Article 27
Le 5° de l'article L. 5311-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« 5° Pour la mise en oeuvre des 1° à 4°, demande, à des fins d'analyse et pour des raisons justifiées, la transmission à titre gratuit d'échantillons de produits et objets mentionnés à l'article L. 5311-1. » - (Adopté.)
Article additionnel avant l'article 28
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa (4°) de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«... Établir et mettre en oeuvre des procédures de vérification et de contrôle des déclarations des experts collaborant aux travaux des agences, faire des propositions en vue d'élaborer un statut de l'expert, élaborer et diffuser des recommandations en matière de déontologie de l'expertise ».
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement porte sur le statut de l'expert et sur la nécessité d'assurer l'indépendance de l'expertise, ce qui constitue un sujet de préoccupation concernant l'ensemble des agences sanitaires, en France comme à l'étranger. Cette indépendance est en effet la garantie de la qualité et de la neutralité des évaluations.
En France, monsieur le ministre, cette question se pose de manière encore plus aiguë, puisque l'on a fait le choix, dans le domaine du médicament, de recourir massivement à des experts extérieurs, qui, parallèlement, collaborent souvent avec des entreprises pharmaceutiques. D'autres pays ont fait un choix inverse, notamment les États-Unis, où la Food and Drug Administration travaille beaucoup plus avec des experts internes. Sur ce point au moins, nous ferions bien de nous inspirer du modèle américain.
L'année dernière, la mission sénatoriale d'information s'était fait l'écho de notre préoccupation, alors que le monde pharmaceutique était secoué par la crise du Vioxx. Pour attester l'indépendance de l'expertise, notre système repose classiquement, depuis 1998, sur un mécanisme de déclarations publiques d'intérêt que doivent produire et réactualiser les experts ayant à travailler au sein des commissions de l'AFSSAPS.
C'est à partir de ces déclarations que les experts seront ou non sélectionnés pour évaluer les dossiers, en application du principe selon lequel on ne peut évaluer des médicaments issus de firmes avec lesquelles on a un lien direct ou indirect.
Lorsque la mission d'information a eu à se pencher sur la question de l'indépendance des experts, elle a pu constater qu'au sein de l'AFSSAPS les déclarations étaient souvent incomplètes, non réactualisées, voire non communiquées ; au demeurant, le même constat peut être fait pour les membres de la commission de la transparence. On estime ainsi à 12 % la proportion d'experts qui sont en contravention avec l'obligation de déclaration. Or, que je sache, ceux-ci continuent à collaborer à l'AFSSAPS.
L'article 28 du projet de loi apporte de ce point de vue une première amélioration, en prévoyant une réactualisation chaque année, et non plus au bon vouloir de l'expert, de la déclaration d'intérêt. Cela constitue incontestablement un progrès.
Néanmoins, cette avancée ne résoudra pas l'ensemble des problèmes, dans la mesure où il n'existe ni véritable contrôle sur le contenu des déclarations ni sanction en cas de fausse déclaration. De plus, les conséquences induites par ces déclarations, elles ne sont pas toujours tirées : un rapport commun de l'inspection générale des finances et de l'IGAS avait ainsi conclu, en 2002, que « les déclarations d'intérêt existantes ne sont pas toujours exploitées pour détecter les éventuels conflits d'intérêts ».
Des expériences ont été menées pour améliorer le système, avec la création d'une cellule de veille déontologique, dirigée par un magistrat, au sein de l'AFSSAPS. Mais cette cellule a été, en 2003, rattachée au service du personnel. Quant au groupe de référence sur l'indépendance de l'expertise, il donne seulement un avis à partir des informations fournies par les experts, sans exercer de véritable contrôle de l'exhaustivité de ces déclarations.
Au vu de cette situation, et suivant en cela les suggestions contenues dans les rapports de M. Lionel Benaiche, d'août 2004, et de notre collègue Claude Saunier, de février 2005, la mission sénatoriale d'information sur le médicament a pu recommander la mise en place d'une instance indépendante de contrôle de l'expertise.
Afin de concrétiser cette recommandation, nous présentons cet amendement, dont l'objet est double : d'une part, permettre l'exercice effectif d'un contrôle sur les déclarations des experts et, d'autre part, favoriser la mise en place d'un statut de l'expert, ce qui pourrait passer par la rédaction d'une charte de déontologie de l'expertise.
Plutôt que d'instituer une nouvelle structure dans une architecture déjà foisonnante, nous proposons de confier cette mission à la Haute autorité de santé - certes, monsieur le ministre, vous ne voulez pas qu'on y touche, mais nous osons tout de même ce sacrilège ! -, qui a déjà un rôle de diffusion de bonnes pratiques. Une des réticences face à la création d'un organe tiers de contrôle serait ainsi levée.
En conséquence, les déclarations d'intérêt des experts de l'AFSSAPS, comme celles des membres de la commission de la transparence, seraient communiquées à la Haute Autorité de santé par le président de l'Agence. Cela fera l'objet de notre amendement suivant.
En termes d'expertise du médicament, nous aurions ainsi gagné en crédibilité, conformément au souhait partagé par tous ceux qui s'intéressent aux conditions de mise sur le marché et de suivi du médicament.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Il est vrai que les membres de la mission sénatoriale sur le médicament, que j'ai eu l'honneur de présider, ont exprimé le souhait de voir défini, un jour un statut de l'expert. Pour autant, il semble difficile de confier ce rôle à la Haute autorité de santé, car cette mission n'est pas de son ressort.
M. François Autain. Un jour, peut-être ! Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ! Ce n'est pas urgent !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Vous avez peut-être raison, monsieur Autain, mais la transposition de la directive ne me paraît pas être le cadre approprié pour procéder à cette définition. Il faut effectivement y réfléchir, mais il n'est aucunement indiqué que la Haute autorité de santé doit délibérer « sans délai » ! Celle-ci a donc tout le temps de procéder à l'élaboration de ce statut de l'expert.
Par conséquent, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. La question du statut de l'expert n'est certes pas des plus faciles à traiter. Mes services travaillent actuellement sur ce sujet et se tiennent à votre entière disposition, monsieur Autain, pour vous faire part de l'état d'avancement de nos réflexions en la matière.
Par ailleurs, vous avez dit que la mission sénatoriale d'information sur le médicament avait conclu à la nécessité de définir, un jour, le statut de l'expert.
M. François Autain. Je n'ai pas dit : « un jour » ! C'est le rapporteur qui a dit cela !
M. Xavier Bertrand, ministre. À l'époque, vous n'aviez pas indiqué qu'il fallait le faire « sans délai ». Cette notion de « sans délai » est apparue très récemment ! (Sourires.) Il n'y a pas de jurisprudence antérieure !
La Haute autorité de santé ne dispose ni du profil ni des missions d'un organe de contrôle. J'émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Vous reconnaissez, monsieur le ministre, qu'il s'agit là d'un véritable problème et que celui-ci n'est pas simple à régler. Cependant, vous refusez ma proposition, sans avancer pour autant de solution de rechange. Vous vous contentez de dire qu'il faudra peut-être, un jour, régler cette question.
M. François Autain. La mission sénatoriale d'information sur le médicament avait proposé la création d'une structure indépendante.
Pour ma part, ne souhaitant pas compliquer davantage un paysage institutionnel déjà très touffu, j'avais avancé l'idée de confier cette mission de contrôle à une institution existante, la Haute autorité de santé.
En effet, si nous parvenions à fusionner un certain nombre de structures existantes, qui sont, pour la plupart, redondantes et créent une situation de confusion, alors, il serait possible de créer une structure indépendante de contrôle de l'expertise. Mais, étant donné la situation actuelle, et afin de ne pas ajouter un degré supplémentaire de complexité, j'avais pensé que la HAS pourrait assumer, provisoirement, cette fonction.
Si vous ne souhaitez pas que la HAS effectue une mission de contrôle, peut-être pourrait-on, à tout le moins, lui confier une mission d'élaboration du statut de l'expert ou d'une charte de l'expertise, en différant la création d'une institution ad hoc, ou rattachée à une autre structure qui serait chargée de ce contrôle.
Mais vous comprendrez que je ne peux pas me satisfaire de la réponse de M. le rapporteur, qui revient à dire qu'il faudra, un jour, régler cette question.
La mission sénatoriale n'a pas été la première à mettre l'accent sur ce problème puisque celui-ci avait été soulevé, auparavant, dans trois rapports : le rapport au Premier ministre de Philippe Kourilsky et de Geneviève Viney sur le principe de précaution, publié en 2000, celui de Lionel Benaiche et celui de M. Saunier. Tous concluaient sur la nécessité de créer une structure autonome, afin de garantir l'indépendance de l'expertise.
Or, non seulement vous ne répondez pas à cette question, mais vous ne faites rien. Je dois donc constater, et j'en suis désolé, que la situation de l'expertise vous laisse pratiquement indifférent.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 28
Le septième alinéa de l'article L. 5323-4 du code de la santé publique, est ainsi rédigé :
« Les personnes mentionnées aux articles L. 5323-1, L. 5323-2 et L. 5323-3, ainsi que les personnes mentionnées aux deux alinéas précédents, adressent au directeur général, à l'occasion de leur nomination ou de leur entrée en fonctions, puis annuellement, une déclaration mentionnant leurs liens, directs ou indirects, avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence de l'agence, ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les secteurs correspondants. Cette déclaration est actualisée à leur initiative dès qu'une modification intervient concernant ces liens ou que de nouveaux liens sont noués. La déclaration adressée par les personnes mentionnées aux deux alinéas précédents est rendue publique. »
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
La déclaration et ses modifications sont communiquées à la Haute autorité de santé, aux fins de vérifications et de contrôle.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise, conformément aux recommandations de la mission sénatoriale d'information sur le médicament, à mettre en place un contrôle indépendant de l'expertise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 28.
(L'article 28 est adopté.)
Article 28 bis
L'article L. 1114-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises fabriquant et commercialisant des produits mentionnés dans la cinquième partie du présent code doivent rendre publics la liste des associations et le montant des aides financières qu'elles leur versent, selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'État. »
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Barbier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après les mots :
liste des associations
insérer les mots :
de patients
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis défavorable à cet amendement. En effet, pourquoi ne viser ici que les associations de patients ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La question est de savoir dans quelles conditions et pour quel montant des laboratoires peuvent aider telle ou telle association de patients.
Il est sans intérêt, c'est évident, de savoir si ces laboratoires ont soutenu, par exemple, l'association des pompiers de leur commune. (Sourires.) En revanche, ce que nous cherchons à connaître, en déposant cet amendement, ce sont les liens qui existent entre les laboratoires et les associations de patients. Nous ne voulons pas laisser subsister dans le texte une telle imprécision.
M. le président. La parole est à M. le ministre ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je dois dire que je me suis laissé convaincre, même si j'avais eu, à l'Assemblée nationale, une longue discussion avec M. Yves Bur sur ce sujet, discussion dont est issue la rédaction qui vous est soumise.
Il ne me paraissait pas utile, initialement, de préciser que cette disposition visait les « associations de patients ». Mais les arguments de Nicolas About m'ont convaincu et j'émets un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, remplacer le mot :
financières
par les mots :
de toute nature
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Les aides fournies par les entreprises pharmaceutiques aux associations de patients peuvent revêtir, dans des proportions non négligeables, une autre forme que financière stricto sensu : ainsi de la mise à disposition de locaux à titre gracieux. Pour éviter tout détournement à cet égard, il convient de viser les aides « de toute nature ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 28 bis, modifié.
(L'article 28 bis est adopté.)
Article 28 ter
I. - Le premier alinéa de l'article L. 4211-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Les officines de pharmacie et les pharmacies à usage intérieur sont tenues de collecter gratuitement les médicaments à usage humain non utilisés apportés par les particuliers qui les détiennent. »
II. - À compter d'une date fixée par décret et au plus tard dix-huit mois après la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Toute distribution et toute mise à disposition des médicaments ainsi collectés sont interdites. Ces médicaments sont détruits dans des conditions sécurisées. »
III. - Le troisième alinéa du même article est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d'État précise :
« - les conditions de la collecte des médicaments inutilisés mentionnée au premier alinéa ;
« - les conditions de la destruction des médicaments mentionnée au deuxième alinéa, et notamment les conditions de financement de cette destruction ;
« - les conditions de mise à disposition des médicaments inutilisés aux populations démunies par les organismes à but non lucratif mentionnée au deuxième alinéa. »
IV. - Le cinquième alinéa du même article, tel que résultant du III, est supprimé à compter de la date d'entrée en vigueur du deuxième alinéa de l'article L. 4211-2 du code de la santé publique prévue au II du présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 rectifié bis est présenté par M. Lardeux, Mmes Sittler et B. Dupont, MM. Texier, Etienne, Seillier, Vinçon et Baudot, Mmes Hummel, Mélot, Procaccia et Papon, MM. Doublet, Houel, Milon, Puech, Murat, Esneu et Dulait.
L'amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. Michel et Godefroy, Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Lardeux, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié bis.
M. André Lardeux. Cet article 28 ter soulève un des problèmes majeurs de notre société occidentale : le gaspillage. Nous sommes, en France les champions du monde de la consommation de médicaments,...
M. François Autain. C'est vrai !
M. André Lardeux.... et, aussi, du gaspillage de ces mêmes médicaments.
Monsieur le ministre, je connais votre point de vue sur ce sujet, car vous l'avez exprimé fort clairement dans votre propos liminaire, lors de la discussion générale de ce texte. Toutefois, le tableau apocalyptique que vous avez brossé ne m'a pas totalement convaincu. En effet, si la situation décrite par un certain nombre d'organismes, dont je ne mets en doute ni la compétence ni la bonne foi, était aussi grave que vous le dites, nous serions alors très en retard pour réagir à ce problème.
Je ne nie pas qu'il existe des dérives, mais elles sont dues aux dysfonctionnements de la distribution de l'aide publique à travers le monde, qui, chacun le sait, est loin d'être parfaite. Dénoncer cette situation revient à faire le procès des dérives des grandes associations, qui ont parfois bien des difficultés à faire face à leurs obligations et à maîtriser leur évolution.
En revanche, il ne faut pas passer par pertes et profits l'action des associations, tout à fait sérieuses, qui travaillent sans rencontrer de problèmes. Ainsi, dans mon département, de petites associations, de petites ONG apportent, depuis de nombreuses années, des aides ponctuelles à un village, à une association ou à un groupe d'habitants de tel ou tel pays, sans connaître de difficultés et sans commettre d'abus. Tout le problème, pour ces associations, est d'avoir, sur place, des interlocuteurs fiables, sur lesquels elles peuvent compter.
Nous nous souvenons évidemment du tsunami et, plus près de nous, de la crise libanaise. Chacun sait qu'une bonne partie de l'aide publique envoyée au Liban a pourri sur le port de Beyrouth ou a été détournée à des fins plus ou moins honnêtes.
Avant de frapper aussi fort que vous le faites avec cet article 28 ter, peut-être aurait-il fallu, d'abord, effectuer un travail d'information afin d'avertir nos concitoyens.
En effet, si cet article est voté en l'état, nous serons amenés à payer trois fois.
La sécurité sociale, tout d'abord, paie déjà dans la mesure où elle rembourse la plupart de ces médicaments non utilisés.
Nous allons, ensuite, payer pour les détruire. En effet, l'espoir que certains de ces médicaments soient réutilisés pouvait inciter de nombreuses personnes à ramener leurs médicaments dans les pharmacies. Or, si les usagers ne sont plus incités à faire cette démarche, celle-ci disparaîtra totalement et ces médicaments finiront directement à la poubelle, c'est-à-dire dans nos décharges ou dans nos incinérateurs.
Nous paierons, enfin, une troisième fois, car si les associations ne peuvent plus recueillir gratuitement de médicaments, elles se tourneront vers les collectivités, essentiellement les collectivités locales, pour obtenir des subventions leur permettant de poursuivre leur action.
Par ailleurs, le texte existant, pour imparfait qu'il soit, vous permettait, monsieur le ministre, d'agir et de fixer un cadre réglementaire suffisamment contraignant pour éviter les dérives observées ici ou là.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié.
M. Jean-Pierre Michel. Nous partageons les inquiétudes de M. Lardeux. Nous avons eu, au sein de la commission, un débat assez long sur ce sujet et les opinions étaient très diverses. Pour ma part, j'ai d'abord oscillé de l'une à l'autre.
J'entends par avance les arguments que développera M. le rapporteur : je ne le les déflorerai pas. Je sais bien également ce que vont nous dire nos collègues du groupe CRC.
Quoi qu'il en soit, la mesure qui nous est aujourd'hui proposée est une mesure radicale. Elle tend à mettre fin tout de suite...
M. Jean-Pierre Michel.... à une pratique qui présente un double avantage.
D'une part, elle incite un certain nombre de nos concitoyens à rendre aux pharmacies les médicaments qu'ils ne prennent plus en pensant qu'ils serviront à d'autres, au lieu de les détruire eux-mêmes dans des conditions que l'on imagine.
D'autre part, elle permet de répondre pour une part aux besoins en médicaments de pays qui en manquent cruellement, puisqu'un certain pourcentage, sans doute faible, mais réel, des médicaments rendus aux pharmaciens est acheminé par des ONG vers ces pays.
On nous dit que, dans certains pays, des médicaments inappropriés ont été envoyés,...
M. Jean-Pierre Michel.... qu'ils n'étaient pas utiles contre les maladies contractées dans ces pays, que l'on en a trouvé dans des décharges, en Indonésie ou ailleurs.
M. Jean-Pierre Michel. Tout cela est certainement exact, mais ne justifie pas, à mon sens, une mesure aussi radicale que celle que contient cet article.
C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé cet amendement, que je défends avec une conviction qui ne cesse de s'affermir.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du II de cet article :
À compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L'article L. 541-10 du code de l'environnement pose le principe d'une responsabilité élargie du producteur, décliné selon le principe du pollueur-payeur.
Le décret du 1er avril 1992 fait application de ce principe. Selon ce décret, « il peut être fait obligation aux producteurs de pourvoir ou de contribuer à l'élimination des déchets ».
Les laboratoires pharmaceutiques, plutôt que de contribuer à la récupération et au traitement des emballages en finançant des sociétés agréées telles que Adelphe ou Eco-Emballage, ont préféré mettre en place un dispositif original, Cyclamed, qui allait plus loin que leur obligation réglementaire puisqu'il s'étendait à la collecte même des médicaments non utilisés.
Or l'enquête de l'IGAS sur le dispositif de recyclage des médicaments, publiée en janvier 2005, démontre bien que cet ingénieux système, en toute légalité, permettait aux laboratoires pharmaceutiques de faire des économies tout en menant des actions de promotion intense : c'est un comble !
Pis encore, la création intéressée de Cyclamed par les laboratoires pharmaceutiques s'est révélée être une véritable catastrophe.
En effet, les médicaments collectés sont essentiellement inadaptés aux pathologies des patients à qui ils sont en principe destinés : il s'agit de psychotropes, de substances permettant de traiter les problèmes de surcharge pondérale. Ils sont souvent périmés ou dégradés, au point de devenir dangereux.
Il est stupéfiant de voir comment les industriels du médicament ont transformé une action parfaitement désintéressée, aux mobiles nobles, fondée sur des valeurs de solidarité, en une opération qui aboutit à un objectif exactement inverse.
Il est de l'intérêt public que cesse enfin cette supercherie, cette véritable escroquerie, qui n'a que trop duré.
D'autres solutions sont possibles, plus efficaces et moins onéreuses. Elles passent notamment par l'aide à l'approvisionnement en médicaments génériques, dans le respect des circuits de distribution du médicament.
Aujourd'hui, la France reste l'un des rares pays au monde à déverser sur les pays les plus pauvres ses médicaments non utilisés. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de constater que les professionnels de santé des pays auxquels la France vient en aide la supplient de cesser de le faire.
M. le président. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Etienne, Lardeux, Alduy, Cléach, Cointat, Doligé, Doublet et Dulait, Mme B. Dupont, MM. Esneu, Fournier, Hérisson et Houel, Mme Hummel, MM. Huré, Juilhard, Laufoaulu, Lecerf, Lesbros et Martin, Mme Mélot, M. Milon, Mme Papon, M. Pierre, Mme Procaccia, MM. Revet et Richert, Mme Rozier, M. Seillier, Mme Sittler, MM. Texier et Trucy, est ainsi libellé :
Après les mots :
mise à disposition des médicaments
rédiger comme suit la fin du second alinéa du II de cet article :
collectés devront répondre à des modalités nouvelles arrêtées en concertation avec les partenaires impliqués
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Je défendrai cet amendement dont notre collègue Jean-Claude Etienne, qui en a pris l'initiative mais ne peut être parmi nous pour des raisons de santé. Toutefois, le ton vif et ironique de son argumentaire, dont je vais vous donner connaissance, donne à penser qu'il va beaucoup mieux.
L'article proposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale se veut une réponse aux insuffisances connues dans la redistribution des médicaments non utilisés.
Or, proposer la destruction de médicaments comme solution à leur mauvaise distribution, c'est traiter le mal par le pire, c'est supprimer la question pour ne pas avoir à y répondre !
Comme le proposent nombre des courriers qui nous sont parvenus, il s'agit d'organiser un encadrement plus rigoureux et plus transparent de la distribution, pour limiter au maximum les pertes d'efficacité dans le système de collecte et de distribution.
M. André Lardeux. Il serait en effet choquant qu'on en arrive à détruire des médicaments non utilisés, quand ceux-ci pourraient aider des malades qui, sans eux, seraient laissés pour compte.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. André Lardeux. Supprimer le dispositif existant sans chercher à l'améliorer sous prétexte qu'il ne sauve que quelques vies humaines de par le monde, alors qu'il pourrait en sauver bien davantage, c'est un gâchis où l'irrationnel se conjugue avec le manque de coeur et de solidarité vis-à-vis des plus démunis.
Notre pays se grandirait à rechercher des solutions pour améliorer ce qui existe, plutôt qu'à vouloir supprimer l'objet même de la question en affichant son incapacité à y répondre.
À l'heure où nous recyclons jusqu'au moindre morceau de verre, de plastique et de papier, pourquoi devrions-nous jeter tant de médicaments qui, aujourd'hui déjà, aident certains malades et demain, grâce à nous, pourraient en aider beaucoup plus encore ?
Dans ce domaine, les réseaux et les institutions de bonne volonté ne manquent pas. Il ne faudrait pas que la volonté du Gouvernement vienne à manquer.
M. André Lardeux. Le travail sur de nouvelles modalités devra se dérouler en concertation avec les partenaires impliqués, notamment les ONG, l'OMS, la Banque mondiale, le HCR, le ministère des affaires étrangères, l'Ordre des pharmaciens et l'Académie nationale de pharmacie.
S'aligner, sans autre forme de procès, sur d'autres pays européens, c'est faire disparaître une des singularités encore reconnues de l'action humanitaire française, qui s'exerce, à l'intérieur de nos frontières, à l'égard des plus défavorisés et, à l'extérieur, dans le monde entier.
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Pelletier, de Montesquiou et Seillier, est ainsi libellé :
Compléter le III de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« - les conditions de mise à disposition de médicaments par l'ensemble de la filière pharmaceutique à destination des populations démunies par l'intermédiaire des organismes à but non lucratif. »
Cet amendement n'est pas défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Le sujet est délicat.
Je dirai tout d'abord que ce n'est pas parce que les Français sont surconsommateurs de médicaments, ce n'est pas parce que le nombre de médicaments non utilisés est excessif que l'envoi et la distribution incontrôlée de ces médicaments dans des pays d'Afrique, du Moyen-Orient ou d'ailleurs se justifient.
Peut-être faudra-t-il s'atteler à la question des prescriptions et peut-être aussi à celle du conditionnement des médicaments, pour éviter le gâchis qu'évoquait M. Lardeux.
La redistribution se fait dans des conditions qui vont à l'encontre des principes que nous défendons, la traçabilité des médicaments notamment. Du fabricant à l'officine, nous sommes capables de suivre les médicaments. À partir du moment où ces médicaments se trouvent chez le patient, nous ne savons rien des conditions dans lesquelles ils sont conservés.
En fait, l'essentiel des médicaments collectés est détruit. Seulement 5 % d'entre eux sont véritablement utiles.
Est-ce un réflexe humanitaire que d'expédier ce dont on n'a pas besoin vers d'autres pays ? Personnellement, j'en doute.
Nous savons également que le cas de la France est, à cet égard, assez isolé actuellement.
Nous avons auditionné les associations qui souhaitent la suppression de cet article. Leurs arguments ne sont pas convaincants. Il serait préférable que les pays en voie de développement possèdent, sur leur territoire ou à proximité, des moyens de production de médicaments. C'est peut-être là que nous devons agir. Cela a été dit, les génériques ne sont pas très coûteux, une fois leur fabrication lancée.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements de suppression, ainsi que sur l'amendement n° 61 rectifié, d'autant que le délai de dix-huit mois permettra de se préparer à l'interdiction.
C'est d'ailleurs pourquoi la commission est également défavorable à l'amendement n° 49, qui tend à rendre l'application de cette mesure immédiate, ce qui est assurément impossible.
J'en appelle aux sentiments de chacun : il n'y a aucune raison pour qu'un certain nombre d'êtres humains utilisent les produits que nous ne consommons pas. (M. Bruno Sido s'exclame.)
Il est absolument nécessaire de trouver une formule qui permette de fabriquer localement ces médicaments ou de procéder à des dons.
Sur le plan de la santé publique elle-même, la chaîne de la traçabilité est rompue par les procédés actuels. Nous ignorons quelles peuvent en être les conséquences.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous le dis franchement, j'ai personnellement longtemps hésité à mettre un terme au dispositif Cyclamed.
M. François Autain. Pendant deux ans !
M. François Autain. Trop longtemps !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il reste que le rapport de l'IGAS était clair, net et précis : il concluait à la nécessité de mettre un terme à Cyclamed.
M. Bruno Sido. Pourquoi ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je pourrais en détailler les motifs, mais le rapport de l'IGAS est disponible en ligne.
M. Bruno Sido. Expliquez-nous cela maintenant ! Nous avons le temps !
M. Xavier Bertrand, ministre. Moi aussi ! J'ai déjà fourni un certain nombre d'explications dans la discussion générale, mais je peux y revenir.
J'étais réticent parce qu'il me semblait tout de même dommage que les 5 % des médicaments collectés - un sur vingt ! - qui parvenaient dans les pays concernés n'y arrivent plus. Voilà pourquoi je ne voulais pas m'engager dans cette voie.
Or, aujourd'hui, nous pouvons faire en sorte qu'une quantité équivalente de ces médicaments soit acheminée dans ces pays par le biais des associations concernées. Parlons franchement, là encore : les associations veulent continuer à jouer leur rôle dans les pays en question. Elles pourront poursuivre leur action, grâce à des dons du LEEM.
Le LEEM, c'est-à-dire les Entreprises du médicament, s'est engagé, y compris par écrit, à poursuivre l'approvisionnement de ces associations en une quantité équivalente de médicaments à destination des pays concernés.
D'autre part, j'ai indiqué que, si cela s'avérait insuffisant, l'État s'engagerait à fournir au moins les quantités antérieurement données, voire davantage.
En effet, si la situation actuelle se maintenait, le système mourrait de sa belle mort.
Nous avons connu longtemps une progression annuelle des dépenses de médicaments qui se situait au minimum entre 5 % et 6 %. Aujourd'hui, la progression est limitée à 1 % par an.
Je disais également tout à l'heure que nous étions, les uns et les autres, particulièrement mobilisés sur la question des conditionnements et des bonnes prescriptions. Je rappellerai que, pour la première fois depuis dix ans, les dépenses de santé n'ont augmenté que de 2,4 % en 2006 : ce chiffre est historique. Cette évolution retentit évidemment sur le secteur du médicament.
Autrement dit, si nous fermions les yeux et poursuivions les pratiques actuelles, le système s'éteindrait de lui-même, et les pays en voie de développement ne recevraient plus rien. Telle est la réalité.
Allons jusqu'au bout du raisonnement. Vous estimiez tout à l'heure, monsieur Lardeux, qu'il était dommage que les médicaments non utilisés ne soient plus rapportés dans les pharmacies ; il sera toujours possible de le faire.
Il est nécessaire de distinguer deux points au sein du dispositif Cyclamed.
D'une part, on pouvait rapporter les médicaments dans les pharmacies - il est mille fois préférable de procéder ainsi plutôt que de les jeter à la poubelle, pour d'évidentes raisons de protection de l'environnement et de sécurité sanitaire -, et l'on pourra continuer de le faire.
L'autre aspect de Cyclamed résidait en un lien entre pharmacies et pays en voie de développement. Je vous l'ai expliqué, ces pays auront la garantie de recevoir exactement le même nombre de journées de traitement.
Il faut savoir que, dans certaines régions, des pilules contraceptives sont prises en lieu et place d'antibiotiques, parce que la notice ne peut être lue ou parce que des intervenants sur place n'ont pas les connaissances nécessaires. Bien sûr, en l'espèce, les grandes associations, dont celles qui vous ont contactés, ne sont peut-être pas directement concernées, mais quelles garanties a-t-on de la compétence des agents locaux dans ces pays ?
Après la présentation du texte à l'Assemblée nationale, j'ai entendu le représentant d'une ONG déclarer que, pendant longtemps, on s'était donné bonne conscience, alors même qu'on aurait certainement pu agir beaucoup plus efficacement dans ces pays.
Quand bien même, l'actuel dispositif de redistribution étant arrêté, l'industrie du médicament renoncerait à fournir gracieusement des médicaments aux associations, l'investissement nécessaire pour pallier cette carence ne représenterait que 5 millions d'euros. Bien sûr, au nom de la coopération Nord-Sud, l'État assumerait son rôle. Je rappelle que la France, grâce à l'action du président de la République, est à l'origine, avec d'autres pays, du lancement d'Unitaid.
Vous avez la garantie que les Français continueront de rapporter leurs médicaments à la pharmacie ; l'article 28 ter ne change rien à cela. Vous avez aussi la garantie que ces pays-là disposeront de médicaments non seulement plus adaptés, mais aussi moins chers puisque ce sont des génériques.
Je suis en désaccord avec l'amendement n° 49 qu'a déposé François Autain parce qu'il faut que nous disposions d'un certain temps pour nous adapter à ces circonstances nouvelles, mais aussi pour rassurer, notamment, les associations en question, qui estiment aujourd'hui ne pas avoir toutes les garanties qu'elles attendent. C'est la raison pour laquelle, contrairement à ce que m'a demandé en particulier le Conseil de l'ordre des pharmaciens, je n'ai pas voulu supprimer ce système du jour au lendemain, mais seulement au terme d'un délai maximal de dix-huit mois.
M. François Autain. C'est dommage !
M. Xavier Bertrand, ministre. Oh, je sais que cette décision ne fait pas que des heureux. La preuve en est que François Autain me la reproche. Eh bien, je l'assume, parce qu'il est nécessaire que nous disposions d'un certain temps pour modifier complètement le dispositif et pour le stabiliser. Tout cela explique pourquoi j'ai longtemps réfléchi avant d'envisager la meilleure solution possible.
Je répète que seulement 5 % des médicaments collectés sont concernés. Pour cette raison, la solution que je propose, à mi-chemin entre des dons et, éventuellement, des financements par des subventions, n'est pas irréalisable. Cela, nous savons le faire !
Encore une fois, tant l'Organisation mondiale de la santé que le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou le Conseil de l'ordre des pharmaciens - c'est-à-dire les pharmaciens d'officine, ceux que chacun connaît bien dans sa commune, dans son canton - nous demandent de mettre fin à ce dispositif. Ce n'est pas n'importe qui ! (M. Bruno Sido s'exclame.) Vous pouvez penser ce que vous voulez de l'Académie nationale de pharmacie, mais elle aussi nous demande d'y mettre fin.
M. François Autain. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Bien que je sois très attaché à l'exception française, je ne peux ignorer que tous les pays européens ont mis fin à ce dispositif en retenant un autre mode de financement.
M. François Autain. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il ne s'agit pas d'arrêter tout financement et de mettre fin à toute mise à disposition de médicaments. Il s'agit simplement de faire autrement. Voilà pourquoi j'ai pris cette décision.
À la suite du vote de l'Assemblée nationale mettant fin au dispositif, avez-vous entendu la moindre remarque dans l'opinion ? Avez-vous noté une quelconque polémique ? On aurait pu le craindre, mais il n'en a rien été.
M. François Autain. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je me permets de formuler cette réflexion à l'attention d'André Lardeux, qui est intervenu à deux reprises sur ce sujet.
Chacun s'est rendu compte que le résultat recherché serait atteint, et avec plus d'efficacité. Or c'est bien là l'essentiel.
Voilà pourquoi je suis défavorable à ces différents amendements.
Je ne sais pas si j'aurai réussi à vous convaincre, mais je vous ai fait part de mes convictions sur ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 9 rectifié bis et 15 rectifié.
M. Bruno Sido. Le sujet est grave. Les arguments avancés par M. le ministre semblent convaincants. En effet, tout le monde réclame la suppression de ce dispositif. Néanmoins, j'aimerais entendre l'avis du président de la commission, qui, chacun le sait, est un grand humaniste.
M. François Autain. C'est vrai !
M. Bruno Sido. Certes, il n'y a pas eu de manifestations, monsieur le ministre. Mais nos concitoyens estiment que les médicaments non consommés et non périmés doivent pouvoir profiter aux gens qui en ont besoin. Il ne s'agit pas de faire la charité ou de se donner bonne conscience. Ces pays ont besoin d'une aide directe de nos concitoyens et non pas seulement d'une aide institutionnelle qui fait fi de toute implication personnelle ; celle-ci est un élément important.
Je veux bien croire que la mesure que vous préconisez est opportune, puisque vous le dites, mais elle supprime toute implication personnelle et cela me paraît grave.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne me déroberai pas à la demande qu'a exprimée notre collègue Bruno Sido.
J'étais initialement favorable aux amendements de suppression de l'article 28 ter. Mais j'ai été sensible à l'argumentation de M. le ministre et de M. le rapporteur.
Je pense que nous devons désormais mieux maîtriser notre consommation de médicaments, afin de moins gâcher. La surconsommation et le gaspillage de médicaments sont en effet deux maux terribles dont souffre la société française.
Nous ferons oeuvre utile si nous pouvons à la fois remédier à ces deux maux et soutenir les pays qui ont besoin de médicaments.
Dans ces conditions, je suivrai l'avis de M. le ministre, même si j'ai bien conscience qu'il sera très difficile pour beaucoup d'entre nous de prendre une décision identique.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Monsieur Lardeux, l'amendement n° 9 rectifié bis est-il maintenu ?
M. André Lardeux. Je ne mets pas en doute les convictions de M. le ministre ni son honnêteté. Néanmoins, je maintiens mon amendement, qui a été cosigné par un certain nombre de nos collègues. Certes, je ne dois rien à personne, mais je pense que le débat mérite d'être poursuivi et que, à défaut d'être tranché ce soir, la commission mixte paritaire pourra à tout le moins en discuter.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Dubitative dans un premier temps, j'ai été convaincue, dans un second temps, par les arguments de M. le ministre.
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous apportiez une précision. Vous nous avez dit que le LEEM s'était engagé vis-à-vis d'un certain nombre d'associations à se lancer dans une politique de redistribution. Or vous n'ignorez pas que certaines petites associations, qui prennent part elles aussi à cette redistribution et qui, dans certaines de nos villes, participent activement à la politique de coopération n'ont pas la même renommée que les grandes associations. Aussi, j'aimerais que le LEEM tienne également compte de ces associations, qui ont une dimension humanitaire et dont le travail de relais est très efficace.
Il serait utile que, en liaison avec le LEEM et les autres industries concernées, vous puissiez en outre faire en sorte que se développe dans les pays concernés une vraie politique du médicament afin qu'ils disposent de médicaments à des prix permettant à leur population de se soigner aussi bien que nous.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je me suis penché sur la question spécifique de l'aide aux associations. Nombre d'entre elles sont moins importantes et moins connues que Médecins du monde ou l'Ordre de Malte. Elles ne voulaient pas être oubliées en raison du rôle qu'elles jouent sur le terrain. Étant depuis fort longtemps en contact avec les populations, elles ne veulent pas disparaître du jour au lendemain. Non seulement elles fournissent des médicaments, mais encore elles assurent un lien social et un lien médical. Or, si on les privait de ces médicaments, même avec le délai de dix-huit mois, on les empêcherait de travailler et on casserait brutalement tout le travail qu'elles ont entrepris.
C'est la raison pour laquelle nous avons saisi le LEEM de cette question en lui demandant que ses engagements soient formellement confirmés. Dans une dépêche diffusée lundi dernier par l'Agence de presse médicale, celui-ci indique avoir déjà travaillé à définir les besoins de Médecins du monde et de l'Ordre de Malte et être également en contact avec les autres associations.
Je n'ai pas d'inquiétude sur la façon de faire et sur la façon de garantir les financements et je vais vous dire pourquoi : le traitement des emballages de valorisation humanitaire coûte entre 10 et 15 millions d'euros aux entreprises du médicament alors que l'achat sur place des médicaments sous leur forme générique reviendrait à 5 millions d'euros. Je n'ai pas utilisé cet argument tout à l'heure parce que je ne voulais pas donner le sentiment de chercher à forcer votre décision. Je suis persuadé qu'on saura acheminer autant de médicaments qu'aujourd'hui et qu'il sera même possible d'en distribuer plus que dans le passé parce que ce seront des génériques.
Je crois sincèrement, monsieur Lardeux, monsieur Sido, que le lien entre le fait de rapporter ses médicaments inutilisés à la pharmacie et l'aide apportée aux populations démunies, notamment celles d'un certain nombre de pays étrangers, s'est un peu distendu. Sans doute, au début de l'application du dispositif, les gens avaient-ils le sentiment de faire un geste de solidarité, mais, de plus en plus, ils le conçoivent avant tout comme un geste en faveur de l'environnement et, au fil du temps, cela ne fera que s'accentuer.
En fait, le vrai sujet est celui que plusieurs d'entre vous ont évoqué et qu'a évoqué aussi M. le président de la commission, à savoir la surconsommation médicamenteuse. Il est quand même aberrant que les trois quarts des boîtes ouvertes ne soient jamais terminées !
M. François Autain. Heureusement !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pis : une boîte de médicaments sur cinq qui est prescrite, vendue et remboursée n'est jamais ouverte ! Quiconque a jeté un coup d'oeil dans l'armoire à pharmacie de ses parents ou de ses grands-parents le sait bien. Il existe plusieurs raisons à cela : les conditionnements ne sont pas adaptés et les prescriptions doivent être également revues. Bien souvent, prescrire mieux, c'est prescrire moins.
Les patients ont aussi leur part de responsabilité dans cette situation, parce qu'ils ne suivent pas forcément leur traitement à la lettre. Je ne veux pas entamer un débat sur l'observance, mais on constate qu'un patient abandonne un traitement de dix jours au bout de six jours au prétexte qu'il se sent mieux. Or ce comportement emporte de vrais risques pour le patient, que ce soit chez nous ou dans les pays destinataires des médicaments collectés.
C'est d'ailleurs un problème qu'il faut aussi se poser à propos de l'automédication : on se soigne tout de même moins bien avec son armoire à pharmacie qu'en allant consulter son médecin ou son pharmacien !
En conclusion, je veux vous assurer que toutes associations que toutes seront invitées à prendre part au nouveau dispositif et qu'il sera possible d'agir plus qu'on ne le fait aujourd'hui. Mais j'ai bien conscience que cette décision n'est pas facile à prendre.
M. François Autain. Bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié bis et 15 rectifié.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 49.
M. François Autain. Monsieur le ministre, si vous avez beaucoup réfléchi à la question, vous avez aussi perdu beaucoup de temps. Le rapport qu'avait publié il y a deux ans l'IGAS était sans appel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous nous sommes expliqués sur cette question !
M. François Autain. Il aurait dû être immédiatement suivi d'effet. Certes, vous n'étiez pas en fonction à l'époque. C'est Philippe Douste-Blazy qui avait sursis à la décision de mettre fin au dispositif, au motif qu'il s'agissait d'un mécanisme de solidarité qu'il ne fallait surtout pas interrompre. Il a eu tort et je regrette qu'il faille encore attendre dix-huit mois pour voir cette affaire complètement close.
C'est d'autant plus préoccupant que les effets pervers des dons de médicaments, notamment dans les situations d'urgence, ont été dénoncés depuis très longtemps et à maintes reprises. Les raisons en sont multiples : ils répondent mal aux besoins médicaux des populations destinataires ; ils ne sont pas toujours utilisés par du personnel qualifié ; ils peuvent alimenter le marché noir ; ils peuvent concurrencer les projets d'approvisionnement local pérenne.
Personne ne l'a dit et il n'est pourtant pas inutile de le rappeler, dans un document intitulé Les principes directeurs applicables aux dons de médicaments et publié en 1999, il y a donc huit ans, l'OMS déconseillait explicitement ces dons.
Rappelons aussi que la crise sanitaire consécutive au tsunami qu'a subi une partie de l'Asie a provoqué, en Indonésie, un afflux non sollicité de 4 000 tonnes de médicaments. Le Gouvernement indonésien n'avait en effet pas demandé de médicaments,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons déjà tranché cette question. Nous n'allons pas refaire le débat !
M. François Autain. ...estimant que leur nombre était suffisant et qu'il serait impossible d'assurer leur gestion localement, puisque les capacités de stockage du pays avaient été considérablement réduites à la suite du cataclysme.
J'essaie de démontrer qu'il est urgent de prendre cette décision et que le fait de vouloir attendre dix-huit mois n'est absolument pas justifié. Veuillez m'excuser, mes chers collègues, de solliciter votre attention encore quelques minutes, mais je voudrais conclure cette description de la situation en Indonésie.
Des centaines de tonnes de médicaments inappropriés sont en cours d'incinération, mais cela prendra du temps, car la province indonésienne qui a été touchée par le sinistre ne dispose que d'un unique incinérateur de faible capacité. À la fin du mois de juillet 2006, il restait encore 330 tonnes de médicaments à incinérer.
La situation au Pakistan, après le tremblement de terre de 2005, est à peu près identique.
En clair, et je pense qu'il faut insister sur ce point, les collectes de médicaments non utilisés doivent cesser au profit de dons permettant l'achat, si possible localement, des médicaments répondant aux besoins immédiats. Il y a urgence et aucune raison ne justifie d'attendre.
C'est pourquoi nous demandons, par cet amendement, que soit supprimée cette possibilité dès la promulgation de la loi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis très sensible à la confiance du Sénat sur cette question, et je tenais à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs. Ce n'était pas un sujet facile, mais je peux vous assurer que cette nouvelle politique sera mise en place suivant les principes que j'ai dictés devant vous. Il s'agit de ne rien enlever à qui que ce soit, et certainement pas aux associations existantes ni aux populations concernées.
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Par cohérence, je ne voterai pas cet article. Comment les très petites associations pourront-elles avoir accès à ce mastodonte qu'est le LEEM, l'organisme regroupant les entreprises du médicament ? Il y aura de nombreuses pertes, et nous en reparlerons un jour.