compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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Remplacement D'UN SÉNATEUR décédé

M. le président. J'informe le Sénat que M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a fait connaître à M. le président du Sénat que M. Pierre Bernard-Reymond est appelé à remplacer au Sénat, à compter du 26 janvier 2007 à 0 heure, notre regretté collègue, Marcel Lesbros.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques ainsi qu'à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et sera disponible au bureau de la distribution.

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DÉCision du Conseil Constitutionnel

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil Constitutionnel, par lettre en date du 25 janvier 2007, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi ratifiant l'ordonnance 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

5

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1219, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, ma question porte sur la compétence d'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés, qui peut être transférée aux conseils généraux en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Selon les articles L. 541-14 et L. 541-15 du code de l'environnement, ces plans tendent à la création d'ensembles coordonnés d'installations de traitement à l'échelle départementale, afin d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement.

Le conseil général de la Vienne, que j'ai l'honneur de présider, s'est doté de cette compétence et révise actuellement ce plan. Cependant, le cadre réglementaire ne lui permet pas d'atteindre correctement les objectifs prévus par la loi.

Les centres d'enfouissement techniques représentent l'outil final et incontournable de traitement des déchets au stade ultime. Le département de la Vienne, sensible depuis longtemps à cet enjeu, s'est donc doté de capacités de stockage importantes. Toutefois, il se trouve aujourd'hui pénalisé par des importations massives de déchets en provenance de départements qui ont des difficultés à se doter, sur leurs propres territoires, des installations nécessaires. Il en résulte un remplissage accéléré de ces sites d'enfouissement autorisés, au détriment des collectivités de la Vienne.

Ces flux de déchets constituent également une nuisance environnementale en générant des émissions de gaz à effet de serre, dans la logique inverse de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, qui a pour objet de limiter en distance et en volume le transport des déchets.

Par ailleurs, l'arrêté du 9 septembre 1997 et la circulaire du 17 janvier 2005 indiquent que la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement est indépendante des travaux d'élaboration du plan.

Seules les autorisations d'exploitation nouvelles de centres d'enfouissement techniques précisent l'origine géographique des déchets pouvant être admis sur le site. Leur délivrance est de la compétence exclusive du préfet, qui n'est pas tenu de se conformer strictement aux recommandations du plan et qui peut se prévaloir, dans ses décisions, d'une cohérence régionale ou interrégionale.

Dans ce contexte, et malgré des capacités dépassant largement les besoins des collectivités et des professionnels de la Vienne, des autorisations nouvelles d'exploitation ont été délivrées dans le département, et d'autres sont en cours d'instruction.

De plus, aucune réflexion ne peut être engagée sur la valorisation des déchets importés, puisque, selon la circulaire du 27 juin 2002, le caractère ultime d'un déchet ne peut s'apprécier à l'entrée d'une décharge.

Par conséquent, je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de bien vouloir m'indiquer si vous envisagez de modifier l'article 8 de l'arrêté du 9 septembre 1997, ainsi que la circulaire du 27 juin 2002, afin de rendre opposables, dans un souci de logique et de cohérence, les orientations des plans départementaux d'élimination des déchets en matière d'importation de déchets, et de faire en sorte que les décisions des préfets en matière d'installations classées leur soient alors conformes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, le sujet que vous abordez soulève plusieurs questions importantes en matière de gestion des déchets, notamment l'articulation entre la réglementation relative aux plans de gestion des déchets et celle relative aux installations classées.

Les plans de gestion de déchets visent à organiser la gestion des déchets sur un territoire en évaluant leur production, en définissant leur mode de gestion et en prévoyant les capacités de traitement thermique ou de stockage dont il faudra disposer pour assurer leur élimination.

La réglementation relative aux installations classées vise, quant à elle, à prévenir les nuisances que peut entraîner le fonctionnement des installations de traitement de déchets. Tel est l'objet de l'arrêté du 9 septembre 1997 modifié, applicable aux centres de stockage de déchets non dangereux.

Ces deux réglementations ont des objets différents, mais, comme vous le soulignez, il convient de veiller à leur mise en oeuvre coordonnée.

Ainsi, l'autorisation qui sera délivrée pour un centre de stockage de déchets fixe la quantité totale de déchets admissibles ainsi que leur provenance, sujets qui sont en règle générale évoqués dans le plan.

Par ailleurs, la loi précise que les décisions prises par les personnes morales de droit public, notamment les préfets, doivent être compatibles avec le plan. Cette notion de compatibilité est cependant moins forte que celle de conformité, et elle ne s'applique que pour des sujets dont la loi ou les règlements nationaux prévoient la prise en compte dans les plans.

Il convient aussi de considérer le contexte local. Il est bien sûr souhaitable que les déchets soient traités dans le département dans lequel ils sont produits. Cependant, plusieurs départements ne disposent pas, aujourd'hui, des capacités nécessaires, et vous savez que différentes études ont mis en évidence le risque, pour un certain nombre d'entre eux, de se retrouver en situation de pénurie au cours des prochaines années.

Dans ce cas, la solution, qui ne doit être que transitoire, passe par l'élimination des déchets dans un autre département. Une forme de solidarité est nécessaire dans les départements qui disposent de capacités supérieures à leurs besoins, et il ne serait pas raisonnable d'interdire, dans ce type de situations, l'importation de déchets extérieurs au département. La réglementation en vigueur ne le permet d'ailleurs pas.

Je rappelle que les communes accueillant les centres de traitement installés après le 1er janvier 2006 ou qui ont fait l'objet d'une extension après cette date peuvent lever une taxe de 1,5 euro la tonne sur les déchets entrant dans l'installation. Nous avons voulu, par cette mesure, faire un geste envers les communes qui font preuve de solidarité.

Vous évoquez, enfin, la question de la valorisation de ces déchets, et notamment la notion de déchet ultime. Je confirme que cette notion est à évaluer en fonction du mode de gestion des déchets et des efforts faits pour extraire la part qui peut être recyclée ou valorisée : la vérification du caractère ultime des déchets ne peut donc se faire lors de leur mise en décharge.

Je constate que des efforts importants ont été faits, presque partout, pour valoriser davantage les déchets. S'agissant des emballages, le taux de recyclage augmente de façon continue : il a dépassé 50 % en 2004, alors qu'il n'était que de 44 % en 2001. Différentes filières ont été mises en place pour favoriser la valorisation de différents types de déchets, comme ceux qui proviennent des équipements électriques et électroniques, dits D3E, ou encore des imprimés sans adresse, pour ne prendre que deux exemples récents.

Il faut, certes, aller plus loin, et c'est bien le sens des nouvelles orientations que j'ai fixées en septembre 2005. J'ai ainsi présenté, il y a quelques semaines, un plan national de soutien au compostage domestique. Je crois que de très nombreux acteurs s'engagent dans cette voie, notamment dans les départements qui manquent d'exutoires et dans lesquels le coût de traitement des déchets résiduels est plus élevé du fait de cette pénurie.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions. Le problème, en l'occurrence, est que certains départements ne veulent pas faire d'efforts.

J'ai bien noté votre volonté d'aller plus loin et de veiller à ce que les préfets se montrent attentifs à ce dossier.

allégement de la redevance anaem pour les arboriculteurs

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, auteur de la question n° 1193, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Bernard Murat. Madame la ministre, les producteurs de fruits et légumes emploient environ 300 000 actifs, dont 230 000 salariés, saisonniers pour 90 % d'entre eux, et ce malgré le nombre significatif de demandeurs d'emploi non qualifiés dans notre pays.

Face aux difficultés de recrutement de saisonniers sur le territoire français, certains exploitants arboricoles font appel à de la main-d'oeuvre étrangère saisonnière, principalement en provenance de Pologne, du Maroc et de la Tunisie, par le biais d'une procédure gérée par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM. Dans ce cadre, les producteurs doivent s'acquitter d'une redevance forfaitaire auprès de l'agence, mais variable en fonction du contrat du salarié : de 158 euros pour un contrat de moins de deux mois à 473 euros pour un contrat de six à huit mois.

Cette situation est tout à fait étonnante quand on en connaît les effets médiatiques quant à l'emploi des personnes non qualifiées.

Compte tenu de la pénurie de main-d'oeuvre saisonnière locale en France malgré les efforts de l'ANPE, ainsi que du coût non négligeable de la redevance pour les exploitants en difficulté économique, la libre circulation des travailleurs en provenance des pays de l'Est a été demandée lors des négociations relatives au volet emploi du plan stratégique « fruits », pour que les arboriculteurs n'aient plus l'obligation de passer par la procédure d'introduction gérée par l'ANAEM.

Ne pouvant s'engager sur la libre circulation des travailleurs en provenance des PECO, le ministre de l'agriculture a proposé un allégement de la redevance ANAEM de 50 % du montant de la redevance pour les saisonniers en provenance des nouveaux États membres. Cette proposition figure dans le plan arboricole annoncé en mars dernier.

Dernièrement, lors d'un déplacement en Corrèze, il a renouvelé son engagement, qui, à ce jour, n'a pas été suivi d'effets. Je souhaiterais donc aujourd'hui que me soient précisés les mesures envisagées et le calendrier de mise en place de cette proposition d'allégement de la redevance ANAEM pour les arboriculteurs.

Je saisis l'opportunité qui m'est offerte de m'exprimer sur cette question afin d'attirer votre attention sur le projet de réforme de l'organisation commune du marché, OCM, des fruits et légumes adopté il y a quelques jours par la Commission européenne.

Si nous pouvons nous féliciter de la préservation d'une OCM spécifique à la filière fruits et légumes et des objectifs affichés de renforcement de l'organisation de la production, le contenu du projet inquiète au plus au point : découplage des aides pour les filières de fruits et légumes transformés, outil de gestion de crise réservés aux seuls producteurs organisés, absence d'un volet de « préférence communautaire ».

Les exploitants parlent « d'une copie à revoir ». Quant au ministre de l'agriculture, il a lui-même indiqué que la proposition de la Commission manquait totalement d'ambition et était, sur certains aspects, contestable. Je vous demande donc ce que le Gouvernement compte faire pour que cette proposition soit modifiée et améliorée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Dominique Bussereau, qui est actuellement en entretien avec le Président de l'Azerbaïdjan.

Les producteurs de fruits et légumes, plus particulièrement les arboriculteurs, emploient un nombre important de salariés pour mener à bien les différents travaux saisonniers dans leurs exploitations, contribuant ainsi à maintenir l'activité dans les territoires ruraux. Le marché local du travail ne peut, à lui seul, répondre aux besoins de main-d'oeuvre de ces secteurs.

C'est pourquoi le ministère de l'agriculture et de la pêche se mobilise avec les professionnels pour apporter des réponses à leurs difficultés de recrutement.

Ainsi le ministère de l'agriculture et de la pêche a-t-il ouvert, à l'occasion du dernier salon international de l'agriculture, en partenariat avec l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, l'Association pour l'emploi des cadres, ingénieurs et techniciens de l'agriculture et de l'agroalimentaire, l'APECITA, et l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture, l'ANEFA, un site Internet offrant à tous les employeurs des secteurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et des services en milieu rural, la possibilité de publier gratuitement leurs offres d'emploi.

Dans l'optique de mutualiser l'emploi entre les différents secteurs économiques présents sur un territoire, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est également attaché à promouvoir la création de groupements d'employeurs multisectoriels grâce à des allégements spécifiques pour toute embauche en contrat à durée déterminée ou en contrat à durée indéterminée réalisée entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007 ; c'est l'article 27 de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

Le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est attaché à faire prendre en compte les spécificités du monde rural dans le processus d'ouverture progressive du marché du travail aux salariés des nouveaux États membres de l'Union européenne. Depuis le 1er mai 2006, la situation de l'emploi n'est plus opposée aux demandes d'introduction de travailleurs originaires de ces pays dans de nombreuses activités agricoles.

Sont concernés les métiers de maraîcher horticulteur saisonnier, d'arboriculteur viticulteur saisonnier ou encore d'aide saisonnier agricole.

Concernant la redevance due à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, en cas de recours à la main-d'oeuvre saisonnière originaire des nouveaux États membres, son montant doit être apprécié au regard des prestations rendues par l'agence aux employeurs agricoles. Si la demande de réduction de la redevance n'a pu être retenue dans l'immédiat, elle pourrait être réexaminée en fonction des résultats de l'ouverture progressive et maîtrisée du marché du travail aux ressortissants des nouveaux États membres et en tenant compte de l'objectif de compétitivité des producteurs français de fruits et légumes.

S'agissant du projet de réforme des « Organisations communes de marchés fruits et légumes frais et transformés » que la Commission européenne vient de faire connaître, sachez, monsieur le sénateur, qu'en l'état la proposition de la Commission n'est ni acceptable ni satisfaisante pour la France.

En effet, les outils de gestion de crise proposés ne sont pas de nature à répondre à l'ampleur et à la diversité des crises conjoncturelles auxquelles la filière des fruits et légumes est, par nature, régulièrement confrontée. La Commission n'apporte ni les moyens juridiques, ni, surtout, les moyens financiers nécessaires à la prévention et à la gestion des crises. Il est, en particulier, absolument indispensable que les mesures proposées soient opérationnelles et impliquent tous les producteurs, organisés et indépendants, d'une filière en crise.

De même, l'attractivité des organisations de producteurs doit être renforcée. Ces dernières doivent pouvoir programmer des actions dans le cadre de leur fonds opérationnel pour une part majorée de la valeur de leur production commercialisée.

Un très gros travail reste donc nécessaire pour modifier et améliorer cette proposition. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que la France y apportera sa contribution pour aboutir à des améliorations notables donnant ainsi aux filières fruits et légumes de réelles perspectives de développement, dans un environnement économique stabilisé.

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je vous rappelle que les fruits et légumes font partie du plan nutrition-santé. Nous connaissons tous l'aspect bénéfique de la consommation des fruits et légumes sur la nutrition, en particulier sur des maladies comme le cancer. Au-delà du problème purement agricole, le volet santé mérite d'être pris en compte.

J'ai bien compris que vous alliez réexaminer ce problème et je vous en remercie. Pour votre information, je vous indiquerai que vingt saisonniers polonais employés en Corrèze pendant quatre à six mois coûtent à l'exploitant 6 720 euros. Il faut quand même le savoir, c'est du concret ! Cela ne peut plus durer plus longtemps ! Le réexamen que vous annoncez est tout à fait positif.

Quant à votre position et à celle du Gouvernement vis-à-vis de l'OCM, je n'en attendais pas moins du ministre de l'agriculture et du Gouvernement. Il faut absolument que la France fasse entendre sa voix haut et fort dans ce concert européen où l'agriculture devient une variable d'ajustement politique, ce qui est inacceptable au regard de la tradition française et de ce que représente l'agriculture dans l'économie de notre pays.

Financement des transferts de compétences aux collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 1204, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, la fin de l'année 2006 aura été particulièrement riche dans la production de rapports consacrés aux collectivités territoriales : celui qui est présenté par un membre du Conseil économique et social, CES, M. Philippe Valletoux, qui formule des propositions visant à améliorer le système de financement des collectivités, le rapport de M. Pierre Richard sur le thème des dépenses locales et, enfin, celui qui fait l'objet de la question d'aujourd'hui, le rapport d'information présenté par nos collègues députés Marc Laffineur et Augustin Bonrepaux, mesurant les conséquences des transferts de compétences sur les disparités entre collectivités territoriales. C'est bien cette aggravation des disparités qui fait aujourd'hui l'objet de ma question.

J'observe que ce rapport a été cosigné par deux parlementaires issus des rangs de la majorité et de l'opposition, ce qui me semble lui donner plus de force.

Au-delà du bilan financier des transferts de compétences, les rapporteurs affirment que, si ces transferts ont entraîné une augmentation des dépenses des collectivités territoriales - ce qui n'est pas anormal - ils ont également contribué à accroître les disparités entre collectivités, qui se sont aggravées depuis 2004.

Il est précisé dans ce rapport que les handicaps se cumulent et que plusieurs départements ou régions tendent à être perdants sur plusieurs transferts à la fois, en dépit de l'équilibre global à l'échelle du pays. Ce sont bien évidemment ceux qui ont à faire face aux dépenses sociales les plus importantes.

Les départements dont la population est peu importante voient, du fait de leur faiblesse économique, la fraction de leur jeunesse la mieux formée abandonner leur terroir pour s'installer sur les lieux de leur formation, villes universitaires ou grandes villes.

Dans ces départements, le pourcentage de chômage n'est pas plus élevé qu'ailleurs puisque ces jeunes ne sont pas pris en compte dans les statistiques locales.

On est en présence d'un effet de ciseau non négligeable entre les jeunes qui quittent leur terroir et les retraités qui y reviennent, ce qui risque d'aggraver dans les années à venir les difficultés de ces départements, qui financent les mesures sociales.

Il s'agit là, incontestablement, du principal échec de la décentralisation : faute de solidarité réelle entre territoires, les plus forts se renforcent et les plus faibles continuent de s'affaiblir.

Le rapport de nos collègues députés, en soulevant le problème des inégalités, pose, à juste titre, celui de la péréquation : la seconde est supposée corriger les premières mais nous savons bien que cela n'est pas, présentement, le cas.

Afin de remédier à la situation actuelle, ils estiment que la poursuite de l'acte II de la décentralisation suppose la création d'un ou plusieurs nouveaux outils de péréquation entre les ressources dont disposent les collectivités, par exemple, un mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux, qui sont, il est vrai, très inégalement répartis entre territoires alors qu'ils progressent en France de façon très importante : plus 800 millions d'euros entre 2004 et 2005. Chacun le sait bien, ces recettes sont bien plus abondantes en Île-de-France ou en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur qu'en Lorraine, compte tenu de la flambée des prix de l'immobilier.

Je précise, à cet égard, que ces droits ont rapporté 49,2 euros par habitant au département de la Meuse en 2005, soit 14 fois moins que pour le département des Yvelines, qui a perçu, de son côté, 684 euros par habitant.

S'agissant du produit global de ces droits, il s'élevait, la même année, à 9,45 millions d'euros pour la Meuse contre 327 millions d'euros pour les Hauts-de-Seine : 34 fois plus, c'est énorme !

J'ajoute que, dans un département comme le mien, nous entretenons 16 mètres linéaires de voirie par habitant, alors que la moyenne en France est de 6 mètres.

En matière de santé, compte tenu des trajets et des impératifs horaires, nous avons besoin, pour intervenir rapidement, d'une ambulance pour 4 800 habitants alors que la moyenne en France est de 9 500.

Je serais heureux que le Gouvernement réserve une suite favorable aux conclusions de ce rapport. Je souhaite qu'au-delà des droits de mutation qui peuvent ne pas être des recettes pérennes, une réflexion s'engage également sur une plus grande péréquation dans la répartition de la dotation globale de financement, DGF, dont le moins que l'on puisse dire est que celle-ci comporte encore de trop nombreuses injustices.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la question de la compensation financière des transferts de compétences donne lieu depuis de nombreux mois à maints débats tant sur le montant de la compensation accordée par l'État que sur l'apparition potentielle de nouvelles inégalités entre les territoires. Cette situation impose d'apporter les clarifications nécessaires. Trois points méritent d'être signalés.

Premièrement, les transferts de compétences effectués au profit des collectivités locales ont fait l'objet d'une compensation financière intégrale.

Le Gouvernement est même allé au-delà de ses obligations législatives et constitutionnelles. En effet, il a accepté pour certains transferts - et lorsque cela était plus favorable aux collectivités - de calculer le droit à compensation, non pas conformément à la loi, c'est-à-dire sur la moyenne des trois années, mais au regard des dépenses réalisées par l'État au cours de la dernière année précédant le transfert.

Au total, l'effort supplémentaire ainsi consenti par l'État s'élève à 157,7 millions d'euros.

S'agissant du RMI, l'État a transféré avec exactitude le montant correspondant à ses propres dépenses de l'année 2003, soit près de 5 milliards d'euros. Mais, conscient des difficultés et des interrogations des collectivités locales, notamment des conseils généraux, il est allé plus loin puisqu'il a dégagé 457 millions d'euros au titre des dépenses de RMI de 2004 et doté le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion de 1,5 milliard d'euros, tout cela venant s'ajouter au droit à compensation.

Au total, il me paraît important de noter que la dépense des départements au titre du RMI pour l'année 2005 sera compensée à hauteur de 93,5 %. On ne peut donc accuser l'« acte II » de la décentralisation de toutes les difficultés rencontrées par certaines collectivités.

Cela me conduit à aborder un second point, en effet très important, celui de la péréquation, qui a d'ailleurs été une priorité pendant toute cette législature.

La révision de la Constitution en mars 2003 a ainsi consacré le principe de la péréquation, puis la loi du 18 janvier 2005 a prévu de consacrer chaque année, de 2005 à 2009, 120 millions d'euros supplémentaires au titre de la dotation de solidarité urbaine. Enfin, les lois de finances pour 2004 et pour 2005 ont simplifié l'architecture des dotations de l'État.

Les départements les plus pauvres ont, comme vous le savez, bénéficié de ce mouvement de solidarité puisque de 2004, année de référence puisque c'est celle de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, à 2006, la dotation de péréquation urbaine est passée de 9,79 euros par habitant à 11,81 euros, ce qui représente tout de même une augmentation de 21 %.

Pour les départements ruraux, la dotation de fonctionnement minimale par habitant a augmenté - M. Jean Boyer ne me contredira pas - de 32 %, passant de 17,93 euros à 23,59 euros.

La question de bon sens qui est posée est en réalité la suivante : faut-il faire encore plus et, surtout, faut-il prévoir un fonds de péréquation alimenté par les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, qui constituent la recette dynamique des conseils généraux ?

Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale que vous citez préconise la mise en place d'un « mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux », ce qui m'amène à faire trois observations.

Première observation, la commission suggère non pas la création d'une taxe additionnelle mais un écrêtement dans les départements les plus riches. Cette proposition est donc sage du point de vue des prélèvements obligatoires, mais serait assez difficile à mettre en oeuvre pour les départements. On sait que tous les dispositifs de péréquation horizontale sont difficiles à créer et plus encore à faire vivre : à l'exception du FSRIF, le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, tous ceux qui ont été créés dans le passé ont été finalement supprimés.

Deuxième observation, et c'est un phénomène nouveau que vous êtes nombreux au sein de la Haute Assemblée à connaître, l'impact de l'évolution des prix de l'immobilier a été visible dans la plupart des départements français, alors qu'auparavant c'était essentiellement l'Île-de-France qui était concernée. L'évolution des DMTO département par département fait ainsi apparaître une évolution moyenne de l'ordre de 75 % depuis 2002, évolution donc assez lourde dont bénéficient, avec des pointes encore plus importantes dans certains d'entre eux, la quasi-totalité des départements. De ce fait, la péréquation du produit des DMTO est moins nécessaire.

Troisième observation, cette proposition n'a pas été vraiment expertisée à ce stade. La commission elle-même n'a pas été très précise dans ses intentions. Quel devrait être le niveau de gestion, national, régional ou interdépartemental, du fonds ? Quelles seraient ses règles de répartition ? En outre, si les critères pour déterminer quels départements peuvent être dits riches sont assez aisés à établir, ils mériteraient sans doute d'être affinés.

Si une réflexion est menée sur ce sujet, elle devra donc être particulièrement concertée.

Je conclurai en signalant que la réforme de la DGF entreprise en 2004 n'a pas fini de produire ses effets péréquateurs. La DGF pour 2007 n'a pas encore été répartie par le comité des finances locales. Mais, cette année encore, l'effort en faveur de la péréquation ne devrait pas se démentir, grâce notamment à la reconduction, que nous avons eu l'occasion d'évoquer dans le débat sur la loi de finances, du contrat de croissance et de solidarité ainsi qu'au maintien à hauteur de 2,5 % de l'indexation de la DGF.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions qu'il me semblait utile de vous apporter.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'apportez. Vous confirmez que les réflexions sont bien engagées au niveau du Gouvernement et nous nous en félicitons. Toutefois, si nous insistons régulièrement sur ce thème, c'est bien parce que les « petits » départements sont aujourd'hui confrontés à des difficultés grandissantes. Je vous ai entendu évoquer ces difficultés et je crois que nous sommes sur une bonne voie.

Pour la gestion du fonds et pour la mise en oeuvre de la péréquation, je me permettrai de dire que le meilleur échelon me paraît devoir être l'échelon national, car, à l'échelon départemental ou régional, nous savons bien, les uns et les autres, ce à quoi nous nous exposons.

La dotation de solidarité urbaine a connu des augmentations beaucoup plus importantes en pourcentage que la dotation de solidarité rurale, raison pour laquelle nous regrettons parfois que le fossé ait tendance à se creuser entre zones rurales et zones urbaines. Nous espérons donc que les mesures que vous préconisez porteront leurs fruits.