M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mme M. André et M. Charasse, est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La convention par laquelle l'État a confié à titre expérimental à la région Auvergne les fonctions d'autorité de gestion déléguée de certains programmes européens peut être prorogée pour lui confier les fonctions d'autorité de gestion déléguée pour la période 2007-2013, de la politique de cohésion économique et sociale de la communauté européenne.
En cas de prorogation de la convention, le dernier alinéa de l'article 1er est applicable.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à mon premier amendement, qui vise à autoriser la poursuite de l'expérimentation actuellement menée. Compte tenu des votes précédents, je n'irai pas plus loin dans la défense de cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Madame André, comme vous le savez très bien, cette question ne relève pas du domaine de la loi. Les règlements communautaires permettent à une autorité de gestion d'un programme opérationnel de déléguer la gestion d'une partie des crédits sous la forme de subventions globales. Aucune disposition législative française n'y fait obstacle.
Par conséquent, la question que vous soulevez dans cet amendement ne se posera pas si la région Auvergne obtient, au terme de la procédure prévue à l'amendement n° 2, le transfert expérimental des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. Mais j'ai cru comprendre, madame André, que vous vous orientiez vers cette solution.
Mme Michèle André. Absolument, madame le rapporteur !
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Troendle, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les articles L. 1115-2 et L. 1115-3 sont abrogés.
2° L'article L. 1115-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État membre du Conseil de l'Europe.
b) La première phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées
Cette adhésion ou cette participation est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région. Elle fait l'objet d'une convention avec l'ensemble des membres adhérant à l'organisme public en cause ou participant au capital de la personne morale en cause.
3° L'article L. 1114-4-1 devient l'article L. 1115-4-1 et il est inséré, après cet article L. 1115-4-1, un article L. 1115-4-2 ainsi rédigé :
« Art. 1115-4-2. Dans le cadre de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale, les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les établissements publics administratifs peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, créer avec les collectivités territoriales, les groupements de collectivités territoriales, les établissements publics et les États membres de l'Union européenne un groupement européen de coopération territoriale de droit français, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
« Cette création est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région où le groupement européen de coopération territoriale a son siège. La personnalité juridique de droit public lui est reconnue à partir de la date d'entrée en vigueur de la décision de création. Les dispositions du titre II du livre VII de la cinquième partie qui ne sont pas contraires aux règlements communautaires en vigueur lui sont applicables.
« Un groupement européen de coopération territoriale de droit français peut être dissous par décret motivé pris en Conseil des ministres et publié au Journal officiel.
« Les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les établissements publics administratifs peuvent, dans les limites de leurs compétences, dans le respect des engagements internationaux de la France et sous réserve de l'autorisation préalable du représentant de l'État dans la région, adhérer à un groupement européen de coopération territoriale. »
4° L'article L. 1115-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-5.- Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et un État étranger, sauf si elle a vocation à permettre la création d'un groupement européen de coopération territoriale. Dans ce cas, la signature de la convention doit être préalablement autorisée par le représentant de l'État dans la région. »
II. Les groupements d'intérêt public créés en application des articles L. 1115-2 et L. 1115-3 du code général des collectivités territoriales restent régis, pour la durée de leur existence, par les dispositions de ces articles dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par la présente loi.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Cet amendement a tout d'abord pour objet de rénover les instruments de la coopération décentralisée, en prenant en compte les modifications imposées par deux textes : d'une part, le règlement communautaire du 5 juillet 2006 prévoyant la création d'un groupement européen de coopération territoriale, qui constitue l'un des instruments de la politique de cohésion économique et sociale pour la période 2007-2013 ; d'autre part, le protocole additionnel n° 2 à la convention dite de Madrid, signée en 1980 sous les auspices du Conseil de l'Europe et relative à la coopération décentralisée.
Les modifications proposées tendent à prévoir les règles nationales relatives au groupement européen de coopération territoriale, qui est la principale innovation consistant à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger, dans ce seul cas, à l'interdiction expresse de passer des conventions avec des États étrangers et, en contrepartie, à autoriser la dissolution du groupement par décret motivé pris en conseil des ministres.
Cet amendement vise, ensuite, à supprimer la possibilité de recourir à la formule des groupements d'intérêt public, sous réserve du maintien jusqu'à son terme du seul groupement existant.
Il tend, enfin, à autoriser, conformément au protocole additionnel n° 2 à la convention de Madrid, les collectivités territoriales à « adhérer à un organisme public de droit étranger » ou à « participer au capital d'une personne morale de droit étranger », à condition qu'y adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État membre de l'Europe, en dehors du cadre restrictif actuel de la coopération transfrontalière.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le préciser, l'adoption de cet amendement permettra à la France d'adapter le droit de la coopération décentralisée et, partant, d'utiliser le nouvel instrument institué par le règlement communautaire. Elle permettra surtout de prendre en compte la ratification, qui est en cours, du protocole additionnel n° 2 à la convention de Madrid, signée par la France sous les auspices du Conseil de l'Europe.
Je rappelle également que ce protocole élargit le champ de la participation des collectivités territoriales à des structures de coopération décentralisée de droit étranger à l'ensemble des États membres tant de l'Union européenne que du Conseil de l'Europe, alors qu'un tel champ est actuellement limité à la coopération transfrontalière avec des États européens.
Par cette proposition, la commission des lois du Sénat rejoint pleinement la volonté du Gouvernement, qui s'est notamment exprimée dans les travaux que nous avons menés au ministère de l'intérieur avec la direction générale des collectivités locales.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Troendle, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter comme suit l'intitulé du projet de loi :
et à la coopération décentralisée
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination qui tend à prendre en compte, dans l'intitulé même du projet de loi, la réforme des instruments de la coopération décentralisée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il a été question à plusieurs reprises, au cours de cette discussion, de l'expérimentation réalisée en Alsace. Je tiens à faire remarquer que les présidents de conseils généraux, interrogés par le préfet, ont donné leur avis sur cette expérimentation et se sont exprimés de façon formelle, exactement comme cela est prévu dans le projet de loi qui vient d'être adopté !
J'ajouterai que nous pouvons remercier M. le ministre pour l'ampleur des crédits obtenus. Comme il l'a rappelé, nous avons échappé de peu à une réduction drastique de ces derniers. Nous allons ainsi pouvoir poursuivre le développement de nos territoires.
M. Éric Doligé. Et de l'Alsace ! (Sourires.)
3
DOMAINE DU Médicament
Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (nos 155, 163).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui est plus qu'un texte technique puisqu'il tend à améliorer, concrètement, la qualité de la mise sur le marché et de la fabrication des médicaments, ainsi que les conditions de leur bon usage, et à garantir plus de transparence dans le fonctionnement de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS.
L'objet principal de ce texte est de transposer en droit français la directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Ce texte s'inscrit, plus globalement, dans une démarche de révision de l'ensemble du champ pharmaceutique. À l'issue du vote de ce projet de loi, un second volet portera, par voie d'ordonnance, sur la révision des règles régissant le médicament vétérinaire et certains autres produits de santé.
Ce projet de loi est l'aboutissement d'une large concertation avec les professionnels de santé, les associations de patients et les industriels de tous les secteurs concernés.
Sous ses aspects techniques, il va permettre aux malades de disposer plus rapidement de produits de santé mieux sécurisés puisqu'il améliore l'accès à certains traitements, ainsi que leurs conditions d'utilisation. Il élargit ainsi les possibilités de traitement des personnes malades dont le pronostic vital est engagé, en étendant les conditions de délivrance d'autorisations temporaires d'utilisation nominatives, dans les situations où aucun traitement approprié n'est disponible.
Il prévoit, en outre, des mesures permettant de faciliter et d'accélérer l'arrivée des médicaments génériques sur le marché. Il tend à définir la notion de médicaments biologiques similaires et à préciser celle de médicament homéopathique.
Le projet de loi vise également à limiter l'influence sur le public et les professionnels de santé de l'industrie pharmaceutique, en réglementant la publicité sur les médicaments. Il permet ainsi d'assurer l'indépendance des professionnels de santé, en complétant le dispositif « anti-cadeau ».
Ce texte permet ensuite d'améliorer la sécurité sanitaire des produits en encadrant mieux la fabrication et la mise sur le marché des médicaments.
Tout d'abord, il comporte des dispositions relatives aux matières premières à usage pharmaceutique, notamment en imposant aux personnes autorisées à fabriquer ou à préparer des médicaments l'obligation de n'utiliser que des matières premières fabriquées selon de bonnes pratiques.
Il modifie, ensuite, le régime juridique des autorisations de mise sur le marché, ou AMM, en accroissant les exigences de sécurité sanitaire des médicaments.
Enfin, il allège le régime des importations de médicaments par les particuliers.
Ce texte introduit également des mesures visant à améliorer la transparence du fonctionnement de l'AFSSAPS. Des voix s'étaient élevées, au sein de la Haute Assemblée, pour obtenir ce type de garanties.
L'AFSSAPS a d'ailleurs largement anticipé les exigences de la directive et s'est engagée dans une démarche de transparence du processus d'évaluation et de décision dans le domaine du médicament. À ce titre, elle rend publics les comptes rendus des deux commissions évaluant les médicaments, la commission d'autorisation de mise sur le marché et la commission nationale de pharmacovigilance.
Par ailleurs, depuis juin 2004, l'Agence publie des rapports publics d'évaluation pour chaque nouvelle autorisation de mise sur le marché ou pour les modifications majeures d'autorisation de mise sur le marché.
Le projet de loi prévoit l'adoption, par voie réglementaire, des conditions dans lesquelles l'AFSSAPS doit rendre publics les débats scientifiques concernant cette évaluation. Il étend aussi l'obligation de fournir une déclaration d'intérêts à l'ensemble des agents de l'AFSSAPS, alors que seuls les membres de commissions et de conseils relevant de cette agence et des collaborateurs occasionnels y étaient jusqu'alors tenus. Ainsi, me souvenant de débats organisés au sein de la commission des affaires sociales du Sénat, sous votre présidence, monsieur About, je peux vous dire qu'en ce début d'année l'ensemble du personnel de l'AFSSAPS a d'ores déjà fait sa déclaration d'intérêt.
L'article 29 du projet de loi prévoit également que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de huit mois, des dispositions destinées à transposer des directives communautaires, sur des sujets plus ou moins techniques.
Une disposition de cet article concerne cependant une question qui doit être développée devant cette assemblée : c'est celle qui a trait aux programmes d'accompagnement des patients prenant des traitements médicamenteux. Sur ce sujet, je serai très clair : il ne doit pas y avoir d'interférence entre le professionnel de santé et son patient, et personne ne doit s'immiscer dans leur relation.
Pourtant, ne nous voilons pas la face. Aujourd'hui, ces programmes existent en dehors de tout encadrement. Ils sont parfois même exigés par les autorités européennes lors de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché, dans le cadre des plans de gestion de risque. Ils peuvent répondre à un besoin dans le cas de maladies chroniques, pour des produits de maniement difficile nécessitant une éducation spécifique des patients. Il peut s'agir, notamment, d'aide à l'appropriation de gestes techniques.
Bien sûr, il serait possible de ne rien faire, de laisser faire. Je ne le souhaite pas, et il n'est pas dans mes habitudes de ne pas assumer mes responsabilités.
Ne rien faire reviendrait à fermer les yeux et à laisser ces programmes, qui existent d'ores et déjà, se développer sans aucun encadrement. Mais, en l'état actuel des textes, une interdiction pure et simple de toute intervention des laboratoires dans ces programmes n'est pas possible non plus, puisque les AMM européennes les exigent parfois.
Je partage l'avis de ceux qui estiment qu'il faut porter ce débat au niveau européen. J'aurais d'ailleurs bien d'autres choses à dire sur l'AMM européenne. Il serait souhaitable, en effet, que celle-ci exige des essais comparatifs par rapport au médicament de référence, et non par rapport au placebo. Cela nous permettrait de gagner beaucoup de temps au moment de l'évaluation, en France, en vue de l'inscription de ces produits au remboursement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Mais, dans l'immédiat, il faut encadrer les programmes qui existent, afin d'apporter toutes les garanties nécessaires aux patients, et s'assurer que cette aide au bon usage se fait dans des conditions excluant toute dérive d'ordre promotionnel.
C'est à la puissance publique et à l'assurance maladie d'organiser, avant tout autre acteur, l'accompagnement des patients et leur éducation thérapeutique. Si les responsables d'un laboratoire estiment pouvoir apporter une plus-value en termes de bon usage pour un produit, dans le cadre d'un programme de ce type, ils devront le démontrer auprès des professionnels de santé, qui donneront ou non leur accord. C'est, en effet, uniquement sur prescription initiale du médecin que de tels programmes pourront être mis en place.
Je veux vous rappeler les principes auxquels je tiens.
Chaque programme devra être soumis à une autorisation préalable de l'AFSSAPS, celle-ci devant se prononcer sur l'opportunité et le contenu du programme. Il faut donc prévoir des critères permettant de garantir que le programme vise à renforcer réellement, et uniquement, le bon usage du médicament. Le médecin devra prescrire le programme et le patient devra l'avoir accepté. Celui-ci pourra également y renoncer à tout moment.
Aucun contact direct entre le laboratoire et le patient ne sera autorisé, les programmes devant obligatoirement faire appel à des professionnels de santé.
Cette nouvelle procédure fera bien entendu l'objet d'une évaluation.
Sur la forme, le projet de loi qui vous est présenté prévoit que la définition de l'ensemble de ces garanties et des modalités d'encadrement de ces programmes lorsqu'ils sont financés par l'industrie pharmaceutique sera fixée par ordonnance.
J'ai écouté les arguments des uns et des autres, notamment ceux qui ont été exposés à l'Assemblée nationale. J'ai par ailleurs reçu à de multiples reprises les associations et l'ensemble des acteurs concernés par ce dossier. J'ai également entendu les propos de votre rapporteur, M. Barbier, dont je salue la qualité du travail. J'ai donc compris que le principe de l'ordonnance ne faisait pas l'unanimité.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, lors du débat à l'Assemblée nationale, un amendement tendant à préciser les principales dispositions devant figurer dans l'ordonnance, amendement qui a été adopté à l'issue d'un débat approfondi. Je me suis alors engagé à poursuivre la concertation avec tous les acteurs concernés, en vue d'une éventuelle amélioration de ces dispositions lors de l'examen du texte au Sénat.
J'ai soumis un projet de texte à l'ensemble des partenaires concernés par ce dossier. Un débat a eu lieu. Mais, pour parler franchement, et bien que les positions des uns et des autres aient évolué, il semble que le sujet ne soit pas encore mûr. La rédaction du texte n'a donc pu être ni finalisée ni validée dans un délai aussi court.
Je crois en la concertation - cela ne signifie pas la codécision -, car elle permet souvent de trouver la bonne solution. Ce sujet d'importance nécessite de mener une réflexion approfondie dans un climat serein. Or le climat actuel, s'il est plus serein qu'auparavant, ne l'est pas encore suffisamment.
Afin de tenir compte des préoccupations exprimées, j'ai donc décidé de ne pas déposer d'amendement et de poursuivre la concertation et le débat.
Ce débat, qui fut déjà important et fructueux à l'Assemblée nationale, nous allons l'avoir à nouveau, au sein de la Haute Assemblée. Il nous permettra d'avancer et de rassurer les uns et les autres, sur le fondement de principes auxquels je tiens et qui - je n'en doute pas un seul instant - sont largement partagés dans cette assemblée, au-delà des clivages politiques.
Enfin, j'ai déposé un amendement visant à mettre fin à la collecte et à l'utilisation des médicaments non utilisés, comme l'a recommandé, dans son rapport de janvier 2005, l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS.
M. François Autain. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd'hui, moins de 5 % des médicaments non utilisés collectés auprès du public font l'objet d'une redistribution, à des fins humanitaires, en France ou dans les pays en développement. Cette activité s'effectue en dehors de tout cadre réglementaire et présente plusieurs inconvénients majeurs, dénoncés clairement par l'IGAS.
Tout d'abord, ni la qualité ni la traçabilité de ces médicaments ne peuvent vraiment être garanties.
Ensuite, ces médicaments non utilisés ne sont pas toujours adaptés aux besoins des populations destinataires. On y trouve ainsi de nombreux médicaments de confort et très peu d'antibiotiques.
De plus, il ne s'agit pas de médicaments génériques, ce qui va à l'encontre des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, alors même que la majorité des médicaments déclarés essentiels par cette institution - je pense aux antibiotiques et aux antalgiques - sont désormais « génériqués ».
Enfin, l'expédition de ces médicaments non utilisés dans les pays en voie de développement peut perturber les politiques pharmaceutiques mises en place localement. Ces pays doivent bénéficier d'un circuit pharmaceutique de qualité. De nombreux « génériqueurs » sont désormais installés en Afrique ou en Asie. Grâce à l'émergence des centrales d'achat locales, ces pays pourront bénéficier de produits de qualité.
L'intérêt humanitaire de ce recyclage est très clairement contesté par l'OMS, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, la Banque mondiale, les organisations non gouvernementales les plus actives, le ministère des affaires étrangères, ainsi que par l'ordre des pharmaciens et l'Académie nationale de pharmacie.
Tous les autres pays européens ont désormais cessé de recycler les médicaments non utilisés. La France doit faire de même et remplacer cette source d'approvisionnement pour les associations humanitaires par des médicaments neufs, provenant de dons de l'industrie ou achetés à des génériqueurs. Un travail est en cours avec le LEEM - les entreprises du médicament -, qui s'est exprimé de façon claire sur ce sujet.
Afin d'accompagner les organisations non gouvernementales lors de ce changement, je vous propose de retenir un délai de transition de dix-huit mois à l'issue duquel la collecte et l'utilisation des médicaments non utilisés seront interdites. Je m'engage à aider ces organisations, pendant cette période de transition, à formaliser leurs besoins et à trouver de nouvelles sources d'approvisionnement : dons, achats de génériques, obtention de subventions pour les associations particulièrement impliquées. Nous pourrons ainsi donner à ces pays les médicaments dont ils ont réellement besoin.
Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi, au-delà de ses aspects techniques, est un texte important, qui va nous permettre d'améliorer la qualité et la sécurité des produits de santé mis sur le marché, ainsi que les conditions de leur bon usage, c'est-à-dire, finalement, l'accès aux soins.
C'est bien cet objectif, à savoir l'amélioration de l'accès à des soins de qualité, qui aura constitué le principe directeur de notre travail en la matière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'harmonisation européenne dans le domaine du médicament a débuté voilà plus de quarante ans, avec la publication d'une première directive, en 1965. Elle s'est poursuivie depuis lors, et une étape importante a été franchie en 1995, lors de la création de l'Agence européenne du médicament.
À la lumière de l'expérience acquise et des évolutions du secteur, les autorités européennes ont estimé nécessaire de modifier ou de préciser un certain nombre de points de la législation communautaire en matière de médicament.
Cette initiative s'est concrétisée sous la forme d'un « paquet médicament », adopté en 2004 après de très longues discussions, qui se compose d'un nouveau règlement et de trois directives, respectivement consacrées aux médicaments à usage humain, aux médicaments traditionnels à base de plantes et aux médicaments vétérinaires.
Le projet de loi qui nous est présenté assure, pour l'essentiel, la transposition des mesures législatives de la directive n° 2004/27/CE du 31 mars 2004 du Parlement européen et du Conseil, qui modifiait une précédente directive datant de 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
Toutefois, le Gouvernement sollicite également, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, une habilitation pour la transposition par voie d'ordonnance de cinq autres directives.
Avant de revenir sur la question des ordonnances, je voudrais évoquer les principaux éléments du projet de loi.
Le premier apport de ce texte tient à la clarification de la notion de médicament. Il vise à tenir compte des évolutions scientifiques récentes et de leur impact dans le domaine du médicament.
Les différentes catégories de médicaments sont dotées d'un statut. C'est le cas des médicaments génériques : le projet de loi apporte un certain nombre de réponses aux questions afférentes à leur commercialisation.
Le deuxième apport du texte réside dans la révision des procédures de mise sur le marché.
M. le ministre y a fait allusion, les autorités européennes ont mis cette réforme à profit pour étendre le champ d'application de la procédure centralisée d'autorisation de mise sur le marché.
Cette procédure devient obligatoire pour les médicaments orphelins et pour tout médicament à usage humain contenant une nouvelle substance active n'ayant jamais été autorisée dans la Communauté européenne et dont l'indication thérapeutique porte sur le sida, le cancer, le diabète ou une maladie neurodégénérative.
La directive précise que cette autorisation est toujours délivrée pour cinq ans et introduit la notion de caducité, qui peut s'exercer à l'encontre des médicaments qui ne sont pas commercialisés dans un délai de trois ans après la délivrance de l'autorisation.
Cette modification du régime des AMM est, nous semble-t-il, inachevée.
La mission d'information consacrée aux conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, mission que j'ai eu l'honneur de présider, avait conclu, sur le rapport de nos collègues Mmes Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet, à la nécessité de rendre les essais comparatifs obligatoires dans le cadre des essais cliniques précédant la demande d'AMM. Or les autorités européennes ne l'ont pas fait.
Cette situation ne nous dispense pas d'une réflexion sur l'optimisation de l'usage des critères d'efficacité des médicaments dans la fixation de leurs conditions de remboursement, domaine qui demeure de la compétence des États.
Le troisième apport du texte est le renforcement de l'indépendance de l'expertise et de la transparence des travaux menés par les agences sanitaires.
La mission d'information avait insisté à juste titre sur ces points, et, désormais, trois nouvelles obligations incomberont à l'AFSSAPS.
Tout d'abord, l'AFSSAPS devra rendre accessible au public un rapport d'information sur l'autorisation de tout nouveau médicament, retraçant les essais menés et leur actualisation, ainsi que les motivations de la décision prise par l'Agence.
Ensuite, elle devra publier son règlement interne et celui de ses commissions, l'ordre du jour et les comptes rendus des réunions, assortis des décisions prises, du détail des votes et des explications de votes, y compris en ce qui concerne les opinions minoritaires.
Nous reviendrons, lors de l'examen des articles, sur l'interprétation par le projet de loi des dispositions de la directive.
Enfin, l'AFSSAPS devra mieux organiser la gestion des conflits d'intérêts concernant les experts qui travaillent pour son compte en imposant une déclaration annuelle d'intérêts, et ce pour tous les agents.
Je souligne toutefois que l'AFSSAPS respecte déjà, dans les faits, ces nouvelles exigences : son site Internet met à la disposition du public tout ou partie de ces éléments.
La mission d'information s'était aussi penchée sur la question de la qualité des travaux d'expertise de l'AFSSAPS. Nous avions ainsi plaidé pour que le travail des experts soit mieux valorisé, notamment par la prise en compte de l'activité d'expertise dans le déroulement de la carrière des praticiens hospitaliers et universitaires.
Dans le même esprit, il serait utile de définir un statut de l'expert qui soit commun à toutes les agences sanitaires, afin de rationaliser les recrutements et de gérer les conflits d'intérêts.
Enfin, nous étions favorables au développement de la recherche publique en matière de sécurité sanitaire.
Ces sujets dépassent certes le cadre de ce projet de loi, mais je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ces préoccupations, centrales pour la qualité de notre système d'expertise.
Le quatrième apport du texte concerne les relations entre entreprises pharmaceutiques, prescripteurs et patients.
À ce titre, je considère comme très positif le maintien d'une réglementation restrictive de la publicité pour le médicament et l'attribution de moyens d'actions juridiques supplémentaires à l'AFSSAPS. La transposition de la directive permet, là encore, un véritable progrès.
Ce projet de loi, à l'occasion de son examen par l'Assemblée nationale, s'est enrichi de plusieurs dispositions nouvelles.
Je m'en tiendrai aux dispositions touchant directement au secteur du médicament : deux d'entre elles m'ont semblé susciter des réactions.
La première concerne la fabrication des médicaments dérivés du sang, plus particulièrement des médicaments conçus à partir du sang rémunéré.
D'un côté, les donneurs de sang sont préoccupés par cette situation qui, selon eux, pourrait remettre en cause notre système.
De l'autre, les professionnels de santé s'inquiètent des risques de pénurie de médicaments.
Pour l'instant, le code de la santé publique a trouvé un équilibre entre ces deux positions : une AMM provisoire de deux ans est délivrée aux produits issus du sang rémunéré.
Cette durée a été portée à trois ans par l'Assemblée nationale. Cet allongement soulève quelques interrogations. Nous aurons probablement un débat sur ce sujet. Je crois, à titre personnel, que le principe de précaution doit nous conduire à prendre en compte les risques liés à la pénurie et qu'une durée de trois ans semble, à cet égard, relativement satisfaisante.
La seconde modification se rapporte au dispositif organisant la récupération à des fins humanitaires des médicaments non utilisés. M. le ministre vient de le mentionner, l'Assemblée nationale a adopté une mesure de suppression du réseau Cyclamed.
Cette suppression, soutenue par l'OMS, n'est pas bien comprise par certaines associations ou organisations non gouvernementales. Elle est pourtant justifiée au nom de la sécurité sanitaire des médicaments. Au moment où le présent projet de loi vise à mettre en place un dispositif de traçabilité des médicaments, de la fabrication à l'officine, il serait paradoxal d'autoriser la distribution de médicaments sortis de ce système et dont les conditions de conservation, pour n'évoquer que ce seul point, sont inconnues. C'est pour cette raison que la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à cette disposition.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Comme je l'ai dit, le Gouvernement sollicite par ce texte une habilitation pour intervenir par voie d'ordonnance sur la transposition de plusieurs directives ayant trait au médicament, d'une part, et sur diverses mesures relevant du domaine de la loi, d'autre part.
La première partie de cette demande révèle, une nouvelle fois, le retard préoccupant avec lequel la France procède à la transposition des directives en droit interne : il est fréquent que la Commission européenne engage à l'encontre de la France des procédures pouvant conduire à la condamnation de cette dernière à des astreintes financières.
C'est pourquoi je me vois conduit, mes chers collègues, à vous conseiller d'autoriser ce recours aux ordonnances, pour transposer cinq autres directives qui, pour les plus anciennes, datent de 2002 et portent sur divers domaines de la santé publique. Le délai d'intervention demandé est de huit mois. Il ne paraît pas excessif en la matière.
Je serai plus réservé, en revanche, quant au second volet de cette demande d'habilitation. Il vise successivement les autorisations d'importation des médicaments à usage humain, les insecticides et acaricides destinés à l'homme, les aliments diététiques et l'exercice des pouvoirs d'enquête de l'AFSSAPS.
Le délai demandé pour ces habilitations est également de huit mois. Cette fois, compte tenu des sujets concernés, ce délai paraît excessif.
Je comprends mal comment le Parlement pourrait autoriser le recours aux ordonnances au-delà du terme de la présente législature, c'est-à-dire habiliter par avance un gouvernement encore indéterminé. Certes, aucune disposition constitutionnelle ne s'y oppose expressément, mais une telle situation me semblerait bien singulière.
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. C'est pourquoi nous vous proposerons de ramener ce délai à trois mois et d'en restreindre le champ pour certaines des mesures dénuées de caractère d'urgence, telles les mesures de sanctions accordées à l'AFSSAPS et celles qui organisent les actions d'accompagnement des patients par les laboratoires. M. le ministre s'est exprimé à ce sujet, et un débat peut bien entendu avoir lieu.
Cette dernière disposition a récemment suscité une polémique, car ces pratiques, qui s'inspirent de certains exemples étrangers, laissent craindre des dérives commerciales, allant jusqu'à l'envoi d'un contrôleur au domicile des patients.
Dès lors, le choix d'une demande d'habilitation à légiférer par ordonnances ne constitue peut-être pas le moyen d'action juridique le plus approprié.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Peut-être pas !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Sur ce sujet, prenons le temps de la réflexion.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. C'est ce que la commission est disposée à faire.
Enfin, avant de conclure, je me dois d'évoquer les deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale, relatifs à l'usage du titre de psychothérapeute.
Sur la forme, on peut s'étonner que ces amendements portent sur un texte intégralement consacré au médicament.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les psychothérapeutes ne sont pas des médicaments ! (Sourires.)
M. Gilbert Barbier, rapporteur. D'une part, ces amendements visent, sur le fond, à créer une commission régionale chargée de valider les dossiers des professionnels qui exercent depuis au moins trois ans sous la dénomination de « psychothérapeute ».
L'équilibre du texte adopté en 2004 s'en trouve perturbé, puisque nous avions alors opté pour la détermination par décret de ces règles transitoires. Or ce décret, m'a-t-on dit, est sur le point d'être publié.
D'autre part, le texte adopté par l'Assemblée nationale limite la formation à la psychopathologie clinique, formation rendue obligatoire par la même loi de 2004, à la formation assurée dans le seul cadre universitaire.
La commission des affaires sociales n'a pas été convaincue par ces arguments et proposera donc de supprimer ces mesures.
M. Jean-Pierre Sueur. Excellente décision !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je tenais à porter à votre connaissance. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en proposant ce texte à notre approbation, le Gouvernement vise à procéder - hélas ! beaucoup trop tardivement, comme c'est devenu l'habitude - à une transposition de la directive relative aux médicaments.
Cette transposition est incomplète et infidèle. Elle est assortie de dispositions qui lui sont totalement étrangères et qui sont souvent inutiles, à l'exception peut-être de l'article concernant Cyclamed.
Qui plus est, ces dispositions sont, pour l'une d'entre elles au moins, contraires au droit européen : vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je veux bien évidemment parler des programmes industriels d'aide à l'observance.
Heureusement, votre projet de loi a été amélioré lors de son examen par l'Assemblée nationale, et plusieurs de ses lacunes ont été comblées.
M. François Autain. Laissez à nos collègues députés ce qui leur revient, monsieur le ministre !
M. François Autain. En matière de sécurité des médicaments, essentielle pour les patients et les professionnels de santé, les députés ont opté pour une transposition rigoureuse de la directive, ce dont on ne peut que se réjouir.
La transparence des travaux des commissions a été améliorée, mais insuffisamment à mon sens. Si l'AFSSAPS a commencé de se mettre en conformité avec la directive sur ce point, force est de reconnaître qu'il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
On peut d'ailleurs se demander comment elle parviendra, comme son directeur général s'y est engagé, à rendre accessible sur son site d'ici à la fin de 2008 la totalité des autorisations de mise sur le marché délivrées en France depuis l'origine, alors même qu'un tiers seulement des spécialités commercialisées y sont aujourd'hui consultables.
Les investigations auxquelles a procédé la mission sénatoriale sur le médicament, dont il me plaît de saluer ici son président, Gilbert Barbier, rapporteur sur ce texte, ont fait apparaître de nombreux dysfonctionnements témoignant des difficultés que rencontre l'AFSSAPS pour faire respecter les règles déontologiques et légales de l'expertise, malgré l'existence en son sein d'un « groupe référent » créé spécialement à cet effet.
D'où la nécessité, reconnue non seulement par la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, mais aussi par plusieurs rapports publiés antérieurement, de créer une instance indépendante chargée d'élaborer un statut qui établirait les droits et les devoirs des experts et contrôlerait leur activité au regard de la déontologie et de la loi.
Aussi, afin de ne pas créer une nouvelle structure dans un paysage qui en comporte déjà beaucoup trop, nous proposons, par l'un de nos amendements, de confier cette mission à la Haute autorité de santé.
Venons-en maintenant, monsieur le ministre, aux programmes industriels d'aide à l'observance.
Je constate non sans satisfaction que votre position a sensiblement évolué, de jour en jour. On ne peut que s'en féliciter !
M. François Autain. Si cette évolution se poursuivait jusqu'à son terme, il n'est pas interdit de penser que votre position finirait par rejoindre la nôtre ! Dans ces conditions, rien ne s'opposerait à ce que nous finissions par voter ce texte !
M. François Autain. Ne précipitons pas les choses ! (Nouveaux sourires.)
Vous savez néanmoins, monsieur le ministre, qu'il existait une divergence de fond sur ce sujet, parce que nous sommes opposés au principe même de ces programmes gérés et financés par l'industrie pharmaceutique.
Pour nous, il s'agit moins d'améliorer le suivi des patients, pourtant nécessaire dans certains cas, que d'augmenter les ventes des médicaments nouveaux les plus chers et les moins sûrs - l'industrie pharmaceutique rencontre, c'est vrai, des difficultés... - en fidélisant les patients. Quiconque fait profession de vendre vous dira en effet qu'il est bien moins coûteux de fidéliser un client que d'en trouver un nouveau.
Par ce moyen, les firmes pharmaceutiques tentent de réintroduire par la fenêtre la publicité grand public qu'elles n'avaient pas pu faire entrer par la porte à Bruxelles. En effet, la Commission européenne, dont la direction générale « Entreprises et industrie », seule compétente en matière de médicaments, aussi paradoxal que cela puisse paraître, est tout entière acquise aux intérêts des industriels, avait échoué auprès du Parlement dans sa tentative de lever l'interdiction de la publicité grand public en Europe.
Mais l'industrie, devant ces difficultés, n'a pas renoncé à ce projet. Elle est en train de remobiliser la Commission européenne qui, n'ayant visiblement pas apprécié le vote des députés européens, n'a pas l'intention d'en rester là et s'apprête à prendre des initiatives en matière d'« information des patients ».
Cela ne trompera personne. Quelle différence existe-t-il en effet entre une publicité pharmaceutique et une information santé sur un médicament lorsqu'elle émane de l'entreprise qui l'exploite ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a une énorme différence ! Vous ne pouvez pas dire cela !
M. François Autain. Monsieur le président de la commission, vous exagérez !
Faut-il rappeler que la publicité directe grand public et le coaching sont fortement contestés dans les deux seuls pays où ils sont autorisés, à savoir les États-Unis et la Nouvelle-Zélande ? La publicité entraîne une forte augmentation de la consommation de médicaments. Vous imaginez quelles seraient les conséquences si un tel projet était étendu à la France, qui est en tête des pays européens, voire en tête de tous les pays du monde, s'agissant de la consommation de médicaments !
M. François Autain. Force est de constater, monsieur le ministre, que l'industrie pharmaceutique a cru trouver en vous un interlocuteur beaucoup plus compréhensif que le Parlement européen,...
M. François Autain. ...même si, à vous entendre, on pourrait avoir l'impression qu'elle s'est trompée !
En effet, contrairement à ce que vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, les programmes industriels d'aide à l'observance sont totalement étrangers à la législation européenne. Vous ne pouvez donc pas utiliser cet argument pour ne pas les interdire en France.
M. François Autain. En effet, la réglementation européenne de l'autorisation de mise sur le marché ne mentionne aucune obligation de mettre en oeuvre des programmes d'aide à l'observance réalisés par les firmes pharmaceutiques. Elle précise seulement que, pour certains médicaments, un plan de gestion des risques doit être mis en place, ce qui est totalement différent. Tout au plus, une annexe d'une recommandation de l'Agence européenne du médicament, sans portée réglementaire, évoque des « programmes spécifiques d'éducation » qui pourraient être envisagés dans certaines circonstances. Aucun détail n'est fourni sur la nature de ces programmes éventuels, ni sur leurs financements ni sur les modalités de leur réalisation.
Je peux, si vous le souhaitez, vous donner les références de ce document de trente-deux pages datant du 14 novembre 2005. Mais sans doute est-il déjà en votre possession.
J'attends donc, monsieur le ministre, que vous reconnaissiez qu'il n'existe en la matière aucune contrainte européenne - d'ailleurs, aucun pays européen n'a légiféré sur cette question - et qu'il s'agit en l'occurrence d'une initiative strictement française dont vous n'avez aucune raison de ne pas vouloir assumer la responsabilité, ne serait-ce que pour clarifier le débat. Mais il semble que vous ne vouliez plus assumer cette responsabilité. (M. le ministre le conteste.)
Vous devez vous expliquer sur les raisons profondes qui vous conduisent à maintenir une disposition qui a provoqué un véritable tollé comme on en a rarement vu dans le monde de la santé. Le comité de liaison inter-ordres, les syndicats de médecins et de pharmaciens, le centre national des professions de santé, le syndicat national des infirmiers, l'AFSSAPS, la Haute autorité de santé, tous se sont prononcés contre le texte proposé. À cette liste, il faut ajouter le collectif Europe et médicament, qui comprend 60 organisations réparties dans douze pays de la Communauté européenne, et, en France, l'association Que Choisir, la revue Prescrire et la Mutualité. Seule l'industrie pharmaceutique le soutient, quoique certains avancent que même elle vous aurait lâché. C'est le comble ! Vous vous retrouveriez alors bien seul...
Sur ce sujet complexe, un véritable débat, serein et prolongé, serait nécessaire, quand vous nous proposez une mesure expéditive et bâclée en fin de session, comme s'il s'agissait d'un forfait qu'il faudrait dissimuler.
M. François Autain. Pourtant, ce projet n'est pas anodin. Il porte atteinte au droit des patients et cause un préjudice grave aux médecins. Ces derniers ont nettement l'impression de se faire court-circuiter par l'industrie pharmaceutique, et ce avec le concours actif du Gouvernement, alors que la réforme de 2004 était censée leur donner un rôle pivot dans le parcours coordonné de soins, rôle qui est remis implicitement en cause par ce projet.
M. François Autain. Vous renforcez l'emprise que l'industrie pharmaceutique exerce déjà sur notre système de santé.
Elle finance les associations de malades ; elle a déjà un pied dans l'université ; elle maîtrise totalement la formation médicale continue,...
M. François Autain. ...ce qui serait impossible dans tout autre pays, même aux États-Unis ; elle peut maintenant s'immiscer dans l'évaluation des pratiques professionnelles ; elle assure pratiquement à elle seule le financement de la sécurité sanitaire des médicaments ; elle exerce un quasi-monopole sur l'information des médecins et des patients, au point que même la très indépendante Haute autorité de santé est contrainte, faute de moyens, de sous-traiter aux visiteurs médicaux rétribués par les firmes la diffusion aux médecins de ses fiches d'information sur les médicaments.
M. François Autain. Cela fait dire ceci à un responsable syndical quelque peu désabusé : « L'industrie devrait aussi prendre directement en charge la rémunération des médecins ; ainsi, la boucle serait bouclée » ! Il n'a pas complètement tort, même s'il s'agit d'une boutade.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est très excessif !
M. François Autain. Certes, personne ne nie qu'il soit parfois utile, voire indispensable, que les patients atteints d'une maladie chronique et âgés, comme c'est souvent le cas, soient aidés ; mais les firmes pharmaceutiques, dont la vocation naturelle est de vendre le plus possible de médicaments, sont les plus mal placées pour leur rendre ce service.
On ne peut être à la fois juge et partie. Chacun des acteurs de notre système de santé doit rester dans son rôle : les médecins prescrivent des soins et en assurent le suivi, seuls ou en réseau ; les firmes industrielles mettent à la disposition des patients des produits de santé dont la balance bénéfices-risques est bien établie et dont les modalités d'utilisation sont sécurisées ; les patients, de leur côté, seuls ou regroupés en association, doivent être en mesure, informés et conseillés par les soignants, de décider leurs soins.
C'est la voie tracée par l'excellent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, publié récemment et dont vous ne pouvez pas ne pas avoir eu connaissance. (M. le ministre rit.) Tirant les enseignements de certaines expériences étrangères, ses auteurs proposent des solutions innovantes à ce problème réel qu'est la prise en charge des maladies chroniques.
Il est dommage que vous n'ayez pas voulu ou pu, faute de temps peut-être, vous en inspirer. Nous aurions sans doute été à vos côtés pour vous soutenir dans cette démarche.
M. François Autain. Pour l'heure, monsieur le ministre, la sagesse serait de renoncer à ce projet funeste et de poursuivre le débat sereinement, avec tous les acteurs du système de santé, mais sur les bases du rapport. Nul doute qu'il serait possible de parvenir à un accord, personne ne contestant l'utilité de ces programmes d'aide thérapeutique - disease management, comme disent les Anglo-Saxons, ce qui est différent du coaching et du risk management -,...
M. François Autain. ...dès lors que l'industrie pharmaceutique resterait à sa place.
M. François Autain. Monsieur le ministre, je vous ai dit qu'il n'était pas impossible que nous finissions par nous rejoindre !
M. François Autain. Ce serait une grave erreur de penser pouvoir traiter dans l'urgence un tel sujet au motif que, utilisant à leur profit un regrettable vide juridique, certaines entreprises pharmaceutiques harcèlent l'AFSSAPS.
Je constate que vous êtes sur la bonne voie et que vous êtes en train de prendre la bonne décision, celle qui répond aux impératifs de la santé publique. De cette décision dépendra bien sûr notre attitude. L'amendement de suppression adopté par la commission constitue une opportunité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !
M. François Autain. Si vous savez la saisir, rien ne s'opposera alors à ce que le groupe CRC vote ce texte ainsi modifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quoique d'une apparence très technique, ce texte est extrêmement important, puisqu'il concerne la santé quotidienne de nos concitoyens.
Je serai très bref, me réservant d'intervenir lors de la discussion des articles. J'exprimerai simplement à cet instant la position du groupe socialiste.
Nous sommes plutôt favorables à la transposition de la directive de 2004 puisqu'elle apporte des améliorations, notamment s'agissant des autorisations de mise sur le marché des médicaments, de la transparence, de l'information du public, mais encore du développement des médicaments génériques et des médicaments innovants.
Sur ce point, seul l'article 9 bis a retenu notre attention. Nous ne pouvons pas l'accepter puisqu'il remet en cause le strict encadrement de l'utilisation du sang issu de prélèvements rémunérés. Cette disposition soulève en outre d'importants problèmes éthiques. Aussi, nous demandons la suppression de cet article.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On le supprimera !
M. Jean-Pierre Michel. En revanche, la deuxième partie de votre texte est beaucoup plus contestable.
D'abord, vous avez cru devoir rattraper le retard accumulé par les différents gouvernements qui se sont succédé - celui auquel vous appartenez n'est pas seul en cause - en demandant au Parlement d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances, c'est-à-dire sans aucun débat parlementaire, cinq directives.
Seule la transposition de la directive de 2004 sur les médicaments fera l'objet d'une discussion, dans le cadre du présent texte.
Si certaines de ces directives ne soulèvent guère de problèmes « philosophiques », deux d'entre elles au moins - celle qui est relative aux produits sanguins et celle qui porte sur les produits dérivés du corps humain - posent de graves problèmes éthiques. De ce fait, elles ne sauraient être transposées dans notre droit par de simples ordonnances.
Le Parlement doit pouvoir débattre de ces questions. Bien que la France accuse un certain retard dans ce domaine, et quand bien même Bruxelles pourrait nous imposer des sanctions financières, nous ne pouvons pas habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances ces directives européennes. Il fallait s'y employer auparavant, et rien ne justifie de bâcler maintenant ce travail de transposition.
Trois autres questions posent problème. François Autain y ayant longuement insisté, je ne m'étendrai pas outre mesure.
Le premier point qui pose problème concerne l'accompagnement des programmes des patients par les laboratoires pharmaceutiques. Nous y sommes hostiles. La commission des affaires sociales a réglé la question, sous l'impulsion de son président, Nicolas About, avec l'accord de son rapporteur, Gilbert Barbier, et j'espère, monsieur le ministre, que vous n'irez pas à l'encontre de sa sagesse.
M. Jean-Pierre Michel. Le deuxième point litigieux a trait à la collecte et à la redistribution des médicaments inutilisés. Pour ma part, je suis partagé. Que devons-nous faire ? Pour le savoir, nous devons débattre de ce sujet.
Enfin, la troisième disposition délicate est relative aux psychothérapeutes, et nous y sommes également défavorables. La commission des affaires sociales a adopté une position sage, puisqu'elle a déposé des amendements visant à supprimer les mesures introduites par l'Assemblée nationale.
Telle est la position du groupe socialiste. Nous ne pouvons malheureusement pas voter ce texte en l'état. Nous reviendrons peut-être sur cette décision au cours de la discussion, monsieur le ministre, si vous êtes aussi sage que la commission des affaires sociales,...
M. Jean-Pierre Michel. ...c'est-à-dire si vous acceptez un certain nombre d'amendements que nous présenterons ou approuverons. Dans ce cas, comme nous l'avons fait récemment sur d'autres textes, et parce qu'il y va de l'intérêt des malades, nous voterons ce projet de loi. Encore faut-il qu'il soit entouré de certaines précautions indispensables... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous entamons l'examen est très technique. Mais il n'en est pas moins important. Il s'agit principalement de transposer dans notre droit la directive européenne du 31 mars 2004. Il était temps ! Cette transposition aurait dû intervenir avant le 30 octobre 2005. Une fois de plus, la France s'illustre par ses difficultés à se conformer au droit communautaire dans les délais qui lui sont impartis.
Cela étant, notre retard est sans doute justifié par la délicatesse de la question. Le médicament est une substance active, qui a une incidence sur le fonctionnement de notre organisme. Mais le médicament est aussi une source d'espoir. Comme il nous a permis, par le passé, d'obtenir des progrès considérables, il pourrait à l'avenir nous aider à vaincre des maladies invalidantes. En tant qu'élue de la Réunion, je pense tout de suite, naturellement, aux maladies dites tropicales telles que le paludisme ou le Chikungunya. Autant de pathologies invalidantes qui affectent chaque année des millions de personnes !
Si tout remède produit des effets sur notre organisme, tout médicament remboursé a également des conséquences sur nos organismes de sécurité sociale.
La problématique du médicament est donc à la fois médicale et financière. Mais il ne s'agit pas d'arbitrer entre ces deux impératifs. Il nous faut les concilier. C'est ce que nous tentons de faire avec la promotion du médicament générique. Promouvoir les molécules dérivées est, en termes financiers, une excellente chose.
Mais, afin de concilier gains financiers et amélioration de la qualité des soins, il est impératif que les économies réalisées grâce aux molécules dérivées servent à mieux financer la recherche et les molécules innovantes.
Mme Anne-Marie Payet. Ainsi, nous alimenterions un cercle vertueux.
Si le présent projet de loi est presque intégralement consacré à la transposition de la directive relative aux médicaments, son article 29 tend aussi à autoriser le Gouvernement à transposer par ordonnances cinq autres directives portant sur des produits à usage médicaux.
Nous ne voyons rien à redire au fait de transposer des directives très techniques par ordonnances. Il n'y a là aucun empiètement de l'exécutif sur le législatif.
En revanche, monsieur le ministre, vous nous demandez aussi, par l'article 29, de pouvoir légiférer par ordonnances dans le domaine du droit de la santé publique. Et le champ de l'habilitation que vous requerrez est large.
Vous souhaitez en particulier pouvoir dresser, par ordonnance, le cadre juridique des « programmes d'observance ». Il s'agit, pour les entreprises pharmaceutiques, de mettre en place des programmes d'assistance à certains patients. L'observance peut être une bonne chose lorsque le respect des prescriptions s'avère particulièrement important pour la santé des intéressés. Mais l'observance doit pouvoir être menée dans un cadre médical bien défini. Il me paraît préférable, monsieur le ministre, de soustraire ces programmes d'observance des patients du champ de l'habilitation à prendre des ordonnances. C'est la position qu'a adoptée la commission des affaires sociales ce matin, et je m'en réjouis.
Par ailleurs, à la suite de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, deux autres questions importantes ont fait leur entrée dans nos débats.
La première question, celle du statut des psychothérapeutes, est à nouveau posée par l'insertion dans le texte des articles 28 sexies et 28 septies. Nous ne sommes pas favorables à ces articles. Lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la politique de santé publique, la commission des affaires sociales était parvenue à un consensus satisfaisant, consensus auquel nous nous étions ralliés et qui est devenu l'article 52 de la loi du 9 août 2004. Sur le fondement de cet article, a été élaboré un projet de décret prévoyant que la formation spécifique en psychopathologie clinique comprendra quatre cents heures de cours théoriques et un stage pratique de cinq mois minimum, ce qui correspond à un enseignement consistant.
Si les articles 28 sexies et 28 septies étaient adoptés, le décret devrait être réécrit, et nous nous retrouverions dans une situation de vide juridique identique à celle qui avait cours avant la loi de 2004. Or il faut encadrer l'exercice des psychothérapies pour les crédibiliser et les expurger de tout charlatanisme.
De même, il paraîtrait normal que des institutions privées sous convention, et pas seulement les universités, puissent former aux psychothérapies. C'est une pratique courante en matière médicale.
C'est pourquoi nous voterons les amendements de suppression déposés par la commission des affaires sociales.
La seconde question épineuse est celle de la collecte des médicaments non utilisés. Comme nombre d'entre vous, nous avons été saisis par Cyclamed et par l'Ordre de Malte à la suite de l'adoption de l'article 28 ter du présent projet de loi, qui interdit la redistribution des médicaments inutilisés. Nous comprenons bien les arguments de ces organisations. Il peut en effet paraître inique de supprimer un mécanisme d'entraide humanitaire. Cependant, l'interdiction d'expédier ces médicaments ne nous semble pas dénuée de justification. Comme vous l'avez précisé tout à l'heure, monsieur le ministre, Cyclamed ne recueillait que 5 % des médicaments vendus chaque année, soit une faible part de ceux qui n'avaient pas été consommés. De plus, la redistribution de ces médicaments ne garantissait pas leur qualité, leur adaptation aux besoins réels de leurs récipiendaires et leur traçabilité. La France est le seul pays européen à recourir encore à de tels médicaments dans le cadre de programmes d'aide internationale.
Mais nous nous interrogeons. Une fois ce projet de loi adopté, ne devrait-on pas réfléchir à un système permettant un tri efficace des médicaments non utilisés ? C'est à mon avis certain.
Nous nous posons une autre question, monsieur le ministre : ne peut-on imaginer que le Cyclamed, aujourd'hui exonéré de la collecte sélective des emballages de médicaments, soit désormais agréé pour mettre en place une collecte sélective des déchets des activités de soins à risques, principalement en pharmacie, chez les professionnels de santé et dans les centres hospitaliers ? Cette collecte sélective serait prise en charge par les industriels producteurs des produits d'activités de soins sous la forme d'une « écocontribution ».
En conclusion, le groupe UC-UDF votera ce texte en fonction des réponses qui seront apportées à nos inquiétudes et interrogations. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'harmonisation des règles européennes dans le domaine du médicament a débuté en 1965, mais une nouvelle étape a été franchie en 2004 par l'adoption d'un « paquet médicament » constitué d'un nouveau règlement et de trois directives.
Comme l'ont dit un certain nombre de nos collègues, cette transposition aurait dû être réalisée au plus tard le 30 octobre 2005. Si cette opération avait été faite, et en dépit de l'affaire du Vioxx, la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments n'aurait pas été créée au Sénat. Mais, lorsque la proposition de résolution de M. Autain a été déposée sur le bureau du Sénat, la commission des affaires sociales avait le choix entre une mission d'information et une mission d'enquête. Elle a décidé de proposer à la Haute Assemblée la création d'une mission d'information, parce que la directive 2004/27/CE prévoyait notamment un certain nombre de mesures visant à assurer la transparence.
Cette directive clarifie donc la notion de médicament, révise les procédures de mise sur le marché, renforce la transparence et améliore les relations entre les entreprises, les prescripteurs et les patients.
Je voudrais, au nom du groupe UMP, formuler quelques observations.
S'agissant de la notion de médicament, je ne reviendrai pas sur les dispositions relatives au générique. Avec la procédure « allégée » d'autorisation de mise sur le marché, qui ne sera pas permise au cours des huit premières années de commercialisation du princeps, ces mesures permettent de protéger le propriétaire du médicament de référence sans obérer le développement des génériques.
Je ne reviendrai pas non plus, monsieur le ministre, sur l'article 12, si ce n'est pour le mentionner, puisque celui-ci étend les conditions de délivrance des autorisations temporaires d'utilisation nominatives, c'est-à-dire l'accès à des traitements encore en phase d'expérimentation clinique, pour répondre aux situations dans lesquelles des personnes atteintes de maladies graves sont confrontées à un risque létal, alors qu'aucun traitement approprié n'est disponible.
Le nom du médicament sera désormais prescrit en dénomination commune internationale, ou DCI, pour qu'une même molécule ait un nom identique dans tous les pays de l'Union européenne. Nous ne pouvons que nous en féliciter,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Marie-Thérèse Hermange. ...d'autant que cette préconisation fait partie des recommandations, susceptibles de contribuer à l'amélioration de l'information des prescripteurs, émises par la mission d'information du Sénat à laquelle nous avons participé. En effet, celle-ci a affirmé la nécessité d'assurer l'indépendance des logiciels de prescription ou d'informer les utilisateurs sur les concepteurs du logiciel et les liens qu'ils peuvent entretenir avec l'industrie pharmaceutique.
Mais je souhaiterais pointer du doigt la notion même de médicament. Si, comme je l'ai dit tout à l'heure, la directive permet une clarification, elle prévoit, sous des aspects techniques, une extension du médicament.
L'article 3 du projet de loi, dans le texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique, stipule notamment ceci : « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ».
Et le texte proposé pour un nouvel alinéa de ce même article du code de la santé publique, toujours à l'article 3, précise qu'« il est, en cas de doute, considéré comme un médicament ».
Je voudrais souligner - j'y reviendrai tout à l'heure à titre personnel, lors du vote sur l'article 3 - le risque que nous prenons, même s'il s'agit de la transposition d'une directive, à considérer le corps humain ainsi que les cellules souches embryonnaires comme des matériaux de laboratoires en franchissant un pas vers la brevetabilité du corps humain.
Je souhaiterais également aborder la question, que j'ai soulevée en commission, des médicaments dérivés du sang et des procédures de mise sur le marché. La France autorise l'importation de ces médicaments provenant de pays où le don du sang est rémunéré à la seule condition qu'ils apportent une amélioration en termes de sécurité ou d'efficacité thérapeutique.
Cette autorisation est limitée à deux ans. Nos collègues députés ont souhaité porter cette durée à trois ans, considérant qu'un tel délai pouvait sécuriser un marché en pénurie chronique et permettait, par ailleurs, d'éviter un certain nombre de paperasseries. Pour autant, l'allongement de ce délai me paraît constituer un signal fort en faveur du don rémunéré tel qu'il est pratiqué dans certains pays. C'est pourquoi j'ai déposé, avec Paul Blanc, Sylvie Desmarescaux et plusieurs de nos collègues, un amendement tendant à revenir au délai de deux ans, et j'invite notre assemblée à nous suivre dans cette démarche.
Je ferai ensuite plusieurs observations sur les procédures de mise sur le marché.
La principale innovation réside dans l'officialisation du rapport bénéfice-risque. Ainsi, une autorisation de mise sur le marché sera désormais refusée lorsqu'il apparaîtra que ce rapport n'est pas considéré comme favorable.
Cependant, mon groupe regrette que l'idée d'introduire l'obligation de réaliser des essais comparatifs entre le nouveau médicament faisant l'objet de la demande d'AMM et les médicaments existant dans la même classe thérapeutique ait été écartée. C'était là l'une des recommandations émises, l'année dernière, par la mission d'information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments. Le recours à une telle évaluation aurait permis en effet de juger la valeur thérapeutique ajoutée des produits et, surtout, de procéder à des études comparatives avec les médicaments déjà commercialisés.
Enfin, s'agissant de la collecte des médicaments non utilisés, vous proposez, monsieur le ministre, conformément aux indications de l'inspection générale des affaires sociales, que notre pays cesse de recycler les médicaments non utilisés. Nous le comprenons bien évidemment, mais il faut savoir qu'une telle décision aurait pour conséquence de priver de nombreuses organisations humanitaires de cette source d'approvisionnement.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous prévoyez d'instaurer une période de transition de dix-huit mois afin de mettre en place de nouvelles sources d'approvisionnement. Mais on ne voit pas très bien comment vous ferez puisqu'il faudrait injecter dans une telle opération de grosses sommes, trop lourdes pour notre système d'assurance maladie et pour l'État.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est généreux !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Pourriez-vous nous donner quelques précisions à cet égard ?
De même, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous envisagez de prendre en faveur du recyclage des médicaments que nous possédons tous dans nos pharmacies personnelles, de façon à éviter qu'ils ne deviennent des déchets publics, ce qui serait fort dommageable au regard de notre politique de l'environnement.
La dernière observation que je vous livre, au nom de mon groupe, concerne le problème de l'usage du titre de psychothérapeute.
D'abord, il nous paraît regrettable de voir cette notion introduite dans une directive relative aux médicaments.
Ensuite, nous souhaitons bien évidemment que toutes les garanties soient apportées aux patients - qui sont des personnes en souffrance psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies - sur la formation et la compétence des praticiens auxquels ils se confient. Il nous paraît donc indispensable d'adosser la formation de ces praticiens à l'université, comme Francis Giraud l'a rappelé ce matin, en commission des affaires sociales.
Par ailleurs, nous souhaitons également avoir des explications très précises sur la mention « à titre temporaire » inscrite dans le décret d'application de l'article 52 de la loi de 2004. En effet, alors que nous, législateurs, sommes censés encadrer une profession qui vit actuellement dans le non-droit, nous semblons, par cette mention, confirmer l'exercice de cette profession par des personnes au nombre desquelles figurent précisément celles qui sont dangereuses pour les patients.
En effet, l'inscription de la mention « à titre temporaire » pourrait autoriser ces « psychothérapeutes » à faire publiquement usage du titre, en particulier dans tous les documents destinés aux usagers, au moment même où sera diffusée l'information selon laquelle la profession est enfin encadrée et sécurisée.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que notre groupe souhaite soulever à l'occasion de l'examen du texte qui nous est soumis portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'employer à définir les conditions d'exercice de la profession de psychothérapeute n'est pas a priori contestable. Il s'agit là d'une tâche utile, donc légitime.
Ce qui, en revanche, est hautement contestable, c'est l'acharnement à vouloir accomplir ce travail en se fondant sur un texte totalement contradictoire dans ses termes et c'est le consentement à ce que cette question légitime soit continuellement instrumentalisée par d'autres causes, tout particulièrement par les croisades menées par un certain nombre d'adeptes du comportementalisme pour disqualifier à la fois la psychanalyse et les psychothérapies relationnelles.
Les deux nouveaux amendements que M. Accoyer a déposés à l'Assemblée nationale et qui sont devenus les articles 28 sexies et 28 septies du texte qui nous est soumis, procèdent de cette double dérive.
En premier lieu, je veux à mon tour souligner que ces amendements ont été déposés au sein d'un texte relatif aux médicaments. Alors que l'Assemblée nationale examinait le même jour, le 11 janvier dernier, un projet de loi sur les professions de santé et le présent texte sur les médicaments, M. Accoyer a choisi ce dernier pour traiter des psychothérapeutes. Ses deux amendements n'ont évidemment rien à voir avec le sujet. Ce sont des cavaliers, tout le monde l'a dit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il doit avoir ses raisons !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, monsieur le président de la commission, il devait avoir ses raisons...
À bien y réfléchir, il y a là quelque chose de profondément symptomatique.
Il faut en effet se souvenir, mes chers collègues, que ce qu'il faut désormais appeler le premier amendement Accoyer - qui a connu cinq rédactions successives au fil des débats et dont la dernière constitue l'article 52 de la loi de 2004 relative à la politique de santé publique - témoignait, dans sa première version, de la volonté d'une mainmise explicite de la sphère médicale sur la totalité du traitement de la souffrance psychique. Nul ne pouvait, selon cette version originelle, traiter de la souffrance psychique s'il n'était pas médecin.
C'était un nouveau Triomphe de la médecine, un retour explicite aux thèses « hygiénistes », pour reprendre le terme de Jacques-Alain Miller.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui s'est toujours vanté de ne pas être médecin !
M. Jean-Pierre Sueur. Et c'était la version brute, radicale, du credo comportementaliste en vertu duquel il fallait désormais substituer à la psychanalyse et aux méthodes qui en sont issues, d'une manière ou d'une autre, les thérapies cognitivo-comportementales, dont les deux composantes sont, d'une part, des protocoles fondés sur des questionnaires codifiés, d'autre part, des prescriptions médicamenteuses.
Nous y voilà ! Il est, mes chers collègues, symptomatique que M. Accoyer inscrive matériellement ses nouveaux amendements sur l'exercice d'une profession traitant de la souffrance psychique au beau milieu d'une série de dispositions qui traitent exclusivement du médicament. C'est, au choix, un nouveau lapsus ou une véritable provocation. En tout cas, c'est à la fois le symptôme et le symbole du prurit hygiéniste.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un peu abusif !
M. Jean-Pierre Sueur. En deuxième lieu, je tiens à rappeler que l'article de loi issu du premier amendement Accoyer auquel il a été fait référence à plusieurs reprises tout à l'heure, soit l'article 52 de la loi de 2004, est contradictoire dans ses termes.
En effet, en raison d'une maladresse, d'un lapsus, d'une incohérence ou d'une incapacité à surmonter la différence entre deux approches distinctes - on peut d'ailleurs en débattre -, l'avant-dernier alinéa de cet article dispose que les médecins, les psychanalystes et les psychologues diplômés peuvent de droit porter le titre de psychothérapeute, c'est-à-dire sans aucune condition...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr que si !
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis bien l'avant-dernier alinéa !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour s'inscrire, oui ! Pour pratiquer, non ! Vous le savez aussi bien que moi ! Il ne faut pas dire n'importe quoi !
M. Jean-Pierre Sueur. Cependant, monsieur le président de la commission, le dernier alinéa du même article écrit l'exact contraire, à savoir que toute personne voulant se prévaloir du titre de psychothérapeute devra avoir subi une formation spécifique en psychopathologie.
L'avant-dernier alinéa relève d'une logique que Roland Gori qualifie justement d'opportuniste, puisqu'il s'agissait et qu'il s'agit toujours - par le biais des projets et des avant-projets de décret -, de tenter de calmer les protestations issues de la première version de l'amendement Accoyer en donnant sans condition - et j'insiste sur ce point - le bénéfice du titre à l'ensemble des médecins, des psychanalystes et des psychologues.
Je qualifierai le dernier alinéa du même article d'exigeant,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je reconnais que, pour les psychanalystes, c'est dangereux !
M. Jean-Pierre Sueur.... puisque son application aurait pour effet de contraindre les médecins qui ne sont pas spécialistes de cette discipline, les psychanalystes et les psychologues de suivre, au même titre que les actuels psychothérapeutes, des formations en psychopathologie pour pouvoir se prévaloir du titre de psychothérapeute.
Comme l'a dit Claude Evin, lors du débat à l'Assemblée nationale, « il y aurait [...] beaucoup à dire notamment sur ce troisième alinéa, qui permet à des personnes n'ayant reçu aucune formation » - j'entends : aucune formation spécifique - « de bénéficier du titre de psychothérapeute ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour exercer, ils sont tenus d'avoir la formation !
M. Jean-Pierre Sueur. La contradiction est donc patente ! L'on aurait pu penser, dès lors que M. Accoyer revenait devant le Parlement pour proposer de nouveaux amendements, que ces derniers auraient pour objet de clarifier les choses et de supprimer cette contradiction, afin que les textes d'application puissent être rédigés sur une base claire.
Mais, très significativement, alors que M. Accoyer ne peut pas ignorer cette contradiction, sur laquelle de très nombreux articles ont été publiés,...
M. Jean-Pierre Sueur. Ce sont les amendements qui ont été déposés par M. Accoyer !
M. Xavier Bertrand, ministre. On a l'impression que vous en faites un débat entre vous-même et M. Accoyer ! Nous parlons de la loi en général !
M. Jean-Pierre Sueur. Ne vous inquiétez pas, je vais bientôt parler aussi du ministre !
Très significativement, alors que M. Accoyer ne peut ignorer cette contradiction, il choisit sciemment non seulement de la maintenir, mais, de surcroît, de l'aggraver.
En effet, les deux amendements qu'il propose auraient des effets concrets s'ils étaient adoptés. Le premier établit la composition d'une commission d'habilitation pour les psychothérapeutes en exercice et prévoit que tout médecin, quelle que soit sa spécialité, peut faire partie de cette commission, ce qui renforce incontestablement le préjugé hygiéniste.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien, l'hygiène !
M. Jean-Pierre Sueur. En troisième lieu, mes chers collègues, j'aborderai la question des décrets.
M. Douste-Blazy - vous le voyez, monsieur le ministre, je change de personnage ! - avait déclaré qu'il ne publierait pas le décret d'application de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 compte tenu des contradictions internes à cet article. Votre position est différente puisque vous vous êtes efforcé, au fil de quatre rédactions successives,...
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai eu connaissance de quatre rédactions !
M. Jean-Pierre Sueur. Je n'ai pas eu connaissance de tout, monsieur le ministre, mais j'ai suivi de près votre travail.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a un micro dans le bureau ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Non, monsieur le président, ces rédactions ont été rendues publiques !
Vous vous êtes efforcé d'écrire le décret en vous fondant sur ce texte contradictoire. Le résultat est que l'ensemble des avant-projets de décret, y compris le dernier, sont eux-mêmes contradictoires dans leurs termes.
Il est en effet très difficile d'écrire un décret qui ne soit pas contraire soit au troisième, soit au quatrième alinéa de l'article 52 de la loi de 2004, et je ne sais pas, monsieur le ministre, comment vous pourrez expliquer que le dernier avant-projet de décret est conforme au principe d'égalité, car il est clair que l'on n'y traite pas de la même manière les différents professionnels, eu égard en particulier aux exigences de formation.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est pour cela que le gouvernement précédent n'a rien fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y avait assurément une autre manière de prendre le problème qui ne se serait assimilée ni à l'avant-dernier ni au dernier alinéa de l'article 52 et qui aurait consisté à partir des exigences de formation, de déontologie et d'exercice de la profession qui ont d'ores et déjà été définies par les professionnels - comme l'on procède de facto, vous le savez très bien, monsieur le ministre, pour les psychanalystes - pour établir des règles, des textes réglementaires, voire législatifs. C'eût été une tout autre démarche que celle du premier amendement Accoyer, qui a instauré la loi comme préalable alors qu'elle aurait pu être un aboutissement.
M. le président. Mon cher collègue, il faut songer à conclure !
M. Jean-Pierre Sueur. En matière de formation, cette démarche pragmatique aurait été à l'antipode de ce qu'imposent les nouveaux amendements Accoyer. En effet, selon ceux-ci, la formation des futurs psychothérapeutes ne peut être qu'universitaire et ne doit être qu'universitaire. Or l'université ne dispense pratiquement pas de formation à la psychothérapie !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais elle le fera !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour le moment, elle ne le fait pas, monsieur le président de la commission !
Il est absurde de nier les institutions qui existent et qui pourraient tout à fait être agréées par l'université ou par l'État. Je ne récuse pas plus que M. le rapporteur ou les orateurs qui sont déjà intervenus le rôle que peut jouer l'université dans ce domaine. Il me paraît cependant tout à fait indiqué de refuser un monopole qui n'aurait pas aujourd'hui de justification pratique puisqu'il serait concrètement impossible à mettre en oeuvre.
Alors, puisque vous m'invitez à conclure, monsieur le président, je le ferai en soulignant que, visiblement, il faut s'y prendre autrement. Il est certes tout à fait légitime de lutter contre les dérives sectaires ; des lois existent à ce sujet, elles s'appliquent à tous. Mais il est inacceptable de qualifier l'ensemble des représentants d'une profession, ou « la plupart » d'entre eux, de charlatans ou de membres de sectes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On n'a jamais dit cela !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président de la commission, je pourrai produire, si vous le souhaitez, un certain nombre de déclarations !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je me suis occupé des sectes, je le sais bien !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourquoi il est important de traiter du sujet. Mais il faut en traiter, monsieur le président de la commission, d'une manière qui soit plus cohérente.
Je salue la décision de la commission des affaires sociales, qui nous propose de supprimer purement et simplement les deux nouveaux amendements Accoyer. Mais au-delà, monsieur le ministre, je pense qu'il faut reprendre cette question sur des bases saines et refuser de s'enfoncer dans des contradictions insolubles.
J'espère avoir contribué, monsieur le ministre, à vous en convaincre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Autain, vous avez évoqué des « mesures expéditives » de « fin de mandat ». Pourtant, vous avez à différentes reprises appelé ce texte de vos voeux ! Je tiens à vous indiquer qu'il a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale dès le mois de mai dernier.
M. François Autain. J'aurais préféré qu'il soit inscrit plus tôt à l'ordre du jour de nos travaux !
M. François Autain. C'est vous qui avez la maîtrise de l'ordre du jour !
M. Xavier Bertrand, ministre... à cette différence près que je le fais dès le début de mon propos : vous voyez que tous les espoirs sont permis, monsieur le sénateur ! (Sourires.)
Ce texte, vous le réclamiez : ne me dites pas qu'il s'agit d'une mesure expéditive au moment où le Gouvernement exauce vos voeux - ce n'est d'ailleurs ni la première ni la seule fois. J'imagine que vous aurez quelque difficulté à masquer la gêne dans laquelle je vous place ! (Nouveaux sourires.)
Vous m'avez demandé pourquoi le décret sur le conflit d'intérêts des professionnels de santé, décret relatif au droit des malades, n'est toujours pas paru. La raison en est simple : sur ce sujet - je pourrais d'ailleurs passer des heures à évoquer les nombreux décrets qu'a pris le ministère de la santé et des solidarités -, un travail de concertation très important a été mené avec l'ensemble des professionnels. Je peux vous annoncer qu'il va enfin être rédigé et soumis au Conseil d'État.
Trois cents décrets ont été publiés par le ministère de la santé et des solidarités depuis le début de cette législature, sans compter les autres textes réglementaires. Il est vrai que ce ministère a beaucoup de textes à publier ! Au demeurant, je voudrais faire observer, comme je l'ai fait ce matin à propos de la loi relative à la politique de santé publique - qui est, comme la loi de 2002, une grande, une belle loi -, qu'à l'avenir nous devrions, chaque fois que nous rédigeons des projets de loi, préparer en même temps les avant-projets des textes réglementaires qui les accompagneront.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. François Autain. Voilà qui est bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. En effet, si le droit d'amendement du Parlement est évidemment imprescriptible, s'il est le plus important qui soit, nous savons bien que les amendements ne portent en définitive que sur une faible part des textes législatifs et que, si la concertation porte en même temps sur la loi et sur le décret, il suffira ensuite de modifier les décrets de façon à tenir compte de la volonté que le législateur aura exprimée.
C'est de cette façon que j'ai procédé pour la réforme de l'assurance maladie, ce qui a permis qu'à la fin de l'année 2004, soit un peu plus de quatre mois après la promulgation de la loi, 80 % des textes réglementaires soient publiés.
M. François Autain. Que ne l'avez-vous fait pour les autres textes !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous devons en la matière être au rendez-vous de l'effectivité : tant que les modalités d'application d'une loi ne sont pas entrées dans le quotidien de nos concitoyens, celle-ci n'existe pas pour eux, et à juste titre.
Voilà de quelle façon, pour ce qui me concerne, j'entends travailler et je veillerai à ce que l'ensemble des textes qui ressortissent à ma compétence puissent être publiés au mieux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Vous me pardonnerez cette digression, mais il est vrai aussi que, dans le domaine de la santé, les matières sont peut-être un peu plus complexes qu'ailleurs, et les intervenants beaucoup plus nombreux.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Et si vous croyez à la concertation - ce dont je ne doute pas ! - comme j'y crois, vous savez également que vous avez tout intérêt à n'oublier aucun interlocuteur !
Par ailleurs, vous vous apercevez quand vous prenez le temps de la concertation qu'il est possible de déterminer des points d'équilibre grâce auxquels vous pouvez continuer d'avancer. Souvent, et c'est particulièrement vrai du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, quand on veut aller trop vite dans la concertation, on passe à côté des bonnes solutions.
Je n'aurai pas le même point de vue sur le décret relatif aux psychothérapeutes. J'y ai consacré beaucoup de temps, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais, quand une loi est promulguée, il faut la traduire dans les faits : à partir du moment où l'article 52 exigeait un décret, il fallait publier celui-ci.
Je n'ai pas ménagé ma peine. Certains prédisaient qu'il serait impossible de rapprocher des points de vue qui semblaient de prime abord inconciliables. Pourtant, une voie d'équilibre a été trouvée, et c'est pour cette raison que je serai favorable à la suppression de ces amendements devenus articles.
M. Jean-Pierre Michel et Mme Patricia Schillinger. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je m'en suis expliqué ce matin encore devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, où il était justement question du suivi de la loi de 2004 relative à la politique de santé publique. Nous avons eu de longs échanges sur son article 52, et j'ai eu à coeur de répondre aux interrogations et aux inquiétudes qu'ont exprimées certains députés : j'ai adopté la position même que je viens de décrire, je n'ai pas changé d'avis en venant devant le Sénat.
J'imagine que vous tiendrez vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, à me poser un certain nombre de questions qui me permettront de confirmer la position du Gouvernement sur ce décret.
Madame Hermange, je sais l'intérêt que vous portez aux questions liées au médicament et la compétence qui vous est reconnue dans ce domaine - ce n'est d'ailleurs pas le seul. Il est vrai que la réglementation de l'AMM n'exige pas de supériorité du nouveau produit sur les anciens. On peut le regretter.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. C'est cependant la décision qui a été prise au niveau communautaire, ainsi que je vous l'ai indiqué.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien dommage !
M. Xavier Bertrand, ministre. Un sujet comme celui-ci - il en est d'autres - doit être davantage débattu à l'échelon communautaire : si nous voulons être plus efficaces au niveau national, nous devons bien évidemment nous en donner les moyens au niveau communautaire. Aujourd'hui, il appartient à chaque État de mettre en place une certaine sélectivité en matière de remboursement s'il le juge opportun. La France le fait. Mais si les choses étaient plus simples à l'échelon européen, nous pourrions aller plus vite et donc être plus efficaces.
Monsieur le rapporteur, vous demandez une réduction du délai pour l'habilitation. Nombre d'ordonnances sont déjà prêtes ; mais si l'on réduit aujourd'hui ce délai, cela posera un problème, notamment sur la question des sanctions pénales, qui demande un important travail de concertation interministérielle, impossible de mener à bien en si peu de temps. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce point tout à l'heure et j'ai bon espoir de pouvoir vous convaincre.
Monsieur Michel, vous vous êtes opposé au principe de l'ordonnance pour les produits sanguins. Mon but n'est pas de priver la Haute Assemblée d'un débat de fond, il s'agit seulement d'introduire la distinction entre l'activité de délivrance pour un patient donné et l'activité de distribution à proprement parler. Mon objectif était d'alléger le travail du Parlement. Cependant, si vous voulez que nous allions plus loin dans la réflexion sur les principes qui présideront à la rédaction de ce texte, j'y suis bien évidemment tout à fait favorable.
Monsieur le rapporteur, vous avez également demandé que nous revenions sur la question du statut de l'expert, sujet important sur lequel ce n'est pas la première fois que vous vous exprimez puisque vous l'avez déjà abordé lors de différentes missions et réunions de commission. Les services du ministère ont engagé des travaux afin d'améliorer la qualité de l'expertise, mais aussi l'indépendance des experts. L'expertise externe, nous le savons, est indispensable à une évaluation de qualité ; nous réfléchissons également aux moyens de valoriser ces travaux d'expertise afin qu'ils soient suffisamment attractifs pour apporter les garanties souhaitées.
Marie-Thérèse Hermange ainsi que François Autain se sont longuement exprimés sur les programmes pour les patients : nous reviendrons plus en détail sur cette question lors de la discussion des amendements, qui me donnera l'occasion d'indiquer la position du Gouvernement et de vous faire d'autres propositions. J'ai exposé tout à l'heure quels étaient mes principes et il m'a semblé qu'en définitive les positions des uns et des autres différaient très peu de celle du Gouvernement.
Pour ce qui est de Cyclamed, que Gilbert Barbier a également évoqué, il s'agit de supprimer non pas cette structure, mais la valorisation humanitaire des médicaments récupérés. En clair, je préfère bien évidemment que l'on rapporte à la pharmacie, à l'officine, les médicaments que l'on n'a pas complètement utilisés plutôt que de les garder chez soi et de s'en débarrasser en les mettant à la poubelle. Cette collecte va continuer, et j'y tiens. Quant à la valorisation humanitaire, rappelons qu'elle ne représentait que 5 % de l'ensemble des médicaments ainsi recueillis.
Au demeurant, et nous aurons l'occasion d'y revenir, il faut tout de même se poser une question - à laquelle j'ai pour ma part une réponse, mais l'industrie ne va pas assez vite à mon goût -, celle des conditionnements, mais aussi, si vous me permettez le terme, celle de l'observance des traitements.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment que les boîtes de médicaments ne correspondent pas suffisamment aux besoins liés aux pathologies des patients : les trois quarts des boîtes de médicaments qui sont ouvertes ne sont jamais terminées. J'ai commencé à m'engager dans cette voie en obtenant des conditionnements de trois mois. Il a fallu se battre, je ne vous le cache pas. Nous travaillons également sur les petits conditionnements ; mais, là aussi, il faut convaincre, alors que c'est une question de bon sens.
Ce sujet ne peut pas être déconnecté des hospitalisations liées à l'iatrogénie médicamenteuse. Et si je veux, en particulier, mieux organiser l'automédication, c'est que je préfère que chacun acquière le réflexe de se tourner vers le professionnel de santé, médecin ou pharmacien, plutôt que celui d'ouvrir son armoire à pharmacie. On trouve beaucoup trop de choses dans une armoire à pharmacie, et même si l'on pense avoir les symptômes de la fois précédente, on ne souffre pas forcément de la même pathologie. On a cependant tendance à croire que l'on peut se soigner soi-même.
Voilà pourquoi je veux réfléchir à l'automédication et améliorer son organisation. Cela suppose d'abord que les conditionnements soient mieux adaptés et que les notices, qui nous semblent aujourd'hui complètes mais n'indiquent pas suffisamment ce que l'on a besoin de savoir, soient révisées. Je n'oublierai pas non plus la question des prix, car j'en ai assez du yoyo que jouent les prix des médicaments non remboursés, et ce exclusivement à la hausse ; cela est autant inadmissible qu'incompréhensible. (Applaudissements.)
Nous reviendrons certainement sur cette question, ainsi que sur celle des psychothérapeutes. Je ne suis cependant pas certains que nous ayons véritablement un débat, car, d'après ce que j'ai entendu ici, cet après-midi, la position du Gouvernement devrait correspondre à celle d'un certain nombre d'entre vous.
Je viens, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous apporter une première réponse. Bien évidemment, le Gouvernement reste à l'entière disposition de la Haute Assemblée pour apporter tous les éclaircissements qu'elle souhaitera et essayer de remporter et l'adhésion et le soutien des différents groupes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE Ier
Dispositions relatives aux médicaments