a quelques années un rapport du Commissariat général du plan, « le défi consiste à faire en sorte que ces emplois ne viennent pas gonfler les cohortes des working poors », autrement dit des travailleurs pauvres. Dans ce domaine, le chantier reste donc totalement ouvert.

Monsieur le ministre, la dernière disposition de votre texte sur laquelle je voudrais insister est beaucoup plus contestable, puisqu'elle vise à priver de RMI, de CMU et de prestations familiales les ressortissants communautaires venus en France pour y trouver un emploi pendant la période de recherche d'emploi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est logique !

M. Jean-Pierre Godefroy. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, l'article 9 a pour objet de lutter contre les fraudes. Or s'il est vrai que certains départements ont connu quelques cas étranges, nous avons la conviction que la disposition que vous préconisez ne résoudra pas ce problème, monsieur le ministre.

Devant notre commission, vous avez indiqué que cette mesure était surtout destinée à empêcher les effets d'aubaine, voire les multiples appels d'air dont pourraient abusivement profiter les étrangers communautaires, en l'occurrence les ressortissants des pays de l'Est nouvellement intégrés ; c'est ce que vous avez laissé entendre.

Pour cela - et cela fera sans doute l'objet d'un nouveau débat -, vous utilisez la possibilité offerte par la directive européenne 2004/38/CE du 29 avril 2004 qui précise que « les citoyens de l'Union européenne et les membres de leurs familles ont un droit de séjour (...) tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale de l'État membre d'accueil ».

En fait, nous avons déjà eu cette discussion au Parlement voilà à peine un an, lors des débats sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, dont l'article 7 prévoyait une condition de résidence de trois mois pour l'accès au RMI.

Il s'agissait là de l'une des deux restrictions à l'égalité de traitement normalement applicable entre nationaux et ressortissants communautaires, permises par l'article 24 de la directive précitée. À l'époque, nous ne nous étions pas opposés à cette mesure au motif qu'il convenait de prendre quelques précautions ; je vais y revenir.

Or, aujourd'hui, vous avez changé d'avis, puisque vous décidez finalement de durcir les conditions d'attribution de ces prestations sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-être est-ce bien à vos yeux, monsieur About, mais tel n'est pas notre avis !

En effet, vous introduisez dans notre législation la seconde restriction, celle qui figure à l'article 14, paragraphe 4, point b, et qui concerne la période de recherche d'emploi. Je me demande ce qui, en quelques mois, vous a conduit à un tel durcissement de votre position ! L'afflux de demandeurs du RMI venus des pays récemment entrés dans l'Union européenne a-t-il été tel qu'il justifie un pareil choix ? Si c'est le cas, il faut le dire et nous attendons que vous le démontriez, monsieur le ministre.

Pour notre part, nous ne le croyons pas et nous nous demandons si, en fin de compte, il ne s'agit pas d'un « alignement sarkozien » de circonstance ! (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Cela vous hante !

M. Jean-Pierre Godefroy. Pas du tout, monsieur Braye !

Cette seconde restriction a été introduite lors de l'examen de la loi n° 2006- 911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. En effet, il y est prévu que le droit au séjour de plus de trois mois des citoyens de l'Union européenne dans un autre État membre est conditionné par des critères socio-économiques. Ainsi, il faut disposer de « ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale », ainsi que d'une assurance maladie.

Cette fois-là, nous nous étions opposés à une telle mesure, considérant que ce critère introduisait une discrimination entre citoyens de l'Union, plongeait dans l'irrégularité ceux qui n'avaient pas les ressources suffisantes ou un travail, et ne permettait pas, in fine, de garantir l'effectivité du droit au séjour à tous les citoyens européens quelle que soit leur situation économique.

Pour nous, de telles conditions sont inacceptables en ce qu'elles représentent une rupture avec la logique de solidarité européenne et avec l'objectif de construction d'une Europe sociale, qui reste à faire ; en effet, vous ne seriez pas dans l'obligation de prendre de telles dispositions si une Europe sociale commençait à voir le jour !

Or, pendant ce temps, les capitaux, eux, continueront à circuler librement, les travailleurs les plus diplômés seront « aspirés » par les entreprises et les délocalisations perdureront, avec pour conséquence inévitable de faire travailler à bas prix ces salariés dans leur pays d'origine. Le tour est joué !

Nous demanderons donc la suppression de l'article 9.

En résumé, je dirai que trois des quatre articles du chapitre II de ce projet de loi nous semblent pouvoir faire l'objet de discussions.

Il est dommage, monsieur le ministre, que, à la fin du texte, vous ayez retrouvé vos réflexes communautaristes et d'exclusion, à l'image en quelque sorte de la politique menée ces cinq dernières années par les gouvernements successifs, en particulier en matière de code du travail et de droits des salariés.

Dans ce domaine, la politique conduite depuis cinq ans a ébranlé en profondeur notre pays et a profondément dénaturé notre modèle social. Qu'il s'agisse du temps de travail, du contrat de travail, des droits sociaux, le Gouvernement n'a cessé d'aggraver les inégalités et les précarités.

Il serait trop long de dresser un inventaire ; celui-ci ne manquera pas d'être fait le moment venu. Vous avez d'ailleurs déjà été largement sanctionnés non seulement par la rue - la crise du CPE en fut le point d'orgue -, mais aussi par les plus hautes juridictions françaises et communautaires : l'annulation récente par la Cour de justice des Communautés européennes de l'ordonnance excluant les jeunes de moins de vingt-six ans du décompte des effectifs des entreprises en est le dernier exemple. Dois-je rappeler combien d'heures nous avons passées ici à expliquer qu'il n'était pas bon de dire à ces jeunes qu'ils n'avaient pas d'existence dans l'entreprise, alors qu'ils existent bel et bien comme citoyens en tant qu'électeurs ?

M. Guy Fischer. Très bien ! C'est la vérité !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous réservons donc notre vote sur ce texte, en fonction, d'une part, de vos explications, monsieur le ministre, et, d'autre part, du sort qui sera réservé à nos amendements portant sur les articles 6, 7, et 8. Quant à l'article 9, ainsi que je l'ai indiqué, nous en demanderons la suppression. À défaut, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, la Haute Assemblée est invitée par le Président de la République et le Gouvernement à contribuer, en toute hâte, à l'instauration du droit opposable au logement.

Eu égard à l'importance de ce texte fondateur, je tiens à exprimer ma satisfaction tout autant que ma frustration : satisfaction de débattre, enfin, de cette évolution du droit au logement vers une véritable obligation de résultat, mais frustration d'avoir à examiner, dans l'urgence, des dispositions aussi indispensables que complexes.

Monsieur le ministre, vous avez placé le droit au logement au même rang que le droit aux soins ou à l'éducation ; j'y souscris.

Comme vous le savez, l'histoire parlementaire est riche de débats passionnés au cours desquels la représentation nationale a pu exprimer la diversité des opinions sur l'instauration de telles normes protectrices.

Nous trouvons l'une des plus belles illustrations de ces déclarations dogmatiques dans les oppositions manifestées lors de l'examen des lois de Jules Ferry qui établirent, à la fin du XIXe siècle, les principes de l'obligation scolaire, de la liberté, de la gratuité et de la laïcité de l'enseignement.

C'est ainsi que, au cours de la séance publique du 2 juin 1881, le sénateur de la Dordogne Marie-François-Oscar Bardy de Fourtou, déclarait : « (...) le principe de l'instruction obligatoire est moins en cause (...) que la liberté d'enseignement et la liberté de conscience elles-mêmes. ».

Sur d'autres sièges, une conception opposée se faisait jour : celle d'une école de la République entièrement dévouée à l'épanouissement individuel.

Le baron Gui Lafond de Saint-Mür s'exprimait en ces termes : « Au droit de l'enfant, au droit de la société, au droit du suffrage universel, on viendrait opposer un prétendu droit du père de famille ; on violerait sa liberté ?

« Quelle liberté ? Celle de laisser son enfant sans lumière et, par suite, frappé d'infériorité, voué peut-être à la misère, à l'immoralité ? ».

Or, malgré ces débats, tant au sein du Parlement que dans la société tout entière, ces grands principes ne furent jamais remis en cause par les gouvernants et les régimes suivants.

Comment, dès lors, expliquer cette permanence des lois Ferry ?

Est-ce une victoire de la République sur une tradition séculaire ? Non ! Cette universalité de l'obligation scolaire et de ses corollaires s'explique par son caractère consensuel, qui fut possible seulement à force d'échanges et de confrontations d'idées.

La France aura finalement fait sienne la pensée de Jules Ferry, qui considérait l'enseignement primaire gratuit, laïque et obligatoire comme le moyen d'« assurer l'avenir de la démocratie et [de] garantir la paix sociale ».

Mes chers collègues, avec ce droit opposable au logement, nous visons les mêmes objectifs et aspirons aux mêmes garanties. Percevez donc mes propos non comme une diatribe à l'encontre de ce droit, mais plutôt comme la manifestation d'un regret, celui de devoir le consacrer dans la précipitation.

Bien évidement, je me félicite que la situation des « mal- logés » et des personnes « sans toit » ait enfin incité nos gouvernants à agir. Mais ceux-ci, à force de confondre, depuis des décennies, les plans d'urgence avec l'urgence d'une stratégie, ne pouvaient que céder, un jour ou l'autre, à la pression d'un mouvement d'opinion qui, orchestré avec obstination par les responsables des Enfants de Don Quichotte et abondamment relayé par les médias, a paradoxalement abouti alors que l'hiver présentait des températures et un climat aux accents automnaux !

Avec des circonstances météorologiques si clémentes, comment expliquer ce revirement de notre pouvoir exécutif ? N'avions-nous pas entendu le Gouvernement, à l'occasion des débats sur le projet de loi portant engagement national pour le logement, qualifier ce droit opposable de « prématuré et irréaliste » ?

Quelles réponses apporter à ces interrogations ? Je n'en vois qu'une seule : l'absence d'un réel projet politique pour venir en aide aux Français privés de logement. Ce vide a permis au temps médiatique de dicter sa loi au temps politique. Il en résulte un texte qui, certes, prévoit de consacrer le droit opposable au logement, mais qui repose sur une confusion et comporte des incertitudes.

La discussion parlementaire revêt donc une importance toute particulière. En effet, vouloir apporter des réponses aux sans domicile fixe en érigeant le droit opposable au logement en arme universelle risque de déplacer le problème vers d'autres publics et d'altérer les effets escomptés des opérations de renouvellement urbain.

Aussi, à l'instar de nombreux collègues, je milite en faveur d'un plan ambitieux adaptant les réponses à la spécificité des difficultés rencontrées, avec la reconnaissance d'un droit à l'hébergement puis, progressivement, d'un droit opposable au logement.

Ces propositions ne constituent nullement une critique adressée aux promoteurs du projet de loi ; elles se veulent plutôt une invitation à en améliorer l'effectivité, dans le respect des compétences et des moyens des collectivités publiques et des bailleurs concernés.

En effet, que recouvre cette notion d'opposabilité appliquée au droit au logement ? Comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, « le droit au logement constitue jusqu'à présent davantage une obligation de moyens qu'une obligation de résultat. ». Le présent projet de loi a donc pour ambition, selon vous, « de permettre aux personnes défavorisées prioritaires dans l'attribution d'un logement de pouvoir non seulement saisir la commission de médiation mais aussi d'engager un recours devant la juridiction administrative en cas d'avis favorable de la commission non suivi d'effet dans un délai raisonnable. »

Largement inspiré des réflexions et préconisations du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, dont je tiens d'ailleurs à saluer ici l'excellente qualité des travaux, ce texte ne devrait donc inspirer aucune interrogation, ni même appeler de modification.

Toutefois, la démarche globale du Haut comité présidé par M. Xavier Emmanuelli a accouché d'un projet de loi aux mesures volontaristes, certes, mais par trop partielles. En effet, l'absence d'une réelle mobilisation du parc locatif privé exercera une pression préjudiciable sur le parc social.

Pourtant, comme le souligne le rapport du Haut comité, « le parc locatif privé présente des atouts essentiels dans une politique visant à répondre, dans les meilleures conditions, aux besoins de logement des populations en difficulté. Sa grande diffusion géographique permet d'assurer la présence d'une offre locative sur l'ensemble du territoire, y compris en milieu rural. Son insertion urbaine diversifiée ne peut qu'être favorable à la bonne intégration des populations fragiles ; elle est un élément de réponse à l'objectif de mixité sociale. »

Sans cette contribution du parc privé, les obligations rejailliront entièrement sur les communes qui possèdent un nombre important de logements sociaux, aggravant encore leurs difficultés.

Nombre de maires m'ont fait part de leur appréhension. Qu'adviendra-t-il des opérations de renouvellement urbain qui procèdent à une « dédensification » urbaine par la suppression de barres entières de logements ? Ces appartements seront-ils réquisitionnés par les préfets ?

Il existe, par ailleurs, de longues listes d'attente qui pourraient être grandement perturbées par la mise en oeuvre aveugle du droit opposable au logement. Sur ces listes figurent, comme l'a souligné notre collègue Jean-Paul Alduy, « des personnes qui sont véritablement en attente d'un logement mais qui ne sont pas dans la cible de la loi ».

Aussi, il importe de sérier les problèmes en leur apportant des solutions adaptées. Pour répondre aux situations insoutenables et intolérables vécues par les « sans domicile fixe », consacrons législativement le droit à l'hébergement et engageons les moyens financiers propres à la création de structures d'hébergement, d'établissements spécialisés, de logements de transition ou de logements-foyers.

Aux familles victimes du « mal-logement », soit plus de trois millions de nos concitoyens, adressons un message fort, celui d'une nation solidaire, qui consacre le droit opposable au logement tout en fixant un calendrier réaliste et un cadre ambitieux, inspirés tous deux de l'exemple écossais, que vous avez d'ailleurs évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre.

Pour notre voisin européen, en effet, l'enjeu réel est de se trouver au rendez-vous de 2012 en termes de programmation d'une offre de logements accessibles. Pour lui, l'opposabilité du droit au logement est garantie par un processus partenarial entre le gouvernement écossais, les collectivités locales, les bailleurs sociaux agréés, les bailleurs privés et les services de solidarité.

Cette démarche, empreinte de pragmatisme et d'une réelle solidarité nationale, doit nous guider.

Dans cette perspective, affirmons que le droit opposable au logement ne peut se concevoir qu'avec le recours aux bailleurs privés, bénéficiaires d'aides publiques versées par l'ANAH.

Dans cette perspective, adaptons la progressivité de ce droit à la réalisation de programmes sociaux complémentaires des opérations de renouvellement urbain.

Dans cette perspective, reconnaissons les singularités franciliennes pour mieux adapter les moyens d'action.

Dans cette perspective, faisons de l'accompagnement social et d'une meilleure indexation des aides au logement les corollaires indissociables du droit opposable au logement.

Dans cette perspective, n'enfermons pas les communes ou groupements de communes délégataires de l'aide à la pierre dans un processus faussement volontaire, qui les amènerait, à quelques mois du scrutin municipal, moins à délibérer sur leur volonté de poursuivre cette délégation qu'à assumer ses conséquences en termes de responsabilité dans la mise en oeuvre du droit opposable au logement.

Dans cette perspective, plaçons plutôt notre confiance dans les élus locaux et offrons-leur la possibilité de mener, sur la base du volontariat, des expérimentations sur leurs territoires.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'urgence a marqué la rédaction, puis l'inscription à l'ordre du jour des travaux du Parlement de ce projet de loi. Sénateurs et députés ne disposeront donc que d'une seule lecture pour adopter un texte fondateur. Souhaitons, à l'instar ce qui a prévalu pour les lois Ferry évoquées dans mon propos introductif, que la sagesse sénatoriale nous guide tout au long de ce débat et nous permette d'aboutir, par une démarche consensuelle, à l'instauration effective d'un droit à l'hébergement et d'un droit au logement opposables.

Si nous y parvenons, nous aurons rétabli la primauté du temps politique sur le temps médiatique, mais nous aurons surtout le sentiment d'avoir honoré, comme il se doit, la mémoire de l'abbé Pierre, qui a tant oeuvré pour améliorer l'existence de nos compatriotes les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue un texte charnière : il clôt un premier cycle de réformes législatives réalisées en faveur de la construction de logements pour ouvrir la voie aux nouvelles réflexions que ne manquera pas de susciter le droit au logement opposable.

Ce texte est au coeur de l'actualité, mais il ne doit pas, selon moi, être considéré comme une réaction à chaud. Il constitue la conclusion logique de cinq années d'efforts en faveur du logement pour tous, au cours desquelles le Parlement a été saisi de quatre textes, qu'il a enrichis : en 2002, la loi « habitat et urbanisme » ; en 2003, la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui a créé l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU ; en 2004, la programmation pour la cohésion sociale, que j'ai pu voter car j'étais alors parlementaire, et qui a fixé un objectif de réalisation de 500 000 logements locatifs sociaux ; en 2005, enfin, la loi portant engagement national pour le logement, qui a mis en place des mesures visant à développer l'accession à la propriété, à lutter contre l'insalubrité et la vacance des logements, mais aussi à inciter les collectivités locales à construire des logements sociaux.

Cette construction législative a été progressive et accompagnée des moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre. Pour ma part, j'estime qu'il s'agit d'un succès, puisque nous avons enregistré ces six dernières années une augmentation de 40% du nombre des chantiers nouveaux, de 130 % du nombre de logements sociaux et de 400 % du nombre des logements locatifs privés conventionnés.

Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : c'est parce que des efforts ont été demandés à tous les acteurs, et surtout aux collectivités locales, que nous nous trouvons maintenant au coeur d'une dynamique d'accroissement du parc de logements et que nous pouvons aborder la question du droit opposable au logement.

En ce qui concerne les efforts consentis par les collectivités locales, je partage l'opinion formulée par M. Dominique Braye dans son rapport, qui est également celle de nombreux maires que j'ai pu rencontrer, en particulier hier, lors de la réunion du conseil général dont je suis membre : il est nécessaire de marquer une pause dans les réformes législatives, afin de laisser aux acteurs locaux le temps de s'adapter.

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme Catherine Procaccia. Quant à M. Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales, il a parfaitement saisi ce que mes collègues franciliens et moi-même avons tenté de dire, ici même, lors de l'examen de la loi portant engagement national sur le logement : en raison du taux de chômage et du nombre élevé de divorces, ce sont à présent 60 % de notre population qui peuvent prétendre à un logement social, du moins en région parisienne et dans le département dont je suis l'élue ! Naturellement, ce n'est pas une loi qui réglera tout d'un seul coup.

Je rappellerai aussi que la sédentarisation des locataires dans les logements sociaux bloque l'ensemble du système : comme le maintien dans les lieux est intangible, toute fluidité est impossible et la seule solution est de toujours construire, y compris des places d'urgence, puisque les gens ne quittent plus les logements sociaux, compte tenu du prix du marché !

M. Roland Muzeau. Mais oui, il y a trop de pauvres ! Dehors, les pauvres ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, vous noterez que les membres du groupe CRC approuvent mes propos !

M. Guy Fischer. Seulement cette remarque !

Mme Catherine Procaccia. Le droit au logement opposable doit être pensé et développé à côté des mesures en faveur de la construction et pour l'accession à la propriété.

M. Guy Fischer. Et la mixité sociale ?

M. Roland Muzeau. Il faut construire des logements sociaux à Saint-Maur, à Vincennes, partout où il n'y en a pas, et rendre inéligibles les maires qui n'en construisent pas !

Mme Catherine Procaccia. Je ne m'étendrai pas sur les mécanismes introduits par cette loi afin de consacrer le droit opposable au logement : M. le ministre et les orateurs qui m'ont précédée ont été suffisamment clairs et explicites.

Toutefois, je veux aborder ce qui constitue à mes yeux le corollaire du droit opposable au logement, à savoir le droit du propriétaire occupant ou du locataire de pouvoir habiter dans son logement - j'insiste sur ce point -, c'est-à-dire sa résidence principale, en supposant d'ailleurs qu'il en ait une autre !

Même si j'y suis attachée et si certaines décisions de justice le disqualifient pour non-usage, c'est non pas le droit de propriété que je veux défendre à l'occasion de l'examen de ce texte, mais le droit pour une famille de pouvoir habiter dans le logement dont elle est locataire en titre ou propriétaire occupante !

En effet, les exemples se multiplient de personnes qui, au retour d'un mois de vacances ou d'un déplacement professionnel, ne peuvent plus ni rentrer chez elles, parce que les squatters ont changé les serrures, ni faire expulser ces occupants sans titre et surtout sans scrupules ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, applaudit également.)

M. Christian Cambon. C'est vrai !

Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, interrogez les gens autour de vous, y compris au Sénat, et vous constaterez que ce phénomène se répand de plus en plus ; j'ai été étonnée du nombre de cas qui se sont produits, et qui m'ont confortée dans ma décision de m'attaquer à ce problème.

Imaginez le drame d'une famille qui revient chez elle avec ses enfants après trois semaines d'absence et qui ne peut réintégrer son logement, ou celui de la personne âgée qui, au retour d'un séjour à l'hôpital ou en rééducation, se retrouve brusquement à la rue !

Monsieur le ministre, l'exclusion, c'est aussi cela ! Et cette situation est possible parce que le squatter est défini comme un occupant sans titre d'un local qui devait être vide, et non occupé, et qu'il bénéficie d'une protection, puisque, passé un délai de quarante-huit heures, le logement en question devient le domicile de la personne installée illégalement !

M. Alain Vasselle. C'est invraisemblable !

M. Christian Cambon. C'est aberrant !

Mme Catherine Procaccia. Le locataire, ou le propriétaire, qui tente de reprendre par la force possession de son habitation commet alors une violation de domicile, ce qui, comme vous l'avez souligné, monsieur Vasselle, est invraisemblable !

J'ai vérifié cette information auprès de commissaires de police, qui m'ont cité des cas où ils avaient dû intervenir contre les occupants en titre d'un appartement, ...

M. Christian Cambon. C'est scandaleux !

Mme Catherine Procaccia. ... parce que les squatters occupaient celui-ci depuis plus de deux jours !

M. Alain Vasselle. Que fait le Gouvernement ?

Mme Catherine Procaccia. Ces individus ne pouvaient donc pas faire l'objet d'un flagrant délit !

Ces cas ne sont plus marginaux : il existe maintenant des squatters professionnels.

M. Christian Cambon. Il y a des sites internet !

Mme Catherine Procaccia. Je vous conseille de suivre mon exemple et d'aller sur Internet, comme je l'ai fait hier soir. J'y ai découvert un site qui s'intitule littéralement  « Comment squatter sans se faire expulser » (M. Alain Vasselle s'exclame.), et qui dispense quelques conseils : ne pas se faire remarquer pendant deux jours, remplacer les serrures, faire changer la quittance de gaz ou d'électricité - il suffit de téléphoner : c'est simple et aucun contrôle n'est effectué -, se faire envoyer du courrier, être aimable avec le voisinage. Si la police arrive, il suffit de ne pas lui ouvrir et d'expliquer que l'on se trouve là depuis plusieurs semaines parce que l'on n'a pas d'autre endroit pour se loger.

Il ne reste plus aux locataires qu'à attendre une décision d'expulsion du tribunal, ce qui sera long. Pour la faire exécuter, il leur faudra s'adresser à un huissier, qui devra faire appel à la force publique. Pendant tous ces mois, la famille doit bien se reloger, s'habiller. En outre, elle ne sait pas dans quel état elle retrouvera son logement. Enfin, il faut imaginer le traumatisme qu'une telle situation provoque.

Vous l'aurez compris, je défendrai avec conviction un amendement visant à instaurer une procédure d'expulsion d'urgence en cas de squat d'un logement occupé. Je remercie les dix-sept collègues qui l'ont cosigné. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Vasselle. Pourquoi le Gouvernement n'y a-t-il pas pensé ?

Mme Catherine Procaccia. Par ailleurs, monsieur le ministre, vous nous proposez de compléter le dispositif de cohésion sociale, à l'aide de quatre mesures très différentes.

La première, nommée « bouclier social » - vous l'avez évoquée tout à l'heure -, a pour objet de simplifier la vie administrative et financière des travailleurs indépendants qui réalisent un petit chiffre d'affaires, surtout lorsqu'ils démarrent leur activité.

L'amendement gouvernemental, adopté par le Sénat et confirmé par la commission mixte paritaire, a été censuré par le Conseil constitutionnel - encore une fois ! -, pour des raisons de procédure parlementaire.

M. Roland Muzeau. Il était illégal !

Mme Catherine Procaccia. Il serait dommage de renoncer à une telle mesure. En effet, même s'il a été aménagé par rapport au droit commun, le régime actuel de la micro- entreprise demeure encore trop pénalisant dans la pratique : les travailleurs indépendants se retrouvent à devoir acquitter des charges sociales pour un montant supérieur au chiffre d'affaires réalisé. Dans ces conditions, comment éviter le travail illégal ?

Le système met en place une cotisation sociale proportionnelle, vous l'avez également rappelé, monsieur le ministre. Elle me paraît adaptée aux moyens du travailleur indépendant. Le paiement des charges sociales pourra s'effectuer chaque trimestre, sur la base du chiffre d'affaires constaté. Naturellement, les droits sociaux équivalents en termes de retraite ou d'assurance maladie sont garantis. Il s'agit d'une bonne mesure pour ces petits travailleurs indépendants.

La seule réserve que j'émettrai porte sur les seuils relativement bas au-delà desquels cette cotisation proportionnelle devient moins intéressante qu'une cotisation forfaitaire. Il faudra faire preuve d'une grande vigilance, afin, je le souhaite, de permettre au travailleur indépendant d'acquitter une cotisation en rapport avec sa situation personnelle.

La deuxième mesure concerne la création d'une aide à la réinsertion familiale et sociale des vieux migrants. Cela a été évoqué à cette tribune par plusieurs orateurs. Depuis le 1er janvier 2006, nous avons mis un terme au versement du minimum vieillesse à l'étranger. En effet, de nombreux cas de fraudes étaient constatés et ce versement avait un coût élevé.

Afin que les vieux travailleurs immigrés n'aient plus à choisir entre continuer à bénéficier de cette prestation, et donc organiser des séjours durables en France, et y renoncer en demeurant dans leur pays d'origine, vous avez choisi, monsieur le ministre, de créer une aide équivalente à la somme que ces personnes auraient perçue si le minimum vieillesse était toujours exportable. Dans ce cadre, ces personnes auront les moyens de réaliser des allers et retours vers leur pays d'origine, tout en continuant de résider en France quelques mois par an, dans leur foyer habituel, selon un système de location alternée.

Monsieur le ministre, je vous avoue rejoindre le jugement mesuré et nuancé du rapporteur, Bernard Seillier, sur les modalités d'application de cette mesure, qui soulèvent d'importantes difficultés sur les plans juridique - peut-être les résoudrez-vous - et financier.

Le texte renvoie très largement la définition de ces modalités au pouvoir réglementaire. Nous souhaitons donc connaître les conditions d'accès au dispositif et les moyens qui seront mis en oeuvre pour lutter contre la fraude, puisqu'elle continuera à exister et que c'est elle qui avait conduit à supprimer le système que nous rétablissons aujourd'hui. Enfin, monsieur le ministre - cette question a déjà été posée -, avez-vous une idée du coût global d'une telle disposition ?

La troisième mesure complète l'article 70 de la loi de finances rectificative pour 2006 et institue un crédit d'impôt sur le revenu au titre des services à la personne. Elle est le pendant de celle qui permet de déduire de l'impôt sur le revenu la moitié des dépenses effectuées pour l'emploi d'un salarié à domicile, dans la limite d'un plafond.

Il me semble normal que cette mesure, qui encourage l'emploi et contribue à lutter contre le travail illégal, puisse également bénéficier aux personnes payant peu d'impôt sur le revenu, voire n'en payant pas du tout.

La commission mixte paritaire avait réduit le champ d'application d'un tel dispositif. Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui d'étendre le bénéfice du crédit d'impôt non seulement aux personnes qui passent par l'intermédiaire d'une association ou d'une entreprise agréée, mais également à l'ensemble des services à domicile, et non plus exclusivement aux gardes d'enfant et au soutien scolaire.

Cette disposition devrait être positive pour les ménages à revenus modestes. En outre, elle conforte le principe qui avait été mis en oeuvre.

La quatrième mesure supprime l'accès à certaines prestations pour les citoyens de l'Union européenne qui viennent chercher un emploi. Jean-Pierre Godefroy vient de l'évoquer, je ne m'y étendrai donc pas.

Il s'agit de l'application d'une directive européenne qui repose sur le principe selon lequel « il convient d'éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil pendant une première période de séjour ». L'effet d'aubaine, déjà évoqué à cette tribune, existe bien, surtout dans une Europe élargie à laquelle je suis, personnellement, tout à fait favorable.

Je vous remercie à l'avance, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, de l'attention que vous porterez aux amendements que j'ai déposés avec mes collègues, dont l'objet est d'améliorer le texte, sans le déformer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs lectures de ce projet de loi insolite instituant le droit opposable au logement peuvent être faites.

Les uns souligneront la précipitation de l'initiative gouvernementale, à moins de trois mois de l'élection présidentielle. « Politicien », diront-ils, non sans raison !

D'autres pointeront le risque de judiciarisation d'un droit au logement promulgué par la loi depuis 1990, maintes fois réaffirmé depuis et sans cesse démenti par les faits, comme le montrent en ce moment même les tentes de sans-abri le long du canal Saint-Martin, à Paris, ou le million de demandeurs inscrits sur les listes d'attente des organismes d'HLM. « Hypocrite », diront ceux-là, expliquant que le recours au juge et à l'État sert à nous exonérer du seul devoir qui nous incombe : construire, construire encore, pour satisfaire tous les citoyens en mal de logement. Les plus cyniques ajouteront que l'afflux massif de plaintes auprès du tribunal administratif suffira à déconsidérer rapidement la procédure.

Ainsi, le droit au logement resterait, une fois de plus, lettre morte pour toutes les catégories de Français qui n'ont pas les ressources financières suffisantes, eu égard à l'explosion des loyers et à l'envolée spéculative du prix du foncier.

Monsieur le ministre, je fais miennes toutes ces considérations : calendrier tardif, risque de judiciarisation d'un problème éminemment politique, absence de données économiques par strates de logements et par grandes régions au regard des besoins recensés. Et pourtant, j'ai décidé de prendre au mot le Gouvernement et de tenter de donner forme à ce droit opposable au logement qui s'imposerait à la nouvelle majorité, quelle qu'elle soit.

Sans doute suis-je influencé par l'abbé Pierre et la Fondation Emmaüs, sans oublier toutes ces associations qui oeuvrent en faveur des exclus : Mouvement international ATD Quart monde, Les Restos du coeur, le Secours populaire, Les Enfants de Don Quichotte, etc.

Plus profondément, j'ai le sentiment aigu d'une urgence. Après tant de dispositifs législatifs inopérants, tant de discours vains, le moment est venu de renverser les rôles : donner à l'État une obligation de résultat et mettre entre les mains du citoyen l'arme du recours amiable ou contentieux, lui qui jusqu'ici n'obtient même pas toujours une réponse, fût-elle négative, à sa demande de logement social.

Cette dernière formule m'alerte. S'agit-il seulement de construire des HLM à la façon des années soixante-dix et dans les mêmes cités ? Ce projet de loi n'a-t-il pas pour dessein secret de cantonner socialement et géographiquement les populations pauvres dans des quartiers réservés ?

La tentation existe, comme l'a montré encore récemment la pression de la majorité de droite pour exonérer certaines villes de l'obligation de proposer 20 % de logement social. La décision de la commission de médiation, ou celle du juge, au cas par cas, ne saurait garantir la mixité sociale, concept fondamental que ce texte ignore.

Le droit opposable au logement doit s'inscrire dans une problématique plus vaste et concerner aussi les classes moyennes, qui ne sauraient faire les frais du « tout-privé » pour les plus riches et du « tout-social » pour les exclus. C'est même là tout le problème : ce droit opposable au logement ne risque-t-il pas de se transformer en machine à ségrégation ?

J'imagine que le Gouvernement va protester de sa bonne foi, énumérer comme autant de trophées les prévisions à la hausse de constructions depuis 2005 - après, il est vrai, un début de législature catastrophique -, mais cela ne suffira pas à nous rassurer.

Au fond, monsieur le ministre, vous nous demandez de tirer une traite sur l'avenir, de faire confiance à la prochaine majorité et au prochain Président de la République.

Quelle imprudence et quelle naïveté, me diront mes amis ! Et pourtant, parce que la détresse des mal-logés est immense, comme sont également immenses le dévouement et la générosité des bénévoles qui sont mobilisés sur le terrain, j'accepte le risque et j'entre dans le débat sans a priori, attentif aux améliorations indispensables que vous accepterez sous la forme d'amendements.

Mais, monsieur le ministre, prenez garde à vos amis. Ils sont sans doute le principal risque de naufrage pour votre fragile embarcation ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en quelques années, le logement est devenu pour les Français un sujet de préoccupation majeur.

En effet, un million de personnes ne bénéficient pas d'un logement décent et indépendant. Ainsi, 100 000 d'entre elles sont à la rue, les autres vivant dans un habitat précaire : hôtel meublé, sous-location surpeuplée, camping-caravaning, habitat de fortune. Il convient d'y ajouter les 5 % de Français qui, en matière de logement, cumulent les déficiences : surpeuplement, vétusté, absence de confort. Enfin, 9 % de la population habitent dans des logements surpeuplés : 800 000 personnes, dont un tiers de jeunes, sont privées de domicile personnel, 450 000 adultes, hors étudiants et apprentis, vivent chez des proches, parfois avec des enfants. Entre 400 000 et 600 000 logements sont indignes, insalubres ou dangereux.

Par ailleurs, jamais le logement n'aura autant pesé sur le budget des ménages. L'inflation constante des prix de l'immobilier, la progression des coûts de construction et, bien sûr, la hausse des loyers - 2,7 % en moyenne pour les loyers, 5 % pour les charges en 2006 - condamnent de nombreux Français à une précarité durable. Selon la FNAIM, les loyers des appartements ont augmenté de 4,6 % par an depuis 2000, soit largement le double de l'inflation.

La loi de finances pour 2007 constate que le taux d'effort net moyen des ménages est de 19,5 % pour les bénéficiaires des minima sociaux et de 27,4 % pour les salariés. Mais, selon la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, ceux qui perçoivent les plus bas salaires - un SMIC pour une personne isolée ou 1,5 SMIC pour un couple avec deux enfants - peuvent supporter un taux d'effort proche de 50 %.

Le logement constitue, aujourd'hui, un critère de ségrégation, non seulement sociale mais aussi territoriale. En effet, lorsqu'ils existent, les logements locatifs sociaux se trouvent concentrés sur certaines communes. Ce sont elles qui supportent au quotidien l'effort de la nation, réparti de manière inégale sur le territoire. Je rappelle, d'emblée, que sur les 740 communes concernées par l'application de la loi SRU, un tiers ont réalisé moins de 50 % de leurs objectifs et près d'une centaine n'ont rien entrepris pour rattraper leur retard. C'est inacceptable !

En cristallisant autant d'inégalités, le logement constitue désormais un enjeu de cohésion sociale.

Face à cet enjeu, monsieur le ministre, vous avez affirmé votre volonté politique. Vous présentez, d'ailleurs, la relance de la construction, chiffres à l'appui, comme le gage du succès de votre action. Certes ! Vous prétendez, aujourd'hui, parachever votre travail en instituant un droit opposable au logement. Pourquoi pas ?

Le droit au logement, qui a été depuis longtemps affirmé par la législation -  il est inscrit dans la loi depuis 1989 ; il a été renforcé par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle depuis 1995 -, constitue un principe de progrès et de justice. Il a, d'ailleurs, été au coeur des combats menés par la gauche, tant institutionnelle que sociale.

Mais plus ce principe est érigé en obligation légale, constitutionnelle, plus la question de sa mise en oeuvre se pose. Ce n'est pas parce que l'on déclare passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat que la question pratique, liée à l'effectivité de ce droit, cesse de se poser.

Oui à un droit opposable au logement si, et seulement si, sa mise en oeuvre obéit au réalisme le plus élémentaire, si des dispositions fortes et concrètes sont prises en faveur du logement social destiné à tous les Français non logés ou mal logés.

Les amendements proposés par le groupe socialiste vous aideront, monsieur le ministre, à avancer concrètement dans cette direction. Vous en aurez d'ailleurs bien besoin, car en légiférant avec autant de précipitation, en prétendant résoudre aussi vite et aussi complètement le déficit en matière de logements, le Gouvernement éveille une suspicion bien légitime parmi tous les acteurs du secteur.

Rendre concret le droit opposable au logement signifie moins préciser les contours du recours juridictionnel que créer les conditions rendant inutile son emploi. Autrement dit, le droit opposable au logement n'intéresse les Français que s'ils n'ont pas à s'en servir !

Ce qui les intéresse, c'est d'être logés et non de voir l'astreinte versée par l'État, ou par son délégataire, enrichir un fonds d'aménagement urbain devant, à son tour, contribuer à leur logement. Or, la réponse à cette demande ne se trouve pas dans la seule augmentation quantitative de l'offre globale de construction. En effet, il convient de distinguer, en général, les logements financés et les logements lancés. Ensuite, seule la pleine adaptation de l'offre à la demande est en mesure de rapprocher véritablement les plus défavorisés du logement.

De ce point de vue, le nombre et, surtout, la structure des logements sociaux locatifs ne sont pas encore à la hauteur des besoins. Certes - c'est un point positif - vous venez de revoir vos ambitions à la hausse en ce domaine, mais le déficit structurel demeure et vous avez pris du retard.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce n'est pas le Gouvernement qui a pris du retard !

M. Roger Madec. En 2005, seuls 7 700 logements ont été construits grâce à un prêt locatif aidé d'intégration, un PLAI, la part de logement social intermédiaire atteignant, quant à elle, 30 % des logements financés. Or, les deux tiers des demandeurs ont des ressources inférieures à 60 % des plafonds relatifs au prêt locatif à usage social, le PLUS.

Par ailleurs, l'offre n'existe pas toujours, car il faut passer des programmes financés aux programmes lancés, puis déduire les démolitions, les ventes et les expirations de convention. En raisonnant en termes de solde, le parc social n'a augmenté que de 41 000 logements en 2005, alors que, en 2004, il avait crû de 30 000.

Soulignons, au passage, qu'il nous manque des données précises et harmonisées en ce qui concerne tant la réalité de la demande que la structure exacte de l'offre.

La mobilisation du contingent préfectoral annoncée dans le projet de loi, par le biais des conventions de délégation, ne suffira pas à garantir l'offre et à assurer ainsi l'effectivité du droit opposable au logement.

De plus, un tel levier fait toujours peser la charge du logement social sur les mêmes communes. L'un des paradoxes de l'application du droit opposable au logement pourrait être le renforcement de la ségrégation territoriale. Cette amplification du phénomène de ghettoïsation urbaine aurait alors un coût social extrêmement élevé.

La pleine application de l'article 55 de la loi SRU constitue donc une priorité, si l'on souhaite à la fois répondre au défi du logement pour tous et garantir la mixité sociale.

De nombreux outils existent : étendre le champ des communes soumises à l'obligation de disposer de 20 % de logements locatifs sociaux, affecter un coefficient supérieur au logement financé par un PLAI ou un PST et minorer les PLS, multiplier le prélèvement effectué par logement social manquant ou moduler la DGF en fonction de la réalité de l'effort entrepris, substituer à la défaillance communale l'autorité de l'État pour la mise en oeuvre de programmes de rattrapage.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, un certain nombre de maires, qui vous sont proches, préfèrent payer une amende plutôt que de souscrire aux programmes de solidarité dans le domaine du logement.

Dans un esprit proche, pour assurer l'égalité de traitement des collectivités territoriales devant l'effort en matière de logement, les plans départementaux de l'habitat, les PDH, et les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, pourraient être généralisés et devenir très contraignants.

Au-delà de la loi SRU, l'exigence de mixité de l'habitat devrait être encouragée à toutes les échelles : tout programme neuf financé en PLUS pourrait comprendre un pourcentage de logements financés en PLAI ; tout programme de construction aidé, notamment fiscalement, pourrait comporter un pourcentage de logements sociaux et très sociaux.

Par ailleurs, il serait illégitime et inefficace de limiter l'action en faveur de l'offre au seul parc public. La mobilisation du parc privé est nécessaire, afin non seulement d'accroître l'offre quantitative, mais aussi d'en garantir la qualité, notamment en termes de mixité et de confort.

À cet effet, notamment par le biais de l'ANAH, les programmes d'action des PLH peuvent à la fois orienter la construction neuve privée et contribuer au développement d'une offre locative à loyers maîtrisés, voire très maîtrisés. Ils peuvent favoriser la résorption de la vacance et aider à la lutte contre l'habitat indigne.

Les collectivités territoriales, ou l'État en cas de défaillance, pourraient aussi répondre graduellement aux besoins par la location temporaire de logements ordinaires, financée notamment par l'aide personnelle.

En cet instant, je souhaite ouvrir une parenthèse et citer l'expérience intéressante menée en Grande-Bretagne. Ce pays a mis en place, depuis 1977, le homeless persons act, notamment à Londres, qui met en réseau les mairies d'arrondissement, les housing associations, les propriétaires et l'État. Les mairies, auxquelles incombe l'obligation du droit opposable au logement, établissent des listes de homeless et s'adressent aux associations précitées pour trouver des opportunités de location, moyennant rémunération. Les housing associations passent des contrats avec les propriétaires privés et remettent les logements en état a minima. Les propriétaires ont une garantie de loyer. Les populations défavorisées sont logées et réparties dans le parc privé. Elles y restent entre six mois et cinq ans, ce qui permet de trouver des solutions plus définitives. L'État verse aux housing associations l'équivalent d'une aide personnelle au logement. En 2004, 280 000 personnes étaient ainsi hébergées en logements temporaires.

Un tel dispositif, qui se substitue au système de l'hébergement en hôtel, permet actuellement d'apporter une bouffée d'air en matière de logement, secteur également confronté à de grandes difficultés en Grande-Bretagne, notamment à Londres. À Paris, un effort a été effectué, puisque la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris, la SIAMP, s'est vu confier la mission d'inciter des propriétaires privés à louer leur appartement, moyennant un loyer garanti.

De manière générale, les collectivités locales sont de plus en plus mises à contribution, notamment celles qui ont demandé la délégation des aides à la pierre. Nombre d'entre elles ne sont pas servies financièrement à hauteur des conventions de délégation signées.

De plus, la subvention unitaire moyenne accordée par l'État aux opérations financées par un PLUS ou un PLAI est en baisse relative, compte tenu de la forte augmentation des coûts de construction.

Ces mêmes collectivités continuent à financer les surcharges foncières et elles gèrent, au niveau des départements, les fonds de solidarité pour le logement, après le retrait de l'État et des ASSEDIC.

À rebours de ce mouvement, les maires bâtisseurs de logements sociaux devraient, au contraire, être financièrement encouragés, par exemple, à travers la dotation d'équipement, la modulation des taux de subvention pour les équipements publics ou la modulation de la DGF.

Si l'on ajoute à cela la fiscalisation croissante de la politique du logement, au détriment, notamment, de l'investissement budgétaire, on conviendra que nous assistons, en termes de moyens, à un désengagement relatif de l'État.

Rappelons à ce titre que, en 2007, l'amortissement Robien devrait coûter à l'État 400 millions d'euros, montant comparable aux crédits finançant les logements locatifs sociaux. Un logement financé selon le dispositif de l'amortissement Robien coûte bien plus cher à la nation qu'un logement social : son coût s'élève à 33 000 euros par an. Je vous communique ce chiffre pour que vous puissiez le méditer !

Cette défiscalisation a contribué à l'enrichissement personnel d'investisseurs plutôt aisés sans contrepartie sociale : les logements haut de gamme ainsi construits, loués à un prix élevé, trouvent parfois difficilement des locataires.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Roger Madec. L'amortissement Robien aura contribué à la hausse des prix du marché et à la constitution, avec la bénédiction de l'État, d'une ségrégation supplémentaire, d'un nouvel « entre soi » réunissant ceux qui peuvent supporter le coût de loyers élevés.

Mes chers collègues, cela est d'autant plus choquant que, dans le même temps, les aides à la personne ont été peu augmentées, voire pas du tout. Or, ce sont bien ces aides, au sens large du terme, qui constituent l'outil le plus efficace pour garantir le logement pour tous. Disons le nettement : l'offre est, certes, insuffisante, mais elle est surtout inadaptée car trop chère.

Une action sociale forte en faveur de l'accès au logement serait le plus sûr moyen d'assurer concrètement le droit au logement. Face à la constante inflation des loyers, c'est bien leur blocage pendant un an et leur indexation sur les prix qui s'imposent. De plus, la solvabilité des familles doit être mieux prise en compte.

Au-delà de leur augmentation, les aides personnelles doivent être mises en cohérence avec le plafond des aides à la pierre ; leur barème doit être révisé en tenant compte des ressources de transfert et de la modulation des charges en fonction de leur coût réel.

Dans le même esprit, la question du mois de carence pour les emplois précaires doit être réexaminée.

Plus généralement, les aides à la personne doivent permettre de ne pas dépasser un certain taux d'effort pour tous ceux qui bénéficient d'un loyer conventionné ou réglementé. Tel est le principe du « bouclier logement », présenté dans le projet du parti socialiste.

Mais les aides ne sont pas seulement quantitatives ; elles impliquent également un meilleur suivi social des familles. On peut ici préconiser la généralisation de la gestion urbaine de proximité, associant les élus et les bailleurs sociaux.

Les organismes de logements sociaux doivent être davantage responsabilisés, notamment dans leurs relations avec les réservataires, à condition que les bailleurs reçoivent en retour l'aide nécessaire au suivi social.

Monsieur le ministre, tout le monde est favorable au droit opposable au logement. Cependant, nous devons non pas fabriquer de faux droits, gagés sur la parole, mais nous doter des moyens adéquats.

Je ne mets pas votre bonne foi en cause et je souhaite que vous interveniez auprès d'un certain nombre de vos amis politiques, maires de communes, qui, dans cet hémicycle, au mois de juin dernier, poussaient des cris d'orfraie lorsque vous présentiez un autre texte relatif au logement et qui se soustraient à l'obligation qui leur est faite de construire des logements sociaux. Si vous voulez que ce projet de loi connaisse des résultats positifs, il faut que tout le monde participe à l'effort de solidarité en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Demande de réserve

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Rappel au règlement (début)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, ne voulant pas rompre avec une vieille tradition - l'opposition m'en voudrait ! - et dans un souci de logique, je demande la réserve...

M. Roland Muzeau. Cela ne m'étonne pas !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...de tous les amendements tendant à insérer un article additionnel au chapitre Ier, et ce jusqu'à la fin de l'examen dudit chapitre. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Favorable.

M. le président. La réserve est de droit.

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Demande de réserve
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Rappel au règlement (suite)

M. Guy Fischer. Je tiens à m'élever vivement contre la méthode employée ! En effet, M. le président de la commission, en accord avec M. le ministre, vient de mettre à bas tout le travail que nous avions effectué sur ce texte en renvoyant la discussion de l'ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels au chapitre Ier jusqu'après l'examen dudit chapitre.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. C'est très bien !

M. Guy Fischer. Cela, nous ne pouvons l'admettre. C'est une remise en cause du droit d'amendement des sénateurs !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Pas du tout !

M. Guy Fischer. Notre groupe, comme d'autres, j'en suis persuadé, a travaillé, a imaginé une stratégie, qui se trouve ainsi ruinée d'une manière autoritaire par M. le président de la commission.

Nous protestons donc véhémentement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Nous prenons acte de votre protestation !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'interviens pour que les choses soient claires, monsieur le président : je demande la réserve de l'ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels au chapitre Ier jusqu'après l'examen dudit chapitre !

M. Guy Fischer. C'est déjà trop !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons pour la suite...

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
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Discussion générale

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est pas la première fois que l'on nous « fait le coup » ! Tout le monde a bien compris qu'il s'agit là d'un moyen de fausser le débat.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est un moyen de le fausser parce que - mon collègue M. Thierry Repentin l'a bien dit - le sort réservé aux amendements tendant à insérer des articles additionnels au chapitre Ier que le groupe socialiste a déposés conditionne la position qu'il prendra.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous n'obtiendrons évidemment aucune réponse sur ces amendements...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais si !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... qui puisse nous permettre de déterminer notre position. Le débat est donc faussé,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous aurez une réponse à la fin !

M. Jean-Pierre Godefroy. ...ce que je trouve tout à fait dommage.

Si le Gouvernement souhaitait que ce texte soit consensuel, il ne fallait pas qu'il adopte cette méthode ! En agissant ainsi, il fait en sorte qu'il n'y ait pas de consensus !

Il faudrait savoir si ce projet de loi vise réellement à instituer le droit opposable au logement ou s'il est purement politicien...

M. Guy Fischer. C'est pour faire taire l'opposition !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Discussion générale (suite)

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre Hérisson.

Rappel au règlement (suite)
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Demande de renvoi à la commission

M. Pierre Hérisson. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à saluer la politique de fond pleine de lucidité menée en matière de logement par notre gouvernement et, en particulier, par vous-même.

M. Roland Muzeau. Oh là là !

M. Guy Fischer. Ça commence bien !

M. Pierre Hérisson. Mais absolument !

En effet, l'instauration du droit opposable au logement s'inscrit dans une démarche pragmatique, qui vient compléter l'effort de construction réengagé depuis 2002 et l'effort d'accélération de la politique de rénovation urbaine entreprise au travers du plan national mis en oeuvre dans ce domaine.

Toutefois, ce principe ne sera effectif qu'à condition qu'une véritable concertation entre les acteurs concernés, doublée d'engagements fermes, soit lancée afin de faire correspondre l'offre et la demande de logement à l'adresse du public qui en a le plus besoin.

À ce titre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite profiter du temps de parole qui m'est accordé pour vous faire part de certaines réflexions concernant l'habitat des gens du voyage,...

M. Pierre Hérisson.... puisque j'ai l'honneur de présider la Commission nationale consultative des gens du voyage.

En effet, en la matière, nous sommes dans le cadre non pas d'un droit au stationnement, mais d'une obligation faite aux collectivités de plus de 5 000 habitants de construire des aires permanentes pour permettre l'accueil et le stationnement des gens du voyage, ce qui s'apparente à une forme de logement social adapté. Or, seules 8 000 aires sur les 40 000 prévues par les schémas départementaux sont aujourd'hui réalisées.

Nous sommes donc dans l'obligation de recourir à des mesures coercitives à l'égard de cette population, tout en espérant que les collectivités se mettent à réaliser les aires d'accueil rapidement et à une cadence suffisante, conformément à ce qui est prévu dans la loi. Ce type de stationnement répond à une certaine forme de sédentarisation des personnes qui ne sont plus en capacité de poursuivre leur voyage. Elles sont ainsi plus de 300 000 à vivre dans notre pays.

C'est pourquoi il convient, à mon sens, d'introduire des dispositions les concernant dans les plans d'aide au logement des personnes défavorisées et d'améliorer le lien avec les plans locaux d'habitat, tout comme nous devons rendre plus opérationnel le lien entre ces derniers et les documents d'urbanisme par l'intermédiaire du schéma de cohérence territoriale.

Enfin, il nous faut compléter, dans la partie réglementaire du code de l'urbanisme, les dispositions applicables aux terrains aménagés pour l'installation de caravanes constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs, afin de préciser la définition, le régime juridique et les conditions d'implantation des terrains familiaux.

La loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage a introduit dans le code de l'urbanisme un article L. 443-3 relatif aux terrains familiaux, qui précise notamment : « Dans les zones constructibles, des terrains bâtis ou non bâtis peuvent être aménagés afin de permettre l'installation de caravanes constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. »

Certes, pour ce qui concerne les modalités d'application, cet article renvoie aux dispositions réglementaires du code de l'urbanisme applicables aux terrains de camping. Toutefois, cette réglementation n'est pas tout à fait adaptée au cas particulier des terrains destinés exclusivement à l'accueil des caravanes qui constituent l'habitat permanent de leurs utilisateurs et, partant, des logements familiaux.

Dans le décret d'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 réformant les autorisations d'urbanisme, et à la demande des professionnels du tourisme, il était prévu de réserver un chapitre consacré exclusivement aux terrains familiaux des gens du voyage, afin de bien distinguer, dans le dispositif réglementaire, les dispositions applicables aux installations de tourisme de celles qui sont destinées aux terrains familiaux des gens du voyage. Malheureusement, tel n'a pas été le cas.

Il nous faudra donc prendre plusieurs mesures.

Il conviendra d'introduire, tout d'abord, une définition des terrains familiaux qui prenne bien en compte la diversité de la demande en la matière, ainsi que les possibilités d'évolution des installations dans le temps.

Il sera nécessaire de préciser, ensuite, le régime juridique des autorisations, en distinguant bien les terrains familiaux des aires d'accueil collectives aménagées : permis de construire pour les aires d'accueil, permis d'aménager pour les terrains familiaux.

Il faudra signifier, en outre, que l'autorisation de stationnement individuelle de caravane n'est pas exigée lorsque cette dernière séjourne dans un terrain aménagé, qu'il s'agisse d'une aire d'accueil collective ou d'un terrain familial, et définir les équipements minima exigés.

Il conviendra de caractériser, enfin, les conditions de dépôt de la demande de permis d'aménager et le contenu du dossier de demande.

Au-delà de ces mesures, monsieur le ministre, il me semble urgent d'introduire des dispositions incitatives en vue de la régularisation des terrains familiaux non autorisés. À cet égard, l'octroi des aides au logement pour les caravanes installées dans des terrains familiaux ayant obtenu une autorisation d'urbanisme pourrait constituer une avancée positive.

Si je connais les réticences de nombre de nos concitoyens à propos des gens du voyage, je souhaite cependant rappeler que les devoirs de chacun préservent les droits de tous ; nous ne pouvons nier plus encore leur réalité et nous nous devons de montrer l'exemple du droit commun.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enjeu est bien d'assurer la cohésion sociale, c'est-à-dire de trouver les moyens de faire cohabiter deux modes de vie différents dans une même et seule République. Qu'il me soit permis de souhaiter, pour 2007, que la loi soit simplement appliquée et de terminer cette allocution par une citation de l'abbé Pierre :...

M. Pierre Hérisson. « On ne peut pas, sous prétexte qu'il est impossible de tout faire en un jour, ne rien faire du tout. »

Je compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas d'usage d'intervenir à la place d'un collègue. Pour contourner cette quasi-interdiction, je dirai juste que Jean-Pierre Caffet m'a fortement inspirée ! (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes rusée, ma chère collègue !

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, nous abordons une nouvelle fois aujourd'hui la question de la crise du logement en France, qui, hélas ! ne cesse de progresser depuis quelques années.

Les dispositions de la loi portant engagement national pour le logement, dite loi ENL, devaient constituer des avancées majeures en faveur du droit au logement, notamment des plus démunis. Néanmoins, nous avons pu constater que, contrairement aux engagements affichés par le Gouvernement, la portée réelle du texte a été fortement limitée, tout particulièrement en raison du manque de moyens prévus.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objectif de garantir un droit opposable au logement. Je voudrais rappeler que, avec nos collègues du groupe CRC, nous avions déjà défendu un tel dispositif au cours de l'examen du projet de loi ENL, mais que nos amendements en ce sens avaient été rejetés, au motif qu'un droit opposable au logement était « irréaliste » en raison de la pénurie de logement...

Monsieur le ministre, depuis que la loi ENL a été votée en juillet dernier, la construction de logements n'a pas progressé à hauteur des besoins. Comment pouvez-vous estimer aujourd'hui qu'un droit opposable au logement peut s'appliquer, alors même que la situation paraît identique, d'autant que tous les décrets d'application sont loin d'avoir été pris ?

Il est clair que ce projet de loi n'a de sens que si les conditions suivantes sont réunies.

Première condition, il faut accélérer la construction massive de logements sociaux.

Selon votre ministère, l'année 2006 aurait battu tous les records depuis près de trente ans, avec 430 000 mises en chantiers sur les douze derniers mois, toutes catégories confondues. Or, sur ce total, à peine 80 000 sont consacrés au logement social.

L'objectif, par ailleurs insuffisant, du plan de cohésion sociale que vous avez fait adopter, lequel fixe à 500 000 le nombre de logements sociaux nouveaux à réaliser en cinq ans, ne sera pas atteint à ce rythme. Ce n'est pas avec les moyens que vous mobilisez que le compte y sera !

Ainsi, aujourd'hui, le nombre de logements sociaux en France dépasserait à peine 4,2 millions, alors que près de 70 % des ménages disposent de revenus inférieurs au plafond de ressources susceptible de les rendre éligibles au logement social et que la précarité gagne une couche de plus en plus large de la population française.

En fait, la mise en oeuvre du droit opposable au logement doit s'appuyer sur une ambition d'une tout autre nature que la vôtre. La production de logements sociaux doit être sans commune mesure avec celle dont vous paraissez vous satisfaire et que vous limitez, dans vos perspectives les plus « optimistes », à 100 000 unités par an.

Accélérer la construction de logements sociaux, c'est mettre à la disposition des communes des terrains que vous préférez vendre trop souvent dans des conditions incompatibles avec la production de logements sociaux de qualité et adaptés à la diversité des demandeurs.

Accélérer la construction de logements sociaux, c'est naturellement aussi mobiliser le foncier et les financements nécessaires à cet effet.

La deuxième condition pour assurer la mise en oeuvre du droit opposable au logement est de garantir la bonne application de l'article 55 de la loi SRU. En effet, accélérer la production de logements sociaux est une chose, en répartir la proportion harmonieusement sur le territoire en est une autre, tout aussi essentielle.

L'article 55 de la loi SRU impose aux communes de plus de 3 500 habitants - 1 500 en Île-de-France - de disposer, sous peine de pénalité, d'au moins 20 % de logements sociaux. Cette disposition, qui vise à associer le qualitatif au quantitatif, est essentielle. Afin qu'elle s'applique, il est indispensable d'inventer des dispositifs nouveaux pour inciter et - pourquoi pas ? - pour obliger toutes les communes à se retrousser les manches en vue d'atteindre cet objectif. Les outils de l'urbanisme sont à mobiliser ; ainsi est-il envisageable d'introduire l'obligation d'un pourcentage de logements sociaux dans les secteurs déficitaires ou de prévoir des emplacements réservés.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même bien identifié l'attitude de ces maires qui refusent le logement social. Par un texte mis en ligne en janvier 2005 sur le site « www.vie-publique.fr », la Documentation française précise : « Cette pénurie [de logements sociaux] reflète la réticence de certains élus locaux à faire construire des logements sociaux dans le périmètre de leur commune. Associant logements sociaux et concentration des populations à faibles revenus et en détresse sociale, ces élus redoutent une dégradation de l'image de leur commune. Une ségrégation spatiale redouble en conséquence les effets de l'exclusion sociale subis par les ménages les plus modestes. »

Par ailleurs, la pénurie de logements PLAI et PLUS ainsi que la réduction des aides de l'État font craindre une utilisation trop « aveugle » du contingent préfectoral de logements.

Accélérer la production de logements, c'est certes dégager du foncier, c'est certes assurer une réelle mixité sociale, mais c'est aussi s'en donner les moyens. Une telle pénurie observée dans certaines communes ne semble pas émouvoir le Gouvernement. Pour trouver un logement social, quoi de plus simple : prélever sur le contingent préfectoral dans les communes disposant d'un parc social significatif ; pour les autres communes, rien ne doit changer ! Et l'État, tout au plus, sera condamné par le juge à payer des astreintes au cas où il ne pourrait proposer des solutions de logement ou de relogement.

Quel avenir sera réservé, dans ces conditions, aux détenteurs de visa de « demande urgente à satisfaire immédiatement » ? Cette conception des choses, qui consiste à camoufler l'absence de volonté d'agir derrière des mesures d'affichage, n'est pas la bonne !

Ce texte instaure, enfin, une véritable mise en concurrence des précarités. La gestion de la file d'attente, qui consiste à distinguer éligibilité, priorité et urgence, n'est pas acceptable.

Un véritable droit opposable au logement doit s'ouvrir progressivement pour permettre à de nouvelles catégories de personnes d'accéder à la commission de médiation et au recours juridictionnel. Par ailleurs, il convient non seulement de prévoir de renforcer les moyens d'accompagnement social des ménages, mais aussi de mobiliser le parc privé vacant, tant ancien que récent, de manière plus impérative, ainsi que les logements vacants réalisés dans le cadre du dispositif fiscal dit « dispositif Robien »

Mais, s'agissant de l'urgence qui vous fait « toucher du doigt » l'insuffisance de votre politique, je me dois d'attirer votre attention sur une évidence qui vous a, semble-t-il, échappé : le droit opposable à l'hébergement est un préalable au droit opposable au logement, et sa mise en oeuvre, qui relève de la compétence de l'État, doit pouvoir être assurée sur l'ensemble du territoire national. À ce titre, je ne peux, hélas ! que vous inviter à revoir à la hausse les prévisions de votre plan d'action pour 2007, qui n'envisage la création que de 4 500 places nouvelles en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, 5 000 places d'hébergement de stabilisation et le maintien de 3 000 places d'hébergement d'urgence généraliste.

Monsieur le ministre, en conclusion, je dirai que vous affichez des intentions louables auxquelles de nombreux membres de votre majorité ne veulent souscrire, comme ils l'ont démontré dans les communes où ils sont aux affaires, mais qui ne se déclinent pas vraiment en dispositions tangibles. En conséquence, le groupe socialiste proposera une série d'amendements visant à coordonner l'action avec les objectifs qui s'imposent aujourd'hui dans l'urgence.

Concernant l'article 7, permettez-moi d'ajouter quelques mots, que je prononcerai en mon nom. Monsieur le ministre, la création de l'aide sociale à la réinsertion est en soi une avancée sociale catégorielle, qui apporte un élément à la construction d'une approche renouvelée de la question migratoire. L'enjeu est bien d'accompagner la création d'un droit émergent à la mobilité et de le consolider par des garanties adaptées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons été nombreux, ce soir, à rappeler combien les difficultés en matière de logement constituent un élément d'insatisfaction et d'inquiétude pour nombre de nos concitoyens.

Il s'agit, tout d'abord, d'une inquiétude partagée par des centaines de milliers de familles qui ne trouvent pas de logement adapté à leurs besoins et à leurs moyens. C'est particulièrement le cas dans notre région d'Île-de-France où les perspectives d'emploi, un peu plus favorables, attirent naturellement nos concitoyens issus de régions économiquement moins favorisées. On dénombre 400 000 demandes de logements pour nos sept départements !

Il s'agit, ensuite, d'une insatisfaction ressentie par les Français lorsqu'ils assistent, chaque hiver, au spectacle honteux de SDF à la rue ! C'est à croire que notre pays, cinquième puissance économique du monde, ne peut pas trouver de solution digne, humaine et un tant soit peu chaleureuse...

Les maires que nous sommes assistent, désemparés, à cette crise : ils mobilisent toute leur énergie pour apporter des solutions trop souvent partielles, quand ils ne se limitent pas simplement à écouter et à conseiller d'attendre un logement qui ne vient pas.

Face à cette crise, comment ne pas accueillir favorablement le principe fondamental que pose ce texte : le droit opposable au logement ?

Je voudrais remercier nos excellents rapporteurs, Bernard Seillier et Pierre Jarlier, qui ont présenté ce texte avec talent, ainsi que Dominique Braye, qui l'a défendu avec toute la fougue que nous lui connaissons.

Certes, et j'y reviendrai, la mise en oeuvre de ce projet de loi pose bien des problèmes. Mais une seule chose compte ce soir : l'affirmation d'un droit opposable qui servira de véritable aiguillon à nos gouvernements futurs et à toutes nos collectivités pour avancer, construire plus de logements et fluidifier le parc social au profit de ceux qui en ont vraiment besoin.

Monsieur le ministre, c'est à vous que nous devons ce droit nouveau. Il est le point d'orgue d'un ensemble de textes que vous avez inlassablement soutenus dans ce domaine : la loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003, lorsque vous étiez ministre délégué à la ville ; la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, créant notamment l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, véritable bras armé du mieux-vivre dans les banlieues ; la loi du 18 janvier 2005, programmant l'effort de construction de logements dans le cadre du plan de cohésion sociale ; la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006, enfin, mobilisant toutes les forces vives, les collectivités locales notamment, pour construire plus facilement les logements qui manquent à notre pays.

Il faut dire que nous revenons de loin ! Il fallait, en effet, et on ne le répétera jamais assez, rattraper les lacunes des cinq années du gouvernement de Lionel Jospin, cinq années pendant lesquelles la France a connu les chiffres les plus bas en matière de mise en chantier de logements sociaux,... (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Madec. N'importe quoi !

M. Christian Cambon.... cinq années pendant lesquelles le mal de vivre des banlieues s'est confondu avec cet urbanisme dépassé et son cortège d'insécurité et de désespérance !

On a construit 40 000 logements sociaux en 2000. Monsieur le ministre, vous avez doublé ce chiffre en 2005 et atteint 97 000 logements en 2006, soit une augmentation de 130 % en six ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. Pas dans toutes nos villes !

M. Christian Cambon. Ce rappel, je le comprends, peut gêner ceux qui, par pure tactique, à la veille d'échéances électorales, tentent d'occulter le bilan social de l'actuelle majorité en matière d'emploi et de logement. Or, ce soir, les bons chiffres du logement plaident singulièrement en faveur de notre Gouvernement, qui peut mettre en avant ce double bilan. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est de l'électoralisme à la petite semaine !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Cela vous dérange, n'est-ce pas ?

M. Christian Cambon. Mais, chers collègues, votre attitude ne trompe pas les Français et, en particulier, les plus modestes, qui comprennent, non seulement le sens des efforts consentis, mais aussi les résultats qui s'ensuivent !

À ce titre, je voudrais évoquer les actions des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin en faveur des plus démunis et des SDF, pour accroître les capacités d'hébergement d'urgence, ce « plan grand froid » qui fonctionne pleinement et qui montre aujourd'hui son efficacité.

L'affirmation du droit opposable au logement vient donner la dimension de fond qui manquait au dispositif actuel. Revendication ancienne des associations oeuvrant pour les plus démunis et, singulièrement, du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, c'est ce droit que l'actuelle majorité propose de consacrer tel un phare, un repère tendant à guider les efforts de tous les acteurs du logement social.

Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, cette loi n'est qu'une première étape. Elle ne règlera pas, d'un coup de baguette magique, le cas de tous les mal-logés de notre pays. Et c'est peut-être là que réside la principale difficulté qui nous guette : il faudra fournir sans relâche de nombreuses explications pour ne pas entretenir de malentendus avec nos concitoyens, plus attentifs encore à nos engagements à la veille de cette période électorale.

Il conviendra d'expliquer, tout d'abord, que le droit opposable au logement n'est pas synonyme de tous les dérèglements auxquels la détresse parfois, la manipulation souvent, ont conduit certains en matière de logement.

Dites ensuite, monsieur le ministre, que ce droit n'a rien à voir avec les pratiques des squatteurs qui portent atteinte au droit de propriété, droit qui a, lui aussi, une portée constitutionnelle et qui est l'un des fondements de notre société.

Ma collègue Catherine Procaccia l'a amplement évoqué, les squats se multiplient actuellement dans nos communes de l'Île-de-France, souvent aux dépens de grands groupes financiers ou immobiliers, mais souvent aussi, hélas ! aux dépens de petits propriétaires confrontés à des problèmes de succession ou dans l'attente d'une relocation.

Mme Michelle Demessine. Oh, les malheureux !

M. Christian Cambon. Comment expliquer dès lors, monsieur le ministre, qu'un délai de quarante-huit heures seulement soit donné aux malheureux propriétaires squattés pour prouver leur bon droit, quarante-huit heures après lesquelles seule une décision de justice, suivie d'une expulsion, pourra intervenir ? Plusieurs squatteurs s'appuient déjà sur cette fallacieuse interprétation du droit opposable au logement pour prétendre se maintenir dans les lieux, au mépris des lois de la République.

Monsieur le ministre, prenez les mesures nécessaires pour qu'il n'y ait pas confusion des genres, pour que cette réforme bénéficie à ceux qui sont victimes de l'exclusion, et non à ceux qui profitent d'un vide juridique pour s'approprier le bien d'autrui !

Mme Michelle Demessine. Double langage !

M. Christian Cambon. Expliquez aussi, monsieur le ministre, à nos maires inquiets que ce nouveau droit n'est pas une bombe à retardement sous leurs pieds. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi donne la possibilité aux demandeurs, jugés prioritaires par les commissions de médiation, de saisir la juridiction administrative. Contre qui ces contentieux seront-ils dirigés, alors même que, dans toutes les communes de France, c'est vers le maire, et vers lui seul, que se tournent les mal-logés ?

Et que dire des communes qui ont accepté de gérer le contingent préfectoral de logements, ce qui n'équivaut pas pour elles à démultiplier, comme par enchantement, l'offre de logements sociaux disponibles ? Les maires ne seront, pas plus que l'État, les fées Clochette ! Protégez-les de ces menaces et faites, au contraire, des maires et des élus de véritables acteurs de ce droit nouveau. Vous avez besoin de leur connaissance du terrain et du tissu social...

À l'exception de certains maires, très rares, qui refusent de mettre en application la loi SRU, ils sont innombrables à agir pour accroître et rénover le parc de leurs logements sociaux, et même, lorsque les conditions le nécessitent, à rattraper le retard que l'histoire ou la configuration géographique de leur commune ont entraîné.

M. Roland Muzeau. Ceux qui refusent sont très nombreux dans le Val-de-Marne ! Ce que vous dites ne se retrouve pas dans les chiffres !

M. Christian Cambon. Pour avoir eu le courage de mettre en oeuvre une telle politique, vous aurez aussi l'audace nouvelle de ne pas transférer aux collectivités les charges que l'État s'est lui-même confiées.

Monsieur le ministre, ouvrira-t-on le débat de fond relatif à toutes ces questions et aux véritables remèdes tendant à fluidifier le marché du logement social ?

Aujourd'hui, nous le savons tous, des familles qui ne remplissent plus les critères pour lesquels elles ont obtenu un logement social conservent leur logement, au détriment d'autres familles qui en auraient besoin.

Mme Christiane Hummel. Tout à fait !

M. Christian Cambon. Les premières qui, heureusement pour elles, connaissent des hausses de revenus ou qui voient leurs enfants quitter le domicile parental pourraient être dirigées vers des logements dits « intermédiaires » ; pourtant, elles restent en grand nombre dans les logements sociaux !

La pénurie concerne bien évidemment les logements familiaux de trois pièces et plus. Ils manquent cruellement ! Il n'y a pas assez de rotation, il n'y en a même plus du tout, c'est bien là que le bât blesse...

Mme Michelle Demessine. Et pourquoi ?

M. Christian Cambon. Le bail social ne peut pas être entendu comme un bail normal. Il faut que les collectivités puissent accompagner nos concitoyens dans leur besoin de logement ; or, pour ce faire, elles doivent avoir des logements disponibles !

M. Roland Muzeau. C'est valable pour toutes les villes, y compris celles du Val-de-Marne !

M. Christian Cambon. Ma commune compte plus de 25 % de logements sociaux ! Ce n'est pas le cas partout, y compris dans certaines communes tenues par vos amis ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Muzeau. Il y a de la marge !

M. Christian Cambon. Nous n'avons pas aujourd'hui les moyens de rendre nos parcs immobiliers plus fluides et nous devrons, dans un avenir proche, rechercher avec vous les solutions pour y remédier.

Mes chers collègues, notre rapporteur de la commission des lois, Pierre Jarlier, a qualifié ce texte d'historique. J'abonde en son sens et je conçois une fierté légitime à ce que ce droit nouveau naisse d'une volonté de l'actuelle majorité. Bien sûr, j'en suis convaincu, une majorité plus large encore le votera ici, car notre assemblée sait dépasser les traditionnels clivages de la politique lorsque le sujet l'impose. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Le droit opposable au logement, véritable novation dans le droit européen, appartient bien à ces sujets. Nous endossons en cela le rôle traditionnel de la France, qui consiste à consacrer, souvent parmi les premiers, des droits fondamentaux. Sa mise en oeuvre sera difficile et longue. Néanmoins, au moment où il est de bon ton de dire que les politiques vivent à mille lieues des difficultés quotidiennes des gens, je suis sûr que le Sénat saura donner un signe aux Français privés de logement. Il s'agira, pour eux, enfin d'un vrai signe d'espoir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour avoir défendu ici, dans cet hémicycle, le principe du droit au logement opposable, je ne peux que me réjouir aujourd'hui de la discussion du présent projet de loi.

M. Pierre Hérisson. Bravo, ça commence bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais attendez la fin !

M. Jean Desessard. Toutefois, j'aurais voulu avoir une explication de M. le ministre : pourquoi, alors qu'à plusieurs reprises il a refusé des amendements relatifs au droit au logement opposable,...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. J'ai dit que j'allais saisir le Haut comité et que je reviendrais devant vous !

M. Jean Desessard.... présente-t-il aujourd'hui ce projet de loi ?

Pendant les vacances de Noël s'est-il aperçu que Desessard avait raison ? A-t-il pensé qu'il fallait écouter les communistes, qui ont défendu ce droit ? S'est-il dit qu'il fallait être responsable, comme les socialistes, et proposer le droit au logement opposable ? Monsieur le ministre, avez-vous eu une telle révélation pendant les vacances de Noël ? (Oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Vous êtes-vous aperçu qu'il y avait des personnes sans domicile fixe ? Fallait-il donc qu'il y ait des tentes sur le quai de Valmy pour que vous réalisiez qu'il y avait un grave problème de logement et d'hébergement ?

Puisque vous ne semblez pas me croire...

M. Pierre Hérisson. Il n'a rien dit !

M. Jean Desessard.... et puisque vous avez l'air de dire que vous étiez tout à fait favorable au droit au logement - je fais la même astuce que M. le ministre au début de son propos ! -,...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Et que je saisirais la Haute autorité !

M. Jean Desessard.... permettez-moi de vous lire l'amendement que j'ai proposé dans cet hémicycle il n'y a pas si longtemps : « Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé : « Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement rendra compte de son état d'avancement au Parlement et présentera un projet de loi visant à rendre le droit au logement opposable au plus tard le 1er janvier 2009 ». »

Vous êtes dans les temps, monsieur le ministre !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On est même en avance !

M. Jean Desessard. Lorsque la présidente de séance a demandé l'avis de la commission, le rapporteur a répondu tout en finesse : « En tant que citoyen, mais aussi en tant que parlementaire, vous devez prendre en compte la réalité. Quand vous nous proposez des objectifs que vous savez être irréalisables, j'estime avoir le droit de vous ranger dans la catégorie des « y a qu'à, faut qu'on ». » (Rires sur les travées du groupe CRC.)

M. Gérard Delfau. Un grand moment !

M. Jean Desessard. Le rapporteur a conclu l'avis de la commission en ces termes : « En conclusion, j'émets bien sûr un avis défavorable sur votre amendement, comme sur toutes propositions irréalistes. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'était pas mûr !

M. Jean Desessard. Voilà ce qu'avait déclaré le rapporteur, au nom de tout le groupe UMP, il n'y a pas si longtemps.

Mme Michelle Demessine. On s'en souvient !

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je reconnais que vous avez été un peu plus habile !

M. Pierre Hérisson. C'est pour cela qu'il est ministre ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Vous avez répondu : « Par conséquent, si je confirme que le concept de droit au logement opposable est républicain et estimable, il convient de ne pas décourager la mobilisation des acteurs qui n'a jamais été aussi forte qu'actuellement. On pourrait, certes, vouloir aller plus loin encore, mais il faudrait, pour cela, nous donner quelques idées complémentaires. »

Mme Annie David. Quelles sont ces idées complémentaires ?

M. Roland Muzeau. On attend une nouvelle révélation, encore un effort !

M. Jean Desessard. Je vous ai pourtant bien écouté, mais j'attends toujours que vous nous expliquiez. Quelles idées complémentaires avez-vous reçues de l'opposition pendant ces trois derniers mois ? Mais peut-être ne s'agit-il que d'un effet d'annonce...

M. Jean Desessard. Je vais m'efforcer de vous le démontrer !

En raison d'un grand nombre d'insuffisances, ce droit au logement risque de se résumer à un simple droit au tribunal : le droit d'aller en justice et de faire condamner l'État à une astreinte destinée à un fonds régional, mais pas le droit d'habiter quelque part ou de recevoir une indemnité de l'État pour se payer un loyer.

Il y a un problème avec ce projet de loi tant les possibilités de recours semblent inaccessibles, très longues et, au final, d'une faible utilité pour les personnes démunies.

M. le rapporteur nous avait dit qu'il ne voulait pas entendre parler d'un droit au logement opposable et qu'il préférait un droit au logement effectif. C'est l'argument qu'il nous avait opposé pour refuser le droit au logement opposable. Mais, aujourd'hui, dans cette loi, c'est le droit au logement opposable qui ne sera pas effectif,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut choisir !

M. Jean Desessard.... à cause des difficultés d'application.

Le premier problème est le suivant : s'agit-il d'un droit au logement ou d'un droit à l'hébergement ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les deux !

M. Jean Desessard. Le texte reste flou sur le type d'habitation que le préfet devra fournir au demandeur, puisque le préfet peut proposer une « structure adaptée » à un demandeur de logement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela dépend de la situation !

M. Jean Desessard. Certes, il n'est pas forcément pertinent de fournir à tous les SDF un logement classique immédiatement,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà !

M. Jean Desessard.... car nombre d'entre eux sont tellement marginalisés qu'ils ont besoin d'un accompagnement. Mais le droit à la « structure adaptée » ne doit pas venir en contradiction avec le droit au logement pour tous.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ça, c'est vrai !

M. Jean Desessard. Il faut donc proposer un logement à tous les demandeurs et les laisser choisir un hébergement ou un logement.

Deuxième problème : il s'agit d'un mécanisme de relogement trop restreint.

La charge de reloger les publics prioritaires ne repose que sur le contingent préfectoral, destiné à prendre déjà en charge les plus défavorisés et limité à un quart des attributions de logements sociaux, soit environ 100 000 attributions par an. Il faut donc mobiliser les autres contingents : collectivités locales, 1 %, bailleurs... Le droit au logement doit s'imposer à tous les réservataires, mais aussi au parc privé, sur le modèle londonien, afin d'éviter le recours aux marchands de sommeil.

Troisième problème : le mystère des commissions de médiation. Mises en oeuvre depuis la loi de 1998, elles n'existent pas encore partout. Pourtant, ce sont elles qui jugeront, sans aucun critère ni délai précis, et sans motivation écrite, le caractère prioritaire et urgent d'une demande.

Enfin, quatrième problème, l'astreinte est peu dissuasive.

L'astreinte que le juge « peut » ordonner - et non « ordonne » - à l'État défaillant sera reversée à un fond local pour le logement social, mais ne profitera pas directement au demandeur de logement lésé. Le demandeur de logement n'aura donc aucune incitation à se lancer dans cette odyssée juridique pour faire condamner l'État s'il n'a aucune chance de recevoir un logement ou de l'argent. Cette anomalie est finalement cohérente avec l'esprit de ce projet de loi, car, visiblement, c'est un leurre. Avec Chirac et Borloo, c'est le leurre et l'argent du leurre ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Et Desessard, c'est le poisson !

M. Jean Desessard. J'en viens aux silences du projet de loi.

Sans constructions accessibles nouvelles, sans régulation du marché de l'immobilier, l'opposabilité du droit au logement restera virtuelle. Et le droit au logement opposable, même correctement instauré - ce qui n'est pas le cas ! -, ne permettrait, au mieux, que de gérer la pénurie, de trier les prioritaires, les urgents, les super-prioritaires, etc.

Pour s'attaquer réellement à la crise du logement, ce projet de loi devrait donc être accompagné des mesures que nous avons déjà défendues lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Vous pourriez me rétorquer qu'il est inutile de me répéter, puisque je l'ai déjà dit. Mais, ayant constaté que vous repreniez à retardement certaines de mes idées ou certaines des idées de l'opposition,...

M. Roland Muzeau. Et il a des révélations !

M. Jean Desessard.... je préfère vous les livrer. Vous pourriez juger quelques amendements positifs...

M. Pierre Hérisson. Rejoignez l'UMP !

M. Jean Desessard.... et vous avez encore quelques heures pour les prendre en considération !

M. le président. Cher collègue, si vous pouviez, tout doucement, vous acheminer vers votre conclusion pour ne pas trop dépasser le temps global dont dispose votre groupe... (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sinon les autres ne pourront pas parler.

M. Jean Desessard. Je vais terminer rapidement, monsieur le président !

Je rappelle donc mes propositions : soumission des opérations de rénovation urbaine à un référendum décisionnel à l'échelle du quartier concerné ; application de l'ordonnance de 1945 pour la réquisition des logements vacants ; blocage des loyers - renouvellement des baux et relocation - pendant cinq ans ; interdiction des expulsions sans relogement ; modification des objectifs du plan de cohésion sociale au profit de la construction de logements PLAI et de PLUS, et de conventionnements dans le parc privé ; conditionnement des défiscalisations à des contreparties sociales plus fortes que celles qui sont exigées par le « Borloo populaire » et a fortiori par le « Robien » ; application renforcée de la loi SRU en quintuplant la pénalité contre les municipalités qui refusent les 20 % de HLM ; substitution des préfets aux maires récalcitrants, exclusion des PLS de la catégorie « logement social » ; pourcentage minimum de logements sociaux dans chaque construction importante, comme à Paris ; enfin, augmentation de la taxe sur les logements vacants.

Voilà les quelques idées que j'ai présentées sous forme d'amendements et que, certainement, vous allez accepter soit aujourd'hui, soit plus tard, monsieur le ministre !

M. Roland Muzeau. Ils n'auront pas le temps plus tard !

M. Jean Desessard. Vous comprendrez que les défauts et les silences de ce projet de loi refroidissent mon désir de voter « pour ». Et pourtant, les mal-logés ont besoin d'un engagement unanime de tous les parlementaires, afin que les prochains gouvernements, quelle que soit leur couleur, se sentent liés par ce serment : le droit opposable au logement. Pour aboutir à ce consensus, je vous demande d'écouter ceux qui font des propositions simples et constructives : les parlementaires et les associations de la plateforme pour le droit au logement opposable, le DAL, la Fondation Abbé-Pierre - je me suis aperçu, voilà peu, que les « gauchistes », puisque c'est ainsi que M. le rapporteur avait qualifié ceux qui entouraient l'abbé Pierre, étaient très nombreux à applaudir le travail de ce dernier ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) - ou, bien sûr, les Enfants de Don Quichotte.

Tout le monde a l'impression que les choses peuvent changer ces jours-ci, car la mobilisation est très large et les politiques y sont attentifs. Tâchons de ne pas décevoir cet espoir pour un droit au logement pour tous.

Une loi instituant le droit au logement opposable va dans le bon sens, à condition toutefois de dépasser la mesure affichée et d'instaurer un droit effectif. Par conséquent, les modalités doivent être mieux définies.

De la même façon qu'il n'existe pas de justice sans un appareil judiciaire juste, de liberté sans un État garantissant les droits des citoyens, il n'existe pas de droit au logement opposable si les modalités ne sont pas simples, efficaces, facilement accessibles aux plus démunis ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera peut-être perçu comme incongru étant donné les circonstances dans lesquelles se déroule ce débat. En effet, à notre époque, où l'image importe plus que toute autre chose, au point qu'avec la campagne électorale qui commence certains candidats nous offrent l'image sans le son,...

M. André Lardeux.... je ne ferai pas de surenchère et ma position n'ira pas dans le sens du « toujours plus ».

Notre République, de plus en plus confite dans le « mémoriel » de repentance et dans le « compassionnel » tous azimuts, transforme trop souvent le débat politique en une manipulation de l'opinion par des minorités plus ou moins agissantes.

M. Roland Muzeau. Au Gouvernement !

M. André Lardeux. Pour ma part, je refuse d'être pris en otage par les adeptes du « y a qu'à, faut qu'on » et de légiférer dans la précipitation.

Mme Michelle Demessine. Merci pour le ministre !

M. André Lardeux. La politique est faite non pas de sentiments, mais d'idées et d'actes, et l'émotion ne doit pas l'emporter sur la raison.

M. André Lardeux. Aussi, je ne voterai pas le texte proposé, malgré les intentions affichées, les éminentes qualités de notre rapporteur et le remarquable travail que ce dernier a réalisé dans des conditions fort difficiles.

Tout d'abord, je ne crois pas que l'article 7 soit une bonne solution ; je ne crois pas que cette mesure, qui risque d'amener l'extension et la pérennisation de l'exportation du minimum vieillesse, soit conforme à l'équité et soit dans les moyens de la France. Il serait d'ailleurs souhaitable de connaître le coût exact de cette exportation pour les décennies à venir, d'autant que nos déficits sociaux sont loin d'être comblés !

Pour ce qui est du logement, comme tous ici, je suis convaincu que chacun a droit à un logement convenable et qu'il n'est pas très glorieux pour notre modèle social, dont c'est l'un des grands échecs, que le logement soit difficile d'accès pour un nombre trop grand des habitants de ce pays.

Cependant, je ne voterai pas le droit opposable au logement, car, à mon sens, nous n'avons ni les moyens techniques ni les moyens financiers. De plus, je ne pense pas qu'il soit bon de donner des espoirs, lesquels risquent d'être suivis de grandes frustrations.

Si je reconnais qu'il y a essai d'actions sur les effets, à mon sens il n'y en a pas assez sur les causes du problème. Ce que l'on nous propose risque de ne pas résister à l'usure du temps.

Je pose trois séries de questions, parmi d'autres, pour étayer ces craintes.

Premièrement, les entreprises du bâtiment ont-elles la capacité d'assurer la construction des logements nécessaires ? C'est peu probable. Elles peinent déjà beaucoup et se heurtent au goulot d'étranglement de la main-d'oeuvre. Elles devront donc recourir à une main-d'oeuvre extérieure. Cette situation va tirer les salaires vers le haut, ce qui, dans les professions concernées, est fort heureux, mais va augmenter le coût des réalisations et créer ainsi des difficultés d'accès nouvelles pour de nombreux demandeurs.

Deuxièmement, que pourrons-nous dire à tous ceux qui sont en attente d'un logement depuis plusieurs années, notamment les jeunes et les jeunes ménages, et à qui l'on va faire savoir qu'ils doivent attendre 2012, ou plus, car il y a des personnes plus prioritaires qu'eux ?

Troisièmement, que se passera-t-il si les bénéficiaires éventuels refusent les logements ? Que se passera-t-il si les maires des communes d'accueil font part de leur réserve, voire de leur opposition, à l'arrivée de cas sociaux supplémentaires sur leur territoire ? Est-on prêt à user des moyens de coercition nécessaires pour assurer l'effectivité de ce droit ?

Si l'on veut que ce droit soit vraiment effectif, est-ce bien à l'État qu'il faut le rendre opposable plutôt qu'à d'autres collectivités ?

En outre, il eût été bon de prévoir des dispositions en faveur des propriétaires privés, pour que ceux-ci soient mieux considérés qu'ils ne le sont actuellement. Ainsi, il faudrait éviter que le fisc ne les pourchasse dans le cas où ils louent un logement à un prix raisonnablement inférieur à celui du marché à des personnes défavorisées, membres de leur famille ou non. Il y a là une incohérence certaine dans l'action de l'État.

Dans ces conditions et par honnêteté intellectuelle, il ne m'est pas possible de considérer que les propositions qui nous sont présentées seront efficaces et que, si elles étaient adoptées, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Aussi, je m'abstiendrai, tout en soulignant que je n'ai pas entendu la moindre proposition d'une solution de remplacement crédible. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en place du droit au logement opposable est destinée, pour l'essentiel, à mettre tout le monde sous pression. Le présent projet de loi ne prétend pas détailler l'ensemble du processus opérationnel, mais, comme quelqu'un l'a souligné cet après-midi, c'est un pacte d'honneur, un engagement sur l'honneur, qui est demandé par le Parlement à tous les acteurs du logement de notre pays et pas seulement à l'État, qui sera responsable de son exécution. C'est bien ainsi qu'il faut considérer ce texte.

Ce texte a bien pour but de placer les services de l'État, quels qu'ils soient, qui auront la responsabilité de la mise en oeuvre du droit au logement, sous une pression constante. Il ne s'agit pas d'un texte de programmation ou d'un texte de financement. Il vise à faire en sorte que plus jamais on ne puisse, pendant une décennie entière, être très en dessous des capacités locatives de notre pays, lequel a une densité de population très faible par rapport à sa capacité foncière. Nous ne sommes ni à Hong Kong ni aux Pays-Bas. En outre, nous disposons des entreprises de construction parmi les meilleures au monde ainsi que des capacités d'ingénierie et d'architecture à la hauteur. Nos maçons et nos artisans savent travailler. Bref, le dispositif est opérationnel. Or force est de constater que, même en dehors des situations de crise, pour chaque euro qui est consacré en France au logement l'offre est inférieure à ce qu'elle est en Allemagne ou en Belgique. Les crises du logement ont ceci de terrible qu'on ne se rend pas compte de leur apparition. Il faut en effet sept à huit ans, quand la pression et la tension deviennent réelles, pour s'apercevoir qu'il manque 200 000 logements par an par rapport aux besoins.

Dans ce secteur, il n'est pas possible de réagir en vingt-quatre ou en quarante-huit heures, ni même en un ou en deux ans. Il n'est pas possible de doubler, en quelques semaines, la production de logements. C'est un long processus. Les décisionnaires sont multiples : les mises en chantier sont engagées au terme d'une longue chaîne de décisions. C'est pour cette raison qu'est nécessaire le vote d'un texte puissant, tout comme doit l'être le comité chargé du suivi annuel de la loi qui, dès le mois de juillet, en proposera les mesures d'adaptation nécessaires.

En matière de logement, toute erreur d'appréciation est payée par les individus les plus fragiles de la société durant les dix ou quinze ans qui suivent. Il y a quinze ans, on avait estimé que la construction annuelle de 220 000 logements suffisait. On paie aujourd'hui cette erreur, dont les conséquences se font sentir non seulement sur l'éducation, mais encore sur la famille, la personnalité de chacun, la mobilité professionnelle et même l'environnement. En effet, en l'absence de fluidité dans le parc locatif ou dans l'accession à la propriété, le commuting devient alors une nécessité. C'est pour cette raison qu'il faut un texte fondateur.

Je souscris à l'essentiel des remarques que j'ai entendues, sur quelque travée qu'elles aient été prononcées.

Mme Demessine nous a expliqué que la situation était grave et dramatique. Je partage votre appréciation, madame la sénatrice, d'autant plus que nous venons tous deux de la même région. Pendant dix ans, on a insuffisamment construit de logements très sociaux, sociaux ou intermédiaires et tout aussi insuffisamment promu l'accession à la propriété. Telles sont les raisons de la crise du logement. Comme en matière de démographie, ses conséquences apparaissent tardivement. Les décisions en la matière n'ont d'effets qu'au bout de dix, de quinze ou de vingt ans.

Madame la sénatrice, le gouvernement de Lionel Jospin a certes failli dans le domaine du logement, mais en réalité la crise avait démarré auparavant.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Permettrez-moi simplement de vous signaler que le Gouvernement a doublé ou triplé l'offre de logements sociaux, au sens de la loi SRU, et augmenté de 80 % le nombre de logements très sociaux. Aussi, vous ne nous en voudrez pas de vous renvoyer au chiffre des mises en chantier de l'époque où vous étiez aux affaires, en réponse aux leçons que vous semblez vouloir nous donner à l'occasion de la présentation de ce texte.

Cela dit, à y regarder de près, la crise a commencé bien avant et s'explique par bien des facteurs, y compris par une mauvaise compréhension des évolutions de la société française, notamment des décohabitations. Il s'agit donc d'un problème de fond auquel notre pays doit remédier de manière pérenne et définitive.

Monsieur Repentin, vous avez évoqué la question du 1 % patronal. Je continue de m'étonner que, durant les cinq années auxquelles je faisais référence, une partie du 1 % qui aurait dû être consacré au logement social ait finalement abondé le budget général de l'État. À une époque, ce montant a atteint 600 millions d'euros. Je suis navré de devoir vous le rappeler. Certes, la crise du logement ne s'explique pas par ce seul fait. Mais je m'irrite quelque peu que vous nous donniez aujourd'hui des leçons (Signes de dénégation de M. Thierry Repentin.) en dépit des actions incroyables que nous avons engagées, en dépit de la rénovation urbaine, à laquelle 35 milliards d'euros ont été consacrés, qui concerne 600 000 logements, six cents quartiers et des équipements publics. Nous avons opéré là un changement complet du cadre de vie.

Vous considérez que le logement social est votre seule affaire, ce que vous vous évertuez à expliquer aux Français. Au fond, ce qui vous dérange, c'est qu'il ait connu ses pires années depuis la guerre alors que vous étiez aux responsabilités. Là est le problème.

Monsieur Desessard, ainsi que je l'ai dit ici à trois reprises et ainsi que je l'ai fait en juin dernier, je saisirai le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées. Le rapport de cent pages qu'il a rendu à la fin du mois de novembre a été adopté à l'unanimité. Aussi, il est faux de parler d'improvisation. Ce sujet est difficile. Le Haut comité, bien conscient de la difficulté, s'est lui-même interrogé sur l'autorité à laquelle pourrait être opposable le droit au logement. Il a ainsi recommandé qu'il soit répondu à cette question au terme de l'expérimentation pour un temps donné de ce dispositif. Or le Gouvernement et lui sont tous deux convenus que ce n'était pas possible sur un plan juridique. C'est pour cette raison que nous avons finalement conclu pour une obligation de l'État. Les maires, ainsi que tous les acteurs du secteur des HLM, doivent pour leur part être parties prenantes au droit au logement opposable, comme ils en ont fait la démonstration au cours des quatre dernières années.

Je rejoins Valérie Létard : le logement a effectivement besoin d'accompagnement. Mais pas tout le logement. Oui, il faut augmenter les capacités de suivi des personnes qui sont dans un parcours résidentiel. Mais soyons honnêtes : depuis quinze ans, les lits thérapeutiques manquent, comme est insuffisant l'accompagnement des personnes souffrant de certains troubles, des personnes qui, parfois à un très jeune âge, ont été choquées par des actes de violence, qui ont été blessées par la vie, qui gardent des larmes enfouies au plus profond d'elles-mêmes, qui ont perdu tout repère mais qui ne demandent qu'à émerger de nouveau avec plein d'énergie alors qu'elles ignorent les possibilités d'accompagnement.

Monsieur Alduy, vous nous demandez quels seront le calendrier et les étapes de la mise en place de ce droit au logement opposable. Tout le monde sera mis sous pression. Pour cette raison, il ne faut pas, pour l'essentiel, modifier ce calendrier. Il faut créer une situation irréversible car les temps de réaction, dans ce domaine, sont beaucoup trop longs. Quinze ou vingt ans sont nécessaires pour réparer cinq années d'erreurs.

Monsieur Godefroy, je vous remercie de votre soutien aux mesures d'équité en matière de services à la personne et de votre soutien à la contribution sociale proportionnelle, à la réserve que celle-ci soit intégralement compensée à l'euro près. Je vous confirme l'engagement de l'État en l'espèce.

Quant aux possibles effets d'aubaine générés par un certain nombre des droits sociaux, je rappelle que c'est un président de conseil général socialiste qui, dans cette enceinte, a attiré fort légitimement notre attention sur ce problème.

Monsieur Hérisson, j'ai bien entendu votre remarque. Il est vrai qu'un certain nombre de communes sont en retard dans l'installation des aires d'accueil des gens du voyage.

Monsieur Cambon, les recours contentieux seront exercés à l'encontre de l'État. En réalité, j'espère bien que la médiation prendra le pas sur l'action contentieuse. En effet, on ne s'en sortira qu'à la condition que les commissions de médiation puissent faire travailler ensemble tous les acteurs des différents territoires.

Je n'ai pas eu de révélation, monsieur Desessard, même si, grâce à vous, je progresse de débat en débat.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est votre maître à penser ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre. J'ai l'humilité d'admettre que je ne peux avoir raison tout le temps et depuis toujours... L'action publique, vous le savez mieux que quiconque, laisse des cicatrices. Il faut reconnaître parfois que les choses ont évolué d'une manière autre que celle qu'on avait prévue, en toute bonne foi.

En tout cas, ce travail méthodologique nous permettra de relancer la construction et de définir un concept nouveau. Mais le droit au logement opposable n'entrera véritablement en application que grâce à l'existence du comité de suivi, qui devra être entendu par le Parlement pour adapter ou modifier tel règlement ou tel texte, quelles que soient les équipes en place. Le droit au logement opposable ne sera pas effectif simultanément sur tous les territoires. Les problématiques du littoral, de la ville de Paris ou des terrains situés autour des gares ne sont pas identiques.

Monsieur Lardeux, vous vous êtes inquiété de la capacité du secteur du bâtiment à répondre à l'effort de construction. Sachez, monsieur le sénateur, que les entreprises membres de la Fédération française du bâtiment, la FFB, et de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, ont à elles seules recruté 100 000 personnes. Pour l'ensemble de la filière, ce ne sont pas moins de 130 000 à 140 000 personnes qui ont été recrutées. Même si la pression sur ce secteur d'activité est réelle, il n'en continuera pas moins de recruter, comme le confirme Christian Baffy, le président de la FFB, dans un entretien qu'il a accordé aujourd'hui au journal Les Échos. Il ajoute que la machine est aujourd'hui lancée dans tous les départements et qu'elle ne s'arrêtera pas.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et les dommages et intérêts ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il faut distinguer, d'une part, la question des astreintes et, d'autre part, le droit de tout citoyen à demander des dommages et intérêts. Les deux sont évidemment compatibles. Il est dit dans le texte : « le tribunal peut ordonner ». Il n'y est pas obligé car, au nom du strict respect de l'indépendance de la magistrature, aucun texte dans notre droit n'impose à un tribunal, fût-il administratif, de prononcer des peines automatiques.

Je vois bien que, au fond, tout le monde est d'accord pour mettre le pays sous pression et continuer les efforts même si nous pouvons, les uns et les autres, avoir des appréciations différentes et tenir des positions divergentes. Dire que ce projet de loi est parfait serait inexact, puisque, dans ce domaine, un texte irréprochable n'existe pas. En revanche, l'objectif défini est, lui, excellent et à mes yeux indispensable.

Cette guerre de mouvement, qui me paraît essentielle, se déroulera au fur et à mesure des évolutions. Je comprends bien que tous les prétextes possibles sont avancés pour empêcher un vote unanime. Mais, très sincèrement, et du fond du coeur, je souhaite qu'un tel vote ait lieu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Article 1er

M. le président. Je suis saisi, par MM. Sueur, Repentin, Godefroy et Desessard, Mmes Printz, Le Texier, San Vicente - Baudrin, Khiari, Demontès et Herviaux, MM. Madec, Caffet, Guérini, Ries, Bockel, Collombat, Dauge, Lagauche, Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 89 rectifié, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (n° 170, 2006-2007).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit au logement opposable est une grande chose, un principe fondamental qui doit changer en profondeur nos pratiques. Il est bon qu'il soit présenté aujourd'hui au Parlement de la République.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure d'autres droits.

Le droit à l'éducation est le résultat du combat des forces de progrès pour que chaque enfant, parce qu'il est un être humain, bénéficie de ce droit.

Le droit à un revenu minimum, le RMI, est une conquête de la gauche : chaque personne a droit à un revenu, parce qu'elle est un être humain.

Une loi absolument fondamentale du gouvernement de Lionel Jospin a créé la couverture maladie universelle, la CMU : chaque personne a droit à la santé, pour la seule raison qu'elle est un être humain.

Affirmer le droit, pour chaque homme, chaque femme, chaque jeune, de disposer d'un toit, d'un logement, c'est une chose positive, et nous voterons bien sûr l'article 1er.

Dans le même temps, je pense qu'au moment où l'on discute de ce sujet il est opportun de ne pas rouvrir un certain nombre de débats, car on pourrait se trouver face à des arguments totalement divergents. Je me souviens par exemple du travail qui a été effectué par Roger Quilliot ou Louis Besson et des difficultés que nous avons rencontrées avec un certain nombre de textes de loi ici même.

Ce qui est important pour nous dans ce droit au logement opposable, si l'on va au bout de la logique, - d'ailleurs, à entendre cet après-midi ce qu'ont dit les uns et les autres, je ne suis pas certain que tous nos collègues soient sur cette longueur d'onde -, c'est la révolution copernicienne qu'il opère dans la mesure où le droit à la propriété, fondement d'un grand nombre de décisions juridictionnelles, n'est plus tout-puissant, n'est plus premier, et que le droit au logement devra lui être supérieur dans un certain nombre de cas. C'est donc une grande révolution.

Notre seule interrogation, mes chers collègues, porte évidemment sur les moyens et non sur le fond.

Je me souviens de l'amendement qu'a déposé Jack Ralite le 6 avril 2006, ainsi que des interventions de Thierry Repentin et d'autres de nos collègues ; je m'étais également exprimé. Mme Vautrin nous a répondu que la proposition était irréaliste, prématurée et totalement inappropriée.

C'est pourquoi plusieurs de nos collègues, dont M. Desessard à l'instant, ont parlé d'une conversion soudaine. Il pourrait en être ainsi, monsieur le ministre, si un certain nombre de mesures concrètes n'étaient prises conjointement dans le sens d'une application stricte de l'article 55 de la loi SRU et préalablement à de nouveaux progrès par rapport à ces dispositions.

La question est de savoir si nous sommes tous d'accord pour cela. J'ai écouté tout à l'heure M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économique, Dominique Braye, et je ne suis pas certain qu'il partage cette position. Mais c'est son choix, et il est tout à fait respectable.

Je me souviens de certains débats que nous avons eus ici même sur la loi SRU, au cours desquels on nous expliquait qu'il était urgentissime de modifier celle-ci pour raisonner à l'échelon des agglomérations et non des communes, de façon à diluer l'effort.

Lors de la discussion générale, presque tous les intervenants ont parlé de l'abbé Pierre. Et, pour parler franchement, je finis par éprouver une certaine gêne à voir comment chacun récupère ou s'accroche à une partie de la cape du saint homme !

J'ai envie de dire : « laissez-le en paix ! ». Je me souviens, par exemple, de la dernière visite de l'abbé Pierre, ancien député, à l'Assemblée nationale. Tout le monde l'a naturellement congratulé et puis, à peine eut-il quitté l'hémicycle, qu'est arrivé en discussion l'amendement de Patrick Ollier nous expliquant qu'il fallait comptabiliser différemment l'accession à la propriété. Chacun s'en souvient.

Les tentatives et tentations pour édulcorer la loi SRU sont tellement nombreuses ! J'ai encore assisté ces dernières semaines, ici ou là, à certaines cérémonies de voeux durant lesquelles les élus promettaient à leurs concitoyens de veiller particulièrement à l'équilibre démographique et au caractère résidentiel de leur commune.

Toutes les raisons sont bonnes pour ne pas appliquer cette loi SRU. Cela m'amène à formuler une proposition qui figure d'ailleurs dans les amendements présentés par Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste.

Je trouve profondément scandaleux que l'on puisse payer pour ne pas appliquer la loi. Souvenez-vous de cette période où il était possible de payer pour ne pas remplir ses obligations militaires. Ceux qui étaient riches pouvaient donc s'y soustraire. De la même façon, je trouve profondément anormal que l'on puisse acheter la non-mixité sociale pour rester entre soi et que l'on ait la possibilité, en payant, de refuser la construction de logements sociaux et l'arrivée de certaines catégories de la population dans sa commune.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et de ne pas recruter les personnes handicapées !

M. Jean-Pierre Sueur. Par conséquent, si l'on veut vraiment que ce droit opposable au logement, qui, je l'ai dit, est une grande chose se traduise dans les faits, il faut bien sûr prévoir les moyens financiers correspondants.

À cet égard, saisissons l'occasion que nous offrent les élections présidentielle et législatives et incitons les candidats à déclarer - les électeurs jugeront - que la priorité doit être donnée au logement, à la rénovation, à la réfection en profondeur des quartiers en difficulté. Le reste passera au second plan, puisque, vous le savez, mes chers collègues, quand tout est prioritaire, la politique disparaît et laisse place à l'opportunisme.

Et, disons-le clairement, pour que ce droit ne soit pas un leurre, l'État - il est le seul à pouvoir agir - doit disposer de tous les moyens nécessaires à l'application scrupuleuse sur tout le territoire de l'article 55 de la loi SRU, pour ensuite aller plus loin.

C'est la raison pour laquelle Thierry Repentin et moi-même présenterons des amendements. J'ai le sentiment que, si nous votions l'article 1er assorti d'un nombre significatif de nos amendements, un équilibre se dégagerait. On poserait un droit et, dans le même temps, on se donnerait les moyens de le mettre en oeuvre dans les années qui viennent. Cette solution serait réaliste et tout à l'honneur, me semble-t-il, du Parlement.

En revanche, poser un principe sans se donner les moyens de l'appliquer reviendrait à n'accorder aucun droit et à leurrer les gens en leur donnant un faux espoir.

Nous posons la question. La réponse est entre nos mains, mes chers collègues, mais nous pensons, pour notre part, qu'il eût été préférable de prendre au préalable un certain nombre de dispositions pour que le principe soit suivi d'effets.

Si j'ai déposé et défendu, au nom du groupe socialiste, cette motion visant au renvoi du texte à la commission, c'est surtout pour réaffirmer, après ceux de mes collègues qui sont intervenus, combien nous voulons que ce droit important ne reste pas lettre morte et qu'il soit véritablement un principe d'action ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Seillier, rapporteur. Si j'ai bien entendu la fin de l'argumentation de M. Sueur, il me semble que le renvoi du texte à la commission n'était pas véritablement son objectif. Cela dit, pour répondre aux arguments qui figuraient dans l'objet diffusé à l'appui de cette motion, je ne peux retenir ni l'impréparation ni l'improvisation.

J'observe que la commission des affaires sociales - sans parler des deux commissions saisies pour avis - a procédé à de nombreuses auditions : dix-huit au total !

Je n'oublie pas non plus que notre assemblée est particulièrement bien informée sur les problèmes du logement, puisque les récents débats sur le projet de loi portant engagement national pour le logement nous ont permis de traiter toutes ces questions au fond et d'avoir en mémoire les dispositifs concernés. Je rappelle que cette loi a été publiée au Journal officiel le 16 juillet 2006.

J'ajoute que le travail des rapporteurs va au-delà du coeur du texte, puisque je proposerai pour ma part, au nom de la commission des affaires sociales, des amendements concernant l'accroissement des efforts de construction de logements très sociaux. La commission s'est préoccupée de la solvabilité des demandeurs de logements, et je pense que l'on peut reconnaître - je m'attacherai à le démontrer - qu'elle a adopté une approche globale et complète sur cette question.

Par ailleurs, je note que le nombre des amendements présentés par les groupes prouve qu'ils ont disposé du temps nécessaire à la réflexion. Nombre des arguments qui ont été développés aujourd'hui n'étaient en fait que la reprise d'amendements déjà défendus, ce qui donne une impression de répétition, comme cela a été rappelé tout à l'heure.

Ma position privilégiée en tant que président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale me permet de dire que cette question du droit au logement opposable n'a pas surgi tout à coup. En effet, dès 2004, dans son rapport annuel, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées a affirmé solennellement la nécessité de reconnaître dans la loi l'opposabilité de ce droit. Il l'a répété dans son rapport de 2005.

En 2006, un rapport spécifique sur ce sujet lui a été demandé par le Premier ministre et le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce rapport, achevé en octobre, a été remis en novembre 2006 et présenté au Président de la République.

Je souligne que l'actuel président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, M. Xavier Emmanuelli, tient informé le Président de la République de façon régulière et depuis des années sur les problèmes d'urgence humanitaire et de logement des personnes défavorisées.

Dans ses ouvrages - dont je recommande la lecture -, M. Emmanuelli indique d'ailleurs que c'est grâce à l'appui du Président de la République, alors maire de Paris, qu'il avait introduit le SAMU social.

Pour ceux qui suivent de près l'évolution de ces questions, il n'est pas étonnant qu'après le rapport de novembre 2006 la présidence de la République ait jugé que les temps étaient mûrs pour passer à l'étape suivante et présenter un texte.

Par conséquent, aussi bien dans les coulisses, où le travail de préparation s'est effectué en toute clarté, sans dissimulation, qu'au sein de notre commission des affaires sociales et du Sénat dans son ensemble, le moment était venu pour s'atteler à un tel projet de loi. C'est donc avec une conviction totale que j'ai accepté de rapporter ce texte, qui n'a aucunement souffert d'impréparation ou d'improvisation.

C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 89 rectifié, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que l'ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier et au sein du chapitre Ier ont été réservés et seront examinés à la fin du chapitre Ier, c'est-à-dire après l'article 5.

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à la garantie du droit au logement

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Article 2 (début)

Article 1er

L'État garantit le droit au logement mentionné à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et stable, n'est pas en mesure d'accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant ou de s'y maintenir.

Cette garantie s'exerce par un recours amiable et par un recours contentieux selon les modalités fixées par la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ceux qui, hier, dans ces lieux, avec le mépris qu'on leur connaît, raillaient la proposition « utopiste, irréaliste, démagogique » visant à inscrire dans la loi le droit au logement opposable, tentent aujourd'hui de nous convaincre, comme leur candidat à l'élection présidentielle, qu'ils ont changé et que tout est désormais possible.

En l'espace de six mois, les conditions préalables et nécessaires à la concrétisation de ce droit ont-elles structurellement changé ?

A-t-on produit massivement des logements à loyers accessibles ? Les communes qui jusque-là refusaient de satisfaire à leur obligation de construction de 20 % de logements sociaux ont-elles été contraintes par les préfets de respecter la loi ? L'accès à la sécurisation des risques locatifs est-il désormais ouvert à tous, y compris aux bénéficiaires de minima sociaux, aux jeunes de moins de vingt-cinq ans ? Les avantages fiscaux consentis - et l'on sait qu'ils sont larges - ont-ils été conditionnés par des contreparties sociales ? L'État s'est-t-il mobilisé pour enrayer la flambée des loyers et des prix de l'immobilier ?

La réponse à toutes ces questions - vous la connaissez - est assurément négative. Ce qu'il n'a pas fait en douze ans de mandat, le Président de la République se propose de l'accomplir en un instant, par le biais du présent texte.

Les raisons de ce revirement soudain, de ces coups d'accélérateur sur le dispositif de garantie des risques locatifs et, maintenant, sur l'opposabilité du droit au logement sont à rechercher du côté des sans-toit, qui ont crevé l'écran, et de la visibilité accrue des multiples visages de la nouvelle pauvreté française. Ce sont autant d'images dérangeantes à quatre mois d'échéances électorales majeures, autant de motivations pour relancer la machine à plaire et à promettre.

Il est vrai que ce gouvernement se devait de trouver le moyen de masquer l'échec de sa politique consistant à laisser faire le marché et de faire oublier ses responsabilités dans la crise du logement.

En tranchant positivement une problématique portée depuis de longues années déjà par l'ensemble du monde associatif, le Gouvernement s'offre une belle bouffée d'air politico-médiatique.

Je ne partage pas l'opinion de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, pour qui « le droit opposable apparaît comme le couronnement de la politique volontariste menée par le Gouvernement en faveur du logement et de l'hébergement. ». C'est bel et bien sous la pression que celui-ci s'est résolu à légiférer !

Je n'accepte pas non plus l'astuce qui consiste à repousser à la fin de la première partie du texte l'examen des articles additionnels avant l'article 1er alors qu'ils constituent évidemment le fondement de ce que serait la crédibilité du présent texte.

Le projet de loi dont nous discutons - plus précisément, les cinq articles instituant une responsabilité juridique du droit au logement et organisant sa garantie par l'Etat - a été véritablement arraché au Gouvernement par les associations.

Depuis 2002, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées travaille à donner son entière portée à ce droit fondamental et préconise, pour ce faire, la mise en oeuvre du droit au logement opposable. En 2005, les modalités de cette opposabilité et son calendrier ont été définis. Si le Premier ministre a récemment confié une nouvelle mission au président du Haut comité, n'était-ce pas pour mieux botter en touche sous couvert d'expérimentation ?

Cette parenthèse sur l'ironie de la situation étant refermée, permettez-moi de me satisfaire de cette évolution des positions. Le législateur s'empare enfin de la question de l'opposabilité du droit au logement et propose de franchir une étape considérable en introduisant à la charge de l'État une obligation de résultat.

Je regrette toutefois, comme l'ensemble des associations et des personnes auditionnées par notre groupe, que ce texte soit délibéré en urgence. En effet, selon les termes de la Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement, la FAPIL, « la précipitation dans le contexte actuel ne peut que restreindre la portée d'un droit qui se veut fondamental et universel si toutes les compétences qui y participent ne sont pas réorientées vers lui ».

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen abordent donc ce débat dans un esprit constructif, mais avec beaucoup de prudence et un grand réalisme, craignant que « la réponse apportée se révèle être elle-même seulement médiatique », comme l'analyse Frédéric Rollin, professeur de droit public, et qu'en conséquence, les déceptions ne soient aussi grandes que les espérances suscitées par le projet de loi.

Prudence donc, parce que le message adressé par les commissions saisies pour avis - la commission des affaires économiques et la commission des lois - est pour le moins négatif à l'égard du texte. Nombre d'amendements s'attaquent à l'économie générale du texte. Dans un prétendu souci de pragmatisme, les dates de 2008 et 2012, à compter desquelles le droit au logement serait garanti par des voies de recours sont reculées. Sous prétexte de mieux articuler les compétences des commissions de médiation, il est fait du droit à l'hébergement un préalable à la reconnaissance du droit au logement... Ne concevez-vous pas de facto l'hébergement comme ghetto de la misère, l'exclusive du parc locatif social aux plus pauvres ? Cette différence d'approche entre commissions elles-mêmes augure mal de l'opposabilité du droit au logement en fin de compte.

Prudence également parce que, au-delà de l'intitulé du projet de loi, l'examen attentif du texte révèle une tout autre réalité. Il instaure une responsabilité en aval, c'est-à-dire à l'échelon de l'attribution des logements sociaux, et non en amont, à l'échelon de la production de logements et, en particulier, du logement très social, dans le cadre du dispositif du prêt locatif aidé d'intégration, ou PLAI.

Si l'article 1er proclame la garantie par l'État d'un droit au logement pour toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, il n'assure un recours effectif qu'à celles dont la demande aura été déclarée prioritaire et urgente par une commission, laquelle statue sans obligation de délai et sans avoir à motiver sa décision, cette dernière n'étant pas susceptible de recours. Ce n'est que dans un second temps que la possibilité de saisir le juge administratif est ouverte.

Autrement dit, les conditions cumulatives posées pour engager un recours juridictionnel - tenant à la personne et aux caractéristiques de sa demande - sont telles que la portée du droit ouvert est largement restreinte. Par ailleurs, le droit ouvert porte sur l'obtention d'un logement ou sur un placement dans une structure adaptée - foyer, hôtel meublé - ou « toute autre forme de logement », formule imprécise ne renvoyant à aucune expression connue.

En outre - et cela n'a échappé à personne -, le seul instrument mobilisable par l'État pour s'acquitter de ces obligations, c'est le contingent de droits à réservation de logements locatifs sociaux dont dispose chaque préfet dans le département. Autant dire que ce n'est pas grand-chose pour satisfaire l'ensemble des besoins, notamment en région parisienne.

Ajoutons à cela que le Gouvernement n'envisage pas la mise en place de mesures exceptionnelles, d'un plan d'urgence en faveur du logement, l'obligeant à produire en nombre des logements très sociaux, à véritablement adapter l'offre à la demande, à mobiliser les logements vacants ou à arrêter les expulsions, ce qui nous amène à conclure que le projet de loi ne permettra pas à lui seul d'atteindre l'objectif qui lui est assigné.

Comment ne pas être réservé quant à la volonté du Gouvernement et à la capacité de l'État à réinvestir le domaine du logement lorsque l'on sait que la panoplie de mesures prises depuis cinq ans...

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Roland Muzeau. Mais ce rappel historique est important !

... que les mesures prises depuis cinq ans, disais-je, mesures à la portée incertaine, ont surtout conduit à renforcer les inégalités face au logement, la ghéttoïsation de certains quartiers et la spéculation foncière et immobilière.

Je suis d'autant plus sceptique que mon département, celui des Hauts-de-Seine, laboratoire de M. Sarkozy, compte tout de même 75 000 demandeurs de logements prioritaires et 26 000 logements insalubres, seize villes sur trente-six ne respectant pas le seuil minimal de logements sociaux. Le nombre de logements sociaux construits en 2005 s'est élevé à 715 dans le cadre du dispositif de prêt locatif à usage social, ou PLUS, à 159 dans le dispositif de prêt locatif aidé d'intégration, ou PLAI, et à 564 dans le dispositif de prêt locatif social, ou PLS.

Vous l'avez noté, 1 438 logements pour un département de 1 450 000 habitants, c'est le chiffre le plus faible enregistré depuis 2001. Et ce sont là les données de la direction départementale de l'équipement et non pas celles du groupe communiste républicain et citoyen !

Cette situation aggravée n'a aucune chance de s'améliorer dans un proche avenir, M. Sarkozy ayant décidé de mettre en vente 4 000 logements sociaux de l'office départemental, comme le permet la loi de juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous ne pouvons ignorer les « faits ». Ils sont têtus et douloureux pour les familles en recherche de logement. (M. Dominique Braye s'impatiente.)

Je sais que c'est douloureux pour vous, monsieur Braye, mais j'en ai bientôt terminé !

M. le président. Monsieur Muzeau, on ne peut pas s'octroyer systématiquement dix minutes pour s'exprimer alors que le temps de parole n'est que de cinq minutes !

Mme Michelle Demessine. Ce n'est pas systématique !

M. Roland Muzeau. J'en ai pour trente secondes, monsieur le président !

Ces faits sont terriblement accusateurs pour la politique que vous menez, monsieur le ministre, et pour le laxisme coupable dont vous faites preuve à l'égard des villes qui refusent d'appliquer la loi de la République, notamment le taux de 20 % fixé par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.

M. le président. Mon cher collègue, je le répète, lorsque le temps de parole est de cinq minutes, il ne faut pas parler dix minutes. On peut admettre que ce temps soit légèrement dépassé quand il s'agit de sujets importants, mais il faut savoir rester raisonnable !

La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout comme il a fallu que le film Indigènes soulève l'indignation de l'opinion pour que le Gouvernement rectifie enfin l'iniquité de la situation des anciens combattants étrangers, dont les pensions sont gelées depuis 1959, il aura fallu la démonstration des Enfants de Don Quichotte pour que ce même gouvernement en vienne à déposer un texte sur le droit au logement opposable que nous avions défendu lors de discussion de la loi portant engagement national pour le logement.

Il convient donc de saluer la prééminence des effets médiatiques dans la gouvernance de ce pays !

Cela nous conduit à examiner un texte à quelques semaines de l'élection présidentielle, en urgence comme bien d'autres textes qui auraient pourtant nécessité le temps de l'analyse et de la concertation.

J'en veux pour preuve la frustration partagée par les rapporteurs des commissions et les responsables d'associations engagées sur cette question qui, face à un texte historique, auraient souhaité un traitement beaucoup plus approfondi, au regard tant des moyens affectés au droit au logement que de ses formes administratives et juridiques.

Il est inqualifiable de jouer ainsi avec la précarité, le chômage, en mettant en concurrence ceux qui souffrent de l'insuffisance de logements sociaux et très sociaux.

Vous ne rassurerez personne, et certainement pas ceux qui espèrent un logement depuis plusieurs années, en suggérant à l'article 1er un droit qui, de fait, se trouve déjà réduit à l'article 2 par le jeu des conditions d'accès.

Comme le constate le DAL, dans mon département, par exemple, le délai d'attente pour accéder au logement social est passé à quatre ans : c'est toute une frange de la population déjà cruellement touchée par la récession économique qui se trouve rejetée à la rue.

Par ailleurs, des promoteurs immobiliers, profitant de cette pénurie, investissent dans la pierre dans un but purement spéculatif : les logements ainsi acquis demeurent vides de tout occupant. Dans la métropole lilloise, des bailleurs sociaux laissent des appartements vides pour ne pas avoir à gérer le relogement des locataires dans l'éventualité d'un programme de « démolition-reconstruction » fixé pour 2009.

Ce sont 3 400 000 personnes qui vivent de minimas sociaux, et il est question de 7 millions de travailleurs vivant dans des conditions de pauvreté avérée.

La crise du logement que nous connaissons depuis maintenant quinze ans est aussi la traduction de la précarisation dramatique des salariés, des jeunes, des familles monoparentales.

Que représentera donc cette loi si elle n'est pas assortie d'un plan volontariste de construction de logements réellement sociaux, d'un engagement national effectif pour que les conditions de vie, particulièrement l'accès au logement, participent concrètement à l'amélioration du quotidien de nos concitoyens ?

Il est plus que temps, monsieur le ministre, que pour garantir ce droit fondamental au logement, à l'instar de celui à l'éducation et à la santé, l'État reprenne la main sur l'ensemble du dispositif du logement social par la création d'un vrai service public de l'habitat, seul outil capable de faire respecter ce droit sur l'ensemble du territoire.

Nous avons défendu cette position à de multiples occasions. Aujourd'hui, aux côtés des associations d'insertion, du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, nous posons comme incontournable le principe que le droit opposable au logement soit assorti d'une obligation de résultat, et nous comptons bien, au travers des débats qui s'engagent ici, proposer toutes les dispositions susceptibles de porter la politique du logement au rang de priorité nationale. (M. Roland Muzeau applaudit.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est une nouveauté !

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, sur l'article.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er de la loi que nous discutons aujourd'hui est sans aucun doute un article clef, puisqu'il concerne le droit opposable au logement.

Ce droit est celui pour lequel, depuis plusieurs années, mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même, ainsi que nos collègues d'autres éléments de la gauche, en parallèle avec l'action du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, appelons de nos voeux.

Nous avions d'ailleurs déposé, lors du débat sur le projet de loi portant engagement national pour le logement, un amendement en ce sens. La proposition reçut à l'époque l'accueil que l'on sait, je n'y reviendrai pas.

J'appelle de mes voeux l'inscription dans la loi du droit opposable au logement. Je le fais en tant que sénateur, bien sûr, en tant que citoyen, également, mais aussi en tant qu'ancien maire d'une ville populaire, Aubervilliers. Je donnerai un seul chiffre : 60 % des habitants des HLM ne gagnent pas le SMIC. Cela en dit long sur ce que d'aucuns considèrent comme une « fixation ». Mais quand on ne gagne pas le SMIC, en dehors des HLM, on n'a aucune solution ! Je le fais enfin en tant que membre du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées.

Ces diverses expériences m'ont permis de comprendre, m'ont permis de voir, très concrètement, combien le mal-logement est une maladie grave dont souffrent un nombre important de nos concitoyens, une maladie qui frappe de manière brutale les plus modestes, les plus vulnérables, les familles populaires, les jeunes à la recherche de leur premier logement indépendant, les salariés victimes de la précarité de l'emploi ; une maladie qui se nourrit de diverses déréglementations réduisant le logement à un produit fiscal et leurs occupants - ou non-occupants - à des variables d'ajustement. Il est le produit de l'insécurité sociale. Quand il y a un malade, on le soigne, et cela n'attend pas 2014 !

La rue entend depuis des décennies des cris, des silences aussi, de ceux qui vivent dans cette situation ; et l'appel des Enfants de Don Quichotte résonne avec celui de l'abbé Pierre voilà cinquante-trois ans, tandis qu'en 1995 se fondait rue du Dragon - j'y étais ! - l'association Droit au logement. Est-il nécessaire aujourd'hui encore, en écho à ces interpellations, d'argumenter l'absolue nécessité de ce droit ? Doit-on encore déplisser ici les chiffres de la misère et de la précarité ?

Aux 7 millions de travailleurs pauvres, aux 3 millions de mal logés, aux 1,4 million de foyers en attente de logement social, il n'a pas été répondu adéquatement. Si la législation française affirme et reconnaît un droit au logement, les moyens des politiques publiques sont loin d'être à la hauteur : article 55 de la loi SRU non appliqué ; dispositions relatives à la réquisition ignorées ; surtout, construction de logements, sociaux notamment, insuffisante et inadaptée. Ainsi, sur les 80 000 logements que le Gouvernement revendique avoir construits, seuls 50 000 sont de véritables logements sociaux, dont seulement 7 000 sont financés en prêt locatif aidé d'intégration, ou PLAI. Encore faut-il en soustraire les 25 000 qui sont détruits chaque année !

Légitime, ce droit opposable est nécessaire, et ce pour trois raisons essentielles.

D'abord, inscrire l'opposabilité du droit au logement dans les tables de la loi française, c'est entendre l'appel qui nous est fait, et c'est reconnaître la légitimité du combat et la force du travail de ceux qui, depuis bientôt cinquante-cinq ans, se battent contre le mal-logement.

Un grand historien bourgeois, Augustin Thierry, à qui l'on demandait d'où viennent les lois, conseillait de chercher ceux qui y ont intérêt : là sont les véritables auteurs. Eh bien, nous devons, avec cette loi - qu'il faut améliorer -, respecter ces attentes populaires, ces auteurs populaires, ces experts du quotidien avec lesquels le Haut Comité travaille depuis 2002 sur le droit opposable.

Ensuite, cette inscription met la France en conformité avec ses engagements nationaux et internationaux ; plusieurs collègues l'ont rappelé, je n'allongerai donc pas. Je veux simplement mentionner le Conseil constitutionnel, plus haute institution juridique française, qui a reconnu que le droit au logement était « un objectif de valeur constitutionnelle ».

Il s'agit donc bien d'un droit fondamental, d'un droit universel, et non d'un droit particulier. S'il s'agissait d'un droit seulement pour les pauvres, ce serait un pauvre droit ! Les pauvres ont droit au même droit que les autres. Il faut donc construire un droit général, un droit au sommet de la hiérarchie des droits, un droit du même type, cela a été évoqué, que le droit à l'école ou que le droit à la santé.

Mais, savez-vous, quand la loi sur l'école a été votée, Jules Ferry, qui n'était pas particulièrement de gauche - on l'appelait « Ferry-Tonkin », et aussi, par référence à la Commune de Paris, « Ferry-assassin » -, mais qui avait compris la nécessité du droit à l'école, répétait quand on l'accusait de dépenser : « Pour les écoles primaires, en quatre ans, nous avons construit 20 000 écoles ou approprié, 14 000 mobiliers ont été renouvelés, 264 millions pour 20 000 communes, cela fait en moyenne par école 13 200 francs. » Les moyens existaient donc. Le droit en lui-même était mobilisateur et a imposé les moyens.

Quant au droit à la santé - je le rappelle pour ceux qui, tout à l'heure, objectaient que nous n'avions pas les moyens -, à la Libération, au sortir de la guerre, quand la France était pleine de destructions, ceux qui dirigeaient le pays - et que caractérisait le pluralisme que vous savez - ont décidé du droit à la santé et ils ont réussi à le financer par une mutualisation. Quand on veut, on peut ! C'est une revendication politique, et qui mérite une réponse politique volontaire.

Enfin, troisièmement, inscrire l'opposabilité dans la loi, c'est passer du droit déclaratif au droit effectif. Cette effectivité du droit au logement est fondamentale ! Elle se mesure à la hauteur des obligations qui l'accompagnent ; c'est là le sens de l'opposabilité.

J'aurais pu aller plus loin, mais j'aurai l'occasion d'y revenir ; aussi, je ne prolongerai pas. Cependant, je le dis : c'est un lever de rideau. Il va maintenant nous falloir écrire la pièce et la mettre en scène, ce qui implique un comité de suivi. Car le droit au logement opposable a besoin d'un comité de suivi.

Michaux disait : « La pensée, avant d'être oeuvre, est trajet. » Nous sommes en trajet, et pour aboutir il faut des moyens.

Le temps me manque de dire comment le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées s'est manifesté auprès du Gouvernement. Il a énormément consulté et il a transmis, le ministre l'a rappelé, un avis unanime sur un premier texte - dont l'article 1er et l'article 5 avaient d'ailleurs été rédigés par deux membres du Haut Comité dans le bureau même de M. Borloo, qui les avait acceptés. Puis il y a eu des débats, et ces articles ont été modifiés. L'un a été retiré parce que le Conseil d'État voulait que l'on décide du comité de suivi non pas dans la loi, mais dans l'exposé des motifs, ou par lettre ou décret d'accompagnement. L'autre a été modifié et il me semble que cela a été un tort. Il reste que le droit opposable est envisagé et inscrit dans la loi.

Il me semble maintenant que tout le monde doit écouter les amendements qui ont été proposés, singulièrement ceux qui émanent de la partie gauche de l'hémicycle, et freiner, et même repousser certains des amendements venant de l'autre côté, ceux qui montrent que l'on veut bien le droit opposable, mais plus comme proclamation que comme réalité.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Jack Ralite. Il y a une possibilité, aujourd'hui, de voter le droit opposable. Pour la part qui me revient, je voterai l'article 1er ; mais, s'il était amendé dans le sens qui a été réclamé, je crois que ce serait quelque chose, effectivement, d'historique. Nous aurions alors ce mouvement ternaire : l'école, la santé, le logement. Cela contribuerait bougrement à la vie des citoyens, au bonheur des familles, à la vie tout court. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements, dont trois identiques, faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17 est présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 46 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 66 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit cet article :

Le titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° L'intitulé est ainsi rédigé :

« Dispositions générales relatives aux politiques de l'habitat »

2° Avant le chapitre Ier, il est inséré une division additionnelle ainsi rédigée :

« Chapitre préliminaire

« Droit au logement

« Art. L.... - Le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, est garanti par l'État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'État, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir.

« Ce droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et par les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. »

3° L'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé :

« Politiques d'aide au logement »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement a été préparé conjointement par les trois commissions ; il me revient l'honneur de le présenter au nom de la commission saisie au fond.

L'article 1er institue le principe d'un droit au logement opposable garanti par l'État aux personnes résidant sur le territoire français de façon régulière et stable et n'étant pas en mesure d'accéder par leurs propres moyens à un logement autonome et décent. Il est donc fondamental.

Pour marquer cette consécration solennelle, les commissions proposent que ce principe soit inscrit dans le code de la construction et de l'habitation.

Cet amendement vise donc à insérer l'article 1er du projet de loi dans le livre III du code de la construction et de l'habitation afin d'en consacrer l'existence et d'en élargir la portée. En effet, les dispositifs de recours gracieux et contentieux figurent déjà au livre IV du même code. Cependant, ce même livre IV est consacré au seul parc social ; or la mise en oeuvre du droit au logement nécessite également la mobilisation du parc privé, spécialement du parc conventionné par l'Agence nationale de l'habitat.

Cet amendement améliore également la rédaction de l'article 1er en remplaçant la notion de « stabilité » par celle de « permanence », à laquelle il est déjà fait référence à l'article R. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, et en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin d'en préciser les contours.

Je crois indispensable que la recevabilité du recours soit encadrée par des conditions de régularité et de permanence de séjour minimales qui soient de portée raisonnable. La rédaction retenue par les trois commissions se réfère à la condition retenue pour accéder à un logement social, ce qui paraît à la fois légitime et cohérent.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d'adopter cet amendement, dont la rédaction équilibrée me semble répondre aux préoccupations et aux questions qui ont été soulevées par les représentants des associations auditionnées sur ce sujet et par le Haut Comité.

M. le président. Le sous-amendement n° 156, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa du 2° de l'amendement n° 17, supprimer les mots :

et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'État

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Le premier alinéa de l'article 1er du projet de loi qui nous est soumis fait exclusivement référence à la loi du 31 mai 1990, qui vise à la mise en oeuvre du droit au logement et qui dispose que « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence a droit à une aide de la collectivité dans des conditions fixées par la présente loi pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir » et pour y disposer de la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques.

La rédaction de ce premier alinéa, qui renvoie en fait à la définition de la loi du 31 mai 1990, nous semble finalement plus large qu'une rédaction qui renvoie à un examen par le Conseil d'État car ce dernier ne pourrait que réduire la définition.

Par ailleurs, les ayants droit sont aujourd'hui définis par un arrêté de 1998 qui précise qui peut déposer une demande de logement dans notre pays.

Je soutiendrai donc plutôt le texte du Gouvernement que celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 46.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Il a été parfaitement défendu par M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 66.

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par MM. Ralite et Muzeau, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 217 est présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, résidant sur le territoire français de façon régulière et stable,

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 2.

M. Guy Fischer. Nous souhaitons, à travers cet amendement de précision, aller un peu plus loin que lors de la discussion générale.

Ainsi que nous l'avons mentionné, mes collègues et moi-même, lors de la discussion générale, le droit au logement est un droit fondamental de nature constitutionnelle, inscrit dans divers textes internationaux. Cela signifie que c'est un droit à vocation et à valeur universelles.

Non seulement la spécification du lieu de résidence est un recul en comparaison de ce que prévoit jusqu'ici la législation française du droit au logement - en effet, l'article 1er de la loi Besson visant à la mise en oeuvre du droit au logement et publiée en 1990 dispose que « toute personne » sans distinction est éligible au droit au logement - mais encore cette spécification telle qu'elle apparaît dans l'article présenté est dangereuse compte tenu de son caractère relativement flou.

Que signifie, en effet, « résidence stable et durable » ?

M. Sarkozy, par ailleurs auteur d'une réforme très restrictive du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, et M. Mariani nous répondent dans deux déclarations, datées du 11 janvier dernier.

L'un ne souhaite pas que « tous les étrangers en situation régulière y aient droit » - il s'agit du droit au logement opposable, bien entendu - l'autre annonce qu'il déposera un amendement pour réserver les nouvelles dispositions sur le droit au logement opposable « aux étrangers parfaitement intégrés qui ont obtenu une carte de séjour de dix ans ».

Ce qui se profile, c'est une distinction entre les individus éligibles à la procédure d'opposabilité du droit au logement en fonction de la nature de leur titre de séjour.

Il s'agit bien de procédés de discrimination en raison de la nationalité ou de la durée de présence sur le territoire français, procédés que les textes de loi en vigueur, la Constitution, nombre de textes européens condamnent. Cette discrimination est par ailleurs contradictoire avec l'affichage politique de ce gouvernement, qui a créé il y a quelques mois avec la loi pour l'égalité des chances, une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, présidée par M. Louis Schweitzer.

Ainsi que l'écrit le vice-président de SOS Racisme dans un communiqué, le Conseil constitutionnel, lors d'une saisine de 1993, avait rappelé qu'aucun droit au logement ou aux prestations sociales ne pouvait être réservé aux Français ou aux Européens et que tous les étrangers présents régulièrement en France avaient les mêmes droits constitutionnels quelle que soit leur nationalité.

La précision apportée par cet article est donc juridiquement problématique. Elle présente, par ailleurs, des risques non négligeables de renforcement des discriminations à l'accession au logement, notamment au logement social, qui existent déjà.

Mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles nous avons présenté cet amendement de précision. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 217.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Par cet amendement, nous les Verts, nous exigeons la suppression de cette partie précise des dispositions qui exigent une régularité et une stabilité du séjour.

En effet, au regard du droit, ces critères cumulatifs conditionnent le droit au logement de manière inacceptable.

Tout d'abord, dans l'état actuel de ce projet de loi, les notions de régularité et de stabilité du séjour relèvent de la discrétion, et donc de l'arbitraire, des commissions de médiation. Cela représente une instabilité juridique inacceptable pour les citoyens en général et excessive pour les personnes les plus fragilisées et marginalisées.

De plus, comment apprécier la stabilité de la résidence de personnes qui sont sans domicile fixe, qui vivent dans la rue, qui sont ballottées entre des centres d'hébergement trop peu nombreux et insuffisamment adaptés, qui cherchent refuge sur des bouches de métro, des bancs publics sous des ponts ou autres tentes ?

Comment apprécier la stabilité de la résidence de familles entières qui sont hébergées par des amis, qui vivent dans des squats ou qui sont livrées à elles-mêmes dans la rue ?

Garantir l'effectivité d'un droit ne consiste pas seulement à le proclamer et à l'inscrire dans une loi. Cela suppose que tous les dispositifs juridiques soient mis en oeuvre pour garantir son exercice, d'autant plus que, tel qu'il est énoncé, ce projet de loi exclut de très nombreuses personnes et familles, de nationalité française,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, que les étrangers !

Mme Alima Boumediene-Thiery.... mais également des étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou non, j'y reviendrai.

Les critères cumulatifs de régularité et de stabilité peuvent donner lieu à des refus de reconnaissance d'éligibilité des demandes de migrants étrangers, souvent titulaires d'un titre de séjour autre que la carte de résidence de dix ans.

Ainsi seront exclus du dispositif les migrants étrangers qui vivent dans une précarité et un dénuement extrêmes, pour la seule raison qu'ils sont titulaires d'une carte de séjour « étudiant », d'une carte temporaire d'un an ou de l'un des nombreux titres de séjour précaires institués depuis près de dix ans.

Comme je l'ai signalé, cette restriction s'étendrait également aux demandeurs d'asile, alors même que la directive 2003/9/CE du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres, prévoit que les demandeurs d'asile doivent être logés, soit dans des centres de réception, soit dans des logements décents indépendants.

Les dispositions de l'article 1er sont donc contraires à cette directive européenne, qui instaure une obligation de logement au profit des demandeurs d'asile.

Une autre catégorie d'étrangers se voit frapper par cette exclusion, ceux qui sont en situation irrégulière ou qui sont en cours de régularisation, possédant seulement un récépissé de demande de carte de séjour.

Cela fait parfaitement écho aux propos du ministre Nicolas Sarkozy, qui déclarait le jeudi 11 janvier, en parlant du droit au logement opposable, qu' « il va de soi que les sans-papiers ne doivent pas y avoir accès » et qui ajoutait : « Je ne souhaite pas non plus que tous les étrangers en situation régulière y aient droit. »

Au moins c'est clair, certains responsables politiques, et pas seulement Jean-Marie Le Pen, proposent un régime où est assumée et renforcée la préférence nationale. N'ayons pas peur des mots : pour moi, c'est une discrimination raciale !

Entre-t-on dans une ère où la misère n'est inacceptable et combattue que si elle touche des pauvres français ou, comme le déclarait une heure après les propos du président de I'UMP, le député Thierry Mariani, des « étrangers parfaitement intégrés qui ont obtenu une carte de résident de dix ans » ?

Lors de la discussion générale, notre collègue Dominique Braye déclarait qu'à notre époque, en France, il est inacceptable que des familles dorment dans la rue ! Est-ce inacceptable seulement pour les Français ? Serait-ce acceptable que les étrangers, eux, dorment dans la rue ? Ne sont-ils pas des êtres humains comme les autres ?

À l'instar de certains employeurs racistes qui font suivre leur offre d'embauche de codes et de signes censés favoriser le tri entre « Français de souche » et « étrangers de l'intérieur », le Gouvernement va-t-il être amené à faire suivre, après le numéro d'enregistrement des demandes de logement, la mention « BBR » - bleu blanc rouge ?

Je vous rappelle que l'article 1er de la loi du 6 juillet 1989 dispose que « le droit au logement est un droit fondamental ». Or un droit au logement réellement opposable doit pouvoir être exercé par toutes et tous, quel que soit le statut juridique dans lequel ils se trouvent. Ce n'est pas la régularité du séjour qui doit primer dans les critères d'éligibilité au logement, seule doit compter la réalité, l'exclusion dont sont victimes les familles, les demandeurs de logement.

Les arguments de « l'appel d'air », que certains vont s'empresser de lancer, ne sont pas fondés moralement et dans la réalité des faits.

La mise en oeuvre de l'aide médicale d'État, dont peuvent bénéficier les personnes défavorisées sans revenu, y compris les étrangers en situation irrégulière, n'a jamais entraîné un appel d'air de migrants clandestins, en tout cas pas plus que le soutien que notre gouvernement apporte aujourd'hui à des dictateurs qui pillent allègrement leur pays, massacrent leur population et étouffent toute expression démocratique.

Les beaux discours faciles contre les discriminations ne seront crédibles que s'ils prennent corps dans des actes.

Pour toutes ces raisons, j'en appelle au bon sens de tous mes collègues et je leur demande de faire preuve de courage politique afin de saisir cette opportunité de lever toute ambiguïté de ce projet de loi en votant l'amendement de suppression que je propose. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° 191, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

et stable

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Mes chers collègues, il me semble que l'on confond « droit au logement » et « opposabilité du droit au logement ». Comme nous travaillons dans l'urgence, je vais retirer d'emblée mon amendement pour éviter toute ambiguïté.

L'article 1er renvoie à la définition, inscrite dans la loi de 1990, relative aux personnes qui ont droit au logement. Pour ma part, je considère qu'elles doivent aussi pouvoir exercer l'opposabilité du droit au logement. Par conséquent, je ne souhaite pas qu'il y ait une nouvelle définition des bénéficiaires.

Je considère que la rédaction présentée par le Gouvernement, dans la mesure où elle se réfère à la loi du 31 mai 1990, ne crée pas de discrimination, alors qu'en renvoyant l'application à un décret en Conseil d'État, l'on risque, en demandant à ce dernier quelles sont les priorités, de restreindre le champ d'application de la loi.

Je retire donc mon amendement en souhaitant que le texte du Gouvernement ne soit pas modifié.

M. le président. L'amendement n° 191 est retiré.

L'amendement n° 96, présenté par M. Ralite, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, après les mots :

s'exerce

insérer les mots :

en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à rappeler que le cadre législatif français dispose déjà d'une boîte à outils intéressante pour garantir le droit au logement, mais malheureusement, comme Jack Ralite l'a dit tout à l'heure, cette boîte à outils n'est pas véritablement utilisée et le cadre législatif n'est donc pas appliqué pleinement aujourd'hui.

Or, sans l'application rigoureuse des dispositions du droit au logement prévues par la loi et donc sans véritable volontarisme politique, décréter un droit au logement opposable n'a pas de sens.

Ainsi en est-il de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Alors que 1 400 000 personnes sont en attente d'un logement social, 150 communes sur 750 soumises à l'obligation de construction de logements sociaux n'ont produit aucun logement !

De la même manière, les dispositions de réquisition prévues par l'article L. 641 du code de la construction et de l'habitat ne sont jamais mises en oeuvre tandis qu'en 2006, selon la Fondation Abbé-Pierre, 3 207 500 personnes connaissaient une situation de « mal-logement ».

Je pourrais également citer, parmi les règles non appliquées, les dispositions relatives à la décence du logement prévues notamment par la loi de 1989 et, plus instructif dans le contexte de notre débat, l'inexistence effective des commissions de médiation pourtant prévues, elles aussi, par la législation comme garantie d'accès au logement.

L'opposabilité est un grand pas, mais elle doit s'assortir d'une réaffirmation claire et d'une mobilisation volontaire et concrète des règles de droit existantes. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 86, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par la phrase suivante :

Le bénéfice de cette garantie implique que le demandeur ne puisse refuser la proposition de logement qui lui est faite.

La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Dans notre société, tout droit implique un devoir et le premier droit est souvent de faire son devoir. Il me paraît donc nécessaire de rappeler que, si toute personne à droit à un logement, la possibilité de refus ne doit pas être un moyen de bloquer le système.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Seillier, rapporteur. Le sous-amendement no 156 vise à supprimer de la rédaction proposée par la commission un membre de phrase qui est, selon moi, de nature à clarifier les conditions de recevabilité des recours gracieux et contentieux qui s'exercent dans le cadre du droit opposable au logement.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

La commission a également émis un avis défavorable sur les amendements nos 2 et 217, qui tendent à supprimer toute condition d'accès au droit au logement opposable. Il ne peut en être ainsi alors que les conditions d'accès au logement social sont plus restrictives.

Elle est encore défavorable à l'amendement no 96, qui tend à ajouter une précision que je considère inutile. En effet, la référence à la loi existante n'ajoute rien à la nécessité de son application. Un texte s'applique toujours en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

Enfin, la commission est défavorable à l'amendement no 86.

En effet, la rédaction proposée par l'article 3 du projet de loi précise que le recours contentieux est ouvert aux seuls demandeurs de bonne foi, laquelle est appréciée par le juge. Ainsi, l'objectif visé par l'auteur de l'amendement, qui est certes pertinent, est à mes yeux satisfait par les dispositions prévues à cet article 3.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Les amendements identiques nos  17, 46 et 66 ont un double objet.

D'une part, ils tendent à modifier le code de la construction et de l'habitation afin de tenir compte des apports du présent texte. Je ne peux qu'être favorable à cette disposition.

D'autre part, ils visent à garantir une certaine homogénéité afin d'éviter que les positions prises ne diffèrent selon les départements et les tribunaux. La haute autorité en matière de liberté publique étant le Conseil d'État, le Gouvernement ne voit pas d'obstacle à cette précision.

Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement no 156 pour des raisons qui ont déjà été exposées.

Il est également défavorable aux amendements nos  2 et 217, toujours pour les mêmes raisons.

Madame Boumediene-Thiery, je suis sensible à votre propos s'agissant des catégories de personnes visées, mais je tiens à dire que les commissions d'accès aux documents administratifs, les CADA, sont maintenues et que le droit d'asile n'est pas modifié. Je ne veux pas qu'il y ait la moindre ambiguïté sur ce point. Nous pouvons diverger sur les moyens, mais il ne peut y avoir de malentendus sur la volonté politique initiale du Gouvernement.

M. Guy Fischer. MM. Sarkozy et Mariani ne disent pas cela !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Parlement est saisi d'un texte et c'est sur les dispositions de ce texte, et pas sur d'autres, qu'il est appelé à se prononcer.

Madame David, je ne comprends pas très bien l'intérêt de préciser qu'il faut appliquer une loi antérieure. La difficulté tient surtout au fait qu'elle n'était pas opposable. Le présent projet de loi la rend opposable, donc applicable et effective. L'amendement no 96 me paraît donc redondant.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 86, car il revient à l'autorité judiciaire saisie d'apprécier la bonne foi du demandeur.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 156.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17, 46 et 66.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements nos 2, 217, 96 et 86 n'ont plus d'objet.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation sont remplacés par les dispositions suivantes :

« La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, quoique satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4.

« La commission peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé temporairement, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, ainsi que, s'il a des enfants mineurs, lorsqu'il est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent.

« Elle reçoit du ou des bailleurs en charge de la demande, tous les éléments d'information sur la qualité du demandeur et les motifs invoqués pour expliquer l'absence de proposition.

« Elle désigne ceux des demandeurs reconnus prioritaires dont la demande de logement doit être satisfaite d'urgence. Elle peut faire toute proposition d'orientation des autres demandes.

« La commission de médiation peut également être saisie sans condition de délai par toute personne entrant dans l'une des catégories énumérées au troisième alinéa qui, sollicitant l'accueil dans une structure adaptée, n'a reçu aucune réponse à sa demande. Elle se prononce alors dans une formation et selon des modalités particulières, fixées par décret en Conseil d'État.

« Le représentant de l'État dans le département ou, le cas échéant, le délégataire des droits à réservation de ce dernier en vertu de l'article L. 441-1, est saisi du cas du demandeur dont la demande est reconnue par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être satisfaite d'urgence.

« Après avis du maire de la commune concernée et en tenant compte des objectifs de mixité sociale tels qu'ils sont définis dans l'accord collectif intercommunal ou départemental, il désigne le demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande, en fixant le délai dans lequel celui-ci est tenu de le loger. Cette attribution s'impute sur les droits à réservation dont il bénéficie. Compte tenu des besoins et des capacités de l'intéressé, il peut également proposer un accueil en structure adaptée ou une autre forme de logement. »

M. le président. Je suis saisi de trente-huit amendements, dont trois identiques, faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 20 rectifié bis est présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 47 rectifié est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 67 rectifié est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° Les quatre premiers alinéas sont remplacés par treize alinéas ainsi rédigés :

« I. - Dans chaque département est créée, auprès du représentant de l'Etat dans le département, une commission de médiation présidée par une personnalité qualifiée qu'il désigne.

« Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, cette commission est composée :

« 1° De représentants de l'Etat ;

« 2° De représentants du département, des établissements publics de coopération intercommunale visés à l'article L. 441-1-1 et des communes ;

« 3° De représentants des organismes bailleurs et des organismes chargés de la gestion d'une structure d'hébergement, d'un établissement ou d'un logement de transition ou d'un logement-foyer ;

« 4° De représentants des associations de locataires et des associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, oeuvrant dans le département.

« II. - La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4.

« Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, ainsi que, s'il a au moins un enfant mineur, lorsqu'il est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent.

« Elle reçoit du ou des bailleurs en charge de la demande tous les éléments d'information sur la qualité du demandeur et les motifs invoqués pour expliquer l'absence de proposition.

« Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement. Si elle estime que le demandeur est prioritaire mais qu'une offre de logement n'est pas adaptée, elle peut prévoir un accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou un logement de transition ou un logement-foyer. Elle peut faire toute proposition d'orientation des autres demandes.

« La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement.

« Après avis des maires des communes concernées et en tenant compte des objectifs de mixité sociale tels qu'ils sont définis dans l'accord collectif intercommunal ou départemental, le représentant de l'Etat dans le département désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande et situés dans un périmètre qu'il définit, en fixant le délai dans lequel celui-ci est tenu de le loger. Cette attribution s'impute sur ses droits à réservation.

« Le représentant de l'Etat dans le département peut également proposer au demandeur un logement mentionné aux articles L. 321-4 et L. 321-8. »

2° Avant le dernier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« III. - La commission de médiation peut également être saisie sans condition de délai par toute personne qui, sollicitant l'accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition ou un logement-foyer, n'a reçu aucune réponse à sa demande.

« Le représentant de l'Etat dans le département propose une place dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition ou un logement-foyer aux personnes désignées, dans un délai fixé par décret, par la commission de médiation. »

3° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « IV ».

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement no 20 rectifié bis.

M. Bernard Seillier, rapporteur. Le présent article a pour objet d'élargir les conditions de recours gracieux devant la commission départementale de médiation et d'en préciser les modalités.

Cet amendement, que je présente conjointement avec mes collègues rapporteurs pour avis, MM. Jarlier et Braye, vise à réécrire complètement cet article.

La commission regrette en effet que, dans sa rédaction actuelle, l'article 2 n'effectue pas une distinction suffisamment claire entre le droit au logement et le droit à l'hébergement. C'est pourquoi elle propose une rédaction qui distingue plus nettement les deux situations. Elle suggère également d'améliorer sur deux points la rédaction du texte.

Concernant les demandes d'accueil dans des « structures adaptées », cet amendement vise à supprimer la mention précisant que les personnes concernées doivent appartenir aux cinq catégories prioritaires. Cette mention n'est pas utile, ces personnes se trouvant le plus souvent dans une situation d'urgence.

Par ailleurs, l'amendement tend à remplacer l'expression : « une structure adaptée », trop imprécise, par la formule : « une structure d'hébergement, un établissement ou un logement de transition ou un logement-foyer ».

Cette rédaction permet en effet d'exclure les établissements pour personnes âgées et handicapées qui relèvent d'une logique d'action sanitaire et médico-sociale différente de celle de l'hébergement.

L'amendement apporte également des modifications de fond.

Il s'agit d'abord de la révision, par décret en Conseil d'État, de la composition de la commission de médiation et son élargissement à des représentants des communes et, outre la personne qualifiée désignée par le préfet pour la présider, à d'autres représentants de l'État.

Ensuite, nous assouplissons la condition, trop restrictive, de la présence de « plusieurs enfants mineurs », exigée pour que la demande d'un ménage soit reconnue prioritaire, en lui substituant la condition, plus large, de la présence « d'au moins un enfant mineur ».

Par ailleurs, nous remettons en cause le principe qui prévoit le transfert automatique aux collectivités délégataires des droits à réservation du préfet de la responsabilité de la mise en oeuvre du droit au logement.

La commission estime que cette mise en oeuvre doit relever de la seule responsabilité de l'État. Il s'agit en effet de ne pas décourager les communes et les établissements publics de coopération intercommunale d'assumer une partie des compétences de l'État liées au logement. Or une telle disposition remettrait très certainement en cause le mouvement de décentralisation des politiques de l'habitat engagé par la loi no 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales.

Cet amendement donne en outre explicitement au préfet la possibilité de localiser les offres de logements dans un périmètre qu'il définit et de mobiliser le parc privé, le parc conventionné par l'ANAH, notamment pour satisfaire les demandes de logement.

Tel est, mes chers collègues, l'économie du dispositif que propose la commission. Comme je le rappelais tout à l'heure, il résulte d'une large concertation des associations d'élus, des associations en charge du logement et de l'insertion : l'unanimité qui prévaut entre les trois rapporteurs en témoigne.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 47 rectifié.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 67 rectifié.

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cet amendement de réécriture complète de l'article 2 du projet de loi a pour premier objet de prévoir que le garant du droit opposable au logement est l'État en toutes circonstances, y compris en cas de délégation du contingent préfectoral.

Une délégation de compétences n'est pas un transfert de compétences : Le délégataire agit pour le compte, selon les instructions et sous le contrôle du délégant, qui peut le contraindre à respecter ses choix.

Ainsi, dans le cadre de la délégation du contingent préfectoral, le représentant de l'État peut, en cas de refus du bailleur social de loger un demandeur, se substituer à son délégataire, après une mise en demeure, pour procéder à l'attribution du logement.

En deuxième lieu, cet amendement modifie la composition de la commission de médiation, instance devant laquelle les recours amiables devront être formés, afin de prévoir la présence de représentants de l'État, des communes et des organismes chargés de la gestion de structures d'hébergement ou de logements provisoires.

En troisième lieu, il distingue clairement les demandes de logement locatif social, c'est-à-dire de logement pérenne, et les demandes d'hébergement ou de logement de transition. Comme vient de le souligner M. le rapporteur, la notion de « structures adaptées » à laquelle il est fait référence dans le projet de loi ne renvoie en effet à aucune catégorie juridique.

En quatrième lieu, l'amendement permet à la commission de médiation de déterminer pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de l'offre de logement, de relogement ou d'accueil en structure adaptée qui doit lui être faite.

En cinquième lieu, il permet au préfet, après avis des communes concernées, et en tenant compte des objectifs de mixité sociale, de déterminer le périmètre dans lequel l'organisme bailleur devra proposer au demandeur un logement répondant aux caractéristiques définies par la commission de médiation.

Enfin, l'amendement indique que le préfet peut également proposer au demandeur un logement appartenant au parc locatif privé conventionné par l'Agence nationale de l'habitat.

M. le président. Le sous-amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès et M. Raoul, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le troisième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié :

Cette commission est composée à parts égales :

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. L'amendement n° 20 rectifié bis visant à rédiger complètement l'article 2, les sénateurs du groupe socialiste, apparentés et rattachés ont donc été amenés à le sous-amender assez largement.

Le projet de loi confère à la commission de médiation la mission de déterminer, parmi les personnes prioritaires, celles dont la demande de logement doit être satisfaite de façon urgente. Cette mission est d'importance capitale dans le contexte de pénurie de logements à attribuer dans le cadre du contingent préfectoral, situation que nous avons eu l'occasion de décrire largement au cours de la discussion générale.

Face à ce constat, la composition de la commission de médiation doit être examinée avec une grande attention : d'un équilibre en son sein dépendra la garantie d'impartialité de ses décisions. Par exemple, si les représentants de l'État et des collectivités devaient être majoritaires, la tentation pourrait être grande de faire de la commission un filtre redoutable ne laissant passer que quelques cas d'extrême précarité, afin de ne pas risquer de faire condamner l'État par le juge administratif ni de contraindre les collectivités réticentes à assurer la part de solidarité nationale qui leur incombe en matière de mixité. Tous les « déboutés » du droit au logement opposable n'auraient alors aucune solution ; ils seraient même sans recours, hors de circuits particulièrement complexes.

C'est pourquoi le sous-amendement n° 157 rectifié tend à prévoir que les représentants de la puissance publique, d'une part, et ceux des bailleurs et associations oeuvrant pour le logement des défavorisés, d'autre part, soient en nombre égal dans les commissions de médiation. C'est la condition d'un travail serein des commissions, leurs décisions pouvant ainsi être accueillies dans le meilleur contexte possible.

M. le président. Le sous-amendement n° 277, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le huitième alinéa du 1° de l'amendement n°20 rectifié bis, après les mots :

commission de médiation

insérer les mots :

, dont les moyens en secrétariat et les moyens nécessaires à la réalisation d'enquêtes sociales sont assurés par les services du représentant de l'État dans le département,

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Ce sous-amendement vise à doter les commissions de médiation des moyens en secrétariat et des moyens nécessaires à la réalisation d'enquêtes sociales indispensables à leur fonctionnement, l'expérience ayant montré qu'elles n'avaient pas fonctionné, faute de moyens adéquats.

M. le président. Le sous-amendement n° 228 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

I - Dans le huitième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis, après les mots :

aucune proposition

insérer le mot :

adaptée

II - Dans le deuxième alinéa du 2°, après les mots :

aucune réponse

insérer le mot :

adaptée

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Plutôt qu'une absence de réponse, certaines personnes pourront recevoir une proposition qui ne corresponde pas à leurs besoins. Par exemple, le logement proposé peut ne pas être adapté à la composition familiale. Obtenir un T3 lorsque l'on a quatre ou cinq enfants, ce n'est pas forcément la solution idéale !

Dans ce cas, il semble opportun que ces personnes puissent, elles aussi, disposer d'une voie de recours sans que les compteurs soient remis à zéro et que leur dossier soit exclu de la procédure, alors que leur demande n'est pas véritablement satisfaite.

M. le président. Le sous-amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le neuvième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis, supprimer les mots :

, de bonne foi,

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Le fait que l'audition de magistrats soit prévue dans ce projet de loi nous incite à défendre ce sous-amendement visant à supprimer l'exigence de bonne foi du demandeur requise par le texte, dans la mesure où la portée juridique de cette disposition est incertaine et pourrait faire l'objet d'interprétations abusives et de multiples recours.

M. le président. Le sous-amendement n° 271, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au neuvième alinéa du 1° de l'amendement n°20 rectifié bis, avant les mots :

ainsi que, s'il a au moins un enfant mineur

insérer les mots :

s'il réside de façon continue dans un logement soumis à la taxe de séjour,

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. L'article 2 distingue cinq catégories de personnes susceptibles de bénéficier du droit au logement opposable, catégories qui regroupent finalement les personnes les plus exclues de nos concitoyens, lesquelles pourraient désormais se saisir d'un droit nouveau.

Nous souhaitons que puisse être examinée la situation d'une autre catégorie de personnes, celles qui sont contraintes de vivre à l'année dans un camping, faute de pouvoir bénéficier d'un logement en dur. Puisque l'on choisit rarement de telles conditions de vie, nous proposons d'intégrer dans la liste des personnes prioritaires celles qui vivent dans des caravanes ou des mobile homes, qui disposent de revenus issus d'une activité professionnelle, mais qui ne peuvent se loger en raison notamment de la cherté des loyers.

Je tiens à le préciser, il s'agit non pas des gens du voyage, mais uniquement des personnes vivant dans des résidences mobiles et soumises à la taxe de séjour puisqu'elles vivent dans des campings.

M. le président. Le sous-amendement n° 270, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le neuvième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis, remplacer les mots :

au moins un enfant mineur

par les mots :

au moins une personne à charge

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Le projet de loi prévoit que la commission de médiation peut être saisie par une personne résidant dans un logement indécent ou suroccupé, à condition qu'elle ait des enfants mineurs.

S'il paraît bien évidemment nécessaire d'accorder une attention particulière à la protection de l'enfance, il est injustifié de ne pas apprécier la suroccupation au regard de tous les occupants du logement, quel que soit leur âge.

Le présent sous-amendement vise donc à prendre en compte toutes les personnes à charge, les enfants mineurs et majeurs, afin que ces derniers puissent vivre dans un environnement leur permettant de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions, les adultes handicapés, ainsi que les personnes âgées.

M. le président. Le sous-amendement n° 276, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le neuvième alinéa du 1° l'amendement °20 rectifié bis, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le demandeur peut être assisté par toute association agréée de défense des personnes en situation d'exclusion par le logement mentionnées à l'article 3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement ou dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous conviendrez aisément avec nous que les personnes et ménages visés comme prioritaires par ce texte sont souvent des personnes qu'il faut accompagner, car elles ne sont pas toujours en mesure de faire face seules à un certain nombre de démarches administratives ou de défendre leur cause devant un tribunal administratif, dans le cas où la procédure se prolonge.

Nous proposons qu'elles puissent être, en quelque sorte, accompagnées et épaulées par les associations mentionnées à l'article 3 de la loi du 31 mai 1990, afin que leurs droits soient mieux défendus.

M. le président. Le sous-amendement n° 275, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le dixième alinéa du 1° de l'amendement n°20 rectifié bis, après les mots :

Elle reçoit

insérer le mot :

notamment

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Ce sous-amendement vise à permettre aux commissions de médiation de demander des informations à d'autres acteurs que les bailleurs sociaux qui traitent la demande de logement social. Dans la rédaction actuelle de l'article, la source d'information est unique. Pourquoi se priver d'autres sources d'information, notamment des associations d'accompagnement des demandeurs ?

M. le président. Le sous-amendement n° 273, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le dixième alinéa du 1° de l'amendement n°20 rectifié bis, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La commission de médiation est régulièrement informée par l'Agence nationale de l'habitat, ou le délégataire au sens de l'article L. 301-3 du présent code, des logements loués dans le cadre d'une convention mentionnée à l'article L. 321-8 du présent code sur le territoire du département ou d'application de la délégation de compétence.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. M. le ministre et certains de nos collègues ont souhaité que le droit au logement opposable ne repose pas exclusivement sur le parc HLM.

Pour que la commission de médiation puisse bien évaluer les possibilités qui s'offriront aux personnes reconnues dans leur droit et devant être relogées, nous proposons que l'Agence nationale de l'habitat, qui fait l'objet d'aides publiques pour mettre sur le marché des loyers conventionnés, puisse informer la commission de médiation des disponibilités qui existeraient dans son parc, afin que ces logements puissent être mobilisés.

M. le président. Le sous-amendement n° 274, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le onzième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis, remplacer les mots :

Dans un délai fixé par décret,

par les mots :

Dans un délai de trois mois,

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Bien évidemment, nous souhaitons tous que les commissions de médiation répondent dans les délais les plus rapides pour ne pas laisser à la rue des gens qui souffrent de ne pas avoir de toit. À cet effet, nous proposons de préciser que la réponse s'effectuera dans un délai de trois mois.

M. le président. Le sous-amendement n° 269, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le onzième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La commission de médiation motive par écrit ses décisions.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Dans un souci de transparence et afin de promouvoir l'égalité, nous souhaitons que la commission de médiation motive par écrit ses décisions, notamment celles aux termes desquelles elle refuserait à un ménage la qualité de demandeur prioritaire.

M. le président. Le sous-amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le douzième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis, après les mots :

dans le département

insérer les mots :

ou, le cas échéant, le délégataire des droits à réservation de ce dernier en vertu de l'article L. 441-1,

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Le sous-amendement n° 160 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du treizième alinéa du 1° de l'amendement n° 20 rectifié, après les mots :

dans le département

insérer les mots :

ou, le cas échéant, le délégataire des droits à réservation de ce dernier en vertu de l'article L. 441-1,

II. - En conséquence, rédiger ainsi la seconde phrase du même alinéa :

Cette attribution s'impute sur les droits à réservation dont il bénéficie.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Le sous-amendement n° 272, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le 1° de l'amendement n°20 rectifié bis par un alinéa ainsi rédigé :

« Le logement attribué au demandeur ne peut se situer sur le territoire d'une commune dans laquelle le nombre de logements sociaux, au sens de l'article L. 302-5, représente plus de 50 % du nombre de résidences principales. »

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Comme cela a été dit au cours de la discussion générale, notamment par M. Alduy, qui a fait référence à l'analyse de l'Association des maires des grandes villes de France, et si je me réfère aux remarques émanant de l'association Villes et Banlieues de France, de nombreux acteurs estiment que la solidarité nationale, concernant en particulier le droit au logement opposable, doit s'exprimer sur tout lieu du territoire.

Nous estimons qu'il serait anormal que l'application du droit au logement consiste finalement, pour le préfet, à ne proposer des logements que là où ils existent, c'est-à-dire sur des communes qui ont déjà fait de gros effort en termes d'accueil sur leur territoire. Nous proposons, par conséquent, que cette affectation ne soit pas effectuée sur des territoires qui possèdent déjà de nombreux logements sociaux. Que chacun fasse sa part de travail !

M. le président. Le sous-amendement n° 278, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :

Compléter le 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis par un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées peuvent assister la personne et la représenter pour exercer le recours. »

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Ce sous-amendement vise à permettre à des associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées d'assister la personne et de la représenter pour exercer son recours.

M. le président. Le sous-amendement n° 279, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :

Compléter le 1° de l'amendement n° 20 rectifié bis par un alinéa ainsi rédigé :

« En Île-de-France, le représentant de l'État dans le département peut saisir le préfet de région lorsque, en raison du nombre de demandes dont il est saisi par la commission de médiation comme devant être satisfaites d'urgence, il n'est pas en mesure d'y satisfaire dans le respect des objectifs de mixité sociale tels qu'ils sont définis dans l'accord collectif. Dans ce cas le préfet de région désigne, après avis du comité régional de l'habitat, les départements dans lesquels les représentants de l'État seront saisis des différents cas. »

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Ce sous-amendement vise à introduire une capacité de régulation à l'échelle de l'agglomération francilienne, dans le respect d'une subsidiarité au niveau départemental.

Il s'agit de tenir compte à la fois de la dimension d'agglomération régionale de l'Île-de-France et de la disparité, sur le plan de la mixité sociale, des territoires qui la composent.

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :

Le premier alinéa de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :

« Dans chaque département est créée, auprès du représentant de l'État dans le département, une commission de médiation qu'il préside, composée de représentants du conseil général, de représentants des organismes bailleurs, de représentants des associations de locataires et de représentants des associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, oeuvrant dans le département. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Les amendements nos 97, 98, 99 et 100 visent à modifier la rédaction de l'article 2 du présent projet de loi sur quatre questions posées par l'imprécision relative des termes utilisés.

Comme nous avons eu l'occasion de le souligner, cet article instaure le premier niveau de la procédure définie par le projet de loi pour exercer l'opposabilité du droit au logement.

L'amendement n° 97, qui aurait pu être transformé en sous-amendement à l'amendement n° 20 rectifié bis de la commission des affaires sociales, vise à qualifier la commission de médiation et à la placer directement sous l'autorité du représentant de l'État dans le département, à savoir le préfet.

C'est parce que le préfet est l'acteur essentiel de la gestion des affaires publiques, au sens de l'intérêt général, que cette modification vous est proposée, mes chers collègues.

Nous sommes par ailleurs pleinement conscients que cette définition des compétences et des responsabilités de la commission de médiation intervient dans un contexte renouvelé en ce qui concerne les modes de gestion locative des logements locatifs sociaux. (Mme Michelle Demessine est prise d'une quinte de toux.)

Monsieur le président, avec votre autorisation, mon collègue Guy Fischer pourrait-il terminer la présentation de cet amendement ?

M. le président. Bien sûr, madame Demessine.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. La loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, comme les lois sur le logement votées avant et après cette loi, ont consacré la disparition du règlement départemental d'attribution des logements sociaux, remplacé, dans de nombreux cas, par les accords collectifs propres à chaque bassin de vie et d'emploi.

Les accords collectifs d'attribution, auxquels participent ou non les bailleurs sociaux présents sur tel ou tel territoire, ont conduit, pour un motif de proximité, à l'émergence d'une politique de gestion locative différenciée, chaque accord définissant, par principe, une modulation différente des attributions.

Même si les accords collectifs ainsi définis sont a priori enclins à respecter certaines des préconisations du droit - on pense au logement des ménages concernés par les plans départementaux d'aide au logement des personnes défavorisées -, ils sont toutefois soumis à des règles locales qui conduisent à une forme de balkanisation et d'émiettement du droit.

On risque d'ailleurs de retrouver cette situation avec une application de l'opposabilité du droit au logement exclusive des territoires, où les contingents préfectoraux seront délégués aux collectivités locales, comme d'aucuns nous le proposent aujourd'hui.

Quant à l'amendement n° 98, il vise à introduire la notion de qualité de la réponse apportée à la demande de logement.

La réponse adaptée dont nous parlons prend en compte la situation du demandeur de son point de vue citoyen. Elle ne doit donc pas se conformer, de manière exclusive, aux possibilités existantes.

Une réponse adaptée à la situation d'une personne ayant longtemps vécu dans la rue, par exemple, consiste à lui proposer un logement dans le cadre d'une démarche de soutien individuel. Il s'agit de la réappropriation, par l'individu, d'un cadre de vie et de repères sociaux normaux.

La structure d'accueil retenue n'est pas nécessairement un foyer d'hébergement. Le choix peut se porter, par le biais d'une convention passée avec un bailleur, sur un PLA intégration, accompagné d'un suivi social.

La réponse adaptée, dans notre esprit, c'est avant tout la sécurité du parcours résidentiel.

Par ailleurs, la notion de bonne foi, invoquée pour déterminer la qualité de la procédure, soulève d'autres questions. Quel élément, dans le cadre d'une demande de logement, est-il constitutif de la bonne foi ? L'appréciation laissée à la commission de médiation conduit à supposer, en effet, que toutes les demandes ne seraient pas recevables.

Il nous faut poser le problème concrètement : un demandeur de logement salarié, vivant avec ses enfants dans un logement insalubre et ayant cessé de payer son loyer, sera-t-il considéré comme étant de mauvaise foi ? (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

Un demandeur de logement sans abri qui a connu, plusieurs années auparavant, un contentieux locatif ayant abouti à son expulsion, sera-t-il considéré comme étant de mauvaise foi ? (M. le ministre réitère son signe de dénégation.)

Nous souhaitons éviter ce type de questions, alors même que cette catégorie de demandeurs se trouvera au coeur du débat sur l'opposabilité du droit au logement.

Enfin, nous contestons le principe de la détermination de priorités lors de la mise en oeuvre des recommandations faites par la commission de médiation. L'article 2 du projet de loi nous invite, notamment, à opérer une distinction entre « situation d'urgence » et « demande prioritaire », c'est-à-dire, en clair, à établir une sorte de hiérarchie des demandes. Or, mes chers, collègues le droit au logement opposable ne se partage pas !

M. le président. L'amendement n° 173 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Avant le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Avant le 1er janvier 2008, dans chaque département est créée, auprès du représentant de l'État dans le département, une commission de médiation présidée par une personnalité qualifiée qu'il désigne, composée de représentants du conseil général, de représentants des établissements publics de coopération intercommunale visés à l'article L. 441-1-1, de représentants des organismes bailleurs, de représentants des associations de locataires et de représentants des associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, oeuvrant dans le département.

II. - En conséquence, rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Les premier, deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation sont remplacés par les dispositions suivantes :

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Les commissions de médiation ne sont pas une création de ce projet de loi ; elles existent déjà. Elles ont été créées par la loi de lutte contre les exclusions et leurs attributions ont été précisées dans d'autres textes. Mais force est de constater que ces commissions ne sont pas en place dans tous les départements.

Cet amendement vise à ce que, dans chaque département, à la date du 1er janvier 2008, soit effectivement créée une commission de médiation.

M. le président. L'amendement n° 174, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots :

La commission de médiation

insérer les mots :

, dont les moyens en secrétariat et les moyens nécessaires à la réalisation d'enquêtes sociales sont assurés par les services du représentant de l'État dans le département,

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. J'ai défendu précédemment un sous-amendement dont l'objet était identique : il s'agit de doter les commissions de médiation de moyens qui, dans les faits, ne sont pas toujours au rendez-vous, alors même que leur existence ne fait pas de doute.

M. le président. L'amendement n° 244, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

I - Au deuxième alinéa de cet article, après les mots :

aucune proposition

insérer le mot :

adaptée

II - Dans la première phrase du sixième alinéa du même article, après les mots :

aucune réponse

insérer le mot :

adaptée

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le droit au logement doit être adapté aux besoins des demandeurs. Si nous n'apportions pas cette précision nécessaire, il serait tentant pour les commissions de médiation de rejeter les demandes des personnes refusant, légitimement, un logement trop éloigné de leur lieu de travail, trop étroit ou insalubre. Cet amendement s'oppose à celui de M. Lardeux qui tendait à empêcher les demandeurs de refuser une proposition de logement.

Il serait malvenu de conforter l'idée selon laquelle les mal-logés seraient des personnes trop exigeantes, se payant le luxe de refuser des offres de logement qui ne leur conviennent pas.

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, après le mot :

réponse

insérer le mot :

adaptée

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 175 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le demandeur peut être assisté par toute association agréée de défense des personnes en situation d'exclusion par le logement mentionnées à l'article 3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement ou dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je vous propose, monsieur le président, que les amendements dont l'objet est identique à celui de sous-amendements présentés auparavant soient considérés comme déjà défendus. C'est le cas du présent amendement.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 99 est présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 176 rectifié est présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa de cet article, supprimer les mots :

, de bonne foi,

Ils ont été défendus.

L'amendement n° 189, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au troisième alinéa de cet article, avant les mots :

, ainsi que, s'il a des enfants mineurs

insérer les mots :

, s'il réside de façon continue dans un logement soumis à la taxe de séjour,

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 190, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :

enfants mineurs

par les mots :

personnes à charge

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 177 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa de cet article, après les mots :

Elle reçoit

insérer le mot :

notamment

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 100, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le cinquième alinéa de cet article.

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 178, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du cinquième alinéa de cet article, ajouter les mots :

Dans un délai de trois mois,

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 250, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

I. Rédiger comme suit la première phrase du cinquième alinéa de cet article :

Elle désigne les demandeurs reconnus prioritaires.

II. À la fin de l'avant-dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

et comme devant être satisfaite d'urgence

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à supprimer la distinction, que la commission de médiation est susceptible de faire, entre les demandes prioritaires et les demandes prioritaires urgentes.

Les cinq catégories de demandeurs prioritaires correspondent toutes à des situations d'urgence criante. Un texte dont les dispositions doivent entrer en application à la fin 2008 ne saurait donc opérer de distinction entre des demandes prioritaires plus ou moins urgentes.

Sur quels critères, en effet, la commission de médiation se basera-t-elle pour trier les demandes prioritaires urgentes et les moins urgentes ? On ne le sait pas !

En outre, comment cette commission, qui n'a pas l'obligation de fournir de justification écrite ou de motiver ses décisions, procédera-t-elle pour rendre celles-ci ?

On devine, par là même, que cet article 2 aura pour conséquence d'exposer les mal-logés à l'incertitude, et donc à l'arbitraire.

M. le président. L'amendement n° 245, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du cinquième alinéa de cet article, par les mots :

et motive ses refus par écrit

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il convient d'obliger la commission de médiation à motiver, par écrit, ses décisions de refus, afin de permettre la formation d'un recours contre ces décisions.

Il s'agit là, en effet, d'un principe juridique de base, selon lequel les demandeurs déboutés ont le droit de remettre en cause une décision rendue. Or il n'est pas indiqué, dans cet article, si les décisions de la commission de médiation peuvent être contestées devant le tribunal administratif.

M. le président. L'amendement n° 179, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début de la seconde phrase du cinquième alinéa de cet article, remplacer les mots :

Elle peut faire

par les mots

Elle fait

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Les personnes dont la demande de logement n'aura pas été reconnue comme prioritaire doivent pouvoir bénéficier d'une proposition d'orientation. À défaut de leur proposer des solutions, la commission de médiation doit avoir l'obligation de leur faire une proposition de ce type.

M. le président. L'amendement n° 180, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le cinquième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

La commission motive par écrit ses décisions.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Il n'est pas acceptable que la décision de la commission de médiation ne soit pas motivée. Le demandeur doit comprendre, en effet, pourquoi sa demande n'est pas considérée comme prioritaire. Il doit également pouvoir former un recours contre cette décision.

Une décision motivée, c'est bien le moins que l'on puisse attendre d'un tel texte !

M. le président. L'amendement n° 181, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase du sixième alinéa de cet article.

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 182, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le sixième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La commission de médiation est régulièrement informée par l'Agence nationale de l'habitat, ou le délégataire au sens de l'article L. 301-3 du présent code, des logements loués dans le cadre d'une convention mentionnée à l'article L. 321-8 du présent code sur le territoire du département ou d'application de la délégation de compétence.

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 248, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

et en tenant compte des objectifs de mixité sociale tels qu'ils sont définis dans l'accord collectif intercommunal ou départemental

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La référence à la notion de mixité sociale risque, comme souvent, de justifier des discriminations à l'encontre des plus démunis, des immigrés et des populations marginalisées, au bénéfice des classes moyennes, que tout élu ou bailleur a tendance à vouloir attirer.

Comme l'explique la sociologue Sylvie Tissot, l'idée de mixité sociale n'est pas condamnable en soi, mais, loin de répondre au manque de logements sociaux, elle masque des problèmes beaucoup plus profonds. Que des pauvres et des riches cohabitent, c'est une très bonne chose, mais cela n'empêche pas les inégalités de demeurer. La mixité sociale ne suffit donc pas.

Si, trop souvent, l'éloge de la mixité sociale aboutit, dans les banlieues, à des « cadeaux » accordés aux classes moyennes, l'un des pires effets de l'exaltation de la mixité ethnique qui l'accompagne souvent et implicitement consiste à légitimer les discriminations ethniques dans l'accès au logement social.

Bailleurs et élus sont, en effet, réticents à l'idée d'accueillir un trop grand nombre de familles immigrées, considérées comme des familles à problèmes et repérées, en toute illégalité, par des critères tels que le patronyme, le lieu de naissance, la nationalité ou le nombre d'enfants.

Au nom de la mixité, ces acteurs du logement se croient autorisés à limiter l'accès de ces familles aux HLM, alors que c'est souvent le seul moyen dont elles disposent pour se loger dignement, tant sont décourageantes les discriminations ethniques qui s'exercent au sein du parc locatif privé. Et je ne parle pas de la difficulté, pour les immigrés et leurs enfants, de trouver des garants reconnus comme tels par les propriétaires !

M. le président. L'amendement n° 231 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

à la demande, en fixant le délai dans lequel celui-ci est tenu de le loger

par les mots :

aux besoins et capacités du demandeur, en fixant le délai dans lequel celui-ci est tenu de le loger et en assurant les moyens d'accès, d'accompagnement ou de suivi éventuellement nécessaires

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Cet amendement vise à assurer la réussite de la mise en oeuvre du droit au logement opposable. Il s'agit, en l'occurrence, de préciser que la décision de la commission de médiation peut prévoir, en cas de nécessité, la mise en place de moyens permettant d'accompagner l'offre de relogement.

En effet, je l'ai dit lors de la discussion générale, lorsque l'on procède au relogement d'une personne ou d'une famille en grande difficulté, il est bon de prévoir également les mesures d'accompagnement et les moyens adéquats. Tous les centres communaux d'action sociale, les CCAS, n'ont pas la capacité, dans le cadre de leurs budgets sociaux, d'aider toutes les familles qui arrivent sur leur territoire communal et qui ont besoin d'un accompagnement renforcé.

Il est donc de l'intérêt de tous que l'État participe à cet effort d'accompagnement.

M. le président. L'amendement n° 211 rectifié, présenté par M. J.L. Dupont, Mme Férat et les membres du groupe de l'Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

1°) Compléter la première phrase du dernier alinéa de cet article par les mots :

et en précisant les moyens d'accompagnement éventuellement nécessaires à la mise en oeuvre de cette désignation.

2°) Compléter le même alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« Il peut également désigner un demandeur à un bailleur ayant signé une convention avec l'Agence nationale de l'habitat. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Le présent amendement vise, premièrement, à prévoir, dès la désignation d'un ménage dont la demande est reconnue comme prioritaire et comme devant être satisfaite de façon urgente, la mise en place, lorsque cela est nécessaire, d'un accompagnement social.

Il vise, deuxièmement, dans un souci de mixité, d'équité et d'efficacité, à ce qu'en contrepartie des aides dont ils bénéficient les bailleurs ayant conclu une convention avec l'ANAH puissent être mis, également, à contribution.

M. le président. L'amendement n° 249, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article par les mots :

, ainsi que sur ceux de tout organisme titulaire de droits de réservation.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est irréaliste d'imaginer que le seul contingent préfectoral, qui est d'ores et déjà saturé, suffira à répondre à toutes les demandes de logement.

Chaque contingent doit contribuer à rendre effectif le droit au logement. Si l'État reste garant, en dernier ressort, du droit au logement, les autres acteurs ne peuvent s'exonérer de leurs obligations sociales. Le parc privé conventionné devrait donc également être mobilisé.

M. le président. L'amendement n° 185, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

A - Après la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Il peut également désigner le demandeur à tout bailleur privé ayant conclu une convention avec l'Agence nationale de l'habitat dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles L 321-1 et L. 321-4. »

B - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Le premier alinéa du II de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette convention précise également que les logements ayant bénéficié de l'aide de l'Agence nationale de l'habitat pourront être mobilisés pour assurer le logement ou le relogement des demandeurs visés à l'article L. 441-2-3 du présent code ».

... - Avant le dernier alinéa de l'article L. 321-4 du code de la construction et de l'habitation, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« g) Les conditions dans lesquelles le propriétaire est tenu d'attribuer le logement à un ménage inscrit sur une liste arrêtée par le représentant de l'État dans le département. »

C - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :

I

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement se situe dans la logique de l'argumentation que nous avons développée lors de la discussion générale. Il n'est pas normal que les personnes bénéficiaires du droit au logement opposable ne puissent s'adresser, exclusivement, qu'aux bailleurs HLM.

Nous devons, dans le cadre d'une politique de solidarité publique et privée, mobiliser le parc locatif privé, qui a fait l'objet d'un accompagnement par l'État à travers un certain nombre de dispositifs fiscaux au bénéfice des propriétaires.

Nous proposons donc, par cet amendement, que l'État puisse proposer au propriétaire d'un logement qui fait l'objet d'une convention avec l'Agence nationale de l'habitat de louer ce logement à des personnes disposant de ressources modestes, inscrites sur une liste arrêtée par le préfet.

M. le président. L'amendement n° 186, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant la dernière phrase du dernier alinéa cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Il peut proposer des candidats prioritaires, bénéficiant d'un accompagnement social personnalisé aux propriétaires bailleurs ou aux organismes agréés détenant, prenant à bail ou donnant en location, ou en sous-location, des logements faisant l'objet d'une convention au titre de l'article L. 321-8 loués à loyer très social. »

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. C'est un amendement de conséquence du précédent.

M. le président. L'amendement n° 183 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Le logement attribué au demandeur ne peut se situer sur le territoire d'une commune dans laquelle le nombre de logements sociaux, au sens de l'article L. 302-5, représente plus de 50 % du nombre de résidences principales.

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 246, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Même si certains demandeurs de logement préfèrent, après une longue période de marginalisation, un hébergement adapté, il convient, au nom du droit au logement, de laisser l'intéressé choisir lui-même entre un logement ou une « structure adaptée ». Il s'agit de défendre un droit au logement opposable qui ne se réduise pas à un simple droit à l'hébergement, dont on connaît les limites. Le droit au logement, ce n'est pas un droit à l'hébergement !

M. le président. L'amendement n° 184 rectifié, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter la dernière phrase du dernier alinéa de cet article par les mots :

telle qu'un logement conventionné proposé par un bailleur privé disposant de logements visés à l'article L. 302-5 du même code.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement est la conséquence des amendements nos 185 et 186.

M. le président. Le sous-amendement n° 268, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de l'amendement n° 184 rectifié par les mots :

ou un logement rendu disponible par la mise en oeuvre des procédures de réquisition visées au chapitre Ier et au chapitre II du titre IV du livre VI du même code.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement vise à intégrer les logements vides susceptibles d'être réquisitionnés dans l'éventail des logements mobilisables pour mettre en application le droit au logement effectif.

Il existe deux millions de logements vacants en France, sans parler des immeubles de bureaux laissés vacants, volontairement ou non, parfois dans un but spéculatif. Nous connaissons tous l'exemple du 24, rue de la Banque, à Paris. Ces 1 000 mètres carrés de bureaux somptueux, vides depuis trois ans, sont actuellement occupés par des associations, le DAL, MACAQUE, et Jeudi Noir, qui y ont installé un « ministère de la crise du logement ». Aujourd'hui, une soixantaine de personnes mal logées y vivent.

Les réquisitions ne sont pas une solution à long terme, mais elles constituent des solutions concrètes, à court terme, pour répondre à l'urgence du mal- logement.

Comme le disait M. Borloo le 21 novembre 2005, la production de logements neufs n'atteindra jamais un rythme aussi rapide que celui que peut avoir la remise sur le marché d'un certain nombre de logements vacants.

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par Mme Demessine, MM. Ralite, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« La commission de médiation donne un avis motivé dans le délai maximal de trois mois à compter de la saisine.

« Sa décision est susceptible d'un recours selon les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Le recours est déposé soit par la personne intéressée, soit, en son nom, par une association agréée dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement tend à préciser le mode de fonctionnement des commissions de médiation prévues par le projet de loi. Les conditions concrètes de la procédure amiable sont, en effet, dans la rédaction actuelle de la loi, largement insuffisantes.

Nous proposons que la commission rende sa décision dans les trois mois suivant sa saisine, que cette décision soit motivée et susceptible d'un recours, lequel pourrait être déposé, dans le cadre d'un accompagnement, par une association agréée dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées.

Le délai est nécessaire pour deux raisons. Tout d'abord, dans le véritable parcours du combattant qu'est la demande de logement social, les délais sont déjà largement dépassés : à Paris, le délai d'attente « raisonnable » à partir duquel le demandeur pourra s'adresser à la commission est de dix ans !

Ensuite, la fixation d'un délai dans la loi impose, de fait, à la puissance publique de mobiliser les moyens nécessaires à une application juste et effective du dispositif. Trois mois, c'est un délai raisonnable si les commissions sont correctement pourvues en moyens matériels et humains, ce qui, à l'évidence, n'est pas le cas actuellement.

Pour ce qui est de la motivation de la décision, plus que légitime, elle est absolument nécessaire dans la mesure où le rôle principal de cette commission est, selon le texte, d'autoriser ou non la saisine du tribunal administratif.

La commission, qui ouvre un droit ou le dénie, doit donc s'en justifier pour éviter tout arbitraire ou soupçon d'arbitraire.

Dans la même logique, une décision créatrice d'un droit doit être susceptible de recours : en effet, si la commission de médiation ne déclare pas la demande prioritaire et devant être satisfaite d'urgence, le demandeur ne dispose plus d'aucune solution pour faire valoir son droit, fondamental, au logement. Ce recours pourra être hiérarchique, devant le préfet, ou contentieux, devant le tribunal administratif. Il s'agit ici non de multiplier les procédures, mais bien d'ouvrir le plus largement possible le droit que la présente loi institue.

C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions d'ailleurs que le demandeur puisse être éventuellement accompagné dans cette procédure de recours par des associations spécialisées. En effet, les personnes les plus frappées par le mal-logement sont également celles qui cumulent les précarités et les handicaps. De ce fait, une grande partie de cette population doit être accompagnée dans son parcours de réinsertion.

Chers collègues, le droit au logement opposable n'aura de sens que dans la mesure où nous, parlementaires, veillerons à en indiquer, le plus concrètement et le plus précisément possible, les modalités de fonctionnement. Il s'agit, par cet amendement, de contribuer à ce que cette loi ressortisse d'autre chose que l'incantation et la recherche d'un effet d'annonce.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 229 rectifié est présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 256 rectifié est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées peuvent assister la personne et la représenter pour exercer le recours. »

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l'amendement n° 229 rectifié.

Mme Valérie Létard. Cet amendement a été défendu.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 256 rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous voulons que les associations puissent assister ou représenter les personnes dans l'exercice de leur recours. Pour s'orienter dans le labyrinthe du droit au logement opposable, les mal-logés, qui font souvent partie des populations les plus exclues, les plus marginalisées, les plus fragilisées, mais aussi les plus démunies, auront besoin de l'aide de ces associations.

M. le président. L'amendement n° 237 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« En Île-de-France, le représentant de l'État dans le département peut saisir le préfet de région lorsque, en raison du nombre de demandes dont il est saisi par la commission de médiation comme devant être satisfaites d'urgence, il n'est pas en mesure d'y satisfaire dans le respect des objectifs de mixité sociale tels qu'ils sont définis dans l'accord collectif. Dans ce cas le préfet de région désigne, après avis du comité régional de l'habitat, les départements dans lesquels les représentants de l'État seront saisis des différents cas. »

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. L'amendement n° 243, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La commission de médiation donne un avis motivé écrit dans un délai maximal d'un mois. Sa décision est susceptible d'un recours ».

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'opposabilité du droit au logement ne serait pas assurée sans la possibilité d'un recours en cas d'avis négatif de la commission de médiation. Dès lors, il est nécessaire que l'avis soit rendu dans un certain délai et que les raisons de la décision soient explicitées.

M. le président. L'amendement n° 187, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La première phrase de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigée : « Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 441-2-6 détermine les conditions dans lesquelles les logements sociaux au sens de l'article L. 302-5 ainsi que les autres logements locatifs construits, améliorés ou acquis et améliorés avec le concours financier de l'État et appartenant à un organisme d'habitations à loyer modéré ou une société d'économie mixte ou gérés par ceux-ci sont attribués par leur propriétaire. »

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Nous ne nous expliquons pas pourquoi, dans le texte tel qu'il est proposé, le droit au logement opposable ne concerne qu'une partie du parc des organismes d'HLM et les logements conventionnés des SEM.

Il nous semble nécessaire que l'ensemble des logements sociaux au sens de l'article 55 de la loi SRU - car il s'agit bien d'être en cohérence avec ce texte fondateur - ainsi que l'ensemble du patrimoine des HLM et des SEM puissent être pris en compte.

M. le président. L'amendement n° 188, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dixième alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Le nombre de logements ainsi réservés ne peut être inférieur à 25 % du total des logements de chaque programme. Nonobstant toute clause ou disposition contraire, le préfet dispose, au profit des personnes prioritaires, de droits à réservation portant sur 25 % des logements visés au premier alinéa du présent article, existants à la date de publication de la loi n°... du... instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et dans lesquels ces droits étaient inférieurs à ce seuil. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement pose le principe d'un minimum incompressible de droits à réservation.

Le projet de loi, tel qu'il est rédigé, cantonne la mise en oeuvre du droit au logement opposable au contingent de l'État. Or les droits de réservation de l'État sont trop restreints pour garantir une réelle effectivité du droit au logement opposable.

Il convient, pour que l'État soit en mesure d'assurer son rôle de garant du droit au logement, qu'il dispose effectivement de réservations de logements dans tous les programmes de logements sociaux.

C'est pourquoi nous proposons que la loi impose un taux minimum de 25 % de logements réservés. Ce seuil n'est pas à ce jour appliqué dans tous les programmes HLM, car la réglementation ne fixe qu'un taux maximal de 30 %, et n'existait pas pour les logements sociaux appartenant à des bailleurs autres que les organismes d'HLM.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements qui n'émanent pas d'elle ?

M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission est défavorable au sous-amendement n° 157 rectifié, car il est contraire à la proposition de la commission.

Je souhaite le retrait du sous-amendement n° 277, qui est inutile. En tout état de cause, la loi n'a pas à doter la commission de médiation de moyens.

La commission est favorable au sous-amendement n° 228 rectifié.

Elle est défavorable au sous-amendement n° 158 rectifié, qui vise à supprimer la mention « de bonne foi ». Dans la situation de logement occupé dégradé par la faute même du demandeur, il faut laisser au juge la latitude d'apprécier la bonne foi. On peut, certes, la supposer, mais il vaut mieux la vérifier.

Sur le sous-amendement n° 271, la commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement, car il lui semble que les catégories visées sont incluses dans les catégories prioritaires visées à l'article 2.

L'avis est défavorable sur le sous-amendement n° 270.

S'agissant du sous-amendement n° 276, la commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement. À titre personnel, j'y serais plutôt favorable, car la rédaction du texte ne me semble pas incompatible avec la proposition de la commission.

La commission est défavorable au sous-amendement n° 275. La commission de médiation bénéficie des informations transmises dans les conditions de légalité par le préfet et il faut respecter le secret professionnel des travailleurs sociaux.

Elle est également défavorable au sous-amendement n° 273. L'amendement n° 20 rectifié bis de la commission prévoit que le préfet mobilise le parc privé conventionné. La commission de médiation ne fait que reconnaître des cas prioritaires ; elle ne peut pas désigner directement les logements.

La commission estimant préférable de laisser au décret le soin de fixer le délai visé par le sous-amendement n° 274, elle est défavorable à celui-ci.

Elle est défavorable aux sous-amendements nos 159 rectifié et 160 rectifié, qui sont contraires à sa proposition.

Elle est défavorable au sous-amendement n°272, car on ne pourrait pas justifier en droit de refuser un logement sur le fondement du pourcentage de logements sociaux déjà atteint dans la commune ou la collectivité considérée.

La commission est favorable au sous-amendement n° 278.

Sur le sous-amendement n° 279, elle souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement, car cette proposition est incontestablement pertinente. Toutefois, elle nécessite une expertise et une concertation puisqu'il s'agit de définir le rôle du comité de suivi.

L'amendement n° 97 est en partie satisfait par celui de la commission. Il présente toutefois une différence avec ce dernier et est en fait en contradiction avec lui. C'est la raison pour laquelle j'en demande le retrait.

L'amendement n° 173 rectifié est satisfait par l'amendement de la commission, qui organise un recours contentieux en l'absence de commission de médiation, ce qui devrait favoriser la création d'une telle commission dans les départements qui n'en possèdent pas encore. Je souhaiterais donc le retrait de cet amendement.

La commission est défavorable aux amendements nos 174, 244, 98 et 175 rectifié.

Les amendements identiques nos 99 et 176 rectifié visent à supprimer les mots : « de bonne foi » dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article L. 441- 2- du code de la construction et de l'habitation. Or j'ai déjà montré en quoi les amendements proposés par les trois commissions tendaient à réécrire le texte. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Sur l'amendement n° 189, la commission est également défavorable. En effet, insérer les mots : «, s'il réside de façon continue dans un logement soumis à la taxe de séjour, », revient à considérer que les personnes visées entrent dans la catégorie des personnes en absence de logement.

Dans l'amendement n° 190, l'expression « personnes à charge » est beaucoup trop large. J'ai expliqué tout à l'heure, en défendant l'amendement de la commission, pourquoi il convenait d'écarter en particulier les personnes âgées ou les personnes handicapées qui relèveraient de structures adaptées. Or ces dernières ne figurent pas dans celles qui sont mentionnées dans le projet de loi ; je pense, par exemple, aux maisons d'accueil pour personnes âgées dépendantes ou aux établissements pour personnes handicapées

Je le répète, le texte que nous examinons ne s'applique pas à ces catégories de personnes. Il ne va pas jusqu'à englober toutes les maisons de retraite pour personnes âgées dépendantes ou l'ensemble des structures d'accueil des personnes handicapées.

En ce qui concerne l'amendement n° 177 rectifié, l'adverbe « notamment » ne me semble pas conforme à la jurisprudence de notre commission. Celle-ci y est donc défavorable.

L'amendement n° 100 tendant à supprimer la substance même du texte ; l'avis de la commission est évidemment défavorable.

L'amendement n° 178 vise à ajouter les mots : « dans un délai de trois mois ». La commission considère que cette disposition relève du décret. D'où son avis défavorable.

Pour ce qui est de l'amendement n° 250, nous préférons nous en tenir à une approche pragmatique et réaliste. C'est d'ailleurs ce que fera la commission de médiation plutôt que d'étudier les situations au cas par cas. La commission est donc défavorable à cet amendement.

En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 245, car le fait d'obliger la commission de médiation à motiver ses refus par écrit me paraît évidemment indispensable.

La commission est défavorable à l'amendement n° 179, car, selon elle, il n'est pas souhaitable de contraindre la commission de médiation à faire des propositions d'orientation à des personnes dont la demande n'est pas reconnue comme prioritaire. Il lui est, certes, loisible de le faire, mais il serait irréaliste de lui imposer une telle démarche.

En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 180, selon lequel la commission de médiation doit motiver ses décisions par écrit.

La commission souhaite le retrait de l'amendement n° 181. En effet, ce dernier prévoit une composition unique de la commission de médiation et il est satisfait par l'amendement n° 20 rectifié bis de la commission.

La commission est défavorable à l'amendement n° 182.

L'amendement n° 248 met l'accent sur la mixité sociale, qui est déjà est mentionnée dans le code de la construction et de l'habitation. Il est donc inutile d'y revenir. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 231 rectifié précise qu'il revient aux services sociaux compétents, c'est-à-dire ceux du conseil général ou du CCAS, d'apprécier la pertinence et les modalités d'accompagnement de l'offre de logement. Or cela ne relève pas de la loi. Dès lors, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 211 rectifié.

L'amendement n° 249 est, quant à lui, satisfait par une convention signée le 20 décembre dernier entre l'État et l'Union d'économie sociale du logement, l'UESL. Ainsi, l'on ne peut saisir les logements réservés par cette dernière, alors que les entreprises paient un droit à cette fin. L'avis de la commission est donc, là aussi, défavorable.

L'amendement n° 185, en prévoyant l'établissement d'une liste, va, selon nous, trop loin. Pour le reste, il est satisfait par l'amendement de la commission. Celle-ci y est défavorable.

Elle demande le retrait de l'amendement n° 186 et est défavorable à l'amendement n° 183 rectifié.

L'amendement n° 246 est satisfait par l'amendement n° 20 rectifié bis : avis défavorable.

De même, l'amendement n° 20 rectifié bis répond à l'objectif visé dans l'amendement n° 184 rectifié. La commission demande donc aux auteurs de ce dernier de bien vouloir le retirer, faute de quoi elle se verra contrainte d'émettre un avis défavorable.

La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 268, qui vise à mobiliser un logement par une procédure de réquisition, donc en recourant à des pouvoirs de police.

Sur l'amendement n° 101, ainsi que je l'ai expliqué, je suis favorable au fait que la commission de médiation donne un avis motivé. En revanche, cet amendement contient une précision inutile puisque le recours pour excès de pouvoir est de droit. La commission y est donc globalement défavorable.

En revanche, elle est favorable aux amendements identiques nos 229 rectifié et 256 rectifié.

Elle est défavorable aux amendements nos 237 rectifié et 243.

Sur l'amendement n° 187, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 188, je dirai que la fixation globale pour l'ensemble des départements de tels pourcentages semble excessive et trop rigide. En effet, cela n'est d'aucune utilité pour certains d'entre eux. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?

Pourriez-vous, tout d'abord, monsieur le ministre, vous exprimer sur les amendements identiques nos 20 rectifié bis, 47 rectifié et 67 rectifié, qui ont été déposés par les trois commissions ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Pour être bref, je tiens à annoncer d'emblée que, chaque fois que figureront les mots : « logements-foyers », il conviendrait d'ajouter les mots : « résidence hôtelière à vocation sociale » ; il s'agit là, ni plus ni moins, du nouveau produit récemment mis au point. Sous cette réserve, le Gouvernement sera favorable aux amendements concernés.

M. le président. La commission accepte-t-elle cette proposition ?

M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président. En effet, la précision apportée par M. le ministre est cohérente et s'inscrit dans la logique que nous avons nous-mêmes suivie. Je pense donc que l'on ne peut qu'être d'accord avec la rectification proposée.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 20 rectifié ter, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales et ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 441- 2- 3 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° Les quatre premiers alinéas sont remplacés par treize alinéas ainsi rédigés :

« I. - Dans chaque département est créée, auprès du représentant de l'État dans le département, une commission de médiation présidée par une personnalité qualifiée qu'il désigne.

« Dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, cette commission est composée :

« 1° De représentants de l'État ;

« 2° De représentants du département, des établissements publics de coopération intercommunale visés à l'article L. 441- 1- 1 et des communes ;

« 3° De représentants des organismes bailleurs et des organismes chargés de la gestion d'une structure d'hébergement, d'un établissement ou d'un logement de transition, d'un logement-foyer ou d'une résidence hôtelière à vocation sociale ;

« 4° De représentants des associations de locataires et des associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, oeuvrant dans le département.

« II. - La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441- 1- 4.

« Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, ainsi que, s'il a au moins un enfant mineur, lorsqu'il est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent.

« Elle reçoit du ou des bailleurs en charge de la demande tous les éléments d'information sur la qualité du demandeur et les motifs invoqués pour expliquer l'absence de proposition.

« Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement. Si elle estime que le demandeur est prioritaire mais qu'une offre de logement n'est pas adaptée, elle peut prévoir un accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale. Elle peut faire toute proposition d'orientation des autres demandes.

« La commission de médiation transmet au représentant de l'État dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement.

« Après avis des maires des communes concernées et en tenant compte des objectifs de mixité sociale tels qu'ils sont définis dans l'accord collectif intercommunal ou départemental, le représentant de l'État dans le département désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande et situés dans un périmètre qu'il définit, en fixant le délai dans lequel celui-ci est tenu de le loger. Cette attribution s'impute sur ses droits à réservation.

« Le représentant de l'État dans le département peut également proposer au demandeur un logement mentionné aux articles L. 321- 4 et L. 321- 8. »

2° Avant le dernier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« III. - La commission de médiation peut également être saisie sans condition de délai par toute personne qui, sollicitant l'accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, n'a reçu aucune réponse à sa demande.

« Le représentant de l'État dans le département propose une place dans une structure d'hébergement, un établissement, logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale aux personnes désignées, dans un délai fixé par décret, par la commission de médiation. »

3° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « IV ».

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. En ce qui concerne le sous-amendement n° 157 rectifié, nous avions prévu que la commission de médiation serait composée à parts égales. Le Conseil d'État nous a suggéré d'inscrire cette clause dans un décret, ce que nous avons prévu. Le Gouvernement est donc défavorable à ce sous-amendement.

La disposition prévue par le sous-amendement n° 277 étant également d'ordre réglementaire, le Gouvernement est évidemment défavorable à celui-ci.

En revanche, il est favorable au sous-amendement n° 228 rectifié.

Il est défavorable aux sous-amendements nos 158 rectifié, 271 et 270.

Je souhaiterais, à ce stade de la discussion, apporter une précision concernant les avis défavorables que je serai amené à émettre sur plusieurs propositions qui tendent à élargir le champ d'application du dispositif dès 2008. En effet, en 2008, nous aurons très largement dépassé les problèmes d'hébergement, une partie du droit opposable au logement étant déjà en application, puisque, je le rappelle, celle-ci se fera en deux temps.

Qui trop embrasse mal étreint ! Cela ne veut évidemment pas dire que chaque catégorie de personnes pouvant être mentionnée à plusieurs reprises n'a pas sa place dans le droit au logement opposable. Simplement, le Gouvernement souhaite s'en tenir, pour 2008, aux six catégories ultraprioritaires.

J'ajoute que les amendements déposés par les trois commissions sur l'article 1er prennent tout à fait en compte la loi Besson, je le dis à l'intention de M. Ralite.

Le sous-amendement n° 276 est superfétatoire. D'une manière générale, le Gouvernement est hostile à ce que des associations agréées puissent assister les demandeurs de logement en raison des conflits d'intérêt que cette représentation pourrait faire naître et du risque de voir certaines associations éliminées. En tout état de cause, l'assistance est de droit. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

S'agissant du sous-amendement n° 275, le Gouvernement émet un avis favorable, car il est vrai que les bailleurs sociaux ne sont pas les seuls à pouvoir fournir des éléments d'information utiles aux commissions de médiation.

En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les sous-amendements nos 273 et 274, car nous ne devons ni confondre les rôles du préfet et de la commission de médiation ni modifier la mission de cette dernière.

Par ailleurs, s'il est effectivement nécessaire que la commission de médiation motive par écrit ses décisions, une telle disposition a déjà été intégrée par la commission. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 269.

De même, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les sous-amendements nos 159 rectifié, 160 rectifié, 272 et 278.

Pour ce qui est du sous-amendement n° 279, le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Le Haut comité a consacré une part importante de son rapport à l'Île-de-France. Il souligne que les compétences doivent être organisées autrement dans cette région très spécifique. Le même raisonnement est d'ailleurs valable pour les DOM, où s'applique la ligne budgétaire unique. Des dispositions particulières sont nécessaires, et le Haut comité le reconnaît implicitement, me semble-t-il : c'est l'une des grandes questions qui seront abordées dans l'évaluation de la présente loi qu'il remettra en juillet prochain, et il faudra organiser une concertation entre les différents acteurs. Tel est l'objectif que nous devons manifestement viser, mais il est parfaitement que nous ne sommes pas encore prêts.

Nous avons déjà débattu de la question soulevée par l'amendement n° 97 lors de l'examen de la loi ENL. Très clairement, nous ne voulons pas que le préfet préside la commission départementale de médiation. D'ailleurs, nous souhaitons que la composition de cette commission associe à parts égales les différents acteurs concernés.

Certes, elle se trouvera placée auprès du préfet et bénéficiera de la mise à disposition des moyens techniques de l'État, mais elle sera présidée par une personne qualifiée, ce qui nous paraît plus équilibré.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

De même, le Gouvernement est hostile aux amendements nos 173 rectifié et 174, ce dernier tendant d'ailleurs à introduire une précision de nature réglementaire.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 244.

En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 98, qui se trouvera de toute façon satisfait si le dispositif proposé par la commission est adopté, ainsi qu'à l'amendement n° 175 rectifié - qui tend à apporter une précision de nature réglementaire -, aux amendements identiques nos 99 et 176 rectifié et aux amendements nos 189, 190, 177 rectifié, 100, 178 et 250.

Il émet un avis favorable sur l'amendement n° 245.

En ce qui concerne l'amendement n° 179, le Gouvernement émet un avis défavorable pour des raisons que j'ai déjà évoquées : la commission de médiation devra seulement saisir le préfet, et il reviendra à l'État de faire des propositions.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 180, qui tend à obliger la commission de médiation à motiver par écrit ses décisions, mais défavorable aux amendements nos 181, 182, 248 et 231 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 211 rectifié, je veux dire à Mme Férat que, d'une manière générale, nous travaillons à impliquer, sous une forme ou sous une autre, le parc privé conventionnel. L'exclure a priori du champ de l'opposabilité ne nous semble donc pas une bonne idée.

Premièrement, la mobilisation de tous les acteurs est, selon nous, utile ; nous débattrons demain de la nouvelle GRL, la garantie des risques locatifs qui, à partir de la semaine prochaine, transformera radicalement la situation des personnes concernées.

Deuxièmement, nous souhaitons, d'ici à juillet prochain, après un débat sur cette question, augmenter ce que l'on appelle le « Borloo dans l'ancien », c'est-à-dire créer pour les propriétaires une déduction fiscale complémentaire au-delà de l'abattement fiscal de 45 %, en échange de l'entrée des logements concernés dans les droits de réservation du préfet.

Nous nous efforçons de trouver un équilibre entre les droits et les capacités, afin de ne pas démotiver les bailleurs qui, dans le parc privé, conventionnent d'ores et déjà leurs logements. En bref, il s'agit d'éviter de semer la panique tout en créant une catégorie de logements particulière, complémentaire, afin de mobiliser effectivement tous les acteurs. L'important est que chacun connaisse à l'avance les règles du jeu et que les dispositions qui existent en matière de logement conventionné ne soient pas remises en cause !

Le Gouvernement émet naturellement un avis défavorable sur l'amendement n° 249, car l'adoption d'une telle disposition devrait être précédée d'une négociation avec les partenaires sociaux.

De même, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 185, 186, 183 rectifié, 246 et 184 rectifié.

En revanche, le Gouvernement n'est pas hostile au sous-amendement n° 268, même si je fais observer que les dispositions dites « Lienemann » sur les réquisitions ne sont objectivement pas applicables. Ne nous racontons pas d'histoires ! Certes, on peut toujours défendre cette disposition par souci de cohérence, mais reconnaissons que la phrase proposée ici a un caractère politique mais aucune portée concrète.

Toutefois, nous ne nous opposons pas à ce complément rédactionnel. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous mesurez ici l'esprit d'ouverture dont le Gouvernement peut faire preuve !

M. Guy Fischer. C'est vite dit !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 101, dont les dispositions seront adoptées par la voie d'un décret, ainsi que sur les amendements nos 229 rectifié et 256 rectifié.

Il demande le retrait de l'amendement n° 237 rectifié, qui traite, lui aussi de l'Île-de-France.

Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 243, 187 et 188.

M. le président. Monsieur Repentin, le sous-amendement n° 157 rectifié est-il maintenu ?

M. Thierry Repentin. M. le ministre ayant indiqué qu'un décret reprendrait ces dispositions, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 157 rectifié est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 277.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 228 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 158 rectifié.

M. Thierry Repentin. Puisque la commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable, ce sous-amendement ne sera pas adopté.

Il reste que, selon moi, la notion de « bonne foi » ne manquera pas de susciter un certain nombre de contentieux.

À titre d'exemple, parmi les publics prioritaires figurent, si ma mémoire est bonne, les personnes expulsées sans proposition de relogement. Une personne chassée de son logement à la suite d'une vente de l'immeuble à la découpe et qui ne recevrait aucune proposition de relogement serait donc prioritaire. Imaginons qu'elle reste dans son logement, que le propriétaire - un investisseur institutionnel - saisisse un tribunal et que l'expulsion soit prononcée. Cette personne sera-t-elle alors de mauvaise foi ?

C'est le genre de problèmes concrets qui se poseront inévitablement. Et il y en aura d'autres !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur Repentin, je ne pense pas que la suppression de l'expression « de bonne foi » suffise à supprimer le problème !

Cette question a été abondamment examinée par le Haut comité. Le demandeur est de « mauvaise foi » tout simplement quand il s'organise pour obtenir un logement.

Certes, il s'agit d'une notion difficile à définir, mais il ne suffit pas de supprimer l'expression pour faire disparaître le problème d'appréciation judiciaire qui se pose ici. Les commissions départementales de médiation ont précisément pour objet de constituer un premier filtre. C'est pourquoi je suis très attaché à une représentation équilibrée des acteurs en leur sein : même si les tribunaux se prononcent ensuite, ce filtre aura une influence déterminante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous souhaitons que l'accès à la commission de médiation soit le plus large possible, mais qu'il concerne, effectivement, des demandeurs de bonne foi.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 158 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 271.

M. Thierry Repentin. Vous admettrez, monsieur le ministre, que nous intervenons peu et brièvement. Nous le faisons seulement lorsque cela nous semble essentiel.

Nous souhaitons que les personnes qui n'ont pas de toit et qui sont donc obligées de vivre dans des caravanes soient reconnues comme prioritaires.

Monsieur le ministre, si vous me confirmez que les personnes obligées de vivre dans un camping font partie de la première catégorie - celle qui regroupe les sans-logis -, je considérerai mon amendement comme superfétatoire et le retirerai. Personne ne l'a affirmé explicitement jusqu'à présent, ni M. le rapporteur, ni vous-même, monsieur le ministre. Cela étant, les précisions à apporter étaient tellement nombreuses que je comprends parfaitement que tout n'ait pu être dit et que l'on n'ait pu s'appesantir sur chaque amendement ou sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. La réponse est oui, monsieur le sénateur. À partir du moment où vivre dans une caravane ne relève pas d'un choix et qu'il s'agit d'un mode de vie régulier, je considère que les personnes concernées appartiennent à la catégorie des « dépourvus de logement ».

Nous pouvons toujours créer de nouvelles catégories, mais le Gouvernement ne souhaite pas le faire à outrance.

M. le président. Monsieur Repentin, le sous-amendement n° 271 est-il maintenu ?

M. Thierry Repentin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 271 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 270.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 276.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 275.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 273.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 274.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 269.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 159 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 160 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 272.

M. Thierry Repentin. Au cours de ce débat, nous nous sommes élevés contre le fait que les personnes qui obtiendraient gain de cause devant un tribunal administratif et seraient donc logées par le préfet se verraient attribuer un logement dans les seules communes qui abritent des logements sociaux.

Ce sous-amendement vise donc à empêcher que le relogement d'office ne se fasse pas sur le territoire d'une commune qui compte déjà un grand nombre de logements sociaux. Je pense notamment aux communes ayant entrepris une opération de renouvellement urbain et ayant, à cet effet, dégagé un certain nombre de logements libres : ce texte menace de leur imposer, par injonction du préfet, des familles à reloger.

En France, il existe 98 villes où les logements sociaux représentent plus de 50 % du parc. C'est le cas à Trappes, avec 96,8 % de logements sociaux, ou au Val-de-Reuil, avec 86 % de logements sociaux.

Je précise que ce sous-amendement est soutenu par l'Association des maires ville et banlieue de France, l'AMVBF. Il va falloir expliquer à ces élus que nous imposons, sur ces territoires, la constitution de ghettos et que nous paupériserons les offices d'HLM. (M. Guy Fischer applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Thierry Repentin pointe une difficulté réelle. Pour autant, décider qu'une loi d'application générale ne serait pas effective sur une partie du territoire me paraît difficilement soutenable.

Il est vrai que la vacance de certains logements décidée par une commune pour entreprendre une rénovation urbaine risque de provoquer un appel d'air, si j'ose dire, susceptible de bloquer l'opération.

Il faut donc examiner de façon approfondie cette question. Nous y réfléchirons avec le comité de suivi, avant le mois de juillet prochain.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 272.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 278.

Mme Valérie Létard. Je souhaite comprendre ce qui motive l'avis défavorable émis sur ce sous-amendement, dont l'objet est de permettre aux associations agréées d'assister et de représenter les personnes pour exercer le recours. Nous en avons l'expérience avec l'accès à l'aide judiciaire gratuite : pour de nombreuses personnes, l'accompagnement préalable d'une association est quelquefois nécessaire.

Il est à craindre que les familles concernées par ce projet de loi, surtout celles qui sont les plus éloignées du logement, ne fassent pas les démarches d'elles-mêmes. Autrement dit, si ce sous-amendement n'est pas adopté, le dispositif risque fort de ne pas être pleinement appliqué.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales s'est déclarée favorable à l'accompagnement par les associations, mais défavorable à la représentation des demandeurs par ces mêmes associations. Elle est donc défavorable au sous-amendement n° 278. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

J'ai dit que j'avais tendance à être favorable à ce sous-amendement, mais que je sollicitais l'avis du Gouvernement pour comprendre de quoi il retournait exactement. Il est clair que ce sous-amendement contredit la position de la commission des affaires sociales puisqu'il tend à autoriser les associations à représenter les familles. Or la commission refuse d'aller si loin. Je n'avais pas pris d'emblée la pleine mesure de ce sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 278.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 279.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote sur l'amendement n° 20 rectifié ter.

Mme Michelle Demessine. Compte tenu des avis qui ont été émis sur nos propres amendements, nous nous abstiendrons sur celui de la commission qui tend à une nouvelle rédaction de l'article 2, comme nous l'avons fait sur les amendements identiques des trois commissions rédigeant l'article 1er.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Nous voyons bien ce soir les limites de l'exercice qui consiste à délibérer sur un projet de loi annoncé moins de trois semaines plus tôt.

Aucun des sous-amendements et amendements que nous avons proposés n'a été adopté.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous sommes favorables à la motivation écrite de l'avis !

M. Thierry Repentin. C'est vrai, monsieur le ministre.

Pour autant, nous n'avons pu obtenir que soient exclus du champ d'application certains territoires qui comptent déjà un grand nombre de logements sociaux. Cela n'augure rien de bon sur le sort qui sera réservé aux amendements additionnels dont nous aurions souhaité discuter avant l'article 1er et qui conditionnaient l'esprit dans lequel devait être adopté ce texte.

Nous voterons donc contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n 20 rectifié ter, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé, et les amendements nos 47 rectifié, 67 rectifié, 97, 173 rectifié, 174, 244, 98, 175 rectifié, 99, 176 rectifié, 189, 190, 177 rectifié, 100, 178, 250, 245, 179, 180, 181, 182, 248, 231 rectifié, 211 rectifié, 249, 185, 186, 183 rectifié, 246, 184 rectifié, 101, 229 rectifié, 256 rectifié, 237 rectifié, 243, 187 et 188, ainsi que le sous-amendement n° 268, n'ont plus d'objet.

La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Discussion générale

10

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Gérard Collomb et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi relative à la coopération internationale des collectivités territoriales dans le domaine des technologies de l'information et des communications.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 185, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie (Version codifiée).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3422 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3423 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Rapport de la Commission au Conseil sur le régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1868/94 instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3424 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 601/2004 du Conseil du 22 mars 2004 fixant certaines mesures de contrôle applicables aux activités de pêche dans la zone de la convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique, et abrogeant les règlements (CEE) n° 3943/90, (CE) n° 66/98 et (CE) n° 1721/1999.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3425 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Initiative des délégations allemande et française : projet de décision-cadre du Conseil concernant la reconnaissance et la surveillance des peines assorties du sursis avec mise à l'épreuve et des peines de substitution - COPEN 7 5325/07.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3426 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet d'accord entre Europol et l'Australie - Europol 3 - 5129/06.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3427 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3428 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil portant modification de la décision 2001/822/CE du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3429 et distribué.

12

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Le rapport sera imprimé sous le n° 187 et distribué.

J'ai reçu de M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Le rapport sera imprimé sous le n° 188 et distribué.

13

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Roland Ries un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur l'Union européenne et les services de santé.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 186 et distribué.

J'ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur la productivité et le niveau de vie.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 189 et distribué.

J'ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale au cours de la seconde partie de la 52ème session ordinaire - 2006 - de cette assemblée, adressé à M. le président du Sénat, en application de l'article 108 du règlement.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 190 et distribué.

14

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 31 janvier 2007 à dix heures quinze, quinze heures et le soir :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 170, 2006-2007), instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Rapport (n° 181, 2006-2007) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 174, 2006-2007) présenté par M. Dominique Braye, au nom de la commission des affaires économiques.

Avis (n° 175, 2006-2007) présenté par M. Pierre Jarlier, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats (n° 125, 2006-2007) ;

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (n° 133, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mercredi 31 janvier 2007, à dix-sept heures ;

Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort (A.N., n° 3596) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures.

Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du titre IX de la Constitution (n° 162, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures.

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant la protection de l'enfance (n° 154, 2006-2007) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 7 février 2007, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 6 février 2007, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 31 janvier 2007, à une heure quinze.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD