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NOMINATION DE MEMBRES DE COMMISSIONS
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. André Vézinhet, membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Thierry Repentin, démissionnaire ;
- M. Thierry Repentin, membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. André Vézinhet, démissionnaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Déclaration de l'urgence D'UN PROJET DE LOI
Mme la présidente. Par lettre en date du 23 janvier 2007, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (n° 170).
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Menaces sanitaires de grande ampleur
Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Francis Giraud, Paul Blanc, Mme Brigitte Bout, M. Jean-Pierre Cantegrit, Mme Isabelle Debré, M. Gérard Dériot, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, MM. Jean-Marc Juilhard, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Alain Milon, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Esther Sittler et M. Louis Souvet relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Vous l'avez rappelé ce matin, monsieur le rapporteur, la France a réalisé, ces dernières années, des efforts importants pour faire face aux nouvelles vulnérabilités, notamment aux risques sanitaires.
C'est en particulier au gouvernement de Lionel Jospin et au ministre de la santé de l'époque, M. Bernard Kouchner, qu'il revient d'avoir mis en place le plan Biotox et son fonds de financement à l'automne 2001. Ce sont des circulaires publiées au début de 2002 qui ont également permis la mise en oeuvre ce qui allait devenir, avec la loi relative à la politique de santé publique d'août 2004, les plans blancs et les plans blancs élargis.
Ces rappels liminaires ont pour objet non pas de mettre en exergue, dans un esprit polémique, la plus grande prévoyance du gouvernement que nous soutenions alors par rapport à ceux qui l'ont précédé ou à ceux qui lui ont succédé, mais de souligner l'esprit de responsabilité qui a animé les majorités successives dans un domaine où l'anticipation est une ardente nécessité.
C'est ce même esprit de responsabilité qui conduira tout à l'heure le groupe socialiste à voter en faveur de cette proposition de loi « relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur », sous réserve, bien sûr, des réponses que M. le ministre voudra bien apporter à nos remarques et à nos interrogations.
Dans son intervention, le rapporteur a fait un constat qui est le point de départ de la proposition de loi et que nous partageons tous : en dépit de progrès considérables, lesquels nous autorisent à nous considérer, à juste titre, comme mieux armés aujourd'hui que nous ne l'étions hier pour faire face aux menaces sanitaires - je pense, par exemple, au plan très complet de lutte contre la pandémie grippale -, la France souffre de lacunes incontestables dans l'organisation opérationnelle de la riposte à apporter en cas de crise grave.
Ces faiblesses tiennent aux hommes et aux structures.
Si la loi de 2004 et les mécanismes de plans blancs ont permis la mise en place des procédures, nécessaires et efficaces, de rappel des personnels en formation ou en congé, de réorganisation des conditions de travail ou de réaffectation de certains personnels, rien n'est actuellement prévu pour les professionnels de santé qui viennent en renfort, le plus souvent bénévolement, afin d'aider leurs collègues sur d'autres lieux que leur cadre habituel de travail. Cette aide n'est encadrée ni juridiquement ni financièrement.
En outre, comme le terrible épisode de la canicule ou l'épidémie de chikungunya à la Réunion l'ont montré, il ne suffit pas de faire appel aux bonnes volontés, il faut également connaître avec précision la demande de soins, répartir les professionnels ayant répondu à l'appel en fonction de ces besoins et définir un interlocuteur unique. Bref, il faut une autorité régulatrice et gestionnaire, disposant d'une vision d'ensemble des problèmes.
Enfin, nous devons nous préparer aux risques d'épidémies massives ayant une incidence forte sur la population, y compris sur les professionnels de santé eux-mêmes, et dont nous avons eu un avant-goût, voilà un siècle, avec l'épidémie de grippe espagnole, sans parler de la peste ou du choléra, lequel a sévi dans ma région, qui est aussi la vôtre, monsieur le rapporteur, et que Jean Giono a excellemment évoqué dans Le Hussard sur le toit.
Les simulations de la direction des hôpitaux du ministère de la santé l'ont démontré : les mesures prises jusqu'à présent ne permettraient pas à ces professionnels de faire face à une pandémie, dans la mesure où un certain nombre d'entre eux tomberaient malades ou seraient bloqués chez eux précisément à cause de cette épidémie.
Tel est donc l'état des lieux.
Quelles sont les mesures suggérées par les auteurs de la proposition de loi pour répondre à ces constats ?
D'abord, ils prévoient d'augmenter les ressources en personnel de santé grâce à la constitution d'un corps de réserve sanitaire dont les membres devraient bénéficier d'un statut juridique et financier assurément protecteur.
Ensuite, les auteurs de ce texte préconisent de mettre en place un établissement public « multifonctionnel », oserais-je dire, puisqu'il serait chargé de mener de front pas moins de trois missions différentes : administrer le corps de réserve sanitaire, reprendre les missions du fonds Biotox concernant l'achat, le stockage et la distribution de médicaments et de produits prophylactiques nécessaires à la prévention ainsi qu'à la gestion des crises sanitaires et, enfin, accomplir les tâches d'une entreprise pharmaceutique pour la couverture de la population en besoins de médicaments et de produits médicamenteux non couverts par ailleurs.
Ces réponses sont-elles à la hauteur des enjeux ?
Elles constituent, selon moi, un pas incontestable dans la bonne direction, notamment pour le statut des personnels de santé réservistes. Toutefois, cette approbation d'ensemble ne doit pas dissimuler nos doutes et nos critiques, à commencer par celles qui portent sur la forme même du texte, long, peu lisible, pour ne pas dire abscons, et dont une bonne partie aurait pu tout aussi bien faire l'objet d'une mise en oeuvre par voie réglementaire.
Le point fort de cette proposition de loi est assurément la mise sur pied du corps de réserve sanitaire, accompagnée d'un statut financier et juridique très protecteur, que les membres des autres réserves - je pense à la réserve opérationnelle militaire et à la réserve de sécurité civile - ne manqueront pas de revendiquer tôt au tard.
Le texte prévoit, en effet, un régime de mise à disposition contre remboursement à l'employeur qui permettra au réserviste de bénéficier d'une continuité totale de sa couverture sociale. Celui-ci sera couvert par l'État, à l'instar des fonctionnaires, contre les dommages qu'il pourra subir dans le cadre de ses activités de réserviste et il bénéficiera d'une protection en cas de mise en jeu de sa responsabilité civile et pénale.
De plus, ces dispositions relatives à la protection contre les dommages subis et contre la mise en jeu de la responsabilité du réserviste seront étendues aux professionnels répondant à un ordre de réquisition ainsi qu'à ceux qui, bien que n'étant ni réservistes ni réquisitionnés, seraient conduits à effectuer leur tâche dans des conditions d'exercice exceptionnelles, à la demande du ministre de la santé, notamment dans le cadre de la mise en application du plan « pandémie grippale ».
Dans les conclusions de la commission des affaires sociales figurent à ce sujet des précisions opportunes, notamment sur le principe selon lequel la prise en charge par l'État des dommages subis par le réserviste aura un caractère intégral.
Il s'agit là d'avancées réelles, dont il faut féliciter les auteurs de la proposition de loi.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Claude Domeizel. Ainsi que nous le verrons tout à l'heure lors de l'examen des amendements que j'ai déposés, je souhaite que, au moins sur ce point de la prise en charge intégrale par l'État des dommages subis, des avantages similaires soient envisagés dans d'autres domaines, notamment dans celui de la législation applicable aux sapeurs-pompiers volontaires.
En effet, en l'état, un sapeur-pompier volontaire ayant subi des dommages corporels pendant son activité bénéficie d'une réparation financée par sa commune d'emploi s'il est fonctionnaire communal. Je proposerai que, par parallélisme avec le régime instauré par le texte qui nous est soumis, ce soit, à l'avenir, les services départementaux d'incendie et de secours qui prennent en charge le coût correspondant, comme cela est déjà le cas pour les sapeurs-pompiers travaillant dans le privé.
Au-delà des appréciations positives que l'on peut porter sur le statut des réservistes sanitaires, j'ai cependant déposé, avec mon groupe, plusieurs amendements sur des sujets connexes qui ne nous paraissent pas être traités de manière parfaitement convaincante à travers cette proposition de loi.
Le premier de ces amendements tend à préciser la portée du principe selon lequel les périodes de réserve sont considérées comme des périodes de travail. La proposition de loi prévoit précisément, en effet, que « les périodes de formation et d'activité dans la réserve sont considérées comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droit aux prestations sociales ».
Mais qu'en sera-t-il des autres avantages non énumérés, par exemple des jours de RTT ? La rédaction retenue semble les exclure, ce qui ne me paraît pas très cohérent.
De même, je souhaite que l'on m'explique où se situe la cohérence dans le choix de fixer une durée maximale, en principe, de quarante-cinq jours cumulés par année civile pour la réserve sanitaire, alors que cette durée est de trente jours pour la réserve opérationnelle militaire ? Quelles sont en particulier les analyses ou les projections à partir desquelles cette norme de quarante-cinq jours a finalement été retenue ?
Enfin, je ferai une dernière remarque sur le corps de réserve sanitaire et ses règles d'emploi.
Comblant un silence de la proposition de loi, notre commission des affaires sociales a souhaité donner la priorité à la réserve opérationnelle et à la réserve de sécurité civile sur la réserve sanitaire chaque fois qu'une même personne relèvera de plusieurs de ces réserves. Or la présence de certains pompiers peut être souhaitable, voire indispensable, au bon fonctionnement du corps de réserve sanitaire. Le texte devrait, de ce point de vue, être moins directif et laisser au directeur départemental du SDIS la possibilité d'autoriser certains pompiers à participer à la réserve sanitaire.
Mes interrogations les plus fortes portent toutefois sur la structure que vous mettez en place, cet établissement public qui, curieusement, n'a pas de nom. N'est-il pas à craindre que sa gestion n'apparaisse en pratique lourde et affectée d'un risque réel d'inefficacité ?
Plusieurs questions ayant trait aux risques de redondance et aux problèmes de coordination que présente la création d'une telle structure me viennent spontanément à l'esprit.
D'abord, quelles seront l'articulation et, surtout, les synergies entre, d'une part, un pôle administratif chargé de la gestion des réservistes et, d'autre part, un établissement ayant essentiellement des fonctions d'achat, de stockage et de distribution de produits et de services à visée prophylactique ou de traitements médicamenteux ?
Ensuite, quelle sera, là encore, l'articulation entre l'établissement pharmaceutique créé au sein de l'établissement public et les autres structures de stockage et de distribution déjà existantes ? N'existe-t-il pas de risques de doublon, par exemple avec la Pharmacie centrale des armées ou la Pharmacie centrale des Hôpitaux de Paris, deux structures efficaces ayant largement fait leurs preuves ?
En outre, quelle sera localement la répartition des rôles entre cet établissement public, le ministère de la santé, les préfets, les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, ou DRASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, ou DDASS, les agences régionales de l'hospitalisation, ou ARH, et les structures hospitalières ? Comment nous y retrouverons-nous avec un aussi grand nombre d'interlocuteurs ? Qui assurera l'unité de gestion des réservistes pendant les crises elles-mêmes ?
Enfin, quel sera le rôle du conseil d'administration de l'établissement ? Comme l'a prévu à juste titre notre commission des affaires sociales, celui-ci devra bien comprendre une représentation des régimes d'assurance maladie, dès lors que ces derniers contribuent au financement du dispositif. Dans la mesure où l'établissement agira toujours « à la demande du ministre chargé de la santé », quelles seront sa marge de manoeuvre et son articulation avec le ministère ?
Pour conclure, je voudrais rebondir sur les propos de M. le rapporteur quant au principe et aux conditions de réussite du volontariat.
Oui, les futurs professionnels de santé devront être formés de plus en plus tôt au cours de leur cursus, et de manière systématique, aux problématiques et aux techniques de la médecine de crise ! À cet égard, les conditions de rémunération joueront évidemment un rôle.
Mais le jour où nous serons confrontés à une véritable pandémie touchant l'ensemble du pays et de nos voisins, il ne sera plus question de s'appuyer seulement sur les volontaires ; ce sont tous les professionnels de santé valides sans exception qui devront être mobilisés. À mon sens, il était nécessaire de souligner ce point pour relativiser la portée de la création d'un corps de réserve sanitaire.
Telles sont les quelques réflexions que nous inspire la présente proposition de loi. Celle-ci n'est pas parfaite, loin s'en faut. Mais elle constitue néanmoins une avancée appréciable. C'est pourquoi nous la voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la préparation du système de santé aux menaces sanitaires de grande ampleur est une exigence indispensable pour garantir le bien-être de nos sociétés.
Entre 1993 et 2001, la France s'est dotée d'un dispositif suffisant pour développer le suivi et l'alerte dans le domaine de la sécurité sanitaire, avec la création de plusieurs établissements spécialisés. Je pense notamment à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à l'Établissement français du sang ou à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Un travail a récemment été mené pour développer une approche prospective du risque sanitaire, qui permettrait une remontée le plus en amont possible, à proximité immédiate de l'événement concerné, mais également l'évolution possible de ses risques et de leurs conséquences.
Ces dernières années ont été marquées par plusieurs crises sanitaires de grande ampleur, dont la plus importante demeure évidemment la canicule de l'été 2003. À la Réunion et à Mayotte, nous avons également dû faire face au chikungunya. Ces deux crises ont montré la nécessité d'un dispositif d'aide précoce à la décision.
La crise épidémique qui a frappé les îles de l'océan Indien a débuté sur l'île de la Grande Comore au début de l'année 2005, en provenance d'Afrique de l'est. Elle a ensuite affecté Mayotte, Maurice, puis la Réunion au premier trimestre de l'année 2005, avant de poursuivre sa route vers les Seychelles. Le début de l'épidémie en 2005 et les premiers cas survenus aux Comores ont été repérés par l'Institut de veille sanitaire. Après les premiers cas signalés à la Réunion au mois d'avril 2005, les médecins du réseau sentinelle ont été mis en alerte et les équipes de lutte anti-vectorielle ont été activées.
Au début du mois de juin, cette action a été suivie par une mission d'information de l'Assemblée nationale, présidée par le député Bertho Audifax, qui s'est rendue à la Réunion. Son rapport, remis le 4 juillet 2006, a mis en exergue tous les dysfonctionnements et recommandé la mise en place d'un véritable service de prophylaxie.
L'épidémie s'est progressivement développée, pour atteindre un pic entre le mois de décembre 2005 et le mois de février 2006, avec plus de 47 000 cas par semaine. On a alors constaté un débordement des services d'urgence des hôpitaux et une insuffisance flagrante des professionnels sanitaires pour faire face à une épidémie d'une telle ampleur, d'autant que beaucoup d'entre eux étaient également atteints par le chikungunya.
Mais, grâce à un travail commun de la part de tous les acteurs politiques et des instances sanitaires, nous pouvons nous féliciter de la baisse progressive de l'épidémie du chikungunya. Selon les derniers chiffres disponibles, le nombre de cas recensés chaque semaine est désormais compris entre zéro et dix.
Le chikungunya a permis une prise de conscience du risque toujours présent des maladies émergentes, en particulier dans une zone tropicale. Nous avons été frappés par cette maladie, mais si la Réunion avait été touchée par le West Nile, présent à Madagascar et dont les vecteurs sont les oiseaux, le bilan aurait été plus lourd. En effet, celui-ci provoque jusqu'à 15 % de décès dans les populations atteintes. On aurait alors dénombré plus de 23 600 morts. Le risque est d'autant plus grand que les échanges commerciaux et le trafic des voyageurs s'intensifient entre les îles de la zone.
Les collectivités continuent de se mobiliser. Actuellement, 1 300 personnes sont encore sur le terrain. On constate également une grande mobilisation des ministres de la santé de la zone océan Indien, dans le cadre de la coopération régionale. La solidarité joue à fond et les actions sont complémentaires. Ainsi, 2,2 millions d'euros ont été consacrés à l'implantation à la Réunion du Centre de recherche et de veille sanitaire de l'océan indien. Celui-ci est en cours d'installation et nous permettra de réagir rapidement dès la première alerte.
Monsieur le ministre, il faut, me semble-t-il, tirer les leçons de la crise du chikungunya pour les futures menaces sanitaires, qu'elles soient nationales ou internationales.
Mme Anne-Marie Payet. Le monde entier doit être solidaire comme nous avons su l'être, à notre niveau, dans l'océan Indien. La solidarité nationale a également été exemplaire. Je pense notamment à l'envoi de professionnels de santé venus renforcer les équipes soignantes au plus fort de l'épidémie, mais cela résultait d'un volontariat individuel non préparé.
En outre, et je sais que vous m'approuverez sur ce point, monsieur le ministre, il n'a pas été simple de mobiliser et de faire participer la population aux actions de prévention. En effet, au début de l'épidémie, 75 % des Réunionnais ne considéraient pas le moustique comme le vecteur de la maladie. Selon les dernières statistiques, ce taux n'est plus que de 30 %. C'est bien. La population joue désormais un grand rôle dans la destruction des gîtes larvaires. Mais il faut encore tenter de convaincre les irréductibles.
Monsieur le ministre, la France est-elle en mesure de faire face en temps réel à une crise sanitaire plus grave que le chikungunya, qu'elle ait lieu sur le territoire national ou à l'étranger ?
La proposition de loi met en place un établissement public administratif chargé de gérer les moyens de réponse opérationnelle sanitaire pouvant disposer d'une capacité en matière pharmaceutique. Les dispositions en vigueur permettent-elles de faire appel au personnel de santé avec le niveau de réactivité qui s'impose dans des conditions de sécurité juridique satisfaisantes pour les intéressés ? Il faut renforcer la coordination parfois encore insuffisante de la gestion de ces moyens sanitaires.
Enfin, la puissance publique ne dispose pas de la capacité d'exploitation pharmaceutique nécessaire pour mettre sur le marché les médicaments indispensables en cas de crise sanitaire et qui ne peuvent pas être mis à disposition dans le cadre des circuits habituels de fabrication et de distribution, ce qui limite l'efficacité de la réponse.
Compte tenu de la variété et du nombre de professionnels concernés, ainsi que des exigences de réactivité que cela implique, les structures du ministère chargé de la santé peuvent-elles aujourd'hui assurer la gestion et l'animation d'une réserve sanitaire ?
La réserve sanitaire comprendra des professionnels en activité, des professionnels retraités et des personnes poursuivant des études médicales ou paramédicales, sous condition de niveau d'études. Il s'agira de volontaires, comme c'est le cas pour les réserves militaire ou de sécurité civile.
Tous les réservistes devront souscrire un contrat d'engagement. Ils bénéficieront des formations nécessaires. La proposition de loi définit également le régime applicable aux réservistes et institue une structure opérationnelle de préparation et de projection des moyens en cas d'urgence ou de crise sanitaire. Cette structure, un établissement public administratif soumis à la tutelle du ministre de la santé, sera chargée de la mise en place et de l'administration de la réserve sanitaire et de la projection opérationnelle des réservistes, à la demande du ministre et en fonction des besoins exprimés par les représentants de l'État. En outre, elle achètera, entretiendra et distribuera les produits et équipements stockés dans le cadre des plans de défense et de sécurité sanitaire.
Le groupe de l'UC-UDF se félicite de la mise en place de dispositifs préparant de manière efficace notre pays à des menaces sanitaires graves. Le Gouvernement a raison de vouloir faire rapidement adopter ce texte. Cependant, pour son application, des questions relatives à la coordination des services se poseront. Les missions internationales, même dans leur dimension sanitaire, ne devront-elles pas être préparées par le ministère des affaires étrangères, en lien étroit avec les unités opérationnelles de la sécurité civile et le service de santé des armées, qui sont rompus à ce genre de missions et connaissent les besoins en personnels et les formations spécifiques à valider ?
De même, la réserve sanitaire ne doit-elle pas être mise à la disposition du Centre opérationnel de gestion interministérielle de crise et de la Direction de la défense et de la sécurité civiles ? Selon nous, le ministère des affaires étrangères doit une fois de plus demeurer compétent pour en disposer dans l'hypothèse d'une intervention internationale. Nous nous interrogeons donc sur l'articulation de ces différents services entre eux en cas de crise sanitaire.
Sous réserve de ces interrogations, ce texte nous paraît constituer une avancée. Nous le voterons donc. En tant qu'élue de la Réunion,...
M. Alain Gournac. Très belle île !
Mme Anne-Marie Payet. ...j'ai pu constater, pendant la crise sanitaire, à quel point nous avions besoin de structure et d'encadrement pour répondre au mieux et dans les meilleurs délais à l'urgence sanitaire. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Milon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui constitue une avancée majeure pour la préparation de notre système sanitaire face à des menaces sanitaires de grande ampleur et pour la protection des populations.
Cette démarche est rendue particulièrement nécessaire par l'évolution imprévisible, mais toujours actuelle, de l'épidémie possible de grippe aviaire.
L'année dernière, on annonçait le risque à plus ou moins court terme d'une pandémie de grippe humaine, comparable à la grippe espagnole, qui a causé entre 20 millions et 40 millions de morts en 1918 et 1919. Accompagnée d'avis scientifiques souvent divergents, la médiatisation de ce risque a été très forte.
Aux premiers temps de l'effervescence médiatique a succédé une période plus calme où le danger semble s'être étrangement éloigné, en raison de l'actualité du contrat première embauche, ou CPE. Nombreux sont ceux qui le pensent, le sujet de la grippe aviaire a eu l'importance que les médias, ou simplement nos phobies, ont bien voulu lui accorder. Pour autant, il ne faut pas tomber dans l'excès inverse, car sous-estimer un tel risque serait une erreur.
Depuis plusieurs années, l'Organisation mondiale de la santé redoute une pandémie de grippe humaine. Dès 2004, elle a alerté l'ensemble des pays sur les risques liés au virus H5N1. Très pathogène, celui-ci est répandu et circule depuis longtemps sur l'ensemble de la planète. Sans que l'on puisse être certain que cela se produira un jour, on sait qu'il peut à tout moment muter et se transmettre d'homme à homme. C'est à ce moment-là qu'il deviendrait extrêmement nuisible et provoquerait une épidémie qui atteindrait tous les continents en un temps très court. Quelles que soient les analyses, les scientifiques reconnaissent l'importance de se préparer à la pandémie pour limiter ses conséquences médicales et économiques.
Ce contexte de grippe aviaire ne justifie pas, à lui seul, l'aménagement de notre système sanitaire même s'il doit, certes, nous pousser à agir vite. Nous devons être conscients que l'amélioration de notre réponse sanitaire s'impose au-delà du risque de pandémie grippale, car nos sociétés modernes sont extrêmement fragiles au regard du risque épidémique en général, la crise du chikungunya vient de le prouver. Nous pouvons également craindre des actes de malveillance liés, en particulier, au bioterrorisme.
De nombreux pays ont pris conscience de l'importance de la prévention pour limiter la propagation d'une maladie contagieuse au sein de leur population. La France est l'un des pays les plus en avance sur ce sujet et elle a procédé, ces derniers mois, au stockage de masques de protection et de réserves de produits antiviraux. Il importe maintenant - et c'est l'objet de cette proposition de loi - de garantir des effectifs suffisants de personnel soignant et d'assurer une meilleure coordination des services appelés à gérer la crise.
Dans la conjoncture exceptionnelle d'une pandémie grippale, notre pays pourrait connaître une brutale inadéquation de l'offre en personnel soignant à la demande de soins. On peut imaginer à quel point les hôpitaux risquent d'être asphyxiés et la médecine de ville dépassée. Des mesures sont déjà prévues pour les crises sanitaires, comme le rappel des personnels en formation et en congé ou l'augmentation du temps de travail, mais il est clair que les besoins seront hors de proportion. Des moyens spécifiques supplémentaires doivent donc être dégagés. La proposition de loi apporte des solutions concrètes avec la création d'un corps de réserve sanitaire.
Cette réserve sanitaire reposera sur le volontariat, comme vous l'avez souhaité, monsieur le rapporteur, et comprendra des professionnels en activité, des retraités depuis moins de trois ans et des étudiants des filières médicale et paramédicale. Les deux niveaux d'intervention institués, réserve d'intervention et réserve de renfort, répondront aux besoins réels de la crise.
La proposition de loi permet, il faut le souligner, la sécurisation professionnelle de ces personnels, en particulier en matière de rémunération, de protection sociale et d'assurance. Ce statut très protecteur bénéficiera aux réservistes mais aussi aux personnels non réservistes qui seraient appelés à intervenir en cas d'épidémie de grande ampleur. Les professionnels de santé appelaient de leurs voeux cette sécurisation.
De plus, pour anticiper nos capacités réelles en personnel soignant, la proposition de loi permettra de disposer de données fiables sur les renforts possibles : l'obligation de déclaration des personnels en retraite sera maintenue pour trois ans, par exemple. Leur changement d'adresse devra également être signalé. L'ensemble du dispositif bénéficiera par ailleurs à l'aide humanitaire qui, dans ses phases d'extrême urgence, nécessite une réactivité et une organisation administrative importantes.
Le second point déterminant de la proposition de loi est la création d'un établissement public administratif permettant de gérer les moyens de réponse opérationnelle.
Dans nos sociétés complexes, de plus en plus d'intervenants sont concernés par la gestion des crises. Les conséquences d'une crise sanitaire de grande ampleur, indépendamment des problèmes médicaux proprement dits, sont multiples et complexes. Elles concernent des domaines divers et variés. Il faut d'abord prendre en compte la désorganisation de la vie quotidienne, notamment la fermeture des écoles, les besoins alimentaires de la population, la nécessaire continuité de la distribution d'eau et d'énergie, les transports, le maintien de l'ordre public, etc. Il s'agit ensuite de soutenir la vie économique, malgré les arrêts de travail pour maladie, l'absentéisme pour garde d'enfants ou de personnes malades, le ralentissement des échanges de marchandises. Il faut enfin prévoir des équipements, des stocks en médicaments, vaccins, masques... Répondre à ces nécessités impose des choix et des arbitrages. Or la coordination des acteurs publics est toujours une tâche difficile.
Ayant travaillé à élaborer, en 2001, une réponse à des attaques terroristes, le Gouvernement s'est préparé au problème spécifique d'une menace sanitaire grave dès août 2004. Le plan de lutte gouvernemental définit des principes généraux d'organisation sur le plan national : niveaux d'alerte, rôles respectifs des structures nationales de gestion, de suivi et de décision.
Bien que notre programme d'action soit salué par nos voisins comme étant l'un des plus avancés, il comporte certaines failles. Ainsi, la réserve sanitaire ne pourrait être suivie par les services du ministère comme il conviendrait. Par ailleurs, nous disposons d'importants stocks de matériels et de traitements mais leur gestion reste compliquée et lourde. Enfin, s'agissant des médicaments qu'il faudrait fabriquer en masse en cas de crise, les pouvoirs publics ne disposent pas de la capacité de production nécessaire.
L'établissement public prévu par le présent texte permettra, nous le souhaitons, de remédier à ces problèmes : chargé de la mise en place et de la gestion de la réserve sanitaire, il procédera par ailleurs à l'achat et au suivi des équipements et traitements nécessaires, y compris en ce qui concerne les médicaments. Il est souhaitable que sa mise en place intervienne rapidement, et nous vous faisons toute confiance pour cela, monsieur le ministre.
Identifier toutes les conséquences de la pandémie, se pencher sur chacun de ses aspects médicaux et non médicaux, déterminer les meilleurs moyens de lutte : la tâche du Gouvernement est complexe. De plus, la planification dépasse le cadre national et impose de renforcer les partenariats internationaux.
Je le sais, monsieur le ministre, vous avez à coeur de tout faire pour nous préparer à affronter les nouveaux risques qui peuvent atteindre notre pays. Le pire n'est pas toujours sûr,...
M. Alain Milon. ...encore faut-il être prêt. L'état de préparation du système de soins français est bien avancé et, avec les autres signataires de cette proposition de loi, je me réjouis que nous puissions apporter aujourd'hui notre contribution à cet effort.
Je remercie notre rapporteur pour la clarté de ses propos et son engagement en faveur de cette proposition de loi au service de la protection des populations, conforme à sa vocation de professeur de médecine. Bien évidemment, notre groupe votera cette proposition de loi, en espérant qu'elle recueillera l'unanimité de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne démentirai évidemment pas l'orateur précédent et j'annonce, à l'avance, que je voterai, avec l'ensemble de mon groupe, la proposition de loi qui nous est soumise et qui présente un intérêt évident.
Nous avons pu croire, il y a près de vingt ans, que nous vivions la fin de l'histoire : la vie des peuples s'est chargée de nous rappeler que l'histoire ne se termine jamais. Nous avons aussi cru que nous arrivions, compte tenu de l'expansion technique fantastique que nous connaissions, à un monde dans lequel les hommes, grâce à la science, domineraient tout. Nous constatons que la nature n'a pas changé et continue de déchaîner des catastrophes qui résultent du jeu des lois naturelles et quand les hommes s'obstinent à s'exposer, parfois inconsciemment, à un certain nombre de risques pourtant évidents, elle se venge. La maladie est probablement bien traitée par la médecine - et je rends hommage à tous ceux qui s'y consacrent, monsieur le professeur Giraud - mais elle invente toujours, malheureusement, de nouvelles formes auxquelles on ne pensait pas : le chikungunya vient de nous le rappeler, la menace de la peste aviaire nous le rappelle en permanence.
En réalité, nous vivons dans un monde tout aussi dangereux qu'autrefois, peut-être même un peu plus, compte tenu des techniques modernes de production et de notre dépendance énergétique. La mise en place, avec Internet, d'un système de communication tous azimuts extrêmement fragile - contrairement à ce qu'on pense - nous rend tous dépendants les uns des autres et surtout tributaires du moindre accident.
Or, si un accident ou un attentat se produit, ne nous faisons aucune illusion, mes chers collègues, la santé de nos concitoyens sera immédiatement concernée, même une panne électronique de grande ampleur provoquerait un certain nombre de dysfonctionnements et de désordres. Il était donc utile de réfléchir à l'organisation de notre pays face à d'éventuelles difficultés, pandémies, accidents ou catastrophes majeurs et à la préparation de tous ceux qui auront en charge, à cet instant, la préservation de la santé de nos concitoyens.
Je suis donc tout à fait en phase avec vous, monsieur le rapporteur, pour constater que votre proposition de loi vient au bon moment et qu'elle apporte une excellente contribution à l'organisation de nos personnels de santé en cas de crise importante.
J'exprimerai cependant un léger regret, monsieur le ministre. Ce n'est pas la première fois que le mot « réserve » est prononcé, depuis quelques années ou quelques mois, dans cette enceinte. Il l'a été pour les réserves militaires - c'est tout à fait classique -, pour les réserves de sécurité civile, pour les réserves communales de protection civile. De nombreuses réserves ont donc été créées, mais je crains que les volontaires potentiels ne se raréfient en raison de l'affaiblissement de l'esprit civique.
À partir de ce constat, j'exprime la crainte que toutes les réserves ne regroupent à peu près les mêmes personnes - même si la réserve sanitaire suppose des exigences de compétence et de formation particulières. La vie de tous les jours nous apprend que, lorsque des rendez-vous touchant à la protection civile, la défense civile ou la sécurité civile sont organisés, on retrouve les mêmes intervenants ou le même public dans la salle et, par conséquent, les mêmes dévouements. C'est un premier problème que certains de nos collègues, sur diverses travées, ont évoqué tout à l'heure.
Le deuxième problème qui me préoccupe tient à la segmentation de ces réserves : celles-ci vont exister côte à côte, mais se connaîtront-elles, en admettant que des effectifs suffisants permettent de les alimenter toutes ? Ma réponse est un peu dubitative, compte tenu de mon expérience personnelle. Au moment où va s'ouvrir un grand débat national, au cours duquel les questions essentielles seront posées - et je souhaite que cette question soit abordée -, puis-je me permettre de suggérer, me tournant vers vous, monsieur le ministre, qu'une réflexion d'ensemble sur l'organisation de notre pays en temps de crise soit lancée prochainement ?
Pour prendre un exemple simple, le plan de lutte contre la pandémie grippale que vous préparez actuellement comporte, d'après ce que j'ai compris, un certain nombre de dispositions qui prévoient le tri des patients avant l'hôpital, au moment des grands afflux, afin que seuls ceux dont l'état le justifie soient pris en charge à ce niveau de sécurité et de compétence médicale. Très bien ! Ces dispositions conduiront, très certainement, non pas à fermer les hôpitaux, mais à en restreindre très fortement l'accès - ne serait-ce que pour éviter que les simples visiteurs ne deviennent des vecteurs de dissémination du virus. Comment assurera-t-on la sécurité quand, dans le même temps, des pharmacies seront assiégées par des gens réclamant des médicaments, même s'ils n'en ont pas vraiment besoin ? La rumeur, les communications radiophoniques, télévisuelles ou autres, provoqueront forcément des phénomènes de panique ! Nous aurons donc besoin de beaucoup de monde, juste au moment où, comme par hasard, des éléments qualifiés manqueront parce qu'ils seront malades !
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que le Gouvernement lance une réflexion globale sur l'organisation d'ensemble de la gestion de notre pays en cas de crise majeure quelle qu'en soit l'origine, naturelle, technologique, terroriste ou médicale et que l'on envisage l'articulation des différents intervenants. Par exemple, la proposition de loi actuellement soumise à la délibération du Sénat prévoit que le corps de réserve sanitaire sera mobilisé sur ordre du ministre ; dans le même temps, en cas de sinistre, les réserves locales seront mobilisées par le commandant des opérations de secours. Un certain nombre de dysfonctionnements et de difficultés peuvent résulter de l'application de ces deux dispositions ; je souhaiterais qu'on y réfléchisse.
Monsieur le rapporteur, je vous félicite d'avoir pris l'initiative de déposer cette proposition de loi et de l'avoir rédigée de telle manière que nous puissions la voter sans aucune espèce de restriction. Pour ma part, j'ai simplement voulu poser devant le Sénat - et surtout devant vous, monsieur le ministre - le problème de la généralisation de cette réflexion, de la mutualisation des moyens et du caractère interministériel de l'organisation à mettre en place. Nous avons besoin d'une loi organique relative à l'organisation de notre pays dans les périodes de crise qui ne manqueront pas, hélas ! de se produire un jour ou l'autre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Avant de revenir plus longuement, lors de l'examen des articles, sur un certain nombre de questions, je voudrais maintenant prolonger les propos liminaires que j'ai tenus ce matin.
J'indiquerai tout d'abord à M. Autain que, en ce qui concerne l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, celle-ci ne peut être juge et partie, car elle évalue les laboratoires et ne peut pas être en même temps exploitant. Il faut rappeler que le nouvel établissement sera placé, pour ses compétences pharmaceutiques, sous le contrôle de l'AFSSAPS, ce qui est un gage de sécurité pour la population, la coordination de l'alerte et la gestion de crise continuant à relever du ministère.
Je voudrais également dire à M. Autain que l'on ne peut, en aucune manière, parler de désengagement de l'État. En effet, l'État est présent, ses interventions sont multiples à l'occasion des crises sanitaires et le renforcement qui a été opéré au cours des dernières années - je remercie M. Francis Giraud de l'avoir souligné - permet précisément de prouver que cette affirmation ne correspond pas aujourd'hui à la réalité. Le nouvel établissement public sera d'ailleurs, d'une certaine façon, un bras armé de l'État, rendant plus efficace son action en la matière.
Par ailleurs, monsieur Domeizel, le rôle central des préfets dans la détermination des besoins est confirmé. C'est la logique de la réserve. Quant au ministère, il aura à décider l'emploi de la réserve et des produits de santé, l'établissement public assurant, pour sa part, la mise en oeuvre concrète de ces décisions.
Pour bien préciser la position de l'État à l'égard du texte présenté par M. Francis Giraud, il me paraît important de relever que la Pharmacie centrale des armées n'est pas, à l'heure actuelle, exploitant pharmaceutique. Ses moyens ne sont pas illimités ; elle répond surtout aux besoins des armées, même si sa collaboration à la préparation de réponses à des menaces sanitaires de grande ampleur est bien sûr possible, comme on peut le voir s'agissant de la grippe aviaire. Nous ne bénéficierions d'ailleurs certainement pas de l'état de préparation actuel si la Pharmacie centrale des armées n'avait pas été en mesure de transformer le vrac de Tamiflu en gélules comme elle a su le faire avec une réactivité remarquable. Je tenais à le préciser, mais la vocation de la Pharmacie centrale des armées reste spécifique.
En ce qui concerne maintenant les missions internationales, madame Payet, il existe des demandes d'État à État en cas de catastrophe sanitaire. C'est bien évidemment le ministère des affaires étrangères qui assure la coordination dans ces circonstances, le ministère de la santé et des solidarités jouant en quelque sorte un rôle de prestataire de services.
En réponse à MM. Alain Milon et Paul Girod, j'indiquerai que, en cas de crise majeure sur tout le territoire, le pilotage sera bien assuré par le ministère de l'intérieur, qui assure logiquement, dans de telles circonstances, la conduite des opérations. Chacun reste bien sûr à sa place, mais une réelle coordination est organisée, selon des modalités prévues avec le ministère de l'intérieur, ainsi qu'avec celui de la défense. Nous nous emploierons également à garantir la cohérence des actions lors de la rédaction des décrets.
En tout état de cause, M. Giraud et moi-même avons eu à coeur de répondre aux questions suscitées par ce texte, afin de bien montrer quelle était la logique suivie. Il est vrai que la réserve que nous mettons en place est très importante, puisqu'un million de personnes peuvent potentiellement être concernées, à savoir l'ensemble des professionnels de santé.
Cette réserve n'intervient pas dans les mêmes circonstances que les autres réserves. L'expérience a en effet montré qu'un certain nombre de besoins n'étaient pas suffisamment satisfaits. Ainsi, lors de la crise sanitaire survenue à la Réunion, où je m'étais rendu en janvier 2006, juste avant le pic de l'épidémie, j'avais jugé indispensable de compléter les effectifs. Des personnels sont donc venus relayer les professionnels de santé locaux dont le comportement a été exceptionnel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. C'est certainement ce qui a évité l'apparition d'une situation semblable à celle que nous avons connue en métropole lors de la canicule de 2003, le système hospitalier ayant pu tenir parce que nous avons anticipé la crise.
Des épidémies comme celle de chikungunya, qui ne sont pas de courte durée, nous montrent que l'on doit absolument prendre en compte la fatigue, physique et morale, des professionnels confrontés à des semaines de crise. Nous sommes obligés de revoir nos grilles de lecture en conséquence et d'intégrer ce facteur. Voilà pourquoi il est important de pouvoir renforcer les équipes, comme ce texte nous permettra précisément de le faire beaucoup plus rapidement.
En conclusion, je dirai à M. Paul Girod que je souscris tout à fait aux vues qu'il a exprimées. Le sujet important dont nous débattons ne fait pas forcément la une de l'actualité en temps normal, pourtant la maturité d'une société se juge aussi à la capacité de cette dernière à se préparer à faire face à toute éventualité.
En effet, ce qui nous est de plus en plus demandé aujourd'hui, ce n'est pas seulement de faire preuve de réactivité, c'est aussi d'anticiper au maximum.
Agir dans la transparence doit également être un principe incontournable si l'on veut éviter les phénomènes de psychose collective, dont vous avez souligné les dangers, monsieur Girod.
À cet égard, j'ai toujours eu à coeur, notamment dans l'optique de la préparation de notre pays devant les menaces de pandémie grippale, de dire les choses clairement. Ainsi, quand on montre qu'il y aura, le cas échéant, des médicaments pour tout le monde, qu'il ne sera procédé à aucune sélection ni à aucun tri, cela permet d'informer la population et de prévenir tout risque d'engorgements aux portes des pharmacies. Certains pourraient en effet penser que les premiers arrivés seront les seuls servis, ce qui n'est pas vrai. C'est la même logique qui a prévalu pour les masques, mais aussi pour les réservations de vaccins.
L'anticipation maximale, la transparence et ensuite la réactivité : voilà ce à quoi je crois. Nous nous donnons les moyens d'atteindre ces objectifs, mais je pense que de tels sujets ne doivent pas être réservés aux spécialistes. Ils passionnent nos concitoyens, et il serait bon que, au-delà des participants à notre débat de cet après-midi, les responsables politiques s'en saisissent, car c'est d'un véritable enjeu de société qu'il s'agit, et non pas simplement d'un enjeu de santé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.